biosphere

Aubry-Hollande face au dilemme croissance/environnement

Il y a une liaison fatale entre croissance économique et destruction environnementale ; le PS n’en a pas encore conscience. Au Congrès de Reims en 2008, la croissance était déjà dans toutes les têtes socialistes. La motion de Delanoë proposait la « Promotion d’un nouveau modèle de développement qui articule croissance, justice sociale et écologie ». La motion de Martine Aubry affirmait avec force que « la croissance économique et l’impératif écologique constituent un seul et même enjeu ». Aujourd’hui Aubry veut prendre le relais d’un Sarkozy qui cherchait la croissance avec ses dents : « Une offensive de civilisation est fondée sur un autre modèle de croissance… Sans croissance on ne peut rien… » (LE MONDE du 3 mars 2011, Le livre-programme du PS). Lors de leur université d’été les 27 et 28 août, même rengaine. Les mots «  crise écologique, après-pétrole, changement de civilisation » émaillent les discours. Mais les mots « croissance durable, croissance partagée, croissance verte » restent omniprésents ! Dans un discours devant ses fans, François Hollande était même radicalement croissanciste : « On ne peut pas transiger avec la croissance, je ne crois pas à la décroissance. Lorsque le PIB décroît, les conséquences sociales sont extrêmement négatives, chômage, déficit, dette. La décroissance, c’est un facteur de crise sociale. »

Or la croissance dans un monde fini est impossible et plus personne ne devrait croire à la hausse du PIB comme solution passe-partout. Comme le note Hervé Kempf, « raisonner avec un concept du passé ne permet pas de penser le monde de demain. Nombre de hiérarques du PS semblent continuer à rêver de l’âge d’or des « trente glorieuses » qui a pour première caractéristique d’être derrière nous… Se focaliser sur un objectif que l’on ne pourra pas atteindre, la croissance, prépare les pires déceptions »*.

Sur le fond, le PS est un vieux parti d’élus, aux problématiques strictement électoralistes. Son pôle écologique est aux abonnés absents, n’osant même pas présenter un questionnaire écolo aux candidats aux primaires. Comme l’exprime un commentateur d’Hervé Kempf sur lemonde.fr, « les électeurs du PS ne comprennent pas que leurs valeurs sont bien mieux représentées, sur le fond, par l’Ecologie, et en disant cela je ne plaide pas pour EELV, dont l’intelligence reste à prouver, mais pour l’Ecologie. La croissance est, par définition, une exponentielle. Impossible ».

* LE MONDE du 31 août 2011, Socialistes écologistes ?

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les risques de la techno-science selon Alex Türck

Le problème de nos sociétés est un problème fondamentalement technologique. D’un côté la techno-science augmente les possibilités des sportifs et des citoyens ordinaires, de l’autre la techno-science permet de les manipuler et les contrôler. Le livre d’Alex TÜRCK, – La vie privée en péril – Des citoyens sous contrôle (Odile Jacob, 2011) en est un témoignage.

Il aborde exclusivement l’impact des technologies dans les domaines de la biométrie, de la géolocalisation, de la vidéosurveillance, et du développement de l’Internet.

Alex TÜRCK parle à partir de son expérience de membre de la CNIL depuis 1992 et de président de celle-ci depuis 7 ans, et de son expérience comme président depuis 2008 du Groupe qui rassemble les 27 organisations qui exercent la même fonction que la CNIL dans les 27 pays de l’Union européenne – groupe dit G29 en référence à l’article 29 de la directive du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Alex TÜRCK fait un panorama très complet des problèmes posés par les TIC aux libertés individuelles. Et le panorama est inquiétant à l’égard de la protection de l’intimité des individus. Il souligne l’inconscience avec laquelle un certain nombre de dirigeants s’accommodent de cette violation massive des intimités, mais aussi l’inconscience avec laquelle la majorité des citoyens s’engagent dans cette voie. D’où des préconisations répétées de sa part pour une éducation dès le premier âge afin de sauvegarder cet acquis du droit à l’intimité, au secret, à l’oubli, droit qui semble tellement naturel et acquis que personne n’en parle et qui semble disparaître sans même qu’on s’en aperçoive – il fait sien l’apologue de la grenouille plongée dans un bain d’eau que l’on porte très progressivement à l’ébullition : on supporte jusqu’à en mourir !

Les enjeux ont été majorés depuis le 11 septembre 2001 et la sanctuarisation de la lutte contre le terrorisme. Alex TÜRCK montre comment un certain nombre de responsables français sont contaminés par cela – avec une mention spéciale pour le magistrat BRUGUIERE… Ils croissent à vitesse exponentielle avec la toute puissance commerciale de Facebook et de Google. Et ils bénéficient de l’amplification liée à la miniaturisation et aux nanotechnologies. Il fait apparaître l’extrême complexité des problèmes juridiques de la biométrie, l’ambigüité de la vidéosurveillance, la terreur que génère le Big Brother diffus du nuage d’information sur Internet (encore plus dangereux que le Big Brother d’Orwell que l’on identifiait et contre lequel on pouvait lutter), la toute-puissance économique et politique exercée par les patrons de Facebook et de Google, et l’inconscience d’une grande partie de la population jusqu’aux plus hauts lieux de la Commission européenne.

Les aspects technologiques sont souvent présentés de manière tellement synthétique que le texte en perd de la lisibilité, mais Alex TÜRCK témoigne d’une parole libre, ce qui est si rare dans le milieu des experts et des journalistes.

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artificialisation du sport et fin de la compétition

La pharmacopée dopante est prohibée et la combinaison de natation qui augmentait la vitesse des nageurs de 3 % est désormais interdite. Pourtant l’idéal du MONDE dans son dernier éditorial* est sans ambiguité : « Un jour historique pour Pistorius et pour le sport… L’intégration des sportifs dotés de prothèse est un défi enfin relevé. » Que cherche LE MONDE ? L’humain augmenté, artificialisé, transhumaniste ? Une humanité sans limites ?

Il est vrai que les sportifs de haut niveau ont atteint le niveau où il est presque physiquement impossible de progresser et de battre un nouveau record. Imaginons alors un athlète prometteur et ambitieux. Il se fait amputer au dessous des genoux comme Oscar Pistorius pour se faire poser une prothèse en lames de carbone : il y aura restitution de 30 % d ‘énergie en plus que le pied quand il était intact. Ajoutons un dosage non décelable de dopage bien adapté. Cet athlète monte alors à chaque fois sur la première marche des podiums. Bravo, il ne fait que concrétiser une humanité technologisée et hyper-performante ! Et tous les autres coureurs, pour pouvoir concourir et parader dans la société du spectacle, se font amputer les jambes au dessous des genoux, avec des laboratoires à leur service !

Comme l’exprime un commentateur perspicace sur lemonde.fr : « Encore une dérive du politiquement correct : on s’extasie sur un cas particulier (Oscar Pistorius) pour mieux ignorer les autres. La plupart des mutilés n’ont pas la chance d’avoir des prothèses aussi extraordinaires. J’aurais préféré que les progrès technologiques bénéficient à tous ceux qui en ont besoin et non à une seule personne qui monopolise l’attention. » Nous ajoutons que le sport de haut niveau a atteint non seulement ses limites physiques, mais aussi son utilité sociale. Nous avons dépassé les limites de la planète, nous devons retrouver le sens des limites et remplacer l’esprit de compétition par l’esprit de coopération. Cela nécessite entre autres de supprimer toutes les compétitions sportives «  de haut niveau » qui ne sont là que pour anesthésier les populations, promouvoir la marchandisation du monde et dénaturer les athlètes.

* LEMONDE du 28-29 août 2011

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Steve JOBS, le chouchou du MONDE

Je n’ai pas de Ipod ni de iPad ni de téléphone intelligent et j’aurais aimé que Steve Jobs n’ait jamais existé. Pourquoi un colosse financier de 350 milliards de dollars (Apple) a-t-il droit à une pub gratuite dans un quotidien de référence ? En effet, l’éditorial du MONDE* dresse un panégyrique d’une action seulement mercantile : « Un génie du marketing et du design quitte son poste de PDG… Steve Jobs symbolise l’excellence. » Alors que l’éditorial admet dans le même temps que « Apple est devenu un partenaire impitoyable en affaires, profitant au maximum de sa position de supériorité sur le marché ». En quoi ces « objets de consommation ludiques » sont-il « formidablement utiles » ? En quoi le fondateur d’Apple a-t-il « révolutionné la vie de dizaines de millions de gens à travers la planète ».

La réaction de Thomas Serre sur le monde.fr me paraît plus appropriée que la ligne éditoriale du MONDE : « Pour avoir fait de mes concitoyens des abrutis de consommateurs encore un peu plus accroché à leur maudit écran, je dis : bon débarras, Steve Jobs. » Comme ajoute Jerôme Gonsolin, « Le savoir faire d’Apple, c’est juste faire croire au plus grand nombre à un savoir-faire. Quelques idées, du secret, des prix élevés, la guerre aux concurrents, la pression sur les fournisseurs, tel est l’aboutissement d’une Amérique qui ne fabrique plus rien. Dire merci à ça ? »

Précisons que, contrairement aux dires de Robert Cyran dans la rubrique franglaise du MONDE « Breakingviews », Steve Jobs n’a pas « anticipé les goûts des consommateurs ». Comme devrait le savoir tous les étudiants en marketing, il y a filière inversée. Dans un système de publicité de masse, ce n’est pas le consommateur qui dicte ses choix aux entreprises, ce sont les entreprises qui incitent les gens à « aimer » leurs produits. Or qui dit gadget électronique dit consommation d’une énergie qui va se faire rare, consommation de terres rares, pollutions par les déchets, etc. L’action de Steve Jobs, d’un point de vue écologique, ne doit pas être louée, mais condamnée. N’achetez plus d’iPod, d’iPad, etc…

* LE MONDE du 27 août, Au revoir et merci, Steve Jobs

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les blogs « Planète » du monde.fr

Il y a peu de blogs qui parlent de notre planète sur lemonde.fr. Dans la catégorie reine des blogs « du MONDE » dédiée aux journalistes maison, on peut cependant remarquer le blog d’Audrey Garric, éco(lo), dont le dernier post est saignant : « Il y a des caps qu’il vaut mieux ne pas franchir, celui des 7 milliards d’êtres humains que la Terre devra supporter à la fin octobre ou tout récemment celui du milliard d’automobiles circulant dans le monde. »

Malheureusement Audrey ne développe pas sur les avantages du malthusianisme. Et si elle s’attarde sur les automobilistes chinois, c’est surtout pour regretter que la voiture « verte » reste au point mort et que les voitures « propres » soient boudées par les Chinois. La technolâtrie est toujours bien présente parmi les journalistes du MONDE. Bien sûr Audrey parle de l’air vicié des mégalopoles et des émissions prévisibles de gaz à effet de serre, mais elle veut ignorer les contraintes comme la raréfaction du pétrole et autres matières premières nécessaires au fonctionnement de la bagnole.

Pourtant lemonde.fr présente un blog spécialisé sur la question pétrolière et nourri par un journaliste indépendant, Matthieu Auzanneau. C’est d’ailleurs le seul site des « invités du MONDE» qu’on puisse trouver sous la rubrique Planète : http://petrole.blog.lemonde.fr/. Le dernier post, La crise risque de faire augmenter les prix du pétrole, insiste sur une autre utopie de notre temps ; il n’y aura pas de pénurie de pétrole, il suffit d’investir : « Depuis 2009, l’Agence internationale de l’énergie prévient que les multiples retards et annulations de projets d’investissement vont entraîner des retards dans le déploiement de nouvelles capacités de production. » Pourtant Matthieu nous avait déjà signalé que le pic pétrolier est dépassé depuis 2006. Jamais un effort financier, de quelque ampleur qu’il soit, ne pourra créer l’or noir qui mis des millions d’années pour parvenir jusqu’à nous… et qeu nous gaspillons allègrement.

Nous préférons insister sur la dernière phrase d’Oil Man : « Des prix du pétrole bas ne sont pas forcément une bonne nouvelle. Ils peuvent constituer un très mauvais signal, qui piège consommateurs et industriels dans des situations de forte dépendance. » Et si vous voulez en savoir plus, parcourez notre blog biosphere

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prôner la décroissance est criminel

Notre quotidien préféré condense en un seul texte toutes les contre-vérités de l’écoloscepticisme :

  • Les ressources terrestres sont énormes ;
  • L’agriculture et l’élevage intensif produisent en grand nombre des aliments d’une qualité vitale bien supérieure à ceux du passé ;
  • Les matières premières indispensables à notre confort ne manquent pas ;
  • Les minerais sont loin d’être épuisés et tous les métaux sont recyclables ;
  • Avec le nucléaire, notre potentiel énergétique est énorme ;
  • L’industrie nucléaire a généré effectivement très peu de morts et de handicapés ;
  • La bulle des énergies renouvelables, très coûteuses, ne tardera pas à se dégonfler ;
  • La décroissance économique, prônée par nos « Verts », est un crime contre l’humanité ;
  • Quand enfin la secte verte aura perdu toute son audience politique et le soutien des médias télévisuels, la croissance reprendra pour le plus grand bien de l’humanité.

Ce texte est sélectionné par le courriel des lecteurs du MONDE (25 août 2011) sous le titre extraordinaire « Prôner la décroissance est criminel » ! Les propos tenus par Albert Kuhlmann (Strasbourg) sont si exagérés qu’il ne faudrait y prêter aucune attention. Le problème, c’est que LE MONDE leur accorde ses faveurs, leur donnant ainsi un poids démesurable et donc néfaste, si ce n’est criminel…

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Martin Luther King n’était pas écolo

Le discours de Martin Luther King en 1963, Je fais un rêve (I had a dream), tranchait dans un contexte de racisme : « Je rêve que, un jour, notre pays vivra pleinement la réalité de son credo, tous les hommes sont créés égaux… Je rêve que, même en Alabama, les petits garçons et les petites filles noires, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve. » Très bien, admirable ! Malheureusement Martin Luther King ajoutait : « Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne sera abaissée, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. »

D’abord Luther King n’a pas encore compris que les humains n’ont pas besoin de passer par l’intermédiaire d’un Seigneur Dieu pour s’aimer les uns les autres en toute fraternité. Ensuite Luther King reprend l’idée d’une humanité maître et possesseur de la planète, qui peut aplanir l’espace (avec ses autoroutes), creuser le sol (pour en retirer les richesses), modeler la terre (pour en faire un jardin à la française). Il passe d’un idéal de fraternité au sentiment de toute puissance de l’homme. Martin Luther King vivait les tourments du racisme ordinaire, l’écologie était alors secondaire. Mais à l’heure de la détérioration de nos écosystèmes, il est dorénavant urgent de remettre en question notre statut de dominant, de rechercher l’humilité. Le souci porté aux non-humains et à l’intégrité de la nature ne dilue pas les droits de l’homme, il les élargit au contraire en donnant un surcroît de responsabilité. Sans doute les chrétiens ont-ils besoin qu’un nouveau sermon sur la Montagne définisse de nouvelles contraintes, indispensables pour vivre en bonne entente avec la Terre, et énonce les règles pour y parvenir. Les nouveaux croyants assimileraient la Terre à la Création divine, et sa profanation les tourmenterait. Je souhaite comme James Lovelock que les humanistes admettent que les droits de l’homme et ses besoins ne sont pas tout.

En janvier 2003, le président J.Chirac avait lancé les premières assises de la charte de l’environnement en formulant clairement la synthèse : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ».

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Vichnievsky et le corpus des écologistes

Nous trouvons les propos de Laurence Vichnievsky en phase complète avec le corpus des écologistes : la situation est grave, la récession est une réalité, tout le monde doit faire des efforts proportionnés, la  taxe carbone est une mesure raisonnable, etc. Extraits :

« La décroissance est la réalité des économies de l’Europe de l’Ouest dont le taux de croissance baisse régulièrement depuis cinquante ans (5,91% dans les années 60, 1,36% dans les années 2000). Rien ne garantit qu’il doit rester positif. »

« Le recours massif au crédit a permis de soutenir la demande durant la dernière période, mais la crise des subprimes en 2008 et celle des dettes souveraines depuis 2010 ont montré les limites d’une telle politique. »

« Peut-on continuer à creuser les déficits en augmentant la dépense publique par des «investissements d’avenir», comme le suggère l’opposition de gauche ? Ce ne serait pas raisonnable. »

« La réduction de la dette s’impose à nous comme un rappel au principe de réalité. Elle nous oblige à revoir notre projet, non dans ses principes, mais dans sa mise en œuvre : le retour à l’âge légal de la retraite à 60 ans est une lubie. »

« Les marges dont nous disposons résident dans le choix d’une fiscalité plus écologique et plus juste : plus écologique pour amorcer une transformation de nos modes de vie et de consommation, avec l’instauration d’une taxe carbone dissuasive. »

« Les inégalités de fortune doivent être limitées par un impôt frappant l’ensemble du patrimoine, sans exonération, lui aussi progressif. »

« Dans la crise que nous traversons, les efforts qui seront exigés pèseront plus lourdement sur les plus riches, mais ils n’épargneront personne. »

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la pensée unique du croissancisme

Daniel Cohn-Bendit reste dans la logique de la politique libérale keynésienne, une relance de l’économie*. Le discours est répétitif : « Nous avons besoin d’euro-obligations pour relancer l’économie »… « Davantage d’Europe fédéraliste, cela veut dire une « règle d’or » européenne, des investissements européens pour relancer l’économie »… « On pourrait aussi instaurer une taxe sur les communications intereuropéennes par GSM et sur Internet, pour abonder un fonds qui aiderait la relance européenne »… « Je suis pour la rigueur de la relance ». Ce faisant, il refuse explicitement toute idée de sobriété heureuse : « Si, à l’inverse, on applique une politique d’austérité, les économies ne repartiront pas »… « Comment réduire la dette ? Pas par une politique d’austérité qui touche les plus pauvres ».

Ces propos d’une platitude affligeante sont à peu de chose près les mêmes que ceux de Hollande et consorts socialos. D’ailleurs, dans le même numéro du MONDE**, le Premier secrétaire par intérim du PS ne dit pas autrement : « Désormais Sarkozy et Merkel sont le couple de la croissance zéro »… « Le duo Sarkozy-Merkel ne coordonne plus que l’austérité »… « L’austérité budgétaire ne fait pas un projet de relance économique »… « Le coup de frein budgétaire ne doit pas bloquer la reprise mondiale »… « Les socialistes européens proposent un pacte pour la croissance ».. « Le moteur franco-allemand ne doit pas être au service de l’austérité qui brise la croissance ». Pas étonnant qu’il y ait convergence  entre Cohn-Bendit et le PS, le quotidien LE MONDE a la même optique. Dans un éditorial récent***, ce journal estime que « le seul remède capable de réduire durablement l’endettement public, c’est une croissance économique plus vigoureuse ». Pas étonnant que Cohn-Bendit possède ses entrées privilégiées dans ses colonnes, qui se ressemble s’assemble. Mais nous voyons mal dans une relance la singularité de la pensée écologique en matière économique.

Pour son discours de clôture des journées d’été, Eva Joly montre qu’elle a désormais assimilé toutes les références la transformation écologique de l’économie avec la relocalisation et la reconversion des industries. Elle exige que le Parti socialiste rompe avec la « logique productiviste ». Nous espérons que l’écologie politique ira au bout de cette démarche. La rigueur sans austérité est un mensonge. L’austérité n’est pas un gros mot. Au contraire, elle pourrait être l’amorce d’une décroissance raisonnée, le premier pas vers une société économe. Il ne peut pas y avoir d’écologie sans décroissance. Rappelons à Harlem Désir que « croissance zéro » n’est pas une insulte, c’était en résumé la conclusion d’un rapport scientifique de 1972 sur les limites de la croissance.

Il est vraiment étonnant que ce soir le vice-président américain en visite à Pékin**** qui « joue la carte de la frugalité »… On ne sort de la pensée unique croissanciste que sous l’emprise de la nécessité !

* LE MONDE du 20 août 2011, La parole de nos gouvernants, c’est triple zéro.

** LE MONDE du 20 août 2011, Non au pacte d’austérité Sarkozy-Merkel.

*** LE MONDE du 18 août 2011, les limites du volontarisme.

**** LE MONDE du 20 août 2011, la dégradation de la note des Etats-Unis avait inquiété son principal créancier étranger.

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notre avenir, stagflation et âge de fer

Le quotidien LE MONDE  nous énerve. Son dossier* du jour ne parle que de relance de la croissance et d’impossibilité de l’inflation. Les « experts » ont déjà oublié que la période qui a suivi le premier choc pétrolier a été caractérisée par la stagflation, ce mélange de stagnation économique et d’inflation. La montée du prix de matières premières qui nous guette va aboutir inéluctablement au même phénomène. Car notre modèle de développement, qui repose sur la croissance économique et un accroissement continu du prélèvement des ressources, se heurte à la finitude de la planète. C’est ce que démontre Philippe Bihouix**, ingénieur centralien. En résumé :

« Quel avenir veut-on laisser aux générations futures, un retour à l’âge de fer ? Un monde où quelques dizaines de millions de ferrailleurs-cueilleurs, survivants de la grande panne ou de l’effondrement, exploiteront le stock de métaux dans les décharges, des bâtiments délabrés et des usines à l’arrêt est une possibilité.

En un siècle, nous avons multiplié par 7 la consommation d’énergie par personne, sachant que la population a été multipliée par 4. La limite physique s’appelle EROEI, pour energy return on energy invested : pour produire 100 barils de pétrole, il faut en investir 2 en Arabie Saoudite, mais 10 à 15 en offshore profond, et entre 25 à 35 pour l’extraire des sables asphaltiques de l’Alberta. Il est aisé de comprendre que les pétroles non conventionnels ne peuvent pas compenser la déplétion du pétrole bon marché. Passons aux métaux : on a d’abord exploité les minerais les plus concentrés, la tendance est donc à une baisse de la concentration moyenne. On commence à exploiter du nickel à 1 % là où 3 % ou plus était la norme il y a quelques décennies. Les mines d’or produisent à peine 5 grammes par tonne contre 20 il y a un siècle. Les métaux, toujours moins concentrés, requièrent plus d’énergie, tandis que la production d’énergie, toujours moins accessible, requiert plus de pétrole. Le peak oil sera donc vraisemblablement accompagné d’un peak everything (pic de tout). Qu’on se le dise, il n’y a pas assez de lithium ou de cobalt sur terre pour équiper plusieurs centaines de millions de véhicules électriques, ni de platine pour des moteurs à hydrogène.

Le recyclage a ses limites et l’économie parfaitement circulaire est impossible : c’est le second principe de la thermodynamique, on en dissipe toujours un peu. A chaque recyclage, on perd une partie des ressources et on génère des déchets. Mais surtout la complexité des produits nous empêche de séparer et de récupérer facilement les matières premières. Bref les technologies vertes ne feront qu’accélérer jusqu’à l’absurde le système, car elles sont généralement basées sur des métaux peu répandus. Que diront nos descendants d’une société qui extrait de l’argent des mines (nano-argent) pour l’utiliser comme technologie anti-odeurs ?

Conclusion. Pour lutter contre le changement climatique et gagner un peu de poids et quelques grammes  de CO2 par kilomètre, on utilise des alliages dans des voitures bourrées d’électronique. Il suffirait de brider les moteurs et de réduire la vitesse à 90 km/heure pour en gagner 30 ou 40 % ! Aujourd’hui le responsable marketing est socialement plus reconnu que le cordonnier ou l’éboueur. Pourtant, d’un point de vue utilitariste, seuls ces derniers produisent réellement une valeur pour la société. Une consommation plus locale, fondée sur des objets réparables, basée sur des circuits économiques courts, relancerait l’artisanat, le commerce de proximité… à condition de revaloriser les métiers manuels. »

* LE MONDE du 17 août 2011,  Comment sortir de la crise ? Débat d’experts

** mensuel La décroissance (juillet-août 2011)

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Le MONDE n’est pas écolo, il est obscène

LE MONDE « Planète » nous informe que tout va mal : le plomb empoisonne le tiers-monde et la forêt tropicale pourrait libérer plus de carbone*. LE MONDE « L’œil du Monde » nous informe que jamais les riches n’ont été aussi riches**. Triste paradoxe que LE MONDE se garde bien de dénoncer. Alors, comment voulez-vous que les riches se responsabilisent et que la planète aille mieux ?

Pourtant l’article sur les vacances de milliardaires est saignant. Alors que « les têtes couronnées ont adopté une certaine frugalité », les happy few se déchaînent : « extravagances, fautes de goût, gaspillage, plusieurs résidences avec plein de chambres et autant de salles de bain, avidité, à ne pas contrarier… En résumé, l’enjeu pour les très riches se résume à faire toujours plus : plus spacieux, plus confortable, plus climatisé, plus insolent sur des yachts qui peuvent atteindre plus de 160 mètres avec sous-marin inclus. LE MONDE devient obscène avec photos du palace flottant de Roman Abramovitch, description imagée des 10 yachts les plus longs, photo sur le jetlev-flyer qui vous donne l’impression de voler. Oui, le quotidien qui a une époque refusait les images car elles ne signifiaient rien se met à imiter Paris-Match et le choc des photos.

Oui, LE MONDE devient obscène quand il célèbre l’univers des très riches qui se veulent sans limite alors que la bonne santé de notre Planète demanderait au contraire de retrouver le sens des limites. J’aurais aimé retrouver cette conclusion sous la plume des journalistes de « L’œil du Monde », Claire Gatinois et Marie-Béatrice Baudet… Mais au MONDE, on se contente de constater, on se refuse à juger. Il  est vrai que Claire Gatinois appartient au service Economie du MONDE et que les économistes n’ont pas encore compris qu’il y a une relation étroite entre effet de richesse et gaspillage des ressources de notre biosphère. Claire Gatinois est donc presque pardonnable. Par contre Marie-Béatrice Baudet est depuis la mi-janvier 2009, responsable du service Planète. Nous attendions d’elle autre chose que des photos de yachts !

* LE MONDE du 16 août 2011, page 6

** LE MONDE du 16 août 2011, page 8-9

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croissance zéro et début de la sagesse

Victoire, croissance zéro de l’économie française : 0 % au deuxième trimestre 2011 selon l’Insee*. Bravo, le coup d’arrêt de la croissance va compliquer la préparation du budget 2012. Enfin les politiques vont devoir raisonner autrement, comme Maurizio Pallante** :

« Une économie qui ne croît pas est considérée comme un poisson qui ne nage pas. Une contradiction en soi. Un cauchemar dont on ne peut parler que par périphrase. Et donc, on continue… L’optique de la décroissance signifie au contraire réduire la quantité de marchandises dans sa vie. On choisit de ne pas avoir la  télévision parce qu’on n’accepte pas de passer son temps de manière idiote et qu’on a des choses plus intéressantes à faire. On choisit de ne pas se soumettre aux comportements standardisés par la publicité. On ne renonce à rien.

Le mouvement pour la décroissance heureuse se propose de promouvoir la substitution la plus vaste possible des marchandises produites industriellement et acquises dans les circuits commerciaux par l’autoproduction de biens. Ce choix entraîne une diminution du PIB, mais améliore la vie industrielle et collective et les conditions environnementales. Plus importante est la quantité de biens qui peuvent être autoproduits, moindre est la quantité de marchandises qu’il faut acheter, moins il faut d’argent pour vivre. Cette perspective implique que dans les pays industrialisé, on redécouvre et on valorise certains styles de vie du passé, abandonnés de façon irresponsable au nom d’une conception du progrès mal interprétée.

Pour adhérer au mouvement pour la décroissance heureuse, il suffit :

–          d’autoproduire le yaourt ou n’importe quel autre bien primaire : le coulis de tomate, la confiture, le pain, les tartes, l’énergie thermique ou électrique, des objets ou des outils ;

–          d’offrir gratuitement des services à la personne qui se font en général contre paiement : assistance aux enfants dans les premières années, aux personnes âgées, aux mourants. »

* LE MONDE du 13 août, le gouvernement face à la stagnation de l’économie

** La décroissance heureuse (la qualité de la vie ne dépend pas du PIB) de Maurizio Pallante

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seule solution à la dette, ne pas rembourser les prêteurs

L’histoire nous apprend que seules la guerre, l’inflation ou la croissance peut résoudre le problème de la dette. Pour Jacques Attali, il n’y a donc pas de doute : il faut « tout faire pour rétablir les conditions de la croissance »*. Nous n’en attendions pas moins de la part de celui qui a dirigé une commission de « libération de la croissance » dont d’ailleurs il n’est rien sorti si ce n’est une grève des taxis. De plus la commission Attali visait une croissance de 5 % sans évoquer le problème environnemental posé par une activité économique intense.

Pourtant, dans un texte paru en 1973 (no 52 de La Nef), Jacques Attali expliquait combien le rapport du Club de Rome, The Limits of Growth était un livre « prudent ». Il soulignait ensuite les principaux écueils de la croissance : « Les modèles de croissance sont incapables d’analyser les relations entre la croissance et le bien-être » ; « Les grandeurs de la comptabilité nationale conduisent à mesurer la croissance par un indicateur unique, le PNB, dont il est devenu banal aujourd’hui de souligner l’inadéquation. » ; « Il est un mythe savamment entretenu par les économistes libéraux, selon lequel la croissance réduit l’inégalité. Cet argument permettant de reporter à « plus tard » toute revendication redistributive est une escroquerie intellectuelle sans fondement. » Les différentes analyses et constats statistiques ont amplement confirmé depuis 1973 la validité de ces trois critiques : la croissance ne fait pas le bonheur, elle ne mesure pas la destruction de  l’environnement, elle ne réduit pas les inégalités. La croissance économique ne peut donc être une solution.

Pour réduire l’endettement, il faut donc définir une autre alternative qui en soit ni la guerre, ni l’inflation, ni la croissance. Elle existe, elle s’appelle sobriété forcée autant dans les budgets de l’Etat que dans les dépenses privées. Il faut donc pratiquer une économie conviviale qui pèserait le moins possible sur les ressources naturelles. Tout au contraire d’une libération de la croissance, il s’agit de définir une économie qui stoppe la dégradation de l’environnement tout en permettant un bien-être équitablement partagé. Il s’agit de créer une société où ce qui importe, ce sont les relations gratuites et non les biens marchands.

Pour le reliquat de la dette, qui équivaut aujourd’hui à sept années fiscales en France, ne rendons pas aux riches prêteurs l’argent qu’ils n’ont eu aucun mal à donner puisqu’ils n’en avaient pas usage. De toute façon la solution inflationniste dévaloriserait leurs créances ou une guerre civile leur couperait la tête !

* LE MONDE du 11 août 2011, La France est explicitement désignée pour perdre son AAA

seule solution à la dette, ne pas rembourser les prêteurs Lire la suite »

une scientifique contre le climatoscepticisme

Moi, Valérie Masson-Delmotte, 39 ans, chercheuse au laboratoire des sciences du climat de l’environnement (CNRS, CEA, Université de Versailles). Mon cursus ? Classe préparatoire scientifique, réussite au concours d’entrée de l’Ecole centrale de Paris en physique des fluides et transferts, ingénieur diplômée en 1993. Ma thèse de doctorat portait sur la « Simulation du climat de l’Holocène moyen à l’aide de modèles de circulation générale de l’atmosphère ; impacts des paramétrisations ». Ma spécialité est donc la paléoclimatologie. Le fait que l’on puisse quantifier, comprendre et modéliser la longue évolution passée du climat grâce à l’étude des glaces de l’Antarctique (qui permettent de remonter le temps de 800 000 ans) est essentiel pour la confiance que l’on peut accorder aux modèles de climat. A ce jour, j’observe que ces modèles représentent correctement les grands traits des changements passés, avec une tendance à sous-estimer à la fois l’amplitude et la vitesse de ces changements.

Je pensais avec d’autres qu’il fallait faire quelque chose contre les dénigrements systématiques et les manquements à l’éthique de Claude Allègre et Vincent Courtillot. J’ai donc été initiatrice d’un « appel des 600 », signé par des climatologues, pour l’organisation d’un véritable débat scientifique sur la question du climat. Moi non plus, je n’aime pas la vision fataliste de l’avenir qui est parfois associée au réchauffement. C’est ma formation d’ingénieur : la science et la technologie seront cruciales pour relever le défi. Mais faut-il mettre plutôt l’accent sur la réduction des gaz à effet de serre ou plutôt sur des mesures d’adaptation ? Cette question n’a quasiment pas été publiquement débattue. C’est peut-être ce qui a peut-être conduit à la campagne climato-sceptique que nous avons connue. Les débats scientifiques n’ont rien à voir avec ce que les médias choisissent de mettre en avant.

Je suis sélectionnée pour participer au prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) . Mais je me reconnais aussi  dans l’idée de la sobriété heureuse.

Source : LE MONDE du 10 août 2011, La pasionaria du climat

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6/6) Nicolas Sarkozy, un cancre de l’écologie à l’Elysée

En 2001, Nicolas Sarkozy n’accorde pas une seule ligne à l’écologie dans « Libre », son autobiographie de 400 pages. S’il évoque le naufrage de l’Erika, c’est parce que la marée noire a touché la côte où il roule l’été à bicyclette ! Même ignorance du sujet en 2006, avec « Témoignage », livre confession destiné à asseoir sa candidature présidentielle. Dix lignes sur 281 pages pour souhaiter que le ministre de l’écologie ait de « vrais leviers d’action ». La campagne présidentielle de 2007 va modifier la donne, sur la forme, pas sur le fond.

Sarkozy, sous la pression de Nicolas Hulot, a signé le pacte écologique en 2007, comme les autres présidentiables. Mais au second tour des élections présidentielles, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy proposaient à leurs électeurs le même objectif : intensifier la croissance des productions, des consommations et des déplacements sans s’interroger sur leur contenu. Sarko a été élu le 6 mai 2007, et puisque l’écologie est à la mode, il en fera un cheval de bataille. Il met Alain Juppé en charge de l’écologie et le dote du titre de ministre d’Etat, le seul du gouvernement. Alain Juppé, numéro 2 du gouvernement, obtient un périmètre ministériel considérablement élargi, énergie, transports, aménagement du territoire. Ainsi une des demandes du pacte écologique (un vice-président) est presque satisfaite. Jean-Louis Borloo va remplacer rapidement Juppé.

Sarkozy lance le Grenelle de l’Environnement en octobre 2007 : « C’est bien à une révolution que nous invite ce Grenelle, une révolution dans nos façons de penser, dans nos façons de décider, une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs. » Dans un premier temps, le Grenelle de l’environnement est un succès. Avec la participation des ONG, le citoyen est presque placé au centre de la politique environnementale, du moins dans les débats préalables. On propose d’institutionnaliser les associations écologiques en leur donnant des sièges au Conseil économique et social, on le fera. Mais dans le même temps, Sarko instaure une commission pour « libérer la croissance » dont il disait à l’avance qu’il respecterait toutes les indications. Sarko mène deux discours incompatibles, répondre aux méfaits issus de la croissance et accélérer la croissance.

A la mi-2009, le chef de l’Etat se présentait encore comme le « premier écologiste de France » et offrait le DVD du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand à son homologue américain Barack Obama. Devant le Conseil national de l’UMP début décembre 2009, Sarkozy affirmait : « L’écologie, ce n’est pas une lubie, un truc, un positionnement, c’est une conviction. Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir avant qu’il ne soit trop tard. A Copenhague la semaine prochaine, c’est l’avenir de la planète  qui se joue. » Mais le 6 mars 2010, Sarko lâche au Salon de l’agriculture : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire. Je crois à une agriculture durable. […] Mais il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture. »

Trois ans après les débats, la loi d’application dite Grenelle 2 n’avait toujours pas été approuvé par le Parlement. Les agriculteurs, les transporteurs routiers, les industriels demandent des aménagements de la loi « au nom de la crise économique ». Avec cette loi, les régressions sont inacceptables, sur les éoliennes, la taxe carbone, l’étiquetage carbone. Le nucléaire était hors-Grenelle, le gouvernement considère maintenant qu’un « accroissement significatif » de rejets radioactifs n’est pas une « modification notable » d’une installation nucléaire. Sarkozy poursuit la politique de ses prédécesseurs, glorification des centrales nucléaires, soutien inconditionnel à « l’assurance-vie » d’une nation que constituerait la dissuasion nucléaire.

Un des autres points du pacte écologique signé par Sarko devait être la taxe carbone comme réponse au changement climatique. Cette taxe carbone est déjà un échec avant même de se mettre en place. Le Premier ministre Fillon voulait fixer le prix du carbone à un prix ridicule, 14 euros la tonne. Lors d’un déplacement dans une exploitation céréalière en mars 2010, le chef de l’Etat confirmera : la taxe carbone ne sera pas appliquée en France, « sauf si l’Union européenne décidait de la reprendre à son compte ». La Fondation Nicolas Hulot a décidé à ce moment de se retirer des groupes de travail créés à l’issue du Grenelle de l’environnement.

Alors que les véritables menaces sont écologiques (pic pétrolier, réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles…) et conditionnent les bouleversements géopolitiques, tout montre que Nicolas Sarkozy n’a rien appris au cours des 4 premières années de son mandat.

NB : j’ai rédigé personnellement cette fiche sur Sarkozy en complément des 5 présidents précédents analysés par le livre de  Marc Ambroise-Rendu Des cancres à l’Elysée, sous titré « 5 Présidents de la république face à la crise écologique »

Michel Sourrouille

 

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5/6) Jacques Chirac, un cancre de l’écologie à l’Elysée

Jacques Chirac entre à l’Elysée le 17 mai 1995. Jusque là, Chirac n’avait jamais montré un réel intérêt pour la protection de la nature, l’environnement, l’écologie. Bien qu’il ait été ministre ou Premier ministre pendant 28 ans, de 1967 à 1995, on peine à dénicher une vraie pensée ou une action décisive en matière d’environnement. Ce petit-fils de paysan a cependant gardé le goût de la vie rurale. En mars 2004, on arrive à un accord avec la FNSEA, les paysans acceptent de contribuer davantage à la dépollution des  rivières. Mais les sondages donnent la majorité battue aux élections régionales. Chirac déclare alors : « Il ne sera pas touché aux redevances sur les nitrates. » Comme Premier ministre de Chirac en 1975, il avait porté sur les fonts baptismaux le Conservatoire du littoral auquel il voue un véritable attachement. Mais en 2006, le Premier ministre Villepin annonce triomphalement que les sommes que le Conservatoire pourra affecter à l’achat des terrains de bord de mer en 2007 atteindront 33 millions d’euros ; c’est le prix d’un kilomètre d’autoroute.

Des quatre Premiers ministres qu’il a lui-même désignés, aucun ne montre le moindre intérêt pour l’écologie. Il n’est donc pas surprenant qu’en 1995 il stoppe la procédure de désignation des sites Natura 2000, édulcore les propositions d’une commission du développement durable et refuse de muscler le ministère de l’environnement. La première titulaire, Corinne Lepage, au 22e rang du gouvernement Juppé, dresse dans son livre On ne peut rien faire, Madame le ministre la longue liste des mesures que les lobbies et l’administration ont enterrées. Balladur en 1994 et Juppé en 1996 distribuent des subventions pour soutenir le marché automobile. Dominique de Villepin lancera même en 2006 l’idée de subventionner les employés prenant leur voiture pour aller au bureau. Erratique sur la pollution automobile, la politique chiraquienne sera plus courageuse sur l’amiante. Pendant son mandat cesse enfin un scandale qui durait depuis De Gaulle.

Il y au moins un élément de la politique écologique dont on ne pourra enlever la paternité à Chirac, c’est la Charte de l’environnement, promise au cours de la campagne pour les présidentielles de 2002. Ses propres ministres sont réticents, évidemment rejoints par les représentants des milieux économiques. Quant aux parlementaires, ils sont soit épouvantés par cette innovation, soit, pour ceux de l’opposition, hostiles par principe à la « marotte » de Chirac. Au terme de quatre années d’obstination, le Chef de l’Etat parvient à faire voter sa Charte adossée à la Constitution, le 28 février 2005, par le Congrès réuni à Versailles.

Chirac a évolué en 12 ans. Après avoir appréhendé l’écologie comme un sujet politiquement risqué, il a compris à l’aube de son deuxième mandat et avec l’aide de Nicolas Hulot, que cette politique être un thème porteur. Pour populariser les concepts écologiques, il s’est montré le plus éloquent des cinq présidents successifs de la République.  Mais il n’a pas eu le courage de se donner les moyens de sa politique. Par exemple un grand ministère de l’Environnement et des ministres ayant un véritable poids politique. Son « écologie humaniste » lui donne une vision anthropocentriste de la crise planétaire, une approche probablement trop frileuse pour être véritablement efficace.

Chirac ne fait pas exception. Nos présidents élus au suffrage universel, si volontaristes, si constants dans l’effort quand il s’agit de l’atome, n’ont rien fait de semblable dans le domaine de la crise écologique. Les présidents ont bien tenté de planifier leur ambition écologique : des catalogues de bonnes intentions et des mesures le plus souvent homéopathiques. La réponse à la crise écologique est restée balbutiante, quasiment marginale. Pourquoi ? Tous partagent la croyance chrétienne selon laquelle l’homme a été créé pour dominer la nature. Que l’univers ait ses propres lois, que l’homme n’en soit qu’un rouage, qu’il dépende de la nature pour survivre, voilà un renversement de perspective difficile à accepter. Tous sont persuadés que la croissance économique est seule capable de répondre aux besoins croissants de l’humanité. Tous sont convaincus que la recherche scientifique et ses applications techniques trouveront réponse aux problèmes écologiques planétaires. Ces trois credos – religieux, économique et scientifique – les confortent dans le sentiment que rien ne presse. Surtout, ils ont tous compris que la crise écologique mondiale est un sujet à la fois trop technique et trop anxiogène pour être électoralement vendeur. Issus du sérail, nos présidents sont des politiques comme les autres. Dès 1995, Chirac donnait l’ordre de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique !

Marc Ambroise-Rendu dans son livre Des cancres à l’Elysée (5 Présidents de la république face à la crise écologique)

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4/6) Mitterrand, un cancre de l’écologie à l’Elysée

Son affiche de campagne en 1974 présente Mitterrand sur un fond de cheminée d’usine et de ligne à haute tension.  Durant cette campagne présidentielle, le terme environnement n’est utilisé qu’une seule fois. Si le terme remplit plusieurs pages de ses livres, cela reste du domaine littéraire. Les neuf pages de sa campagne de 1981 consacrées à l’environnement résultent en fait des succès électoraux des écologistes en 1977. La crise écologique reste une notion assez floue pour Mitterrand, sous-tendue par l’intime conviction que la science lui portera remède. « J’adore les chemins de fer, les avions et tous les transports rapides, jusqu’aux fusées qui nous entraîneront ailleurs quand la terre sera devenue trop exiguë », écrit-il en 1978 dans L’Abeille et l’Architecte.

Le mouvement écologiste – associations de défense de l’environnement et comités anti-nucléaires – est comme anesthésié par la franche victoire de la gauche en 1981. Les militants croient naïvement que  tout va devenir rose. Le début du septennat leur donne raison. Au Larzac comme à Plogoff, Mitterrand tient ses promesses de campagne. Mais strictement celles-là. On ne connaît même pas le nom du conseiller chargé de l’environnement durant les deux premières années du septennat. D’ailleurs, y en a-t-il seulement un ? Très vite il n’est plus question d’un moratoire nucléaire ou de stopper la modernisation de la force de frappe. On dénombre 80 tirs plus ou moins discrets de 1981 à 1994.  Au cours des deux septennats, on va inaugurer 38 réacteurs sur les 58 en fonctionnement aujourd’hui. Au fond de lui-même, Mitterrand assimile la technologie nucléaire au progrès. Celui-ci ne se refuse pas ; il se maîtrise. Il autorise la fabrication du mox, un mélange d’uranium et de plutonium de récupération. En 1989, il s’exprime ainsi : « Il faut préparer l’avenir, mettre au point les centrales du XXIe siècle. »

Sur cinq Premiers ministres, aucun ne pousse le président à sortir de son indifférence écologique. Pour les ministres eux-mêmes, ce n’est guère mieux. Haroun Tazieff, secrétaire d’Etat chargé de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs, ne voit en 1984 aucun danger pour les alentours à Mururoa. Dans un pamphlet de 1989, il conteste à la fois l’effet de serre et la disparition de la couche d’ozone. Comme gouverner droit avec de tels conseillers ? Dans le gouvernement Cresson, le ministre de l’environnement Lalonde figurait à la 19e place, dans le gouvernement Rocard à la 35e. Mitterrand exprime en revanche sa mégalomanie en lançant de nombreux « grands chantiers » qui témoigneront de sa gloire pour des siècles : le Grand Louvre, la Très Grande Bibliothèque, la « pataphar » de l’Opéra Bastille, le nouvel arc de triomphe de la Défense. Au regard de l’écologie urbaine, les monuments mitterrandiens sont autant de piètres exemples. Lorsqu’en 1983 Mauroy présente son plan de rigueur, Mitterrand intervient sur le fait que les difficultés budgétaires ne doivent pas retarder ses grands projets. Le chef de l’Etat négligera par contre l’aménagement du territoire.

La loi littoral est votée en janvier 1986, mais il faudra une condamnation du Conseil d’Etat pour que le décret d’application soit enfin publié en 2000. Au premier tour des élections municipales de mars 1989, on enregistre une poussée des Verts. Mitterrand est furieux : « La montée des écologistes n’est qu’un épiphénomène. Ces gens-là n’ont aucune idée, aucun projet. Ils sont d’une ignorance crasse, ce sont des ennemis du progrès. Le nucléaire ? Mais rien n’est plus sûr ! » Des cinq présidents qui se sont succédés à l’Elysée de 1959 à 2007, Mitterrand est celui qui a le moins légiféré sur l’environnement.  Il ne s’est jamais intéressé aux dommages créés sur l’environnement par les marées noires, les pollutions automobiles, l’envahissement des déchets. Le bilan législatif est donc modeste.

En définitive Mitterrand a une conception anthropomorphique de la nature. Il rapproche cette création humaine qu’est le paysage des innovations dues aux découvertes techniques. Dans les deux cas, c’est l’homme qui est central : cultivateur, forestier, inventeur, technicien. Il a reçu une éducation catholique et reste dans la tradition des hommes politiques français, tous nourris de concepts judéo-chrétiens. Comme pour De Gaulle, Pompidou et Giscard, le rapport de l’homme avec la nature est conditionné par le texte de la Genèse : « Croissez et multipliez et remplissez la terre et soumettez-là, dominez les poissons et la mer, les oiseaux du ciel et tout ce qui est sur terre. » Conçu à l’image de Dieu, l’homme a été placé dans l’univers pour le gouverner. Voilà pourquoi, comme ses devanciers, Mitterrand a du mal à passer du sentiment de la nature – phénomène culturel – à la science des équilibres écologiques ou à la gouvernance durable.

Marc Ambroise-Rendu dans son livre Des cancres à l’Elysée (5 Présidents de la république face à la crise écologique)

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3/6) Giscard d’Estaing, un cancre de l’écologie à l’Elysée

Le 27 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing prend ses fonctions de président de la République par l’avenue Marigny… à pied. Mais Giscard n’a guère d’idée sur l’environnement et encore moins sur l’écologie. Une seule page sur la « nouvelle croissance » dans son livre-programme, Démocratie française, et pas un mot sur l’environnement dans les 1370 pages de ses Mémoires. Ses idées découleront surtout de son conseiller Pierre Richard. Le président aime plutôt la nature comme un chasseur passionné pour lequel tout paysage est d’abord un repaire à gibier. Pour assouvir sa passion, il tiraille partout, en France, en Europe, en Afrique.

Dès le mois de juin 1975, un conseil des ministres programme, pour les quatre années suivantes, le lancement de 29 réacteurs supplémentaires. Pourtant Giscard n’a jamais vu une centrale nucléaire, il ira à Gravelines seulement en octobre 1979. Ces monstres de puissance sont pilotés par une poignée de techniciens auxquels on fait confiance. En juin 1975, le ministre de l’Environnement Jarrot convoque des experts. Question : quelle sont les conséquences des rejets des centrales sur la température et la chimie des eaux de rivière ? Réponse : on ne sait pas, mais ça ne doit pas être bien dangereux. Les risques d’accident ? La main sur le cœur, les spécialistes garantissent que toutes les précautions sont prises. Il n’existe à l’époque aucune loi encadrant le nucléaire. Dans les arbitrages élyséens, Pierre Richard est écrasé par André Giraud, nucléariste convaincu. Durant son septennat, Giscard autorisera plus de 40 essais d’explosion nucléaire alors que dans les instances internationales, il parle de désarmement. Bref le pays est dirigé par un président pronucléaire.

Pour le reste, Giscard s’est exonéré des décisions difficiles en légiférant à outrance. Le Conservatoire du littoral, envisagé sous Pompidou, devient une réalité le 10 juillet 1975. Mais il faudra attendre 1986 pour une loi sur le littoral contre les bétonneurs. Tous calculs faits, le pourcentage des crédits d’Etat consacrés à l’environnement dégringole de 0,69 % en 1974 à 0,41 % en 1979. Sous Giscard, l’Etat dépense proportionnellement 40 % de moins pour l’environnement que sous Pompidou.

Marc Ambroise-Rendu dans son livre Des cancres à l’Elysée (5 Présidents de la république face à la crise écologique)

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2/6) Georges Pompidou, un cancre de l’écologie à l’Elysée

Georges Pompidou a été élu confortablement, le 15 juin 1969, au terme d’une campagne courte et sans passion. Dès le 24 octobre 1969, Pompidou lance une vigoureuse politique en faveur de l’environnement : lutte contre les nuisances, sauvegarde des paysages, élimination des déchets. Durant l’hiver 1970 à Chicago, Pompidou dans une allocution s’exprime ainsi : « Tel l’apprenti sorcier, l’homme du XXe siècle ne risque-t-il pas finalement de périr par les forces qu’il a déchaînées ? Il faut créer et répandre une sorte de morale de l’environnement imposant aux Etats, aux collectivités et aux individus le respect de quelques règles élémentaires faute desquelles le monde deviendrait irrespirable. » Malmené par de jeunes sionistes en quittant le Palmer House, il ne s’exprimera jamais plus sur la crise écologique.

Mais, phénomène peu pensable aujourd’hui, un groupe de protection de la nature s’est constitué à l’Assemblée nationale, auquel adhèrent plus de cent députés. En septembre 1970, Pompidou apprend que le Royaume-Uni vient de créer un important ministère groupant le Logement, l’Urbanisme et l’Environnement. Pompidou va donc créer le 2 janvier 1971 le « ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la protection de la nature et de l’Environnement ». Robert Poujade sera le poil à gratter des autres administrations et ministères.

En juin 1971, Pompidou résume en deux minutes son point de vue : « Sauver la nature, c’est sauver la nature habitée et cultivée. Une nature abandonnée par le paysan devient une nature artificielle et je dirais une nature funèbre. Il est plus rentable d’avoir des terres habitées et cultivées par des hommes que d’avoir de vastes réserves nationales protégées fatalement par une masse de fonctionnaires. » Pompidou exprime l’aversion du paysan envers tout ce qui échappe à ses outils : la friche, la zone humide, la forêt laissée à elle-même.

L’annonce de la conférence de Stockholm en juin 1972 le laisse de marbre ; la veille de la conférence, une campagne d’essais de la bombe H française est lancée sur un atoll polynésien. De plus, au volant de sa Porsche, Pompidou éprouve pour l’automobile la fascination des hommes. On passe de l’autoroute de dégagement à l’autoroute de développement : « L’automobile est une industrie essentielle, même si elle a de graves inconvénients. » La croissance reste pour lui le critère de la réussite politique, même après la parution du rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance : « Si la croissance s’arrêtait, l’opinion se retournerait. Les gens sont pour ce qu’ils n’ont pas. »

En 1973 germe cependant l’idée du Conservatoire du littoral. Mais dès août 1972, Pompidou apprend que la cause de ses malaises porte un nom redoutable, la maladie de Kahler, inguérissable. Le prix des carburants flambe en octobre 1973, suite à la guerre du Kippour. EDF propose de construire des réacteurs en série. En proie à des douleurs crucifiantes, le président laisse Messmer conduire l’affaire. Le Conseil des ministres avalise une première tranche de 13 réacteurs. Le nucléaire français se passera du feu vert démocratique.

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1/6) Charles de Gaulle, un cancre de l’écologie à l’Elysée

Le Président made in France est désigné par l’ensemble des citoyens. Il devrait être, par définition, le meilleur d’entre les Français ; en tout cas, une personne capable de voir très loin. Grâce au septennat – et même avec la réduction au quinquennat -, le chef de l’Etat dispose du temps sans lequel rien de solide ne s’accomplit. On le sait, gouverner c’est prévoir, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de protection de l’environnement. Or la planète a la fièvre et son énergie s’épuise. L

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