démographie

EHPAD, au royaume des mémoires mortes

Ils sont là, rassemblés, silencieux, bien plus de femmes que d’hommes. Ils ne bougent pas, ils ne se regardent pas, ils ne se parlent pas, les yeux tournés vers le vide de leur existence. Ils sont dans une section sécurisée dont ils ne peuvent sortir, ils sont dans l’unité Alzheimer. Ils sont dans un EHPAD, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ils ont un numéro défini par la grille AGGIR (autonomie gérontologie groupes iso-ressources). Ils sont parfois GIR 1, dépendance totale, mentale et corporelle. Les maisons de retraite se font rares, beaucoup de vieux restent chez eux. Mais les établissements médicalisés fleurissent dans toute la France.

Il y a là ces cerveaux en marmelade, démence vasculaire ou maladie neurodégénérative. Ils ne semblent pas souffrir ou sont perclus de douleurs. Ils prennent des médicaments qui soignent d’un côté mais détraquent de l’autre. Pour la plupart ils sont sous anxiolytiques et autres calmants, c’est si long de se voir mourir à petit feu. Parfois ils peuvent se déplacer, mais ne reconnaissent plus leurs proches. Ils sont retombés en enfance, ils portent des couches, on leur fait la toilette, on les couche. Le plus souvent la mémoire immédiate est morte et seuls les souvenirs les plus anciens préservés. On croit que ses parents sont toujours présents alors qu’on a déjà plus de 90 ans. Ils étonnent souvent par leur sens de la répartie entre deux somnolences. Ils peuvent sourire, ils peuvent se dire heureux. Mais ils sont si souvent angoissés à chercher en vain un père, une mère ou une sœur décédés il y a bien longtemps. Ils veulent retourner chez eux, s’inquiètent de ne pas arriver à l’heure « au travail ». Ils paniquent à constater qu’ils n’ont pas un sou sur eux, comment manger, comment se loger… alors qu’ils ont pris totalement en charge. Il faut leur expliquer sans cesse ce qu’on leur a déjà dit quelques instants auparavant. Chaque salarié fait pour le  « mieux », selon son âme et sa conscience. Mais il longe parfois un mur, les yeux baissés, pour enfin quitter son poste sans devoir épauler une dernière fois une errance mentale qui reprendra trois minutes après leur départ. La nuit la « résidence » change de visage, moins de personnels, plus de résidents errant… qui attendent la mort, une délivrance finale.

L’euthanasie est-elle possible dans un Ehpad ? Une aide soignante a provoqué des décès, elle devra être jugée. Pourtant il y a toute cette zone grise entre l’euthanasie de personnes conscientes en fin de vie dont le choix est clairement exprimée et ceux qui sont en coma cérébral dépassé. Difficile de définir dans quelle case il faut être pour remplir les conditions en Ehpad d’une aide au grand départ. A quel moment la personne peut-elle exprimer son désir de mourir quand elle ne sait plus son âge et ne retrouve plus son lit ? Est-ce par un refus alimentaire adresser à l’entourage et aux soignants ce message indirect, « Je me retire de ce monde » ? Le refus alimentaire est un comportement difficile à interpréter. Y a-t-il vraiment « refus d’acceptation », c’est-à-dire acceptation du terme de sa vie qui permet à la personne de se réapproprier sa fin de vie ? Est-ce de toute façon acceptable par les proches et les soignants ? Les pensionnaires d’un Ehpad peuvent être alités plusieurs mois sous morphine et le médecin référent prétendre être contre l’acharnement thérapeutique : pas de soins médicamenteux nouveaux, pas d’hospitalisation ! Tant qu’on est nourri, lavé, nourri artificiellement à la cuillère ou à la seringue … le corps résiste… le corps subsiste… l’esprit n’est plus.

Quel avenir offrons-nous à nos anciens ? Pour qui, pourquoi ? Pour permettre à des institutions de faire leurs choux gras, le fameux « or gris » qui tente les investisseurs ? Il est plus confortable de confier nos anciens à une structure extériorisée plutôt que de les garder avec nous en famille. La question de l’euthanasie en Ehpad pose en définitive la question de l’accompagnement de nos anciens. Nous ne sommes pas prêts à leur dire « adieu », mais nous les mettons à l’écart. Il est plus facile de prolonger une vie en gériatrie que d’y mettre un terme. En matière de fin de vie comme en bien d’autres matières, le problème de nos sociétés qui ont voulu s’affranchir de toutes les limites est de discerner maintenant où sont les limites. L’écologie nous donne les prémices du raisonnement : nous sommes poussière et nous retournerons poussière.

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Les Suisses ont voté halte à « l’immigration de masse »

Une proposition de l’Union démocratique du centre (UDC, majoritaire au Parlement suisse) visait à instaurer des quotas à l’immigration et à renégocier la libre circulation avec l’Union européenne. Elle a été soumise au vote des électeurs suisses le dimanche 9 février. Les Suisses ont voté oui à la limitation de « l’immigration de masse » à une très courte majorité (50,3 %). Mais le taux de participation a été particulièrement élevé, atteignant 56,5 %, soit beaucoup plus que la moyenne de 44 % habituellement enregistrée en Suisse, preuve que le sujet a suscité beaucoup d’intérêt de la part des électeurs*. Les étrangers représentent déjà 23,5 % des habitants. Aucun pays n’atteint un tel taux en Europe. « Nous ne voulons pas fermer nos frontières, mais nous voulons les contrôler », affirmait le vice-président de l’UDC. Il y aura donc des plafonds annuels à l’immigration ainsi que des contingents pour les autorisations de séjour en Suisse.

Cette initiative populaire n’est que la première d’une série. Le peuple devrait en effet être appelé par la suite à voter sur une initiative de l’association ECOPOP(Ecologie et Population)  intitulée « Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles ». Le texte de ces écologistes propose de « limiter l’immigration nette en Suisse », à un taux de 0,2 % par an en moyenne. Philippe Roch, ancien Directeur de l’Office fédéral de l’environnement avait déclaré  en 2012 : « Il y a inadéquation entre la population et les ressources disponibles. Au niveau mondial, nous consommons l’équivalent d’une fois et demie ce que la planète peut produire. En Suisse, la population a doublé depuis la fin des années 1930. Malgré une situation économique favorable, nos espaces de liberté diminuent, notre qualité de vie est dégradée par le béton et les voitures. Sachant que la Suisse consomme trois fois ce que son territoire peut produire, nous sommes déjà au-dessus de la limite, alors qu’un excédent de 80 000 personnes s’installe chaque année. Ce n’est pas durable. » Avec une limite à 0,2 % par an, seules 16 000 personnes pourraient immigrer chaque année, alors qu’en 2013 environ 73 000 ont gagné la Suisse.

Petit problème, ces initiatives populaires remet en question l’accord avec l’Union européenne sur la libre circulation des personnes. Mais la libre circulation est loin d’être une constante historique. C’est ce qu’exprime un des chapitres d’un livre (à lire absolument) : « Contrairement à la conception commune selon laquelle la mobilité est une constante de la société humaine, nous constatons historiquement qu’il n’y a jamais eu libre circulation des personnes. Partout dans le monde ancien, les peuples donnaient un caractère sacré aux portes de leur territoire, village ou ville : aller au-delà impliquait toutes sortes de précaution. Même le roi de Sparte s’arrêtait à la frontière de la Cité pour y effectuer des sacrifices ; à l’extérieur était le domaine de l’étranger et  du combat. Jusqu’au XVIIIe siècle, seule une minorité de personnes se déplaçait : les soldats, les marchands, les aventuriers et les brigands. La masse de la population était peu mobile et le vagabondage proscrit ; on naissait, vivait et mourait dans le même village. Les frontières nationales érigées au XIXe siècle n’ont fait qu’actualiser cette constante humaine, la délimitation d’une appartenance territoriale. »**

* Le Monde.fr avec AFP | 09.02.2014 à 17h09

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la fin des migrations sur une planète close et saturée

Ce n’est pas l’identité européenne (ou française) qui est menacée par l’immigration, mais l’équilibre même des peuples avec leur milieu. Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut dialoguent de façon superficielle*. Il ne suffit pas de dire comme DCB que « l’Europe a une politique de forteresse qui ne fonctionne pas » en s’appuyant sur des événements dramatiques de « migrants à la mer ». AF a tort de laisser croire que les Français « vivent sous la menace constante de l’agression », le sentiment d’insécurité est artificiellement construit par de tels propos. Fermer les frontières ne veut pas dire stigmatiser ceux qui sont à l’intérieur de nos frontières.

Frontex existe depuis plusieurs années, c’est l’agence pour la protection des frontières extérieures de l’Union européenne. Le refus actuel de l’immigration est un acte raisonné, mettant en lumière que les nombreux immigrants jugés nécessaires pendant les Trente Glorieuses ne sont plus de mise quand le chômage devient structurel. DCB a tort de prôner le regroupement familial dans un contexte de crise alors que les enfants d’immigrés nés en France connaissent déjà de nombreuses difficultés d’intégration. AF souligne que « l’Europe, loin d’être une forteresse, accueille des centaines de milliers d’immigrants chaque année ». A un tel niveau d’entrants la question de la réduction des flux migratoires se pose absolument.

Un chapitre d’un livre* sur la surpopulation mondiale montre la fin inéluctable des migrations sur une planète close et saturée : « L’ère de La planète migratoire touche à sa fin. Les lois contre les étrangers se durcissent un peu partout, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, aucun espace géographique n’est à l’abri de la construction d’un mur à ses frontières. Des conflits d’espace vital et de ressources découleront encore plus, dans les décennies à venir, la non-acceptation des migrants (…) Les arguments comparant démographie et environnement sont d’ordre scientifiques, ils reposent sur la formule mathématique, I = PAT :  l’Impact de l’espèce humaine sur un territoire est déterminé, à Technique donnée, par sa Population et par ses Affluences (Activités, niveau de vie). Pour réduire les impacts I, il est donc nécessaire d’agir sur l’efficacité technique T, l’Affluence (réduire le nombre d’unités de production ou de consommation par personne) et la population P (réduire le taux de natalité… ou l’immigration). La décroissance matérielle devrait, sur un territoire dont on a dépassé la capacité de charge, s’accompagner d’une politique démographique qui agit tant sur la fécondité que sur les flux migratoires. » Achetez ce livre, pour une fois ça vaut l’investissement ! À commander dès maintenant à votre libraire local ou (à la rigueur) dans une librairie en ligne : Amazon ; Decitre ; FNAC

* LE MONDE du 2-3 février 2014, Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut confrontent leurs points de vue

** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie

(Éditions Sang de la Terre, 178 pages, 16 euros (en librairie le 17 février 2014))

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La décroissance est-elle malthusienne ? Vaste débat !

Clément Wittmann a été le candidat du mouvement des décroissants aux dernières présidentielles françaises (cf. son livre, Carnet de  campagnes d’élections volées) ; il n’attache aucune importance à la question démographique. Michel Sourrouille a été le coordinateur d’un ouvrage collectif sur l’urgence écologique de repenser la démographie : Moins nombreux, plus heureux (parution en librairie le 17 février prochain, vous pouvez déjà le commander à votre libraire préféré). Voici leur échange :

Michel Sourrouille : « Malthus était un écologiste avant la lettre. A la fin du XVIIIe siècle il mettait en évidence une constante historique : la population humaine avait tendance à augmenter plus vite que les ressources pour la nourrir. La littérature récente a pourtant choisi de ne parler presque exclusivement que d’agriculture. Certains pensent même qu’il nous faut oublier Malthus tellement son analyse est dénigrée. Dans le contexte de la littérature francophone, il est donc courageux d’aborder l’autre tenant de la relation population/alimentation, à savoir la maîtrise de notre croissance naturelle et migratoire. »

Clément Wittmann : « Il n’y a aucun problème démographique, la seule menace pour la planète ce sont les riches et leurs mode de vie. »

Michel Sourrouille :  « Je suis bien d’accord avec toi, le mode de vie des riches (qu’une large fraction du reste du monde veut imiter) est une menace pour la planète. Mais je ne vois pas pourquoi cela resterait « la seule » menace. Trop de gens dans un écosystème donné peuvent complètement détruire leur milieu sans forcément beaucoup consommer… L’écologie nous apprend l’interdépendance entre les phénomènes. »

Clément Wittmann : « Certes, mais comme le dit Serge Latouche, la planète peut supporter 23 milliards d’habitants qui vivent dans la simplicité volontaire ou la frugalité, ou 500 millions qui vivent comme des européens, des luxembourgeois ou des américains… »

Michel Sourrouille : « Une simple citation donne une vision superficielle d’un auteur. Serge Latouche pense clairement que « L’humanité devra impérativement maîtriser sa reproduction. » Voici sa conception* :

« Le démographe Alfred Sauvy est un bon représentant de l’optimisme démographique béat. La France, selon lui, pouvait facilement supporter une population de 100 millions d’habitants, et la Terre de 50 milliards. Selon son point de vue, une population abondante serait favorable à une forte croissance, elle-même source de bien-être pour tous. Mais si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance démographique ; une société de décroissance ne peut par évacuer la question du régime démographique soutenable. Le taux de croissance démographique mondiale est passé de 2 % à 1,3 %. Albert Jacquard fait simplement remarquer que, avec un taux d’accroissement de 0,5 % par an, la population humaine, qui était d’environ 250 millions il y a  deux mille ans, serait de 5000 milliards aujourd’hui. Sommes-nous surpeuplés ? Oui, incontestablement, si tout le monde devait consommer comme un Américain moyen. Mais à l’inverse, la pratique de la diète par le Burkinabé de base pourrait offrir encore une large marge de manœuvre. Alors que dans le premier cas la population devrait décroître pour atteindre 1 milliard d’individus, elle pourrait s’élever dans le second cas jusqu’à 23 milliards ! Quel est alors le chiffre de peuplement « soutenable » ?

                Le calcul de l’empreinte écologique montre que l’on a dépassé les capacités de soutenabilité de la planète en 1960. Or à l’époque, la Terre comptait 3 milliards d’habitants. Mais le fait de disposer d’une source d’énergie abondante  et bon marché, le pétrole, a permis un bond prodigieux, faisant passer la population mondiale à 6 milliards d’individus. La disparition de cette source non renouvelable nous condamnerait à revenir à un chiffre de population compatible avec les capacités de charge de la planète, soit à peu près le chiffre de la population antérieur à l’industrialisation (1 milliard en 1860). L’humanité devra impérativement maîtriser sa reproduction. »

* le pari de la décroissance, Fayard, réédition 2010

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contrôler la fécondité des pauvres, impossible obligation

« Pour certains défenseurs des droits de l’homme, il est injuste que les pauvres de ce monde aient à subir des programmes de contrôle des naissances, car, pris tous ensemble, ces pauvres laissent une empreinte écologique bien plus réduite sur la planète que la minorité des privilégiés. C’était sans doute vrai il y a un demi-siècle, quand les deux-tiers des humains étaient des paysans. Mais aujourd’hui, la plupart sont citadins – et la majorité de ces citadins sont pauvres. Aussi misérable le bidonville de Dharavi (ndlr : à proximité de Bombay en Inde) puisse-t-il paraître, cependant ses gueux sont de plus en plus équipés de téléphones portables. Et l’électricité qu’ils utilisent pour les charger est peut-être piratée, sa production n’en libère pas moins du CO2 dans l’atmosphère. L’hallucinante circulation automobile de Mumbai (Bombay) est devenue encore plus folle depuis l’arrivée sur le marché de la Nano de Tata Motors, propulsée par une moteur d’autorickshaw et conçue pour être vendue 1500 euros… afin que tout le monde puisse s’en offrir une (…) Les rues et les voies ferrées de Mumbai se hérissant d’immeubles d’habitations, sur des kilomètres et dans toutes les directions, l’empreinte cumulée de ces pauvres de moins en moins pauvres ne cessera de s’étendre sur cette région où vivait il y a encore un siècle une myriade d’animaux tropicaux. » (p.345)

David Brown : « Nous avons l’énorme avantage d’être l’espèce animale  qui en gère d’autres. Mais ça ne veut pas dire que nous gérons notre propre espèce. A vrai dire, nous avons déjà prouvé que nous en sommes totalement incapables. Gérer les humains, c’est impensable. Totalement contre-intuitif. Si vous allez au Darfour et voyez des gens mourir, vous leur apporterez à manger. Et leur natalité remonte. Si Haïti subit un tremblement de terre, vous y envoyez de l’aide et la procréation repart. Le redressement des populations entraîne inévitablement le retour des souffrances. Nous comprenons ce phénomène depuis déjà une centaine d’années, mais avons-nous changé de comportement pour autant ? Non. Parce que vous ne pouvez pas dire à Haïti d’aller se faire foutre, ni décréter que c’est un cas désespéré, qu’il faut cesser d’y envoyer de la nourriture parce que ce n’est pas dans son intérêt. Nous sommes comme ça. » (p.369)

L’idée de « gérer » l’espèce humaine comme si nous étions des animaux sauvages ou d’élevage nous choque. Pourtant, dans l’histoire de la biologie, toutes les espèces qui ont surexploité les ressources de leur environnement ont subi un effondrement de leur population, parfois fatal pour l’espèce entière. Sur cette Terre au bout du rouleau, nous ne vivons plus dans une étendue sauvage et illimitée : nous sommes dans un parc. Nous adapter à cette réalité est aujourd’hui la condition de notre survie. Sans quoi la nature fera le travail à notre place. Par exemple la nature nous privera de nourriture. Le risque qu’une épidémie de fièvre Ebola ravage nos populations est en effet bien moins élevé que celui de voir des pathogènes soufflés aux quatre coins du monde faire s’effondrer notre production alimentaire centrée sur quelques monocultures. (p.370 et suivantes)

extraits du livre Compte à rebours (Jusqu’où pourrons-nous être trop nombreux sur terre ?) d’Alan Weisman

première édition 2013 sous le titre Countdown. Our Last, Best Hope for a future on Earth ?

Editions Flammarion 2014, 430 pages, 23,90 €

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avorter, une nécessité sur une planète saturée d’humains

Sur une planète saturée d’Homo sapiens, il nous paraît raisonnable de permettre la contraception et l’avortement. Pourtant le pape François évoquait le 13 janvier la culture du déchet : « Malheureusement, ce ne sont pas seulement la nourriture ou les biens superflus qui sont objet de déchet, mais souvent les êtres humains eux-mêmes, qui sont “jetés” comme s’ils étaient des “choses non nécessaires”.  Par exemple, la seule pensée que des enfants ne pourront jamais voir la lumière, victimes de l’avortement, nous fait horreur. » Pourtant le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy veut une loi restreignant l’avortement aux seuls cas de viols et de mise en danger physique ou psychique de la femme. Pourtant en France une « marche pour la vie » a eu lieu le dimanche 19 janvier*. Les slogans ? L’IVG est un « attentat à la dignité humaine » et un « « génocide médical ». Leurs sweat shirts proclament « j’aime la vie ». Mais quelle vie ? Quelle vie sur une planète surexploitée, polluée, surpeuplée ? Quelle place laisse-t-on aux autres espèces dont nous prenons de plus en plus rapidement tout l’espace ? Aimer la vie à n’importe quel prix n’est pas aimer.

Ces militants pro-life ne sont certainement pas des écolos. Leur attitude applique sans réfléchir l’impératif biblique « croissez et multipliez », donnant à l’espèce humaine un droit exorbitant de pouvoir se développer en nombre bien plus que les capacités des écosystèmes le permettent. Ce tour de force ne peut réussir durablement ; un jour ou l’autre, les guerres, les famines et les épidémies ponctionnent le surplus de vies humaines. Cela veut dire qu’augmenter indûment le nombre de vies, c’est nécessairement augmenter le nombre de morts. Or, si des pays interdisent encore l’IVG, aucun ne s’interdit la guerre. Ce ne sont pas les néo-malthusiens qui sont des fascistes, ce sont ces intégristes qui n’ont d’autres arguments percutants que l’usage de la violence verbale ou même physique contre tous ceux qui veulent pour leurs enfants une vie digne d’être vécue.

A part une référence à un dieu qui n’a absolument rien dit (ni rien à dire) sur l’avortement, ces militants anti-avortement  manifestent contre la dignité de la femme, contre le fait de pouvoir choisir le nombre de ses enfants et de les accueillir dans un monde qui les attend. Ils ne sont pas pour l’épanouissement des enfants qui, forcés de vivre, ont de forte chance de ne plus savoir ce que vivre veut dire. Ils ne représentent rien du tout, à part leurs présupposés et leur absence d’analyse. Nous ne pouvons que leur conseiller de lire René Dumont, un malthusien éclairé. Et de se mettre à l’écoute de la Nature, ce dieu incarné.

* Le Monde.fr | 19.01.2014, Manif anti-IVG : « On souhaite que la France prenne exemple sur l’Espagne »

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L’urgence écologique de repenser la démographie

117 habitant au kilomètre carré. Les indices de surpeuplement d’une France de 66 millions d’habitants sont nombreux : taux de chômage officiel, chômage caché, empilement dans des immeubles, embouteillages monstres, consommation d’anxiolytiques, accaparement des terres agricoles pour les commodités humaines, une densité par superficie agricole utile qui explose, perte de biodiversité, etc. Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants et notre niveau de vie nécessite l’usage de plusieurs planètes… que nous n’avons pas  ! Si l’espérance de vie s’établit à 85 ans en moyenne pour une femme et 78,7 ans pour un homme, l’espérance de vie en bonne santé n’est que de 63,5 ans pour les femmes et à 61,9 ans pour les hommes (en 2010) avec une tendance à la baisse. Les communes périurbaines s’étendent jusqu’à 100 km autour de Paris, 50 km autour de Bordeaux, Toulouse et Lyon, 30 km autour de Nantes ou Montpellier.

Pourtant l’opposition reproche au gouvernement de mettre en péril le dynamisme démographique du pays. Pourtant les natalistes de l’INED sont heureux, la population ne baisse pas : l’indice de fécondité est passé à 1,99 en 2013, un niveau proche du seuil de renouvellement des générations. Pourtant les politiques sociales et familiales françaises privilégient encore la hausse des naissances. Pourtant même certains « décroissants » estiment que ce n’est pas le nombre de Français qui comptent, mais le nombre de leurs voitures.

Il est donc courageux d’envisager la décroissance démographique. C’est ce qu’ont fait  treize personnes dans un livre collectif « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)* ». Leur constat est simple : une population moins nombreuse faciliterait l’organisation sociale, le partage de l’espace, et donc l’émergence possible de relations apaisées entre humains et avec la nature. Ils ont aussi considéré que nous n’avons pas le choix, la crise à la fois socio-économique et écologique nous impose de réguler l’augmentation de la population. Il leur semble intenable que l’espèce humaine augmente de un milliard de personnes tous les douze ans environ sur une petite planète dont nous avons déjà dépassé les limites. À commander dès maintenant à votre libraire local ou (à la rigueur) dans une librairie en ligne :

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* Éditions Sang de la Terre, 178 pages, 16 euros (en librairie le 17 février 2014)

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Ariel Sharon est mort-vivant, Pauwels vivant est mort

Ariel Sharon survit depuis le 4 janvier 2006 sous respiration artificielle, à la suite d’un grave accident cérébral. Ariel Sharon est un patient qui coûte cher : 1,5 millions de shekels (296.000 euros) par an*. Son état vient de s’aggraver récemment, mais aux dernières nouvelles il est toujours « vivant », à savoir « en danger de mort imminente ». Emiel Pauwels, un Belge de 95 ans, qui était considéré comme « le plus vieil athlète » du royaume, est mort mardi par euthanasie après avoir « célébré » la veille son départ avec une centaine de proches : « Qui ne voudrait pas en finir avec du champagne en compagnie de tous les siens ? ». Emiel Pauwels était cloué au lit depuis quelques mois à cause d’un cancer de l’estomac en phase terminale**. La Belgique est l’un des rares pays à avoir depuis 2002 légalisé l’euthanasie active. Penser l’euthanasie doit accompagner le cheminement d’un écologiste. Voici ce que nous avons déjà exprimé sur notre blog :

l’aide au suicide constitue un droit légitime et écolo

…d’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun. Une fin de vie consentie vaut mieux que de se traîner d’hôpital en hôpital…

le fantasme de l’immortalité, une perte de sens

Ivan Illich est un penseur célèbre, décédé en 2002 des suites d’un cancer du cerveau qu’il a volontairement choisi d’assumer jusqu’au bout sans vouloir l’opérer. Le transhumaniste Laurent Alexandre est d’un avis contraire, il vise à « euthanasier la mort » pour vivre mille ans et plus…

aidons la nature avec la mort médicalement assistée

…alors que la procréation médicalement assistée est un détournement des mécanismes de la nature, la mort médicalement assistée fait le contraire. Il s’agit d’accepter sa fin de vie et d’enlever ainsi les effets nocifs d’un autre mécanisme technicisé inventé par les humains, les soins palliatifs…

assistance au suicide et liberté humaine

…pratiquons les « directives anticipées », cette possibilité offerte à l’individu de donner des indications concernant ses préférences thérapeutiques lorsqu’il n’est plus en état de les exprimer. Obligatoire en Allemagne, contraignant en Angleterre, c’est seulement un avis consultatif en France…

à quoi sert la vie humaine ?

…il me paraît plus sain d’empêcher la perte de biodiversité et l’extinction des espèces plutôt que de vouloir préserver la vie des humains qui ne servent plus à rien…

Alzheimer et droit de mourir dans la dignité

…on me dit qu’« elle a oublié de marcher », elle est en fauteuil roulant. Je ne sais pas si elle me reconnaît, on me dit que si, et aussi qu’on ne peut savoir ce qui se passe pas dans sa tête…

Euthanasie, le droit ultime

… LE MONDE du 6 mars 2009, sous la rubrique le livre du jour, résume Pitié pour les hommes. L’Euthanasie : le droit ultime de Denis Labayle. Toute l’argumentation repose sur l’affirmation de la liberté de choisir sa mort…

respect de la vie humaine

…dans le catéchisme pour adultes des évêques de France, on ne trouve que des présupposés, «  Puisque l’homme est créé à l’image de Dieu, la vie revêt un caractère sacré. » ou des contradictions « La vie terrestre n’est pas un absolu, comme en témoignent les martyrs. » Quant aux Evangiles,  ils ne disent rien sur l’avortement et l’euthanasie…

ADMD versus Axel Kahn

…dans son dernier livre, Axel Kahn critique sévèrement l’ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité) pour l’usage qui est fait du concept de dignité. Le problème, c’est qu’Axel Kahn ne peut pas définir le concept de dignité parce que c’est indéfinissable…

suicide de Gérard Horst (André Gorz)

…il s’est suicidé  le 24 septembre 2007 en même temps que sa femme, Dorine, atteinte depuis longtemps d’une affection évolutive qui s’est doublée d’un  cancer. L’écrasante beauté d’une communion dans le suicide de deux amoureux octogénaires…

* LE MONDE du 23 octobre 2011, La dernière guerre d’Ariel Sharon

** Le Monde.fr avec AFP | 07.01.2014, Le « plus vieil athlète belge » choisit l’euthanasie

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L’aide au suicide constitue un droit légitime… et écolo

Quand dépasse-t-on les limites en matière sociale ? Est-ce quand on autorise le mariage pour tous ? Quand on légalise la prostitution ? Quand on autorise la gestation pour autrui ? Quand on considère l’aide au suicide comme un droit ? Les débats actuels montrent qu’il n’y a aucune idée directrice en matière sociale, un interdit total peut se transformer en acceptation globale et réciproquement. C’est le jeu de la démocratie, un lieu vide qu’on peut remplir à sa guise. La grande nouveauté, c’est qu’on peut demander directement son avis à la population par l’intermédiaire d’une conférence citoyenne (dite aussi « de consensus »). C’est ce qui vient de se passer à propos de l’euthanasie.

Ils étaient dix-huit, choisis par l’IFOP, pour représenter la diversité de la société. A la demande du comité consultatif national d’éthique, ces personnes tirées au sort ont fait émerger une réflexion collective sur la fin de vie après avoir auditionné des experts. Leurs recommandations finales marquent une rupture*. Pour eux, il y a suicide assisté quand il y a consentement direct de la personne pour demander l’aide à mourir. Il y a euthanasie si la personne est inconsciente. Le panel a jugé la notion de sédation complexe car « elle constitue un aspect relevant essentiellement de la technique médicale et par là semble échapper à la maîtrise et à la responsabilité du patient ». La possibilité de se suicider par assistance médicale, reposant avant tout sur son consentement éclairé, constituerait un droit légitime du patient en fin de vie (ou souffrant d’une pathologie irréversible). Quand le consentement direct n’est pas possible, nos représentants préconisent une « exception d’euthanasie »*.

D’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun. Une fin de vie consentie vaut mieux que de se traîner d’hôpital en hôpital. Le point essentiel de la discussion devrait alors porter sur le poids moral et économique des spécialistes de la mort médicalisée. Il n’y a pas pire défenseurs de l’acharnement thérapeutique que certains spécialistes des soins palliatifs. Dans notre socité du « progrés technique », on naît dans la technique médicale, on vit dans la technique médicale, on attend que la technique prolonge la vie au-delà du raisonnable. Cela fait vivre des professionnels, cela prend aussi des ressources naturelles de plus en plus rares. C’est pour cela que la fin de vie devrait s’accompagner d’une « assistance » médicale réduite au minimum. Il est naturel de naître dans le lit parental, il est aussi naturel de mourir dans son propre lit. Retrouvons un peu de notre nature propre, perfectionnons ensemble notre sens des limites.

* Le MONDE du 18 décembre 2013, « L’aide au suicide constitue un droit légitime »

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vieillir n’est pas une charge insurmontable en Chine

En Chine, la politique de l’enfant unique connaît des amendements. Le 3e plénum du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois (novembre 2013) autorise les couples dont l’un des deux conjoints est lui-même un enfant unique à avoir deux enfants. L’auteur de l’article*, Isabelle Attané, est ouvertement anti-malthusienne : « A l’aube de ce XXIe siècle, de nouvelles contraintes démographiques se dessinent, et tout le monde s’entend sur le fait que la nécessité de contrôler les naissances n’en fait plus partie. » Point de vue convenu, elle vient de l’INED, un institut français ouvertement populationniste. Elle regrette que chaque Chinoise ait désormais moins de 1,5 enfant en moyenne, c’est-à-dire bien moins que le nombre théoriquement nécessaire (2,1) pour assurer le renouvellement de la population. Comme si une population de plus de 1,3 milliard de personnes devait nécessairement se stabiliser à ce niveau ! « 2,1 » est un chiffre mythique constamment rabâché par les natalistes.

L’unique argument d’Isabelle Attané : il faudrait « ralentir un vieillissement démographique qui s’annonce exceptionnellement rapide. » En 2050 un Chinois sur trois sera âgé de 60 ans ou plus. Ce seront alors 450 millions de personnes qui, en l’absence d’un système de retraites généralisé et performant, représenteraient une charge absolument insoutenable pour les actifs de demain. Si le problème est réel, augmenter le nombre de naissances ne ferait que reculer le problème puisque un jour ou l’autre ces personnes supplémentaires deviendront des retraités. Encore faudrait-il aussi que les actifs ne deviennent pas chômeurs. Or la croissance chinoise, à base de charbon et d’exportations, est extrêmement fragile, avec des conséquences déjà très négatives au niveau social et environnemental. La solution n’est pas d’ajouter plus de problèmes encore par un surplus de population.

Autrefois, partout sur la planète, les personnes trop âgées trop vieux pour occuper un emploi régulier travaillaient dans l’économie domestique où les échanges familiaux l’emportaient sur les forces du marché. Tous ceux qui auraient eu droit à la retraite , les plus de 60 ans selon les critères d’Isabelle Attané,  y participaient. La coutume de la retraite a été le résultat de l’ère de l’abondance. La fin de l’énergie abondante et bon marché signifie que de telles économies domestiques redeviendront nécessaires. La Chine n’a pas fait l’erreur d’une politique malthusienne de contrôle des naissances, elle fait l’erreur de promouvoir la croissance économique au prix de la destruction des communautés, de l’économie domestique et de l’environnement.

* LE MONDE éco&entreprises du 26 novembre 2023, Pékin devra adopter une vraie politique nataliste

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petit commentaire de commentaires anti-malthusiens

Le débat sur la question démographique est toujours passionné. Tellement passionné que même les écologistes institutionnels (les Verts ou EELV) ont refusé toute motion sur la question. Voici ce qui devrait être le point de vue majoritaire parmi les écolos sincères et ensuite quelques éléments de réponse envers ceux qui contestent les malthusiens (en faveur d’une maîtrise de la fécondité).

1) Une référence, le discours malthusien

– Malthus est un écolo avant la lettre, il appartient à notre histoire politique : il a montré l’interdépendance entre l’évolution démographique humaine et l’état des ressources naturelles, il a dit qu’il fallait agir contre la surpopulation.

– Malthus a été attaqué par les marxistes. Ceux-ci avaient confiance dans la révolution socialiste pour augmenter la production agricole, le nombre des humain importait peu. Malthus a donc été attaqué par des productivistes alors que la croissance rencontre aujourd’hui ses limites.

– La production agricole a temporairement vu ses rendements augmenter par la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium) et la révolution verte (semences à haut rendement, agriculture intensive). Cela n’a été qu’un palliatif à la loi des rendements décroissants en agriculture sur laquelle s’appuyait Malthus. Il y a aujourd’hui stérilisation des sols par l’agriculture intensive et misère paysanne.

– L’explosion démographique (un milliard d’habitants s’ajoute tous les douze ans dans notre biosphère) conforte aujourd’hui l’analyse malthusienne de l’évolution exponentielle de la population.

2) commentaire des commentaires possibles

– Certains croyants dénoncent Malthus et la régulation des naissances puisqu’ils appliquent la sentence biblique « croître et se multiplier ». Pourtant, si les femmes souffrent du machisme sexiste, c’est bien parce qu’elles supportent le poids de la religion et des pratiques rituelles. Etre anti-malthusien ne peut que renforcer les pratiques qui font du corps des femmes simplement une machine à enfanter.

– Certains veulent vomir quand on rapproche « pollution et surpopulation ». Il est vrai que 500 millions de nantis consomment les 3/4 des ressources… d’où l’importance dans les pays riches et pour les riches des pays pauvres de limiter leur fécondité de façon consciente. Mais cela n’exonère pas les pauvres de pallier à leur propres responsabilités. Une trop forte fécondité est une cause importante de raréfaction des ressources naturelles renouvelables dans un pays agricole en voie d’urbanisation trop rapide.

– Certains redoutent la « régulation autoritaire » des naissances. C’est nier l’histoire du malthusianisme qui a vu émerger à la fin du XIXe siècle un mouvement de libération de la femme qui s’est appelé néo-malthusianisme. Nous ne pouvons que soutenir le planning familial qui a découlé dans la deuxième partie du XXe siècle de ce mouvement au départ anarchiste.

– Certains voient déjà une « planète sans enfants ». Ce n’est qu’un fantasme, une espèce animale comme la nôtre aime faire l’amour et procréer. Mais il est vrai que les écologistes ont à se pencher sur la notion d’optimum démographique comme on se penche déjà sur l’extinction des populations animales et végétales.

– Certains espèrent au contraire la « transition démographique » (baisse simultanée de la mortalité et de la fécondité) qui découlerait « d’un tas de raisons », en fait principalement le développement économique. L’agronome et écologiste René Dumont estimait au contraire que les conditions actuelles de dénuement économique posent le problème démographique dans des termes différents de ceux qu’a connus l’Europe : « C’est quand la population s’emballe que s’amplifient les dégâts du productivisme, compromettant les moyens mêmes de production ». On n’a plus les capacités d’assurer les conditions du décollage économique. La vérité oblige aujourd’hui à reconnaître que la natalité n’appelle pas la richesse et le développement n’est pas au rendez-vous pour contenir la natalité. Dans un contexte de baisse de la mortalité et de pénurie économique, la croissance de la population resserre les mailles du sous-développement et aggrave la destruction de l’environnement. Il est déjà difficile de vivre  à 7 milliards, à plus forte raison à 9 ou 10 milliards comme il est prévu par les tenants de la transition démographique.

– Certains pensent que la surpopulation n’est pas un problème des pays riches comme la France. C’est oublier que le chômage est structurel et ne peut que s’amplifier (choc énergétique à venir), c’est passer sous silence que notre richesse actuelle découle du pillage des autres territoires, importation de pétrole, de tourteaux de soja, etc. Un pays fortement urbanisé comme la France, avec un secteur tertiaire exorbitant, est un pays très fragile pour résister à une crise qui se révèle à la fois économique (financière), sociale et écologique ; c’est à ce moment que nous prendrons conscience de notre état de surpopulation.

– Certains souhaitent « l’instauration à grande échelle du droit à pension » de retraite. Ainsi on n’aurait pas besoin de faire beaucoup d’enfant pour assurer ses vieux jours. Encore faut-il pouvoir trouver un financement durable. Le système de capitalisation du type anglo-saxon n’est viable que suivant la bonne marche des valeurs boursières, c’est donc un leurre. Le système de redistribution en France est mis en péril, nous ne comptons plus les plans de refinancement. Généraliser la retraite à tous les pays et pour toutes les générations est une tâche impossible.

– Certains croient que « le désir d’enfant ne se commande pas ». C’est nier le fait que nous sommes socialisés d’une certaine façon y compris dans nos pratiques sexuelles, que certains font des enfants « sans y penser » alors que d’autres ne veulent pas d’enfants pour un monde qui n’est pas en mesure de les accueillir dignement. C’est nier le volontarisme de la politique, qui devrait avoir son programme démographique, surtout chez « les Verts ».

Les capacités de l’agriculture à nourrir l’humanité sont nécessairement liées à une maîtrise volontaire et argumentée de la fécondité. La famine existe toujours en 2013, notre population croît encore de manière exponentielle, Malthus est donc de retour aujourd’hui… un écologiste devrait le savoir.

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Malthus mérite d’être réhabilité, n’en déplaise à certains

Commentaire d’un texte* de François Jarrige, « oublier Malthus »

Le mensuel La Décroissance avait l’habitude de dénigrer le mot « malthusien ». François Jarrige en fait une approche bien plus subtile, mais la conclusion reste la même : Oublions Malthus. La seule fonction de ce mot serait d’empêcher le débat, le malthusianisme étant considérée a priori comme une idéologie malfaisante par tous les croissancistes (et par certains décroissants).

Au lieu de mettre en évidence que Malthus était un écologiste avant la lettre, François insiste sur la réprobation « universelle » de la parabole du banquet alors que ce n’est qu’une image d’une sinistre réalité : quels sont les riches qui invitent habituellement les pauvres à leur table, nous aimerions les connaître ! D’autant plus que cette parabole décrit une autre réalité qui dépasse la lutte des classes. C’est un fait que le surnuméraire qui n’a pas de place, c’est la nature qui lui commande de s’en aller : sans maîtrise de la fécondité, il y a nécessairement tôt ou tard famines et épidémies (et même des guerres).

François Jarrige parle aussi des condamnations de la maîtrise de la fécondité par l’Eglise, les libéraux et même les socialistes. Une telle connivence a quelque chose de vraiment bizarre qui aurait mérité d’être dénoncé.

Pour l’agronome René Dumont**, à partir d’un certain seuil, la pression démographique conduit au déclin : « L’équilibre biologique est une notion à laquelle l’esprit toujours paresseux résiste. Sa nécessité est niée par une bien curieuse conjonction : celle des catholiques et des marxistesLes possibilités offertes par la nature sont limitées », écrit-il en 1966.

François Jarrige traite le message de Malthus*** de « pessimiste » alors que c’est un message foncièrement optimiste :

Comme d’autres aujourd’hui, Malthus écrivait pour que ce qu’il constatait, les méfaits d’une expansion démographique qui dépasse les ressources alimentaires, ne soit pas une constante de l’humanité : « Tous mes raisonnements et tous les faits que j’ai recueillis prouvent que, pour améliorer le sort des pauvres, il faut que le nombre proportionnel des naissances diminue. Il suffit d’améliorer les principes de l’administration civile et de répandre sur tous les individus les bienfaits de l’éducation. A la suite de ces opérations, on peut se tenir pour assuré qu’on verra une diminution des naissances… La petitesse de certains Etats fait bientôt connaître à tout homme capable de réfléchir la tendance qu’a la population à s’accroître au-delà des moyens de subsistance. Législateurs et philosophes ne perdirent pas de vue, comme font trop souvent les politiques modernes, un objet si immédiatement lié à la paix et au bonheur social. »

François Jarrige reprend l’argument à la mode selon lequel « le bien-être permis par la consommation de masse doit entraîner automatiquement une baisse de la fécondité ».

René Dumont estime au contraire que les conditions actuelles de dénuement économique et de crises écologiques posent le problème démographique dans des termes différents de ceux qu’a connus l’Europe : « C’est quand la population s’emballe que s’amplifient les dégâts du productivisme, compromettant les moyens mêmes de production ». On n’a plus les capacités d’assurer les conditions du décollage économique. La vérité oblige aujourd’hui à reconnaître que la natalité n’appelle pas la richesse et le développement n’est pas au rendez-vous pour contenir la natalité. Dans un contexte de baisse de la mortalité et de pénurie économique, la croissance de la population resserre les mailles du sous-développement et aggrave la destruction de l’environnement.

François Jarrige exprime aussi les réticences du mensuel la Décroissance : « Ici-même, la rédaction du journal s’était opposée aux vues d’Yves Cochet sur la question démographique, insistant sur le fait que cette dernière risquait de dissimuler les autres problèmes. »

C’est nier l’interdépendance des phénomènes. Dans un texte**** à paraître prochainement, Yves Cochet précise : « Au cours du premier semestre 2013, j’ai participé aux réunions du Conseil national du Débat sur la Transition énergétique Lors d’une des premières réunions du groupe de travail, j’ai tenté, en vain, de placer notre réflexion collective dans un cadre qui prenne en compte les facteurs les plus directs de la consommation d’énergie. Plus précisément, j’ai évoqué l’équation I = PAT, que l’on peut interpréter ainsi dans le domaine de l’énergie : « I » est l’impact des activités humaines sur l’environnement, en l’occurrence la consommation totale d’énergie, « P » représente la population du territoire examiné (le monde, la France…), « A » est la variable « affluence », c’est-à-dire la consommation moyenne d’énergie par personne, et « T » représente l’intensité énergétique de la production de biens et de services pour l’affluence. Bien entendu, des améliorations technologiques de l’efficacité énergétique peuvent réduire l’intensité énergétique représentée par le facteur « T » dans la multiplication qui constitue le second membre de l’équation I = PxAxT. Mais pourquoi se restreindre à ce seul facteur dans une réflexion politique d’ensemble sur l’énergie ? »

Mais le principal argument de François Jarrige se veut pragmatique : « L’accusation de malthusianisme vaut mort médiatique et politique… La référence à Malthus est piégée, elle vise avant tout à fermer la discussion et à empêcher tout débat sérieux… Lorsque certains mots ne permettent plus d’avancer sur le chemin de la compréhension du monde, mieux vaut simplement les abandonner. »

Adopter ce point de vue, c’est laisser libre cours aux populationnistes et aux natalistes, aux marchands de canon et aux exploiteurs des travailleurs, aux partisans de la soumission de la femme et à la fécondité précoce, c’est laisser la victoire aux discours imbéciles sans les avoir combattu. La décroissance est aussi malthusienne. Ne pas le reconnaître c’est d’une certaine façon abdiquer et oublier ainsi la loi des rendements décroissants en agriculture sur laquelle reposait principalement le raisonnement de Malthus.

Comment nourrit-on de plus en plus de gosses ? En surexploitant les sols et les ressources naturelles jusqu’à l’épuisement, en dégradant l’écosystème. Pour l’écologiste et agronome René Dumont, il n’y a aucun doute : « L’agriculture ne peut plus assurer la sécurité alimentaire mondiale… La loi des rendements décroissants des facteurs de production domine l’agriculture. » C’est aussi un des référents des décroissants, Nicholas Georgescu-Roegen*****, qui pouvait écrire : « L’humanité devrait diminuer progressivement sa population jusqu’à un niveau où une agriculture organique suffirait à la nourrir convenablement. Bien entendu les pays qui connaissent à présent une très forte croissance démographique devront faire des efforts tout particuliers. » Pour René Dumont, la seule bonne nouvelle en matière démographique, c’est la baisse de la fécondité dans les pays riches : « Moins les riches seront nombreux, moins ils détruiront la planète. » Le retour de Malthus est avéré. Tout cela, François Jarrige pouvait-il l’ignorer ?

* La Décroissance de novembre 2013 page 10, Oublier Malthus (François Jarrige)

** René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset

*** Essai sur le principe de population de Malthus

**** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie), ouvrage collectif à paraître aux éditions Sang de la Terre

***** La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas Georgescu-Roegen

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monde connecté et verrouillé, libre circulation en berne

Opposition un peu facile entre liberté des échanges de biens à l’échelle planétaire et planète cloisonnée et hérissée de clôtures, superficialité de l’analyse de Philippe Bernard (service International du MONDE*). Le journaliste prend pour postulat que la liberté d’aller et venir est un droit humain « solennellement célébré ». Contrairement à cette conception commune selon laquelle la mobilité est une constante de la société humaine, nous constatons au contraire qu’il n’y a jamais eu libre circulation des personnes. Prenons la Déclaration universelle des droits de l’Homme, elle est incomplète  : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Le philosophe Etienne Balibar a souligné le caractère ambigu de ce texte, il manque l’obligation pour tout Etat d’accepter l’entrée des étrangers ! Quant à la libre circulation des biens et des services,  Philippe Bernard oublie de dire que c’est une condamnation du protectionnisme au XIXe siècle par la toute puissante Grande-Bretagne… pour lui permettre d’asseoir encore plus sa puissance commerciale et politique. Il n’y a ni avantage absolu (Adam Smith), ni avantage comparatif (Ricardo) à échanger entre nations à des stades différents de développement, cela accroît au contraire la spécialisation, la dépendance et les inégalités. Il est aussi absurde troquer des voitures (ou des tomates) d’un pays contre d’autres voitures (d’autres tomates) d’un autre pays. Il est idiot de faire faire au yaourt des milliers de kilomètres.

L’argument le plus développé par Philippe Bernard est le paradoxe du contrôle aux frontières alors que « les réseaux transportent images, sons et idées en n’importe quel point du globe ». Il ne lui vient pas à l’idée que cela offre le moyen de parcourir le monde en restant immobile devant sa télé. La descente énergétique qui nous attend avec la disparition des ressources fossiles va nous obliger à vivre localement même si on pourra penser globalement avec Internet (et les journaux). Il soulève cependant un point important, la diffusion médiatique du niveau de vie des riches qui pousserait au départ de leur pays les populations démunies. Soulignons que ce type de consommation n’est pas généralisable, il faudrait plusieurs planète pour cela et nous ne les avons pas. Il faut lutter contre les inégalités de fortune et de consommation en prônant la sobriété, pas les migrations et la mondialisation du consumérisme. D’ailleurs le regard des pauvres sur les riches est le plus souvent un admiratif, pas contestataire. Quand LE MONDE** du même jour fait de la publicité gratuite pour le Trax, un SUV  « à prix accessible », il propage l’idée qu’il est normal que certains n’aient pas les moyens de se payer un vélo alors que d’autres peuvent dépenser au moins 19 200 euros pour se payer un Trax « made in Korea ». Vive la mondialisation de la publicité, le libre échange des voitures et l’abêtissement des masses…

Les écologistes et les journalistes devraient dire que l’immigration (et le libre échange) maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul démographique (et la délimitation des besoins), cette pression pourrait s’atténuer. Sinon il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par les transferts de population et par la libre circulation des biens, ce qui n’est pas durable.

* LE MONDE du 1er novembre 2013, Monde connecté, monde verrouillé

** LE MONDE du 1er novembre 2013, La longue marche de Chevrolet en Europe

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Surpopulation, la faute aux machos et autres sexistes

Les populationnistes approuvent-ils cela :

– Chaque année, 7,3 millions d’enfants naissent d’une mère de moins de 18 ans.

– Ce phénomène des maternités précoces augmente le rythme de la croissance démographique.

– « J’étais toute petite quand on m’a donnée à mon mari. J’étais si petite que je ne rappelle même pas quand c’était. »

La grossesse précoce n’est pas le résultat d’un choix délibéré, mais d’une violation des droits de l’adolescente qui, mariée de force à l’âge enfant, est privée d’accès à des soins de santé et à l’éducation.

Chaque année, quelque 70 000 adolescentes meurent de causes liées à la grossesse ou à l’accouchement.*

Les populationnistes (ou natalistes) sont prompts à dénigrer les malthusiens, ceux qui sont en faveur d’une maîtrise de la fécondité. Pourtant leur point de vue d’une fécondité sans frein amène aux guerres, à la famine, aux épidémies, à l’exploitation des travailleurs, à la dégradation des ressources naturelles, à l’extinction de la biodiversité… et au rejet de la dignité de la femme.

* LE MONDE du 1er novembre 2013, l’état de la population mondiale selon l’UNFPA

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sans énergie fossile, seulement 2 milliards d’humains

 Les deux tiers de la population sur Terre sont aujourd’hui en vie grâce au pétrole. C’est-à-dire qu’ils sont en vie grâce à la production industrielle de nourriture, aux installations sanitaires et à la médecine moderne, tout ceci reposant sur du pétrole. Sans pétrole, nous ne pourrions plus maintenir notre niveau de population ou notre niveau de vie. Sans la technologie pour faire face à la déplétion des ressources, le coût de l’énergie et des autres ressources prendront des parts de plus en plus importantes de notre richesse. Il y aura dès lors moins d’argent pour l’éducation, les infrastructures, la consommation…

Si le système de transports tombe en panne, à cause d’un manque d’énergie ou de finances, les villes n’auront plus de nourriture. Nous perdrions le plus gros de notre système médecine industrialisée. Une maladie comme l’appendicite, qui nous considérons insignifiante, serait à nouveau une cause horrible de mortalité. Nous dépendrions à nouveau directement de l’énergie solaire, et la plupart d’entre nous seraient paysans. Mais il n’y a pas assez de terres disponibles pour que chacun puisse les cultiver. Dans une économie de subsistance, l’instruction ne serait à nouveau accessible qu’aux plus riches. Les structures sociales ressembleraient à celles du Moyen Age. Il n’y aurait pas de démocratie, sauf peut-être dans quelques localités. En quelques années, peut-être 3 ou 4 milliards de gens mourraient. La population mondiale chuterait finalement à 2 milliards, contre 7 milliards aujourd’hui. L’espérance de vie tomberait à environ 40 ans.

Seulement quelques personnes se préparent à de telles perspectives. La plupart d’entre nous ne croit pas qu’un effondrement de notre civilisation est susceptible d’arriver. Sinon, nous aurions déjà besoin d’un permis pour avoir un enfant. Les humains n’ont pas évolué jusqu’à avoir la capacité de réfléchir sur de larges échelles, de temps ou d’espace. Chacun de nous a été socialisé selon les modes de pensée propres à une culture spécifique ; nous pensons que notre manière actuelle de vivre est normale, bien qu’elle soit en fait une aberration dans l’histoire humaine. Ce futur difficile va pourtant nous apparaître, que nous le voulions ou non. Nous sommes tous soumis aux lois de la physique et de l’économie.

Extraits de l’interview de Joseph Tainter par le mensuel La Décroissance (octobre 2013)

Son livre de référence, L’effondrement des sociétés complexes, publié en 1988 en anglais, est enfin publié en français (éditions Le retour aux sources – 196 pages, 26 euros)

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chronique d’une mort annoncée, Lampedusa

Un navire coule au large de Lampedusa, faisant plus de 300 morts parmi les migrants. Jean-Léonard Touadi, spécialiste des questions migratoires au sein du Parti Démocrate italien, n’est pas étonné par cette tragédie: « D’après les estimations, depuis 1988 environ 20 000 personnes ont péri en tentant de traverser la Méditerranée. Il y a une sorte de gigantesque refoulement. On ferme les yeux sur ce drame car les ouvrir signifierait qu’il faut s’interroger sur nos responsabilités par rapport aux échanges inégaux entre nos sociétés et ces pays, à une globalisation de l’injustice qui n’a pas suivi la globalisation des flux financiers et des marchés. Le flux ne tarit pas parce que les facteurs d’expulsion que sont les instabilités politiques, les conflits et la grande guerre de la pauvreté se sont aggravés. » Le pape François avait effectué sa première visite pastorale à Lampedusa le 8 juillet 2013. Il avait parlé de globalisation de l’indifférence : « Qui est responsable du sang versé par nos frères et sœurs ? s’est-il interrogé. Personne ! Aujourd’hui, personne ne se sent responsable. Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle. Qui de nous a pleuré la mort de ses frères et sœurs ? »

Sur lemonde.fr, les commentateurs ne sont pas tendres à l’égard des migrants et se défaussent de toute responsabilité :

– Indifférence générale ? Vue la présence de cet événement dans les médias je ne le crois pas. En fait ces propos ne visent qu’à me culpabiliser mais ils n’y arrivent pas : je ne suis pas coupable de la situation en Erythrée et en Somalie qui pousse ces malheureux à payer des maffieux 5 000 euros pour passer en Europe.

– Les grandes envolées lyriques et la culpabilisation des opinions publiques européennes n’apportent aucune solution: accueillir tous ces gens pour les entasser dans des bidonvilles aux portes de nos grandes villes n’est certainement pas la solution

– La plupart de ces migrants proviennent de la corne de l’Afrique où la croissance démographique est beaucoup plus forte qu’en Afrique du nord. En somalie le taux de fécondité est encore supérieur à 6 enfants par femme. La population du continent aura doublé d’ici 2050. La pression migratoire va devenir de plus en plus forte et L’Europe ne pourra pas accueillir tous les candidats au départ.

– Que faire? Pour mettre fin à de tels drames il n’y a qu’une solution: mettre en place, sans restriction, une navette sûre et gratuite entre Tripoli et Naples.

– Si je comprends bien, 20 000 morts en 25 ans c’est un drame immense? Pendant la même période, il y a eu en France 170 000 morts sur les routes…

Ces commentateurs ont-ils raison ? Sur une planète close et saturée, peut-on parler de la fin des migrations ?

*LE MONDE du 5 octobre 2013, « C’est un drame immense qui se joue dans l’indifférence »

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le sort des Roms en France ressort-il de l’écologie ?

Le ministre de l’intérieur avait estimé que les Roms « ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres » et qu’« une minorité de familles veut s’intégrer en France ». Cécile Duflot attaque son co-ministre manuel Valls, accusé d’aller « au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain »*.  Les commentateurs se déchaînent sur lemonde.fr contre Cécile : « Elle ne ressoude rien du tout. Elle divise l’équipe gouvernementale en difficulté. Elle parle des roms, pour éviter de parler du reste: taxe sur le diesel reportée, report de plusieurs mois les lois sur les nitrates, les algues vertes,….autrement dit ce qui est de son ressort » ; « Duflot critique Valls pour faire oublier les problèmes internes. Tout cela relève du théâtre médiatique » ; « Un joli coup? Mais alors d’une esthétique minable, de fête foraine. Si les Verts n’ont que Valls à se mettre sous la dent pour rester ensemble, tout est dit. Ce parti n’en est plus un. Il n’est qu’une coterie politicienne » ; « Bobo aux Roms : dessert dégoulinant et bourratif. A éviter ! » ; « J’ai entendu les propos de N. Mamère sur la firme. Quand j’observe la cabotinage des petits marquis d’EELV qui ont perdu depuis longtemps toute crédibilité, ne s’agit-il pas plutôt de la frime » ; « Je vais ressortir la bonne vieille blague : la pastèque verte à l’extérieur et rouge à l’intérieur. Les soi-disant « écolos » se mobilisent davantage sur des sujets comme l’immigration, les Roms, le mariage homo, etc. que sur l’écologie proprement dite. Ce parti est donc une arnaque totale… » Pas un seul intervenant pour approuver la sortie de Cécile Duflot.

Un autre article n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Ce n’est pas le débat stratégique que l’on retient de la crise d’EELV, c’est l’ambiance de haine recuite qui règne en son sein, les petits meurtres entre amis qui s’y commettent à intervalles réguliers, cet entre-soi que dénonce le député européen Daniel Cohn-Bendit lorsqu’il parle des « couples terrifiants qui règnent sur le mouvement ». Plus l’écologie s’impose comme l’utopie du XXIe siècle – nouveau mode de pensée, nouveau modèle de production, nouveaux comportements -, plus ceux qui en portent l’idée se rabougrissent, au point d’apparaître non seulement comme des mal aimables mais surtout comme des suicidaires. EELV doit se demander pourquoi le nombre de ses adhérents s’est réduit comme peau de chagrin. Il doit réagir vite car l’implacable phénomène de la bipolarisation est à l’œuvre, qui installe le mouvement non pas comme un parti souverain mais comme un satellite du Parti socialiste. La partie la plus radicale du mouvement écolo est légitimement fondée à penser qu’il faut poser la question de la participation au gouvernement. »**

Nous attendons des représentants de l’écologie en France qu’ils parlent d’écologie, toujours d’écolgie, seulement d’écologie. La tâche est facile, tout peut se ramener à une problématique écolo. Le sort des Roms est lié à ce qu’on peut penser des phénomènes migratoires, et les phénomènes migratoires sont en prise directe avec la difficulté ou non de vivre en symbiose avec son écosystème… La réussite d’un pacte républicain passe nécessairement par un pacte écologique : il faut obtenir les ressources nécessaires à son humanisme.

* 27 septembre 2013, Cécile Duflot ressoude les rangs écologistes

** 27 septembre 2013, le rabougrissement vert

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Procréer ou consommer, il va falloir choisir

 Le problème démographique dans sa complexité est enfin abordé publiquement par un intellectuel : « A quel niveau la population mondiale va-t-elle se stabiliser ? L’hypothèse médiane des Nations unies de 11 milliards d’habitants en 2100 est encadrée d’une hypothèse basse (6,5 milliards) et d’une hypothèse haute (18 milliards). Ce degré d’incertitude se double d’une interrogation majeure sur la qualité de ce que sera le modèle de consommation moyen de la population mondiale à cet horizon ? Le développement généralisé à l’Occidentale que l’on croyait être l’antidote par l’excellence à l’explosion démographique se retrouve le fossoyeur de la planète. Aurons-nous majoritairement adopté un modèle de consommation à l’Occidentale ou un modèle partagé de sobriété ?»* That’s the question!

La réponse de Stéphane Madaule est honnête : « Pour cesser d’être balloté de Charybde en Scylla, la solution réside peut-être dans une double rupture : un changement drastique des modes de production et de consommation afin de les rendre durables, c’est-à-dire beaucoup plus sobres en ressources naturelles ; une acception réelle de mises en œuvre de politiques de population qui régulent, dans le respect des libertés individuelles. C ‘est la démographie verte : maîtrise collective de la variable démographique considérée comme endogène et non plus exogène, associée à la maîtrise de la consommation. Il convient d’agir politiquement. Nos libertés futures en dépendent. »

Le diagnostic est bon, mais il fait l’hypothèse que les politiques humains peuvent être rationnelles alors que nous aimons par dessus tout nous entretuer, par le verbe ou par le glaive, plutôt que de raisonner. De toute façon, l’expansion exponentielle d’humains est principalement due à l’abondance énergétique fossile. Comme cette manne gratuite va se tarir, la descente énergétique s’accompagnera nécessairement d’une décroissance du nombre d’humains. Celle-ci se fera comme l’avait prévu Malthus quand nous ne sommes pas raisonnables : guerres, famines et épidémies. Dommage, nous aurions pu adopter une démographie responsable.

lemonde.fr du 26 août 2013, Evolution de la population mondiale: de Charybde en Scylla

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La chasse aux étrangers et immigrés a commencé

Les conflits d’espace vital et de ressources auront, dans les décennies à venir, des effets radicaux sur la forme que prendront les sociétés occidentales. Cela commence déjà. Illustrations !

Au Royaume-Uni, le premier ministre David Cameron s’est engagé à réduire l’afflux de migrants extra-communautaires. Une campagne de publicité, baptisée « Go Home », incite les illégaux à rentrer chez eux sous peine d’arrestation et de déportation. En Grèce, des hommes végètent derrière de hautes grilles surmontées de fils barbelés. Ce pays a été condamné onze fois en trois ans par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions de rétention des migrants, traités comme des criminels. En Russie l’opposant à Poutine, Alexei Navalny, veut enrayer l’immigration illégale et propose d’inciter les Russes à prendre les emplois tenus par les immigrés. Objet de la détestation populaire, les immigrés subissent même des raids punitifs de milices nationalistes. En Egypte, des inconnus tracent des croix sur les rideaux de fer des échoppes chrétiennes et des « Allah Akbar » sur les musulmanes. Plus tard des boutiques seront pillées et incendiées. En Corse, le président du conseil exécutif propose de limiter l’accès à la propriété pour les non-résidents. Cette suggestion trouve un large écho au sein de la population corse. Tous ces éléments sont issues d’un seul numéro du quotidien de référence*.

Il se pourrait qu’un jour le modèle occidental, avec toutes ses conquêtes en matière de démocratie, de libertés, de tolérance, de créations artistiques, apparaisse aux yeux d’un historien du XXIIe siècle comme un vestige incongru. Si du moins il y a encore des historiens au XXIIe siècle. Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins  évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Quand des hommes interprètent des problèmes comme menaçants leur propre existence, ils tendent à prendre des solutions radicales, telles qu’ils n’y avaient jamais pensé avant. Une fois un conflit défini comme opposant des groupes « nous » et « eux » comme des catégories différentes, les solutions de conciliation deviennent impensables, et cela a pour effet que ces conflits sont partis pour durer, en tout cas jusqu’à ce qu’un côté ait vaincu l’autre. Le fait de faire de groupes humains des catégories distinctes aboutit régulièrement au meurtre. Quelle sera la réaction d’un Etat le jour où augmentera le nombre de réfugiés chassés par leur environnement et où ils causeront aux frontières des problèmes massifs de sécurité ?**

* LE MONDE du 13 août 2013

** Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)

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bientôt 11 milliards d’humains, la catastrophe en marche

S’appuyant sur les tendances actuelles en termes de fécondité, de mortalité et de migrations, l’ONU retient trois scénarios faisant osciller le nombre d’individus à la fin de ce siècle entre 6,8 milliards et 16,6 milliards. Si l’on retient la variable médiane, la population mondiale friserait les 11 milliards en 2100*. En 1999, nous étions 6 milliards. Presque un doublement en cent ans ! Cela n’inquiète pas beaucoup de monde, médias, politiques ou intellectuels. Il faut dire que nous sommes tellement habitués à voir se multiplier le nombre d’automobiles que le nombre de conducteurs potentiels n’a plus d’importance. Ainsi va l’aveuglement des masses, bercés par l’abondance énergétique qui a facilité à la fois les déplacements de population et la mondialisation des denrées, l’agriculture chimique et l’irrigation, la conservation de la nourriture et Coca Cola en plein désert, le fast food et la hausse de l’espérance de vie. Tout cela va s’effondrer avec la descente énergétique qui va avoir lieu bien avant le tournant de ce siècle.

Ce qui veut dire que la population mondiale n’atteindra jamais 11 milliards à la fin de ce siècle, elle va chuter irrémédiablement. En effet l’humanité n’a jamais été à l’abri des guerres, des famines et des épidémies. A plus forte raison avec des villes tentaculaires qui deviennent des bidonvilles… facteurs de guerres, de famines et d’épidémies. A plus forte raison avec un réchauffement climatique qui va faire chuter les rendements agricoles. A plus forte raison avec des océans dont on a épuisé les réserves halieutiques. A plus forte raison avec la stérilisation des sols (béton et asphalte, salinisation des sols, perte de richesse biologique, etc.). Sans compter le stress hydrique, etc. C’est la très forte densité de la population rwandaise qui a joué un rôle fondamental dans le génocide subi par les Tutsi en 1994. Et le chômage croissant n’est pas un signe de stabilité sociale. Les émeutes de la faim ne font que commencer.

Robert Engelman, de l’Institut de recherche environnementale Worldwatch, pointe « l’absence totale de débat » des pouvoirs publics autour de la question de l’accès à l’information, de l’éducation sexuelle et de la contraception. Il dénonce aussi le « faible investissement des Etats en faveur d’une politique de planning familial performante ». Un  membre de Démographie responsable  écrit sur lemonde.fr : « Certains dirigeants, tels les présidents du Nigeria, du Pakistan ou du Malawi ou encore les premières dames du Burkina Faso et du Burundi, n’hésitent plus à appeler au renforcement des politiques de planification familiale : allons-nous encore longtemps rester sourds à ces appels ? »

* LE MONDE du 27 juillet 2013, Onze milliards d’habitants sur la planète en 2100

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