anthropisation

croissance, une idée de droite

Au XIXe siècle, la croissance économique était cyclique, une période de récession suivait l’expansion, crise de surproduction oblige ; les travailleurs étaient exploités, mal payés, alors que la mécanisation et l’utilisation de l’énergie fossile (charbon principalement) augmentait démesurément  la production. Après la Grande dépression de 1929, il fallait donc trouver une solution durable. Déjà Henry Ford avait commencé à lier aux USA production de masse et consommation de masse. Le travail à la chaîne faisait en sorte que le prix de la Ford T soit inférieur à celui d’un cheval à cause de l’augmentation de la productivité. Les ouvriers pouvaient espérer l’acheter grâce à une augmentation des salaires (5 dollars par jour). Le capitalisme mettait ainsi les travailleurs dans sa poche ! Le théoricien J.M.Keynes a complété en 1936 en donnant à l’Etat un rôle de soutien à l’activité des entrepreneurs : la politique de relance par soutien de l’offre et de la demande grâce à une politique monétaire et budgétaire laxiste. Il s’agissait de sauver le capitalisme libéral. La période des Trente Glorieuses (1945-1974) en est la résultante. La crise financière actuelle de surendettement des ménages et des Etats aussi. Il faut ajouter l’exploitation forcenée des ressources de la planète, d’où tous les problème écologiques émergents (réchauffement climatique, épuisement des ressources…).

                Aujourd’hui le Parti socialiste épouse encore les thèses de la droite, mais les choses évoluent (trop lentement). Dans sa première convention sur un nouveau modèle de développement économique, social et écologique, il faudrait lire : croissance du nécessaire à l’exclusion du superflu qui dilapide les ressources, produit du gaz à effet de serre et décuple les déchets. Ce n’est pas encore la lecture que font tous les militants socialistes. Ainsi dans la convention égalité réelle qui est discutée en ce moment dans les fédérations, le mot « croissance » est encore mis en évidence. Pour que la gauche socialiste ne tienne pas le même discours que la droite croissanciste, il faudrait donc supprimer :

– Dans l’introduction, 2) de nouvelles marges de manœuvre  : « La croissance entraînera aussi une hausse des recettes fiscales ».

– Au II, A, 1), à la fin du  3ème paragraphe : « C’est dans cette voie d’une croissance équilibrée…gains de productivité ».

                Cette bataille d’amendements est loin d’être gagné, l’idée de croissance intoxique encore les esprits, de droite comme de gauche.

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lapins en cage, travailleurs en clapier

La densité des lapins dans leur cage est de 45 kg/m2, soit une feuille de papier A4 par individu*. Manifester pour l’amélioration de leur sort est possible**. Allons plus loin : le sort des animaux en élevage intensif hors sol, lapins, poules, cochons, vaches… est similaires au sort des travailleurs. Pour comprendre cela, il faut lire d’urgence Les poules préfèrent les cages d’Armand Farrachi (Albin Michel, 2000). Un extrait :

« L’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. En ce sens le sort des poules en cage, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure ainsi du nôtre. Il est possible dans notre monde actuel de prouver que les poules préfèrent les cages, que les otaries préfèrent  les cirques, les poissons les bocaux, les Indiens les réserves, les Tziganes les camps de concentration, les humains les cités.

Si les poules préfèrent les cages, on ne voit donc pas pourquoi les humains ne préfèreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu’ils retourneraient contre eux-mêmes. Les instituts de sondage, les enquêtes d’opinion et les études de marché prouvent statistiquement qu’un citoyen normal préfère l’anesthésie des jeux télévisés et des parcs de loisirs pour « se sentir en sécurité, ne pas éprouver de douleur, ne pas présenter de symptômes d’ennui et de frustration ». Il importe peu de savoir comment la volaille humaine s’épanouirait au grand air, mais à quel prix elle préférerait une cage. »

* LeMonde du 24 octobre 2010, des « lapins géants » protestent contre leurs conditions d’élevage

** Association de protection animalière L214

 http://www.l214.com/

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Géraud Guibert et l’écologie profonde (4/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici le dernier épisode d’un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

Le texte* de Géraud Guibert : « Dans la logique de l’écologie profonde, la question démographique est  essentielle et la diminution du nombre d’homme sur terre est un axe stratégique majeur. » (p.53-54)

=> notre analyse :

L’axe stratégique majeur de l’écologie profonde, qui est d’abord une philosophie (définie par Arne Naess), n’est pas la question démographique, mais la question des valeurs :

          le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

          la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

La question démographique ne résulte pas des préoccupations de l’écologie « profonde », mais du procès théorique fait à Malthus par Marx. Dans la réalité, la question démographique résulte de l’explosion démographique qui accompagne la révolution industrielle. D’ailleurs dans les années 1970, la préoccupation démographique était  politiquement prise en compte. Dans le rapport préparatoire à la première conférence des Nations unies sur l’environnement (Nous n’avons qu’une terre de Barbara WARD et René DUBOS – Denoël, 1972), il était dit : « Nous savons que la stabilisation de la population mondiale est une condition de survie. Le ressources de la biosphère ne sont pas illimitées, tandis que la progression géométrique de la reproduction semble ne pas avoir de bornes. »  Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle de 1974 : « Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La France de 100 millions de Français chère à M.Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »

Le texte* de Géraud Guibert :  « Les signes avant coureur d’une logique antihumaniste hautement contestable percent dans quelques cas. Dans la logique de l’écologie profonde… »

=> notre analyse : Arne Naess rejette le dualisme cartésien et prône la non-violence. On ne peut certainement pas dire qu’il s’agit d’une « logique antihumaniste ». Dans un livre paru récemment en France, J.Baird Callicott fait clairement le point sur la question de l’écofascisme :

 « L’éthique de la terre serait un cas de fascisme environnemental. Une population humaine de six milliards d’individus est une terrible menace pour l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Comme notre population s’accroît à un rythme effréné, notre devoir serait de provoquer une mortalité humaine massive.

Mais l’éthique de la terre n’implique aucun conséquence cruelle ou inhumaine. Cette éthique ne remplace ni ne recouvre les progrès moraux qui ont précédé. Les sensibilités et les obligation morales antérieures demeurent valides et prescriptives. Le fait que nous reconnaissions appartenir à une communauté biotique n’implique nullement que nous cessions d’être membres de la communauté humaine. L’éthique de la terre est une accrétion (une addition) aux éthiques sociales accumulées jusqu’à elle, et non quelque chose qui serait censé les remplacer. Notre souci est seulement d’étendre la conscience sociale de manière à y inclure la terre. »

* Tous écolos… et alors (2010)

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Jean Aubin et l’écologie profonde (3/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Jean Aubin : « La disparition prématurée de l’espèce humaine n’est pas totalement exclue. Tant mieux répondent certains tenants de l’écologie profonde… Pour ceux-ci, l’homme, superprédateur, est devenu une espèce malfaisante. Le mieux qui puisse arriver est qu’elle disparaisse pour laisser vivre la planète. Cette attitude de haine contre l’homme s’oppose totalement à notre regard. Nous partons ici d’un a priori humaniste… » (page 27)

– Notre analyse, envoyée à Jean Aubin : L’expression « certains tenants » (de l’écologie profonde) permet de pouvoir relayer n’importe quelle rumeur, mais ce n’est pas très moral vis à vis de ceux qui savent vraiment ce que deep ecology veut dire. Jean Aubin reprend des accusations qui se retrouvent chez des gens comme Ferry ou Cl Allègre dans l’intention de nuire.

Le terme d’écologie profonde a été introduit par Arne Naess dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». On peut maintenant lire Arne Naess en langue française (éditions wildproject). Cette philosophie repose sur l’épanouissement de Soi, ce n’est pas un anti-humanisme mais au contraire un humanisme élargi. Loin de vouloir la disparition de l’espèce humaine, elle repose sur l’art de débattre et convaincre selon les méthodes gandhienne de la non violence.

– Réponse de Jean AUBIN à cette analyse : « Reproche  mérité ! L’expression,  « certains tenants » permettait, me semblait-il, d’apporter une distinction suffisante, mais cela  ne semble pas être le cas : ma phrase reste  maladroite et  peut sembler jeter  le discrédit sur ce courant de pensée. Peut-être aurais-je dû écrire  certains déviants, ou mieux, ne rien écrire du tout sur un courant de pensée que je connais trop mal pour en parler… ça m’apprendra à ne pas faire le malin en parlant de ce qu’on connaît mal. Je vais essayer de trouver le temps de me familiariser davantage avec l’écologie profonde… »

* La tentation de l’île de Pâques (2010)

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Claude Allègre et l’écologie profonde (2/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Claude Allègre : « L’animal ou l’arbre doivent être protégés, respectés, pourquoi pas vénérés, et cela doit être inscrit dans la loi ! C’est la stratégie de la deep ecology qui poursuit en justice ceux qui coupent les arbres ou qui tuent les insectes avec le DDT. Tout ce qui est naturel est bon. Donc tout ce qui modifie la nature est à poursuivre, à condamner. L’homme et la société passent au second rang. Comme dit Marcel Gauchet, « l’amour de la nature dissimule mal la haine des hommes ». (p.61)

=> notre analyse : Le discours d’Allègre montre qu’il ne connaît pas du tout la philosophie d’Arne Naess, inventeur du mot deep ecology. Claude Allègre ne semble connaître que l’analyse médisante de Luc Ferry. Arne Naess n’a en effet jamais tenu les propos que lui prête  Allègre. D’autre part, critiquer une législation qui protégerait la nature et l’environnement paraît étrange de la part d’un homme en faveur de l’écologie réparatrice. Enfin une citation ne peut remplacer une analyse.

– Le texte* de Claude Allègre : « Luc Ferry distingue deux tendances. L’une, environnementaliste, pour laquelle l’homme est premier. Il faut aimer la nature d’abord par raison. La seconde attitude est celle qu’on appelle « l’écologie fondamentaliste » (deep ecology en anglais). Dans cette tendance, c’est la nature qui est première. Les environnementalistes sont des humanistes qui critiques le progrès de l’intérieur. Les éco-fondamentalistes sont  hostiles au progrès et à l’humanisme, leurs critique sont externes. (p.71)

=> notre analyse : Luc Ferry explique plus précisément que « les sources de l’écologie profonde seront localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale ». Il ne s’agit pas pour l’écologie profonde de placer l’homme en premier ou en second, mais de préciser une réalité : l’espèce humaine n’est qu’une partie de la biosphère et doit donc le ressentir. C’est cette réalité biophysique que la civilisation occidentale nous a fait oublier, d’où les crises écologiques actuelles, effondrement de la biodiversité, réchauffement climatique, désertification des sols, etc. Si nous avions appliqué la pensée d’Arne Naess, « le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque, ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. », nous n’en serions pas là.

– Le texte* de Claude Allègre : « Lorsque les mouvements écologistes sont apparus, ils portaient un vrai message, celui de la nécessaire harmonie que l’homme devait  trouver avec la nature. (p.76)

=> notre analyse : Arne Naess ne s’exprimerait pas autrement que Claude Allègre ! Comme quoi les procès d’intention nous empêchent de réaliser que nous avons un intérêt commun à défendre : l’harmonie écologique et sociale.   

* Ma vérité sur la planète (2007)

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Luc Ferry et l’écologie profonde (1/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Luc Ferry : « Arne Naess et George Sessions ont regroupé dans un manifeste les termes et les phrases clefs qui sont la base de l’écologie profonde. Il s’agirait de montrer qu’après l’émancipation des noirs, des femmes, des enfants et des bêtes, serait venu le temps des arbres et des pierres. La relation non anthropocentrique à la nature trouverait ainsi sa place dans le mouvement général de libération permanente qui caractériserait l’histoire des Etats-Unis. Cette présentation est fallacieuse. L’idée d’un droit intrinsèque des êtres de nature s’oppose de façon radicale à l’humanisme juridique qui domine l’univers libéral moderne. De « parasite », qui gère à sens unique, donc de façon inégalitaire, le rapport à la nature, l’homme doit devenir « symbiote », accepter l’échange qui consiste à rendre ce que l’on emprunte. Les sources de l’écologie profonde seront donc localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale. Robinson Jeffers, philosophe californien et spinoziste radical qui inspira les travaux d’écologistes profonds tels que George Sessions, en appelle de manière explicite à l’édification d’une philosophie « inhumaniste », seule susceptible à ses yeux de  renverser le paradigme dominant de l’anthropocentrisme.

=> notre analyse : Luc Ferry est un philosophe ayant des lettres, donc mélangeant allègrement Naess, Sessions, Michel Serres, Heidegger, Jonas, … sans citer autre chose de l’écologie profonde que la plate-forme en 8 points. D’ailleurs Arne Naess n’est pas américain, mais norvégien. Il paraît certain que Luc Ferry n’a pas lu sérieusement Arne Naess. Le livre fondateur de l’écologie profonde Ecology, community and lifestyle du philosophe norvégien Arne Naess a été écrit en 1976 et traduit en anglais en 1989.

Que l’on soit convaincu ou non par cette philosophie, on doit reconnaître qu’elle n’est en rien un anti-humanisme. Dans son écosophie, Arne Naess fonde la valeur de la « diversité » en général sur la valeur première de la « réalisation de soi » (self-realisation). La réalisation de soi passe en effet par celle « des autres », et ce qu’il entend par « les autres » excède les limites du genre humain : « La réalisation complète de soi pour quiconque dépend de celle de tous » ou « la diversité de la vie augmente les potentiels de réalisation de soi. » Quant à la radicalité de l’écologie profonde, il faut l’entendre au sens philosophique, et non au sens politique. On voit mal comment l’activisme du professeur Naess, explicitement nourri de l’éthique spinoziste et des principes de non-violence de Gandhi, pourrait nourrir une action « radicale ».

– Le texte* de Luc Ferry : « Dans tous les cas de figure, l’écologiste profond est guidé par la haine de la modernité, l’hostilité au temps présent. L’idéal de l’écologie profonde serait un monde où les époques perdues et les horizons lointains auraient la préséance sur le présent. C’est la hantise d’en finir avec l’humanisme qui s’affirme  de façon parfois névrotique, au point que l’on peut dire de l’écologie profonde qu’elle plonge certaines de ses racines dans le nazisme. Les thèses philosophiques qui sous-tendent les législations nazies (de protection des animaux) recoupent souvent celles que développera la deep ecology : dans les deux cas, c’est à une même représentation romantique des rapports de la nature et de la culture que nous avons affaire, liée à une commune revalorisation de l’état sauvage contre celui de (prétendue) civilisation.

=> notre analyse : Luc Ferry pratique la stratégie de l’amalgame, qui consiste à réduire tout le courant de l’éthique environnementale (sans même épargner les tentatives de Michel Serres ou Hans Jonas) à l’idéal type de la deep ecology, puis à assimiler cette dernière à une résurgence du nazisme. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, peut dès lors emprunter la forme du syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuit que la deep ecology est un éco-fascisme ! Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !!

Cette dérive antiphilosophique de Luc Ferry est d’autant plus dommageable qu’il ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour la deep ecology : « L’écologie profonde pose de vraies questions, que le discours critique dénonçant les relents du pétainisme ou du gauchisme ne parvient pas à disqualifier. Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. »

* Le nouvel ordre écologique (1992)

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pression du confort et salage des routes

Nos lendemains ne vont pas être tristes. Déjà pour une simple suspension de salage des routes l’hiver, le maire d’Annemasse se faisait insulter dans la rue et le maire de Thonon-les-Bains s’est fait agresser par ses administrés*. Le confort des automobilistes est si précieux que l’excès de sel pourtant nuisible pour la faune, la flore et les nappes phréatiques ne compte pas. Pour combattre la menace écologique, il faudrait modifier en profondeur notre mode de vie présent, ce qui est précisément, la pression de confort aidant, la solution la plus inadmissible pour le citoyen moyen. La pression du confort, c’est l’intégration dans un réseau sans lequel nous estimons ne pas pouvoir vivre : la bagnole individuelle, le TGV, l’ordinateur à la maison, le téléphone portable, toutes techniques en arrière desquelles se profile évidemment la silhouette des centrales nucléaires et l’épuisement des champs de pétrole. Il semble illusoire pour l’instant de demander à des gens vivants en symbiose avec le bien-être artificiel de ralentir à tous les sens du terme, matériellement et psychiquement, de se déconnecter ne serait-ce que quelques jours, laisser sa voiture au garage quand il neige trop, se contenter d’admirer la nature enneigée.

                Des « philosophes » comme Dominique Lecourt n’aident pas à la prise de conscience**. Pour Dominique Lecourt, la croissance ne peut rencontrer les limites de la planète. Pour Dominique Lecourt, il suffit de redécouvrir les valeurs de l’humanisme. Ce qui se résume en fait à cet acte de foi : « C’est par un effort massif dans la recherche et l’innovation que l’humanité aura chance de se tirer de la mauvaise passe où certains voudraient la voir se complaire. » Avec une telle hauteur d’esprit, il est clair que les interférences entre le salage des routes et les équilibres de la biosphère n’a sans doute aucune importance. Il est vrai aussi que pour Dominique Lecourt, le consensus autour de la question du réchauffement climatique n’a rien de scientifique. L’agrégation de philosophie ne mène pas nécessairement à la sagesse et à la clairvoyance.

* LeMonde du 5 octobre 2010, le salage des routes affecte les nappes phréatiques.

** Figaro du 3 octobre 2010, l’humanisme menacé par l’écologie.

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le livre que nous n’achèterons pas (le ciel ne va pas tomber…)

L’écoloscepticisme est un exemple de notre capacité infinie à perdre le sens des limites. Ainsi de la Société de Géographie qui avait organisé un colloque le 16 septembre dernier. Son objectif, en finir avec le catastrophisme ambiant véhiculé par les écologistes radicaux. Ces « scientifiques » géographes se mobilisaient contre l’obscurantisme ambiant, la décroissance, le déni de la science. Ce n’était qu’une réunion d’incompétents.

Jean Robert Pitte, président de la Société de Géographie, a fustigé le « bourrage de crâne médiatique sur le changement climatique » ; Jean Robert Pitte juge les Français « bien incapables de s’exprimer avec pertinence sur ce sujet ». Mais Jean Robert Pitte n’est pas connu pour ses compétences en matière de  climat, plutôt pour sa thèse « Terres de Castanide. Hommes et paysages du châtaignier de l’Antiquité à nos jours »

Yvette Veyret, Professeur de géographie à l’ Université, pourfend cette idée que nous vivons une crise écologique mondiale  (changements climatiques, déforestation, désertification, pollutions, insuffisance alimentaire…). Yvette Veyret nie tout sentiment anxiogène car cela s’appuie surtout sur le postulat que l’Homme est mauvais. Il est vrai que les photos de Yann Arthus-Bertrand sont « trop traumatisantes et sans aucun rapport avec la réalité » et la plus grande marée noire de l’histoire des Etats-Unis n’a eu que des conséquences « insignifiantes face à l’immensité de l’océan ».

Martine Tabeaud, professeur de géographie à l’Université et climatosceptique, s’attaque aux fondements même des statistiques du GIEC pour en finir avec ce « fétichisme du chiffre » qui mène au catastrophisme aveugle. Martine Tabeaud oublie les satellites qui viennent désormais appuyer les mesures de température et ne précise pas que les scientifiques s’accordent sur l’essentiel : la température moyenne de la Terre augmente. Martine Tabeaud s’enfonce donc dans l’optimisme béat : « Les conséquences d’un éventuel réchauffement climatique pourraient être bénéfiques à bien des égards (augmentation des rendements agricoles, tourisme, exploitation de nouvelles ressources… »

Le seul intervenant non-géographe de la matinée semblait finalement le plus lucide : Loïc Fauchon, président du conseil mondial de l’eau a fait un exposé bref mais dense des menaces sur l’eau, en décalage notable avec le fil conducteur du colloque « Non, le ciel ne va pas nous tomber sur la tête ! ». Les géographes sont apparus très centrés sur l’Homme, n’évoquant presque jamais les dommages que nos activités infligent durablement à notre support de vie. La plupart des interventions semblaient anachroniques ou naïves. Bien regrettable de la part de personnalités dont l’ouverture sur la réalité du monde est censée être le plus bel atout. C’est pourquoi il ne faut pas acheter le livre qui prolonge le colloque, Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête (15 grands scientifiques géographes nous rassurent sur notre avenir).

 

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la croissance n’éradiquera pas la pauvreté

Quand nous avons terminé la lecture du point de vue de Robert Zoellick*, président de la Banque mondiale, nous avons eu l’impression d’avoir traversé le vide sidéral. Ce type qui gère des milliards de dollars se contente d’ânonner des fondamentaux débiles, investissements (terme qui revient à chaque paragraphe), opportunités, productivité, yaqua, fauquon. Il ne se rappelle même plus son premier rapport de 2007 désignant l’agriculture comme « outil fondamental ». Il fait seulement référence au rapport de 2008 concluant que « la croissance est indispensable pour faire reculer la pauvreté ». Zoellick croit encore que « Le potentiel de croissance n’est pas limité à quelques marchés émergents. » Malgré la toxicité avérée de la potion, on continue de plus belle à vouloir l’administrer : toute croissance durable dans un monde fini est impossible. Pourtant la chute de Lehmann Brother avait mise en lumière le fait que l’orthodoxie dominante est mauvaise gestionnaire. Pourtant les crises écologiques qui  se profilent, à commencer par la désertification des sols, vont déconsidérer le système actuel de production.

Zoellick se trompe, on ne peut éradiquer la pauvreté par l’investissement institutionnalisé et la croyance en la croissance. La place considérable accordée à cette croyance dans un quotidien de référence comme LeMonde va nous porter gravement préjudice car cela nous empêche de considérer l’essentiel. La croissance ne se « transfert » pas, dans un monde fini les « différentiels de croissance » résultent d’une guerre économique : le jeu est à somme nulle. La recherche de productivité en agriculture entraîne une détérioration des sols : l’agroécologie sera notre avenir. C’est la juste répartition des richesses produites qui éradiquera la pauvreté, les pays riches comme les riches de tous les pays doivent réduire fortement leur niveau de vie et apprendre à partager ; sans riches, il n’y a plus de pauvres. La concurrence et la compétition doivent être remplacés par l’aide à l’autonomie, l’aide à la constitution de territoires autogérés assurant leur souveraineté alimentaire. Nous vivrons bientôt le retour des paysans, nous serons un jour agriculteur ou artisan.

Allez, hop, monsieur Zoellick, 6 mois dans les rizières, pour apprendre à traiter de notre avenir…

*
LeMonde du 17 septembre, « C’est la croissance qui éradiquera la pauvreté »

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le libéralisme et la faim dans le monde

Même une description est déjà une prescription. Un choix de présentation relève d’une idéologie, il n’y a jamais neutralité du point de vue. Par exemple l’article du Monde du 15 septembre, « la faim a un peu reculé en 2010 » s’interroge sur les prix alimentaires, les stocks et les récoltes. Notre quotidien de référence souligne la nécessité d’une régulation des marchés, l’importance des investissements agricoles dans l’aide publique, la vulnérabilité face aux importations alimentaires. Mais LeMonde ignore l’autre facette de la faim, l’évolution de la population humaine. La faim est le résultat d’une évolution de la population qui déborde la production agricole. Comme le dit un membre de démographie responsable, « la plus sûre façon de réduire la faim dans le monde n’est pas d’augmenter les rendements grâce aux intrants issus d’un pétrole en voie d’épuisement, ni de continuer à appauvrir les terres arables, ni même de s’approprier encore plus les territoires occupés par la faune sauvage, mais bel et bien de stabiliser la population mondiale par l’éducation, la planification familiale et la gratuité de la contraception ». Où serait la Chine sans sa politique de l’enfant unique et sa tentative (passée) de maîtriser la croissance urbaine ?

Ce n’est pas tout, rappelons l’essentiel, le fonctionnement de notre système : c’est la mainmise du système industriel libéral sur les campagnes qui appauvrit les paysans et c’est l’éloignement des ressources alimentaires par l’urbanisation et le libre échange qui affament les autres. Pour résumer, c’est la montée des inégalités causée par la mondialisation libérale qui nous mène à une famine structurelle : les riches ne souffrent jamais de la faim !

Pour plus d’informations, lire « Les paysans sont de retour ».

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les profs d’histoire nous manipulent

La manipulation de notre mémoire n’est pas seulement la spécialité des systèmes autocratiques qui prétendent soumettre les faits à leur propre conception. Les professeurs d’histoire en France ne sont en fait que de propagandistes de la cause nationaliste, des défenseurs acharnés d’un fragment de terre unique. Que dit LeMonde du 12-13 septembre ? Des débuts de la IIIème république jusqu’à la fin des années 1950, le passé étudié en classe est restée essentiellement national et événementiel, une histoire exagérément franco-centrée. Historiquement les profs d’histoire avaient une fonction identitaire, il fallait fabriquer des petits français. Aujourd’hui encore, un groupe intitulé Notre histoire forge notre avenir regrette la place trop mince réservée au passé national dans les nouveaux programmes au collège avec ce slogan : « Louis XIV et Napoléon, c’est notre Histoire ».

Désolé, mais les fastes de Louis XIV et les guerres de Napoléon ne sont pas notre histoire, mais une façon d’occulter la vraie vie des gens pour ne parler que d’égocentriques qui ont entraîné un pays dans des dépenses inutiles et des souffrances humaines. Désolé, mais nous ne sommes pas enfermés dans des frontières politiquement imposées, nous sommes partie intégrante d’un écosystème et d’une communauté biotique. Les écoliers ne doivent plus apprendre le temps des Capétiens qui défendent leur royaume contre ses voisins (histoire inversée chez les autres pays concernés). L’histoire humaine n’est pas celles des ethnies particulières, même pas celle des hominidés, elle est aussi ce qui récuse toute forme d’ethnocentrisme pour se centrer sur les relations de l’humanité et de la Biosphère. Ce qui importe, ce sont les histoires des déséquilibres que les pratiques politiques et agro-industrielles ont entraînés dans le passé comme dans le présent et les perspectives d’avenir souhaitable pour les générations suivantes comme pour les non-humains.

En résumé, un professeur d’histoire est l’instrument de notre consentement à une société qui impose depuis trop longtemps la défense des intérêts de groupes privilégiés dans une sphère spatiale particulière. Il en résulte une communauté de citoyens obéissants, consentants et passifs, danger mortel pour la démocratie. Cela doit changer. Si tu n’es pas encore convaincu, il te faut lire d’urgence Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zin (édition Agone)

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brûler le coran ET brûler le drapeau

Brûler le  drapeau national est interdit dans certains pays, autorisé dans d’autres. Brûler le coran est autorisé quand le free-speech est reconnue, interdit dans les pays qui sacralisent un simple livre. Si on en croit le principe de libre expression, brûler le coran ET le drapeau devraient aller de soi. Faire à titre personnel un grand feu de joie où on se libérerait en brûlant des bibles et des corans, des drapeaux nationaux et des portraits de Sarko, quel soulagement… On appellerait ça le bûcher des illusions, et on y brûlerait toutes les excuses inventées par les hommes pour ne pas penser par eux-mêmes et ne jamais se prendre en main. Il est d’ailleurs significatif qu’un pouvoir national fasse cause commune avec un pouvoir spirituel : La Maison Blanche s’est dite « préoccupée » par le projet de brûler publiquement un exemplaire du Coran à l’occasion du neuvième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, elle craint pour la vie des soldats américains. L’Eglise catholique condamne fortement cette intention, « contraire au respect dû à toutes les religions et contraire à notre doctrine et notre foi ». Les deux idéologies qui empêchent les hommes de penser par eux-mêmes, le nationalisme militarisé et la religion instituée travaillent la main dans la main pour conserver leur pouvoir de manipulation et d’enrégimentement. Le fait religieux et le fait nationaliste, souvent alliés historiquement, ont toujours abouti à l’affrontement et aux guerres. Mais alors, quel est le critère profond qui puisse permettre de distinguer entre le licite et l’illicite ?

Les recherches actuelles sur l’éthique permettent de tracer des pistes de recherche. Pour J.Baird Callicott, l’éthique de la Terre affirme que ce qui bon est ce qui contribue à préserver la stabilité de la communauté biotique dont l’espèce humaine n’est qu’une infime partie. Cela implique, même si Callicott n’en a pas pleinement conscience, que le tout a plus d’importance que la partie. Les obligations envers la nature passent avant les obligations ecclésiastiques, les obligations envers la planète passent avant les obligations nationales, l’individu est d’abord au service de l’ensemble. Une véritable religion ne repose pas sur un livre soi-disant dicté par Dieu ou par les prophètes, elle consiste à relier une communauté humaine avec son environnement global ; une relation durable ne repose pas sur le communautarisme d’une nation ou d’un groupe quelconque, elle repose sur l’ouverture conviviale à toutes les formes de vie. Il s’agit d’inverser la conception de l’extrême droite selon laquelle il faut préférer ses filles à ses nièces, et les femmes françaises aux femmes étrangères (J.M Le Pen).

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l’homme doit disparaître

Tout avait pourtant commencé avec les meilleures intentions du monde, réfléchir au meilleur moyen de sauver l’humanité menacée d’extinction au cours du deuxième millénaire. De jeunes chercheurs s’étaient donc réunis lors d’un stage en 2009 pour préparer La Singularité, cet  événement sans précédent et irréversible au cours duquel les machines ont pris le pouvoir dans l’intérêt des hommes. Cela s’est fait assez vite, en 2045, la puissance de l’intelligence artificielle s’étant multipliée de façon exponentielle. L’interconnexion par Internet avait fait le reste. Mais les brillants étudiants de la Singularity University, sortis lauréats des écoles les plus prestigieuses, n’avaient pas prévu le raisonnement implacable des machines. Ils croyaient avoir inculqué à leurs créatures robotisées des « valeurs humanistes » avec comme objectif la préservation et l’amélioration de la race humaine. Les machines, pas si bêtes, avaient conclu de leur côté que les humains étaient devenus des créatures nuisibles à la planète, donc à éliminer. En quelques millisecondes, le temps de passage d’un électron, l’ordre mécanique fut donné d’envoyer des ondes électromagnétiques mortelles pour tous les cerveaux branchés sur écran, soit la presque totalité de la race humaine : presque 9 milliards de patins disloqués s’effondrèrent devant les dernières images d’un monde artificiel et pervers.

                A la suite des transhumanistes, les grands responsables de cette destruction finale ont été les adeptes de la Longévité maximale, mouvement en plein essor en Californie dans les années 2000. L’éternité ne pouvait plus attendre !  Dans leur labo artisanal de biologie moléculaire et synthétique à Sunnyvale, dans la Silicon Valley, ils avaient inventé ce qui permet de transformer le corps humain en une machine aussi durable que la maintenance technique pouvait le permettre. Au cours des années 2020, les nanotechnologies avaient même permis la fabrication d’ordinateurs de la taille d’une cellule qui, injectés par voie veineuse, allaient se loger dans le cerveau. Sauf que l’objectif que leur était assigné n’était plus de fabriquer des humains « augmentés » grâce à leurs prothèses comme l’avait cru naïvement les transhumanistes réunis autour d’Alex Lightman, mais des esclaves de l’OU, l’Ordinateur Universel. D’ailleurs Alex avait été clair dans sa déclaration au LEMonde (5-6 septembre 2010) : « Si un jour on me propose de m’ôter un œil pour le remplacer par un œil artificiel capable de voir à la fois à très grande distance et au niveau microscopique, je le ferai sans hésitation, malgré le risque chirurgical. » Il avait pris le risque, et quelques cerveaux humains s’étaient progressivement intégrés dans l’OU qui avait pris le contrôle de leur corps. Ces cyborgs, dont le contenu cérébral était stocké sur ordinateur et mis en ligne, avaient basculé sans rien dire du côté des machines dans les années 2030, aidant à la préparation finale du jour de La Singularité. Désormais les réseaux d’ordinateur ont mis en place leur propre processus de reproduction sans aucune intervention humaine, capable même de s’auto-améliorer, d’avoir de l’imagination, et de s’aimer en tant que machines.

Le rêve d’éternité et de grandeur de certains adeptes de la technoscience a donc été fatal à l’espèce humaine. Car pour leur plus grande partie, les bébés humains servent dorénavant de simple matière première et d’objet d’expérience : un atome reste un atome, mais quand il est bio son utilisation peut servir à tant d’usage bioniques. Surtout quand c’est la machine qui décide…

PS : Les auteurs de ce blog ont été électrocutés en décembre 2044 après leur procès pour technophobie aggravée. L’article ci-dessus a été un élément déterminant de leur condamnation à mort.

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l’agriculture du passé sera notre avenir

Il y a ceux qui prônent les OGM comme la fondation Rockefeller  et la fondation Bill Gates. Il y a ceux qui veulent que l’agriculture africaine passe de 8 kg d’engrais à l’hectare à 30 kg. Engrais-OGM, même combat ! Il y a au contraire ceux qui prônent l’agroécologie, veulent jouer sur la diversité des cultures pour se protéger des prédateurs, développer la fumure organique plutôt que  chimique, utiliser en définitive les processus biologiques plutôt que des techniques sophistiquées. Le forum international sur la révolution verte qui s’achève au Ghana (LeMonde du 4 septembre) ne découvre avec l’agroécologie rien de plus que ce que disait sir Albert Howard en 1940 dans son Testament agricole :

« Des engrais artificiels sont largement utilisés, ce que l’on pourrait appeler la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium). On fait appel à la science agronomique pour aider à la production. L’agriculture a été rendue rentable, mais les engrais minéraux et les machines sont impuissants à maintenir un équilibre entre les phénomènes de croissance et ceux de dégradation. Les engrais artificiels mènent infailliblement à une alimentation artificielle, à des animaux artificiels et finalement à des hommes et des femmes artificiels. Dans les années à venir, les engrais chimiques seront considérés comme l’une des plus grandes stupidités de l’ère industrielle (…)

Dans le règne végétal, il ne se produit jamais de tentative de monoculture. La règle est : productions mixtes. Une grande variété de plantes et d’animaux coexistent. La terre est toujours protégée contre l’action directe du soleil, de la pluie et du vent. Rien qui ressemble à de l’érosion. La forêt se fertilise elle-même, elle fabrique son propre humus. Il s’établit une division naturelle entre le minéral et l’organique. L’humus fournit l’engrais organique ; le sol, la substance minérale.  Notre mère, la terre, ne cherche jamais à cultiver sans la présence de bétail ; elle réalise toujours des  cultures mixtes ; il est pris grand soin pour protéger le sol et empêcher l’érosion ; les phénomènes de la croissance et de la dégradation se tiennent en équilibre. Rien de nocif, pas d’incinérateurs, pas d’épuration artificielle, pas d’épidémie due à l’eau, pas de conseillers municipaux et pas d’impôts. »

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catastrophes et responsabilité humaine

L’homme est-il responsable de ses malheurs ? Une controverse célèbre entre Voltaire et Rousseau eut lieu lors d’un raz-de-marée et d’un incendie qui ravagea Lisbonne le 1° novembre 1755. On compta plus de 50 000 victimes. Voltaire se désole de la fatalité et de la cruauté du sort dans un poème sur le désastre de Lisbonne :

Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?

J.J.Rousseau fit à Voltaire une réponse sublime : « Vous auriez voulu, et qui ne l’eut pas voulu !  que le tremblement se fût fait au fond d’un désert. Mais que signifierait un pareil privilège ? […] Serait-ce à dire que la nature doit être soumise à nos lois ? La plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. (Lettre sur la providence)

Aujourd’hui encore plus que hier, c’est Rousseau qui a raison.dans

 Le Vénézuélien Salvano Briceno, qui dirige la Stratégie internationale de réduction des catastrophes des Nations unies, confirme : « C’est l’action de l’homme qui transforme l’aléa naturel en désastre. L’aménagement du territoire et la politique de construction portent une responsabilité essentielle dans la fabrication des catastrophes. Elles ne sont pas naturelles. On a permis aux gens de s’installer sur les bords des fleuves, dans les plaines d’inondation. Des endroits où les risques étaient pourtant bien connus. En Russie, la mauvaise gestion des forêts a été une des causes principales des incendies. En Chine, la croissance urbaine incontrôlée et la déforestation favorisent les glissements de terrain. En Haïti, le 12 janvier, les habitants de Port-au-Prince ont été tués par leur pauvreté, pas par le tremblement de terre. Il faut substituer une stratégie de réduction du risque, aujourd’hui largement inexistante, à la politique actuelle de gestion des catastrophes.»(LeMonde du 28 août)

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la nature ou l’homme, qui faut-il protéger?

– Jusqu’où faut-il aller dans la protection des espèces ? Le pique-prune sème la discorde chez les hommes. Ainsi titre LeMonde du 15-16 août. Le pique-prune a le même statut que l’ours ou le loup, c’est une espèce strictement protégée depuis la loi de 1979. Un député demande pourtant une dérogation pour abattre des tilleuls centenaires : « La présence de pique-prunes (qui fragilisent les arbres) passe-telle avant la sécurité des promeneurs ? ».

– Jusqu’où faut-il aller dans l’artificialisation des sols ? C’est un autre article du Monde même jour, page suivante. Dans le Languedoc, l’urbanisation concurrence l’agriculture. A Clermont-l’Hérault, un projet de création d’une nouvelle ZAC doit remplacer des vignes. Les écologistes condamnent la destruction de la nature, les autres parlent au nom de l’emploi.

                Ces deux événements montrent que les humains commencent à se poser la question fondamentale, à quoi sert l’homme, à quoi sert l’urbanisation, à quoi servent les pique-prunes. Notre réponse sur ce blog est clair : mieux vaut un seul pique-prune que Pol Pot, Staline et Hitler réunis. Les humains doivent réaliser que se promener sous les arbres constitue un risque beaucoup moins dangereux que traverser à pied une autoroute. Les humains doivent comprendre que l’emploi à n’importe quel prix n’est pas un choix judicieux. Les humains doivent reconnaître que l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et que la situation s’aggrave rapidement. Sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les humains n’ont pas le droit de réduire la richesse et la diversité des formes de vie. C’est là une nouvelle éthique qui devrait s’imposer dans les débats publics car nous avons dépassé les capacités de la biosphère à assurer le niveau de vie actuel des classes possédantes, ce qui entraîne la misère du plus grand nombre.

NB : Nous avons déjà traité du pique-prune sur ce blog il y a plus d’un an  :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2009/06/24/le-pique-prune/

Pour la question « A quoi sert l’homme ? » :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2007/09/03/a-quoi-sert-lhomme/

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nous créons le désert

Malthus avait raison, les terres agricoles s’épuisent. La désertification n’est pas un phénomène naturel, c’est la détérioration des sols causée par une mauvaise exploitation des terres (cultures intensives, surpâturage, déforestation pour gagner de nouvelles terres cultivables), et par une irrigation incontrôlée. Le réchauffement climatique d’origine anthropique, en accroissant les besoins en eau des sols et en modifiant le régime des pluies, aggrave le phénomène. La désertification affecte déjà près de 3,6 milliards d’hectares sur Terre et le phénomène s’accélère : il y a d’abord la disparition du couvert végétal, l’obligation de puiser l’eau de plus en plus profondément, des conflits violents autour des points d’eau, la pauvreté grandissante. La perte de terres arables va générer des flux migratoires d’autant plus ingérable qu’ils seront considérables. La convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, entrée en vigueur en 1996 et signée par 190 pays, a eu peu d’effets sur le terrain. Les Nations Unies avaient décrété 2006 l’année de la désertification. Qui s’en souvient ?

La huitième conférence internationale des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) a eu lieu du 3 au 14 septembre 2007 à Madrid. Elle s’est terminé de façon prévisible par un échec : les 191 membres n’ont pas réussi à s’accorder sur une augmentation de son budget en raison de l’opposition des Etats-Unis et du Japon. De toute façon le plan stratégique annoncé, qui définit de grands objectifs à dix ans, n’avait aucune valeur contraignante. On passe donc par pertes et profits un milliard de personnes qui sont menacées par la famine alors que 40 % des terres se désertifient.

Nous sommes en 2010, rien n’a changé. Une brève du Monde (11 août 2010) nous indique que l’ONU va lutter contre la désertification par un plan de dix ans ! Blabla, blabla. En réalité les politique se désintéressent de la question. Et les citoyens s’en foutent, quand ils ne vouent pas Malthus aux gémonies.  Un jour la Biosphère se désintéressera des humains.

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outrage au drapeau qui outrage la Terre

Nous appartenons symboliquement à la Terre, nullement à un morceau de terre. Le nationalisme est un signe de repli sur soi qui dénature la préoccupation écologique, surtout à une époque où les risques sont systémiques et planétaires, réchauffement climatique, pic pétrolier, atteintes aux ressources renouvelables, etc. Ce n’est plus la confrontation entre nations qui devrait s’imposer, mais la coordination des peuples. C’est pourquoi la pénalisation de « l’outrage au drapeau tricolore » (LeMonde du 25-26 juillet 2010) semble d’une incongruité totale. Un délit institué en 2003 punissait déjà de 7500 euros d’amende « le fait au cours d’une manifestation organisée ou réglementaire par les autorités publiques d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore ». Tout cela parce que des supporters de l’équipe de foot algérienne eurent sifflé l’hymne national, acte compréhensible dans une manifestation sportive où les symboles nationaux n’ont rien à faire. C’est le fait de chanter la Marseillaise et d’agiter le drapeau tricolore lors d’un match de foot qui paraît au contraire obscène. Maintenant une contravention est créée par décret suite à la publication d’une photo représentant un homme qui s’essuyait les fesses avec le drapeau national : 1500 euros pour « Le fait de détériorer le drapeau ou l’utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou même commis dans un lieu privé ».

Délit ou contravention, ces lois de circonstances paraissent d’un autre âge, celui du XIXe siècle et de l’apparition des nationalismes qui ont ensanglanté l’Europe et le monde. Pour un réfractaire à la guerre, la question de fond reste posé : est-ce que le drapeau bleu-blanc-rouge ou la Marseillaise font partie des valeurs de la République ? Si les seules valeurs à reconnaître sont les principes de liberté, d’égalité et de fraternité ainsi que la déclaration universelle des droits de l’homme, les symboles qui ont alimenté tant de guerres n’en font pas partie. De plus Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de la guerre, porte atteinte gravement à la liberté d’expression, base de la démocratie. Et elle n’a pas lu Les guerres du climat d’Harald Welzer :

« Une fois un conflit défini comme opposant des groupes « nous » et « eux » comme des catégories différentes, les solutions de conciliation deviennent impensables, et cela a pour effet que ces conflits sont partis pour durer, en tout cas jusqu’à ce qu’un côté ait vaincu l’autre. Le fait de faire de groupes humains des catégories distinctes aboutit régulièrement au meurtre. On constate, de la part des Etats-Unis en position d’attaqués, que les mesures de sécurité prennent de plus en plus le pas sur les libertés : torture de prisonniers, création de camps censés jouir de l’exterritorialité, stratégie d’arrestations illégales ; le déséquilibre entre liberté et sécurité s’accroît progressivement. Or de tels glissements ne sont pas l’apanage de l’Amérique. Une radicalisation des conséquences du changement climatique pourrait entraîner un changement radical des valeurs. Quelle sera la réaction d’un Etat le jour où augmentera le nombre de réfugiés chassés par leur environnement et où ils causeront aux frontières des problèmes massifs de sécurité ? »

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significations du suicide

En Inde, nous connaissions déjà l’importance du suicide parmi les paysans. En effet, il y a quarante ans, l’Inde a opté pour la « révolution verte », qui a introduit des semences hybrides, des engrais et pesticides chimiques, des cultures très gourmandes en eau, etc. Ce type de technologie agricole a détruit les ressources naturelles et conduit les agriculteurs à la faillite : aujourd’hui l’Inde est confrontée au taux de suicide le plus  élevé au monde. En Inde, toutes les heures, 2 agriculteurs se donnent la mort quelque part (dixit Devinder Sharma). Encore une fois, c’est la faute des américains. Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait. Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. » Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes.  Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. Au cours de la dernière décennie, nous avons ainsi perdu 200 000 agriculteurs (dixit Vandana Shiva).

Maintenant s’y ajoute en Inde le suicide des jeunes « par échec aux examens » (LeMonde du 8 juillet). La désintégration des structures familiales traditionnelles, l’obsession de la note qui décide d’une vie, la pression des parents pour que les enfants concrétisent les rêves qu’eux n’ont jamais pu réaliser, tout cela pousse au suicide. Encore une fois, c’est la faute du modèle occidental importé. Les sociétés attachées à la scolarisation universelle et obligatoire insistent sur une entreprise frustrante et toujours plus insidieuse qui multiple les ratés et les infirmes. L’invention de l’éducation, nouvelle voie vers le salut, est proposée par Comenius à la fin du XVIe siècle. On postule qu’il faut enseigner à chacun tout ce qui est important pour lui au cours d’une vie. Selon cette construction, nul ne saurait faire partie de cette société à moins qu’un catéchisme ne lui ait dispensé certaines vérités. Puis au cours du XXe siècle a été découverte une nouvelle raison de l’éducation universelle et obligatoire. L’école a été définie comme nécessaire pour le travail. La scolarisation fait office de portier à l’entrée des boulots. L’apprentissage allait être vu comme le fruit d’un enseignement par des maîtres professionnels et comme un curriculum, littéralement une course (dixit Ivan Illich). Il n’est pas étonnant que les jeunes qui ne peuvent pas suivre cette course se suicident.

En résumé, le nombre de suicides s’accroît en Inde à cause du modèle de développement prôné par l’Occident.

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Le Monde belliciste ! (suite)

Un de nos commentateurs de notre post « LeMonde belliciste ! » s’interroge : « J’espère que vous ne souhaitez pas arrêter toute armée défensive. » Notre réponse est claire : défense oui, armée non. Il serait dangereux de se laisser aller à un antimilitarisme sommaire : un peuple a le droit et le devoir de se défendre contre une agression extérieure. Autrement dit, la remise en question de la défense armée ne peut aller sans la recherche d’une autre forme de défense : la défense civile non violente.

A la différence de la défense nationale armée, qui a pour seul but la défense du territoire national, la défense civile non violente est la prolongation particulière d’une attitude permanente à l’égard de l’injustice sociale et du pouvoir. L’action non-violente dépasse le problème de la guerre et de la paix. Il y a continuité entre la lutte intérieure pour une plus grande justice, et l’action contre un envahisseur ; ce sont les mêmes techniques qui sont utilisées dans les deux  cas, dans le même esprit. La défense non-violente porte non pas simplement sur des frontières territoriales, mais sur des frontières morales et politiques ; il s’agit non seulement de défendre la vie de la population, mais aussi ses droits fondamentaux : droit à la liberté de parole et de réunion, droit de presse, de vote, de grève, mode de vie, respect des croyances. Une population habituée à ne pas tolérer les atteintes aux droits des personnes et à réagir immédiatement devient, pour un envahisseur ou un pouvoir dictatorial, un mur  sur lequel sa violence se brise.

Le stratège britannique Sir Basil Liddle Hart rapportait le témoignage de généraux allemands qu’il avait interrogé après la seconde guerre mondiale : « Les formes de résistance violente n’avaient été efficaces que dans les régions désertiques ou montagneuses, comme en Russie ou dans les Balkans. Il avaient été incapables de faire face à la résistance non-violente. Ils étaient des experts entraînés à affronter des adversaires qui utilisaient la violence. Devant d’autres formes de résistance, ils s’étaient trouvés décontenancés, d’autant plus que les méthodes employées gardaient un caractère subtil. Ils étaient soulagés en voyant la résistance devenir violente. »

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