Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré
L’année de ma naissance en 1947, la population mondiale était de 2,3 milliards, plus exactement 2 325 000 000 personnes, ce qui est un chiffre déjà vertigineux. Si je vis centenaire, les statistique mondiales prévoient 9,275 milliards d’êtres humains en 2047, soit une multiplication par 4 au cours de mon existence. Insupportable. Comment nourrir suffisamment et loger décemment 7 milliards de personnes de plus au cours d’un seul siècle ? J’ai pensé depuis longtemps que la population humaine était trop nombreuse. Le 4 décembre 1970, à 23 ans, j’écrivais dans mon carnet de notules comment je voyais le monde tel qu’il devenait :
Un jour les gouvernements seront obligés de supprimer les voitures
Ils seront obligés de laisser tuer des enfants bien portant
Il y aura des guerres civiles et internationales en même temps
Des gens mourront parce que l’eau potable manquera
Le ciel sera obscurci de bruits et de fumées
La terre sera sillonnée de bandes armées déchaînées
Notre vie ne tiendra qu’à un fil, la raison du plus fort
Les villes seront pillées et l’armée deviendra brigands
Car les gens ne sont pas préparés intellectuellement
A agir rationnellement contre surpopulation et pollution.
En mars 1972 j’adhère de cœur et de conviction raisonnable au mouvement américain « Zero Population Growth » (fondée en 1968) : son objectif, stabiliser la population mondiale. Je suis conscient qu’un enfant supplémentaire est une charge pour la famille (nourriture, éducation…) et pour la société (gonflement structurel du chômage, boursouflure du secteur tertiaire…). En 1972 je lisais aussi le rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance.
« Si les tendances à la croissance de la population du monde, l’industrialisation, la pollution, la production de nourriture et l’épuisement des ressources restent inchangés, les limites à la croissance sur cette planète seront atteintes un jour ou l’autre dans les cent prochaines années. Le résultat le plus probable sera une baisse plutôt soudaine et incontrôlable tant de la population que de la capacité industrielle. » [Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology, The Limits to Growth (traduction française Halte à la croissance ? aux édition Fayard, 1972)]
En 1974, j’ai abandonné mon slogan favori, « élection piège à cons ». J’ai voté pour la première fois (à 27 ans) car un candidat écolo se présentait à la présidentielle, René Dumont. Enfin un vrai message pour le siècle prochain ! René, un agronome bien au fait des problématiques alimentaires mondiales, sonnait le tocsin démographique dans son programme.
« Depuis 1650, la population du globe a augmenté à un rythme exponentiel. Nous sommes près de 4 milliards, nous serons 7 milliards en l’an 2000 ; même avec une réduction importante des taux de fécondité, on ne serait pas loin de 6 milliards. C’est la FIN du monde ou la FAIM du monde. Nous sommes les premiers à avoir dit que la croissance démographique doit être arrêtée d’abord dans les pays riches, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers-Monde, par le gaspillage des matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesse. L’homme attaque la nature depuis 100 000 ans par le feu, le déboisement, le défrichage, etc. Nourrir plus d’homme implique la destruction du milieu naturel. Du reste, si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La « France de 100 millions de Français » chère à M.Debré est une absurdité.« [René Dumont, L’écologie ou la mort (à vous de choisir), les objectifs de l’écologie politique (éditions Pauvert, 1974)]
Cette même année 1974 s’est tenu la première conférence mondiale sur la population (The World Population Conference) réunissant les gouvernements. On y a mesuré l’impossible dialogue entre les personnes qui se sentent concernées par les limites de l’œkoumène et les personnes qui sont enrégimentées par leurs propres croyances. Dès le début de la conférence, de vives réactions se sont manifestées contre l’idée maîtresse de diminuer le nombre de naissances pour réduire les difficultés économiques. Ce débat renouvelait, presque de façon identique, celui qui a opposé les idées malthusiennes à des économistes chrétiens et à tous les socialistes, d’Owen à Marx ; pour eux, il n’y avait pas de problème démographique, il y avait seulement un problème de répartition des richesses. La deuxième conférence mondiale sur la démographie à Mexico en 1984 n’a laissé aucune trace, et la troisième en 1994, au Caire, est devenu « Conférence internationale sur la population ET le développement ». Un Programme d’action sur vingt ans a été adopté, axé sur les besoins et les droits des individus plutôt que sur la réalisation d’objectifs démographiques. On prévoyait le passage d’une population mondiale de 5,6 milliards en 1994 à une stabilisation à 7,8 milliards en 2050, mais les dernières statistiques projettent aujourd’hui 9 milliards d’humains minimum en 2050… La question démographique m’a toujours paru cruciale, les conférences gouvernements ignorent le problème ou, comme en France, prennent des mesures de soutien à la fécondité.
J’ai coordonné début 2014 un livre à 13 auteurs « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) », mais les médias (et même certains décroissants) s’opposent à l’idée d’une maîtrise de la fécondité humaine. La norme mondialisée d’un enfant par femme me semble pourtant une nécessité. Quant à mon positionnement très personnel, je n’ai eu qu’un seul enfant biologiquement parlant, ce qui n’empêchait pas d’en élever bien d’autres… Quatre au total.
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
– « Cette même année 1974 s’est tenu la première conférence mondiale sur la population (The World Population Conference) réunissant les gouvernements. On y a mesuré l’impossible dialogue entre les personnes qui se sentent concernées par les limites de l’œkoumène et les personnes qui sont enrégimentées par leurs propres croyances. […]
La question démographique m’a toujours paru cruciale, les conférences gouvernements ignorent le problème ou, comme en France, prennent des mesures de soutien à la fécondité. »
( Michel Sourrouille )
1) L’impossible dialogue. Ou l’impossible débat.
C’est vrai, c’est comme ça. Et pas seulement sur ce sujet. Misère misère !
Mais alors… si c’est impossible… alors à quoi bon continuer ? Persister à vouloir des conférences, à parler pour rien, à écrire des livres, à vouloir con vaincre des cons vaincus du contraire, etc. etc. ?
Et puisque c’est impossible, alors à quoi bon se lamenter ?
Si le dialogue et le débat sont impossibles, commençons déjà par arrêter de flinguer l’autre à tout va, de parler de tabou, de dire que le problème est ignoré etc. etc. D’abord parce que ça n’est pas vrai. Refuser de discuter, ou ne serait-ce que d’écouter, ne veut pas dire qu’on est un con. Et encore moins qu’on s’en fout.
2) Pourquoi « les personnes qui sont enrégimentées par leurs propres croyances » ne se sentiraient-elles pas concernées par les limites de l’œkoumène, ou de la biosphère ?
Et pourquoi les personnes concernées par les limites de l’œkoumène ne seraient-elles pas, elles aussi, enrégimentées par leurs propres croyances ?
3) – « La question démographique m’a toujours paru cruciale ».
Oui et alors ? Déjà méfions-nous des apparences. Ce n’est pas parce qu’il nous semble, ou que ça y ressemble, que ça l’est nécessairement. Partant de là, la question démographique peut très bien aussi ne pas paraitre cruciale.
Et puis cruciale pour quoi ?
La question démographique est cruciale pour l’avenir, à l’échelle historique, de l’humanité sur la planète. Rien ne garantit sa pérennité. Plus d’humains diminue les chances de survie de l’espèce, mais on peut y être indifférent et avoir d’autres préoccupations, comme à Constantinople où l’on discutait du sexe des anges quelques heures avant la chute de la ville.
Certes j’en ai d’autres, des slogans, mais celui-là fait aussi parti de mes favoris. Ce qui ne m’empêche pas, de temps en temps, oh pas souvent, d’aller faire moi aussi mon devoir de Citoyen… comme On dit. A voté ! Hi-han hi-han !!
Alors c’est ça… « Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais ! »… comme On dit aussi ?
Non sérieusement, pourquoi jouer ce jeu de dupes, fusse de temps en temps, pas souvent, ou pour la première fois, sous prétexte que cette fois Untel ou une Telle a un ramage qui se rapporte à son plumage ou n’importe quoi ? Oui, pourquoi, pourquoi et pour quoi ?
Ben moi j’assume, je le suis et je le reste !
Tout le monde le sait que les cons ça ose tout, que c’est d’ailleurs à ça con les reconnaît. Tout le monde sait qu’On est toujours le con de quelqu’un, et en plus que On est un con.
Et puis comme On dit encore : « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis »