Jean-Luc Mélenchon entre productivisme et décroissance

Y’avait pas pire productiviste que Jean-Luc Mélenchon ! Alors qu’il était encore au parti socialiste, il avait commis une contribution générale, « Réinventer la gauche pour le Congrès de Reims (novembre 2008). Il s’intéressait uniquement au fait d’empêcher la mutation du PS en parti démocrate, à refuser l’Europe américaine et le Traité de Lisbonne, à nouer des alliances à gauche seulement et « sans exclusive ». Rien sur l’écologie. Ah, si ! Y’avait un chapitre sur la planification écologique : « Seules les politiques qui oseront remettre en question le dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement ». Rien de précis comme contenu, il suffirait sans doute de confier son porte-monnaie à l’Etat pour que la planète soit propre. Mais le vent de l’opinion publique tourne, et les politiques suivent, comme les girouettes. Le tout récent « parti de gauche » représenté par l’ex-PS Mélenchon se confiait en 2009 au mensuel La Décroissance* sous le titre « Une écologie républicaine » :

« Dès ses premiers pas, le Parti de gauche a affirmé sa volonté de rompre avec le productivisme… Le Parti de gauche est partie prenante de l’écologie politique… On ne peut changer la société sans penser l’humanité dans son écosystème…Je suis favorable à une décontamination publicitaire de l’espace public… Les mouvements antipub, injustement criminalisés, contribuent à défendre l’intérêt général… Je crois que l’idée même de publicité doit être interrogée. Comment ne pas voir sa place centrale dans la production méthodique des frustrations qui sont la base de l’extension du  productivisme ?… Nous sommes pour un écart maximum de 1 à 20 entre les plus hauts et les plus bas salaires dans chaque entreprise… La relocalisation de la production au plus près des besoins sociaux sera un levier de long terme pour limiter le routier au strict nécessaire… Notre parti est favorable à une sortie maîtrisée du nucléaire… Concernant les OGM, le Parti de gauche défend un moratoire sur leur mise en culture, leur commercialisation et donc aussi leur importation. »

Qu’il est jouissif de contempler un ancien productiviste en train de manger son chapeau !!!

* La Décroissance (journal de la joie de vivre) n° 58, avril 2009

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la planification écologique selon Jean-Luc Mélenchon

Un des neufs points du programme* de Jean-Luc Mélenchon pour 2012 porte sur la planification écologique. Il portait déjà cette idée dans sa contribution générale au Congrès de Reims de novembre 2008 (chapitre intitulé « Proposons la planification écologique »). Il était alors au PS ! Jean-Luc exprimait alors le fait que le programme socialiste devrait être celui d’un « Etat organisateur du temps long ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc constatait : « Chacun sent bien que la catastrophe écologique s’avance ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc concluait que la planification écologique réintroduira la logique de l’intérêt général. Mais voyons ce que ces généralités deviennent maintenant que Jean-Luc représente le Front de gauche aux présidentielles 2012.

Jean-Luc Mélenchon n’a pas changé, il mobilise les mêmes thèmes : « Nous le savons désormais, la catastrophe écologique remet potentiellement en cause les conditions même de la vie sur Terre… Nous proposons de redéfinir nos modèles de production, de consommation et d’échange en fonction de l’intérêt général de l’humanité. » Mais il est bien obligé de rentrer dans les détails. Jean-Luc se situe alors toujours du côté de l’offre d’énergie, faisant confiance à une main mise de l’Etat sur le secteur de l’énergie : un pôle 100 % public comprenant EDF, GDF, Areva et Total renationalisé. Or, public ou privé, les ressources de pétrole ou de gaz ne vont pas augmenter pour autant. Dans le domaine du nucléaire civil, il reste dans le flou en promettant un référendum. On retrouvait la même désinvolture dans la proposition 38 de Mitterrand en 1981, en plus précis : « Le programme nucléaire sera limité aux centrales en cours de construction, en attendant que le pays, réellement informé, puisse se prononcer par référendum. » Depuis les socialistes n’ont jamais donné la parole au peuple sur la question nucléaire… Mélenchon a été et reste un bon Mitterrandien ! Du côté de la demande d’énergie, Jean-Luc saupoudre son texte de « sobriété énergétique », mais sous réserves : « La nécessaire réduction des consommations ne peut conduire à réduire le niveau de vie des classes populaires ». L’écran plat et le dernier iPad sont-ils des consommations nécessaires ? On voudrait savoir ! Si le programme prévoit beaucoup pour réactiver le rail, rien n’est dit contre la voiture individuelle. Or c’est la voiture qui fait la faiblesse du rail.

On trouve encore quelques mesurettes comme l’interdiction des OGM en plein champ ou la limitation de la publicité dans l’espace public, mais c’est toujours le grand flou pour la mise en oeuvre. Quant à la lutte contre les gaz à effet de serre, on se garde bien d’évoquer la taxe carbone pour simplement instaurer une taxe kilométrique « de manière à réduire les transports de marchandises évitables » !? La planification écologique se termine par la constitution d’un grand service de l’eau. On nous fait donc croire que quand l’énergie et l’eau seront gérés par l’Etat, tous les problèmes de raréfaction de la ressource seront résolus. Autant dire qu’on croit encore aux vertus de la planification impérative de feu l’Union soviétique ! En 2008 comme pour 2012, selon Mélenchon, « seules les politiques qui oseront remettre en question le dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement ». Ce n’est pas un programme politique, c’est dans le registre de l’incantation.

En fait ce programme de gauche traditionaliste, basée sur le rôle renforcé de l’Etat central, hésite à se prononcer sur la croissance économique dont on sait pourtant qu’elle est la cause de la dégradation de notre environnement. On trouve l’expression « croissance réelle » (p.35), « développement humain durable » (p.36), ou « un nouveau type de croissance » (p.49), mais c’est toujours pour y voir une création d’emplois et un facteur d’égalité sociale, jamais pour envisager le déséquilibre des écosystèmes. « L’ humain d’abord » est d’ailleurs le sous-titre de ce programme ; cette expression est significative d’un oubli flagrant de ce qui fait nos véritables richesses, l’existence de ressources naturelles dont Mélenchon ne perçoit nullement l’épuisement (pic pétrolier, stress  hydrique, etc.).

Un point est à remarquer dans ce programme qui se veut écologique sans y parvenir, l’IPH ou Indicateur synthétique de progrès humain. Là, on fait tellement fort qu’on en oublie totalement le rôle de l’économie et du PIB. Il s’agit de prendre en compte quatre critères, l’épanouissement personnel et l’émancipation, la sociabilité et la cohésion sociale, l’égalité et la justice sociale, le respect de l’environnement. Rien sur les rapports conflictuels entre économie, écologie et progrès social !

* NB : le programme du Front de gauche (L’humain d’abord) pour 2012 est en vente en librairie pour 2 euros…

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Mélenchon, la règle d’or et la règle verte !

Le présidentiable Mélenchon récuse l’or et opte pour le vert ! La règle d’or serait l’inscription dans la Constitution du retour à l’équilibre des recettes publiques, la règle verte* aurait pour ambition de « rembourser la dette écologique ». Or Mélenchon est contre l’austérité, donc pour la pratique keynésienne d’une relance de l’économie par le déficit budgétaire. Mélenchon nous cache que cette méthode pernicieuse a abouti dans les années 1974-79 à la stagflation, mélange de stagnation économique (donc de chômage croissant) et  d’inflation à deux chiffres.  Mélenchon invente la règle verte, mais c’est toujours au rouge qu’il pense. Paul Ariès**, qui soutient Mélenchon, montre les contradictions du discours rouge/vert : « Il ne s’agira surtout pas d’appeler les gens à se serrer la ceinture » alors qu’Ariès reconnaît dans le même temps qu’il « nous faut réduire d’environ 60 %  notre empreinte écologique ».

Tout le monde est normalement écologiste puisque directement concerné par les mésaventures de la biosphère. Mais il y a l’écologie superficielle, celle de Mélenchon qui cultive le consensus à gauche de la gauche, celle qui permet de haranguer les foules à un meeting. Et il y a l’écologie profonde, celle qui sait que la dette écologique s’est déjà concrétisé par une dilapidation du capital naturel, donc non remboursable. Pour réagir et s’en sortir collectivement, une seule issue : il faut prôner l’austérité, autrement dit la sobriété énergétique et la fin du pouvoir d’acheter n’importe quoi.

Si Mélenchon était un vrai chef d’Etat garant d’un avenir moins sombre, il n’aurait qu’un seul mot à la bouche, austérité, austérité. C’est ce qui se passe actuellement au Japon***. Dorénavant les parents japonais pensent qu’il faut apprendre à leurs enfants à vivre de manière plus austère. La dette publique a explosé, il y a eu Fukushima, le chômage est structurel et le Japon n’a pas de pétrole. L’argent ne tombe pas du ciel et pourtant les enfants, nés dans la société d’abondance, ne savent pas d’où vient l’argent, si ce n’est « de la banque ». « Que faites-vous quand vous n’avez plus d’argent ? » « On va à la banque », est la réponse des nouvelles générations. Il faut donc une « alphabétisation financière » à l’école pour préparer les enfants à une vie plus austère. Mélenchon devrait suivre de tels cours et arrêter de rêver à un avenir en rouge… La « révolution » s’est toujours accompagnée du rouge sang.

* LE MONDE du 25-26 mars 2011, chronique écologie d’Hervé Kempf, « Nouveau : la règle verte »

** Place au peuple selon Paul Ariès

*** LE MONDE du 24 mars 2012, Les petits Japonais à l’école de l’austérité

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opération de communication contre l’écologie

C’est une chronique sur ceux qui s’obstinent à ne pas y croire. Il est tellement plus facile, pour beaucoup d’Américains et de Français, de se persuader qu’ils ne sont responsables de rien, individuellement et collectivement. Des politiques de tous bords ont longtemps considéré les dégâts environnementaux comme négligeables. Les médias manifestaient au mieux une indulgence amusée et sceptique pour les « protecteurs des petits oiseaux », mais le plus souvent un mépris affiché sans vergogne. Les protecteurs de la nature doivent désormais faire face à une authentique opération de communication : les éléments de langage sont minutieusement élaborés. Les rôles des idéologues, des pseudo-scientifiques, des polémistes, des économistes libéraux et des bouffons du progrès sans limites sont parfaitement répartis. Il y a connivence entre tous les prophètes du tout va bien, dormez tranquilles braves gens, n’ayez pas peur. Les « marchands de peur » ne sont pas ceux que l’on désigne comme tel, mais les sceptiques qui entretiennent les craintes envers le changement. Les glapissements criminels des objecteurs de précaution incitent les politiques à retarder le moment d’agir sérieusement contre l’émission de gaz à effet de serre. Ces « négationnistes » (oui, je sais, il ne faut plus trop employer ce mot à terrible connotation) organisent, avec une délectation morose mais jubilatoire, le risque de faire notre malheur et celui d’autres peuples, s’ils parviennent à convaincre un maximum de politiques que les écologistes ont inventé les craintes que beaucoup de scientifiques justifient pourtant depuis des années. Mais les forçats de la croissance mettent soigneusement de côté l’interrogation lancinante que les écologistes renvoient aux sceptiques professionnels : et demain, la Terre ?

Et s’il nous fallait inéluctablement changer de vie et de modes de consommation ! Trop de politiques cultivent le consensus le plus mou, celui qui permet de dire bonjour à tout le monde sur le marché du dimanche matin. Le temps politique ne coïncide pas, ou plus, avec le temps électoral. La bataille entre les écologistes et la secte des écolosceptiques se trouve plus que jamais au cœur des prochains affrontements électoraux.

(extraits du livre L’écologie sinon rien  de Claude-Marie Vadrot (delachaux et niestlé, 2012)

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Twitter encore et toujours, il n’en restera rien !

La nouvelle interface « LIVE » du monde.fr est à l’image du gouffre dans lequel est tombé ce média « de référence ». LIVE a basculé dans la Twitter attitude… On croit qu’on participe à l’événement, nous sommes réduits à l’extrême de la passivité, simples voyeurs du faits divers qui passe. On babille, on gazouille, c’est la traduction de twitter, on passe bientôt, très vite, à l’évènement suivant. Nous sommes aujourd’hui dans une société qui ne prend plus le temps de réfléchir, qui accélère pour aller dans le mur, et plus personne ne peut (s’)en rendre compte.

LE MONDE papier* donne ¾ de page au phénomène Twitter, instrument parfait de l’immédiateté, du raccourci et de l’inutilité. Les microblogs ont décollé avec l’affaire DSK, événement marginal dont il n’y avait rien à dire médiatiquement. A quoi ça sert de pouvoir communiquer avec le monde entier en quelques minutes ? A conforter le pouvoir des élites médiatiquement autoproclamées. Le compte Twitter qui a le plus grand nombre de followers (abonnés) est comme par hasard celui de Lady Gaga qui, comme son nom l’indique, n’a rien à dire de sensé. Ce sont les people que se sont accaparés de ce mini-réseau social. Mini parce qu’en 140 signes maximum, on ne peut vraiment rien expliquer. Et comme d’habitude les marques sont à l’affût du nouveau client à appâter grâce aux autres clients. L’effet boule de neige aurait acquis ses lettres de noblesse lors du printemps arabe. En fait les mouvements de masse tweetés ont débouché sur une arrivée de l’islamisme au pouvoir. Preuve de plus s’il en est que tweeter n’est pas gage de réflexion. Un commentaire de lecteur du MONDE est limité à 500 caractères, mais une chronique d’abonnées peut aller jusqu’à 5000 caractères : l’optimum pour faire un discours bien construit. Ce billet se contente de 1801 caractères !

* LE MONDE du 22 mars 2012, Twitter fête ses 6 ans + Les microblogs ont décollé avec l’affaire DSK

notre billet précédent à propos de Twitter, connecté… à quoi ?

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Schmallenberg : sécurité alimentaire contre libre-échange

Les journalistes donnent des faits et se gardent bien de juger. Ainsi Laurence Girard* : « Depuis le mardi 20 mars, plus aucun bétail vivant d’origine européenne ne doit franchir les frontières de la Russie… Cette interdiction a provoqué, le même jour, une vive réaction de la Commission européenne, qui a jugé cette décision « disproportionnée » et « injustifiée »…. Moscou a motivé sa décision en invoquant la propagation du virus de Schmallenberg en Europe…. Les éleveurs sont confrontés au même triste spectacle : la naissance d’animaux mort-nés ou déformés… La contamination des bêtes se ferait par piqûre de moucherons ou de moustiques. »

Le lecteur est obligé de se poser ses propres questions, Pourquoi exporter du bétail vivant ? Le lecteur est obligé d’essayer d’y répondre : Il vaudrait mieux relocaliser complètement l’élevage, ne pas transporter bêtes et viandes d’un bout à l’autre de la planète et diminuer son alimentation carnée pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent le ministère de l’agriculture français qui a tenu à mettre en garde « ses partenaires commerciaux à l’export que les barrières aux échanges restent injustifiées » n’a pas raison. De même la Russie, qui s’apprête à faire son entrée cet été dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est dans son tort. Le libre-échange au niveau alimentaire est une aberration qui empêche la souveraineté et la sécurité alimentaire sur notre planète dévastée par le libéralisme économique. Les journalistes devraient en tenir compte et aménager leurs articles en ce sens. Sinon, cette « neutralité » journalistique empêche l’évolution des mentalités, c’est toujours l’idéologie des plus forts qui continue de régner.

Les journalistes du MONDE, sauf exception comme Hervé Kempf, font preuve d’une ignorance dommageable de l’urgence écologique. Nous conseillons à Laurence Girard de lire Le retour des paysans de Silvia Pérez-Vitoria :  « En 1986, l’agriculture entre dans les accords du GATT avec l’Uruguay Round. La suprématie de la marchandise sur l’aliment est actée dans des textes internationaux. Le seul intérêt est le développement du commerce et les profits des transactionnaires (firmes agro-exportatrices, sociétés de transports, assurances, banques). Cela ne favorise ni l’alimentation de la population, ni l’activité du paysan local, ni les économies d’énergie. Le protectionnisme est une condition incontournable de l’autonomie. Via Campesina demande le retrait de l’agriculture de l’OMC (organisation mondiale du commerce), ou plutôt le retrait de l’OMC de l’agriculture. Pour Via Campesina, mouvement mondial de petits paysans fondé officiellement en 1993 à Mons en Belgique, la souveraineté alimentaire est définie comme « le droit de chaque nation de maintenir et d’élaborer sa propre capacité à produire son alimentation de base dans le respect de la diversité culturelle et productive ». »

* LE MONDE | 21.03.2012, La progression du virus de Schmallenberg se confirme en Europe

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Mobiliser la société face au défi pétrolier

La prépondérance de l’événementiel fait oublier l’essentiel.  Huit pages autour de Mohamed Merah dans LE MONDE papier du 23 mars, mais   une tribune* formidable, exceptionnelle, cosignée par les rares qui réfléchissent encore en France, n’a pas été retenue pour une publication dans la version papier du MONDE ; elle n’a pas été considérée comme étant au « coeur » de l’actualité.  A vous de juger de son contenu à l’heure où le prix du carburant décolle :

« Après plus d’un siècle d’augmentation importante de la production et de la consommation de pétrole, la Terre s’essouffle et la notion de « pic de production », autrefois ignorée, s’impose comme une réalité inéluctable. Cette tension se manifeste d’ores et déjà à travers le déploiement de techniques d’extraction demandant toujours plus d’investissements, d’énergie et de matériaux. En effet, lorsque des réserves sont limitées, le rythme de leur exploitation suit une courbe croissante, puis elle plafonne à son maximum en formant un plateau, avant de décroître. C’est le cas du pétrole facilement accessible et bon marché dont la plupart des experts, y compris, désormais, l’Agence internationale de l’énergie, admettent qu’il a atteint son pic de production mondial il y a quelques années.

Malgré les découvertes de gisements récemment médiatisées, le monde continue de consommeer beaucoup plus de pétrole qu’il n’en trouve par l’exploration. L’extraction du pétrole difficile, appelé non-conventionnel (sables asphaltiques, pétrole de roche-mère, grands fonds marins…) sera beaucoup plus coûteuse et surtout beaucoup plus lente. Elle ne permettra donc pas d’éviter la baisse de la production mondiale après un plateau qui ne devrait durer que jusqu’en 2015-2020. Les énergies alternatives, même si elles sont développées à un rythme soutenu, ne pourront pas compenser le déclin de la production de pétrole, que ce soit en quantité ou en coût de production. Aucune solution de substitution aux carburants liquides n’est disponible à l’échelle de la demande, actuelle ou future.

A l’avenir, nous disposerons fatalement de moins d’énergie et de ressources alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur Terre et que les pays émergents sont en phase d’industrialisation rapide. Par ailleurs, les pays exportateurs consomment une part toujours plus importante de leur production pour alimenter leur développement.

Or force est de constater que le fonctionnement de notre société dépend aujourd’hui d’une croissance économique soutenue qui va de pair avec une consommation toujours plus importante d’énergie et de ressources. L’urgence apparaît donc d’anticiper une inexorable descente énergétique. Les limites physiques devraient déclencher une réelle transition de la société vers une diminution majeure de notre dépendance aux ressources non renouvelables, par un changement profond des comportements, de l’organisation du territoire et de notre économie. Si cette transition n’est pas anticipée, elle sera subie de manière chaotique et provoquera des conséquences économiques désastreuses, à l’image de la crise des subprimes. Les fondements de la démocratie et la paix pourraient donc être menacés.

Dans ce contexte, il est indispensable que les responsables politiques, mais aussi l’ensemble des acteurs sociaux et économiques ainsi que les citoyens français, prennent conscience de cet enjeu et fassent preuve d’anticipation, car nous sommes face à un péril réel pour la cohésion sociale et le fonctionnement de l’ensemble des secteurs vitaux de notre collectivité. Les signataires de cet appel invitent tous les candidats à l’élection présidentielle à tenir compte de cette situation urgente. Ils leur demandent de prendre position sur cette question, dans le cadre de débats et de propositions politiques concrètes. Celles-ci devront être compatibles avec la réalité physique de l’extraction des ressources et permettre de faire face à la décrue énergétique de notre société. »

* Le Monde.fr | 22.03.2012 – Mobiliser la société face au pic pétrolier

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l’agriculture regagne du terrrain en ville

Aujourd’hui bétonnage et goudronnage sont les deux mamelles de la modernité inconsciente. Les terres disponibles pour l’agriculture vivrière diminuent de manière dramatique. Heureusement les signes de reconnaissance de ce fourvoiement se multiplient. Il ne tient qu’aux urbains, désormais majoritaires sur Terre, de renforcer les liens vitaux qui les attachent à l’agriculture, en commençant dans et autour des villes. Voici un résumé d’un article du dossier « L’agriculture regagne du terrain dans et autour des villes » de LaRevueDurable n° 43 (août-septembre-octobre 2011) : Les potagers se fraient une place en ville.

« La petite maison familiale avec jardin potager semblait la forme idoine de l’urbanisme résidentiel à la fin du XIXe siècle. De cette utopie naquit le cauchemar écologique de l’urbanisme pavillonnaire, peu dense et énergivore. Il y a une tendance à privilégier les pelouses et les équipements de sport. Mais il faudrait mettre à profit certains de ces espaces pour y intégrer une activité productrice en ville. La prolifération des bacs à fleurs et des plate-bandes décoratives, ce n’est pas ça qui va améliorer la qualité de la vie en ville. Pas plus que les alignements de thuyas. En revanche, un lieu où l’on peut admirer et suivre l’évolution d’une plante depuis le semis jusqu’à sa récolte aurait une indéniable valeur esthétique, agricole et sociale.  Lausanne a décidé d’entretenir certaines pelouses avec des moutons et convertit d’autres pelouses en potagers urbains. 70 % des Lausannois jugent que ces « plantages » – des potagers collectifs aménagés au pied des immeubles d’habitation – augmentent la qualité de la vie en ville. On peut imaginer planter des haies d’arbres fruitiers, diffuser des toitures végétales productrices, etc. Le saucissonnage, une zone pour l’habitat, une zone pour le sport, une zone pour l’emploi, une zone éloignée pour l’agriculture est dépassé. Il faut des espaces multifonctionnels. Partager, mutualiser et beaucoup d’imagination, voilà les maîtres mots d’un urbanisme dense qui accueille l’agriculture.

Il semble que l’ouverture et l’accessibilité des espaces agri-urbains sont les premiers critères à remplir pour que l’agriculture urbaine soit vectrice de qualité urbaine. En France, les jardins partagés font un tabac. A Genève, les différentes opérations de potagers urbains connaissent un franc succès. A Zurich, la liste d’attente pour accéder à une parcelle dans un jardin ouvrier est telle qu’il faut plusieurs années avant de l’obtenir. »

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entre individu et Etat, corps intermédiaires et communautés locales

Le président sortant Sarkozy est un libéral doctrinaire : entre lui et le peuple, il n’existe rien d’autre. Sarkozy rejoint ainsi Margaret Thatcher qui affirmait en 1987 que « la société n’existe pas. Il y a seulement des hommes, des femmes et des familles ». Exit les « corps intermédiaires » aux mains des syndicats et associations qui, selon Sarkozy, « confisquent la parole des Français ». Place au dialogue direct du bien-aimé leader avec le peuple par le biais du référendum. Populisme ou démocratie ?

Comme la démocratie directe par référendum ne peut trancher toutes les décisions à prendre dans une société complexe, on est bien obligé de passer par des intermédiaires. Les associations sont de deux sortes, défendant un individualisme corporatiste ou des valeurs universelles. Les « représentants d’intérêts accrédités » appartiennent le plus souvent au premier groupe. Par exemple les syndicats endossent le plus souvent l’habit du corporatisme : défense de ceux qui ont un emploi contre défense des chômeurs, défense des travailleurs de telle catégorie contre défense de l’ensemble des métiers… Il y a les lobbies qui défendent plus particulièrement les intérêts de tel groupe d’entreprises ou telle procédure de production, faussant ainsi la démocratie par le pouvoir de l’argent et la manipulation.

Heureusement, il y a aussi les corps intermédiaires qui se font l’expression de l’intérêt général. On peut alors parler d’« institutions de l’interaction » dont la majeure partie des membres sont bénévoles, sans avantages acquis à défendre. Par exemple les associations de protection de la nature sont un extraordinaire réservoir d’expertise et le lieu d’un contre-pouvoir. L’Etat ne peut tout faire, et il fait souvent mal ; les associations « loi 1901 » sont là pour réagir. Elles traduisent ainsi les aspirations et les capacités d’auto-organisation de la société. Clotilde Druelle-Korn, Maître de conférences en histoire contemporaine économique et sociale, défend les corps intermédiaires « précieux rouages de la démocratie »*. Mais elle ne considère que l’existant, les corps intermédiaires à but économique et social. Elle oublie comme la plupart des analystes l’urgence écologique.

Notons enfin qu’entre l’individu et l’Etat, il y a les collectivités locales, une autre sorte de corps intermédiaires. Plus particulièrement il y a en gestation des communautés de résilience, dite aussi de transition, qui ont la vocation de nous préparer aux chocs des hydrocarbures. La profusion des termes (Communautés intentionnelles ou Ecovillages ou Agenda 21 local ou Towns transition ou Plan climat ou Cités jardins ou communautés de résilience…) montre la richesse de cette alternative à l’ère des combustibles fossiles. Nous vous indiquons la plate-forme d’une communauté de résilience pour réflexion.

*LE MONDE du 20 mars 2012, Diktat des  » corps intermédiaires  » ?

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Les limites de la croissance (1972-2012), quarante ans de perdus

Hervé Kempf dans sa chronique* nous rappelle à juste titre les quarante ans du rapport du club de Rome. (The Limits to Growth, Universe Books, 1972). Complétons son analyse, les politiques ont été allergiques aux limites de la planète, en 1972 comme en 2012 !

En 1972, la croissance reste pour Georges Pompidou le critère de la réussite politique : « Si la croissance s’arrêtait, l’opinion se retournerait. Les gens sont pour ce qu’ils n’ont pas. » Son ministre des finances Giscard d’Estaing organise en juin 1972 un colloque sur les conclusions fort alarmantes du Club de Rome… en mai 1974, le candidat aux présidentielles Giscard d’Estaing ne leur accorde plus la moindre considération : il ne parle que de croissance ! Au second tour des élections présidentielles 2007, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy proposaient à leurs électeurs le même objectif : intensifier la croissance des productions, des consommations et des déplacements sans s’interroger sur leur contenu. Nicolas Sarkozy a instauré une commission pour « libérer la croissance » dont il disait à l’avance qu’il respecterait toutes les indications. Aujourd’hui le challenger François Hollande se polarise toujours sur l’idée de « croissance à long terme ».

Pourtant en 2004 l’équipe Meadows a repris ses travaux sur les limites de la croissance avec des bases de données réactualisées (the Limits to Growth,  the 30-Year Update). Les conclusions n’ont pas changé : « La croissance exponentielle ne peut que conduire à un sommet de pollutions, de dégradations et à un effondrement de la population. Enfin, il sera très difficile d’éviter d’ici à la fin du siècle une augmentation de la température moyenne de plus de 3 °C,  avec une montée générale des mers qui pourrait aller jusqu’à deux mètres. » En 2008, Graham Turner, chercheur au CSIRO**, a publié un article où il reprenait les trois scénarios les plus caractéristiques du rapport Meadows de 1972 (scénarios « business as usual », « monde super-technologique » et « monde stabilisé »), qu’il confrontait à des données mondiales pour la période 1970–2000 : population, natalité/mortalité, production de nourriture, production industrielle, pollution et consommation de ressources non renouvelables. Il constatait que, sur la période 1970-2000, ces données numériques étaient étonnamment proches des valeurs que le rapport Meadows présentait pour le scénario « business as usual ». Il terminait son analyse en disant que « la comparaison de données présentée ici vient corroborer la conclusion de Halte à la croissance ? selon laquelle le système mondial suit une trajectoire qui n’est pas durable, sauf s’il se met à réduire, rapidement et de manière substantielle, son comportement consomptif tout en accélérant ses progrès technologiques. »

Jacques Grinevald, qui a introduit en France la notion de décroissance, est fondamentalement réaliste : « Au lendemain du tollé qui accueillit le premier rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance (1972), on n’avait pas encore compris l’accélération de la dynamique d’un système aussi complexe que la Biosphère, altérée par l’activité humaine, et on ne croyait pas sérieusement à l’imminence d’une double menace comme celle du changement  climatique et de la déplétion mondiale du pétrole brut ! On a oublié que ce rapport scientifique illustrait déjà le problème des courbes exponentielles de notre croissance. On nous parle beaucoup des impératifs économiques de la mondialisation, mais il est grand temps de réfléchir aux impératifs de la mondialisation écologique, parce que le monde vivant auquel nous appartenons est un phénomène à l’échelle de la Terre. Dans cette perspective planétaire, tous nos problèmes prennent un autre sens, y compris nos problèmes métaphysiques et religieux. Redonner au vivant une place centrale dans notre théorie de la Terre n’est pas encore une évidence pour tout le monde. »***

Redonner une place centrale au vivant est  le cadet des soucis de nos présidentiables 2012.

* LE MONDE du 18-19 mars 2012, Bon anniversaire ?

** CSIRO, Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation  : organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique. Le rapport de Graham Turner, Confronter « Halte à la croissance ? » à 30 ans de réalité, août 2008.

*** La Biosphère de l’Anthropocène de Jacques Grinevald  (Georg, 2007)

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effondrement des villes, explosion des inégalités

Le 6e sommet mondial de l’eau vient d’avoir lieu à Marseille. L’article principal du MONDE* parle des grandes villes chinoises qui s’affaissent par surexploitation des nappes phréatiques : ainsi le centre de Shanghai a baissé de 2,6 mètres depuis 1921. Lors du Forum mondial de l’eau à Mexico en mars 2006, on notait que cette ancienne capitale des Aztèques, jadis construite sur un lac, s’enfonçait au rythme de 50 centimètres par an : les nappes phréatiques y étaient pompées frénétiquement comme en Chine actuellement. Nous sommes en train de dilapider le capital naturel, ce qui entraîne le renforcement des inégalités sociales !

Mexico est l’exemple de ce qui se généralise, l’inégalité totale d’accès à l’eau potable. Dans la partie nord-est qui concentre espaces verts et quartiers résidentiels, l’eau sous pression coule claire et abondante, le mètre cube est très abordable à 11 centimes d’euros. On arrose le gazon et on remplit souvent les piscines, laver la voiture est une habitude renouvelée. Le reste de l’agglomération reçoit une eau à faible débit, qui présente le plus souvent une couleur jaunâtre peu engageante,  avec des coupures fréquentes ; alors on s’achète des bidons de 20 litres d’eau potable à prix prohibitif. D’ailleurs comment une mégalopole de 21 millions d’habitants, qui augmente chaque année de 300 000 nouveaux arrivants, peut-elle être durable ?                 De même en Chine. Alors que 19 % seulement de la population vivait dans de villes en 1979, presque 700 millions de Chinois habitent maintenant dans des zones urbaines, soit 51,3 % de la population. Cela n’est pas durable.

Mao, qui avait beaucoup de défauts, disait aussi des choses  justes, comme savoir marcher sur ses deux jambes, c’est-à-dire continuer le progrès industriel sans négliger l’agriculture. L’afflux de citadins dans les villes était strictement contrôlé. Aujourd’hui encore le statut de « rural » (le hukou) interdit aux paysans chinois de s’installer en ville. Mais avec la conversion du communisme chinois au libéralisme industriel, il y a aujourd’hui quelque 150 millions de mingong, ces paysans-ouvriers privés de droit et exploités dans les mines et les villes parce que sacrifiés à la croissance économique. Ils sont aussi les premières victimes d’une crise. Face au tsunami financier de 2008, la Chine avait commencé à renvoyer ses mingongs dans leur campagne d’origine.

La Chine a l’avantage de ses inconvénients. Son régime dictatorial lui permet de mener une politique d’urbanisation ou son inverse, la désurbanisation.  Mais sa marge de manœuvre est devenue minime. Comment renvoyer des centaines de millions de personnes à la campagne si ce n’est en renforçant les inégalités sociales, jusqu’à l’explosion ! Ecologie et social ont partie liée.

* LE MONDE du 17 mars, Plusieurs grandes villes chinoises s’affaissent

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Il faut dénoncer le pétrole de schiste et Harold Hamm

La société actuelle nous berce d’illusions. Ainsi, grand titre dans LE MONDE*, « Les Etats-Unis redeviennent exportateur net de produits pétroliers ». Suit un article dithyrambique sur la success story de l’or noir américain : « Une révolution énergétique est en marche avec le développement des pétroles de schistes. » Mais si on lit attentivement l’article, quelques phrases nous interpellent : « Reste un problème majeur, celui de la gestion de la ressource en eau pour produire ce type d’hydrocarbures… Harold Hamm demande au gouvernement d’assouplir les règles environnementales… Harold Hamm se rallie à la candidature du républicain Mitt Romney, aux côtés des lobbyistes du charbon et des sables bitumineux. »

La journaliste Anne Michel termine son article ainsi : « Harold Hamm devrait gagner quelques places dans le classement de Forbes (classement des grandes fortunes). » Anne Michel aurait du conclure en disant que Harold Hamm commet des crimes contre l’environnement, se lie aux climatosceptiques et à un parti de religieux du libéralisme croissanciste, est un menteur invétéré qui veut faire croire que les USA vont être totalement indépendants au niveau énergétique à la fin de la décennie (pour combien de temps, à quel prix ?). Anne Michel ne fait pas son travail de journaliste, c’est-à-dire révéler ce qui se cache derrière le discours de ceux qui ont tout intérêt à nous laisser vivre dans l’insouciance.

Cet article relève de l’intoxication médiatique du citoyen, pas besoin de s’inquiéter, « Dormez braves gens, dormez, les riches s’occupent de vous », le pic pétrolier n’existe pas, on trouvera toujours du pétrole de schiste et du gaz de schiste, de toute façon il y aura un jour la quatrième génération de réacteurs nucléaires, puis la fusion sera maîtrisée, puis….. l’enfer sera sur Terre. Peu importe, nous aurons gagné beaucoup d’argent. Harold Hamm dont Anne Michel fait le panégyrique a commence sa carrière comme pompiste. Il s’est improvisé par la suite expert dans l’exploration pétrolière et du gaz. Son sens commercial lui permet de pratiquer la fracturation de notre planète pour gonfler sa fortune. Les vrais experts en ressources pétrolières nous ont averti que le pic pétrolier est derrière nous. Un journaliste devrait en tirer la conclusion que le chaos socio-économique se cache derrière Harold Hamm.

* LE MONDE du 13 mars 2012, l’extraction des huiles de schiste a réduit la dépendance énergétique du pays.

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Définitions de la dette écologique

La dette économique est une somme d’argent due à un créancier. En termes simples, le créancier, c’est celui qui prête le capital emprunté. Pour le  capital naturel, le créancier est donc la Terre, ou la biosphère ou la nature, peu importe le nom. D’où une dette écologique des humains envers la Terre. Le fait par exemple de pêcher une espèce de poisson plus que ce qui permet son renouvellement est bien un découvert vis-à-vis des richesses de la mer. Ce découvert, on est normalement obligé de l’acquitter, par exemple en fixant un moratoire sur la pêche, sinon nos contemporains et successeurs seront appauvris. C’est comme si on avait brûlé notre maison… plus d’héritage possible !

On peut toujours refuser de rendre l’argent à l’oligarchie financière qui vit « au détriment des peuples ». Il n’en est pas de même avec la dette écologique : les richesses non renouvelables prêtées par la biosphère ont été définitivement dilapidées par les peuples qui vivent à l’occidentale. En effet l’humanité ne peut rendre les barils de pétrole, les tonnes de charbon ou les possibilités de recyclage naturel du CO2 qui permettent le niveau de vie actuel des « honnêtes gens ». C’est pourquoi la cure d’austérité que va traverser l’espèce humaine sera bien plus terrible que lors d’un tsunami financier où on peut refinancer l’économie en faisant tourner la planche à billet (nouveaux crédits).

Chaque année, la New Economics Foundation calcule la date à laquelle la consommation de ressources par l’humanité dépasse la capacité de renouvellement de la planète. au-delà de cette date, on est en situation d’épuisement des réserves. Cette date anniversaire a été baptisée « Jour de la dette écologique » ou Jour du dépassement (« Overshoot day« ). En 1987, l’humanité était passée dans le rouge le 19 décembre. En 1995, cette date était intervenue le 21 novembre. Pendant l’année 2008, l’humanité a basculé du côté obscur le 9 octobre, et le 27 septembre en 2011. Cette date intervient chaque année de plus en plus tôt, ce qui signifie que les ressources disponibles pour une année sont consommées de plus en plus vite. Nous vivons en ce moment écologiquement « à découvert ». En vivant au-delà de nos moyens environnementaux, nous privons des millions de personnes dans le monde de la possibilité de satisfaire durablement leurs besoins.

Historiquement, le concept de dette écologique a été conçu dans les années 1980 comme contre-partie à la dette financière des pays latino-américains : nous vous devons des dollars mais vous, pays riches, vous nous devez le trou de la couche d’ozone. Plus récemment, on a estimé qu’il faudrait comptabiliser dans les négociations internationales sur le climat toutes les émissions de gaz à effet de serre déjà effectuées par les pays développés pour rétablir plus de justice dans les émissions futures. Mais, lors de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique à Rio en 1992, on a pris l’année 1990 comme « année zéro » : cela signifiait que l’on ne ferait aucune reconstitution du patrimoine des réserves mondiales de combustibles fossiles pillées auparavant. D’un trait de plume, on effaçait ainsi la dette écologique des pays riches. De toute façon, c’est impossible de rembourser cette dette en permettant aux pays pauvres d’émettre beaucoup plus de CO2 dans l’avenir. Les pays sous-développés ne peuvent reproduire la même erreur que l’Occident puisqu’il y aurait alors certitude d’un emballement climatique.

Concluons. La dette écologique, ce n’est pas des bouts de papier qu’on pourrait rembourser avec d’autres bouts de papier. La dette écologique est différente d’une dette financière, c’est concret, c’est l’affaiblissement de notre capital naturel. Cette perte est irrémédiable quand il s’agit de ressources non renouvelables comme le pétrole, le gaz, ou l’uranium. Elle sera très douloureuse à rembourser quand le système climatique sera déréglé. Il n’y a là rien de réjouissant, mais tant que les dirigeants feront croire aux peuples que « demain ça ira mieux », avec un peu plus de croissance économique, la situation ne pourra qu’empirer. S’il n’y a pas décroissance voulue et partagée, il y aura dépression économique subie par les exclus.

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Contradictions du discours croissanciste dans LE MONDE

Prenons le quotidien du 16 mars 2012, l’idée de croissance est bien présente. Le chef du SPD allemand veut un « pacte pour la croissance », mais il n’a à proposer comme politique de relance rien d’autre que le soutien à l’énergie solaire. Un débat en France  est relaté sur « les moyens de renouer avec la croissance »: il suffirait d’être compétitif, mais comme tous les pays désirent la même chose, les efforts de chacun s’annulent. Alors, soyons clair, les effets négatifs de la croissance l’emportent largement.

Dans le même numéro abondent en effet les informations qui montrent que les conséquences de la croissance économique sont néfastes : le malaise en Malaisie à propos des terres rares, des mineurs en grève tués par la police au Pérou, le problème de l’indigénisation des ressources minières au Zimbabwe, une sécheresse exceptionnelle qui frappe l’Europe (le réchauffement climatique ?), encore l’exposition des travailleurs aux fibres d’amiante, un emprunt à 100 ans de la GB (même les pays riches sont endettés), un cadre de Goldman Sachs qui dénonce un environnement toxique et destructeur (mépris des clients), le suicide d’un cadre de la poste (victime  des éternelles restructurations), un spécial MONDE des livres sur Fukushima.

Résumons. La croissance économique résulte principalement de deux choses, l’exploitation minière de la terre et l’exploitation des travailleurs. Aucun des thuriféraires de la croissance ne peut s’enorgueillir d’un tel processus. Comme les ressources du sous-sol s’épuisent et comme les travailleurs sont épuisés, il faut trouver un moyen de perpétuer quand même la croissance. Il a fallu avoir recours au mécanisme d’endettement, à la croissance à crédit. D’où les méfaits de Goldman Sachs (produits dérivés) et l’endettement de 1000 milliards de livres de la GB. Nous allons bientôt découvrir, après la dette financière, la profondeur de la dette écologique. Alors nous nous apercevrons que ceux qui ont prôné la croissance économique étaient des fous dangereux.

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L’armée française s’intéresse enfin à la catastrophe

Même si mon cœur va aux objecteurs de conscience, j’ai toujours pensé que l’armée dans les temps modernes allait voir son statut changer radicalement. Que ce soit dans l’ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, l’armée française est déjà devenue une force d’interposition, un gage de paix, pour ainsi dire une gendarmerie internationale. Au niveau interne, l’armée va bientôt devenir la « spécialiste du chaos »*. En effet, alors que les militaires ont de plus en plus de mal à se trouver des adversaires définissables dans un monde contemporain où la souveraineté nationale est internationalement reconnue et protégée, la montée des périls écologiques offre de nouvelles perspectives. C’est entre autres le climat qui devient « le nouvel ennemi de l’armée française »*.

Je n’entre pas dans le cœur de cet article d’Hervé Kempf qui pose bien les problèmes, à commencer par le fait que l’armée est plutôt climato-sceptique. Je vais m’attarder sur le fait que l’armée française, donc notre appareil politique, est encore en retard de plusieurs guerres : la guerre du climat, la guerre du pétrole, la guerre de l’eau, etc. Contre les guerres que nous menons contre la Terre, notre force de dissuasion apparaît pour ce qu’elle est, ridicule. Un rapport confidentiel du Pentagone sur le changement climatique date déjà d’octobre 2003. Comme l’administration américaine avait étouffé ce document, son existence ne fut divulguée que par des indiscrétions en février 2004. Le rapport concluait : « Nous ne prétendons pas prédire la manière dont le changement climatique va se produire. Notre intention est de rendre parlants les effets que celui-ci pourrait avoir sur la société si nous n’y sommes pas préparés. Les sociétés les plus combatives sont celles qui survivent ». Il était aussi symptomatique que le prix Nobel de la paix ait été décerné le 12 octobre 2007 au groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le comité cherchait ainsi à « attirer l’attention sur les processus et les  décisions qui paraissent nécessaires pour protéger le futur climat du monde, et ainsi réduire la menace qui pèse sur la sécurité de l’humanité ». Il était significatif qu’Harald Welzer ait pu écrire en 2009 tout un livre sur les guerres du climat.

Comme l’insécurité écologique est principalement rattachée à la problématique énergétique et pétrolière, des rapports militaires de la Bundeswehr ou du Pentagone se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier (voir le blog De Matthieu Auzanneau). Fin mars 2010, le Pentagone publiait un rapport envisageant “une crise énergétique sévère” d’ici à 2015. Si elle advient, cette crise fera des dégâts colossaux, souligne l’état-major interarmées US. Le rapport du Pentagone table sur un déficit de production face à la demande qui atteindrait en 2015 l’équivalent de la production de l’Arabie Saoudite ! Il est clair que les armées seront les seules à pouvoir gérer le chaos qui s’annonce. Puisse cela se faire dans la concertation internationale…

* LE MONDE du 15 mars 2012, Le climat, nouvel ennemi de l’armée française

(Les militaires commencent à intégrer les multiples conséquences du réchauffement dans leurs réflexions)

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4/4) Serge Latouche, l’Europe de Charlemagne va éclater

Tous les discours médiatisés ont un point commun : la croissance va revenir, on va s’en tirer, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Car si rien ne change, nous savons que nous allons à la catastrophe.

Le modèle systémique World 3 (Limits to Growth, The 30-year Update – 2004), testé sur plus d’un siècle est un bon outil pour prévoir les tendances lourdes. Selon que l’on prenne des mesures palliatives plus ou moins sérieuses, l’effondrement – le collapse – se situe en 2030 et 2070 : 2030, en raison de la crise des énergies non renouvelables (pétrole, gaz, charbon, uranium, terres rares, autres minéraux) ; 2070, en raison des pollutions, des dérèglements climatiques, de la désertification  dans un monde qui compterait entre neuf et dix milliards d’habitants.

Les études des historiens nous apprennent que la vie perdure, tant bien que mal. En raison de la logique routinière, les grands projets programmés se poursuivent : autoroutes, aqueducs, aéroports, tunnels, centrales nucléaires et autres projets insoutenables comme le Grand Paris – alors que très probablement, il n’y aura bientôt plus de pétrole pour les faire fonctionner. Les avions repartent jusqu’à ce que, de blocages des dépôts de pétrole en faillites de compagnies aériennes, de plus en plus de destinations ne soient plus assurées. Et puis un beau jour plus un seul avion ne vole dans le ciel. Mais à ce moment-là, cela ne dérange plus personne. Les supermarchés ont fermé leurs portes, mais les Villes en transition s’efforcent de résoudre les problèmes d’intendance, y réussissant tant bien que mal.

Les mouvements antisystèmiques se développent, dans les villes en transition, les cités postcarbone, au sein des AMAP, par le biais d’échanges effectués avec des monnaies locales… Tout cela va dans un sens favorable au renforcement des organisations résilientes, autonomes et conviviales, constituant des oasis qui peuvent féconder le désert ou, au contraire être étouffées par lui. Outre le jardin familial et le bricolage qui résistent en toutes circonstances, deux institutions témoignent depuis le Néolithique d’une extraordinaire résilience : la petite exploitation paysanne et l’atelier artisanal. Ces deux institutions expliquent pourquoi et comment les Russes ont survécu à la décomposition de l’Union soviétique. Le message final est simple : le bonheur, la félicité se trouve dans la capacité à savoir limiter ses besoins.

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3/4) Où va le monde ? Dans le mur si nous laissons faire

Tous les discours médiatisés ont un point commun : la croissance va revenir, on va s’en tirer, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Car si rien ne change, nous savons que nous allons à la catastrophe.

Nous aurons dépensé 14 000 milliards de dollars en Occident pour sauver les banques et remettre le système financier en place depuis le début de la crise financière en septembre 2008. Un audit de la Réserve fédérale, en juillet 2011, révélait des prêts et garanties d’urgence de 16 000 milliards de dollars aux banques américaines et étrangères. Un chercheur indépendant arrive au total ahurissant de 29 000 milliards. On a convaincu les banques qu’on allait les sauver quoi qu’elles fassent, elles ont donc tout encouragement pour prendre à nouveau des risques inconsidérés. L’économie de casino est repartie de plus belle. Je prévois donc dans les dix ans qui viennent une autre crise financière qui sera plus dévastatrice encore.

Avec la finance, il est cependant possible de dire : « On s’est trompé et il faut se réorganiser du tout au tout. » Avec le climat, ce n’est pas possible. Je pense que la conscience qu’ont les gens de la gravité de la situation augmente, de façon probablement exponentielle. Nous voyons des initiatives absolument partout. Il faut en quelque sorte reconnaître la planète comme la « loi suprême ».

Susan George in Où va le monde ? Une décennie (2012-2022) au devant des catastrophes

 

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Les automobilistes sont-ils stupides ?

Donner le pouvoir au peuple alors que les automobilistes sont stupides ? C’est stupide ! C’est pourtant ce que font en France les présidentiables qu’ils soient de gauche ou de droite. Face à la montée des prix de l’essence, les électeurs renaclent, les politiques embrayent. Même Eva Joly ne va pas assez loin dans l’écologisme. Elle s’engage à ce que chaque Français-e bénéficie d’un service public de transports à moins de dix minutes à pied de chez lui et à ce que, d’ici la fin du prochain quinquennat, la France produise des voitures consommant moins de 2 litres aux 100 km. Rien sur la fin programmée du règne de la voiture. François Hollande a proposé le blocage des prix à la pompe pour pouvoir établir ensuite une TIPP flottante (taxe intérieure sur les produits pétroliers) à l’avantage des consommateurs. Sarkozy a qualifé de « plaisanterie » le blocage du prix du pétrole, mais il n’a rien à proposer comme alternative. Marine Le Pen propose un plan d’action immédiat pour contrer l’ascension des prix de l’essence : baisse de la TIPP, sur-taxation des profits des grandes entreprises pétrolières et gazières. Contre les populistes qui cajolent les automobilistes, que faire ? Que font les Etats-Unis ?

Les prix de l’essence augmentent, la popularité d’Obama baisse… Ses adversaires attaquent son bilan en capitalisant sur les prix élevés de l’essence à la pompe, qui dépassent par endroits le seuil symbolique des quatre dollars par gallon (3,78 litres). Obama a le demi-courage d’affirmer qu’on ne peut pas se sortir de la question énergétique en forant toujours davantage. Mais il garde toujours une optique de production d’énergie ; il réitère son appel à une stratégie « complète » de développement des sources d’énergie américaines : « pétrole, gaz naturel, éolien, solaire, nucléaire, biocarburants ». Aucune mention des nécessaires économies d’énergie.

Du côté des entreprises, tout est aussi mis en oeuvre pour perpétuer le gaspillage de l’énergie. Airbus et les compagnies British Airways, Virgin Atlantic, Lufthansa, Air France, Air Berlin et Iberia affirment officiellement vouloir « alerter » les dirigeants « sur les conséquences économiques » de la taxe carbone européenne qui constituerait une menace « inadmissible » pour leur secteur d’activité*.

Il faudrait donc flatter le goût du peuple pour l’essence (le kérosène) à bas prix alors que les ressources pétrolières s’épuisent. Pourtant la contrainte géologique est imparable, la rareté croissante fera obligatoirement augmenter les prix. Faire croire le contraire, c’est tromper le peuple, c’est faire du populisme, c’est prendre les électeurs pour des imbéciles.

* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 11.03.12 |

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2/4) Jean-Pierre Dupuy, faire comme si le pire était inévitable

Tous les discours médiatisés ont un point commun : la croissance va revenir, on va s’en tirer, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Car si rien ne change, nous savons que nous allons à la catastrophe.

En conclusion de son film Une vérité qui dérange (2006), Al Gore pose un problème philosophique considérable : « Les générations futures auront vraisemblablement à se poser la question suivante, « A quoi donc pouvaient bien penser nos parents, Pourquoi ne se sont-ils pas réveillés alors qu’ils pouvaient encore le faire ?  » Cette question qu’ils nous posent, c’est maintenant que nous devons l’entendre. »

Les catastrophes naturelles et les catastrophes morales, de plus en plus, seront indiscernables. Il est encore temps de faire que jamais il ne pourra être dit par nos descendants : « Trop tard ! » Un trop tard qui signifierait qu’ils se trouvent dans une situation où aucune vie humaine digne de ce nom n’est possible. C’est l’avenir qui donne sens au passé.

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1/4) Yves Cochet devant la catastrophe

Tous les discours médiatisés ont un point commun : la croissance va revenir, on va s’en tirer, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Car si rien ne change, nous savons que nous allons à la catastrophe.

Il y a des domaines qui dépendent d’un accord entre humains, d’autres des ressources naturelles. Or la nature ne négocie pas avec les humains. A cet égard, le projet de loi sur les retraites, adopté en octobre 2010, est non seulement injuste lorsqu’on examine ses fondements socioéconomiques, mais il est surtout irréaliste dans sa conception même, fondé sur un rapport du Conseil d’orientation des retraites publié en avril 2010. Celui-ci fondait ses calculs les plus pessimistes sur une croissance annuelle moyenne de 1,5 % jusqu’en 2050, soit une augmentation du PIB de 100 % à cet horizon. Comment peut-on sérieusement supputer cela aujourd’hui ? Aucun de ces auteurs ne partage le point de vue écologiste de la singularité absolue de la situation actuelle. Je suis du côté des objecteurs de croissance. J’estime que la récession probable – voire la dépression – sera un passage fatal vers toute société de décroissance.

En effet, à la manière de Marx, je crois que ce sont les circonstances matérielles qui déterminent les consciences et non l’inverse. Notre existence  sociale n’est pas déterminée par notre conscience, mais dépend plutôt d’une réalité qui nous dépasse : les rapports de production chez Marx, la géologie chez moi.

Ce sont ceux qui nient la proximité de la catastrophe, ceux qui croient à la continuité, ceux qui s’enivrent de l’illusion de la croissance, qui sont catastrophistes sans le savoir, par aveuglement.

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