Austérité, véritable source du bonheur

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Je mène une vie relativement austère, on me traite parfois de moine. Mais pour moi l’austérité est plus un idéal qu’un chemin de croix. Il n’en est pas de même dans la société actuelle. Une grève générale avait été organisée le 14 novembre 2012 par les mouvements sociaux du Portugal, de l’Espagne, de la Grèce, de Chypre et de Malte ;  le même jour, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelait à une « journée d’actions » en Europe. Le trait commun ? Manifester « contre l’austérité ». Pour moi cette thématique est hors contexte alors qu’il y a épuisement de la planète par notre mode de vie dans les pays développés. D’autres questions plus pertinentes devraient être soulevées par les syndicats : cette grève ne serait-elle pas un soutien indirect au patronat qui s’acharne à nous vendre de la merde après avoir vidé nos cerveaux grâce à la pub ;  les travailleurs sont-ils d’accord pour qu’un pays continue de vivre à crédit ; ne faudrait-il pas reconsidérer le niveau de vie dans un monde occidental qui vit au-dessus des possibilités de la planète ? Refuser le « potage de l’austérité » ne peut être qu’une formule politique, pas un programme économique, encore moins un projet écologique.

« A relire, vingt ans plus tard, les textes fondateurs de l’écologie politique et radicale, ceux Ernst Schumacher, d’Ivan Illich, Murray Bookchin, André Gorz, Serge Moscovici, Cornélius Castoriadis ou René Dumont, on est frappé par la similitude des solutions qu’ils préconisaient. Pour eux il n’existait pas de demi-mesure possible. Il fallait changer d’ethos (de mœurs) et abandonner le principe moderne de l’insatiabilité des besoins individuels. Il était devenu vital de considérer un nouveau principe, celui d’austérité volontaire. Mais cette conversion était indissociable de la reconquête par les individus de la capacité à définir et satisfaire eux-mêmes leurs besoins. Les hommes devaient se libérer de l’emprise économique et culturelle de l’Etat et du marché, se défaire du besoin fabriqué par les sociétés de service. Ils devaient, au sein de structures conviviales, en mettant en œuvre des techniques à échelle humaine et en produisant des valeurs d’usage plutôt que d’échange, retrouver la faculté de vivre de manière autonome et de recouvrer les moyens politiques de préserver leurs choix. » [P. Alphandéry, P. Bitoun et Y. Dupont, L’équivoque écologique (La découverte 1991)]

Comme l’écrivait René Dumont : « Lorsque j’emploie le terme d’écologie socialiste, je veux dire ceci : une société respectueuse exige une certaine austérité – par opposition au gaspillage -, et cette austérité n’est acceptable qu’avec une réduction marquée des inégalités ».

L’austérité est bonne pour la postérité, car si nous consommons moins, nous léguerons davantage à nos enfants. Il faut savoir faire la différence entre le nécessaire et le superflu, entre ce qui est suffisant et ce qui est excessif. Et cette connaissance nous libère du joug de la consommation obsessionnelle. Un écologiste sincère se positionne pour une politique d’austérité partagée, liant la réduction de l’endettement public à une diminution de la fonction publique tout en relocalisant fortement les activités publiques et privées. Comme il faut ajouter à la dette financière la dette écologique, qui amenuise encore plus la possibilité de ressources futures, la purge n’en sera que plus difficile à avaler. Dans un contexte de pénuries croissantes, ce qui attend les pays riches est nécessairement une cure d’austérité généralisée dont la Grèce depuis quelques années n’est qu’un signe précurseur. La biosphère s’en trouvera soulagée…

La décroissance maîtrisée, c’est en fait l’austérité, mais une austérité qui doit, pour être acceptée, s’accompagner d’une limitation drastique des inégalités de revenus et de modes de vie. Ceux qui pratiquent la simplicité volonté et la sobriété énergétique sont des précurseurs qu’il nous faudra imiter un jour ou l’autre, de gré ou de force. Un objecteur de croissance récuse la décroissance subie, celle que nous prépare un capitalisme avide. J’essaye d’être cet objecteur, mais je ne vis pas comme Diogène dans un tonneau !

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

8 réflexions sur “Austérité, véritable source du bonheur”

  1. Potage et tambouille

    – « Refuser le « potage de l’austérité » ne peut être qu’une formule politique, pas un programme économique, encore moins un projet écologique.»

    En effet il s’agit bien d’une formule politique. C’est d’ailleurs Mélenchon qui semble l’avoir inventée il y a une dizaine d’années. Comme quoi, refuser ce potage (ou ce menu, ce régime, ce programme, bref cette politique) n’empêche pas d’avoir un programme économique ainsi qu’un projet écologique. Dans ce système (Le Système), les politiques d’austérité se traduisent toujours par une augmentation de la pauvreté et des inégalités. Et elles ne font le bonheur que des plus aisés. Rien que ça justifie qu’elles doivent être rejetées.
    Le «potage de l’austérité» ne faisant plus recette, voilà donc qu’on le renomme «tambouille de la sobriété». Seulement la merde reste de la merde.

    1. Le Pape, les philosophes… je veux bien. Mais tant que ce seront les nantis (et leurs larbins) qui voudront nous vendre l’austérité, la sobriété, l’essentiel, les vraies valeurs, le bonheur etc. etc. (sans oublier la confiance) ça ne pourra pas marcher.
      Ou alors si. Mais alors ce sera de la vente forcée. Et il ne faudra donc plus parler de liberté, de démocratie etc. Mais… n’en sommes-nous pas déjà là ?

  2. Prospérité ?

    – « L’austérité est bonne pour la postérité, car si nous consommons moins, nous léguerons davantage à nos enfants.»

    Ce qui reste à prouver. Je vois bien que la marge de manœuvre est étroite, mais faisons toutefois attention de ne pas jouer le jeu des faussaires. Exemple :
    – « Il faut se saisir de ces trois axes, sobriété, sol­i­dar­ité et prospérité pour rebâtir l’économie européenne, mais sans con­ces­sion sur l’environnement, l’inclusion sociale et le partage des richess­es. L’Europe doit mon­tr­er l’exemple, car elle a un mod­èle à proposer. 2020 mar­que une nou­veauté au salon Pro­durable : les Mas­ter Class.»
    ( Produrable : sobriété, solidarité, prospérité ! Sur innovation24 – Magazine Green Innovation – 7 juillet 2020 )

    1. Austérité, sobriété, prospérité !

      – « Dans la France de 2014, c’est prospérité pour les uns, austérité pour les autres et sobriété pour le reste. Austérité, sobriété, prospérité ! Tiens donc, cette devise semble s’appliquer aussi à l’Espagne, à la Grèce, à l’Italie, à l’Allemagne… Enfin, ça y est, l’Europe existe vraiment, elle a trouvé sa devise, Austérité, Sobriété, Prospérité !

      L’équation de l’Europe, c’est une combinaison linéaire pondérée par des coefficients variables selon les pays et les régions, une combinaison d’austérité, de sobriété et de prospérité. C’est une loi naturelle mais les sociétés peuvent décider qu’il en soit autrement. Après le nouveau régime, la nouvelle révolution ? »

      ( Austérité, sobriété, prospérité ! Une devise européenne pour la France et son Nouveau Régime – Par Bernard Dugué – 7 janvier 2014 – sur agoravox.fr )

      => 8 ans déjà qu’on nous chante cette chanson.

    2. Le Pape a dit !

      – « La sobriété est un style de vie, ce n’est pas un programme politique. […]
      C’est depuis toujours une valeur évangélique, ravivée par l’idéal écologique contemporain, bien que cet idéal écolo ne donne pas dans une écologie intégrale, faute de ne pas prendre en compte la dimension spirituelle ni parfois la dimension sociale. La pandémie de la Covid19 a fait naître l’espoir d’un avenir plus authentique, plus vrai, moins artificiel, moins démesuré, moins frénétique, moins gaspilleur et moins polluant, donc l’espoir d’une humanité plus sobre. Il y va de la sauvegarde de la planète.»
      ( Etre sobre n’entre pas dans la culture de l’austérité, c’est chercher à être en forme spirituelle et physique – Sur radioPrésence – 22 juin 2020 )

      2 ans plus tard. C’est vrai, on a bien aimé croire à cette histoire… que le Covid… le retour à l’Essentiel, à l’Authentique, aux Vraies Valeurs et blablabla.
      Et puis on a vu la suite.

  3. Esprit critique

    Austérité et Sobriété sont synonymes. Pourquoi le premier fait-il peur, et de ce fait sera systématiquement combattu… alors que le second devient à la mode ?
    C’est toujours pareil, il suffit de voir ce qu’il y a derrière les mots.
    Par austérité, de suite nous entendons POLITIQUE d’austérité. Et ça, tout le monde sait de quoi il s’agit. Comme leur politique de rigueur, là encore austérité et rigueur voulant dire la même chose.
    Depuis le temps, tout le monde a compris à qui profite leur austérité, leur rigueur, leur «saine» gestion des fiances publiques et des déficits et blablabla.
    Leur austérité, elle est grillée ! Ce n’est même plus la peine d’essayer de nous la vendre.

    1. La sobriété, par contre, c’est nouveau. C’est le nouveau truc qu’ont trouvé les tenants du Système pour essayer de le sauver. Pour lui permettre de continuer à tourner, comme il tourne, en attendant. En fait ils n’ont rien inventé, ils ont simplement piqué l’idée à leurs opposants. En matières de vol et de recyclage ils sont très forts.
      Leur sobriété est un trompe-couillons pour nous y faire adhérer. Et bien sûr, comme d’habitude, pour nous la mettre bien profond, et en même temps.
      Dans ce cadre là, leur POLITIQUE de sobriété ne peut évidemment être qu’une politique d’austérité et/ou de rigueur, une austérité et une rigueur repeintes en vert à l’occasion, comme tout un tas de merdes.

    2. Ceci dit, ce n’est pas pour autant que l’austérité, la sobriété et la rigueur doivent être rejetées et combattues. Non, ce sont seulement ces POLITIQUES frauduleuses qui doivent l’être. Quand un politicard, et non des moindres, nous raconte que la sobriété ce n’est pas la décroissance… que «la décroissance nous la combattrons»… tout juste s’il ne lâche pas que les objecteurs de croissance il a très envie de les emmerder… nul besoin d’avoir fait l’ENA ou Sciences-Po pour comprendre que le guignol est en train de nous enfumer. Et quand on sait, et en même temps, à quel point l’écologie le passionne… comment pourrions-nous, et pourquoi devrions-nous, adhérer à sa politique ?

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