énergie

Le quadruplement du prix du baril, une bonne nouvelle

Pour les investisseurs, le scénario de la production de pétrole jusqu’à la dernière goutte reste le plus attractif. Pourtant l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans son rapport World Energy Outlook 2011, révélait que la combustion de l’énergie fossile produite actuellement et dans les années à venir par les équipements existants en 2010 provoquerait à l’horizon 2050 un réchauffement du climat de 6° C. L’AIE précisait que « notre économie planétaire ne pourrait absorber sans catastrophe majeure qu’une élévation de température de 2°C. » Aujourd’hui l’AIE croit nécessaire une hausse des investissements (capex) dans l’exploration-production de brut : « L’offre mondiale de brut pourrait avoir du mal à répondre à la demande peu après 2020. »* Notre société cultive les oxymores, l’illusoire union des contraires.

Il est vrai que nous vivons actuellement un contre-choc pétrolier, les cours du baril sont tombés de 114 dollars mi-juin 2014 à 55 dollars. La baisse des investissements qui en a résulté pourrait entraîner un début de pénurie et une nouvelle flambée des prix. Les « forces du marché » ne fonctionnent qu’à court terme. Quand l’Arabie saoudite ouvre les vannes, l’abondance de l’offre fait chuter les prix sans aucune considération de l’épuisement des réserves pétrolières qui reste un fait géologique, donc inéluctable. Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’OPEP avait dû faire face au développement accéléré de la production pétrolière en mer du Nord et en Alaska, une rude concurrence qui avait entraîné le contre-choc pétrolier des années 1986. Trente ans plus tard, il est certain que de nouvelles poches de pétrole ne se sont pas constituées sous terre, il faut des millions d’années pour fabriquer du pétrole sous terre. Il est aussi certain que si nous extrayons toutes les réserves fossiles possibles, le climat va s’emballer. De plus nous avons dépassé le pic pétrolier, le moment où nous avons atteint le maximum de production possible avant le déclin, comme l’avait déjà signalé l’AIE : « La production de pétrole conventionnel a atteint son pic historique en 2006, elle ne le redépassera jamais. » Et Donald Trump ne peut rien contre les réalités géologiques.

Ces considérations tendancielles ne touchent pas du tout l’AIE, ni aucune autres instances internationales qui devraient pourtant réfléchir à notre avenir. Seuls quelques individus lancent l’alerte. Michael Kumhof , co-responsable de la modélisation au sein du Fonds monétaire international (FMI), est pessimiste :  « Avec un déclin de 2 % par an des extractions, le prix du brut grimperait énormément, de presque 800 % au bout de 20 ans ! L’effet des prix du pétrole sur le PIB peut être non-linéaire. Cela signifie qu’au-delà de, mettons, 200 dollars le baril, beaucoup de secteurs pourraient être incapables de faire face. On peut penser aux transports : le fret routier, les compagnies aériennes et toute l’industrie automobile souffriraient très gravement d’un prix aussi élevé. Et puis il y aurait un effet domino sur d’autres secteurs de l’économie. Avec un prix du baril supérieur à 200 dollars, on entre dans un monde inconnu. » Or il est certain que le prix du baril pourrait atteindre de façon brutale ce niveau. N’oublions pas que lors du choc pétrolier de 1973, le prix du baril a quadruplé dans l’année. Et nous sommes aujourd’hui à 55 dollars le baril… Comme les conférences sur le climat n’ont servi à rien depuis 22 ans, comme les entreprises ne pensent qu’en termes de profit à court terme, il faudra attendre l’affolement des cours du pétrole pour que l’économie retrouve sa vraie définition, l’art d’économiser. Prévoyez dès aujourd’hui d’avoir besoin dans votre mode de vie le moins possible d’une voiture. Sinon, catastrophe !

* LE MONDE éco&entreprise du 9 mars 2017, L’AIE craint un nouveau choc pétrolier après 2020

Le quadruplement du prix du baril, une bonne nouvelle Lire la suite »

NégaWatt, rencontre avec Thierry Salomon

Les énergies fossiles posent quatre problèmes. Évidemment les problèmes de pollution et de dérèglement du climat. Ensuite celui de la finitude des ressources, qui va conduire les prix à augmenter. Troisièmement elles créent des tensions géopolitiques, leur appropriation est un enjeu majeur. Enfin la fausse abondance de ces énergies crée un effet d’éviction des énergies renouvelables. Elles sont concentrées, efficaces, faciles à utiliser, nous les avons sous la main et elles enrichissent une classe dominante.

Pourtant nous pourrions totalement nous en passer à condition de travailler assidûment à réduire nos consommations d’énergie. C’est le sens du mot négaWatt, l’énergie que nous sommes susceptibles de ne pas consommer. Est-il bien raisonnable de circuler en ville avec une voiture de 1300-1500 kilos pour transporter un bonhomme qui en pèse 70 ? Un calcul a montré que 2 réacteurs nucléaires en France servaient uniquement pour les appareils en veille. Nous devons réfléchir en termes de besoins, les classer selon une grille qui va de l’indispensable au nuisible, en passant par le nécessaire, le superflu… Et cette grille doit faire l’objet d’une législation. Ai-je vraiment besoin de me déplacer ? Quels sont les déplacements de loisirs et les déplacement contraints ? Ce qu’il faut, c’est intégrer dans l’ensemble de nos actes les externalités négatives, les conséquences néfastes de nos consommations d’énergie. Et nous avons besoin d’une régulation mondiale sur ces questions. La problématique du temps est importante, c’est une réorientation pour les trente-cinq ans à venir.

En France, on parle souvent d’énergie en l’assimilant à l’électricité, mais celle-ci ne représente que 20 % de nos besoins. Pourtant l’électricité représente 99 % de nos débats, notamment sur le nucléaire qui nous assurerait une prétendue indépendance énergétique. Or nous avons importé en 2011 pour 71 milliards de pétrole et de gaz, un budget supérieur à celui des ministères de la santé et de l’éducation réunis. Le taux d’indépendance énergétique de la France ne serait que de 9 % selon l’association Global Chance. La France est richement dotée en énergies renouvelables : deuxième gisement éolien en Europe, bonnes perspectives solaire, de la biomasse, des ressources hydroélectriques… Nous pourrions être autonomes pour produire les 40 % dons nous avons besoin, une fois les 60 % économisés. Les 71 milliards d’euros qui n’irons pas aux pays du Golfe ou à ce charmant M.Poutine seront réinvestis dan l’économie du territoire pour créer des emplois utiles.

Extraits de Demain, un nouveau monde en marche (partout dans le monde des solutions existent)

Domaine du possible 2015, 360 pages pour 22 euros (d’après le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent)

NégaWatt, rencontre avec Thierry Salomon Lire la suite »

Notre défi, 100 % de sobriété énergétique en 2050

Selon le scénario Négawatt de 100 % d’énergie renouvelable en 2050, le défi le plus difficile à surmonter est la réduction de la consommation, qui suppose des évolutions sociétales drastiques et des réorganisations industrielles extraordinaires. La recette du côté de la demande d’énergie ? La sobriété énergétique (lutte contre les gaspillages, adoption de modes de vie plus économes), et l’efficacité énergétique (amélioration des performances des logements, transports ou équipements). Ensemble, ces deux leviers permettraient de diviser par deux la consommation totale d’énergie en 2050. Un objectif ambitieux, voté par les parlementaires dans la loi de transition énergétique promulguée en août 2015. Du côté de l’offre d’énergie, l’objectif est aussi difficile à atteindre. Fin 2015, la part des renouvelables était de 14,9 % en France, la loi de transition énergétique prévoyant seulement de monter à 32 % en 2030. Et, si l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a elle aussi élaboré un scénario « 100 % renouvelable », celui-ci ne porte que sur la partie électrique, soit un quart du bouquet énergétique global de la France*. Notons que la sobriété énergétique est totalement absente des différents programmes des présidentiables 2017. Difficile pour un politique d’expliquer à ses électeurs qu’ils vont devoir se serrer la ceinture, prendre moins souvent la voiture, aller moins loin en vacances et se chauffer modérément en hiver. Même le scénario négawatt ménage les consommateurs en ne prévoyant pas la sortie de la voiture individuelle, mais un « parc de véhicules entièrement converti à l’électricité ou à des moteurs hybrides électricité-gaz. »

Pourtant, dans le Manifeste négaWatt de 2012, on indiquait déjà clairement que la notion de sobriété invite à nous interroger personnellement sur nos besoins, sur leur importance réelle ou supposée, ainsi que sur les priorités que nous pouvons établir entre eux. Il faudrait que chacun d’entre nous établisse une hiérarchie qui passe des besoins vitaux aux essentiels, puis indispensables, utiles, convenables, accessoires, futiles, extravagants et inacceptables. Chacun devrait se livrer à l’exercice en famille ou au travail, de façon à prendre conscience de l’impact de tel ou tel achat ou comportement. Il s’agit de faire jouer à plein ce qui est la contre-partie indissociable de notre liberté : notre responsabilité ! Prenons l’exemple de nos besoins de mobilité individuelle. Le principe de sobriété nous incite à les réduire en essayant de nous rapprocher de notre lieu de travail. Nous pouvons aussi recourir à un mode doux de déplacement, marche, vélo, rollers, trottinette… La sobriété dimensionnelle nous incite à éviter toute surpuissance inutile dans le choix d’un véhicule. La sobriété coopérative repose sur la mise en commun pour réduire les besoins : mutualisation des équipements, autopartage, co-voiturage, auto-stop. La sobriété d’usage consiste à limiter le niveau et la durée d’utilisation d’un appareil, conduite douce par exemple. Bien entendu la sobriété ne s’applique pas qu’à nos comportements individuels, elle doit guider nos choix collectifs, notamment l’aménagement de l’espace. Rien ne sera possible sans une adhésion pleine et entière de tous nos concitoyens.

Pour conclure avec Thierry Salomon, vice-président de l’association négaWatt : « Chaque année d’atermoiement obère notre avenir climatique et énergétique. »

* LE MONDE du 26 janvier 2017, La France pourrait produire 100 % d’énergie renouvelable en 2050

Notre défi, 100 % de sobriété énergétique en 2050 Lire la suite »

Compagnies aériennes, un jour le kérosène les tuera

Le transport aérien bénéficie d’un régime d’exception en étant le seul secteur dont le carburant est exonéré de toute taxe au niveau international. Pourtant, il pèse 3 % des émissions carbone mondiales. Ce chiffre n’est pas à négliger : si le secteur aérien était un pays, il serait le 7e pays le plus pollueur en termes d’émissions. Et la dynamique impressionnante du secteur, qui croît de 5 % par an, fait craindre le pire. Selon les projections, en 2050, ses émissions de CO2 pourraient être multipliées par sept par rapport à l’année 1990. Les négociations de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) diffèrent de celles de la COP21. Sur la méthode, il faut dénoncer avec force le manque de transparence des pourparlers. Cette opacité est intolérable, car on sait très bien que la mobilisation citoyenne est la meilleure alliée de la lutte contre le dérèglement climatique. Les intérêts des compagnies aériennes sont sur-représentés. Aucune mesure concrète ne sera prise avant 2021.* Quand le kérosène sera taxé, les compagnies pétrolières feront faillite. Il faut donc penser autrement, quelques auteurs nous le disent :

2005, James Howard Kunstler : « Les transports aériens deviendront une rareté ou la prérogative de petites élites toujours moins nombreuses. L’ère de l’automobile que nous avons connue aura pris fin. Les superficies asphaltées sont une insulte écologique incalculable. L’infrastructure d’autoroutes qu’on imaginait permanente se révélera n’avoir duré qu’à peine cent ans. Les gens qui ont fait des mauvais choix en investissant l’essentiel de leurs économies dans de coûteuses maisons de banlieue vont avoir de sérieux ennuis.». (La fin du pétrole, le vrai défi du XXIe siècle)

2006, Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique) : « Il paraît impossible de substituer aux énergies fossiles des ressources alternative en volume équivalent. Il faut passer à l’action sans perdre un instant car l’inertie de notre système économique (course au gigantisme des infrastructures de transport et de communication, extension du périurbain, explosion du trafic aérien à bas coût, dispersion des hypermarchés de périphérie, renforcement d’une agriculture productiviste…) ont besoin de quelques décennies pour se transformer radicalement sans chaos. Attendre serait proprement suicidaire ». (Pour un pacte écologique)

2010, Devinder Sharma : « L’idée que, pour devenir un véritable citoyen du monde, il faudrait rompre avec tous les enracinements particuliers qui nous définissent au départ est au cœur du système libéral. Il faudrait produire à la chaîne des hommes capables de consumer leur vie entre deux aéroports. Je me demande s’il ne faudrait pas parler de « gauche kérosène » plutôt que de « gauche caviar » pour désigner cette nouvelle manière mobile d’exister. » (Solutions locales pour un désordre global)

2014, Philippe Bihouix : « Je me prends à rêver d’une société dans laquelle, en arrivant chez des amis, au lieu d’apporter un bouquet virtuellement parfumé au kérosène, on proposera d’aller uriner dans le jardin potager de la maîtresse de maison pour rendre quelques nutriments à la terre et augmenter sa production légumière à venir. » (L’âge des Low tech )

* LE MONDE ECONOMIE | du 12 mai 2016, Émissions carbone mondiales : « Pourquoi l’aérien bénéficierait-il d’un régime d’exception ? »

Compagnies aériennes, un jour le kérosène les tuera Lire la suite »

Pomper jusqu’où ? Jusqu’au bout, malheureusement

Avant d’être ce liquide noir, sale et puant qui nous pollue l’existence, le pétrole est une des substances les plus prodigieuses que la vie sur Terre ait jamais crée. Pour produire chaque litre de pétrole, il a fallu que 25 tonnes d’algues métabolisent, pendant des millions d’années, l’énergie solaire qu’elles avaient emmagasinée avant d’être ensevelies. Après 150 ans de forages intensifs, on annonce maintenant l’épuisement de la ressource et notre entrée dans l’ère du pétrole extrême. Si le pétrole a nourri l’orgueil et l’arrogance des puissants, son emprise sur notre monde doit être brisée comme ont été brisées les chaînes de l’esclavage. Saurons-nous agir à temps, ou nous enfoncer dans plus d’inondations et de sécheresses pour enclencher une réelle libération ?

En 1957 l’amiral Rickover, père du sous-marin nucléaire, fit un discours qui donne à réfléchir. Il encouragea ses auditeurs à réfléchir sérieusement à leurs responsabilités envers « nos descendants », tous ceux qui connaîtront la fin de l’âge des combustibles fossiles : « L’immense énergie fossile aux USA alimente des machines qui font de nous le maître d’une armée d’esclaves mécaniques… Chaque conducteur de locomotive contrôle l’énergie équivalente de 100 000 hommes, chaque pilote de jet celle de 700 000 hommes… Nous dilapidons les ressources naturelles. Une bonne partie des étendues sauvages qui ont nourri ce qu’il y a de plus dynamique dans le caractère américain est désormais enfoui sous les villes, les fenêtres panoramiques ne donnent sur rien de plus inspirant que la fumée d’un barbecue… Quelle assurance avons-nous que nos besoins en énergie continueront d’être satisfaits par les combustibles fossiles ? La réponse est : à long terme, aucune… Un parent prudent et responsable utilisera son capital avec parcimonie, afin d’en transmettre la plus grande part possible à ses enfants. Un parent égoïste et irresponsable le dilapidera pour mener une vie dissipée et se moquera complètement de la façon dont sa progéniture s’en sortira… Vivre de façon responsable signifie économiser l’énergie et développer une culture de l’abnégation. »

extraits de L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

Pomper jusqu’où ? Jusqu’au bout, malheureusement Lire la suite »

ITER, Sarkozy ne sait même pas ce que c’est

Nicolas Sarkozy n’a rien compris à l’urgence écologique, l’organisation du Grenelle de l’environnement sous son quinquennat n’était que du vent. Il révèle aujourd’hui sa nature profonde, profondément anti-écolo. Sarkozy ne veut pas réduire la part de l’atome dans le mix énergétique, « il n’y a aucune alternative crédible à l’énergie nucléaire ». Sarkozy veut garder la plus ancienne centrale de France, Fessenheim. Sarkozy ne veut pas développer les énergies renouvelables. Sarkozy veut bien entendu exploiter le gaz de schiste. Sarkozy défend aussi de nouveaux investissements « pour développer une nouvelle génération de centrales »*. Veut-il dire par là que ITER est notre avenir ?

ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est un réacteur de recherche civil à fusion (et non à fission comme les réacteurs actuels) dont l’objectif est de combiner des noyaux lourds, ce qui libère une énergie similaire à celle produite par notre Soleil. Chantier pharaonique en cours à Cadarache, on oublie volontiers de dire que la vocation d’ITER n’est pas de produire de l’électricité, mais d’établir la faisabilité scientifique et technique de la fusion thermonucléaire. La technoscience veut nous faire croire qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour notre avenir énergétique, demain l’innovation va trouver : la preuve, elle cherche !! Le « premier plasma » n’est plus attendu qu’en 2025 au lieu de 2020, et les expérience à pleine puissance en 2035 au lieu de 2023**. De plus l’investissement nécessaire sera à la mesure de notre démesure. Le surcoût est déjà évalué à 4 milliards d’euros… pour un réacteur de recherche pure.

La Biosphère n’a pas besoin qu’on tripatouille ses atomes. L’espèce homo sapiens ferait mieux de lancer dans ses médias une grande campagne de méditation sur la vanité de la société thermo-industrielle.

* LE MONDE du 3 mai 2016, Nicolas Sarkozy joue la carte du nucléaire

** LE MONDE économie&entreprise du 3 mai 2016, brève sur l’énergie

en savoir plus : http://biosphere.blog.lemonde.fr/2007/05/02/la-technique-est-le-probleme-pas-la-solution/

ITER, Sarkozy ne sait même pas ce que c’est Lire la suite »

Le crépuscule fossile selon Geneviève Férone-Creuzet

L’enceinte politique des négociations climatiques ne pourra pas être le seul endroit où se jouera l’avenir de la planète. Et si notre meilleure option était tout simplement de compter sur l’aversion pour le risque des marchés financiers ? Depuis 2012, une ONG baptisée 350.org a lancé une coalition intitulée Divest-Invest (désinvstissez-Investissez). Le mouvement est bien suivi, plus de 200 institutions ont déjà décidé de désinvestir du secteur pétrolier en transférant  50 milliards de dollars vers d’autres domaines. Ce chiffre reste cependant faible au regard de la valorisation boursière des ressources fossiles estimée à 5000 milliards de dollars en 2014. Mais le think tank Carbon Tracker a établi une cartographie très précise des actifs et ressources fossiles. L’ONG met en garde les investisseurs contre un effet de bulle financière dans l’hypothèse où les États se décideraient à faire ce que les négociation climatiques attendent d’eux : contraindre le volume des émissions de GES (gaz à effet de serre). Au fil des ans, des sommes considérables sont investies pour découvrir et exploiter de nouveaux gisements. N’est-il pas absurde de poursuivre ces investissements dans une telle incertitude ? L’argent qui pourrait être injecté dans l’industrie des énergies fossiles, soit 6000 milliards de dollars, pourrait être ainsi purement et simplement perdu.

Rappelons, en se focalisant sur le seuil à ne pas dépasser des 2°C qu’il faudrait limiter le total des émissions de dioxyde de carbone à 1000 milliards de tonnes d’ici à 2100. Mais, si l’on brûlait toutes les réserves actuellement connues de pétrole, charbon et gaz, on émettrait 2860 milliards de tonnes dès 2050. Il faudrait ne pas utiliser entre 60 et 80 % des réserves pour respecter l’objectif des 2°C. Le problème financier, c’est qu’une grande partie de ces énergies est déjà cotée, ce qui signifie que les contrats qui permettent d’échanger les titres de ces entreprises investissant dans le secteur énergétique sont largement surévalués. L’agence de notation Standard & Poor’s  a évoqué une possible dégradation des notes de crédit  du secteur pétrolier. Certains marchés boursiers tels que ceux de Sao Paulo, Hongkong et Johannesburg sont inquiétants au regard du poids disproportionné donné au carbone par rapport à leur capitalisation. La production d’électricité carbonée à partir des centrales thermique au charbon est clairement sur la sellette.

Un scénario nous ramène un siècle en arrière, lorsque la transition vers la mobilité individuelle a accéléré la sortie des compagnies de chemin de fer hors des indices boursiers. Ainsi, alors qu’à son lancement en 1890 l’indice Dow Jones Industrial Average était intégralement composé de compagnies de chemins de fer, celles-ci avaient toutes disparu en 1914 au bénéfice des constructeurs automobiles. Lors de l’assemblée générale des actionnaires de BP qui s’est tenu au printemps 2015, environ 98 % des actionnaires ont apporté leur soutien à une résolution en faveur d’une prise en compte du risque carbone dans les prévisions de rentabilité du groupe.
source : le crépuscule fossile selon Geneviève Férone-Creuzet
Stock 2015, 250 pages pour 19 euros

Le crépuscule fossile selon Geneviève Férone-Creuzet Lire la suite »

No Triv, pas de forage offshore en Italie ? Perdu !

Officiellement, aucune licence d’extraction de gaz et de pétrole en mer n’est plus attribuée depuis 2006 en Italie. Mais les limites temporelles de l’existant étaient définies de façon imprécise par leur gouvernement productiviste : les compagnies peuvent  exercer leur activité « jusqu’à épuisement du gisement dans le respect des normes de sécurité et de sauvegarde de l’environnement ». Les subtilités du libéralisme économiques sont faites pour exploiter la planète au-delà de leurs limites ! Extraire du pétrole jusqu’où ? Jusqu’au bout !!!!!!

Le référendum italien du 17 avril 2016 avait pour objectif de trancher la question du forage offshore : les concessions attribuées par le gouvernement aux compagnies devaient-elles être limitées dans le temps, ou bien devaient-elles rester en activité, sans limite temporelle, jusqu’à épuisement du gisement. Vu l’obligation de laisser beaucoup de pétrole sous terre pour lutter contre le réchauffement climatique, la deuxième réponse n’avait pas lieu d’exister. De toute façon ce vote ne sera pas pris en compte. En effet, seul 31 % des 51 millions d’inscrits sur les listes électorales se sont rendus aux urnes. Loin, très loin, des 50 % requis pour atteindre le quorum et valider cette consultation*.

Notons pour conclure les atermoiements de la démocratie que les quatre-vingt-douze plates-formes de forage ne fournissaient en 2015 que 3,5 % de la consommation de gaz et à peine 1 % de celle du pétrole. Tout le pétrole et le gaz de la Méditerranée ne couvriraient que sept semaines des besoins énergétiques du pays, l’Italie est de plus en plus dépendante des importations d’énergie**. Notons surtout que forer sans limites est non seulement à contre-courant des objectifs de la COP21, mais que dépasser le seuil de 2°C de réchauffement climatique nous prépare l’enfer sur Terre. No drill, no triv, pas d’extractivisme, arrêtons les dégâts devrait devenir un mot d’ordre pour l’action écolo au niveau international.

* http://italie.blog.lemonde.fr/2016/04/17/matteo-renzi-sort-indemne-du-referendum-sur-les-forages-offshore/
** LE MONDE du 16 avril 2016, Référendum en Italie sur les forages offshore

No Triv, pas de forage offshore en Italie ? Perdu ! Lire la suite »

Le démantèlement super-compliqué de Superphénix

Lionel Jospin Premier ministre de Jacques Chirac, prononça cette phrase le 19 juin : « Le surgénérateur qu’on appelle Superphénix sera abandonné. » L’autorisation de mise à l’arrêt définitif du réacteur a été prononcée par décret du 30 décembre 1998. Mais déconstruire, çà ne s’improvise pas : on a dû apprendre ce qu’on ne savait pas faire.

L’année 1999 fut consacrée aux discussions concernant le démontage du cœur. Le déchargement des éléments combustibles du cœur a duré trois ans. Le cœur de Superphénix (13 tonnes de plutonium et 163 tonnes d’uranium) est maintenant coulé par seize mètres de fond dans une piscine appropriée. La destination finale des assemblages enlevés du cœur n’est pas encore arrêtée ! Deux gros chantiers polarisent actuellement l’attention des acteurs de la centrale Superphénix : la découpe des gros composants dont une partie trempait dans la cuve du réacteur ; et la transformation du sodium, dont la majeure partie était irradiée. Les ateliers nécessaires n’ont pas été prévus à la construction de la centrale. Le démantèlement du bloc réacteur doit s’achever en 2024. La démolition du bâtiment réacteur (80 m de haut, 60 m de diamètre) est prévue entre 2024 et 2026. Le sodium liquide remplit encore aujourd’hui la cuve dans laquelle trempait le cœur énergétique. Ce sodium primaire est maintenu à la température de 180 °C pour rester à l’état liquide. On réalise actuellement les derniers essais pour traiter le sodium, dans l’atelier flambant neuf TNA. Les premières gouttes de sodium n’ont été traitées (transformées en soude) qu’en juillet 2009. Le début de vidange du sodium primaire contenu dans la cuve est prévu pour novembre 2010. Le sodium secondaire est entreposé à l’état solide. Rappelons que le sodium présente l’inconvénient d’exploser au contact de l’eau et de brûler au contact de l’air.

En conclusion, Christine Bergé s’interroge non seulement sur le coût prohibitif de la déconstruction d’un réacteur, mais aussi sur l’avenir des déchets nucléaires : « Quelles archives laisserons-nous pour avertir du danger sur le site d’enfouissement de Bure, pendant les siècles qui suivront ? » Pourtant ce livre se veut neutre par rapport aux surgénérateurs ; n’importe qui ne peut pas étudier un réacteur en déconstruction…

Source : Superphénix, déconstruction d’un mythe de Christine Bergé

(les empêcheurs de penser en rond, la découverte 2010)

Le démantèlement super-compliqué de Superphénix Lire la suite »

Tchernobyl, trente ans déjà, nous n’avons rien appris

«Le temps s’est arrêté le 26 avril 1986 lorsque le réacteur 4 de la centrale V.I. Lénine, située à une quinzaine de kilomètres de la ville de Tchernobyl, a explosé, à la suite d’une erreur de pilotage. Dix jours durant, un panache de particules radioactives s’est répandu dans l’atmosphère. Trente ans après, des hommes tentent toujours d’enfermer le réacteur sous un nouveau sarcophage. Il faudra ensuite extraire, à l’aide de robots, les 1 400 tonnes de magma radioactif, puis démembrer pièce par pièce le réacteur. Cela prendra des décennies, au bas mot.

On ne sait pas combien des 600 000 « liquidateurs » de Tchernobyl, ces personnels civils et militaires mobilisés pour maîtriser le désastre, sont morts. Pas davantage combien de décès, de cancers, de malformations auront été provoqués dans les populations de la région directement contaminée, où vivent encore plus de 6 millions de personnes. Dans la zone interdite, les arbres sont gorgés de produits radioactifs et les terres souillées pour des siècles. Le césium 137 et le strontium 90 ne disparaîtront pas avant environ trois cents ans. Quant au plutonium 239, il perdurera des centaines de milliers d’années.

Tchernobyl n’a pas empêché Fukushima, et Fukushima n’évitera sans doute pas une autre catastrophe. En France, nous pouvons avoir des séismes ou des inondations supérieurs à ceux qui étaient prévus, des actes de malveillance contre une centrale… Penser que cela n’arrive qu’aux autres revient à ne pas tirer les conséquences d’un accident. François Hollande avait promis de baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50 % d’ici à 2025. Donc d’arrêter des réacteurs. Or le chef de l’Etat a renvoyé toute décision concrète au prochain quinquennat, et le gouvernement vient de décider d’injecter 3 milliards d’euros dans EDF pour consolider la filière nucléaire française.»

Nous relayons avec ces extraits l’article du MONDE du 26 avril 2016 (Les leçons négligées de Tchernobyl) et l’interview du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française, Pierre-Franck Chevet (un accident nucléaire majeur ne peut être exclu nulle part). Puisse le souvenir changer l’avenir. Puisse la sortie du nucléaire être la plus proche possible. Puisse Nicolas Hulot remplacer François Hollande en 2017…

Tchernobyl, trente ans déjà, nous n’avons rien appris Lire la suite »

Un impossible démantèlement des centrales nucléaires

C’est une polémique presque aussi ancienne que l’industrie nucléaire : la France a-t-elle provisionné assez d’argent pour gérer ses déchets radioactifs et démanteler ses installations, notamment les 58 réacteurs exploités par EDF ? La France a provisionné 23 milliards d’euros grâce à un portefeuille d’actifs, actions, obligations, biens immobiliers et de lignes à haute tension. Dans son rapport de 2014, la Cour des comptes restait sceptique : les révisions de devis « parfois significatives » sur des opérations en cours « font craindre des surcoûts pour les opérations à venir ». L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), indépendante du gouvernement, veille en effet à ce que toutes les normes de sécurité soient respectées, ce qui peut aussi entraîner des surcoûts.*

Mais là n’est pas le problème essentiel. En 2014, nous reproduisions sur ce blog un texte de Philippe Bihouix qui nous semble encore plus réaliste : « Même si le « provisionnement », l’argent mis de côté pour le démantèlement des centrales nucléaires françaises, est correct – ce qui fait largement débat -, cela n’a pas de réalité matérielle. Il s’agit de chiffres comptables et d’octets sur un disque dur. Ce n’est qu’un droit de tirage sur les ressources matérielles et humaines futures. S’il n’est pas utilisé immédiatement, et il ne le sera pas puisque tel n’est pas son but, il reste donc virtuel. Il faudra, au moment où l’on aura effectivement besoin pour réaliser les travaux de démantèlement, que la société tout entière ait les moyens matériels de les réaliser : en ressources (métaux, ciment, énergie abondante), en technologie (robotique, moyens de transports et de déplacements), en travailleurs motivés pour recevoir quelques radiations, si possible dans les limites dûment autorisées. Il faudra que l’ensemble du macro-système se soit maintenu, à l’horizon de plusieurs décennies, voire de siècles. Rien n’est moins sûr. Je fais donc le pari (facile, vous ne viendrez pas me chercher) que nous ne démantèlerons rien du tout. Tout au plus bricolerons-nous quelque peu les premières années, puis, au fur et à mesure de la paupérisation en ressources de notre société, des mesures plus simples, d’abord « provisoires », seront prises, puis les centrales seront finalement laissées en place, devenant de futurs territoires tabous. »** 

Notre société thermo-industrielle s’occupe uniquement de son taux de croissance dans le présent, pas du tout de ce qu’on laissera aux générations futures : une planète dévastée.

* LE MONDE éco&entreprise du 25 février 2016, Polémique autour du démantèlement des centrales

** L’âge des low tech (éditions du Seuil 2014, collection anthropocène, 338 pages, 19.50 euros)

Un impossible démantèlement des centrales nucléaires Lire la suite »

BIOSPHERE-INFO, bientôt la crise pétrolière ultime

Pour recevoir gratuitement ce bimensuel BIOSPHERE-INFO,
il suffit de s’inscrire à cette adresse : biosphere@ouvaton.org

Vivre sans pétrole, l’enjeu du XXIe siècle

« L’économie mondiale ne croîtra pas éternellement. Mais elle ne s’arrêtera que lorsque l’économie de Thomas Malthus écrasera l’économie de Joseph Schumpeter  – autrement dit lorsque les contraintes de ressources surpasseront l’innovation. » (Martin Wolf, Financial Times)

Les politiques s’intéressent marginalement au réchauffement climatique et pas du tout au pic pétrolier. Pourtant les quantités de pétrole commencent à plafonner au niveau de la production mondiale. C’est le début de la fin, ce que nous pouvons appeler la Crise Ultime, la Longue Catastrophe ou Pétrole-apocalypse. Des livres nous avertissent, des blogs nous interpellent… personne ou presque ne réagit ! Pire, le prix du baril est descendu à 27 dollars en février 2016 alors qu’il avait presque atteint 150 dollars en 2010. Notre réveil sera brutal, c’est ce que disait le livre prémonitoire de 1979 résumé ci-dessous.

1979 Vivre sans pétrole de J.A. GREGOIRE (Flammarion)

Note préliminaire : l’auteur du livre « Vivre sans pétrole », Jean Albert Grégoire (1899-1992), a eu un parcours atypique : joueur de rugby, champion de France du 100 mètres, docteur en droit et polytechnicien. Jeune ingénieur, il débute comme garagiste en 1925. En 1927, il fonde avec un ami la Société des Automobiles Tracta. Leur invention commune, le joint homocinétique Tracta rendit concevable la traction avant des automobiles. Des lycées professionnels portent d’ailleurs son nom en France.

Son livre de 1979, « Vivre sans pétrole », envisage tous les scénarios, les énergies de substitution au pétrole, l’amélioration de la technique de fabrication des automobiles, l’évolution des ressources pétrolières, la fusion et même le réchauffement climatique… Il pose la question fondamentale de l’arrivée prochaine de ce qu’il appelle la « crise ultime ».

Ce livre est d’une absolue actualité des décennies plus tard, des décennies trop tard. Dès le premier choc pétrolier de 1973 (quadruplement dans l’année du prix du baril), nous aurions du constamment préparer une civilisation post-carbone. (Yves Cochet). Dommage que nous soyons passés à côté de ce livre au moment des premiers chocs pétroliers, le futur va devenir beaucoup plus difficile à vivre puisque le rationnement n’a pas eu lieu dès cette époque. Voici quelques extraits recomposés de ce livre prémonitoire :

 » L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera. Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? Cette situation me paraît beaucoup plus inquiétante encore que celle des Français en 1938. Ceux qui acceptaient de regarder les choses en face apercevaient au-delà des frontières la lueur des torches illuminant les manifestations wagnériennes, ils entendaient les bruits de bottes rythmant les hurlements hystériques du Führer. Tous les autres refusaient de voir et d’entendre. On se souvient de notre réveil en 1940 !

Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai « crise ultime ». Nous n’en souffrons pas encore. Les premières ruptures sérieuses d’approvisionnement du pétrole la déclencheront. Alors on reverra, comme au temps de Suez ou de la guerre du Kippour, un brutal renversement de l’opinion, définitif cette fois. Il ne s’agira pas, comme on le croit et comme les économistes eux-mêmes l’affirment, de surmonter une crise difficile, mais de changer de civilisation. L’humanité devra passer de l’ère d’abondance factice à celle de la pénurie, de l’orgueil insensé à celle de l’humilité. Elle devra répartir des richesses qui, au lieu d’être infinies comme elle le pensait naïvement, lui apparaîtront à l’heure du bilan bien modeste en face de ses besoins. Les pays riches devront réduire leur train de vie, ce qui pour chaque individu représentera une contrainte douloureuse à laquelle il n’est aucunement préparé.

En avril 1977, le président Carter s’adresse par télévision à la nation. En général détendu dans son langage et ses vêtements, il surprend ce soir-là par son costume aussi sombre que ses propos : « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Puis il énumère les mesures d’économie. La revue Newsweek chiffre le gaspillage moyen d’énergie qu’il veut supprimer à plus de la moitié de la consommation totale. C’est une douche froide pour ce peuple si sûr de sa richesse et de ses immenses ressources. Sans largeur de vue, sans générosité, tous ceux qui sentent leur intérêt et même leur simple confort menacé se mettent à hurler. Le royaume automobile de Détroit, dont les experts comprennent pourtant la nécessité du projet, déclare la guerre au président Carter. Les syndicats de l’automobile suivent, le peuple suit, bien entendu. Carter ne perd pas quinze points de popularité, mais trente-cinq ; sa cote passe de 70 à 35 au début de 1978. Aucun gouvernement n’imposera les cruels sacrifices de la pénurie sans le consentement du peuple. Le peuple américain n’est pas mobilisable pour des sacrifices dont il ne voit pas la nécessité en un âge ou la technologie – et non l’austérité – lui paraît constituer la solution à tous les problèmes du monde moderne. On retrouve là les illusions fondamentales des penseurs du XIXe siècle. La science toute-puissante : erreur. Les réserves de matières premières inépuisables : erreur. Le progrès indéfini : erreur. La crise va se terminer : erreur. Car non seulement ce qu’on appelle crise va devenir l’état normal de l’humanité mais cet état imposera l’austérité.

Aujourd’hui nous consommons du pétrole comme nous respirons. Son manque nous paraît aussi inconcevable, aussi mortel que le manque d’air. Comme dans toute maladie sournoise, les symptômes apparaîtront tard. Jusqu’aux premières manifestations de la pénurie, la situation restera normale, l’humanité continuera à dilapider son irremplaçable richesse, les constructeurs continueront à augmenter leurs cadences et le parc mondial continuera à s’accroître. Mais l’économie est un colosse fragile créé par la civilisation du pétrole. Ce pétrole en est le sang, l’automobile son support le plus solide. Restreignez l’arrivée du « sang pétrole », une anémie pernicieuse envahira ce corps. Coupez le support automobile, l’équilibre du colosse sera d’autant plus menacé qu’en même temps les maladies endémiques, inflation, chômage, feront une poussée violente. Peut-on imaginer l’intelligence et le travail que devront déployer nos enfants, les souffrances qu’ils devront endurer pour faire tenir à peu près debout ce colosse chancelant ? Aujourd’hui, sans pétrole, l’infortuné ne saurait plus travailler dans ses usines, cultiver ses terres, circuler, s’éclairer, se chauffer, se loger, se vêtir. Sans lui, il ne saurait plus comment vivre…

Un affolement contagieux s’étendra sur la terre dès que le pétrole commencera vraiment à manquer. A partir de ce moment-là, selon que vous serez puissant ou misérable, vous aurez ou non du pétrole. Si le monde échappe à une guerre militaire, il sera plongé dans une guerre économique sans merci bien plus meurtrière puisqu’elle exterminera une partie du quart-monde par la faim. L’homme acceptera tous les sacrifices, se privera du superflu et même du nécessaire pour conserver son automobile. L’expérience de la dernière guerre où le ticket d’essence atteignait au marché noir des tarifs astronomiques l’a prouvé… Rationnement. Voici le mot lâché, ce mot qui indispose, ce mot qui fait frémir. Il ne faut pourtant pas hésiter à le prononcer et à l’écrire. Car le rationnement est inéluctable pour le pétrole d’abord, pour l’énergie ensuite. Les jeunes gens ignorent l’esclavage du rationnement qui traîne derrière lui le marché noir. Ceux qui ont vécu les guerres en connaissent les servitudes : restriction de circulation en automobiles, coupures d’électricité, restriction de chauffage dans les logements. Et combien d’autres restrictions… On ne peut pas en prévoir la fin.

Comment réagiront nos enfants ? Fureur de constater que leurs ancêtres ont gaspillé ce pétrole irremplaçable ? Ou désespoir de ne pouvoir assouvir ce besoin devenu héréditaire de rouler en automobile ? »

bibliographie sur le pétrole

1979 Vivre sans pétrole de J.A.Grégoire

2003 Pétrole, la fête est finie (avenir des sociétés industrielles après le pic pétrolier) de Richard Heinberg

2005 la fin du pétrole (le vrai défi du XXIe siècle) de James Howard Kunstler

2005 Pétrole apocalypse d’Yves Cochet

2005 la vie après le pétrole de Jean-Luc Wingert

2006 le plein s’il vous plaît (la solution au problème de l’énergie) de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean

2009 la crise pétrolière (analyse des mesures d’urgence) de Bernard Durand

2010 Manuel de Transition (de la dépendance au pétrole à la résilience locale) de Rob Hopkins

2011 Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole (Timothy Mitchell)

2013 La faim du pétrole (une civilisation de l’énergie vue par des géologues) de Pierre Mauriaud, Pascal Breton et Patrick de Wever

2013 La fin de l’abondance, l’économie dans un monde post-pétrole (John Michael Greer)

2015 L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Blogosphère :

http://petrole.blog.lemonde.fr/ le blog de Matthieu Auzanneau

http://www.avenir-sans-petrole.org/ le blog de Matthieu Thévard

www.manicore.com le site de Jean-Marc Jancovici

Sur notre BLOG biosphere

avril 2008 : Le pic pétrolier aux USA, en GB et en Russie

janvier 2009 : le pic pétrolier de la demande

août 2008 : la date du pic pétrolier mondial

novembre 2010 : le pic pétrolier dans le quotidien LE MONDE

novembre 2010 : après le pic pétrolier, le pic charbonnier

novembre 2010 : la date du pic pétrolier selon Bernard Durand

décembre 2010 : les livres consacrés au pic pétrolier

décembre 2010 : après le pic pétrolier, la crise ultime

décembre 2010 : pic pétrolier et décroissance démographique

février 2011 : le pic pétrolier vu par les politiciens

février 2011 : le pic pétrolier vu par Yves Cochet

février 2011 : le pic pétrolier vu par Jean-Marc Jancovici

février 2011 : le pic pétrolier vu par Bernard Durand

avril 2011 : laissons le pétrole sous terre

février 2012 : pic pétrolier, pic de la mondialisation, pic de notre civilisation

février 2012 : campagne présidentielle française et déni du pic pétrolier

décembre 2013 : Pic pétrolier : l’alerte ignorée d’un expert du FMI

mars 2013 : transition énergétique, rien sur le pic pétrolier

Un texte de Matthieu Auzanneau pour conclure

Un choc pétrolier (augmentation brutale du prix du baril et récession) succède toujours à un pic pétrolier (maximum de production) :

« Dans Or Noir (éd. La Découverte, 2015), j’ai tâché de montrer que loin d’être primordialement le fruit d’une crise politique, le choc pétrolier de 1973, sorte de mi-temps ou de solstice d’été dans l’histoire de la révolution industrielle, constitue fondamentalement (d’un point de vue physiciste, mais également historique), la conséquence directe et explicite du pic atteint en novembre 1970 par la production américaine d’or noir (p. 369 et suiv.).

J’ai en outre montré qu’au cours de cette séquence historique fatidique, parmi les économistes et financiers américains ayant plaidé auprès de l’administration Nixon en faveur de l’abandon de l’étalon-or (et du big bang de l’argent-dette) figuraient d’abord et avant tout des hommes de l’or noir (p. 360 et suiv.).

Tout se passe comme si avec la fin du système de Bretton-Woods le 15 août 1971, l’humanité avait échangé, comme mesure de la valeur économique, un symbole de rareté (l’or) contre un symbole trompeur d’abondance : l’or noir, ou « pétrodollar ». »

(2015 risque d’être l’année du pic pétrolier et des limites physiques de la croissance

BIOSPHERE-INFO, bientôt la crise pétrolière ultime Lire la suite »

Jamais le bois ne pourra remplacer les énergies fossiles

La centrale thermique de Gardanne est la plus grande centrale à biomasse de France, 150 mégawatts, soit la consommation annuelle de 440 000 ménages. Pour calmer les craintes exprimées dans les zones forestières de PACA, le préfet de région a revu en 2015 le plan d’approvisionnement de l’industriel, réduisant la part régionale de la ressource forestière de 160 000 à 83 000 tonnes. On redoutait les dégâts d’une exploitation de la forêt de type minier, et la déforestation des paysages. On ne valorise pas la chaleur produite, l’efficacité énergétique de la centrale n’est que de 40 % . Quelques associations de défense de l’environnement ferraillent. sur le sujet de la pollution de l’air par le rejet de particules fines et dénoncent un ballet quotidien de 250 camions. Mais le maire (PCF) depuis 1977 aime voir les cheminées fumer car « ça veut dire qu’il y a du travail »*. Le parti communiste n’a pas appris à ses militants la complexité des mécanismes écologiques, on s’en tient au soutien des travailleurs qui travaillent.

Les commentateurs sur le monde.fr font bien sentir que jamais le bois ne pourra remplacer les énergies fossiles.

– Le bois n’a jamais été et ne sera pas une source viable d’énergie. La révolution industrielle a démarrée en substituant le charbon de terre au charbon de bois, les ressources forestières étant insuffisantes pour alimenter l’industrie naissante. Aujourd’hui le problème reste le même, et les espèces à croissance rapide plantées par les sylviculteurs (eucalyptus, acacia) finissent par appauvrir les sols et menacer la diversité des arbres..

– Les énergies renouvelables ne sont intéressantes que dans un système de production diffus. Penser méga centrale, solaire éolienne biomasse ou autre chose, est une hérésie. Le logiciel périmé de nos décideurs, nous mène dans un autre MUR.

– Nous semblons découvrir le revers de la médaille des énergies dites « renouvelables ». C’est le commencement de la sagesse. Quel que soit le procédé, fut-il paré de toutes les vertus idéologiques, on ne produit pas 150 MW impunément et sans impacts. La seule énergie « propre » est celle que l’on ne produit pas.

– Cette matière première végétale serait mieux utilisée, pour le chauffage, dans des poêles à bûches (rendement, 80%).

– La centrale ne valorise pas la chaleur produite ! Cela veut dire que 60% du CO2 produit accentue l’effet de serre ! Il serait intéressant de calculer les montants des externalités négatives de cette centrale.

* LE MONDE du 9 mars 2016, Du charbon à la biomasse, la conversion contestée de la centrale de Gardanne

Jamais le bois ne pourra remplacer les énergies fossiles Lire la suite »

Une taxe carbone, passage obligé vers une société sobre

L’humanité est prise entre deux menaces, le réchauffement climatique et la déplétion des combustibles fossiles. Notre génération se trouve dans l’obligation d’anticiper et d’amortir ce double choc, si elle ne veut pas condamner l’humanité à subir les lois physiques de la nature. Imaginons qu’il reste suffisamment de pétrole, de gaz et de charbon pour prolonger encore longtemps l’ivresse énergétique : il y aurait renforcement de l’effet de serre et désastre climatique. De plus il paraît impossible de substituer aux énergies fossiles des ressources alternative en volume équivalent. Il faut passer à l’action sans perdre un instant car l’inertie de notre système économique (course au gigantisme des infrastructures de transport et de communication, extension du périurbain, explosion du trafic aérien à bas coût, dispersion des hypermarchés de périphérie, renforcement d’une agriculture productiviste…) ont besoin de quelques décennies pour se transformer radicalement sans chaos. Attendre serait proprement suicidaire.

Il n’y a pas d’autre solution que la réduction de la consommation énergétique globale. La communauté scientifique estime qu’il faut diviser par deux au moins les émissions planétaires de gaz à effet de serre d’ici 2050, en passant d’un peu plus d’une tonne de carbone en moyenne par personne à 500 kilos environ. Cela signifie une division des émissions par quatre en France (et pas plus de dix aux Etats-Unis). Avec l’objectif « facteur 4 », c’est d’ailleurs ce que le gouvernement français s’est engagé à mettre en œuvre. Pour ce faire, il faut introduire une taxe progressive et continue sur toutes les sources d’énergie à base de carbone. Faire baisser nos émissions annuelles de 3 % par an d’ici 2050, c’est possible. A titre d’illustration, et à partir d’un niveau initial de 40 euros pas tonnes de CO2 en 2010, l’augmentation serait de 80 euros par tonne de CO2 tous les dix ans dans le secteur des transports ; elle serait de 40 euros par tonne et par décennie dans le secteur résidentiel ; à 15 euros dans le secteur de l’industrie.

En renchérissant le prix de l’énergie fossile, on privilégie la responsabilisation de chaque producteur et de chaque consommateur, afin qu’il programme ses activités en évitant les surcoûts énergétiques. Des habitudes considérées comme « normales » (circuler en voiture à sa guise, brancher la climatisation, manger des tomates toute l’année…) devront évoluer dans le sens d’un civisme écologique. Or le principal déterminant de la consommation d’énergie, c’est le prix ou, plus exactement, la fraction de pouvoir d’achat qu’il est nécessaire de consacrer à l’énergie.

Source : Le pacte écologique de Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique)

Editions calmann-lévy 2006

Une taxe carbone, passage obligé vers une société sobre Lire la suite »

Dévoiturage : l’urgence de sortir du tout routier

L’activité des transports, dans laquelle le secteur routier se taille la part du lion (89 % des déplacements de personnes et 80 % du trafic de marchandises) progresse en France deux fois plus vite que l’activité économique générale. En développant un système global fondé sur la mobilité, la prééminence du transport routier façonne désormais tout le fonctionnement de la société. Moteur du dynamisme économique et de la mobilité individuelle, le trafic routier se présente en même temps comme une des causes principales du fameux effet de double ciseau : raréfaction de la ressource pétrolière d’une part et aggravation de l’effet de serre d’autre part.

L’aberration des modes de transports routiers est patente : une personne qui se déplace en ville avec une voiture consomme trois à quatre fois plus de pétrole que si elle empruntait les transports publics ; le transport longue distance par camion d’une tonne de marchandise consomme trois à quatre fois plus d’énergie que par voie ferrée. Toute rationalité semble exclue de nos déplacements en voiture. Alors que la vitesse admise est limité, 88 % des automobiles vendues aujourd’hui en France peuvent dépasser 170 km/h, un tiers pouvant même rouler à plus de 200 km/h. Comme le moteur d’une voiture est réglé en fonction de sa vitesse maximale, on consomme plus de carburant, on dérègle davantage le climat. Au vu des tendance actuelles, le nombre d’automobiles en circulation sur la planète pourrait doubler d’ici à 2020. En 2010, 1 015 millions de voitures ont été recensées aux quatre coins du monde, contre 980 millions en 2009. Plus de 1 milliard pour 7 milliards d’habitants. Aux Etats-Unis, royaume de la motorisation, le ratio culmine à 1 véhicule pour 1,3 Américain bébés compris.

Il n’y a pas de mystère, c’est à la déconstruction de ce monopole routier qu’il faut travailler, un dévoiturage massif. Il faut diminuer la puissance des automobiles mises en vente pour les rendre conformes aux limitations de vitesse (qui sont aussi des exigences de sécurité). Comme la réglementation technique des automobiles relève de la législation européenne (avis du Conseil d’Etat de juillet 2006), c’est au niveau de l’Union européenne que la décision doit être prise. A l’évidence, tous les Etats européens sont soumis aux mêmes impératifs de changements climatiques et de raréfaction des ressources pétrolières. Cette mesure pourrait s’accompagner d’une réduction de la vitesse maximal autorisée, la France faisant partie des pays européens où elle est la plus élevée.

Dévoiturage : l’urgence de sortir du tout routier Lire la suite »

des esclaves énergétiques invisibles pour les citoyens

« La vie facile offerte par l’esclavage expliquait cette absence de conscience (envers les esclaves), tout comme la vie facile offerte par le pétrole peut expliquer l’insouciance des Nord-américains. Les bruyantes souffleuses à feuilles, les dispendieux VUS et les rutilants téléphones intelligents dominent la vie moderne aussi complètement que le faisaient au XIXe siècle les domestiques des casas grandes brésiliennes. La plupart des consommateurs nord-américains et européens considèrent ces serviteurs inanimés comme des acquis et oublient facilement leur existence. Nous sommes encore moins conscients des services rendus par nos combustibles fossiles que nos ancêtres l’étaient de ceux de leurs esclaves. L’esclavage, après tout, était sous leurs yeux. Aujourd’hui, on ne fait que remplir un réservoir. Pas d’entretien constant du feu de bois, de fumée épaisse d’un bois trop humide, de raclage de cendres dans le four à pain, de charriage de lourdes charges sur les épaules, d’âne récalcitrant. Rien qu’à appuyer sur un interrupteur, tourner une clé, taper un chiffre sur le thermostat. Dans les quartiers riches aux Etats-Unis, on voit des femmes de 50 kilos conduire des voitures de près de 5 tonnes pour aller acheter une boîte de 500 grammes d’une préparation amaigrissante.

En 2009, une famille britannique fit l’objet d’une expérience énergétique subversive. Un dimanche, tandis que le quatuor innocent tripotait ses gadgets, une armée de bénévoles pédalait furieusement sur une centaine de vélos dans un local voisin afin de générer l’énergie nécessaire à la famille. A la fin de la journée, ces esclavagistes modernes furent pétrifiés de stupéfaction lorsqu’une équipe de télévision de la BBC leur présenta les esclaves épuisés qui avaient fait bouillir l’eau de leur thé. Il avait fallu 24 cyclistes pour chauffer leur four et 11 cyclistes pour faire griller deux tranches de pain. Plusieurs cyclistes s’étaient effondrés de fatigue. D’autres furent incapables de marcher plusieurs jours.

L’expérience visait à illustrer l’ignorance généralisée dans laquelle les consommateurs dépensent l’énergie. L’un des concepteurs de l’expérience, Tim Siddall, pense que l’esclavage reviendra lorsque les ressources énergétiques de la planète se raréfieront. »

Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

des esclaves énergétiques invisibles pour les citoyens Lire la suite »

Derrière le vote Front national, il y a un baril de pétrole

Le Front national est de plus en plus considéré comme un possible parti de gouvernement, ce qui signifie que même ceux qui ne franchissent pas le pas du bulletin de vote considèrent que d’être un peu radical est peut-être une bonne idée. Le cas le plus emblématique est celui de la Grèce, qui a vu arriver dans son parlement des néonazis (des vrais) d’Aube dorée. Un parti qui n’était jamais parvenu à faire à élire des députés depuis plus de vingt ans. Ce qui a changé, c’est le contexte. Suite à la crise de 2009, provoquée en Europe par un problème d’approvisionnement en pétrole, les fonctionnaires hellènes ont vu leur rémunération baisser de plusieurs dizaines de pour cent, et la part des adultes déclarant un emploi est passée de 50 % en 2008 à 39 % en 2013.

Ce qui se produit ici et là, en réalité, ce sont les symptômes d’une démocratie qui commence à buter sur le monde fini, alors qu’elle a essentiellement vu le jour et prospéré dans le monde en croissance. L’énergie abondante permet en effet d’augmenter la production de tout et n’importe quoi, donc d’augmenter la redistribution. A l’inverse, il est des libertés « démocratiques » qui ne peuvent plus s’exercer dans le monde fini. Comment décider « démocratiquement » que la surface de logement par personne doit rester stable, ou, pire, être réduite si la population augmente. Il est facile de voir que, dès qu’une assemblée élue est appelée à se prononcer, elle sait mieux s’accorder sur la manière de donner plus que sur la manière de donner moins. Cela va nous permettre de revenir au vote FN.

Depuis 2000, ce vote est maximal dans les couronnes périurbaines qui se situent de 30 à 50 kilomètres des grandes villes. Cette caractéristique est totalement indépendante de la présence d’immigrés ! Ce mystère cesse d’en être un si l’on revient aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’énergie. Moins les ménages gagnent d’argent, et plus ils habitent loin du centre, plus la distance qui les sépare de leur emploi est grande, plus ils sont au chômage lors d’une crise. Or le coût au kilomètre d’une voiture est de l’ordre de 30 centimes, le carburant compte pour 6 à 7 centimes. Derrière le vote Le Pen, on trouve donc un baril de pétrole. Tant que les élus dits républicains ne feront pas l’effort de comprendre que la condition première de réalisation de leurs promesses est une augmentation de l’approvisionnement énergétique, et que cette dernière est devenue impossible en France et en Europe depuis les années 2000, ils seront poussés à continuer à faire des promesses irréalistes, et feront ainsi le jeu des extrêmes.

La solution est simple, il faut montrer le lien entre la physique et l’économie, montrer la situation physique réelle du pays, ce que cela permet et ne permet plus. Il faut aussi mettre la décarbonation de l’économie au cœur des programmes politiques (même en France, les combustibles fossiles représentent 70 % de la consommation d’énergie finale). Si nous ne le faisons pas, cela va déboucher sur une récession structurelle avec le déclin de l’approvisionnement fossile. La seule manière d’échapper à l’extrémisme est d’avoir le sentiment que l’on reste maître de son destin. Il s’agit de passer d’un état de contraction subie à un état de stabilité gérée. Certes, tout changer est un plan à cinquante ou cent ans, mais n’est-ce pas d’un plan réaliste dont nous avons besoin aujourd’hui ? Arrêtons de prendre l’électeur pour un benêt en lui promettant monts et merveilles. De nombreux sondages montrent désormais que nos concitoyens ont bien compris que le temps de la corne d’abondance était révolu.

Source : Dormez tranquilles jusqu’en 2100 (et autres malentendus sur le climat et l’énergie) de Jean-Marc Jancovici

Odile Jacob 2015, 204 pages pour 19,90 euros

Derrière le vote Front national, il y a un baril de pétrole Lire la suite »

Le juste prix du pétrole, le même en 2009 et en 2016 !!!

Le « Juste Prix » fait penser à un jeu télévisé, The Price Is Right, aux multiples variations ! C’est dire si nous rentrons dans l’inconnu avec une telle expression. Mais le journaliste Jean-Michel Bezat* se contente de ce qu’il connaît, le jeu marchand de l’offre et de la demande : « juste prix du baril, prix qui assure la rentabilité des investissements de production sans tuer la demande de pétrole ». Donc pour faire plaisir à tout le monde, « un cours oscillant autour de 70 dollars ». Ce n’est que dans ses deux dernières lignes que Bezat se fait plus perspicace : « Une dernière composante intervient : la lutte contre le réchauffement climatique. Plus le pétrole est cher, plus les énergies alternatives et propres sont compétitives et moins les automobilistes sont incités à utiliser leur voiture. »

Rien de nouveau sous le soleil, Bezat avait écrit exactement la même chose… en 2009 : Sous la rubrique matières premières (29-30 mars 2009), il s’interrogeait doctement sur le juste prix du pétrole ou optimum économique. Avait-il la réponse ? Oui, il avait la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffisait au journaliste de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe. Mais n’occultons pas la conclusion que faisait Jean-Michel : « Le sursis que les pétroliers s’accordent ne fera que rendre plus difficile la résolution de l’équation climatique. » La même conclusion qu’en 2016 !

En fait Bezat ne considère que deux paramètres, un baril bon marché pour soutenir la demande ou un brut plus cher afin de poursuivre les investissements. Ni le journaliste, ni les pétromonarchies, ne s’interrogent réellement sur la raréfaction croissance du pétrole, le pic pétrolier imminent et le réchauffement climatique provoqué par la combustion de pétrole. Le long terme n’existe pas pour ces « spécialistes », rien ne vaut le bon temps du court et moyen terme. Mais les générations futures se passeront de pétrole, l’ère de la facilité se termine. Comme disait Colin Campbell dans LaRevueDurable (février-mars-avril 2008) : «  Ce que fournit aujourd’hui au monde l’énergie du pétrole, c’est l’équivalent de 22 milliards d’esclaves travaillant nuit et jour. La société vit grâce au pétrole depuis plus d’un siècle et doit maintenant  réaliser qu’elle devra se débrouiller sans énergie alternative aussi pratique à utiliser et facile à extraire. Bien sûr, on peut toujours remonter à cheval… »

* Le Monde.fr | 13.01.2016, Quel est le « juste prix » du pétrole ?

Le juste prix du pétrole, le même en 2009 et en 2016 !!! Lire la suite »

le pétrole, un Viagra pour l’espèce humaine

Marion King Hubbert est l’inventeur du terme « pic pétrolier ». En 1962, il rédigea un court traité sur l’énergie pour le gouvernement étatsunien. Il déclarait entre autres que notre exploitation des flux mondiaux d’énergie a également modifié l’équilibre écologique dans le sens d’une augmentation de la population humaine. Dans son rapport, Hubbert présente cette explosion démographique récente comme une dérogation sauvage à la norme. Pendant près d’un million d’années, la population humaine avait augmenté à un rythme si lent que le temps nécessaire à son doublement était d’environ 100 000 ans. Pendant la plus longue période de leur histoire, les êtres humains ont été moins nombreux que les babouins. Mais en 1900 la population mondiale atteignait près de 1,5 milliard d’habitants, et prit son essor avec un taux de 2 % par an (doublement en 35 ans). Cet événement n’a aucun précédent dans l’histoire humaine.

Hubbert exposa trois scénarios possibles pour l’avenir d’une espèce accro aux réserves finies d’hydrocarbures. Dans le premier scénario, la population humaine arrivait, avec quelques prouesses technologiques, à se stabiliser sous l’empire de l’énergie nucléaire. Dans le second, la consommation effrénée d’énergie conduisait à un surdépassement démographique puis à un effondrement spectaculaire, accompagné d’un niveau de vie inférieur. Dans le troisième, nous tomberions dans un état de confusion et de chaos, voir de guerre nucléaire, et subirions un déclin social. Hubbert conclut que le plus grand obstacle à une transition vers un monde stable était d’ordre culturel : «  Au cours des deux derniers siècles, nous n’avons connu qu’une croissance exponentielle et nous avons développé en parallèle une sorte de culture de la croissance, une culture si fortement tributaire de cette croissance exponentielle qu’elle est incapable d’envisager des problèmes de stagnation. »

Les combustibles fossiles ont surtout renforcé la révolution démographique en stimulant la production agricole et en facilitant le transport des récoltes. Des milliards d’être humains, assistés de leurs milliards d’esclaves énergétiques, exploitent la Terre comme s’il s’agissait d’une plantation de coton. La population humaine accapare 40 % des flux d’énergie végétale de la planète pour son alimentation. Elle consomme 35 % de la production biologique totale des océans. Les humains ont endigué, détourné et monopolisé 65 % des eaux douces de ruissellement du monde. Certains experts prédisent que ce régime pétrolier entraînera l’extinction de la moitié des espèces de mammifères d’ici 2050.

La plupart des modèles de croissance de la population mondiale montrent que notre forte consommation de ressources et d’énergie conduira à des mortalités massives entre 2030 et 2070. N’eût été la commercialisation des combustibles fossiles, estime le démographe Graham Zabel, la population humaine aurait plafonné autour d’un milliard : « Au cours des cinquante prochaines années, lorsque les dernières ressources pétrolières du monde auront été consommées, la population mondiale pourrait bien subir une baisse abrupte. » L’organisation britannique Population Matters voudrait faire passer la population du Royaume-Uni de 61 à 21 millions. Que se passera-t-il dans les pays dits développés si l’économie et l’Etat-providence se contractent fortement ? L’anthropologue Stanley Kurtz répond : « Il est probable que les gens se remettront à compter sur la famille pour assurer la sécurité de leur vieillesse. » Mais paradoxalement « avoir des enfants pourrait alors paraître beaucoup plus essentiel d’un point de vue personnel ».

Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

le pétrole, un Viagra pour l’espèce humaine Lire la suite »

Personne ne nous oblige à rester esclave de l’énergie

En 1957 l’amiral Rickover, père du sous-marin nucléaire, fit un discours qui donne à réfléchir. Il encouragea ses auditeurs à réfléchir sérieusement à leurs responsabilités envers « nos descendants », ceux qui sonneront la fin de l’âge des combustibles fossiles :

« L’immense énergie fossile aux USA alimente des machines qui font de nous le maître d’une armée d’esclaves mécaniques… Chaque conducteur de locomotive contrôle l’énergie équivalente de 100 000 hommes, chaque pilote de jet celle de 700 000 hommes… Nous dilapidons les ressources naturelles. Une bonne partie des étendues sauvages qui ont nourri ce qu’il y a de plus dynamique dans le caractère américain est désormais enfoui sous les villes, les fenêtres panoramiques ne donnent sur rien de plus inspirant que la fumée d’un barbecue… Quelle assurance avons-nous que nos besoins en énergie continueront d’être satisfaits par les combustibles fossiles ? La réponse est : à long terme, aucune… Un parent prudent et responsable utilisera son capital avec parcimonie, afin d’en transmettre la plus grande part possible à ses enfants. Un parent égoïste et irresponsable le dilapidera pour mener une vie dissipée et se moquera complètement de la façon dont sa progéniture s’en sortira… Vivre de façon responsable signifie économiser l’énergie et développer une culture de l’abnégation. »

Partout dans le monde des citoyens en quête de liberté font déjà revivre l’artisanat, mangent plus lentement, voyagent localement, cultivent des jardins, travaillent avec un souci de l’éthique, partagent leurs outils, bâtissent des communautés, et se gardent de la folie des grandeurs en matière économique et politique. Personne ne nous oblige à rester esclave !
Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk
Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros
Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

Personne ne nous oblige à rester esclave de l’énergie Lire la suite »