épuisement des ressources

supprimons (le) Coca-Cola

LeMonde* critique Coca-Cola, mais chut… il ne faut pas le dire. Le journaliste peut raconter que le géant américain vide les nappes phréatiques. Julien Bouissou ne peut pas en déduire qu’il faut supprimer l’entreprise Coca-Cola. Comme toujours, l’article du journal de référence balance entre les arguments des Hindous qui manquent d’eau face à la concurrence de Coca-cola et l’argumentation de la multinationale qui accuse les paysans d’avoir des méthodes archaïques d’utilisation de l’eau. Pourtant, y’a pas photo, Coca-Cola n’a rien à faire sur la surface de la Terre, ici ou là : cette boisson n’a que des inconvénients.

                Il y a quelques années un président de cette transnationale tenait un discours terrifiant : « Chaque être humain boit en moyenne douze fois par jour, que ce soit une boisson alcoolisée ou non, de l’eau en bouteille ou au robinet, et cela représente un marché quotidien de 48 milliards de boissons. Coca-cola n’en vend qu’un milliard par jour, cela fait seulement 2 % de part de marché, nos possibilités d’expansion sont donc considérables. » Coca-Cola n’est donc pas là pour satisfaire nos besoins, mais pour faire du fric. A l’heure où même l’eau potable commence à manquer, autant dire que Coca-cola est une entreprise normalement sans avenir.

Mais Coca-Cola, c’est la mainmise sur nos esprits. A partir de 1930, une série de publicités fixait le costume rouge et blanc du père Noël pour « aider » la marque Coca-Cola. Aujourd’hui, « soyons réalistes : à la base, le métier des médias, c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit. Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (Patrick Le Lay, PDG de TF1) ». Alors, plutôt que de boire de l’eau ou du jus de fruit de fabrication locale, on  se précipite vers les refrescos, ces boissons gazeuses très sucrées indispensables pour couper la faim dans le ventre des pauvres. Il faut supprimer Coca-Cola.

                Coca-Cola, c’est aussi le greenwashing. L’analyse du cycle de vie ou ACV est une notion apparue aux Etats-Unis en 1969. Il ne s’agissait pas d’une découverte de théoriciens de l’écologie, mais d’une problématique stratégique initiée par l’entreprise Coca-cola : faut-il mettre la boisson dans une bouteille de verre ou lui préférer le plastique ? Coca-Cola a « découvert » que les contenants en plastique seraient plus respectueux de la Biosphère une fois pris en compte toute l’essence nécessaire à la réutilisation du verre consigné. Depuis, les bouteilles plastiques ont conquis le monde entier. Mais l’ACV ne mesure ni l’impact sur les nappes phréatiques, ni la propension à l’obésité, ni surtout l’utilité réelle du produit. Il faut supprimer Coca-Cola.

                Coca-Cola, c’est donc l’ennemi numéro un de la société humaine. Pourtant WWF s’acoquine avec cette entreprise peu recommandable. En Belgique, l’actuel président du WWF est Ronald Biegs, ancien directeur général de Coca-Cola en France et en Allemagne. Un accord international conclu depuis 2007 entre Coca-Cola et le WWF pour un montant de 23,75 millions de dollars a été affecté à un fonds « pour protéger les sept bassins fluviaux qui comptent parmi les réserves d’eau douce les plus critiques au monde » C’est complètement paradoxal et absurde : en soutenant ces projets, The Coca-Cola Company dit contribuer à résoudre la crise de l’eau dans le monde… tout en faisant baisser les nappes phréatiques en Inde. Il faut supprimer Coca-Cola qui dénature tout ce qu’il touche.

                Les humains n’ont pas besoin de boissons manufacturées, ils ont seulement besoin d’eau potable et d’amitiés profondes. Supprimons l’entreprise Coca-cola, c’est facile. Il suffit de ne plus boire de coca-cola, en Inde et ailleurs…

* LeMonde du 5 mars 2011, Coca-Cola au centre de conflits sur l’eau en Inde.

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demain nous cultiverons nos légumes

Phénomène temporaire ou tendance structurelle, quel est l’avenir du retour à la terre ? LeMonde* nous présente toute une page sur les jardins potagers : « Désormais 42 % des foyers français ont désormais un espace potager. Le quart d’entre eux n’en avaient pas il y a encore cinq ans… L’aboutissement ultime est la récolte de graines de sa propre production pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. » On envisage plusieurs raisons possibles de cette évolution, réflexe anticrise ou retour aux sources ou acte militant. Une sociologue ajoute le potager comme moyen d’échapper au stress de sa vie professionnelle et la volonté de court-circuiter la production marchande. On exclut la volonté politique des temps de guerre. Personne n’envisage ce qui va rendre l’autonomie alimentaire absolument indispensable : le choc énergétique.

En un demi-siècle (de 1960 à 2010) le monde a multiplié par 8 sa consommation de pétrole. Nous consommons 85Mb/j, soit 11,5 millions de tonnes par jour. Avec une telle quantité rien ne remplace le pétrole. Sachant que le monde consomme 180 millions de tonnes d´engrais chimiques basés sur le pétrole ou gaz (NPK) et phytosanitaires, que l´agriculture intensive a besoin pour planter, traiter et récolter de 100 à 150 litres de diesel par ha/an, que de 1900 à 2000 la production mondiale d´aliments a augmenté de 600 % et la population de 1,7 à 7 milliards de personnes, comment pouvoir continuer sur cette lancée sans pétrole ? C’est sur le constat imminent d’un double choc, le pic pétrolier et le réchauffement climatique, que le mouvement pour la résilience locale, dit « territoires en transition »**, commence à se développer : les jardins potagers deviennent une nécessité.

                Normalement des politiques responsables devraient nous avertir de ce bouleversement inéluctable : après le pic pétrolier, le retour à la terre. Les politiciens préfèrent comme les médias ne s’intéresser qu’à une chose : les querelles de personnes autour de la prochaine élection.

* LeMonde du 22 février 2011, C’est déjà les beaux jours pour le jardin potager (un « retour à la terre » qui réunit citadins en mal de nature et personnes durement frappés par la crise) + Une vraie parenthèse dans un environnement social très dense.

** Rob Hopkins, Manuel de transition, de la  dépendance au pétrole à la résilience locale (écosociété, 2010)

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Est-ce que LeMonde nous empapaoute ?

Bonne contre-enquête du Monde sur les terres rares*. Mais il manque l’essentiel, un point de vue durable. L’ensemble de ces deux pages veut nous faire croire que la riposte s’organise, pas besoin de s’inquiéter : « Certains imaginent même la Chine abandonner tous ses quotas d’exportation, provoquant une chute des prix. » La journaliste croit encore à l’industrie industrialisante qui va reposer sur les 17 métaux aux propriétés extraordinaires qui vont booster les technologies de pointe et la croissance propre. Patrice Christmann, responsable des ressources minérales à la direction de la stratégie du Bureau de recherches géologiques et minières est un vrai croyant : « En science, le mot jamais n’a pas de sens. Les industriels cherchent à obtenir les aimants permanents qui ont le champ magnétique le plus puisant et qui sont en même temps de petite taille… la science trouvera. » Le PDG de Rhodia, leader mondial des formulations à base de terres rares, reste optimiste : « Nous allons développer une filière de récupération de terres rares, nous allons diversifier nos approvisionnements… La crise approche de son terme. » Tout ira donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !

Voici pour l’utopie marchande, passons aux réalités. Philippe Bihouix** constate que le développement exponentiel des nouvelles technologies a fait exploser la demande en métaux high tech, les fameuses terres rares. Or les ressources métalliques constituent un stock très limité au milieu d’une quantité énorme de roches indifférenciées. Extraire des métaux toujours moins concentrés dans les roches géologiques requiert de plus en plus d’énergie. Mais inversement la production d’énergie, toujours moins accessible, requiert de plus en plus de métaux.  Une éolienne d’1 MW de puissance consomme dix fois plus d’acier et de béton au kWh qu’une centrale thermique. De plus la complexité des alliages nous empêche de récupérer facilement les métaux lors du recyclage. Il y a 30 métaux différents dans un ordinateur portable. Avec 3000 sortes d’alliages au nickel, on comprend que l’organisation de filières de récupération sera douloureuse ! Enfin une partie des métaux n’est pas récupérable car nous en faisons un usage dispersif, pigments, additifs, couches minces…

Allons à l’essentiel. On constate qu’au niveau mondial, 75 % des métaux extraits le sont pour 20 % de la population. Or déjà la pénurie commence avec les terres rares. Il ne faut donc pas promouvoir plus de technologie pour réduire les gaspillages, mais réduire notre consommation de riches pour moins de technologies. C’est sur le terrain de la morale et du juste besoin que  se situe le progrès véritable. LeMonde devrait cesser de se faire uniquement le porte-parole myope de notre appareil industriel.

* LeMonde du 14 janvier 2011, Les terres rares seront-elles une nouvelle source de conflit ?

**  Philippe Bihouix, ingénieur, coordonne avec Benoît de Guillebon l’ouvrage Quel futur pour les matériaux, résultat du travail associatif des ingénieurs de Centrale-Paris. Résumé de son point de vue dans l’Ecologiste n° 33, hiver 2010.

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faim du monde, fin du libre-échange

Au XXIe siècle il y aura la guerre des terres*, comme il y aura les guerres du pétrole, les guerres de l’eau, les guerres du climat, les guerres civiles, les guerres aux frontières… La flambée des prix alimentaires mondiaux avaient provoqué en 2008 des émeutes de la faim dans plusieurs pays. Aujourd’hui les prix alimentaires enregistrent leur sixième mois consécutif de hausse. Ce n’est pas seulement la faute des catastrophes naturelles et des spéculateurs, c’est la conséquence de la surpopulation mondiale. La pénurie n’est plus conjoncturelle. Nous sommes six milliards d’humains et on en dénombrera 3 milliards de plus en 2050. Quels sols mettront-nous en culture pour soutirer à la terre leur pitance ?

Pour protéger leur souveraineté alimentaire, l’Inde vient d’interdire l’exportation de l’oignon national, la Russie suspend ses exportations de céréales, Canberra prévoit de réduire de 25 % ses exportations de sucre en 2011. S’il est bien un domaine dans lequel la démondialisation est en marche, c’est bien  celui de l’agriculture et de l’alimentation. Le philosophe Fichte publia en 1800 L’Etat commercial fermé, ouvrage de l’anti-libre-échange. La thèse dépasse très largement le protectionnisme transitoire de Friedrich List. Fichte s’engage au contraire dans une perspective d’interdiction totale des échanges commerciaux avec d’autres nations.

Selon le philosophe allemand, l’Etat doit garantir à chaque citoyen des conditions d’existence décentes lui permettant de subvenir à ses besoins fondamentaux, et lui assurer le droit de travailler. Pour y parvenir, l’Etat doit organiser et contrôler la production de richesses, contrôle impliquant la fermeture des frontières économiques puisque tout flux en provenance de l’extérieur échappe par définition au gouvernement. La fermeture des échanges commerciaux se répercute sur la politique monétaire du pays car cela induit nécessairement de ne plus participer à des flux monétaires par la voie des taux de change. Cela évite les antagonismes en matière économique qui sont à l’origine de guerres armées.

* La guerre des terres de Thierry Pouch (Choiseul, 2010)

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Démondialisation féroce

Le libre-échange n’était qu’un leurre. Les économistes libéraux ont voulu nous faire croire au doux commerce, à l’avantage comparatif, à la prospérité pour tous. Le bilan de la mondialisation, c’est un désastre : délocalisation en série, destruction d’emplois et d’outils de travail, pression à la baisse sur les revenus du travail. Cette course au moins-disant pour plus de compétitivité internationale, c’est un suicide collectif. Si l’on voulait résumer, la mondialisation a fabriqué des chômeurs au Nord et augmenté le nombre de quasi-esclaves au Sud. Pour Arnaud Montebourg*, la mondialisation s’est en fait résumée à une mise en concurrence mondiale, sans limites, sans scrupule, sans filet…

Alors que Montebourg prône la démondialisation, la Chine pratique déjà le protectionnisme**. Elle a décidé de réduire de plus de 10 % les quotas de ses exportations de terres rares pour l’année prochaine. Or la Chine en produit environ 97 %, soit 17 métaux aux propriétés électromagnétiques très recherchées dans les technologies de pointe utilisées dans le monde entier. Les guerres commerciales ne font que commencer à s’envenimer, sur les matières premières, sur les produits agricoles, sur l’énergie. Dès que le monde reconnaîtra la réalité du fait que nous avons franchi le pic de la production pétrolière, la mondialisation sera morte à la fois en théorie et en pratique. Les pays exportateurs de l’or noir mettront sur le marché des quantités décroissantes bien avant que le débit maximal possible de la production mondiale soit atteint. Ces pays se réserveront en effet une part de plus en plus grande de leur production pour leur propre développement, et ménageront leurs réserves en prévision de l’avenir ! Les Etats-Unis ont déjà prouvé qu’ils étaient prêts à envahir les nations souveraines du Moyen-Orient ; ils appliqueront la doctrine Carter, selon laquelle le ravitaillement en pétrole est un intérêt vital qu’il faut défendre par la force militaire si nécessaire. Un affrontement militaire à propos du pétrole pourrait alors mettre la planète à feu et à sang depuis le Moyen Orient jusqu’à l’Asie, en détruisant l’infrastructure pétrolière de nombreux pays. Un tel conflit pourrait être la Dernière Guerre mondiale***.

Rien n’est plus fondamental dans l’histoire que les guerres pour les ressources. Avec la raréfaction des ressources, le futur proche connaîtra une période de contraction généralisée et chronique du commerce international. La fête est finie. Mais comme c’est bizarre, personne n’envisage que l’avenir puisse être très désagréable. Bonne année 2011…

* Des idées et des rêve, chapitre 13 sur la démondialisation (édition Flammarion, 2010)

** LeMonde.fr du 28 janvier, La Chine réduit ses exportations de terres rares pour début 2011

*** La fin du pétrole (le vrai défi du XXIe siècle) de James Howard Kunstler

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douter est parfois criminel

         Nous doutons de tout car toute chose est relative, aux mœurs de notre époque succéderont d’autres croyances. Il n’y a pas d’ordre naturel, n’en déplaise à Benoît XVI. Mais en matière scientifique, le doute n’est qu’hypothèse : l’observation scientifique détermine certains constats, ils restent valides en l’attente d’une démonstration contraire. C’est pourquoi nous ne doutons pas de la responsabilité du virus d’immunodéficience dans le SIDA, nous ne doutons pas des causes anthropiques du réchauffement climatique, nous ne doutons pas du pic pétrolier. Stéphane Foucart* explique clairement en quoi le doute suffit à retarder les mesures à prendre. Penchons-nous sur le pic pétrolier, un fait d’origine géologique qui normalement ne souffre pas la contestation.

         Bernard Durand** attaque les économistes : « Ils s’imaginent que l’augmentation du prix du pétrole se traduit par une augmentation plus ou moins proportionnelle des réserves. C’est inexact pour le pétrole : ont-ils seulement réalisé que les augmentations de prix seront incapables de créer le moindre gisement de pétrole dans le sous-sol ? » Même dans le mensuel voué à la décroissance, l’économiste Denis Baba*** essaye de jeter le doute : « Rien n’est démontré, il y a encore suffisamment de pétrole, charbon, etc. pour que la société marchande persévère encore longtemps dans son être.. A la lecture des textes piquistes, on ne peut s’empêcher de penser que les désastres promis sont ardemment souhaités par leurs auteurs… Sur le fond ? Les experts se sont trompés tant de fois. »

         En fait, nous n’accordons pas trop d’importance aux économistes qui se veulent plus forts que les contraintes naturelles (les ressources non renouvelables). Le problème du pic pétrolier est d’abord médiatique. Nous laissons à nouveau la parole à Bernard Durand : « Le terrain médiatique est accaparé, souvent avec véhémences, par les partisans et les adversaires de telle ou telle source d’énergie ou de telle ou telle technique prétendument salvatrice, sans que soit pour autant présenté un bilan raisonné et précis. Un temps précieux a ainsi été perdu, qui aurait pu être utilisé pour la mobilisation et l’action. » Car tant que les médias ne parleront pas du pic pétrolier en cours, les politiques ne feront rien…

* La science, le doute et la faute de l’Académie, LeMonde du 14-15 novembre 2010

** La crise pétrolière (analyse des mesures d’urgence) de Bernard Durand (EDP, 2009)

*** Que cache le pic pétrolier ? in La décroissance de novembre 2010

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cervelle d’or, biosphère pillée

Il suffit de lire une semaine du Monde pour mesurer à quel point notre planète se vide :

– les prélèvements non durables d’eau sont passés de 126 km3 par an à 283 km3 de 1960 à 2000 dans le monde*

– pénurie des éléments rare, gallium, hafnium, indium, rhodium …**

– un cinquième des espèces de vertébrés de la planète est menacé d’extinction***

Nous sommes à l’image de l’homme à la cervelle d’or****, nous puisons dans les tréfonds de notre planète pour en arracher les derniers morceaux : « Du train dont il menait sa vie, royalement, et semant l’or sans compter, on aurait dit que sa cervelle était inépuisable… Elle s’épuisait cependant, et à mesure on pouvait voir les yeux s’éteindre, la joue devenir plus creuse. Un jour enfin, au matin d’une débauche folle, le malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient s’épouvanta de l’énorme brèche qu’il avait déjà faite à son lingot. Il était temps de s’arrêter. »

Mais comme le malheureux héros de cette fable, nous ne savons pas nous arrêter…

* LeMonde du 24-25 octobre, Aux Etats-Unis, l’agriculture irriguée est en sursis

** LeMonde du 27 octobre, la situation préoccupante d’éléments essentiels pour l’industrie de pointe

*** LeMonde du 28 octobre, un plan de discussion a minima pour la biodiversité

**** La Légende de l’homme à la cervelle d’or d’Alphonse Daudet in Lettres de mon moulin (1866)



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des mineurs bientôt sans charbon

Il fut un temps où on envoyait les mineurs au charbon. Métier ingrat, dangereux pour la santé (silicose…), dangereux pour la vie (coup de grisou…). Pourtant les mineurs veulent continuer à creuser les flancs de notre mère la terre. Ils appartiennent à une espèce, complètement folle, qui brûle les combustibles officiels avec désinvolture. Les Espagnols* font mieux encore, ils subventionnent cette activité ingrate et sans lendemain : le  charbon n’est pas une ressource renouvelable. On explique aux mineurs que le charbon est très polluant, que leurs mines ne sont pas compétitives et qu’il n’y a pas d’avenir sous la terre, rien n’y fait, ils font grève pour être payé à continuer.

Pour Thomas More, « L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable. C’est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté. La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile (L’utopie, 1516). » Il en est de même du charbon, il aurait dû rester sous terre et nous aurions échappé au pic énergétique, au réchauffement climatique, à la dégradation des conditions de travail, à la dislocation des liens sociaux…

* LeMonde du 26-27 septembre, en Espagne, les mineurs de charbon etc.

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plus rien n’a d’importance

Feuilletons LeMonde du 1er septembre. Encore et toujours on y parle de l’omniprésence Sarkozy, du PS qui n’est pas prêt de sortir de son sarkophage, d’une mort célèbre sans importance, de l’éternelle question palestinienne, la routine ! Il faut lire dans les coins pour trouver quelque chose d’intéressant, par exemple un courrier des lecteurs. Mais c’est pour constater notre impuissance quand la mondialisation triomphante impose l’ère du cynisme. Faut-il désespérer ? Sans aucun doute. Les journalistes ne servent plus à rien, leurs « messages », en raison de leur monotone quantité et de leur vacuité, accroissent l’état de confusion culturelle dans lequel nous nous débattons. Pour LeMonde et les autres médias, il ne s’agit plus de penser globalement le monde, mais de se limiter à une vision fragmentaire dans laquelle prédomine l’ici et maintenant. L’esprit humain est en train de capituler devant les forces de dispersion. Nous sommes à l’ère de la confusion. L’action n’est plus mobilisatrice, elle n’est plus pensée. Cela signifie que l’humanité abdique sa quête de sens.

                Pendant ce temps les grandes sociétés minières renouent avec les fusions-acquisitions ; il faut bien anticiper les prix élevés des matières premières (p.11). Si certaines entreprises s’intéressent au long terme, il serait temps que philosophes, économistes et gouvernements fassent de même et s’intéressent à notre avenir commun. Hervé Kempf rappelle avec Tim Jackson (p.16) que les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie ou la consommation de matières n’opèrent pas depuis 1990 de découplage avec la croissance du PIB : une économie croissante (même lentement) ne diminue pas son impact sur la biosphère.

Pour nous, c’est la seule information qui importe ce jour, elle implique que nous devrions tous nous mobiliser autour des enjeux écologiques. Alors la construction d’un avenir moins sombre redonnerait un sens à notre vie…

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la décroissance est porteuse d’espoir

Un point de vue biosphèrique : Toutes ces dernières années, un nombre de plus en plus grands de lois et règlements parle de « réduire » (la pollution, la quantité d’énergie et de matières, l’utilisation de l’automobile individuelle). Pourtant le mot décroissance fait encore débat aujourd’hui alors que réduction et décroissance sont de parfait synonyme. De plus, il n’y a pas à porter de jugement de valeur sur la décroissance des possibilités offertes par notre planète, c’est un fait vérifié scientifiquement. Alors, décroissance ou réduction, peut importe ; nous allons vers toujours moins (de ressources, de terres arables, de qualité de l’air et de l’eau). La seule question est donc celle de la gestion de ce moins. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons pas gérer la décroissance/réduction avec les outils économiques et sociaux qui ont accompagné la croissance.

Le point de vue de Corinne Lepage : « Si l’écologie politique décide d’être le porteur de la décroissance alors elle ratera le coche de l’Histoire (..) Le projet d’une décroissance ne peut aucunement fédérer nos concitoyens et constituer un projet porteur d’espoir(LeMonde du 21 août, « La décroissance n’est pas porteuse d’espoir »). Corinne Lepage s’appuie sur un ouvrage de Tim Jackson, Prospérité sans croissance . Mais contrairement à ce qu’affirme Corinne Lepage, Tim Jackson ne propose pas d’abandonner le terme décroissance, mais seulement le terme croissance. Et s’il propose un autre modèle, c’est celui de la simplicité volontaire, bien proche de la notion de décroissance voulue.

Le point de vue de Tim Jackson : « Le modèle capitaliste ne propose aucune voie facile vers un état stationnaire. Sa dynamique naturelle le pousse vers deux états : l’expansion ou l’effondrement (…) La simplicité volontaire constitue une philosophie de vie. Elle s’inspire de l’enseignement du Mahatma Gandhi qui encourageait les gens à « vivre simplement pour que les autres puissent simplement vivre ». Duane Elgin a repris ce thème du mode de vie « extérieurement simple mais intérieurement riche ». La diminution volontaire de la consommation peut améliorer le bien-être subjectif et va totalement à l’encontre du modèle dominant (…)  Tant que la stabilité économique dépendra de la croissance économique, les changements nécessaires n’auront pas lieu. »

Conclusion : Corinne Lepage manie encore la langue de bois des politiques. Elle ne tire pas les conclusions de son analyse de fond : « Il faut avant tout passer d’un modèle économique à deux dimensions (travail et capital) à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions, introduisant le principal facteur de rareté issu de la finitude de notre planète. » Ce que Martine Aubry a appelé le « facteur terre », sans en tirer les conclusions nécessaires. Car elle aussi veut faire de la politique politicienne.

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le jour du dépassement, 21 août 2010

Le 19 décembre 1987, pour la première fois de son histoire, l’humanité vivait au-dessus de ce que la terre pouvait lui offrir en un an. Selon l’ONG Global Footprint Network, le jour du dépassement (Earth Overshoot Day) aura lieu cette année le 21 août. L’an passé, c’était le 25 septembre, la capacité de la biosphère à se régénérer et à absorber nos excès fout le camp de plus en plus tôt. C’est une brève (LeMonde du 18 août) qui aurait mérité une page entière et de multiples commentaires. Non seulement c’est trop court, mais LeMonde a tronqué des parties importantes du texte initial :
« Il aura fallu moins de neuf mois pour épuiser le budget écologique de l’année 2010. Si vous dépensez votre budget annuel en neuf mois, vous allez probablement être extrêmement inquiet : la situation n’est pas moins grave quand il s’agit de notre budget écologique », précise le président de l’ONG, Mathis Wackernagel. Pour inverser la tendance, il n’y a qu’une solution, « arriver à ce que la population mondiale commence à décroître. Les gens pensent que ce serait terrible, pour nous ce serait en fait un avantage économique. Mais c’est un choix. On n’en veut pas encore », assure M. Wackernagel.
LeMonde-papier serait-il anti-malthusien ? Quel journaliste a utilisé les ciseaux de la censure pour amoindrir la portée d’un événement-clé ?

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la décroissance selon Yves Cochet

Yves est en France le seul politique courageux et réaliste. Son diagnostic est imparable : « Nous vivons l’époque où la croissance rencontre les limites de la planète. » Les conséquences qu’il en tire sont inéluctables : « S’il est une politique autrement, sa première qualité est d’annoncer le plus probable (une longue récession), non de vendre une illusion (la croissance retrouvée). » Son analyse dans le Monde du 17 août, « Dire la vérité et assumer la décroissance » devrait donc être un événement marquant. Mais il se laisse aller à la langue de bois, les solutions qu’il nous indique sont bien en deçà de ce qu’il faudrait. La RTT, une semaine de 28 heures, est inapplicable. D’autant plus que moins d’énergie fossile à notre disposition voudra dire plus d’heures de travail. Mieux vaudrait faire confiance aux initiatives individuelles, propager l’idée de travailler autrement, inciter aux métiers artisanaux, à l’agriculture et à la relocalisation. De plus il voudrait un revenu d’existence universel, qui existe déjà sous la forme du revenu de solidarité active, ex revenu minimum. Mieux vaudrait pour plus de justice imposer le plafond d’un revenu maximal pour inciter à une vie plus sobre et mieux partagée.

                Il n’empêche que nous partageons complètement la conclusion d’Yves Cochet : « Si une réorientation de la civilisation est difficile en période de récession économique, imaginez à quel point ce le sera après la dislocation du système financier, la raréfaction de l’énergie disponible et les perturbations liées au changement climatique. » Nous rappelons un discours antérieur d’Yves Cochet, plus incisif :

Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de l’Europe que sont la paix, la démocratie et la solidarité, la transition vers cette société de sobriété doit suivre quatre orientations principales que je résume :

– la tendance vers l’autosuffisance locale et régionale en matières énergétique et alimentaire ;

– la  tendance à la décentralisation géographique des pouvoirs ;

– la tendance à la relocalisation économique ;

– la tendance à la planification concertée et aux quotas, notamment en matières énergétique et alimentaire.

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l’impasse charbonnière

La Commission européenne entend faire fermer, d’ici à 2014, toutes les mines de charbon qui bénéficient de subventions (pour 2,9 milliards en 2008). Ce serait là un bon signe de la sortie des énergies fossiles si la moitié des centrales de l’Union n’étaient déjà alimentées avec du charbon d’importation. De plus les syndicats, productivistes comme il se doit, se dressent contre ce projet européen : à cause de la menace des « licenciements en masse », leur ardeur écologique est égale à zéro. Les représentants politiques des bassin miniers emboîtent le pas des salariés et les chefs d’entreprise ne sont pas en reste (cf. Bronca autour du projet de fermeture des mines de charbon – LeMonde du 24 juillet).

Pourtant, entre deux disparitions il faut choisir la moindre. Le coût de la disparition de l’industrie de la houille n’est rien quand on le confronte au coût du réchauffement climatique (cf. rapport Stern). De plus cette addiction à des ressources fossiles, par définition non renouvelable et en voie de disparition, n’a pas d’avenir. Les entreprises, les gouvernements et les syndicats, lancés dans une surenchère démagogique contre l’enjeu écologique, font en sorte que le désastre arrivera beaucoup plus tôt que prévu. Nous leur conseillons de lire d’urgence Lewis Mumford :

« L’exploitation minière est la métaphore de toute la civilisation moderne. Le travail de la mine est avant tout  destructeur : son produit est un amas sans forme et sans vie,  ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. En revanche, l’agriculture traditionnelle favorise l’établissement d’un heureux équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine. Ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué ; le champ labouré, le verger, les planches à  légumes, les terres à blé, les massifs de fleurs – tous témoignent d’un ordre formel, d’un cycle de croissance.»

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croissance négative ou décroissance choisie ?

La décroissance choisie est le seul moyen d’éviter la décroissance subie (récession-dépression) que la mondialisation libérale est en train de nous préparer. Certains montrent explicitement que leur pensée évolue, ainsi Dominique Bourg :

– Il écrivait pour l’encyclopédie Universalis de 2008 : « La décroissance n’a pas plus de sens que l’impératif de la croissance tous azimuts. En effet la décroissance interdirait la réduction de la pauvreté et n’est guère compatible avec le système démocratique. »

– Il écrit maintenant dans la revue Acteurs publics de juin 2010 : «  Contrairement à ce que nous avions cru, nous n’arrivons pas à découpler la croissance du PIB de la consommation de ressources. Arrêtons la farce du développement durable ! Nous allons devoir nous adapter à un monde profondément nouveau. La décroissance n’est pas un choix idéologique, mais une nécessité. » (source : La décroissance, juillet 2010)

                LeMonde n’a pas encore opéré un tel tournant idéologique, mais son supplément économique du 6 juillet commence à s’inquiéter : « La croissance reste anémique, le chômage élevé, les tensions sociales aiguës, le mistigri de la dette passe de main en main possible, un jeu qui pourrait mal finir, défaillance possible d’un Etat souverain. » En un mot, c’est explosif, et il n’y a pas de troisième voie entre croissance négative et décroissance choisie.

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Blood, Toil, Tears and Sweat

I have nothing to offer but Blood, Toil, Tears and Sweat s’exclamait Churchill le 13 mai 1940 : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du  sang, de la peine, des larmes et de la sueur ». Soixante dix ans plus tard, son successeur David Cameron vient de prévenir que son pays allait connaître des années de « souffrance » (LeMonde.fr du 6 juin). Le Premier ministre britannique veut réduire le déficit public et le poids « énorme » de la dette. Il a tenu un discours que les hommes politiques en Grèce, en Espagne ou même en France commencent à adopter : « La qualité d’un véritable homme d’Etat est de prendre la bonne décision en expliquant aux gens l’objectif derrière la souffrance ». Très bien ! Mais il n’y a pas que les dettes publiques dans la vie, nous sommes en état de guerre, de guerre contre la planète ; la question monétaire est secondaire par rapport à la question des ressources physiques. Bien plus, tout ce que nous avons imaginé antérieurement pour sortir de la crise financière (remettre en route la machine à créer de la monnaie dans les banques) ne servira qu’à mieux préparer la prochaine crise.

Les politiques doivent faire leur le diagnostic de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean : « Osons le dire : celui ou celle qui arriverait, aujourd’hui, avec les idées claires sur la contrainte des ressources naturelles, et qui aurait un programme bien bâti pour y répondre, avec un mélange de souffle nouveau et d’efforts pour chacun, celui-là ou celle-là pourrait être audible. » (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde). Nous allons devoir nous faire à l’idée d’être plus heureux avec moins, et le pouvoir politique doit avoir le courage de le faire comprendre. Osons le dire : il nous faut un nouveau Churchill, et il nous le faut avant 2012 en France. Ce n’est pas gagné, le PS ne possède actuellement aucun Jaurès de l’écologie et les Verts se disputent avec Europe Ecologie pour savoir comment s’organiser ! Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, assure : « Sur la forme, on va s’en sortir, on est obligé ». Le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, vient d’assurer que la structuration du mouvement était un « bide total ». L’EE Daniel Cohn-Bendit reconnaît : « je n’ai pas la solution ».

Tant que les petits conflits inter-humains passeront avant le salut commun, tant que nous n’accepterons pas la souffrance et les larmes, l’avenir de nos enfants passera par les guerres du climat et non par la coordination des efforts de tous.

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ils sont fous ces humains

Les humains n’arrêtent pas de se bouffer entre eux, on envahit l’Irak sur la foi de mensonges, on asphyxie la bande à Gaza pour sauvegarder un territoire prétendument dévolu par dieu au peuple juif, on s’arme à tout va. Le Sipri (Institut international de recherche pour la paix de Stockholm)  estime dans son dernier rapport annuel que la planète de l’homo demens a atteint un nouveau sommet dans les dépenses militaires, 1531 milliards de dollars. La France gaspille à elle seule 63,9 milliards de dollars
(LeMonde du 3 juin).

Pour rien ! Depuis le début du XIXe siècle, l’histoire de la France offre une impressionnante série d’échecs de la défense militaire. Cinq agressions contre le pays (1814, 1815, 1870, 1914, 1940) se sont soldés par quatre échecs indiscutables et par une guerre de 1914-18 qui a nécessité l’intervention étrangère, tout le Nord-Est du pays ravagé et près de  1,4 millions de morts et 740 000 mutilés. Si l’on ajoute les deux revers subis en Indochine et en Algérie, il est légitime de se demander si la confiance dans l’option militaire ne relève pas de l’illusion collective. Ne parlons pas des USA qui ont préféré se faire entre eux la guerre de sécession au XIXe siècle et pour qui l’échec au Vietnam n’a pas servi de leçon puisqu’ils sont en train de subir un revers en Irak et en Afghanistan. La guerre n’est pas la continuation de la politique par un autre moyen, c’est une vaste fumisterie qui flatte l’ego de certains souverains.

Pourtant nous sommes dans un monde qui pourrait désarmer. Il n’y a plus d’antagonisme entre les blocs, et les problèmes locaux peuvent être gérés par l’ONU. La puissance économique européenne rend inutile le maintien par un petit pays comme la France d’une armée nationale. La bombe atomique, ce machin horrible dont on dit qu’elle sert de dissuasion alors qu’elle a déjà été utilisée  deux fois, n’aurait jamais du exister. Mais nous ne faisons rien, nous battons des records de dépenses dans la militarisation de la société. Les guerres du climat qui s’annoncent promettent donc d’être particulièrement meurtrières.

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Findus et le MSC

Greenwashing, c’est habiller en vert écolo ce qui n’a rien à voir avec la protection de l’environnement. Ce terme fait référence au double langage des firmes multinationales qui parlent de protection de l’environnement et l’inscrivent même dans leurs objectifs alors que leurs activités consistent à augmenter la charge que fait peser l’humanité sur la planète. Mais d’un autre côté, le changement ne pourra découler que d’une modification du comportement des grandes entreprises. C’est la tactique de WWF (Fonds mondial pour la nature) qui s’était même associé en 1997 avec Unilever pour définir le label écolo MSC (Marine Stewardship Council) pour une pêche durable.

Aujourd’hui le patron de Findus France, leader du surgelé, vise une production de 100 % de poisson labellisé « responsable » et sans huile de palme pour les fritures (LeMonde économie du 18 mai). Ce groupe n’achète donc plus de cabillaud de la mer baltique ou de la mer du Nord, n’utilise ni la lotte, ni les espèces de grand fond et veut faire passer les saumons d ’élevage à l’alimentation végétale. Bel effort. Généralisable et durable ? Comme dit la jeune économiste Patricia Crifo, « La question des années 2010 est de savoir si une croissance soutenable peut naître de la combinaison entre technologies de l’environnement, gouvernance des entreprises  et gestion du capital humain ». Pour nous, l’expression « croissance soutenable » porte en elle la réponse. Il ne peut pas y avoir de croissance durable dans un monde fini, c’est un oxymore, l’union impossible (sauf en poésie) des contraires. Findus a connu une croissance de 45 % entre 2006 et 2009, il n’y aura pas pérennité des ressources halieutiques, pérennité de l’entreprise.

Une stratégie verte des entreprise est possible, mais à condition de cesser la concurrence entre elles pour seulement distribuer ce qu’il faut et où il faut, à condition d’éduquer les consommateurs à redevenir végétariens plutôt qu’à multiplier les plats de poissons et de viande, à condition de ne plus penser en terme de profit à court terme mais de bonheur des peuples. Ce n’est pas gagné !

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les leçons d’une marée noire

En tant que défenseur de la biosphère, nous ne pouvons qu’être opposés aux forages en mer. Mais la marée noire provoquée par la plate-forme Deepwater Horizon n’est qu’un signe ponctuel des dérives d’une société minière ; les humains polluent les océans quand ils y cherchent ce qu’ils ne trouvent plus sur la terre ferme.  L’exploitation minière est une métaphore, inspirée de la thèse de Lewis Mumford, de la civilisation thermo-industrielle : « L’exploitation minière est avant tout destructrice : son produit est un amas sans forme et sans vie, ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. » Les humains pulvérisent des montagnes pour obtenir du granit, de l’uranium et des minerais jusqu’à ce que le globe terrestre se réduise à l’état de plate-forme nivelée ! Mais l’apparition des pratiques minières au XVIIIe et XIXe siècles va s’achever au XXIe siècle après épuisement de toutes les richesses souterraine.

L’allégorie de Mumford met parfaitement en lumière l’opposition radicale qui sépare deux formes de rapport à la nature. Il y a d’un côté l’agriculture traditionnelle qui favorise l’établissement d’un équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine ; ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué (une capacité largement compromise par les stratégies d’exploitation minière en agriculture et en élevage). Il y a de l’autre le pillage du capital naturel par des multinationales qui creusent toujours plus profond, sur terre ou dans les mers, pour extraire les derniers morceaux de charbon, les dernières gouttes de pétrole, les dernières paillettes d’or. Rappelons quelques données sur les limites temporelles de cette exploitation minière :

terbium, 2012 ; argent, 2022 ; or, 2025 ; étain, 2028 ; plomb, 2030 ; cuivre, 2039 ; uranium, 2040 ; nickel, 2048 ; pétrole, 2050 ; Gaz naturel, 2087 ; fer, 2120 ; charbon, 2158…

La fin prochaine des facilités offertes par la nature à l’expansion de notre niveau de vie va entraîner un désastre global dans lequel Deepwater Horizon n’aura été qu’un signe avant-coureur.

Pour connaître  Lewis Mumford : Les transformations de l’homme (1956)

Pour connaître les détails de la marée noire au large des côtes de la Louisiane : LeMonde du 2-3 mai 2010.

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burqa et polygynie, intoxication médiatique

Nous avons horreur des sondages, les sondages doivent être supprimés. Le contenu des questions est superficiel et l’opinion d’une majorité peut varier d’un jour à l’autre. Analysons le sondage du monde.fr ce jour qui nous demande notre avis : « A propos de la femme verbalisée pour conduite avec un voile intégral et de son mari soupçonné de polygamie, diriez-vous qu’il s’agit…
… d’une affaire grave de violation des lois de la République
… ou d’un fait divers monté en épingle par le gouvernement
D’abord ce questionnaire mélange deux événements distincts, celui d’une conductrice avec un voile intégral et celui de son mari soupçonné de polygamie. On peut admettre l’un et condamner l’autre ou réciproquement. Il met aussi sur le même plan un fait établi et un soupçon. Le sérieux du Monde devient déjà improbable ! Ensuite on n’offre que deux réponses possibles, totalement opposés, violence grave ou fait divers ; la nuance est impossible. Enfin une citoyenneté éclairée ne peut que stigmatiser l’indigence mentale de ce gouvernement qui, fait divers après fait divers, nous fait vivre dans l’événementiel et non dans le réalisme politique. Comme l’exprime un de nos commentateurs du précédent post, « Les gens qui alimentent la campagne anti-burqa sont des démagogues pousse-au-crime qui n’ont pas d’autre objectif que de rafler des voix aux élections en titillant les instincts les plus bas de l’électorat. » Encore plus grave, l’obsession du court terme nous fait passer à côté de l’essentiel. C’est pourquoi nous préférons de loin aux sondages les statistiques qui permettent une véritable réflexion, ainsi ces chiffres sur la durée maximum d’exploitation de certains minerais (au rythme actuel de consommation et pour des coûts supportables) :
terbium, 2012 ; argent, 2022 ; or,2025 ; étain,2028 ; plomb, 2030 ; cuivre, 2039 ; uranium, 2040 ; nickel,2048 ; pétrole, 2050 ; Gaz naturel, 2087 ; fer, 2120 ; charbon, 2158…
Source : Humanisme n° 285 de juin 2009
Bien entendu, il ne s’agit pas d’en déduire que nous avons encore pour 150 ans de charbon à un prix abordable, mais que la burqa nous semblera bientôt un faux problème. A moins que le gouvernement ne continue sur sa lancée et ne désigne des boucs émissaires à la crise écologique qui se profile, du type « pourchassons tous les individus qui ne pensent pas comme nous ».

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le COR, voyance pour 2050

Il y aurait beaucoup trop de choses à dire sur le financement des retraites en France ; sur la pusillanimité des syndicats, sur l’égoïsme du secteur public par rapport aux salariés du privé, sur la couardise des politiques qui n’arrivent pas à convaincre de la nécessité d’équilibrer les comptes chaque année, etc. Allons à l’essentiel, expliquons le B.A-BA d’un système qui ne s’est généralisé que depuis la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire depuis hier.

Les Français bénéficient aujourd’hui d’un régime très spécial, l’art de vivre sans travailler à partir d’un certain âge. Alors se pose le problème du financement, répartition ou capitalisation, c’est-à-dire solidarité entre les générations ou bien pari sur la bonne santé future de la bourse. La France est normalement à l’abri d’un krach boursier puisque l’argent y est redistribué chaque année des actifs vers les retraités. Le montant effectif des retraites va donc dépendre des règles du jeu : définition de l’âge légal de démarrage de la vie de rentier, rapport de force qui existe entre actifs et retraités à un moment donné, niveau de richesse créé qui peut être redistribué cette année-là, évolution de la productivité. Le Conseil d’orientation des retraites a rendu son rapport (cf. LeMonde du 14 avril), cela va devenir de plus en plus dur à financer d’ici à 2050. Mais leur scénario le plus pénible est encore trop favorable, avec un taux de chômage stabilisé à 7 %  ! Le COR n’envisage pas du tout le blocage énergétique et les autres chocs écologiques (donc financiers) qui vont endeuiller l’emploi dans les années à venir, donc les cotisations sociales, donc les allocations-retraite.

Comme la civilisation thermo-industrielle va s’effondrer bien avant 2050, les droits à la retraite ne seront bientôt que chiffons de papier. De toute façon, soyons vraiment « équitables » : le système d’allocation vieillesse n’est applicable qu’à une partie de la population mondiale, celle qui a pu bénéficier de la prospérité factice des Trente Glorieuses. Dans le monde, 80 % des personnes ne disposent pas d’un système de sécurité sociale, leur retraite repose sur leur travail, sur la mort prématurée ou dans les solidarités de proximité quand celles-ci n’ont pas été détruites par le système occidentalisé.

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