PS, parti social-démocrate ou social-écologiste ?

Moscovici fils estime indispensable une candidature sociale-démocrate pour rénover la gauche (LeMonde du 26 août). Pourtant il avait piloté une convention qui marquait un tournant social-écologique. Mais Pierre est un soutien fidèle de DSK pour qui l’écologie reste un mot inconnu, la croissance pourvoyant à toutes choses. Pierre sur une demi-page du Monde pense ainsi que « le choix résolu de la social-écologie peut s’appeler la social-démocratie ». Les ténors du PS sont encore enracinés dans leur culture dite progressiste, ce qui veut dire en fait qu’il ne faudrait rien changer. Pierre estime pourtant qu’il « faut dire la vérité aux Français et avoir le courage d’affronter les questions les plus complexes ». Mais il ne pense qu’au problème de la dette publique et aux retraites. Le pic pétrolier, le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité n’ont aucune place dans son discours. Pierre a oublié ce qu’enseignait son père.

Moscovici père écrivait en 1976 dans La Gueule ouverte : « Nous sommes nombreux à penser que la question de la nature se situe au cœur de notre civilisation, que les mouvements qui se sont créés autour d’elle sont un facteur de renouvellement et de contestation sociaux et intellectuels. » Pour Serge, être un socialiste conséquent, c’est être écologiste : « Au sein du Parti socialiste, il existe un clivage entre une ligne de pensée technocratique, et une ligne autogestionnaire, proposant une véritable décentralisation, une transformation des rapports sociaux, un nouveau mode de développement, et qui est très proche de l’écologie. Des problèmes considérés comme purement techniques tels celui des ressources ou celui de la pollution, sont désormais politiques et doivent faire l’objet d’un débat public. Et il y en a bien d’autres que nous allons poser. Par exemple : combien de temps faut-il travailler ? Quels biens faut-il produire ? Quels biens faut-il consommer ? Comment les produire et comment les consommer ? C’est nous les écologistes qui représentons la gauche, notamment pour tout ce qui a trait aux rapports à la nature, à l’utilisation des ressources, à l’autonomie des collectivités, au productivisme, à la croissance. Le prix de l’énergie ne baissera pas et on se trouvera constamment confronté à un problème de renchérissement et de crises liées à l’énergie. Pour nous l’essentiel est donc de changer de comportement vis-à-vis de l’énergie. Il y a un côté provocation consciente chez les écologistes. Nous pensons que la gravité de la situation est telle aujourd’hui qu’il faut avoir des idées folles pour y remédier ; parce que les idées « sages » nous savons ce qu’elles ont donné !  » (en 1978 dans Lui)

Pierre Moscovici et ses coreligionnaires n’ont pas l’analyse de Serge Moscovici. C’est pourquoi le parti socialiste actuel reste social-démocrate et imperméable aux risques écologiques actuels… Ce parti sera social-écologiste ou n’aura pas d’avenir.

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la décroissance est porteuse d’espoir

Un point de vue biosphèrique : Toutes ces dernières années, un nombre de plus en plus grands de lois et règlements parle de « réduire » (la pollution, la quantité d’énergie et de matières, l’utilisation de l’automobile individuelle). Pourtant le mot décroissance fait encore débat aujourd’hui alors que réduction et décroissance sont de parfait synonyme. De plus, il n’y a pas à porter de jugement de valeur sur la décroissance des possibilités offertes par notre planète, c’est un fait vérifié scientifiquement. Alors, décroissance ou réduction, peut importe ; nous allons vers toujours moins (de ressources, de terres arables, de qualité de l’air et de l’eau). La seule question est donc celle de la gestion de ce moins. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons pas gérer la décroissance/réduction avec les outils économiques et sociaux qui ont accompagné la croissance.

Le point de vue de Corinne Lepage : « Si l’écologie politique décide d’être le porteur de la décroissance alors elle ratera le coche de l’Histoire (..) Le projet d’une décroissance ne peut aucunement fédérer nos concitoyens et constituer un projet porteur d’espoir(LeMonde du 21 août, « La décroissance n’est pas porteuse d’espoir »). Corinne Lepage s’appuie sur un ouvrage de Tim Jackson, Prospérité sans croissance . Mais contrairement à ce qu’affirme Corinne Lepage, Tim Jackson ne propose pas d’abandonner le terme décroissance, mais seulement le terme croissance. Et s’il propose un autre modèle, c’est celui de la simplicité volontaire, bien proche de la notion de décroissance voulue.

Le point de vue de Tim Jackson : « Le modèle capitaliste ne propose aucune voie facile vers un état stationnaire. Sa dynamique naturelle le pousse vers deux états : l’expansion ou l’effondrement (…) La simplicité volontaire constitue une philosophie de vie. Elle s’inspire de l’enseignement du Mahatma Gandhi qui encourageait les gens à « vivre simplement pour que les autres puissent simplement vivre ». Duane Elgin a repris ce thème du mode de vie « extérieurement simple mais intérieurement riche ». La diminution volontaire de la consommation peut améliorer le bien-être subjectif et va totalement à l’encontre du modèle dominant (…)  Tant que la stabilité économique dépendra de la croissance économique, les changements nécessaires n’auront pas lieu. »

Conclusion : Corinne Lepage manie encore la langue de bois des politiques. Elle ne tire pas les conclusions de son analyse de fond : « Il faut avant tout passer d’un modèle économique à deux dimensions (travail et capital) à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions, introduisant le principal facteur de rareté issu de la finitude de notre planète. » Ce que Martine Aubry a appelé le « facteur terre », sans en tirer les conclusions nécessaires. Car elle aussi veut faire de la politique politicienne.

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le jour du dépassement, 21 août 2010

Le 19 décembre 1987, pour la première fois de son histoire, l’humanité vivait au-dessus de ce que la terre pouvait lui offrir en un an. Selon l’ONG Global Footprint Network, le jour du dépassement (Earth Overshoot Day) aura lieu cette année le 21 août. L’an passé, c’était le 25 septembre, la capacité de la biosphère à se régénérer et à absorber nos excès fout le camp de plus en plus tôt. C’est une brève (LeMonde du 18 août) qui aurait mérité une page entière et de multiples commentaires. Non seulement c’est trop court, mais LeMonde a tronqué des parties importantes du texte initial :
« Il aura fallu moins de neuf mois pour épuiser le budget écologique de l’année 2010. Si vous dépensez votre budget annuel en neuf mois, vous allez probablement être extrêmement inquiet : la situation n’est pas moins grave quand il s’agit de notre budget écologique », précise le président de l’ONG, Mathis Wackernagel. Pour inverser la tendance, il n’y a qu’une solution, « arriver à ce que la population mondiale commence à décroître. Les gens pensent que ce serait terrible, pour nous ce serait en fait un avantage économique. Mais c’est un choix. On n’en veut pas encore », assure M. Wackernagel.
LeMonde-papier serait-il anti-malthusien ? Quel journaliste a utilisé les ciseaux de la censure pour amoindrir la portée d’un événement-clé ?

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la décroissance selon Yves Cochet

Yves est en France le seul politique courageux et réaliste. Son diagnostic est imparable : « Nous vivons l’époque où la croissance rencontre les limites de la planète. » Les conséquences qu’il en tire sont inéluctables : « S’il est une politique autrement, sa première qualité est d’annoncer le plus probable (une longue récession), non de vendre une illusion (la croissance retrouvée). » Son analyse dans le Monde du 17 août, « Dire la vérité et assumer la décroissance » devrait donc être un événement marquant. Mais il se laisse aller à la langue de bois, les solutions qu’il nous indique sont bien en deçà de ce qu’il faudrait. La RTT, une semaine de 28 heures, est inapplicable. D’autant plus que moins d’énergie fossile à notre disposition voudra dire plus d’heures de travail. Mieux vaudrait faire confiance aux initiatives individuelles, propager l’idée de travailler autrement, inciter aux métiers artisanaux, à l’agriculture et à la relocalisation. De plus il voudrait un revenu d’existence universel, qui existe déjà sous la forme du revenu de solidarité active, ex revenu minimum. Mieux vaudrait pour plus de justice imposer le plafond d’un revenu maximal pour inciter à une vie plus sobre et mieux partagée.

                Il n’empêche que nous partageons complètement la conclusion d’Yves Cochet : « Si une réorientation de la civilisation est difficile en période de récession économique, imaginez à quel point ce le sera après la dislocation du système financier, la raréfaction de l’énergie disponible et les perturbations liées au changement climatique. » Nous rappelons un discours antérieur d’Yves Cochet, plus incisif :

Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de l’Europe que sont la paix, la démocratie et la solidarité, la transition vers cette société de sobriété doit suivre quatre orientations principales que je résume :

– la tendance vers l’autosuffisance locale et régionale en matières énergétique et alimentaire ;

– la  tendance à la décentralisation géographique des pouvoirs ;

– la tendance à la relocalisation économique ;

– la tendance à la planification concertée et aux quotas, notamment en matières énergétique et alimentaire.

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la nature ou l’homme, qui faut-il protéger?

– Jusqu’où faut-il aller dans la protection des espèces ? Le pique-prune sème la discorde chez les hommes. Ainsi titre LeMonde du 15-16 août. Le pique-prune a le même statut que l’ours ou le loup, c’est une espèce strictement protégée depuis la loi de 1979. Un député demande pourtant une dérogation pour abattre des tilleuls centenaires : « La présence de pique-prunes (qui fragilisent les arbres) passe-telle avant la sécurité des promeneurs ? ».

– Jusqu’où faut-il aller dans l’artificialisation des sols ? C’est un autre article du Monde même jour, page suivante. Dans le Languedoc, l’urbanisation concurrence l’agriculture. A Clermont-l’Hérault, un projet de création d’une nouvelle ZAC doit remplacer des vignes. Les écologistes condamnent la destruction de la nature, les autres parlent au nom de l’emploi.

                Ces deux événements montrent que les humains commencent à se poser la question fondamentale, à quoi sert l’homme, à quoi sert l’urbanisation, à quoi servent les pique-prunes. Notre réponse sur ce blog est clair : mieux vaut un seul pique-prune que Pol Pot, Staline et Hitler réunis. Les humains doivent réaliser que se promener sous les arbres constitue un risque beaucoup moins dangereux que traverser à pied une autoroute. Les humains doivent comprendre que l’emploi à n’importe quel prix n’est pas un choix judicieux. Les humains doivent reconnaître que l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et que la situation s’aggrave rapidement. Sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les humains n’ont pas le droit de réduire la richesse et la diversité des formes de vie. C’est là une nouvelle éthique qui devrait s’imposer dans les débats publics car nous avons dépassé les capacités de la biosphère à assurer le niveau de vie actuel des classes possédantes, ce qui entraîne la misère du plus grand nombre.

NB : Nous avons déjà traité du pique-prune sur ce blog il y a plus d’un an  :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2009/06/24/le-pique-prune/

Pour la question « A quoi sert l’homme ? » :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2007/09/03/a-quoi-sert-lhomme/

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quel présidentiable pour 2012 ?

Pour 2012, ce sera qui, Eva Joly ou Yves Cochet ? Voici quelques éléments de réflexion. Eva Joly n’a jamais vraiment milité, n’a jamais été encartée, était surtout magistrate anti-corruption. Yves Cochet, lui aussi candidat à la primaire chez les écolos,  est un ténor de la politique. En 1984, il fait partie des fondateurs des Verts et devient député écolo en 1997. Eva Joly n’excluait pas de porter les couleurs du MoDem lors des élections européennes de 2009, mais trois mois plus tard son cœur penche pour les Verts. Le combat écologique d’Yves Cochet remonte aux années 70 ; alors qu’il achève ses études de mathématiques, il s’engage dans la lutte anti-nucléaire en Bretagne. Eva Joly ne parle pas écolo : « Pour quelques-uns tout est permis alors que le pays est dans une situation dramatique. Le chantier numéro un d’un présidentiable, ce sont les banlieues, pour ne pas laisser des millions de personnes en marge du territoire. » Yves Cochet est clairement écolo : « Je ne sais pas quelle est la vision de l’écologie d’Eva Joly. Or il faut que notre candidat définisse une analyse d’un monde écolo, celui de la décroissance. » Difficile de trouver une analyse personnelle d’Eva Joly sur l’écologie alors qu’Yves Cochet est incisif : « La décroissance est déjà commencée. Mais, peu de personnes l’ont anticipé. C’est pour cela que l’on va dans le mur. Mieux vaut la décroissance choisie, démocratique et solidaire, que la décroissance subie actuelle. De toute façon, qu’on le veuille ou non, la décroissance (de notre empreinte écologique, nous le milliard le plus riche) est inéluctable. »

                Pour nous, le meilleur candidat c’est donc Yves Cochet, sans aucun doute. Mais pour notre système démocratique alambiqué, faut attendre le résultat des primaires. La meilleure chose pour l’écologie serait la présence d’un seul candidat des écolos à des primaires ouvertes qui associent aussi le (les) candidat(s) du parti socialiste. Cela imposerait des négociations sérieuses entre le PS et les écolos bien avant les présidentielles. Or les jeux d’appareil et le culte des ego étouffent toute stratégie d’avenir. Pour qu’un(e) écologiste soit élu Président, il faudrait que les arbres votent.

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l’effet débond, antidote à l’effet rebond

Si on considère que la croissance est un choix de société, la décroissance pourrait en être un autre. Les stratégies de débond vont à l’opposé des stratégies de rebond. Il faut alors identifier les facteurs limitant : temps, monnaie, infrastructures, propriété, aliénation, inégalités.

Il s’agit globalement d’allouer plus de temps à la rencontre humaine, à la relation avec la nature, plutôt qu’à produire et consommer. Des activités telles que le jardinage, la randonnée, les repas qui s’étirent en longueur, l’usage de la bicyclette réduisent le temps disponible pour d’autres activités polluantes ; elles créent un « débond temporel ». La baisse du temps de travail et le partage du travail est incontournable. Une période de crise est un moment privilégié pour passer par exemple à la semaine de trois jours.

Limiter la monnaie, c’est réduire la capacité financière d’exploiter. Ce serait une politique de décroissance post-keynésienne, dans le sens où elle agirait sur le budget et la monnaie mais viserait à réduire la demande plutôt que de l’augmenter. Une autre piste consiste à remplacer les monnaies existantes par des monnaies alternatives locales.

Les politiques de décroissance réduisent les infrastructures dédiées à la production et à la consommation, par exemple les infrastructures de transport. De manière très concrète, il faut diminuer les incinérateurs, les aéroports, les autoroutes, les lignes haute tension, les infrastructures touristiques, etc. Il s’agit de promouvoir des infrastructures basées sur le local.

Les droits de propriété sont des droits à exploiter. Il faudrait donc réduire les droits de propriété sur le biologique, le sol et les minéraux ainsi que la capacité à exploiter. Par ailleurs les droits de propriété sont des freins à la mutualisation de nombreux biens et donc à la satisfaction individuelle et collective des besoins.

L’information sur l’effet rebond doit être diffusée ; cette sensibilisation peut en réduire l’ampleur. Favoriser une prise de conscience impliquerait évidemment d’imposer des restrictions à l’industrie de la publicité. Il s’agit globalement de promouvoir la communication et la compréhension mutuelle et de réduire la dépendance extrême au confort, la peur de la nature, la non-compréhension des conséquences de nos actions.

Limiter l’incitation à la production et à la consommation liée aux inégalités nous invite à explorer les solutions telles que le revenu maximal, le revenu minimal inconditionnel, la remise en question du secret bancaire et fiscal. Bien sûr cela passe par l’exploration de toutes les possibilités liées à la réduction de l’échelle des salaires et à la valorisation du travail bénévole.

François SCHNEIDER

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effet rebond,effet débond

Il faudrait que tous les citoyens connaissent l’effet rebond. Cette conséquence négative de nos efforts technologiques est connue depuis Stanley Jevons (the coal question, 1865) : « Sans volonté de réduire la consommation à la source, le fait d’utiliser des machines moins consommatrices d’énergie n’entraîne pas une baisse de consommation. » Cela amène à utiliser plus de machines, ce qui annule les économies d’énergie réalisées grâce aux gains d’efficacité des machines. En termes modernes, on parle d’effet rebond. LeMonde du 13 août s’inquiète de cet effet pervers : « les progrès en efficacité énergétique ont été annulés par la croissance de la production et de la consommation, la France ne rejette pas moins de CO2 qu’en 1990. » Voici quelques autres exemples d’effet rebond :

Le rebond de l’efficacité technique concerne par exemple une voiture plus efficace énergétiquement, mais qui voyage sur une plus longue distance. Le rebond lié à la frugalité : un billet d’action pour Dakar sera acheté avec les économies sur les frais de chauffage réalisés en réduisant la température d’une maison l’hiver. Le rebond lié à la baisse de la natalité :  moins d’enfants dans une famille peut libérer des revenus pour augmenter la consommation matérielle ou d’énergie par personne. Il y a rebond macro quand par exemple une plus grande efficacité énergétique entraîne une réduction de prix et l’augmentation de la demande d’énergie. L’achat d’une voiture soutient le réseau routier, ce qui engendre une réorganisation de la société et encourage les supermarchés aux dépens du petit commerce. (La décroissance économique – pour la soutenabilité écologique et l’équité sociale de François Schneider)

– Même la révolution numérique, dont on pourrait a priori penser qu’elle nous éloigne de ce modèle, parce qu’elle « dématérialise » bon nombre d’échanges, consomme de la nature. De plus ce que nous gagnons en qualité, avec des produits moins consommateurs de nature, nous le perdons souvent en quantité, car la croissance exponentielle des nouvelles technologies entraîne dans son sillage une forte hausse des quantités d’énergie consommées. C’est l’effet rebond, chaque fois que nous économisons de l’énergie à un endroit, nous ne manquons pas d’en consommer un peu plus ailleurs. La seule manière de conjuguer efficacité énergétique et effet rebond est très probablement de faire croître le prix de l’énergie plus vite que le pouvoir d’achat. (Les Etats et le carbone de Patrick Criqui, Benoit Faraco et Alain Grandjean)

– Une limite à la puissance de nos techniques est ce qu’on appelle l’effet rebond, ce que l’on gagne grâce au progrès technologique à l’unité est perdu, en termes de consommation de ressources, par la multiplication de ces mêmes unités. Un ordinateur aujourd’hui consomme moins d’énergie, mais la puissance requise, les types d’usage et le nombre d’utilisateurs n’ont cessé d’augmenter, si bien que la consommation globale d’énergie due à l’informatique s’accroît. (Crise écologique, crise des valeurs de Dominique Bourg)

– Avec l’effet rebond, l’argent épargné grâce à l’efficacité énergétique est dépensé pour d’autres biens et services, ce qui annule parfois entièrement l’économie réalisée. Dépenser par exemple l’argent économisé grâce à des ampoules écologiques dans un billet d’avion courte distance à bas prix est le plus sûr moyen d’obtenir un retour de flamme (backfire). En bref le découplage relatif (faire plus avec moins) possède le potentiel pervers de diminuer les chances d’atteindre le découplage absolu (la production économique s’affranchit de sa dépendance au flux de matières). Les loisirs devraient être un candidat tout trouvé à la dématérialisation. Mais en pratique, notre façon d’occuper notre temps de loisir est responsable d’environ 25 % de notre empreinte carbone. Et la commercialisation accrue des aspects les plus simples et les plus créatifs de nos vies ne change-t-elle pas la nature de ces activités pour le pire ? (Prospérité sans croissance de Tim Jackson)

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revue des revues écolos

L’écologie reste une pensée du refus de l’ordre existant ; une bonne revue écolo est donc nécessairement axée sur l’objection de croissance. Après une expression forte dans les années 1970, il y a eu une éclipse de la pensée écolo qui ressurgit seulement en ce début de millénaire.

– (1972 à 1980) : La Gueule ouverte, revue écologique qui annonce la fin du monde, apparaît pour la première fois en novembre.Voici un résumé du premier éditorial, signé par Pierre Fournier :

« La GUEULE OUVERTE est virtuellement née le 28 avril 1969. J’étais dessinateur et chroniqueur à Hara-Kiri hebdo, payé pour faire de la subversion et lassé de subvertir des thèmes à mes yeux rebattus, attendus, désamorcés à l’avance. Prenant mon courage à deux mains, j’osai parler d’écologie à des gauchistes. Permettez que je me cite : « Pendant qu’on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s’engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l’homme est en train, à force d’exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui  mais pour toutes les formes de vie supérieures. Le paradis concentrationnaire qui s’esquisse et que nous promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l’œuf. La catastrophe, beaucoup plus prochaine que vous ne l’imaginez, ne pourrait être évitée que par une réforme des habitudes mentales encore plus radicale encore que celle jadis opérée par les rédacteurs de la Grande Encyclopédie. »

-1973 à1981 : Le Sauvage. En 1972, un numéro spécial du Nouvel Obs. « La dernière chance de la Terre » connaît un grand succès. Claude Perdriel, directeur du Nouvel Obs, va donc lancer Le Sauvage, magazine écologique mensuel. Le premier numéro paraît le 1er avril 1973 sous le titre : L’Utopie ou la mort . Fait suite « La grande crise de l’énergie »,  « Travailleurs de tous les pays reposez vous »,  « Faut-il fermer Renault »… Les grands thèmes des écologistes des années 2000 – 2010 sont déjà tous présents.

– (1980 à 2000) : Une longue éclipse de la pensée écolo qui correspond à l’avènement du  socialisme mitterrandien en 1981 et au tournant libéral de Reagan et Thatcher des années 1980. Seul S!lence a résisté à la glaciation…

– 1982 : S!lence. A mi chemin entre le journal et l’expérience militante, ce mensuel repère les thème émergents dans la communauté écologiste radicale. Elle a ainsi lancé la thématique de la décroissance en février 2002.

– 2000 : Ecorev est lancé en janvier  par des militants des Verts et refuse « l’écologie d’accompagnement »

– 2000 : L’Ecologiste, version française du mensuel The Ecologist (1970) est un trimestriel qui a présenté pour la première fois en France l’écologie profonde.

– 2002 : LaRevueDurable est fondée à Genève ; axé sur la question de l’intégration des pratiques écologiques dans les sociétés modernes.

– 2004 : Le journal La Décroissance fait suite à la revue « Casseurs de pub »

– 2004 : TerraEco, après une parution par abonnement et Internet, présent en kiosque depuis 2009. Ce mensuel défend le développement durable, il se présente donc comme un magazine sans ambition intellectuelle.

– 2006 : Entropia est né en novembre ; c’est la revue d’étude théorique et politique de la décroissance.

NB : Hervé Kempf présente les revues récentes dans LeMonde du 12 août, « les écologistes, c’est le bouquet »

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la date du pic pétrolier

Matt Simmons est mort. Nous apprenons cette nouvelle par l’intermédiaire de la rubrique Breakingviews du Monde (12 août). Pour une fois cette rubrique quitte la sphère strictement économiciste pour se pencher sur le pic pétrolier : « Toute transition vers un abandon du pétrole devrait être anticipée avec des décennies d’avance. » Mais la communauté internationale n’arrive à se concentrer que sur un seul sujet à la fois. La question de la faim dans le monde a été mise de côté par la crise financière, la crise financière a été délaissée pour la question climatique, etc. Or tout est lié et il faut vraiment traiter toutes les questions en même temps, à commencer par l’épuisement du pétrole. Matt Simmons était un banquier, et menait la croisade contre une surévaluation des réserves pétrolières qui entrave toute prévision sur la date exacte du peak oil. Pourtant de nombreux spécialistes commencent à nous avertir.

Le pic pétrolier est ce point de retournement à partir duquel la production de pétrole commence à baisser inéluctablement. Le géologue américain King Hubbert avait annoncé en 1956 que les Etats-Unis connaîtraient ce pic vers 1970. A l’époque la majorité des experts s’était montrée incrédule. Pourtant le pic de Hubbert a été atteint aux Etats-Unis entre 1971 et 1972. L’Agence Internationale de l’Energie, cette officine chargée depuis 1974 de bercer d’illusions les pays consommateurs, change de discours dans son rapport annuel 2005 : la production des Etats qui ne sont pas membre de l’OPEP (Russie, Etats-Unis, Norvège…) devrait décliner peu après 2010 alors qu’ils fournissent aujourd’hui 60 % du brut mondial : « Economisez l’énergie, économisez le pétrole ! Et diversifiez-vous, s’il vous plaît. Sortez du pétrole ! » Le directeur des études économiques de l’AIE a même le culot de déclarer : « Le pétrole, c’est comme une petite amie, vous savez depuis le début de votre relation qu’elle vous quittera un jour. Pour qu’elle ne vous brise pas le cœur, mieux vaut la quitter avant qu’elle ne vous quitte. »

Au troisième trimestre 2005, Albion a enregistré son premier déficit de balance pétrolière depuis 1980 : les exportations ont représenté 11,2 millions de tonnes alors que les importations atteignaient 13,7 Mt. D’ailleurs les réserves pétrolières sont tombées de 15,4 milliards de barils en 1979 à 4,5 milliards à la fin de 2004. L’Europe ne produit que 8 % du pétrole mondial et déjà les ressources de la mer du Nord ne suffisent plus à la GB ! LeMonde du 16 avril 2008 nous présente un graphique selon lequel la production russe de pétrole atteint un sommet en 2007 à près de 10 millions de barils/jours et commence à baisser en 2008. Un dirigeant du premier groupe pétrolier privé russe (Loukoil) confirme que la Russie est dorénavant dans la même situation que le Mexique, l’Alaska et la mer du Nord, trois régions où la production d’or noir décroît fortement depuis des années en raison de l’épuisement des réserves. L’inquiétude est relancée, le baril atteint plus de 112 dollars.

Le fait est que, en 2007, la production mondiale de pétrole conventionnel a diminué de 0,15 % par rapport à celle de 2006 après avoir augmenté de seulement 0,5 % l’année d’avant (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde de Jancovici). Selon un graphique discrètement mis en ligne par le département américain de l’énergie en avril 2009 (source : terraeco de décembre 2009), la production de pétrole conventionnel baisse depuis 2008. Si on ajoute aux réserves les projets identifiés et les pétroles non conventionnels, le pic pétrolier aura quand même lieu en 2011. Glen Sweetnam, principal analyste au sein du département américain de l’énergie (DoE) émet l’hypothèse d’un déclin de la production mondiale de pétrole et de ses substituts à partir de 2011, qui pourrait durer jusqu’en 2015 au moins ! En 2005, Steven Chu, alors patron d’un laboratoire de recherche du DoE, mettait déjà en avant l’hypothèse d’un déclin de la production mondiale de brut dès le début de la décennie 2010.

Le point culminant de la production mondiale de pétrole est envisagée pour 2037 par le National Intelligence Council des USA (qui défend les affabulations américaines), quelque part entre 2013 et 2037 par l’Agence internationale de l’énergie (qui défend les pays riches importateurs), mais avant 2010 par l’Aspo. En résumé, la date du pic pétrolier est encore incertaine, mais son existence incessamment sous peu est une remise en question totale du niveau de vie de la classe globale, tous ceux qui se permettent encore la possession d’une voiture individuelle.

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nous créons le désert

Malthus avait raison, les terres agricoles s’épuisent. La désertification n’est pas un phénomène naturel, c’est la détérioration des sols causée par une mauvaise exploitation des terres (cultures intensives, surpâturage, déforestation pour gagner de nouvelles terres cultivables), et par une irrigation incontrôlée. Le réchauffement climatique d’origine anthropique, en accroissant les besoins en eau des sols et en modifiant le régime des pluies, aggrave le phénomène. La désertification affecte déjà près de 3,6 milliards d’hectares sur Terre et le phénomène s’accélère : il y a d’abord la disparition du couvert végétal, l’obligation de puiser l’eau de plus en plus profondément, des conflits violents autour des points d’eau, la pauvreté grandissante. La perte de terres arables va générer des flux migratoires d’autant plus ingérable qu’ils seront considérables. La convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, entrée en vigueur en 1996 et signée par 190 pays, a eu peu d’effets sur le terrain. Les Nations Unies avaient décrété 2006 l’année de la désertification. Qui s’en souvient ?

La huitième conférence internationale des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) a eu lieu du 3 au 14 septembre 2007 à Madrid. Elle s’est terminé de façon prévisible par un échec : les 191 membres n’ont pas réussi à s’accorder sur une augmentation de son budget en raison de l’opposition des Etats-Unis et du Japon. De toute façon le plan stratégique annoncé, qui définit de grands objectifs à dix ans, n’avait aucune valeur contraignante. On passe donc par pertes et profits un milliard de personnes qui sont menacées par la famine alors que 40 % des terres se désertifient.

Nous sommes en 2010, rien n’a changé. Une brève du Monde (11 août 2010) nous indique que l’ONU va lutter contre la désertification par un plan de dix ans ! Blabla, blabla. En réalité les politique se désintéressent de la question. Et les citoyens s’en foutent, quand ils ne vouent pas Malthus aux gémonies.  Un jour la Biosphère se désintéressera des humains.

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le communisme n’est pas mort

Le communisme est mort. La Chine est désormais le deuxième pays derrière les Etats-Unis pour le nombre de milliardaires en dollars : géant de la boisson industrielle, constructeurs automobiles, patron d’un moteur de recherche Internet… L’île de Hainan, vouée aux touristes des classes supérieures, est devenue un précipité effarant, démesuré, du « miracle économique » qui dévore la vie passée de la république « populaire ». Il n’y a plus de différence avec le capitalisme libéral.

                Le code forestier décidé en 2007 par Vladimir Poutine a fait disparaître la fonction de protection de la forêt en Russie alors que l’URSS comptait un corps de forestiers nombreux, spécialisé, compétent. Les derniers qui restent s’occupent de vendre le bois qu’on coupe, pas d’autre chose ; les incendies actuels ne sont donc pas le fait du hasard. Dans la Russie de Poutine, l’environnement vient bien après l’exigence de profit, comme dans le capitalisme libéral.

Selon Hans Jonas (Le principe responsabilité, 1979), il faut donc que se mette en place un régime fort de type communiste pour faire face à la crise environnementale : « Un système libertaire serait préférable pour des raisons morales, mais les systèmes moralement bons sont des systèmes précaires ; l’Etat peut seulement être aussi bon que le sont les citoyens. De plus l’homme politique peut supposer idéalement dans sa décision l’accord de ceux pour qui il décide en tant que leur chargé d’affaires, mais des générations futures on ne peut obtenir de facto un accord. Par conséquent la tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral. » Vive le communisme ?

férences :  LeMonde du 7 août :

Au paradis des milliardaires chinois

La Russie est toujours impuissante face aux incendies de forêts

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la faute aux économistes !

Nous pouvons sans nous tromper parler de léthargie intellectuelle des économistes universitaires. Si nous étions en présence de vrais économistes, nous mettrions un terme à la croissance du « throughput » avant que les coûts sociaux et environnementaux qu’elle provoque ne dépasse les bénéfices qu’elle génère. Le « throughput », c’est ce flux métabolique des matières et d’énergie qui part de sources environnementales, traverse le sous-système économique de la production et de la consommation et qui revient dans l’environnement sous forme de déchets. L’irresponsabilité de nos élites reflète un aveuglement quant aux limitations de notre monde matériel tant au niveau des ressources naturelles que de la capacité des écosystèmes à absorber nos déchets. De 1950 à 2010, la taille de l’économie mondiale a été multipliée par plus de cinq. Si elle continue à croître à la même vitesse, d’ici l’an 2100 elle sera 80 fois plus grande qu’en 1950. Cette extraordinaire montée en puissance de l’activité économique n’a aucun précédent historique. Elle est en contradiction complète avec nos connaissances scientifiques concernant les ressources finies, et l’écologie fragile dont nous dépendons pour survivre. Les raisons structurelles de cet aveuglement collectif sont assez faciles à trouver : les économistes libéraux.

Alain Caillé et Gérald Berthoud avaient été stupéfaits en 1981, lors d’un colloque sur le don, de la récurrence d’un discours selon lequel seul existe le calcul conscient et rationnel. Ils fondent alors le bulletin du Mauss pour lequel l’anti-utilitarisme est d’abord un anti-économisme. Ce n’est pas parce que le tournant libéral porté par Reagan et Thatcher au début des années 1980 a inondé la planète que cette parole témoignait de la vérité. Le marché est une invention récente, l’économique est normalement encastré dans le social. Il reste maintenant aux économistes et même aux partisans de l’anti-utilitarisme à comprendre que le social est à son tour encastré dans la biosphère, dans le  circuit écologique.

Sources de réflexion :

LeMonde du 6 août, « Diffuser des idées anti-utilitaristes »

Prospérité sans croissance (la transition vers une économie durable) de Tim Jackson

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le laptop pour tous ?

La technique ne résout par les problèmes, elle crée les problèmes. Depuis 2007, l’objectif de l’OLPC (one laptop per child) était de changer le monde. Comment ? Par l’intermédiaire d’un ordinateur portable extrêmement simple et robuste, vendable exclusivement à des gouvernements pour les diffuser auprès des enfants. Il faudrait en effet, selon l’informaticien américain Nicholas Negroponte, impliquer les enfants qui trouveront par ordinateur interposé une solution aux problèmes de pauvreté, de guerre, d’environnement ! Rien de plus facile puisque le laptop permettrait d’apprendre à apprendre en accédant à toutes les encyclopédies en ligne de la planète !! Aujourd’hui l’OLPC procure pour 142 euros pièce le petit bijou aux élèves des régions difficiles d’accès du Pérou. LeMonde du 5 août (« un projet pilote a permis d’améliorer les performances scolaires ») présente cela comme une avancée…sauf que certains villages sont sans électricité. Régler le problème par des panneaux solaires nous cache l’essentiel.

Quelle est en effet l’utilité d’un ordinateur quand vous vivez dans une hutte en terre et que l’avenir dans une ville ne fait que grossir les bidonvilles ? La capitale du Pérou, Lima, concentre déjà un tiers de la population du pays. C’est devenu une mégalopole extrêmement polluée de 9 millions d’habitants qui connaît une ségrégation importante entre les habitants de ses différents quartiers. Où sera l’emploi pour les enfants scolarisés par Internet interposé ? De plus le laptop vert fluo véhicule principalement un message occidentalisé alors que, dans les sociétés traditionnelles, la sagesse et la connaissance se transmettent de génération en génération. L’enthousiasme des parents devant ce petit bijou est donc bien mal placé. En définitive, le destin préparé par la technique informatique pour ces enfants, c’est uniquement le rejet de leur milieu d’appartenance et l’obligation de courir après un emploi très incertain. Dans une Biosphère de plus en plus réduite et malmenée, la technique ne peut amener une vie meilleure. C’est au contraire l’enracinement dans un écosystème local qui donnera les moyens d’une survie durable.

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qui va montrer l’exemple ?

Montrer l’exemple ? L’autolimitation des besoins devient un passage obligé, chacun doit faire preuve d’exemplarité et les politiques doivent être aux avant-postes. En période de rigueur budgétaire, le 1er ministre Fillon plaide pour que le gouvernement montre l’exemple. Mais les cabinets ministériels maigrissent dans la douleur (LeMonde du 4 août), il n’y a jamais assez de fonctionnaires aux manettes : 20 adjoints pour les ministres, 4 pour les secrétaires d’Etat, c’est pas assez ! Pourtant la crise financière et écologique va nécessairement entraîner des mesures d’économie drastiques. Le Parti socialiste et l’UMP ont déjà signé l’engagement 10 :10 qui s’appuie sur dix principes pour les individus, tels que faire du vélo, réduire le niveau de chauffage et de consommation électrique, prendre moins l’avion, manger plus de fruits et de légumes – issus de l’agriculture biologique – et moins de viande, éviter les emballages inutiles et « passer plus de temps avec la famille et les amis » afin de « moins consommer » ; il s’agit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 10 % (LeMonde du 5 juin) ; mais plus personne n’en parle. Le pôle écologique du PS a adopté fin mai 2010 le souhait collectif suivant : « Le Pôle écologique du PS invite ses membres et l’ensemble des citoyens à faire preuve le plus possible dans leur vie de sobriété énergétique et d’autolimitation pour construire ensemble une société plus conviviale et plus égalitaire. » Personne n’en a parlé !

Presque toutes les démarches actuelles de réduction des besoins sont fondées sur une démarche volontaire. C’est logique, mais cela ne sera pas suffisant pour enrayer le réchauffement climatique, la pénurie de pétrole, la destruction des sols, etc. Il y trop loin de la signature d’un engagement à son application concrète.
Le sens des limites ne progressera dans les mentalités que s’il y a interaction entre les comportements individuels et les décisions collectives. Mais l’exemple de la réduction des cabinets ministériels montre que seul un pouvoir fort peut entraîner une réduction des besoins et faire taire les grincements de dents de personnes qui ont été trop habitué à réclamer toujours plus. Nous ne sommes pas du tout partisan d’un écolofascisme, mais les comportements des uns et des autres de protection des avantages acquis aboutiront sans doute à un écolofascisme.

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biocide et humanicide

Comment alléger son empreinte sur la biosphère ? Jusqu’à aujourd’hui, nous pensions qu’il n’était pas possible de faire mieux que Diogène le Cynique (vers 410-323 avant J.-C.). Ayant vu un jour une souris qui courait sans se soucier de trouver un gîte, sans crainte de l’obscurité, et sans aucun désir de tout ce qui rend la vie agréable, il la prit pour modèle. Ce « Socrate en délire », comme le surnommait Platon, marchait pieds nus en toute saison, dormait sous les portiques des temples et avait pour demeure habituelle un tonneau. Méprisant les biens matériels, il jeta un jour son écuelle en voyant un enfant boire l’eau de la fontaine avec ses mains : « Cet enfant m’apprend que je conserve encore du superflu. » Le principe de sa philosophie ? L’homme doit vivre sobrement, s’affranchir du désir, réduire ses besoins au strict minimum. Il justifiait sa conduite en affirmant que les hommes s’imposent des efforts démesurés en oubliant de vivre simplement et sainement selon la nature.

                Mais LeMonde du 3 août nous apporte la preuve qu’il y a plus fort encore. Des moines anachorètes se mettent en position de méditation assise, jambes croisées, et entrent dans l’immobilité (nyujo). Ils retiennent leur souffle et les battements de leur cœur, commencent un long jeune anorexique. Pour abandonner leur enveloppe corporelle, ils se laissent dépérir en se privant de  céréales puis, après 2000 jours, se privent encore de fruits et d’herbes pour ne plus boire que de l’eau. Au moment où la mort d’inanition advient, le corps est déjà presque momifié. Dans les temples de la région de Yodona au Japon, on peut encore admirer une vingtaine de ces momies. Ces moines sont parvenus, du point de vue de la doctrine ascétique, à vivre simultanément dans le monde des vivants et le Nirvana. Ce n’est pas plus stupide que d’endurer 660 km de bouchons le samedi 31 juillet ou d’emprisonner les parents de mineurs délinquants comme le propose l’UMP en France.

                Plus sérieusement, cela pose la question des limites : A quel moment faut-il s’arrêter de consommer, s’arrêter de procréer, s’arrêter de respirer ? Alors que nous ne parvenons pas à freiner l’hystérie consumériste et la détérioration de la planète, certains en arrivent à envisager des positions extrêmes. Le politologue Paul Ariès nous a révélé par exemple qu’il existait une Eglise d’Euthanasia qui a son siège social à Somerville (USA) et revendique officiellement un statut religieux. Cette « Eglise » fut reconnue officiellement le 25 mars 1994 dans l’Etat du Delaware, puis, le 22 août 1995, par l’administration fédérale américaine. Sa devise est limpide « économisez la planète, détruisez-vous ». La population humaine serait, selon cette « Eglise », responsable de par sa croissance d’un vrai écocide. Elle menacerait d’extinction toutes les autres espèces végétales et animales. Seul un humanicide pourrait arranger la situation : « Nous avons quelque chose à faire très rapidement et la chose la plus importante que nous puissions faire est de réduire notre population (…) C’est quelque chose que chacun de nous peut faire, elle n’exige pas de formation spéciale et c’est pourquoi chaque membre de l’église d’euthanasia prend le vœu de ne plus jamais procréer ».

Source : http://www.prevensectes.com/euthanasia1.htm

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futuribles, futurs possibles

Depuis 1975, la revue Futuribles veut organiser l’avenir de la planète (LeMonde du 1-2 août). Autant dire que le succès n’a pas été au rendez-vous. Pourtant dès 1968 le père fondateur, Bertrand de Jouvenel, avait écrit un livre qui aurait du être au chevet de tous les politiques, Arcadie, essai sur le mieux vivre. Quelques points-clés :

Le circuit écologique : Nous faisons preuve de myopie lorsque nous négligeons de nous intéresser à l’entretien et à l’amélioration de notre infrastructure fondamentale : la Nature. Une autre manière de penser, c’est de transformer l’économie politique en écologie politique ; je veux dire que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature. Le terme d’infrastructure est à présent populaire, il est bon d’avoir donné conscience que nos opérations dépendent d’une infrastructure de moyens de communication, transport, et distribution d’énergie. Mais cette infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à l’infrastructure, celle des ressources et circuits de la Nature.

La technique est le problème, pas la solution : C’est en Europe qu’a été faite la révolution industrielle alors que l’ingéniosité chinoise avait bien des siècles d’avance sur nous. Si les Chinois virent leur grande avance se transformer en retard, ce fut parce qu’ils avaient continué de penser en termes d’harmonie générale plutôt que de distinguer ce qui était propre à un problème spécifique. Pareille comparaison nous amène à prendre conscience de notre dureté intellectuelle. On peut s’en apercevoir lorsqu’on cherche à intéresser l’un de nos techniciens à certains des effets secondaires prévisibles de l’innovation à laquelle il travaille. Un haussement d’épaule lui suffit pour rejeter l’objection : « Ce sera le problème de quelqu’un d’autre ». Il est fort probable que cette attitude est une condition de succès. Mais plus nous en acceptions la légitimité, plus nous devons reconnaître que notre façon de résoudre les problèmes est elle-même génératrice de problèmes. Notre progrès est donc un complexe de résolutions de problèmes et de création de problèmes. Ce qui me frappe, c’est que les problèmes de l’environnement sont négligés.

L’absence des générations futures : Ce qui a détourné les économistes de prendre en considération l’épuisement des ressources naturelles, c’est le caractère lointain de cette menace. Sitovsky a présenté de façon très heureuse le conflit entre la génération présente et les générations futures au sujet des ressources épuisables. Il ne se peut malheureusement pas, dit-il, que les générations futures projettent leurs acheteurs sur les marchés d’aujourd’hui où ils viendraient comme demandeurs réserver des ressources qui viendraient en diminution de notre gaspillage présent.

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Anne Dalsuet, moraliste de l’écologie

 Les catastrophes environnementales entraînent toujours des effets en cascade sur tous les êtres vivants et notamment sur la manière dont les hommes pourront continuer à habiter cette Terre, s’y nourrir, y travailler, s’y loger, s’y déplacer. Ainsi le réchauffement climatique d’origine anthropique entraîne le déclin du phytoplancton, ce qui met en péril la chaîne alimentaire, humains compris (LeMonde du 31 juillet). Mais notre journal de référence nous offre aussi un approfondissement théorique avec le point de vue d’Anne Dalsuet (p.17), « Il faut édifier une morale de l’écologie, la nature est aussi un sujet éthique à respecter ». Nous ne pouvons que constater le retard de la pensée française dans la prise en charge du questionnement lié à la crise environnementale. Anne Dalsuet propose une morale non anthropocentrée, qui promeuve la nature au rang de sujet à respecter. Cela est possible en reconnaissant une valeur intrinsèque à la nature indépendante de l’intérêt (économique, médicinal ou esthétique) que les être vivants et les écosystèmes représentent pour l’homme. Anne Dalsuet retrouve ainsi l’enseignement de l’écologie profonde définie à la fin des années 1970 par Arne Naess dans le premier point de son manifeste : « L’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre a une valeur intrinsèque. La valeur des formes de vie non humaines est indépendante de l’utilité qu’elles peuvent avoir pour des fins humaines limitées. » Cette conception philosophique s’oppose à l’écologie superficielle, autrement dit à l’environnementaliste dominant, que nous retrouvons ainsi définie par Anne Dalsuet : « La régulation est pensée, notamment en France, sur le terrain de l’expertise scientifique, juridique ou politique. »

L’enjeu du débat entre shallow ecology et deep ecology est essentiel. Il s’agit de savoir si les problèmes soulevés par l’écologie ne sont finalement qu’une question technique que le capitalisme libéral pourra régler sans avoir à se remettre en question, ou s’ils impliquent à terme un autre choix de société. L’écologie profonde naît de cette conscience que le monde d’aujourd’hui est un monde « plein », qui porte de part en part la marque de l’homme : plus de frontières à repousser, plus d’ailleurs à conquérir. Toutes les cultures humaines interagissent avec l’écosystème terrestre, toutes sont à même de constater que l’expansion illimitée nuit aux capacités de régénération de notre écosystème. Le point de vue réductionniste de l’écologie superficielle ne représente qu’un aspect des choses qui cède aujourd’hui du terrain devant des schémas de type holiste, fondés sur les notions de complexité, de réciprocité et de causalité circulaire.

L’image du monde qui résulte de l’écologie profonde rompt à la fois avec la conception linéaire du temps et avec la séparation radicale du sujet et de l’objet. Une fois admis que l’homme et la nature sont pris dans un même rapport de co-appartenance, qui les rend inséparables sans pour autant les confondre, il n’y a plus à décider qui, de l’homme ou de la nature, est le sujet ou l’objet de l’autre. Nous sommes par exemple à la fois sujet et objet de la chaîne alimentaire qui commence par le phytoplancton et le zooplancton, « carburants » qui font tourner les écosystèmes marins et qui nous nourrissent comme notre corps nourrira un jour la terre.

Pour en savoir plus, Anne Dalsuet, Philosophie et écologie (Gallimard, 2010)

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la morale de l’écologie

Selon la morale écologique, comment lire les nouvelles apportées par LeMonde du 30 juillet ?

          Il faut sauvegarder la mer. Il ne suffit pas d’écoresponsabiliser la pêche de plaisance, il faut interdire la plaisance (p.4).

          Un animal ne doit pas être torturé. Le parlement catalan vient donc de voter l’interdiction de la corrida (p.6).

          Le foot n’a rien à voir avec l’écologie. Les Verts ne veulent pas d’une table ronde sur la question lors de leurs journées d’été (p.7).

          Il faut sortir du nucléaire. Le coût de construction des centrales est exorbitant et les déchets radioactifs restent en mal de recyclage (p. 10)

          Les gaz de schistes n’ont pas d’avenir. Il faudrait même sortir du gaz conventionnel, de tout ce qui n’est pas renouvelable et porte atteinte à l’environnement (p. 12-13).

          La Chine ne doit plus être l’atelier du monde : les dégâts environnementaux causés par sa croissance économique sont trop importants (p.14)

          L’art doit se mettre au service de l’écologie, c’est l’objectif de l’AOo ou Art Orienté objet (p. 20)

          La jeunesse doit se mettre au service de l’écologie, c’est ce que commence à faire les scouts de France (p.21).

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sortons du nucléaire

L’industrie nucléaire poursuit ses activités alors qu’elle devrait les interrompre tant qu’une solution aux problèmes des déchets n’est pas trouvée. Le récent rapport Roussely juge d’ailleurs « indispensable que l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) définisse de façon urgente la planification concernant le centre de stockage profond (à Bure) ».L’industrie nucléaire est la seule industrie qui ait fait pour ses déchets un pari sur l’avenir, celui de savoir les réemployer ou de savoir les faire disparaître, pari qu’elle a manifestement perdu. Les seules solutions proposées sont en réalité des solutions de stockage, il n’en existe à ce jour aucune autre. Et, bien évidemment, le stockage de déchets dont la durée de vie peut être de plusieurs centaines de millions d’années ne saurait constituer une solution acceptable. Comment le lobby nucléaire s’y prend-il pour que les politiques, et Sarkozy le premier, veuille renforcer ce lobby ?

Tout d’abord en jouant, tout au moins en France, sur la définition du mot « déchets ». Le lobby nucléaire a obtenu que, dans la loi sur les déchets radioactifs, ne rentrent dans la catégorie « déchets » que les produits pour lesquels aucun utilisation future n’est prévue ou envisagée. Autrement dit, il n’existe pas juridiquement de déchets radioactifs. De plus l’affirmation selon laquelle des enfouissements pourraient être permanents et sans aucune incidence sur l’environnement est fausse. Il suffit pour s’en convaincre de suivre les déboires gravissimes des Allemands, lesquels ont enfoui dans des mines de sel, censées constituer de véritables coffres-forts étanches, des déchets radioactifs, pour finalement constater une pollution des nappes phréatiques, situation pourtant considérée comme impossible.

En réalité, nous léguons aux générations futures un problème irrésolu en leur interdisant de trouver une autre solution puisque l’irréversibilité sera acquise de fait. De plus, en permettant de ne pas intégrer dans le coût du nucléaire cette incertitude sur l’avenir, elle crée une distorsion insupportable avec le coût des énergies renouvelables, lesquelles coûtent cher à l’investissement mais quasiment rien en fin de vie.

LeMonde du 29 juillet : l’Elysée fait d’EDF le chef de file du nucléaire français.

LeMonde du 30 juillet : des déchets radioactifs en mal de stockage + les retards de l’EPR à Flamanville inquiètent l’Etat

Lire aussi le livre « Sans le nucléaire on s’éclairerait à la bougie (et autres tartes à la crème du discours techno-scientifique) » de Corinne Lepage et Jean-François Bouvet

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