énergie

démocratie nucléaire à la suédoise !

Ainsi va la démocratie, qui dit « sortir du nucléaire » un jour et son contraire le lendemain. En 1980, les Suédois avaient choisi 2010 comme date butoir pour le démantèlement du nucléaire. Nous sommes en 2010 et le parlement suédois vient de voter en faveur du remplacement des dix réacteurs nucléaires du pays lorsque ceux-ci seront arrivés au terme de leur durée d’exploitation. Alors qu’un référendum  en 1980 permettait d’abandonner le nucléaire, une loi prévoit maintenant l’abandon du démantèlement (« La Suède fait volte-face », LeMonde du 19 juin). Vox populi n’est pas la voix de Dieu ! Comment s’y retrouver ?

Sur 10 commentateurs de l’article du Monde, 8 sont le fait de pro-nucléaires qui crient déjà victoire de façon concertée :

– Le nucléaire fait quand même moins de dégâts que le pétrole.

– Lucide réalisme de la Suède. Loin du « politiquement correct écologiste ».

– Rattrapés par la réalité…

– Il est peut-être temps que la France engage le même débat courageux et décide de renouveler son parc de centrales nucléaires, voire de l’élargir, avant qu’il ne soit trop tard …

– Décision de bon sens. Pas d’alternative au nucléaire aujourd’hui. La bêtise a été d’arrêter Superphénix…

– ça sent la fin du pétrole, bientôt on reparlera de la surgénération à cause du faible stock mondial d’uranium.

– La seule réponse crédible pour l’Occident à l’explosion de la demande d’énergie est le nucléaire, voir aussi : Radiation and Reason: The Impact of Science on a Culture of Fear

– Nous savons maintenant – Radiation and Reason: The Impact of Science on a Culture of Fear – que le nucléaire a été diabolisé et qu’il présente, pour le moment la seule alternative sérieuse au pétrole…

Le débat paraît donc « ouvert ». Mais pour nous il est réglé, les Suédois aujourd’hui font la même erreur que Sarkozy, le nucléaire n’a pas d’avenir : le lobby pro-nucléaire n’a pas d’argument. La preuve ? Les commentaires ci-dessus s’expriment seulement en termes incantatoires.

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l’effondrement de notre société complexe

D’un côté on a peur que les plans d’austérité ne compromettent la croissance, de l’autre on nous voudrait « rationnés, mais heureux » (contre-enquête du Monde  / chronique d’Hervé Kempf, 12 mai). D’un côté il y a la pensée dominante selon laquelle bonheur et emploi dépendent de la croissance économique, de l’autre l’idée nouvelle que, confrontés au pic pétrolier et au réchauffement climatique, si nous ne pratiquons pas le rationnement choisi, ce sera un rationnement violent qui s’imposera. Qui croire ?

Il faut d’abord constater que la rigueur budgétaire qui s’impose à la Grèce, la France ou l’Espagne pour résorber les déficits est une nécessité absolue. Que ce soit un ménage ou un pays, il est impossible de vivre indéfiniment à crédit. Il faut ajouter que la planète nous a fait une avance non remboursable en mettant gratuitement à notre disposition des ressources naturelles non renouvelables. Cette période faste est en train de se clore par épuisement du crédit et des ressources minières. Ces deux éléments réunis nous montrent que la société de croissance est derrière nous, il faut inventer autre chose. L’analyse de Joseph Tainter (dont le livre The Collapse of Complexe Societies est malheureusement non traduit en français) pousse au pessimiste. L’avenir est sombre pas simplement pour des raison financières ou écologique, mais parce qu’une société trop complexe s’effondre sous son propre poids et que les dirigeants refusent le passage en douceur : « Les élites qui profitent de la complexité refusent tout changement qui réduirait leur prélèvement sur la richesse produite. C’est le blocage ! » (cité par Yves Mamou qui cite Clay Shirky).

J.Tainter affirme que le propre de l’histoire humaine a été la création de mécanismes sociaux et technologiques de plus en plus complexes permettant de s’approprier l’énergie disponible dans l’environnement. L’augmentation de l’apport énergétique permet l’expansion de la communauté humaine. La population augmente en nombre, la vie sociale s’intensifie et se diversifie. La quantité d’énergie disponible ne suffit plus à satisfaire les besoins d’une population de plus en plus nombreuse, à défendre l’Etat contre les envahisseurs ni à entretenir les infrastructures. Le déclin se manifeste à travers la réduction des surplus alimentaires, la diminution de la consommation d’énergie par habitant, la déréliction des infrastructures de base, une méfiance croissante à l’égard de l’Etat, une anarchie grandissante, le dépeuplement des zones urbaines et les incursions de plus en plus fréquentes de bandes de pillards. Selon Tainter, une civilisation pleinement développée est au bord de l’effondrement lorsqu’elle atteint un seuil au-delà duquel le simple maintien en l’état de ses structures requiert une dépense d’énergie croissante, tandis que la quantité d’énergie qu’elle est en mesure d’assurer à chaque habitant ne cesse de diminuer. La société civilisée s’effondre brutalement lorsque cesse soudainement l’afflux d’énergie. Nous y sommes ! (in L’économie hydrogène de Jérémy Rifkin (éditions La découverte, 2002)

Sans les combustibles fossiles, la civilisation industrielle moderne cesserait immédiatement d’exister. Refuser la sobriété énergétique et l’égalisation des conditions aujourd’hui, c’est subir un rationnement violent et inégalitaire demain.

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le baril à 200 dollars (suite)

Matthieu Auzanneau : Pic pétrolier, ça va mal ?

Glen Sweetnam, directeur de la division internationale de l’Administration de l’information sur l’énergie à Washington, se contente d’évoquer des problèmes économiques conjoncturels, un simple défaut provisoire d’investissements. D’autres experts du pétrole proclament que nous faisons face à une limite géologique absolue : sur l’arbre fruitier, on cueille d’abord les fruits les plus beaux et à portée de main, avant de se résoudre à aller chercher ceux qui sont gâtés, là haut, sur les branches les plus difficiles à atteindre.

Depuis huit ans que je m’intéresse à ce débat, j’ai fini par comprendre que l’alternative entre limite économique (passagère) et géologique (définitive) n’est qu’un trompe-l’œil. C’est vrai, il y a encore tout un tas de ressources en carbone fossile à exploiter. Il est possible – extrêmement délicat, coûteux et polluant, mais… possible – de forer au large du Grand Nord, ou à des milliers de mètres de profondeur en face des côtes brésiliennes. On peut même envisager de construire des centrales nucléaires pour générer l’énergie nécessaire à la transformation en essence des pétroles « lourds ».

Soyons plus pragmatiques : tous ces pétroles « lourds » et « non-conventionnels » ne PEUVENT PAS être recueillis AUSSI VITE que les plus beaux fruits qui menacent de devenir moins disponibles dans un avenir proche, les light sweet crude, arabian light,… qui font tourner le moteur de l’économie mondiale depuis plus d’un demi-siècle. Pour reprendre le concept de l’historien et économiste Joseph A. Tainter, on peut parler d’un « rendement décroissant de l’investissement marginal dans la complexité ». Ceci revient à dire que le pétrole risque quoi qu’il arrive de devenir plus rare et plus cher à mesure que le temps passera, mutant en menace pour l’organisation économique et sociétale qu’il a largement contribué à fonder. Et plus seulement à cause du réchauffement climatique.

http://petrole.blog.lemonde.fr/2010/03/30/combien-compte-le-petrole/

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bientôt le baril à 200 dollars

Tout s’accélère, le baril à 150 dollars il y a peu, puis la crise des subprimes, le volcan qui cloue les avions au sol, maintenant la crise grecque, la marée noire aux USA et bientôt le peak oil et le baril  de pétrole à 200 dollars. Nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter de l’imminence du pic pétrolier, ainsi Matthieu Auzanneau, http://petrole.blog.lemonde.fr/. Voici un résumé de son blog :

« Une table-ronde d’économistes du pétrole a eu lieu à Washington en avril 2009. Je m’intéresse depuis huit ans au débat sur l’épuisement des réserves pétrolières, et je n’ai jamais vu un document aussi inquiétant venant de Washington. Glen Sweetnam, principal analyste au sein du département américain de l’énergie (DoE) émet l’hypothèse d’un déclin de la production mondiale de pétrole et de ses substituts à partir de 2011, qui pourrait durer jusqu’en 2015 au moins ! La production pétrolière maximale a sans doute était atteinte et les conséquences de cette assertion sont vertigineuses. Il est évident que si ce n’était pas Glen Sweetnam mais le secrétaire à l’énergie américain en personne, Steven Chu, prix Nobel de physique, qui laissait filtrer ce genre de diagnostic, une panique financière serait quasi certaine. Or en 2005, Steven Chu, alors patron d’un laboratoire de recherche du DoE, mettait en avant l’hypothèse d’un déclin de la production mondiale de brut dès le début de l’actuelle décennie.

Indice d’une stratégie plus large de la part de Washington ? Fin mars, le Pentagone publiait un rapport envisageant “une crise énergétique sévère” d’ici à 2015. Si elle advient, cette crise fera des dégâts colossaux, souligne l’état-major interarmées US. Le rapport du Pentagone table sur un déficit de production face à la demande qui atteindrait en 2015 l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite ! Encore plus surprenant : un rapport précédent du Pentagone publié en 2008 (!) établissait déjà strictement le même pronostic, lui aussi passé inaperçu : http://www.jfcom.mil/newslink/storyarchive/2010/JOE_2010_o.pdf »

Moins nous serons préparés à gérer le pic pétrolier, plus la panique financière entraînera une panique sociale indescriptible !

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pétrole offshore, ça commence à bien faire !

Le pic pétrolier est ce point de retournement à partir duquel la production de pétrole commence à baisser inéluctablement. Le géologue américain King Hubbert avait annoncé en 1956 que les Etats-Unis connaîtraient ce pic vers 1970. A l’époque la majorité des experts s’était montrée incrédule. Pourtant le pic de Hubbert a été atteint aux Etats-Unis entre 1971 et 1972. Cela a contribué à expliquer le choc pétrolier de 1973 puisque les pays de l’OPEP pouvaient dorénavant faire pression sur la première puissance mondiale. Un graphique (LeMonde du 16 avril 2008) nous indiquait que la production russe de pétrole avait atteint un sommet en 2007 et commençait à baisser en 2008. Un dirigeant du premier groupe pétrolier privé russe (Loukoil) confirmait que la Russie est dorénavant dans la même situation que le Mexique, l’Alaska et la mer du Nord, trois régions où la production d’or noir décroît fortement depuis des années en raison de l’épuisement des réserves.

Au niveau mondial, la production de pétrole conventionnel baisse depuis 2008 si on en croit un graphique discrètement mis en ligne par le département américain de l’énergie en avril 2009 (source : terraeco de décembre 2009). Le fait est que, en 2007, la production mondiale de pétrole conventionnel a diminué de 0,15 % par rapport à celle de 2006 après avoir augmenté de seulement 0,5 % l’année d’avant. Si on ajoute aux réserves les projets identifiés et les pétroles non conventionnels, le pic pétrolier aura quand même lieu en 2011. Selon d’autres sources (les spécialistes de l’ASPO, Association for the study of peak oil and gas), le pic de pétrole conventionnel fut atteint en 2005. Pour tous les liquides hydrocarbonés (le pétrole non conventionnel), ce fut en 2008. De plus l’énergie nette, celle qui est accessible à l’utilisateur final quand on a soustrait l’énergie utilisée lors de sa production est en diminution constante. Il y a un siècle, il fallait à peu près 1 baril de pétrole pour en mettre 100 dans le réservoir de votre voiture ; maintenant, il faut 1 baril pour en mettre 15 seulement.

L’après-pétrole a donc déjà commencé, mais tout est fait pour nous le cacher. Malgré la marée noire aux Etats-Unis, les pétroliers continueront l’exploitation offshore (titre du Monde du 5 mai 2010). La part du brut extrait en mer représente désormais près du tiers de la production mondiale. On veut chercher le pétrole à des profondeurs abyssales, à – 3000 mètres au Brésil. Pour faire face à l’inéluctable déplétion pétrolière, on va pomper jusqu’aux dernières gouttes ; les ingénieurs font preuve de prouesses techniques pour nous faire croire que la civilisation thermo-industrielle peut encore parier sur la croissance économique. Vanité, vanité, tout cela n’est que vanité face aux contraintes géologiques. L’administration Obama doit décréter d’urgence un moratoire sur l’offshore, l’humanité doit décréter une diminution concertée et drastique de la consommation de pétrole. Il n’y a pas que le réchauffement climatique qui nous menace, il y a aussi le pic énergétique mondial.

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la Banque mondiale déraille

Nous ne pouvons plus construire de centrales au charbon, ni en Afrique du sud, ni en Chine, ni ailleurs. Des spécialistes du carbone comme Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean vont encore plus loin : « Pour que les émissions de CO2 ne mettent pas nos enfants dans un enfer climatique, il faut supprimer l’ensemble des centrales à charbon dans les vingt ans à venir. » James Hansen le climatologue, célèbre pour avoir le premier alerté en 1988 de la réalité des périls du réchauffement, a même demandé début 2009 à « Michelle et Barack » de bannir le charbon. Pourquoi ? Selon le GIEC, si nous consommons tout le charbon accessible, la température planétaire pourrait monter de plus de 10° C à moyen terme. Pourtant la Banque mondiale envisage de prêter à l’Afrique du Sud pour construire une énorme centrale au charbon (LeMonde du 9 avril). La banque mondiale raisonne encore selon ses vieux schémas.

Les partisans des vieux schémas vont dire que la population doit accéder à l’électricité, et quand elle a l’électricité, que c’est devenu un besoin nécessaire. Ils vont dire comme la directrice pour les projets de développement durable dans la région Afrique qu’il n’y a « pas d’alternative au charbon à court terme ». Ils vont dire que les pays émergents ont droit  à l’électricité. Ils nous mènent donc droit dans le mur. En 1800, les 10 millions de tonnes de charbon consommés par le monde le sont presque entièrement en Grande-Bretagne. Au milieu du XIXe siècle, on consommera en Amérique du Nord moins de trois millions de tonnes par an. La centrale prévue en Afrique du sud consommerait chaque année 14,6 millions de tonnes. Personne au niveau politique n’a l’air de se rendre compte que non seulement c’est l’enfer climatique assuré pour nos générations futures, mais que le charbon est une source d’énergique limitée et non reproductible dont la fin est programmée.

Une seule solution, il faudrait que les pays développés montrent l’exemple et restreignent leurs besoins en électricité à allant à l’essentiel. L’électricité ne peut servir à des jeux vidéos débiles ou à des heures de télévision à contempler le vide… Il y a tellement d’autres choses à faire.

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NON aux barrages géants

Il serait insensé de renoncer à une telle ressource. C’est ainsi que se conclut l’article sur le projet du « premier très grand barrage vert » sur un affluent de l’Amazone (LeMonde du 23 février). Peu importe le déplacement de population, l’hostilité des populations autochtones, les excavations géantes, les émissions de gaz méthane, le chaos social. Il faut assurer l’autosuffisance du Brésil en électricité pour soutenir une croissance économique autour de 5 % chaque année. Comme d’habitude, c’est la fuite en avant, la croissance pour la croissance. Mais il y a des insensés qui raisonnent :

Le concepteur du barrage te dit : « Nous nous attendons à une augmentation des besoins en électricité et, en tant que décideurs, nous risquons d’être fortement critiqués s’il y a une pénurie d’électricité. Il faut donc construire un nouveau barrage. »

Tu peux rétorquer : « Mais êtes-vous sûr qu’il y ait plus de besoin en électricité ? » Il dira : « Oh ! oui, regardez les chiffres. Il y a tant de pour cent d’augmentation. » Alors tu rebondis : « Il y a une augmentation de la demande sur le marché, et vous appelez ça un besoin ? » Ensuite, après quelques échanges, il répond : « Non, non, bien sûr. Nombre de demandes ne reflètent par des besoins réels. » « Mais alors, en tant qu’individu, vous accédez à une demande sans vous poser de questions ? Si toutes les nations consommaient autant d’électricité par personne que les Etats-Unis, ce serait certainement une catastrophe. Quelle est la justification éthique ? Ne serait-il pas nécessaire de diminuer la consommation d’énergie ? »

Ce décideur politique, qui avait dit oui à une grosse, très grosse centrale électrique, admettra à peu près tout ce que tu lui diras en tant qu’écologiste. Mais il ajoutera « C’est trop tôt, ce n’est pas encore possible politiquement. Vous voulez que je quitte la politique ? » Ce à quoi tu répondras : « Je comprends ce que vous voulez dire. Oui, je comprends. Mais notre objectif à long terme est construit sur la base de prémisses beaucoup plus profondes que celles sur lesquelles repose votre argumentation. Tout ce que nous pouvons vous demander, c’est que vous reconnaissiez au moins une fois que vous êtes d’accord avec nous. Adoptez la perspective du long terme ! »

Si cet homme politique soutient désormais de temps à autre quelques-uns des objectifs fondamentaux de l’écologie profonde, son schéma d’argumentation ne sera plus aussi superficiel. Il sera sauvé, si l’on peut dire. Mais l’énergie hydroélectrique n’est pas mauvaise en soi. Ce qui est sujet à caution, c’est le fait que, plus la centrale hydroélectrique sera grande, plus elle fera de dégâts.

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la nucléocrate Lauvergeon

Le problème avec les technocrates qui gèrent nos entreprises, c’est qu’ils intériorisent les objectifs de leur entreprises comme si c’était leur propre raison d’être. Ainsi Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva, vit et rêve nucléaire. Bien sûr elle n’est pas prête à tout pour conquérir un marché et c’est pour cela qu’elle ne construira pas de centrales à Abou Dhabi : elle ne se voyait pas s’engager pour les soixante ans de vie des réacteurs, « ce n’est pas le métier d’Areva » (LeMonde du 19 janvier). Ce qui est le plus étonnant dans son  attitude, c’est qu’elle commence à avoir un prisme écolo, genre générations futures : « Je crois au nucléaire et je me sens responsable vis-à-vis de mes enfants et de leurs enfants. » Il est vrai qu’elle ne se mouille pas, raisonner sur deux générations, c’est pas beaucoup plus durable que la durée de vie d’un réacteur. Elle oublie simplement ceux qui vont se coltiner les déchets radioactifs pendant quelques siècles. Madame Lauvergeon plaide aussi pour un débat « objectif » : « Le nucléaire n’est pas LA solution ». Il faudrait donc de l’efficacité énergétique et un « mix » avec les énergies renouvelables. Mais la technocrate d’Areva ne peut être objective, son entreprise doit vendre, donc elle se situe uniquement sur des choix de second rang, sur une problématique d’offre d’énergie. Madame Lauvergeon pense comme Areva qu’il faut « produire deux fois plus d’électricité d’ici à 2050 ».

Nous attendons de plus en plus désespérément qu’un responsable d’une grande entreprise énergétique tienne un discours digne de sa haute responsabilité et mette en avant les priorités de premier rang, c’est-à-dire la maîtrise de la demande d’énergie. Réduire la consommation, une décision qui choque ? Peu importe, un décideur digne de ce nom pense d’abord aux générations futures et condamne politiques et économistes scotchés à l’idée qu’il faut toujours plus et gagner plus.

Que Lauvergeon-Areva glisse en passant qu’il faut diviser par deux les émissions de CO2 d’ici à 2050 montre aussi la duplicité de la technocratie régnante. Nous mettons au défi Lauvergeon-Areva de prouver qu’on peut produire deux fois plus d’électricité tout en divisant par deux les émissions de gaz à effet de serre.

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l’oxymore des Emirats arabes unis

Le propre de l’oxymore est de rapprocher deux réalités contradictoires. Développement durable, agriculture raisonnée, marché civilisationnel, financiarisation durable, flexisécurité, moralisation du capitalisme, vidéoprotection, etc. La montée des oxymores constitue un des faits révélateurs de la société contemporaine. Le clip publicitaire qui nous montrait la chevauchée d’un 4×4 dans un espace vierge cherche à nous conditionner à l’idéologie consumériste : en associant deux réalités contradictoires, l’espace naturel et la machine qui le dévore, il nous suggère perfidement la possibilité de leur conciliation. Si la contradiction et le conflit sont inhérents à tout univers mental, ils atteignent dans le nôtre une dimension inégalée. (La politique de l’oxymore de Bertrand Méheust)

Un exemple frappant d’oxymore nous est offert par LeMonde du 17 novembre : « Les Emirats arabes unis préparent l’après-pétrole en misant sur l’aéronautique. » Sachant que les avions utilisent du kérosène, et que le kérosène c’est du pétrole, on ne voit pas pourquoi des pièces détachées pour les A330 et autres plus lourds que l’air serait un investissement d’avenir. Le pétrole conventionnel, y’en a pour moins de 40 ans. L’émirat d’Abu Dhabi n’en est pas à sa première folie Alors qu’Abu Dhabi affiche l’empreinte écologique la plus élevée de la planète, il a posé cette année les premières pierres d’une cité écologique, Masdar city. En plein désert. Là où ne peuvent vivre que les campements de tentes et les chameaux.. C’est ici le lieu de rappeler l’étymologie grecque d’oxymore, qui signifie « folie aiguë ».

Plus l’on produira des oxymores, plus les gens seront soumis à une sorte de double bind permanent. Ils seront désorientés et inaptes à penser et à accepter les mesures radicales qui s’imposeraient dans l’ère de l’après-pétrole. Comme disait le perspicace Sheikh Rashid ben Saïd al-Maktoum, émir de Dubaï : « Mon grand-père se déplaçait en chameau. Mon père conduisait une voiture. Je vole en jet privé. Mes fils conduiront des voitures. Mes petits-fils se déplaceront en chameau. »

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à pied, sans ordinateur ni portable

La semaine passée,  j’ai beaucoup marché. A pied, sans ordinateur ni LeMonde à commenter. Donc pas de chronique quotidienne dans ce blog comme tu as du t’en apercevoir.

J’ai marché pas trop loin de chez moi, encore trop loin. Le meilleur déplacement, c’est celui que je fais dans les environs de ma maison. Mais parcourir un champ d’éoliennes est une démarche inoubliable. Le bruit d’un petit microtracteur emplissait tout l’espace. Dire qu’il y en a qui se plaignent du bruit des éoliennes ! Une voiture est passée, impossible d’entendre le doux chuintement de l’éolienne. Dire qu’il y en a qui ne disent rien du vacarme des bagnoles qui encombrent nos routes. Une éolienne, c’est beau, c’est majestueux, ça fabrique même de l’électricité rien qu’à partir du vent. Dire que « vent de colère » et VGE se positionnent pour l’automobile et contre les éoliennes.

Y’a plus de réflexion approfondie dans notre société thermo-industrielle. Car en vérité je te le dis, l’avenir est aux éoliennes comme le passé l’a été aux moulins à vent. La vérité, c’est qu’il n’y aura bientôt ni pétrole, ni gaz, ni uranium, ni charbon, ou à un prix démesuré comme l’a été leur gaspillage. Nos générations futures seront obligées de vivoter avec les seules énergies renouvelables, les seules qui leur resteront. Et nos descendants auront appris à marcher autour de leur maison, sans ordinateur ni portable.

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une société sans limites

LeMonde du 14 octobre présente une illustration parfaite de l’absence de limites dans la société de croissance, et principalement en France :

– en page 1, un président de la République se permet de nominer son jeune fils à une haute responsabilité. On pourrait donc encore agir de droit divin dans un système démocratique !

– en page 3, les émissions de télé-réalité se permettent tout. L’une d’entre elles va envoyer des jeunes en prison pour rire, ce qui multipliera le nombre des caïds en herbe !

– en page 4, l’impact environnemental des projets de TGV est âprement discuté…en Suède. En France, il faut fermer les petites structures et construire de nouvelles LGV (lignes à grande vitesse)…sans discuter !

– en page 10, on multiplie les annonces sur les dérives des déficits budgétaires en Grande-Bretagne ou en Belgique. Mais en France (page 12), Henri Guaino le conseiller de Sarko ne veut pas d’un « tout petit emprunt » !

  en page 15, le surendettement des ménages explose. Normal, la société de croissance a habitué l’Etat comme les individus à vivre au-dessus de leurs moyens !

            Je pense comme 60 % des Français (page 14) que « le plus dur reste à venir », mais la plupart de mes compatriotes n’a certainement pas encore mesuré les impacts du très proche pic énergétique. En Allemagne (page 16), où les citoyens sont un peu plus éclairés qu’en France, des écologistes viennent de stopper la construction d’une centrale au charbon. Cela règle une infime partie du problème des gaz à effet de serre, mais ne présage rien de bon pour la satisfaction des besoins en électricité d’une société de croissance !

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trier l’information

Je ne décrypte peut-être pas les infos comme il faudrait. LeMonde du 6 août nous bassine sur ¾ de pages à propos de la libération de deux journalistes par Bill Clinton. C’est le degré zéro de l’information ! Les Américains ont envahi l’Irak pour cause d’inexistantes armes de destruction massive. Pyongyang les possède, et les USA envoient un ex-président faire guili-guili au  dictateur de la Corée du Nord.

Ce qui m’attire plutôt, c’est ce qui n’a l’air de rien mais qui montre clairement que nous ne prévoyons  pas du tout l’avenir. Selon une brève de Monde tirée de l’AFP, les constructeurs automobiles japonais s’organisent pour standardiser les bornes de recharge rapide pour véhicules électriques. Nous n’avons donc pas compris que la voiture individuelle est vouée à l’échec, qu’elle soit dépendante du pétrole ou des centrales productrices d’électricité. Nous n’avons pas encore compris que nous utilisons beaucoup plus d’énergie que ce que notre planète peut nous offrir durablement, beaucoup trop d’énergie. Nous n’avons pas encore compris que la disparition de la voiture individuelle va bouleverser profondément notre société thermo-industrielle. Nous n’avons pas encore compris qu’il faut nous préparer à une société sans voiture individuelle. Nous n’avons pas encore le sens des limites.

Notre consommation correspond à 5 % de vrais besoins et 95 % des désirs solvables. Personne ne nous met un revolver sur la tempe pour acheter une voiture de 60 ch ou pour parader dans un hybride ! Nous allons devoir apprendre à nous passer d’une partie de ce qui nous semble indispensable.

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les parlementaires pensent-ils?

LeMonde du 14 juillet nous informe que les centrales thermiques solaires à concentration produisent un kilowattheure au coût de 10 à 20 centimes d’euros (sous le soleil du Sahara). Pas assez compétitif face au kWh nucléaire ou fossile, entre 3 et 5 centimes d’euros ? La réponse paraît évidente pour les parlementaires italiens qui viennent de relancer le nucléaire vingt-deux ans après son arrêt total (référendum de novembre 1987, quelques mois après la catastrophe de Tchernobyl). Nos parlementaires français ne font pas mieux en relançant l’EPR.

A la crise écologique s’ajoute une crise de la représentation démocratique concernant la prise de décision. Car on ne peut comparer les prix de deux énergies de source fondamentalement différente. Le solaire est une énergie renouvelable, nucléaire et fossile sont non renouvelables : 40 ans de réserves pour le charbon, 50 ans pour le gaz, 60 ans pour l’uranium. Or brûler des ressources limitées, c’est comme brûler sa propre maison et vivre dans la rue avec ses enfants. Il y a l’aspect émissions de gaz à effet de serre qui se répercutera dans l’avenir, il y a aussi l’entropie : l’énergie utilisée ne sera jamais récupérable par nos enfants. Le nucléaire ajoute même le fait que les déchets seront à la charge des générations futures.

Si les générations futures avaient le droit de vote, il n’y aurait dans le monde que l’exploitation de sources d’énergie renouvelables. Alors, on peut se poser quelques questions : Les parlementaires énergivores font-ils des enfants ? Les parlementaires pensent-ils aux enfants des autres ? Les parlementaires pensent-ils ?

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le politique et l’écologue

Un témoignage captivant, celui de JM Le Clézio sur le mode de vie détruit des Innus (LeMonde du 2 juillet) : la compagnie Hydro-Québec va construire 4 énormes barrages sur leur rivière Uramen. Une rivière sacrée, parce qu’elle était liée à l’histoire des Innus depuis des millénaires, va voir son cours se modifier et la forêt disparaître. Les Innus viennent d’accepter ce drame irréversible, on leur promet emplois et progrès. Ils auraient du refuser, comme l’expliquait dans un texte Arne Naess, philosophe de l’écologie profonde qui, en 1970, deux ans avant la première action de Greenpeace en Alaska, s’était enchaîné, avec un groupe de militants, à la falaise de Mardalsfossen en Norvège pour empêcher la construction d’un barrage ? Décryptage :

– David Rothenberg : Peux-tu m’expliquer en quoi la philosophie peut aider : quelqu’un projette de construire une nouvelle centrale hydroélectrique…

Arne Naess : Oui, et il dit : « Nous nous attendons à une augmentation des besoins en électricité et, en tant que décideurs, nous risquons d’être fortement critiqués s’il y a une pénurie d’électricité. Il faut donc construire un nouveau barrage. » Tu dis alors : « Mais êtes-vous sûr qu’il y ait plus de besoin en électricité ? » Il dira : « Oh ! oui, regardez les chiffres. Il y a tant de pour cent d’augmentation. » Mais tu rétorques : « Il y a une augmentation de la demande sur le marché, et vous appelez ça un besoin ? » Ensuite, après quelques échanges, il répond : « Non, non, bien sûr. Nombre de demandes ne reflètent par des besoins réels. » « Mais alors, en tant qu’individu, vous accédez à une demande sans vous poser de questions ? Si toutes les nations consommaient autant d’électricité par personne que la Norvège, ce serait certainement une catastrophe. Notre consommation par tête est même plus élevée que celle des Etats-Unis. Quelle est la justification éthique ? Ne serait-il pas nécessaire de diminuer la consommation d’énergie en Norvège ? »

D’après mon expérience, ce serviteur zélé du peuple, qui avait dit oui à une centrale électrique, admettra à peu près tout ce que tu lui diras en tant que philosophe. Mais il ajoutera « C’est trop tôt, ce n’est pas encore possible politiquement. Vous voulez que je quitte la politique ? » Ce à quoi tu répondras : « Je comprends ce que vous voulez dire. Oui, je comprends. Mais notre objectif à long terme est construit sur la base de prémisses beaucoup plus profondes que celles sur lesquelles repose votre argumentation. Tout ce que nous pouvons vous demander, c’est que vous reconnaissiez au moins une fois par an que vous êtes d’accord avec nous. Adoptez la perspective du long terme ! »

Si cet homme politique soutient désormais de temps à autre quelques-uns des objectifs fondamentaux de l’écologie profonde, son schéma d’argumentation ne sera plus aussi superficiel. Il sera sauvé, si l’on peut dire. Mais l’énergie hydroélectrique n’est pas mauvaise en soi. Ce qui est sujet à caution, c’est le fait que, plus la centrale hydroélectrique sera grande, plus elle fera de dégâts.

Source : Vers l’écologie profonde (wildproject, 2009) Arne Naess, avec David Rothenberg,

première édition, 1992, sous le titre Is it painful to think ?

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vivre sans électricité

Aux Etats-Unis, il a fallu 46 ans pour qu’un quart de la population adopte l’électricité au début du XXe siècle. Lénine disait à l’époque : « Le communisme, c’est l’électricité plus les soviets. » Mais aujourd’hui 57 % des d’Africains vivent encore à l’ancienne, sans électricité (LeMonde du 29 mai). Les enfants ne peuvent même plus faire leurs devoirs le soir à la maison, les pauvres ! Selon les ministres de l’énergie du G8, il faudrait donc s’attaquer à la « pauvreté énergétique », le monde entier devrait adopter le modèle de la civilisation thermo-industrielle. Impossible !

Les coupures de courant seront sans doute le premier signe de l’effondrement de cette civilisation. Ainsi dans l’Union européenne, une interruption soudaine de l’approvisionnement en gaz russe supprimerait 15 % de l’électricité et ferait courir des risques perpétuels de black-out. Sans électricité la vie d’une nation « moderne » s’arrêterait immédiatement. Or l’électricité n’est pas un besoin fondamental, l’électricité ne sera pas toujours facile à produire, nous avons donc besoin d’autres modèles de comportement. L’électricité est devenue une drogue alors qu’il est possible de vivre sans électricité, à l’ancienne.

 Par exemple l’électricité a été strictement contrôlé par les Amish car, en plus du fait qu’être relié au réseau électrique aurait rompu la séparation avec le monde moderne, le confort et la multiplicité des objets de loisirs (télévision, téléphone, portable…) amène la destruction des valeurs traditionnelles, le rejet de la notion de labeur, la détérioration de la paix du foyer et la dégradation des rapports communautaires. C’est pourquoi les Amish ont décidé qu’aucune technologie les liant au monde extérieur ne viendrait perturber leurs vies et rendre leurs communautés redevables à des institutions qui ne respecteraient pas les principes sur lesquels ils font reposer l’existence : « L’harmonie de la nature, de la famille et de la communauté ».

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énergie volée

Pour EDF, tout est simple, il nous suffit de « découvrir les histoires de ceux qui changent l’énergie dès aujourd’hui » (pub en dernière page du Monde du 13 mai 2009). Le problème pour EDF, c’est que l’homme n’a jamais produit de l’énergie, il l’a toujours emprunté à la nature ! Quelques précisions :

Il faut environ 100 millions d’années pour « produire » du pétrole ; si la nature était une marchande capitaliste, à combien nous offrirait-elle le litre de super ? L’énergie ne se fabrique pas, l’humanité la vole à la nature. L’énergie n’a donc pas de prix, pour le voleur, c’est gratuit, pour le receleur-revendeur, c’est tout bénéfice. Mais comme dans tout acte de malveillance, il y a une victime. Nous avons volé une partie du vent, nous tuons quelques oiseaux. Nous avons volé l’énergie des courants, nous perturbons les poissons. Nous avons volé le bois de chauffe, nous détruisons les forêts. Nous avons volé l’uranium, nous ferons des anomalies génétiques. Nous avons volé les ressources fossiles, nous faisons une grande victime, le climat.

Pourtant nous donnons un prix à l’énergie. Mais il ne s’agit pas de rétribuer les services rendus par la nature, il ne s’agit que de rétribuer des intermédiaires, les humains. Il y a d’abord la rémunération des propriétaires des centrales hydroélectrique et des éoliennes, les royalties versées aux émirs d’Arabie Saoudite et d’ailleurs, la rente des propriétaires du sol ou du sous-sol. Il faut aussi payer toutes les heures de travail nécessaires pour nous amener l’énergie à domicile. Pour le pétrole, ceux qui ont forés les puits, construits les pipelines, les pompistes ou les livreurs du fuel, etc. Cette façon de concevoir le prix montre à quel point nous sommes friands d’anthropocentrisme : la nature n’existe plus que par les mains de l’homme, nous voulons être comme maîtres et  possesseurs de la nature. Avec notre sentiment de toute puissance, nous ne nous rendons même pas compte de l’épuisement des sources d’énergie. En France, il n’y a plus de lieux où installer des barrage, il n’y a plus d’uranium, il n’y a presque plus de charbon, de gaz et de pétrole. Alors les Français pillent le reste de la planète en imitant les Américains. Avec l’impression d’être dans son bon droit.

Ce mépris de la nature et cet aveuglement a une explication idéologique, les lois du marché. Ah, les miracles et les mirages de la rencontre de l’offre et de la demande. Le prix du pétrole, à part quelques poussées de fièvre passagère, ne fait que baisser en valeur réelle. Il faut dire que les puits de pétrole fonctionnent pour l’instant à plein régime, suffisamment pour nourrir une demande toujours croissante. Le marché ne fonctionne qu’à court terme, il constate l’équilibre actuel entre l’offre et la demande et le prix courant reste relativement stable. Car le marché ne peut pas mesurer la rareté croissante de l’or noir dans le temps. Mais le pic pétrolier, ce moment où la production de pétrole commencera à baisser, se rapproche de jour en jour, certainement vers la fin de notre décennie. Quand les marchés prendront conscience de la fin du pétrole, ce sera l’affolement et les cours s’envoleront. Alors les pêcheurs, les chauffeurs de taxi et de poids lourds, les conducteurs de tous les jours perdront leur emploi ou  leur passe-temps. Avec les effet d’entraînement que cela aura sur le reste de l’économie, ce sera le moment de l’effondrement de notre civilisation basée sur le feu de nos chaudières. Alors nous regretterons de ne pas avoir donné son vrai prix à l’énergie.

Mais quel est donc le vrai prix de l’énergie ? Comme l’écrivait Yves Cochet, « contrairement à l’économie écologique, une économie biophysique ne cherche pas à quantifier en euros le coût des services fournis par les écosystèmes, elle ne  cherche pas à faire entrer la nature à l’intérieur du cadre de l’économie néoclassique, elle s’efforce de créer un nouveau paradigme. Le travail de la nature possède en effet une valeur si incommensurable avec tout ce que l’on peut chiffrer en euros qu’il paraît absurde de tenter même de le faire. » En résumé l’énergie n’a pas de prix.

En conséquence, nous n’avons plus que deux pratiques possibles :

– n’utiliser que des ressources renouvelables à commencer par notre force physique

– économiser l’énergie pour économiser la nature.

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juste prix du baril

Les spécialistes n’ont pas vu venir l’envolée des prix du baril (147,5 dollars à la mi-juillet 2008) ni son effondrement (35 dollars mi-décembre). Pourtant le spécialiste du Monde (rubrique matières premières, 29-30 mars) s’interroge doctement sur le juste prix ou optimum économique. A-t-il la réponse ? Oui, il a la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffit à Jean-Michel Bezat de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe. Mais c’est un prix surestimé, s’exclament les spécialistes de la consommation  par la voix du Centre for Global Energy Studies.

En fait Bezat ne considère que deux paramètres, un baril bon marché pour soutenir la demande ou un brut plus cher afin de poursuivre les investissements. Ni le journaliste, ni les pétromonarchies, ni le CGES ne s’interrogent sur la raréfaction croissance du pétrole, le pic pétrolier imminent et le réchauffement climatique provoqué par la combustion de pétrole. Le long terme n’existe pas pour ces « spécialistes », rien ne vaut le bon temps du court et moyen terme. Les générations futures se passeront de pétrole, ils n’avaient qu’à naître au moment des Trente Glorieuses, période qu’on surnommera plus tard les années toxiques.

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banalisation du chômage

« Nouvelle hausse violente du chômage (…) La France s’apprête à vivre une période de banalisation du chômage. Les transports, la sidérurgie, l’automobile, la chimie s’enfoncent dans la crise… ». LeMonde du 27 mars commence à paniquer, mais croit encore au Père Noël en listant les secteurs qui vont traverser la crise sans difficulté :

– l’agroalimentaire : Il s’agit d’une méthode de fabrication qui repose sur l’allongement du déplacement des denrées alimentaires. La production dans les sociétés industrielles est proportionnelle à l’utilisation de l’énergie. Avec la crise de l’énergie qui se profile, toute production alimentaire qui ne sera pas de proximité sera vouée à disparaître. Un hypermarché sans minerais et sans hydrocarbures, ça ne fonctionne pas.

– télécommunications : Lorsque le baril sera à 300 dollars et le super à 5 euros le litre, quelles seront les conséquences sur la construction et la maintenance des satellites de communication, des relais de téléphonie mobile, des câbles sous-marins et des fibres optiques terrestres qui constituent l’infrastructure de notre Internet ? Fini. Terminé. Imaginez le monde sans mail et sans Web.

– nucléaire civil : Ceux qui rêvent d’une nouvelle source d’énergie abondante et à bon marché commettent une erreur d’appréciation sur l’espèce humaine. Les exemples de ce que nous avons fait avec les énergies fossiles et le nucléaire devraient nous inciter à plus de prudence. Nous avons épuisé le sous-sol, pollué les terres, les mers et l’atmosphère, fait fondre les glaciers, déréglé le climat et exterminé des milliers d’espèces. Et l’on voudrait que toujours plus d’énergie change ce comportement !

– services à la personne : Nous avons créé une civilisation du tertiaire (70 % des actifs en France) qui a perdu le contact avec la réalité physique sous-jacente. La dernière étape sur le chemin de l’énergie nous mène aux services en tout genre, y compris l’aide aux personnes. Les gens n’ont pas encore réalisé que si la production manufacturière (et les transports) qui les financent par le jeu de la redistribution s’écroule, alors leur emploi s’écroule aussi.

Il n’y a qu’un seul secteur qui est voué à s’étendre au fur et à mesure de la crise dans tous les autres secteurs, celui de la surveillance renforcée de la population : En effet, « approfondissement de la crise = encore plus de violences = toujours plus de répression.

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improbable beauté

Hervé Kempf, pour une fois, reste assez superficiel dans sa chronique « La beauté, sans quoi l’écologie… » (LeMonde du 15-16 mars). Il relaye l’appel de Pierre Rabhi pour un moratoire sur l’implantation d’éoliennes industrielles en Ardèche. Cette chronique sur les milliers d’épine qui se fichent sur le corps mutilé de la beauté me font trop penser à des arguments de la droite anti-écolo :

Nicolas Sarkozy, notre cher président de la République, dans son discours final du Grenelle de l’environnement (25 octobre 2007) : « Je suis contre une forme de précipitation qui se traduit par la dégradation de l’environnement. Les éoliennes oui, mais d’abord sur les friches industrielles, et loin des sites emblématiques. » L’ex-président Valéry Giscard d’Estaing en rajoutait dans Libération du 13 juin 2008 : « Ce n’est pas la peine de dire qu’on est la première destination touristique mondiale si les hauteurs du Massif central sont couvertes d’éoliennes (…) Il peut y avoir des sites particuliers, sur des friches industrielles, pourquoi pas. » N’oublions pas que ce beau discours anti-éolien est le complément pro-nucléaire de Sarko et VGE.

N’oublions pas que la beauté, sentiment subjectif et indémontrable, n’est pas un argument. L’Ardèche avait ses moulins à vent, pourquoi pas des éoliennes ? Même si ces éoliennes en Ardèche feront plus de 120 mètres de haut, ce n’est toujours pas un argument ; le problème n’est pas relié au sentiment du beau, mais du fait que ce sont des éoliennes « industrielles », c’est-à-dire hors de portée des capacités locales de construction, de maintenance et d’usage. Le moulin à vent était une technique enracinée dans le territoire, l’éolienne « industrielle » représente le démesure de l’homme, sa perte d’autonomie face à la mégamachine. Oui, il faut réduire drastiquement notre consommation d’énergie, oui, il faut produire de l’énergie renouvelable et territorialisée, oui, pas n’importe quelle éolienne, non à l’autoroute prévue en Ardèche…

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trop précieux pétrole

La Norvège est riche, elle bénéficie des ressources de la mer du Nord. Alimenté par les recettes des activités pétrolières et gazières, le Fonds du pétrole (fonds d’Etat de retraite-étranger) possède un porte-feuille d’actions de 7900 compagnies internationales soit 0,77 % du marché mondial. Un conseil d’éthique, institué depuis janvier 2005, exclut du Fonds toute société non conforme, ainsi l’entreprise française Thales pour son rôle dans la fabrication de bombes à fragmentation ou Safran pour avoir développé ou produit des composants essentiels aux armes nucléaires. Mais l’éthique n’empêche pas d’être touché par le tsunami financier. LeMonde du 13 mars révèle l’ampleur des pertes subies en 2008. De toute façon on ne peut placer son argent que dans ce qui existe. Ainsi l’essentiel des actions est détenu dans Shell, BP, ExxonMobil et Total : le pétrole se nourrit du pétrole. Il n’y a plus d’endroit sur notre petite planète pour faire de l’argent durable. Aucun placement ne sera gagnant sur le long terme contrairement à ce qu’affirme le journaliste Olivier Truc.            

 Ce n’est pas en faisant confiance au système boursier que les Norvégiens vont préserver leur pureté morale. Une éthique profonde de la Biosphère aurait consisté à laisser les ressources fossiles là où elles se trouvent, dans le sous-sol… Comme écrivait Thomas More en 1516 à propos de l’or et l’argent, « La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. »

En 1892 Mendeleïev, l’inventeur de la classification périodique des éléments, présentait un compromis au tsar : « Le pétrole est trop précieux pour être brûlé. Il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique ». C’était un avis éclairé que la société thermo-industrielle n’a pas écouté. Tant pis pour elle !

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