énergie

Fukushima, quand l’impossible est certain

Jean-Pierre Dupuy prônait un catastrophisme éclairé, « quand l’impossible est certain ». L’arrivée conjointe d’un tremblement de terre et d’un tsunami sur les centrales nucléaires japonaises a rendu son pronostic palpable : pour l’autorité française de sûreté nucléaire, l’accident de Fukushima a atteint un niveau de gravité au-delà de Three Mile Island (niveau 5) sans atteindre Tchernobyl (niveau 7). Le journaliste du Monde Hervé Morin nous explique qu’à Tchernobyl, le réacteur de conception soviétique ne disposait pas d’une enceinte de confinement avec une double peau de béton et d’acier, comme les réacteurs japonais. Mais il y a comme à Three Mile Island une fusion partielle du cœur qui entraîne un certain relâchement de radioactivité dans l’environnement.

Au-delà des explications techniques, ce qui doit être remis en question est le projet prométhéen qui caractérise la société industrielle, cette volonté de domination de la nature qui rend les hommes esclaves de leurs centrales nucléaires et autres gadgets. Dire que le ministre français de l’énergie, Eric Besson, traitait récemment les partisans de la sortie du nucléaire de « religieux ». Mais c’est bien Eric Besson qui se fait le servant du nucléaire. Jean-Pierre Dupuy écrivait en 2002 de façon prémonitoire : « L’évolution technique a une forte propension à s’enfermer dans des sentiers indésirables, d’où il est de plus en plus difficile de la déloger. Les signaux d’alarme ne s’allument que lorsqu’il est trop tard. Le malheur est notre destin, mais un destin qui n’est tel que parce que les hommes n’y reconnaissent pas les conséquences de leurs actes. C’est surtout un destin que nous pouvons choisir d’éloigner de nous. »

Entre Three Mile Island et Tchernobyl, entre Charybde et Scylla, il faudra encore bien d’autres catastrophes « naturelles » pour que les humains « choisissent » de sortir du nucléaire ET de la société thermo-industrielle…

Fukushima, quand l’impossible est certain Lire la suite »

LeMonde croyait au miracle Jatropha !

LeMonde* nous faisait croire au miracle. En février 2007, sa page « Futurs » nous plongeait dans les délices illusoires de l’espoir pour motorisés, le jatropha. En résumé : « C’est un arbuste à fleurs rouges qui prolifère dans les zones semi-arides. Non seulement il est très résistant, mais il donne annuellement deux à trois kilos de fruits dont est tirée une huile facile à transformer en biodiesel. Chaque graine contenant environ 35 % d’huile, on pourrait donc produire 2 litres de carburant pour huit kilos de récolte. Les biologistes de l’Institut indien de l’énergie et des ressources espèrent même améliorer la productivité du jatropha en lui inoculant des microorganismes pour que les racines nourrissent encore plus la plante. On pense même fabriquer un jatropha génétiquement modifié. L’avantage supplémentaire, c’est que la culture ne grignoterait pas les terres de l’agriculture nourricière : le jatropha pousse dans des endroits habituellement délaissés. »

Aujourd’hui en 2011, LeMonde** nous raconte l’inverse : « Comme n’importe quelle plante, le jatropha a besoin d’eau et de minéraux. Sur une terre aride, il survit, mais il ne produit rien. (Donc) les plantations accaparent les terres agricoles fertiles, privant les communautés pauvres de leurs moyens de subsistance et menaçant la biodiversité. L’arbre, importé d’Amérique centrale et disséminé à partir d’un petit nombre de boutures, présente une très faible diversité génétique, donc une grande vulnérabilité. Les industriels se sont lancés dans la monoculture industrielle d’une plante sauvage avant d’effectuer le moindre travail scientifique, c’était voué à l’échec. «

                Cet exemple particulier nous démonte les mirages dans lequel les médias entretiennent les citoyens. Ah, mais nous nous en sortirons, diront encore certains journalistes, grâce à l’hydrogène ! Ou à l’énergie nucléaire ! Ou à l’énergie gratuite produite par une invention « probable » de 36e génération! C’est là attendre après la potion magique. Plus nous attendrons, plus ce sera douloureux…Un journal de référence comme LeMonde  a une grande responsabilité face à notre avenir.

* LeMonde du 11 Février 2007, Une plante du désert pour remplacer les puits de pétrole.

** LeMonde du 6-7 mars 2011, Les mirages du jatropha, biocarburant « miracle ».

LeMonde croyait au miracle Jatropha ! Lire la suite »

LeMonde, PS ou Sarko, irréalisme pétrolier

Pour l’éditorial du Monde*, pas d’inquiétude, nous sommes préparés à une hausse du prix du baril. En fait, cette ligne idéologique consiste à faire comme avant, croire à des alternatives à l’énergie fossile qui n’en sont pas, comme le recours au nucléaire (60 ans de réserves d’uranium). Nous sommes dans le registre de l’incantation : « Il faut diminuer notre dépendance au pétrole », « il faut investir dans les autres sources d’énergie »… Pas une ligne sur le pic pétrolier et la raréfaction des ressources fossiles, pas un mot sur les nécessaires économies d’énergie, pas un regard vers l’inévitable changement du mode de vie. L’article** est un peu moins optimiste, il indique clairement que le baril durablement au-dessus de 110 dollars représente un risque pour la croissance, l’emploi et les ménages en précarité énergétique. Mais LeMonde ne conçoit pas encore que la hausse du prix du baril sera structurelle et que la croissance économique, c’est irrémédiablement terminé.

                En effet, dans une société croissanciste il est difficile de penser autrement. Nous nous rappelons encore Sarkozy qui voulait aller chercher la croissance avec ses dents. Aujourd’hui Martine Aubry prend le relais : « Une offensive de civilisation est fondée sur un autre modèle de croissance… Sans croissance on ne peut rien… ». Martine parle toujours de construire des logements sociaux, mais pas un mot sur l’efficacité énergétique de cet habitat. En définitive, rien sur le blocage énergétique que va rencontrer prochainement notre société. Ce n’est pas ainsi qu’un Parti dit de gouvernement nous prépare des lendemains qui chantent. A croire que Martine n’a pas écouté les avertissements de Jean-Marc Jancovici et Yves Cochet lors d’un colloque pourtant organisé par la branche écolo de son propre Parti ! A croire que les médias ne savent pas nous avertir que la fête est finie****, le baril de pétrole sera de plus en plus cher, qu’il y ait ou non des perturbations sociales en Arabie Saoudite !

* LeMonde du 3 mars 2011, Du bon usage de la hausse du prix du pétrole.

** LeMonde du 3 mars 2011, Le prix de l’énergie cristallise toutes les inquiétudes.

*** LeMonde du 3 mars 2011, Le livre-programme du PS.

**** Pétrole, la fête est finie de Richard Heinberg

LeMonde, PS ou Sarko, irréalisme pétrolier Lire la suite »

le pic pétrolier vu par les politiciens

Les politiciens envisagent le réchauffement climatique mais pas du tout la déplétion pétrolière et donc la crise économique et sociale qui suivra le pic pétrolier.

A. le silence des politiques

                Le premier choc pétrolier (suite au quadruplement des prix du baril en 1973) avait inspiré la campagne de René Dumont, candidat aux présidentielles de 1974. Les analyses du mouvement écologiste naissant restent d’actualité : « En surexploitant les combustibles fossiles, on vole les ressources des générations futures. » ; « Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV, nous luttons contre la voiture individuelle… »

De même en avril 1977, le président Carter s’adressait à la nation grâce à la télévision: « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Il propose d’économiser l’énergie. Mais sa cote de popularité est divisée par 2 (de 70 à 35 au début de 1978).

Ensuite le contre-choc pétrolier (la baisse du prix du baril) à partir de 1986 éloigne la problématique pétrolière des esprits. Les groupes d’étude du Grenelle sont restés muets sur cette question. Certes, un groupe a planché sur le thème « lutter contre le changement climatique et maîtriser la demande en énergie ». Mais dans le rapport publié, les économies d’énergie ne sont pas considérées comme une nécessité, simplement comme une solution pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Dans le groupe 2, sur le thème « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles », pas de discussion ! A croire que le pétrole n’est pas une ressource naturelle.

B. l’annonce d’une catastrophe par les analystes

Dès 1979, un ingénieur de l’industrie automobile, Jean Albert Grégoire, publie Vivre sans pétrole. Pour lui, « Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. » Il faut ensuite attendre 2003 pour que l’après-pétrole soit à nouveau analysé par Richard Heinberg dans Pétrole, la fête est finie. Un autre Américain, JH Kunstler, parle même en 2005 de la « Longue Catastrophe » qui accompagnera la déplétion pétrolière. La même année en France Yves Cochet est encore plus incisif, il envisage la pétrole apocalypse.

L’idée générale de tous ces auteurs est la même : plus nous attendrons, plus le choc sera terrible. Maintenant des rapports militaires, ceux de la Bundeswehr ou du Pentagone, se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier (voir le blog De Matthieu Auzanneau). Les citoyens commencent à s’inquiéter, que font les politiques alors que la descente énergétique est imparable ?

C. l’entrée du pétrole en politique

Un colloque « Pic pétrolier, quelles conséquences politiques pour 2012 » a eu lieu le 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale, dans la salle du groupe parlementaire socialiste. Ce jour-là, le pétrole est vraiment entré en politique : deux députés à la tribune, 7 ou 8 présents dans la salle. Plus de 200 personnes très intéressées, on ne pouvait pas plus, salle comble. Grâce à ce colloque qui était organisé par le pôle écologique du Parti socialiste, on ne pourra plus dire que les politiques étaient complètement indifférents à la problématique pétrolière. Maintenant la suite nous dira si les avertissements des intervenants du colloque, Bernard Durand, Jean-Marc Jancovici, Yves Cochet… ont été entendus !

le pic pétrolier vu par les politiciens Lire la suite »

le pic pétrolier vu par Yves Cochet

Yves Cochet * devant une salle comble ** : « Je n’ai pas une vision continuiste, il y aura un rupture, une catastrophe qui est pratiquement certaine dans les dix ans qui viennent, essentiellement à cause du pic pétrolier. Un effondrement au sens de Jared Diamond. Il est difficile de se rendre compte à quel point cela va changer nos vies. Même mes amis écolos pensent que cela va continuer, business as usual. Les candidats aux présidentielles programment encore une croissance retrouvée pour payer la dette, le déficit de la sécu… C’est, au minimum, irresponsable. Je ne suis ni pour ni contre la décroissance économique, elle est là. Il y a moins d’un mois, on a voté un budget prévisionnel avec un taux de croissance de 2,5 % en 2014 ; c’est du délire verbal. Cette croissance est objectivement impossible, les intervenants précédents l’ont démontré. On avait  voté 1 % de croissance pour 2009, nous avons obtenu – 2,6 %. Fillon et Lagarde ne savent pas dans quel siècle nous sommes. Le gap, le fossé entre ceux qui voient le pic pétrolier et les autres est immense. Mais quand demain on ne sera pas si on aura ou non de l’eau potable et si nous aurons à manger pour nos enfant, alors on ne pourra que prendre conscience de la réalité.

                Je dis à mes amis socialistes, les choses sont très sérieuses. Il faut lire les rapports du Pentagone et de la Bundeswehr, alarmistes, et les assureurs, encore plus alarmistes ; ils font des analyses que j’aurais du mal à faire, on me traiterait de fou ou d’extravagant. Mais les militaires savent ce qu’est la sécurité et les assureurs savent compter. Il faut les écouter, et non ces politiques qui disent « votez pour moi, cela ira mieux demain ». Pour la 1ère loi d’orientation sur l’énergie, ici à l’Assemblée nationale le 19 mai 2004, j’ai proposé plus de 150 amendements dont la plupart avaient trait au peak oil. Il y avait des députés qui ne savaient pas de quoi  il s’agissait, il y a même un qui a dit : « Quoi, la picole ? ». Un autres confondait déplétion pétrolière et dépression. Le ministre de Bercy, Sarkozy, lisait Paris Match et pensait sans doute que j’avais un delirium tremens. J’ai défendu pendant plus de trois heures mes amendements pour une loi qui est encore en vigueur actuellement, personne n’a écouté. Est-ce que la prise de conscience a augmenté parmi mes collèges depuis 2004 ? A mon avis epsilon, presque rien !

                Une politique responsable qui serait définie en 2012, et là je pèse mes mots parce que c’est grave, c’est minimiser le nombre de morts. Promettre « on va retrouver la croissance », ça c’est irresponsable. Le problème dans nos sociétés riches, les pays de l’OCDE, c’est qu’on est des drogués sans le savoir, addicts au pétrole, et comme on est des drogués, c’est impossible de se sevrer rapidement. Or on ne peut pas tenir plus de deux ou trois jours sans pétrole. Il faut voir cela comme une psychopathie collective. Comment soigner les malades que nous sommes, c’est-à-dire plus d’un milliard d’êtres humains, quand d’autres en Chine, au Brésil ou en Russie veulent imiter notre modèle ? D’où la difficulté politique.

Il n’y a pas de substitut au pétrole. Mes amis écolos veulent développer les éoliennes, Sarkozy a lancé du côté de Saint Nazaire un champ d’éoliennes off shore. Mais l’éolien ou le photovoltaïque, ce sont des sucettes pour faire plaisir à certains. Il faut voir que les ordres de grandeur entre l’énergie fossile et le renouvelable est incommensurable. Si en 1974 on avait tout misé sur l’énergie renouvelable au lieu de lancer le programme électronucléaire avec le plan Messmer, on pouvait s’en tirer. Aujourd’hui, être pour ou contre le nucléaire, pour ou contre les éoliennes, ce sont des questions platoniciennes, essentialistes. On est dans le temps de l’histoire et nous n’avons plus le temps, le compte à rebours est amorcé. L’ancien ministre de Carter, Robert Hirsch, évoque un krach program, un programme de guerre, une mobilisation générale. Il faut un électrochoc car l’énergie est à la base de tout. Plus on attend, plus ce sera douloureux. Comment peut-on vivre avec moins d’énergie ? Je propose quatre solutions :

          l’autosuffisance locale et régionale, qui permet la transition, la résilience, la résistance au choc pétrolier ;

          la décentralisation géographique du pouvoir ;

          la relocalisation économique ;

          une planification concertée et des quotas, c’est-à-dire un rationnement. Il ne faut pas avoir peur des mots. D’ailleurs aujourd’hui nous sommes déjà dans un système de rationnement, ça s’appelle le système des revenus et des prix. Le litre de super à 5 euros, les riches s’en foutent, ils peuvent payer. Les pauvres payent, et ils ne pourront plus payer. Il faut le même quota par personne, c’est l’égalité parfaite : quel que soit votre revenu, vous avez droit à la même quantité d’essence. Il va y avoir du marché noir, c’est la souplesse !

Il faudra remplacer en cinq ans les millions de chaudière au fuel par des chaudières au bois, il ne faut plus brûler le pétrole. C’est comme mettre un Picasso au feu. Le pétrole devrait au bas mot valoir 1000 dollars le baril et l’essence 20 dollars le litre. A l’heure actuelle le pétrole est gratuit, moins cher qu’un litre de coca, c’est scandaleux. Je termine par un appel à la sobriété, une alimentation locavore, plus locale, plus végétale, plus saisonnière. Le mot d’ordre qui s’impose pour les transports : moins vite, moins loin, moins souvent. »

* député (Europe écologie-Les Verts), président du groupe d’études sur les pics pétroliers et gaziers de l’Assemblée nationale, auteur du livre « Pétrole apocalypse  » (Fayard, 2005)

** colloque « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » du mardi 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale (Paris) organisé par le pôle écologique du Parti socialiste.

le pic pétrolier vu par Yves Cochet Lire la suite »

le pic pétrolier vu par JM Jancovici

Jean-Marc Jancovici* devant une salle comble ** : « Je commence par une question, combien de parlementaires dans cette salle ? 1,2 3, on va dire sept ou huit ! Au niveau de l’énergie, c’est le serpent qui se mord la queue : les parlementaires n’ont pas conscience de l’urgence du problème, donc ils ne viennent pas s’informer, donc ils n’ont pas conscience du problème ! Quelle est la martingale qui permettrait à 200 parlementaires de se tenir tranquille dans une salle pendant trois heures pour écouter un cours ? Si quelqu’un a une réponse, je prends ! Car c’est une bonne partie de la stabilité politique de la France dans les vingt ans qui viennent qui en dépend. Comme les politiques sont interrogés par des journalistes qui n’y connaissant rien non plus, cela tourne en vase clos, à aucun moment il n’y a d’issue. Quelques pensées en désordre :

          Si on met bout à bout pétrole, gaz et nucléaire, on est aux alentours de 90 % de l’énergie primaire. Or la consommation d’énergie fait le pouvoir d’achat. Si on divise par dix la production d’énergie, il faut diviser par dix le pouvoir d’achat des Français.

          Le pic pétrolier, c’est un théorème de math. Il y a une dotation limitée de pétrole, de gaz et de charbon, un stock de départ donné une fois pour toutes. L’extraction part de zéro, passe par un maximum puis décroît. Cela se passe de la même façon pour tout minerai, pour le phosphate, l’alumine, le Tantale… c’est mathématique.

          Ce qui compte, c’est la quantité de pétrole par  habitant. Avec l’accroissement démographique, la part diminue. La quantité mondiale de pétrole par habitant est déjà à la baisse depuis 1980. Il faut ajouter la baisse de capacité d’exportation des pays producteurs de pétrole qui font face à leurs propres besoins. La France connaît aussi une baisse de sa part dans les exportations mondiales. Ces trois baisses se conjuguent et je rappelle cette évidence : il n’existe pas de consommation croissante quand la production décroît. Il existe pourtant des gens qui font encore des scénarios de consommation croissante du trafic, imaginent le Grand Paris ou l’aéroport Notre Dame des Landes… mais avec quelle énergie ? Se contenter de dire que la demande ne sera pas satisfaite est idiot. Le Grenelle est postérieur de deux ans à la baisse de la consommation de carburant en France. La faillite de Lehmann Brothers nous a rendu un grand service…

          Le prix des fossiles est dérisoire. Les ressources naturelles mises  à notre disposition sont gratuites, nous ne comptabilisons que les revenus humains, le travail et les rentes. On ne paye pas la formation du litre de pétrole. Pourtant pour le fabriquer, il faut de l’énergie solaire et attendre 300 millions d’années. Allez refaire cela avec vos petits bras musclés, cela ne va pas vous coûter le même prix !

L’idée qu’on va pouvoir trouver des substituts à l’énergie fossile ou à l’uranium, c’est une chimère, ça n’existera pas. Aujourd’hui, pour faire un baril jour de pétrole conventionnel, il faut mettre sur la table 20 000 dollars de coût en capital. Pour les hydrocarbures non conventionnels, coal to liquids ou sables bitumineux, il faut 200 000 dollars. Dix fois plus de capital nécessaire, le coût en capital du déplacement des ressources fossiles représente des sommes astronomiques. Il faut donc investir massivement dans les économies d’énergie sinon le problème social sera dramatique. J’ai une cravate, cela montre bien que je me préoccupe plus du sort des hommes que de celui des marmottes.

Dernière chose, et les socialistes ont joué leur rôle, le rejet de la taxe carbone sous le prétexte que cela allait assommer les Français est une grave erreur. Pour une croissance du prix de baril de 50 dollars, c’est une taxe carbone de 100 dollars qui va alimenter les caisses des fonctionnaires vénézuéliens, saoudiens ou russes. Dans un pays comme le nôtre qui importe 99 % de son pétrole, la taxe carbone nous la payons de toute façon.

Parce que nous avons déjà beaucoup trop attendu, les investissement de transition qu’il va falloir faire dans un contexte récessif posent problème. L’inertie des systèmes énergétiques du côté de la consommation (parc de logements, de voitures…) fait que le changement ne se fait pas en une semaine, mais plutôt en 30 ans. Géraud Guibert a dit en rigolant que les socialistes n’étaient pas au pouvoir il y a deux ans. Mais les socialistes l’ont été au cours des trente dernières années. La faute est collective, il n’y a pas droite ou gauche sur la question, il n’y a pas électeurs ou élus, on s’est tous vautrés, on a beaucoup trop attendu pour faire les choses en douceur. Mais si nous en le faisons pas maintenant de manière extrêmement musclée, ce qui nous attend n’est pas du tout ce que conçoivent les politiques dans leurs programmes électoraux pour 2012. »

* Jean-Marc Jancovici, ingénieur conseil, spécialisé dans les domaines de l’énergie et du changement climatique, auteur du site de vulgarisation www.manicore.com et co-auteur, avec Alain Grandjean, du livre « Le plein s’il vous plaît !, la solution au problème de l’énergie » (Seuil, 2006).

** colloque « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » du mardi 25 janvier 2011 à l’Assemblée nationale (Paris)

le pic pétrolier vu par JM Jancovici Lire la suite »

le pic pétrolier vu par Bernard Durand

Bernard Durand, géologue et géochimiste, spécialiste des mécanismes de la formation des gisements de pétrole et de gaz, auteur du livre « la crise pétrolière, analyse des mesures d’urgence » (EDP, 2009), lors d’un Colloque sur le pic pétrolier (25 janvier 2011)

 Le pic pétrolier et l’Europe, une situation d’urgence

       Après une longue période de silence, d’occultation puis de déni, il est tout d’un coup largement reconnu que le Pic Pétrolier (Peak Oil) mondial, c’est-à-dire le moment où les quantités de pétrole disponibles à la consommation à l’échelle mondiale vont atteindre leur maximum possible, va avoir lieu incessamment. L’offre globale de pétrole va ensuite diminuer, et les quantités de pétrole disponibles par habitant de la planète diminueront plus vite encore.

       Pour autant  on ne parle guère de la façon dont va se répartir cette offre entre les pays consommateurs. En particulier, quelle part de ce gâteau en voie de rétrécissement vont pouvoir récupérer les pays consommateurs n’ayant pratiquement pas de ressources pétrolières sur leur sol, comme c’est le cas de la plupart des pays européens ? Car ces pays ne pourront avoir recours qu’à des achats sur le marché international pour satisfaire leurs besoins en pétrole.

      Or  les quantités de pétrole qui seront mises sur le marché par les pays exportateurs vont obligatoirement décroître plus vite que leur production : non seulement ils vont utiliser une part de plus en plus grande de celle-ci pour leur propre développement,  mais aussi leur population va augmenter. Ils voudront également conserver en terre une partie de leur pétrole pour préserver l’avenir.

      Ce phénomène est déjà en cours, et l’on prévoit que les quantités exportées, qui ont déjà diminué de 5 % de 2005 à 2010, diminueront encore d’environ 5 % de 2010 à 2015 (figure 1). Les avis divergent sur la suite : l’Association for the Study of Peak Oil and gas (ASPO) s’attend à un déclin de plus en plus rapide, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), toujours optimiste, s’attend à une quasi stagnation pendant encore 20 à 30 ans.

                               Figure 1 : Depuis 2005 la production cumulée des pays exportateurs (courbe bleue) stagne, mais leur consommation (courbe rouge) augmente et donc leurs exportations diminuent (courbe verte). Les tirets représentent les évolutions attendues jusqu’en 2015. D’après les données de l’Energy Information Administration des Etats-Unis. Une production de 1 million de barils par jour (1 Mbpd ) représente environ 50 millions de tonnes par an.

        D’autre part, et c’est sans doute ce qui est le plus déterminant à court terme, les grands pays émergents ont des croissances très rapides. Leur consommation de pétrole est en train d’exploser à cause de leur passage à la civilisation de l’automobile. En particulier les importations de la Chine croissent exponentiellement, et à ce rythme, elles auront dépassé celles des Etats-Unis (10 à 11 Mb/d) dans moins de dix ans (figure 2).  

               

  Figure 2 : évolution de la production et de la consommation de pétrole de la Chine depuis 1991. Des importations de 5,5 Mb/d sont prévues pour 2011 !

       La santé économique des pays développés est actuellement très liée au prix du pétrole.

Aux Etats-Unis par exemple, les grandes récessions de l’après-guerre se sont produites juste après des augmentations brutales de ce prix (figure 3)

          Figure 3 : Aux Etats-Unis, les périodes de fortes décroissances du Produit Intérieur Brut ( GDP, courbe noire) ont eu lieu quand la facture pétrolière (courbe rouge) a dépassé 4% de celui-ci.

      Or  de cette confrontation entre des importations qui augmentent et des exportations qui ne pourront plus que diminuer ou au mieux stagner, va naître  un risque de forte hausse des prix, si les pays importateurs ne trouvent pas les moyens d’adapter rapidement leur consommation  aux  quantités disponibles sur le marché. Il suffira alors d’une crise même courte, d’ordre technique, politique ou climatique dans un pays producteur pour mettre le feu au marché et provoquer une crise économique à l’échelle mondiale.

     L’extrapolation des tendances actuelles laisse penser que les pays européens, s’ils ne veulent pas être bientôt pris dans des tourmentes économiques, seraient bien inspirés de réduire rapidement et massivement leur consommation de pétrole. Ils dépendent en effet presque entièrement du marché international, et la production de la Mer du Nord, en déclin très rapide, leur ôte progressivement tout filet de sécurité.

     Leur feuille de route devrait être à peu près la suivante : réduction d’environ un tiers d’ici 15 ans, de 50 % d’ici 25 ans, et de 60 % d’ici 35 ans (figure 4).

                          Figure 4: Prévisions de l’évolution des quantités mises sur le marché, d’après des données de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et de l’Association for the Study of Peak Oil and Gas (ASPO), et prévisions des quantités disponibles pour les pays développés importateurs. Ces quantités seront rapidement bien plus faibles que les quantités totales disponibles sur le marché à cause du prélèvement croissant des pays émergents.

    En Europe, les deux secteurs les plus consommateurs sont le résidentiel-tertiaire, avec le chauffage (15%), et les transports, avec les carburants (65%). Ils sont donc à traiter en priorité, d’autant plus que le pétrole est à réserver à d’autres usages, tels que la pétrochimie, où il est très difficile à remplacer.

 Etant donné l’urgence de la situation, on ne peut se contenter de mesures qui ne peuvent avoir d’effets qu’à moyen ou long terme. Il faut leur associer impérativement des mesures ayant des effets à court terme :

Dans le secteur résidentiel-tertiaire, pour le moyen et le long terme un programme massif d’isolation du bâti ancien, et pour le court terme un programme de relevage très rapide des chaudières à fuel par d’autres moyens de chauffage, utilisant les énergies renouvelables plutôt que le gaz. Car celui-ci sera en voie de raréfaction d’ici 20 à 30  ans, comme c’est le cas aujourd’hui du pétrole.

Dans le secteur des transports, pour le moyen et le long terme le passage progressif aux véhicules électriques et hybrides rechargeables, utilisant autant que possible une électricité décarbonée, accompagné d’une politique favorisant la réduction des distances parcourues, les transports en commun et les déplacements doux, et pour le court terme un programme massif de réduction de consommation des véhicules à moteur thermique, par l’accélération de la mise en œuvre des progrès technologiques déjà réalisés par les constructeurs, mais aussi en encourageant fortement un effort «citoyen» de réduction des vitesses, d’écoconduite et de choix de véhicules peu consommateurs.

    La mise en œuvre d’un tel programme représente une véritable révolution technologique et sociale.

    Pour garantir le court et le moyen terme il sera en outre indispensable d’avoir l’adhésion des consommateurs, et que d’autres ensembles géopolitiques très gaspilleurs, en particulier l’Amérique du Nord et les pays du Moyen-Orient, fassent dans le même temps des efforts analogues. Le long terme restera malgré cela bien incertain.

    L’Europe des 27 ne semble pas vouloir pour l’instant diminuer sa consommation, si l’on en croît le document récent de la Commission Européenne, Energy trends to 2030, établi d’après les prévisions des Etats membres. Ce document prévoit en effet que la consommation de pétrole sera en 2030 à peu près la même qu’en 2010, et qu’il en sera de même des importations (figure 5).

      Figure 5 : prévisions faites en 2009 par la Commission Européenne de la  consommation d’énergie primaire et des importations de combustibles fossiles de l’EU 27 jusqu’en 2030 (Energy trends to 2030, 2009 update), d’après les déclarations des Etats membres. On observe qu’il n’est pas prévu qu’une très faible  diminution de la consommation de pétrole (oil), et aucune diminution des importations de pétrole !

 Une prise de conscience semble cependant avoir eu lieu depuis quelques mois. Mais devant l’urgence, le besoin d’une politique énergétique beaucoup plus active et coordonnée entre les pays européens se fait sentir. Ne faudrait-il pas créer dans cette intention une institution uniquement en charge de cette politique, à l’image de l’ancienne Communauté Economique du Charbon et de l’Acier ?

  Références:

 Skrebowski, C., 2010: PeakOilUpdate. Introducing ESOP

http://www.aspousa.org/2010presentationfiles/

 Commission Européenne, 2010 : Energy Trends to 2030, update 2009. Directorate-General for energy.

 

le pic pétrolier vu par Bernard Durand Lire la suite »

totale duplicité de l’oligarchie

Parlons net. La quasi-totalité des économistes, des politiques et donc des journalistes sont d’une totale duplicité. Ils se contentent de cultiver l’événementiel sans nous préparer à ce qui nous attend. Prenons l’info du baril à 100 dollars. Deux lignes seulement en première page du Monde*, qui préfère consacrer ses colonnes à l’énième épisode en Egypte. Pourtant nous rentrons dans la déplétion pétrolière et nous savons de source sûre que notre civilisation va basculer. Il n’y aura pas seulement des manifestations en Egypte, mais dans le monde entier. Ca va saigner. Le prétendu spécialiste Patrick Artus, directeur de recherche de cette banque qui a coulé tous ses petits épargnants (Natixis), pense qu’il faut « utiliser toutes les formes d’énergie sans exclusive ni préférence, l’hydraulique comme le pétrole, le solaire comme le nucléaire »**. Patrick Artus n’a rien compris de la situation actuelle, il faut répéter que la production d’énergie n’a plus d’importance, il s’agit d’économiser drastiquement nos consommations d’énergie, il s’agit de changer complètement nos modes de vie.

Prenons maintenant l’analyste aveugle qui s’appelle Christopher Swann***. Sous la rubrique pourrie Breakingviews, il a le culot de déclarer (par deux fois) que « l’offre mondiale de pétrole reste abondante ». Ne vous inquiétez pas, le baril à 100 dollars à cause de l’Egypte, c’est une passade ! Christopher Swann ne sait rien de l’Agence Internationale de l’Energie qui a montré que le pic pétrolier a eu lieu en 2006 : nous sommes déjà en descente énergétique. Christopher Swann n’est pas aussi perspicace qu’Hervé Kempf, citant un géologue pétrolier, Bernard Durand**** : « Les quantités de pétrole disponibles sur le marché international vont décroître plus vite que la production mondiale, compte tenu de l’autoconsommation croissante de pétrole par les pays producteurs et de la demande en expansion des pays émergés » ; « Il est d’un intérêt stratégique pour les pays européens de diminuer très rapidement et considérablement leur consommation pétrolière. »

Car ne nous leurrons pas. Si on lit entre les lignes, la gestion du pétrole par l’oligarchie dominante va être de plus en plus dure. Patrick Artus** veut par exemple supprimer toutes les exemptions de taxation des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit ambulanciers, patrons pêcheurs, ou smicards, etc. Cette analyse se retrouve chez Philippe Jurgensen***** : « Il serait souhaitable d’éliminer les détaxations de consommation de carburant, qui correspondent à autant d’incitations à un mauvais comportement écologique : il s’agit notamment des détaxations de fuel en faveur des marins-pêchers et des agriculteurs, et plus encore de la coûteuse exonération du kérosène en faveur des transports aériens intérieurs. »

Influencés par l’oligarchie dominante, nous sommes dorénavant drogués au pétrole. Maintenant l’oligarchie va faire le contraire, nous imposer le sevrage ! Totale duplicité…

* LeMonde du 2 février 2010, page 1

** LeMonde du 2 février 2010, Le pétrole restera cher et même extrêmement cher

*** LeMonde du 3 février 2010, Rien ne justifie le maintien du prix du pétrole au-dessus de 100 dollars.

**** LeMonde du 2 février 2010, Hé, les socialistes !

***** Philippe Jurgensen, A quelles conditions une croissance verte est-elle possible ? (La Revue Socialiste, 4e trimestre 2010)

totale duplicité de l’oligarchie Lire la suite »

technologie, ça sent le gaz

Le gaz de schiste nous empêche de penser. Heureusement que LeMonde magazine* nous ouvre les yeux : « Nous sommes sauvés : voici le gaz de schiste… La France serait assise sur d’importantes réserves de ce gaz naturel en tout point semblable à celui que l’on connaît sauf qu’au lieu d’être concentré au sein de poches souterraines, celui-ci est disséminé dans ces argiles profonds et imperméables… La technologie de la fracturation hydraulique est la clef monstrueuse d’une révolution énergétique lourde de conséquences pour l’environnement. » Voici quelques réactions significatives des commentateurs sur lemonde.fr :

OAS_AD(‘Middle’)

          Toutes les énergies pseudo-nouvelles se veulent « propres », selon des critères spécifiques et opportunistes. Mais le gaz naturel, sous ses formes traditionnelles ou exotiques, n’est jamais qu’un hydrocarbure fossile, dont la combustion produit inévitablement du CO2.

          Ce mode d’extraction est une horreur. Recherchez « nappes d’eau contaminées au Canada » : des régions entière devenues inhabitables faute d’eau potable. La contamination se fait via la silice injectée, ou à cause d’une concentration importante en gaz dans l’eau. Tous ceux qui ont eu affaire à ces exploitations disent que malgré la forte somme d’argent reçue pour la permettre, ils ne le referaient pas.

          Aux USA les contaminations des nappes phréatiques sont nombreuses. Au Québec les études exploratoires ont démontré des défauts structuraux dans le calfeutrage des puits. Et voilà que par décret et sans débat ni évaluation le gouvernement donne des concessions d’exploration en France !

          Tiens donc, en France aussi ? Est passé sur TV5 un bon docu sur le gaz de schiste au Canada. Forages longs et coûteux, qui ratent, ou bien fracturation du schiste non maîtrisable, à 1000 mètres sous terre et en aveugle, le gaz passe dans la nappe phréatique. Expérience : remplir une bouteille de l’eau du robinet, allumer un briquet au dessus : ça brûle (le gaz sature l’eau).

          Ca ne coûterait pas moins cher de travailler sur les économies d’énergie? Améliorer l’isolation thermique ( et phonique par la même occasion) et la ventilation de nos bâtiments, travailler sur des appareils à la moindre consommation en énergie et en eau, chasser le gaspillage. Plutôt que de subventionner l’électricité comme cela se fait actuellement, subventionnons les réductions de consommation d’énergie !

          Économie d’énergie d’abord et surtout. Suppression de l’éclairage public inutile, autoroutes, monuments et publicités, ordinateur allumés, veille d’appareil en toute sorte (et surtout dans les entreprises) : rendons la clarté au ciel nocturne – http://www.anpcen.fr. Donc moratoire sur le gaz et pétrole de schiste.

          Bordel ! qu’est-ce qui tourne mal dans ce monde ? Ah oui, l’argent. Tout le monde peut crever tant que ça ramène de l’argent.

          On fait fausse route en s’en prenant à « l’argent » : beaucoup de trafics infâmes, drogue, prostitution, armes, n’existeraient pas s’il n’y avait pas de clients. Soyons raisonnables, faisons-nous mêmes le choix entre une terre habitable et certains éléments de confort personnel, et faisons passer ce choix dans la loi : interdisons universellement les gaz de schiste, et ni Total ni aucune mafia ne pourra nous convaincre d’en consommer.

          Il y a 50 ou 60 ans, on ne chauffait en Savoie qu’une seule pièce par maison. On dormait sous un empilement d’édredons dans une pièce non chauffée. A Paris les enfants se couchaient dans un lit glacé avec une bouillotte. On se chauffe trois fois plus et pendant le même temps, la population de la planète a triplé. Et s’il n’y avait que le chauffage !

          On en arrive à souhaiter que la crise pétrolière actuelle, dont la deuxième gifle ne devrait tarder à arriver, mette un terme à toutes ces porcheries. Et c’est d’ailleurs très probablement ce qui va se passer.

* LeMonde magazine du 22 janvier 2011

technologie, ça sent le gaz Lire la suite »

Bataille autour du nucléaire

Tout le monde navigue à vue. Le parlement ne sert plus à rien. Depuis 1977 sans débat, le gouvernement avait mis en route un énorme programme nucléaire français, mais sans savoir ce qu’on allait faire des déchets nucléaires. Il faut attendre le 30 décembre 1991 pour que la loi Bataille (du nom d’un député PS) prévoit de ne pas discuter des déchets puisqu’on en reparlerait 15 ans après ! De 1991 à 2006, on devait tester trois axes, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. A l’échéance du nouveau vote au Parlement en 2006, rien n’était scientifiquement satisfaisant. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques, il n’existait ni sélection de site, ni plan d’entrepôt pour les déchets HAVL (haute activité et vie longue) et les recherches sur le site d’enfouissement à Bure dans la Meuse ne permettaient pas encore de conclure à la faisabilité du stockage géologique. Les tergiversations du gouvernement ont même fait capoter en 2009 la désignation d’un site pour les déchets de faible activité à vie longue. Tout le monde navigue à vue.

                Aujourd’hui Christian Bataille, dans un rapport* de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, se fâche : « La gestion des déchets nucléaires est une chose trop sérieuse pour la confier à leurs producteurs (…) Au nom de la rentabilité à court terme, les industriels (EDF, Areva, Commissariat à l’énergie atomique) remettent en cause la conduite par l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) du projet de stockage géologique. » Cette option étudiée par l’Andra dans son laboratoire souterrain de Bure, doit encore trouver sa traduction industrielle avec un choix de site définitif en 2015 et une entrée en service en 2025. En 2005, le coût de l’installation et de son exploitation pendant un siècle, avant fermeture, était évalué à 14 milliards d’euros. Mais l’Andra a depuis effectué des choix techniques qui ont porté la facture à quelque 35 milliards d’euros. Les industriels, c’est-à-dire les pollueurs, doivent payer. Ils ne sont pas contents ! Ils ont monté un dossier technique concurrent, qui ramènerait la facture aux 15 milliards initiaux. Selon le député, le gouvernement « n’a que trop tardé » à mettre en place la Commission nationale d’évaluation financière prévue par la loi de 2006. Tout le monde navigue à vue.

La Biosphère fonctionne selon des processus de recyclage, les humains ont abandonné cette réalité pour ne s’intéresser ni à la pérennité des ressources naturelles nécessaires à leur activité, ni à la gestion des déchets. Il n’y a pas d’avenir pour une telle attitude ; une seule solution, la sortie du nucléaire…

* LeMonde du 21 janvier 2011, Les producteurs de déchets nucléaires rappelé à la loi

Bataille autour du nucléaire Lire la suite »

Montdidier, commune en transition

Montdidier, commune de la Somme, développe le premier parc éolien communal*. Cela créé 9 emplois sur place et le profit de l’activité revient à la commune. Le parc éolien produira 19 000 MWh par an, pour une consommation actuelle de Montdidier de 39 000 MWh. Les artisans locaux sont formés au solaire et à l’isolation thermique. Mais la France ne compte plus que 160 régies locales d’énergie. Cette commune agit, mais elle ne va pas jusqu’au bout du raisonnement.

                En fait Montdidier est une des communautés qui tend actuellement à l’autonomie énergétique. Elle participe donc sans le savoir à ce qu’on appelle les « villes en transition » ou Transition Towns. Mais produire n’est qu’un aspect du problème, il faut économiser l’énergie. Dans le guide d’aide à la formation d’un groupe local de transition, The Transition Handbook, le rationnement est présenté comme incontournable : « Le rationnement doit sa mauvaise réputation à son association à l’idée de pénurie… alors qu’il est une réponse à la pénurie, et non sa cause. (Rob Hopkins, The Transition Handbook. From oil dependency to local resilience, 2008). Montdidier devrait diviser par deux sa consommation d’électricité, comme d’ailleurs tous les pays développés.

Le mouvement des villes en transition est peut-être la forme de construction par le bas qui se rapproche le plus d’une société de décroissance**. Ces villes visent d’abord à l’autosuffisance énergétique en prévision de la fin des énergies fossiles, et plus généralement  à la résilience. Ce concept peut se définir comme la permanence qualitative du réseau d’interactions d’un écosystème, ou plus généralement comme la capacité d’un système à absorber les perturbations et à se réorganiser. La spécialisation permet d’accroître les performances mais fragilise la robustesse de l’ensemble. Au contraire, la diversité renforce la résistance aux chocs et les capacités d’adaptation. Réintroduire les jardins potagers, la polyculture, l’agriculture de proximité, des petites unités artisanales, la multiplication des sources d’énergie renouvelable, renforcent la résilience. Pour cette raison, Nicholas Georgescu-Roegen préconisait pour l’avenir de l’humanité de petites communautés rurales.

* LeMonde du 15 janvier 2011, L’objectif est de pouvoir maîtriser la politique énergétique de la collectivité

** Le pari de la décroissance de Serge Latouche (préface de juin 2010)

Montdidier, commune en transition Lire la suite »

the peak oil à Paris

– Les réserves pétrolières restant dans les gisements actuellement connus sont probablement comprises entre 140 et 180 milliards de tonnes (Gt). La valeur moyenne représente à peu près quarante ans de la consommation actuelle. Si la consommation mondiale continue d’augmenter au rythme moyen de 1,2 % par an, cela ramène cette durée à trente ans environ.

– Bien avant ces trente ou quarante ans, la production va passer par un pic correspondant à peu près au moment où la moitié des réserves initiales actualisées aura été consommées, puis elle déclinera tout au long de  ce siècle.

– La grande majorité des prévisionnistes situent le peak oil entre 2010 et 2030. Les hyper-optimistes sont plutôt des économistes, qui s’imaginent que l’augmentation du prix du pétrole se traduit par une augmentation plus ou moins proportionnelle des réserves. C’est inexact pour le pétrole : ont-ils seulement réalisé que les augmentations de prix seront incapables de créer le moindre gisement de pétrole dans le sous-sol ? Les pessimistes sont plutôt des géologues pétroliers, beaucoup plus au fait de la réalité des gisements.

– La moitié des réserves initiales réactualisées des gisements actuellement en productions ayant été consommée en 2008, la production commencerait déjà à décliner si un petit répit n’était apporté par les réserves de gisements découverts ces dernières années ce qui permet de repousser le pic de production à 2010. Le progrès technologique ne permet pas d’augmenter sensiblement les réserves, mais seulement pendant quelque temps les vitesses de production.

Pour écouter et questionner en direct Bernard Durand, auteur de ces données dans La crise pétrolière (analyse des mesures d’urgence), tu peux venir au colloque sur le pic pétrolier organisé à Paris le 25 janvier 2011…

the peak oil à Paris Lire la suite »

faire sauter les centrales thermiques ?

« Le pouvoir est au bout du fusil », croyait Mao. La populiste républicaine Sarah Palin, pour les législatives américaines de novembre 2010, avait ciblé sur sa page Facebook 20 candidats démocrates au bout d’un fusil à lunette. On vient de tirer sur la démocrate Gabrielle Giffords* et son entourage. Mais Mao est mort, le communisme chinois enterré et Sarah comme le Tea Party le sera nécessairement un jour. Qui a vraiment le pouvoir ?

Le philosophe Arne Naess (1912-2009) pense que le pouvoir profond est dans l’action non-violente : « La condition du succès est dépendante de notre capacité à confirmer l’hypothèse suivante : si seulement l’opinion publique savait ce que les écologistes défendent, alors la majorité des gens serait de leur côté. L’expérience accumulée ces dernières années indique que le point de vue écologique avance grâce à une communication politique non-violente qui mobilise à la racine. » Mark Kennedy, un agent de la police britannique, en est la parfaite illustration. Il a passé sept ans comme taupe dans des groupes de protestation, des ONG vertes… L’infiltré et des militants écologistes tentent en 2009 de stopper la centrale à charbon de Ratcliffe-on-Soar pour empêcher l’émission de milliers de tonnes de carbone. Six manifestants devaient être jugés pour complot par la Haute cour de justice anglaise. Mark Kennedy décide alors de témoigner en leur faveur. Les documents saisis par la justice prouvent que la tentative d’arrêt de la centrale a été pour l’essentiel imaginée, organisée et réalisée par l’ex-flic. Les poursuites ont été abandonnées…

Mao croyait que « est juste ce qui réussit, faux ce qui échoue ». Là aussi, il a tort. Même si les centrales au charbon continuent de diffuser leurs polluants, elles ont tort ainsi que tous ces républicains qui croient défendre des millions d’emplois et s’opposent à la baisse des émissions de gaz à effet de serre**. Ceux qui tiennent des fusils n’ont jamais eu le pouvoir d’avoir raison. La biosphère n’a jamais été transformée dans le bon sens sous la protection des fusils, elle a été massacrée. Le pouvoir n’est pas au bout du fusil, ni la police ni l’armée ne peuvent défendre durablement un ordre injuste. Le pouvoir repose sur la force de la vérité. Tout le monde devrait savoir que les centrales à charbon doivent être arrêtés***. Nous devrions tous nous appeler Mark Kennedy, alias Mark Stone.

* leMonde du 11 janvier 2011, La cible de trop des Tea Parties.

** leMonde du 11 janvier 2011, Climat, l’objectif américain de réduction contesté au Congrès.

*** leMonde du 11 janvier 2011, Aux Etats-Unis, les centrales électriques au charbon n’ont plus la côte.

NB : l’info sur Mark Kennedy a été aussi présentée par le blog d’Audrey Garric, http://ecologie.blog.lemonde.fr/

faire sauter les centrales thermiques ? Lire la suite »

pétrole apocalypse* à Paris

La hausse du cours des hydrocarbures ne sera pas un simple choc pétrolier, ce sera la fin du monde tel que nous le  connaissons. Ce choc proviendra de la coïncidence de trois situations inédites : une situation géologique, avec le déclin définitif de la production de pétrole ; une situation économique, avec un excès structurel de la demande mondiale de pétrole par rapport à l’offre ; une situation géopolitique, avec une intensification du terrorisme et des guerres pour l’accès au pétrole.

Depuis plus de trente ans, les écologistes n’ont cessé de proposer la diminution des consommations d’énergie fossiles et la mise en œuvre de politiques de sobriété énergétique et de promotion des énergies renouvelables, l’abandon de l’agriculture productiviste au profit de l’agrobiologie, le désengagement de notre dépendance à l’égard des entreprises transnationales et la réhabilitation des circuits économiques courts. En vain. Il est déjà trop tard pour espérer transmettre à nos enfants un monde en meilleure santé que celui que nous connaissons aujourd’hui. Plus nous attendrons, plus leurs souffrances seront grandes et dévastatrices.

Pour écouter et questionner directement Yves Cochet, tu peux venir au colloque sur le pic pétrolier organisé à Paris le 25 janvier 2011…

* le livre d’Yves COCHET, Pétrole apocalypse (2005)

pétrole apocalypse* à Paris Lire la suite »

allons-nous faire le plein ?

Quelques extraits du livre* de Jean-Marc JANCOVICI et  Alain GRANDJEAN ;

– Un passage du baril de 40 à 300 dollars ferait passer la facture pétrolière de la France de 30 à 250 milliards de dollars à consommation constante, soit environ 20 % du PIB actuel. Le gaz, dont le prix est indexé sur celui du pétrole, nous coûterait 5 à 10 % du PIB en supplément.

– S’il suffisait de pendre le dernier gros rentier avec les tripes de la dernière star multimilliardaire pour supprimer le gaspillage, le problème serait finalement assez simple à résoudre. Malheureusement, c’est aussi la consommation de ce que nous avons l’habitude d’appeler « ménages modestes » qui pose problème car elle représente un gaspillage au regard des possibilités de la planète.

– Une répartition équitable d’une ressource globalement insuffisante conduirait à ce que chacun ait moins que le minimum vital, c’est-à-dire à la mort pour tous. L’aboutissement logique de la pénurie, c’est donc la mort de quelques-uns pour éviter la mort de tous, c’est donc la barbarie.

– Demandez à un cadre dirigeant du monde pétrolier dans combien de temps les 2 milliards d’Indiens et de Chinois vivront comme un Français actuel. Avant toute réponse, vous obtiendrez un grand éclat de rire.

– L’Homme utilise gratuitement les services que lui rend la nature, et la nature subit des préjudices sans demander réparation ni physique ni monétaire. C’est toujours le propriétaire que nous payons, pas la nature, qui ne passe pas à la caisse.

– Les énergies fossiles ne sont pas renouvelables à l’échelle des temps historiques : il faut 300 millions d’années pour faire du charbon, et quelques millions au moins pour faire du pétrole et du gaz.

– A qui la faute si le lecteur ne dispose pas d’une vue synthétique ? Au journaliste qui a repris un communiqué sans prendre de hauteur de vue, au directeur qui interdit de parler des sujets qui pourraient fâcher les annonceurs, ou au lecteur qui finalement n’a aucune envie de lire des mauvaises nouvelles ?

* Le plein s’il vous plaît (Seuil, 2006)

allons-nous faire le plein ? Lire la suite »

descente énergétique, quel programme ?

en Bolivie aujourd’hui : La Bolivie voulait radicaliser les négociations climatiques à Cancun. Mais radicaliser, cela ne veut pas dire simplement discourir sur la Terre-mère, c’est augmenter le prix de l’essence pour émettre le moins possible de gaz à effet de serre ! Le président bolivien Evo Morales l’a fait… mais pour d’autres raisons. La Bolivie ne produit que 4 500 barils de pétrole par jour pour une consommation de 35 000. Elle achète donc son pétrole au Venezuela et à l’Argentine pour le revendre à la population à un prix subventionné. Le coût des subventions aux carburants est évalué à 750 millions de dollars. La décision de supprimer ces subventions était donc une réponse aux difficultés budgétaires que connaît actuellement l’État bolivien. Le syndicat bolivien des chauffeurs de transports en commun a commencé fin décembre une grève illimitée pour protester contre la hausse du prix des carburants. Des grèves et des manifestations violentes ont lieu… Evo Morales fait marche arrière le 31 décembre et annule le décret 748. Mais son vice-président, Alvaro Garcia, reparle d’une prochaine hausse des carburants dans le cadre d’un « dialogue avec le peuple ». Retournement de situation : le gouvernement annonce de nouveau le 2 janvier 2011 la hausse de l’essence.

hier aux Etats-Unis : Cet exemple bolivien est significatif de la difficulté des gouvernements à mettre en place ce qui est nécessaire, augmenter le prix du carburant. En avril 1977, trois mois après son investiture, le président Carter apparu à la télévision en cardigan, assis auprès d’un feu de cheminée. Il a expliqué aux Américains que la poursuite de leur hyperdépendance envers le pétrole était un piège mortel et qu’il leur faudrait changer de mode de vie : « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Puis il énumérait les mesures d’économie. La revue Newsweek chiffre le gaspillage moyen d’énergie qu’il veut supprimer à plus de la moitié de la consommation totale. C’est une douche froide pour ce peuple si sûr de sa richesse et de ses immenses ressources.  Le royaume automobile de Détroit, dont les experts comprennent pourtant la nécessité du projet, déclare la guerre au président Carter. Les syndicats de l’automobile suivent, le peuple suit, bien entendu. Carter ne perd pas quinze points de popularité, mais trente-cinq ; sa cote passe de 70 à 35 au début de 1978. Le projet est abandonné.

demain en France : Dialoguer avec le peuple ? Aucun gouvernement n’imposera les cruels sacrifices de la pénurie pétrolière sans le consentement du peuple. Mais plus on attend, plus l’augmentation du carburant sera brutale. Gouverner, c’est préparer l’avenir et avoir le courage de dire la vérité : le prix de l’essence doit augmenter, inexorablement, à la fois pour lutter contre le réchauffement climatique et pour faire face à la déplétion pétrolière. En France, le premier débat politique sur cette question aura lieu le 25 janvier à Paris. Cliquez ICI pour en connaître les modalités. Les citoyens ne pourront plus dire qu’ils ne savaient pas…

descente énergétique, quel programme ? Lire la suite »

Pétrole et décroissance démographique

Nous avons tendance à croire que notre intelligence humaine et nos codes moraux nous distinguent des autres espèces vivantes. Erreur ! Lorsque d’autres créatures se procurent une manne énergétique, elles réagissent par la prolifération : leur population traverse les phases bien connues d’épanouissement, de dépassement des capacités de leur environnement, puis de chute brutale. Jusqu’à présent, nous avons réagi face à l’apport énergétique des énergies fossiles exactement comme les rats ou les bactéries répondent à une nouvelle et abondante source de vie.

Sur le globe vivent aujourd’hui entre 2 et 5 milliards d’êtres humains qui n’existeraient probablement pas sans les combustibles fossiles. Lorsque l’afflux d’énergie commencera à décliner, l’ensemble de la population  pourrait se retrouver dans une situation pire encore que si les combustibles fossiles n’avaient jamais été découverts et l’on assistera à une compétition intense pour la nourriture et l’eau entre les individus d’une population dont les besoins seront désormais impossibles à satisfaire. Combien d’êtres humains l’agriculture post-industrielle sera-t-elle capable de nourrir ? Une estimation précautionneuse serait : autant qu’elle pouvait en faire vivre avant que l’agriculture s’intensifie, c’est-à-dire la population du début du XXe siècle, soit un peu moins de 2 milliards d’êtres humains.

Une politique démographique faisant en sorte que chaque couple n’engendre en moyenne que 1,5 enfants parait incontournable. Cet objectif global doit se traduire par des mesures et quotas nationaux. En effet, le niveau le plus efficace pour la régulation de la population se situe actuellement sur le plan national car seuls les Etats ont la possibilité d’influencer efficacement les comportements et d’imposer des restrictions. L’opposition à l’immigration incontrôlée est souvent assimilée à tort à la xénophobie anti-immigrés. Mais dans une perspective écologique, l’immigration n’est pratiquement jamais souhaitable. Lorsqu’elle se fait massivement, elle ne fait que mondialiser le problème de surpopulation. De plus, ce n’est que lorsque les groupes humains se sont enracinés dans une zone particulière, au fil de plusieurs générations, qu’ils développent un sens des limites en termes de ressources. Pourtant la gauche comme la droite tendent à occulter le problème de la croissance démographique continuelle.

Richard Heinberg , Pétrole, la fête est finie (2003, traduction française 2008)

Pétrole et décroissance démographique Lire la suite »

Crise ultime et pic pétrolier

Les écologistes peuvent affirmer que, cachée derrière une fin d’année festive, s’approfondissent les fractures qui mènent droit à l’effondrement de la civilisation : bientôt le baril à 100 dollars*. Jean Albert Grégoire** nous avertissait dès 1979 : « Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera.

Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. Nous n’en souffrons pas encore. Les premières ruptures sérieuses d’approvisionnement du pétrole la déclencheront. Alors on reverra, comme au temps de Suez ou de la guerre du Kippour, un brutal renversement de l’opinion, définitif cette fois. Il ne s’agira pas, comme on le croit et comme les économistes eux-mêmes l’affirment, de surmonter une crise difficile, mais de changer de civilisation. L’humanité devra passer de l’ère d’abondance factice à celle de la pénurie, de l’orgueil insensé à celle de l’humilité. Elle devra répartir des richesses qui, au lieu d’être infinies comme elle le pensait naïvement, lui  apparaîtront à l’heure du bilan bien modeste en face de ses besoins. Les pays riches devront réduire leur train de vie, ce qui pour chaque individu représentera une contrainte douloureuse à laquelle il n’est aucunement préparé. »

                Ce qu’on appelle crise va devenir l’état normal de l’humanité et le manque de pétrole imposera l’austérité. Le pôle écologique va en débattre le 25 janvier 2011. On peut s’inscrire à ce colloque 

* LeMonde du 29 décembre, le prix du pétrole menace la reprise économique en 2011.

** Vivre sans pétrole de J.A. GREGOIRE (Flammarion, 1979)

Crise ultime et pic pétrolier Lire la suite »

la dernière goutte de pétrole

Demain, bientôt, en 2011 ou 2027, le baril à 300 dollars, 1000 dollars, plus… Autant dire le Premier jour de l’après-pétrole. Quelques tankers circulent encore, mais la Russie a serré la vis de ses pipe-lines. L’Europe se dessèche et les Etats-Unis entrent en transes. Des milliers de station-service ferment, les avions cessent de voler, le chauffage au fuel est abandonné. La fermeture des raffineries contamine peu à peu le secteur industriel tout entier. Plus de matières plastiques,  donc plus de tuyauteries, plus d’emballages, de rouge à lèvre, de tissus synthétique, de bouteilles d’eau. Wall Street fait naufrage, les traders sautent par la fenêtre. Le chômage explose, 15 %, 30 %, 50 % de la population… Des manifestations dans tous les pays, des violences incontrôlées, la loi martiale est décrétée. Les voitures s’arrêtent de rouler, les supermarchés ferment quand ils ne sont pas pillés. La plupart des habitants des conurbations ne peuvent plus se rendre désormais à des boulots inexistants. Les banlieues pavillonnaires deviennent des déserts ou des taudis. La police est débordée, l’armée déboussolée. L’obscurité s’étend sur les villes, plus d’éclairage public. Les dernières gouttes de pétrole sont réservées à des tanks qui ne servent plus à grand chose. Les centrales nucléaires sont abandonnées, même l’Etat n’a plus les moyens de les pérenniser. Les émeutes de la faim gagnent les pays du Nord après avoir dévasté le Sud. Des marées humaines se réfugient à la campagne où il n’y a plus de refuges possibles. Des seigneurs de la guerre font la loi à coup de kalachnikov tant qu’ils ont encore des balles. En 2050, la planète compte moins d’un milliard d’habitants. Dans quelques endroits aux terres encore fertiles, la vie communautaire se reconstruit peu à peu. L’ère de la croissance économique dans un monde fini est définitivement terminée.

Cette histoire est notre réponse à la question d’un « National Geo » qui posait cette question fin 2010 : « Supposons que nous avons épuisé la dernière goutte de pétrole, que se passe-t-il ?

Sur ce, bonne année 2011…

la dernière goutte de pétrole Lire la suite »

le juste prix du pétrole

Aucun expert ne sait déterminer le juste prix du baril. L’explication par le coût à la production n’est que partielle. Les déterminants physiques de l’offre à un moment donné se confrontent en effet à une demande. Quand le tsunami financier de 2008 a entraîné une contraction économique et réduit la demande, le prix du baril a baissé. Par contre, la demande des pays émergents pousse toujours à la hausse. Comme le marché pétrolier est hautement volatil, il n’y a aucune explication logique qui soit déterminante. En août 2005, le baril avait atteint 71 dollars à New York à cause du  cyclone Katrina, demain le simple vol d’un papillon pourra déclencher un affolement du marché pétrolier qui n’a jamais vu plus loin que le petit bout de son nez.

Remarquons en effet que le prix du marché (le jeu de l’offre et de la demande) n’est qu’un indicateur de court terme qui n’indique rien sur l’avenir d’une ressource fossile qui n’existera plus dans quarante années environ vu la consommation actuelle. Or nous sommes en train de franchir le pic pétrolier, le moment où les quantités de pétrole produites baissent inexorablement étant donné l’épuisement des ressources. L’institution financière Ixis CIB notait en 2005, que si le prix du pétrole avait augmenté depuis 1974 au rythme optimal d’une ressource épuisable, il vaudrait déjà 122 dollars en 2005 (alors qu’il ne cotait que 66,6 dollars au 22 septembre). Le même organisme évoquait la possibilité d’un cours du baril à 360 dollars en 2015.

En fait le baril n’est pas payé à qui l’a fabriqué. Le pétrole est un cadeau unique de la géologie, qui nous a permis d’utiliser l’énergie accumulée par des millions d’années d’insolation. Pour obtenir un litre d’essence, il aura fallu que 23 tonnes de matières organiques soient transformées sur une période d’au moins un million d’années. Mais les humains utilisent gratuitement les services que leur rendent la Nature, et la Nature subit des préjudices (par exemple le réchauffement climatique) sans demander réparation ni physique ni monétaire. Comme il faut des millions d’années pour « produire » du pétrole, à combien la Nature nous offrirait-elle le litre de super  si elle était une marchande capitaliste ? Le pétrole n’a pas de juste prix. Lorsque nous aurons achevé de le brûler, il aura disparu à jamais ; des millions d’années de travail géologique gaspillées. En 1892 Mendeleïev, l’inventeur de la classification périodique des éléments, écrivait d’ailleurs au tsar : « Le pétrole est trop précieux pour être brûlé. Il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique ». C’était un avis éclairé que la société thermo-industrielle n’a pas écouté. Les générations futures devront d’abord compter sur leur force physique !

le juste prix du pétrole Lire la suite »