« La marée qui monte soulève tous les bateaux. » Pendant des décennies, cette phrase de John Fitzgerald Kennedy a exprimé le consensus autour de la croissance économique. C’est ne pas connaître le fonctionnement de notre planète que d’ignorer qu’après la marée haute, il y a la marée basse… c’est ignorer la réalité économique que croit que la croissance peut perdurer alors qu’elle aboutit nécessairement à une récession et parfois même à une dépression ou à une crise profonde comme celle de 1929. Saluons tout article qui parle de la décroissance comme d’une réalité incontournable…
Jean Pisani-Ferry : Concrètement, le PIB ne fournit pas une bonne mesure du bien-être, et on ne peut pas le prendre pour guide dans le pilotage de la transition, puisqu’il ignore la notion même de soutenabilité. C’est dans les années 1970, avec le rapport du Club de Rome (1972), titré « Les limites de la croissance », que le culte du PIB a commencé d’être mis en cause et qu’est apparu le thème de la décroissance. Mais il a fallu attendre la première décennie de ce siècle pour que la critique s’affirme. En 2009 paraissent coup sur coup le livre de Tim Jackson Prospérité sans croissance et le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi sur de nouveaux indicateurs. Mais ces efforts n’ont pas débouché sur un substitut satisfaisant au produit intérieur brut (PIB). Les tableaux de bord fondés sur une multiplicité d’indicateurs ne suscitent guère que l’indifférence. L’indicateur de développement humain (IDH) publié par les Nations unies a l’avantage d’illustrer de manière saisissante que prospérité partagée et croissance ne se confondent pas, mais il n’est pas médiatisé. L’Insee envisage aujourd’hui la publication de comptes nationaux « augmentés », qui comprennent notamment une mesure du PIB ajusté des dommages induits par les émissions de gaz à effet de serre.
Lire Prospérité sans croissance (la transition vers une économie durable) de Tim Jackson (2010)
Le point de vue des écologistes qui savent compter
Lorsque l’économie croît, elle devient plus grande. Et donc, cher économiste, à quel point ce quelque chose pourrait-il être grand à l’avenir ? Cette question n’est pas du tout posée. Il y a certes le flux de biens et de services (le PIB), mais il y a également le flux métabolique des matières et d’énergie qui part de sources environnementales, traverse le sous-système économique de la production et de la consommation et qui revient dans l’environnement sous forme de déchets. Les économistes se sont focalisés sur le ¨PIB, ils ont négligé ce « throughput ». Le sous-système économique a donc acquis une taille réellement grande quand on le réfère à l’écosystème sur lequel il s’appuie.
Il y a fort à parier que certains pays sont désormais entrés dans une ère de croissance non économique qui accumule plus rapidement ses impacts négatifs qu’elle n’accumule de la richesse. C’est la raison pour laquelle on ne peut faire appel à la croissance pour combattre la pauvreté. Bien au contraire, elle rend plus difficile la lutte contre la pauvreté ! Rappelons que le PIB n’est pas une mesure adéquate de la production car il comptabilise en bienfaits tous les maux de la croissance et, bien plus, ignore ce qu’il faut appeler « déséconomies externes » (l’extinction de la biodiversité par exemple) et, encore plus grave, se fout complètement du sort des générations futures.
Tim Jackson en 2009 remet l’économie dans son contexte global : « L’équation de Paul Ehrlich nous dit très simplement que l’impact I des activités humaines est le produit de trois facteurs : la taille de la population P (+ 1,4 % par an depuis 1990) ; son niveau d’abondance A (+ 1,4 %) exprimé sous la forme du revenu par personne, et un facteur technologique T qui mesure l’impact associé à chaque dollar que nous dépensons (baisse moyenne de l’intensité en carbone de 0,7 %). Donc I = 1,3 + 1,4 – 0,7, ce qui implique une augmentation des émissions de carbone de 2 % par an, soit une augmentation depuis 1990 de 40 %. D’ici 2050, il faudrait pourtant que le contenu moyen en carbone de la production économique soit inférieur à 40 g de CO2 par dollar, soit 21 fois moins que la moyenne mondiale actuelle. Pour être franc, il n’existe à ce jour aucun scénario de croissance permanente des revenus qui soit crédible, socialement juste, écologiquement soutenable dans un monde peuplé par neuf milliards d’habitants en 2050.
L’idée de courir toujours plus vite pour échapper aux dommages que nous causons déjà est, en soi, une stratégie qui sent la panique. Il faut noter qu’un tel monde resterait profondément inégalitaire… N’existe-t-il pas un stade où « assez, c’est assez », un point à partir duquel nous devrions arrêter de produire et de consommer autant ? ».
Bien entendu son message est resté ignoré pendant plus de dix ans, on commence juste à parler un tout petit peu de sobriété !
Quant au rapport Stiglitz sur de nouveaux indicateurs, voici comment il a été mis en chantier en 2008 lors d’une conférence du président Nicolas Sarkozy : « C’est avec la volonté de mettre en œuvre une politique de civilisation que je souhaite engager une réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives. Car, si nous restons prisonniers de la vision restrictive du PNB (Produit national brut), nous ne pouvons pas espérer changer nos comportements et nos façons de penser. Si les critères, les indicateurs de la richesse restent les mêmes, comment allons nous changer notre façon de produire et de réfléchir ? (…) Si nous voulons favoriser un autre type de croissance, il faut changer notre instrument de mesure de la croissance. »
Mais c’était un leurre, jamais Sarkozy n’a montré la moindre contestation de la croissance économique, et ses successeurs au poste suprême, Hollande et Macron, n’ont pas fait mieux et même parfois beaucoup plus mal.
La Décroissance sur notre site biosphere de documentation des écologistes
2015 Décroissance, vocabulaire pour une nouvelle ère (collectif)
2013 Politiques de la décroissance (pour penser et faire la transition) de Michel Lepesant
2013 Les précurseurs de la décroissance, Epicure, Charles Fourier (nouvelle collection au passager clandestin)
2013 Penser la décroissance (politiques de l’Anthropocène) par collectif
2011 La décroissance heureuse (la qualité de la vie ne dépend pas du PIB) de Maurizio Pallante
2011 Décroissance versus développement durable (ouvrage collectif)
2010 ENTROPIA n° 9, contre pouvoirs et décroissance
2010 L’avenir est notre poubelle (l’alternative de la décroissance) de Jean-Luc Coudray
2010 ENTROPIA n° 8, Territoires de la décroissance
2010 La décroissance (10 questions pour comprendre et en débattre) de Denis Bayon, Fabrice Flipo et François Schneider
2009 La décroissance économique (pour la soutenabilité écologique et l’équité sociale) par collectif
2008 La décroissance, Rejets ou projets ? (croissance et développement durable en questions) de Frédéric Durand
2008 Le choc de la décroissance de Vincent Cheynet
2007 Demain, la décroissance ! (penser l’écologie jusqu’au bout) d’Alain De Benoist
2007 petit traité de la décroissance sereine de Serge Latouche
2006 Le pari de la décroissance de Serge LATOUCHE
2003 objectif décroissance (vers une société harmonieuse) par collectif
2003 carnets de campagne de Clément Wittmann, candidat de la décroissance à la présidentielle 2002
1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN
Mesdames et messieurs un petit moment d’attention s‘il vous plait, c’est le commandant de bord qui vous parle. Comme vous pouvez le ressentir… nous traversons une zone de turbulences. Attachez vos ceintures et restez calmes. Nos instruments fonctionnent parfaitement, nous volons encore très haut, la température extérieure et de – 48,5°C .
Avec un ressenti proche du Zéro absolu compte tenu de la vitesse grand V à laquelle nous chutons. Surtout pas de panique, nous maîtrisons la situation, jusque là tout va bien.
Le blabla de Sarkozy au sujet des nouveaux indicateurs (un leurre évidemment) a au moins le mérite de nous montrer que ces gros voyous savent très bien (certainement mieux que nous) à quel point le système qu’ils servent et défendent est pourri. ( à suivre )
Que peut-on attendre de nouveaux indicateurs ? Là encore, quels indicateurs ?
Nombre de manifestants, de sans-abris, de chômeurs, de suicides, volumes de ventes d’antidépresseurs, etc. etc. etc. Sans compter les sondes, les sondages en tous genres, pour tout et n’importe quoi. Donc, pour moi… « assez, c’est assez » !
L’autre jour, il y en a un ici qui parlait de jauges. Bien sûr que c’est très important les jauges, d’essence ou de n’importe quoi, les sondes et autres indicateurs. Mais quand le pilote en dispose de mille fois plus que le cockpit d’un avion de ligne, qu’ON ne vienne pas me faire croire qu’il n’en a pas encore assez. Et que la jauge «PIB ressenti» va lui permettre de piloter beaucoup mieux, de faire des économies de carburant où de je ne sais quoi.
Non, tout ça c’est du flan ! Un leurre, comme toutes ces déclarations (du genre «je vous ai compris et blablabla»), et comme tous ces articles dans les merdias vendus au Système.