biodiversité

Les humains, des prédateurs fous, un parasite sur Terre

C’était il y a quelque 14 000 ans. En Alaska, des mammouths de 10 tonnes. Un peu plus au sud de l’Amérique le rhinocéros laineux de 3 tonnes. Jusqu’aux tropiques, les gigantesques paresseux terrestres de 4 tonnes. Et puis, en 3 000 ans tout au plus, tous ces géants ont disparu. Eradiqués par un chasseur habile et sans scrupule, homo dit sapiens. Les techniques de prédation se perfectionnent, l’usage des brasiers pour la chasse est largement documenté. On constate partout sur la planète une corrélation étroite entre l’expansion géographique de notre espèce (ou de ses cousines) et l’effondrement de la masse moyenne des animaux existants. Ainsi en Amérique du Nord, le poids moyen des mammifères plonge de 98 kg à 7,6 kg, en quelques millénaires. Que se passerait-il si l’ensemble des animaux déclarés en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature venait à disparaître d’ici deux cents ans ? Sur Terre, le plus gros animal afficherait 900 kg sur la balance. Il serait domestique. Ce serait une vache.*

Il n’y a pas que la mégafaune qui disparaît, Voici quelques données compilées antérieurement sur notre blog :

99% des Rhinocéros ont disparu depuis 1914.
► 97% des Tigres ont disparu depuis 1914.
► 90% des Lions ont disparu depuis 1993.
► 90% des tortues marines ont disparu depuis 1980.
► 90% des papillons monarques ont disparu depuis 1995.
► 90% des gros poissons marins ont disparu depuis 1950.
► 80% des gorilles ont disparu depuis 1955.
► 60% des éléphants de forêt ont disparu depuis 1970.
► 50% des barrières de corail mondiales ont disparu depuis 1985.
► 50% des poissons d’eau douce ont disparu depuis 1987.
► 40% du phytoplancton des océans a disparu depuis 1950
► 30% des oiseaux marins ont disparu depuis 1995.
► 28% des animaux terrestres ont disparu depuis 1970.
► 28% de la totalité des animaux marins ont disparu depuis 1970. 

Les humains et leurs bétails représentent aujourd’hui 97% de la la biomasse des vertébrés de la terre… il y a 10 000 ans les humains et leurs bétails représentaient seulement 0,01% de la biomasse des vertébrés terrestres. L’espace terrestre qu’envahit notre espèce se fait au détriment de toutes les autre espèces. Et il y en a qui disent encore que nous ne sommes pas trop nombreux ! Quelques hommes + des sagaies + des milliers d’années = extinction des grands mammifères. Beaucoup beaucoup d’hommes + du pétrole et des super-techniques + deux siècles seulement =  nous serons bientôt seuls sur terre ! Le plus efficace prédateur de tous les temps va-t-il être écrasé sous le poids de sa gloutonnerie sans limite ?

* LE MONDE du 24 avril 2018, L’homme, tueur en série des grands mammifères

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L’animal dans le droit, à la fois choséifié et sujet

Un « code de l’animal » vient de sortir, 1060 pages pour 49 euros* . Voici l’essentiel de l’évolution juridique passée et quelques perspectives d’avenir… qui feront bondir les tenants de l’anthropocentrisme.

Loi Grammont du 2 juillet 1850 : « Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. » Une loi fondatrice mais restreinte à l’espace public, qui protégeait essentiellement la sensibilité des spectateurs et non pas celle des animaux 

Décret du 7 septembre 1959 d’Edmond Michelet, ministre de la justice du général de Gaulle : la répression des mauvais traitements est élargie au domaine privé, les animaux sont protégés en raison de leur propre sensibilité.

Article L214-1 du code rural en 1976 : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Mais selon la division entre les personnes et les choses qui gouverne le droit, l’animal y restait considéré comme un bien, meuble ou immeuble par destination.

Loi du 16 février 2015 dont l’article 515-14 est inséré dans le code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » Cette lévitation juridique extraits les animaux de la catégorie des biens sans les intégrer à celle des personnes. La division juridique bipartite entre les personnes et les choses consacre encore le finalisme anthropocentrique, présent aussi bien dans le stoïcisme antique que dans les religions monothéistes, ou encore dans la pensée laïque où l’homme prend souvent la place de Dieu. On est presque sorti de la phase du ridicule pour entrer dans celle de la discussion, mais sans aborder la phase de l’adoption de l’antispécisme (ou biocentrisme).

Avant-dernière étape ? : donner aux bêtes une personnalité juridique – autrement dit l’aptitude à être un sujet de droit –, à l’instar de celle dont bénéficient les personnes morales que sont les associations ou les syndicats.

Dernière étape

Concluons avec Claude Lévi-Strauss : « Que règne, enfin, l’idée que les hommes, les animaux et les plantes disposent d’un capital commun de vie, de sorte que tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes. Un humanisme sagement conçu ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui. » A l’heure d’une chute vertigineuse de la biodiversité, continuer à préserver le statut de primauté de l’être humain sur l’ensemble de la biosphère consisterait pour lui à se faire hara-kiri.

* LE MONDE idées du 31 mars 2018, L’animal dans le droit, à la fois chose et sujet

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Si la nature utilisait les mêmes armes que les humains

Ah ! Si les arbres étaient équipés de tronçonneuses, ce serait la race des bûcherons qui serait en voie de disparition.

Si les lapins pouvaient utiliser un fusil aussi petit qu’efficace, il y aurait beaucoup moins de chasseurs.

Si les insectes pouvaient muter suffisamment pour rigoler des insecticides et transmettre à coup sûr chikungunya ou Zika.

Si les végétaux émettaient des doses létales systémiques au lieu de subir un herbicide non sélectif comme le Roundup.

Si les requins se précipitaient pour croquer à pleines dents surfeurs et baigneurs, il n’y aurait plus de stations balnéaires.

Si les microbes étaient immunisés contre les antibiotiques, ils pourraient proliférer dans ses variantes pathogènes.

Si les loups pouvaient pratiquer le tir d’abattage pour réguler la population française, on aurait besoin de moins de moutons.

Si l’eau secrétait des toxines à la seule vue d’une présence humaine, il n’y aurait plus d’eau potable.

Si les autochtones d’Amérique avaient éliminés au fur et à mesure de leur arrivée les colonisateurs anglo-saxons, il y aurait encore beaucoup de bisons dans les vertes prairies.

Si la nature savait se défendre contre l’ingéniosité humaine, la terre serait débarrassée de ce parasite destructeur qui aime par dessus tout tuer et assassiner, enlever la vie des plantes et des animaux, des microbes et des insectes, la vie dans l’eau dans les airs, et même la vie des humains.

Mais la nature est mal faite, elle a sélectionné un prédateur sans pitié qui sait éradiquer tout ce qui existe et se protéger contre presque toute les formes du vivant. Homo, plutôt demens que sapiens, a utilisé des armes de plus en plus sophistiquées pour arriver à ce résultat pitoyable : il se retrouve de plus en plus seul sans forêts primaires ni eau naturellement potable, au milieu de ses surfaces goudronnées et de ses immondices, acculé à retourner ses armes contre ses semblables pour s’accaparer les dernières ressources vitales. Comme l’écrit Pierre Jouventin, « L’homme, cet animal raté » !

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L’homme disparaîtra, bon débarras ! L’IPBES le dit…

Ce titre d’un livre d’Yves Paccalet de 2006 devient une réalité, du moins pour sa première partie, « l’homme disparaîtra ».  Les humains font tout pour ce qu’il en soit ainsi. Partout sur la planète, le déclin de la biodiversité se poursuit, « réduisant considérablement la capacité de la nature à contribuer au bien-être des populations ». Ne pas agir pour stopper et inverser ce processus, c’est mettre en péril « non seulement l’avenir que nous voulons, mais aussi les vies que nous menons actuellement ». Tel est le message d’alerte délivré par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), réunie du 17 au 24 mars à Medellin (Colombie), pour sa 6e session plénière*.

Les quatre rapports sont le résultat d’un travail colossal, réalisé par plus de 550 experts de 100 pays, à partir de plus de 10 000 publications scientifiques, mais aussi de sources diverses, ou encore de savoirs autochtones. Cette analyse est synthétisée dans un « résumé à l’intention des décideurs » d’une quarantaine de pages, négocié mot à mot et voté par les représentants des Etats membres. C’est similaire au fonctionnement du GIEC qui s’occupe du climat. Notons que la biodiversité et les contributions apportées par la nature sont le socle de notre alimentation, de notre eau pure et de notre énergie. Elles sont au cœur non seulement de notre survie, mais aussi de nos cultures, de nos identités et de notre joie de vivre. « On pourra juger restrictive cette approche, qui envisage la nature à l’aune des seuls services qu’elle rend à l’humanité, sans considérer que la survie des espèces animales et végétales est en elle-même précieuse », note avec justesse les journalistes du MONDE. Les quatre rapports confirment, même si l’expression n’est pas reprise, que la Terre est en train de subir sa sixième extinction de masse : les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années. N’y a-t-il donc aucun espoir ?

Nous laissons les commentateurs sur ce blog répondre à cette question, bon courage…

* LE MONDE du 24 mars 2018, Sur tous les continents, la nature et le bien-être humain sont en danger

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Il n’y aura bientôt plus que des humains sur Terre !

Les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS arrivent au même constat : les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse. Le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs) produit des indicateurs annuels sur l’abondance des espèces dans différents habitats (forêt, ville, campagne etc.). Les relevés effectués en milieu rural mettent en évidence une diminution des populations d’oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990. Les espèces spécialistes de ces milieux, comme l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan, ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Et les chiffres montrent que ce déclin s’est encore intensifié en 2016 et 2017… En 23 ans, toutes les espèces d’oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre : l’alouette perd plus d’un individu sur trois (-35%) ; avec huit individus disparus sur dix, les perdrix sont presque décimées. Ce déclin frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes – fréquentant prioritairement ce milieu -, que les espèces dites généralistes – retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non. Or d’après le STOC, les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale ; la diminution constatée est donc propre au milieu agricole, sans doute en lien avec l’effondrement des insectes. Le déclin des oiseaux en milieu agricole s’accélère et atteint un niveau proche de la catastrophe écologique.

En 2018, de nombreuses régions de plaines céréalières pourraient connaître un printemps silencieux (« Silent spring ») annoncé par l’écologue américaine Rachel Carson il y a 55 ans à propos du tristement célèbre DDT interdit en France depuis plus de 45 ans. Cette disparition massive observée à différentes échelles est concomitante à l’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009. Une période qui correspond entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate  permettant d’avoir du blé sur-protéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants. (Communiqué de presse du Muséum national d’Histoire naturelle– 20 mars 2018)

LE MONDE* reprend ce communiqué de presse et ajoute le constat de Frédéric Jiguet, professeur de biologie de la conservation au Muséum et coordinateur du réseau d’observation STOC : « Trois pays, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, ont mis en œuvre des politiques nationales volontaristes pour inverser cette tendance lourde, en aménageant à la marge le modèle agricole dominant. Aucun de ces trois pays n’est parvenu à inverser la tendance : pour obtenir un effet tangible, il faut changer les pratiques sur des surfaces considérables. Sinon, les effets sont imperceptibles. Ce n’est pas un problème d’agriculteurs, mais de modèle agricole : si on veut enrayer le déclin de la biodiversité dans les campagnes, il faut en changer, avec les agriculteurs. » Nicolas Hulot a du pain sur la planche, d’autant plus que le ministre de l’agriculture (Stéphane Travert) est inféodé au système agro-industriel de la FNSEA.

* LE MONDE du 21 mars 2018, Les oiseaux disparaissent des campagnes françaises à une « vitesse vertigineuse »

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Consommons de la viande, parole d’artisans-bouchers

Hugo Desnoyer (entrepreneur, boucher) : « Ainsi donc la boucherie de tradition française, serait coupable de multiples délits : favoriser le réchauffement climatique, promouvoir la surconsommation de viande, maltraiter les animaux, être complice de l’industrie alimentaire dans la propagation de la « malbouffe »… Autant le dire d’emblée : recevoir des leçons de ces ayatollahs fraîchement convertis à la religion anti-viande est insupportable. Comme si nous les avions attendus pour nous préoccuper de l’environnement, de la qualité de nos produits, du bien-être animal, de la préservation des écosystèmes ! Il faut comprendre notre colère. N’en déplaise aux indignés de la dernière heure, nous ne laisserons pas une profession d’exception se faire abîmer sans répondre. »* Déjà près de 200 commentaires sur lemonde.fr, en voici quelques exemples significatifs:

Annie Ballecteure : Merci infiniment pour ce morceau d’anthologie de lobbyisme larmoyant. Note spéciale au passage sur le « crève-coeur » de l’accompagnement à l’abattoir. J’attends avec impatience le cri d’indignation du pêcheur de thon rouge, l’engagement naturaliste du chasseur, la passion botanique du bûcheron, l’engouement territorial du routier.

PIERRE -MARIE MURAZ : Même si il y a parfois dans l’œil de l’éleveur l’affection de mon chat pour le canari, je les remercie pour leur travail depuis de siècles et envoie au diable les ayatollahs qui inspectent mon assiette .

GEORGES JONIAUX : « des ayatollahs de la religion anti-viande » pourquoi ayatollah? pourquoi pas prêtre, il y a de drôles d’associations dans les têtes parfois. Et pourquoi transformer un dégout en religion? Soyons raisonnables. Il est bien et courageux de dénoncer des maltraitances peu avouables et les dérives industrielles. Lisons Jocelyne Porcher, vivre avec les animaux. Un livre où ceux qui vont être mangés(veaux, vaches, cochons, couvés) sont pris en compte autant que ceux qui les élèvent.

Jaime Palroque : Ils sont venus, ils sont tous là: les bobos à trottinettes qui bouffent des graines, les écolos des centres urbains, les végans neurasthéniques, ceux qui savent ce qui est bon pour les autres… Bref, ils se tapent dans le dos et se congratulent, avec la douce assurance d’être les détenteurs de la vérité. C’est beau.

🙂 @ Jaime Palroque : Ils sont tous là, les beaufs, venus avec leur diesel après 2 pas et 3 verres de rouge, pestant contre les limitations de vitesse, bouffeurs de graisses animales …ceux qui se foutent de leur surpoids et de leur taux de cholestérol, mais ils AIMENT ..c’est beau d’aimer et surtout de s’aimer.

FRANÇOISE BARRET : J’assume mon statut d’animal au sommet de la pyramide alimentaire, et je mange de la viande : mais peu et bien élevée ; c’est un choix personnel. Et je ne veux recevoir de leçons de personne, pas même des nutritionnistes, car un repas n’est pas une ordonnance médicale.

Maurice @ FRANÇOISE: Vous êtes sur que vous êtes au sommet de la pyramide ? Au dessus de vous il y a les asticots, non ?

JEAN CLAUDE MEYER : Il y en a marre de ces ayatollahs en tous genres, contre la viande, contre les fumeurs, contre l’alcool, contre la vitesse. Que ces malades en quête de célébrité s’occupent de leurs fesses et cessent de ces politiques liberticides inacceptables.

Hugh @ JEAN CLAUDE: Marre de ces inconscients égoïstes pour les cigarettes, pour la vitesse, ….

Coco : Tant que les autorités considéreront qu’il est OBLIGATOIRE d’avoir des protéines animales à chaque repas dans les collectivités, il faudra bien des militants anti-viande pour rétablir un équilibre après de décennies d’élevage intensifs et de lobbying. Manger de la viande tous les jours n’est simplement pas viable pour la planète. C’est sur ce point qu’il faut se battre – sans remettre en cause pour ceux qui le souhaitent une pièce de viande de qualité de temps en temps

Schtroumpf : La consommation de viande est d’au moins 86 kg/personne et par an, carcasse comprise. Plus de 12 Millions d’animaux sont abattus annuellement en France dont 4,7 Millions de bovins et il faut 11 calories végétales pour produire 1 calorie de bœuf (bilan écologique?). Les bouchers de tradition française combien sont-ils, que représentent-ils face à la boucherie industrielle ?

GB : Il ne s’agit pas d’interdire la consommation de la viande, mais pour ceux qui en consomment trop, d’abaisser leur consommation : 50 g par personne et par jour suffisent à assurer les besoins de l’organisme sans trop perturber nos habitudes alimentaires.

Langage89 : Ce qu’il faut accepter c’est que l’homme est omnivore, comme la poule, le cochon et bien d’autres. Des vivants mangent d’autres vivants. C’est vieux comme la vie sur Terre. Les lionnes chassent l’antilope, c’est brutal et terriblement animal. Revenons à du raisonnable, acceptons cette brutalité qui fait partie de la vie, refusons la souffrance gratuite, sans renier notre appartenance au règne animal et à la chaîne alimentaire.

PHILIPPE FARET : Peut-être aurait-il été plus honnête de présenter Hugo Desnoyer autrement que comme un entrepreneur et boucher. Star des bouchers et bouchers des stars, aussi. Cela n’enlève presque rien à l’intérêt de ce texte léché. Quelque chose de vrai s’y dit du travail de l’éleveur, si on veut bien oublier le statut de l’auteur, artisan à succursales et homme d’affaire bon parleur.

André B. : Fini le monde du bouvier, du boucher, du pêcheur, du chasseur, du bûcheron, du routier. Bienvenue dans celui du conseiller en communication, du responsable associatif et du gogo qui entretient les précédents.

* LE MONDE du 4-5 mars 2018, « Recevoir des leçons des ayatollahs de la religion anti-viande est insupportable »

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regard : Jean Baptiste de Lamarck et l’espèce humaine

Voici ce que conjecturais Jean Baptiste de Lamarck (1744-1829) au sujet de l’espèce humaine dans «Philosophie zoologique » ; « Que cette race plus perfectionnée dans ses facultés étant venue par-là à bout de maîtriser les autres se sera emparé à la surface du globe de tous les lieux qui lui conviennent ; Qu’elle en aura chassé les autres races éminentes et dans le cas de leur disputer les biens de la Terre, et qu’elle les aura contraintes de se réfugier dans les lieux qu’elle n’occupe pas ; Que nuisant à la grande multiplication des races qui l’avoisinent par leurs rapports et les tenant reléguées dans les bois ou autres lieux déserts, elle aura arrêté les progrès du perfectionnement de leurs facultés, tandis qu’elle-même, maîtresse de se répandre partout, de se multiplier sans obstacle de la part des autres, et d’y vivre par troupe nombreuses se sera successivement créé des besoins nouveaux qui auront excité son industrie et graduellement ses moyens et ses facultés ; Qu’enfin cette race prééminente ayant acquis une suprématie absolue sur toutes les autres, elle sera parvenue à mettre entre elle et les animaux les plus perfectionnés une différence, et, en quelque sorte une distance considérable. Ainsi, la race de quadrumanes la plus perfectionnée aura pu devenir dominante ; changer ses habitudes par l’empire absolu qu’elle aura pris sur les autres… et borner les plus perfectionnées des autres races à l’état où elles sont parvenues; et amener entre elles et ces dernières des distinctions très remarquables. » (cité par Ivo Rens)

Les Entretiens sur l’écologie que nous propose Ivo Rens montre que l’écologie est ancienne et trouve ses sources tout à la fois dans une démarche scientifique rigoureuse et dans une attitude philosophique profonde prônant le respect, bien loin d’un utilitarisme de court terme. Le livre est organisé en 21 chapitres présentant, sous forme de questions-réponses et dans l’ordre chronologique des parutions, un auteur et l’une de ses œuvres, les raisons de ce choix et les débats qui ont entouré les questions traitées. Il est aussi difficile de résumer un ouvrage ainsi composé de chapitres indépendants que de choisir une de ses parties  pour l’illustrer. Toutes présentent un grand intérêt, que ce soit les textes fondateurs ou ceux plus récents touchant un problème précis comme celui consacré à l’œuvre de Bella et Roger Belbéoch sur Tchernobyl. Les questions proprement scientifiques, celles relevant de l’organisation de la société ou de nos rapports avec la nature y sont traitées à part égales. Les plus habitués aux lectures écologistes seront heureux d’y trouver les grands classiques que sont Georgescu-Roegen, Osborn, Jonas, Ramade ou Meadows (j’aurais volontiers ajouté James Lovelock ou Arne Næss), les plus savants d’y trouver Humboldt ou Vernardsky et bien sûr Darwin. Tous loueront Ivo Rens de s’ouvrir aux travaux plus récents et à la frontière de la philosophie comme ceux de Corine Pelluchon où se trouvent notamment évoquée la question de notre rapport aux animaux. Bref, un ouvrage de culture qui va au cœur du plus important des sujets, celui dont dépend l’avenir de ce qui vit sur notre planète. Puisse ne jamais se réaliser ce qu’exprime si terriblement le titre de l’un des chapitres : Printemps silencieux.

Auteurs et leurs ouvrages présentés dans ce livre : Jean Baptiste de Lamarck (Philosophie zoologique, 1809), Alexander Von Humboldt (Cosmos, 1845-1862), Charles Darwin (De l’origine des espèces, 1859), François Alphonse Fore (Le Léman, Monographie limnologique, 1892-1902) Vladimir Ivanovitch Vernardsky (La Biosphère, 1926), Robert Hainard (Et la nature ? Réflexion d’un peintre, 1943), Fairfield Osborn (La planète au pillage, 1948), Bertrand de Jouvenel (De l’économie politique à l’écologie politique, 1957), Rachel Carson (Printemps silencieux, 1962), Barry Commoner (Quelle science laisserons-nous à nos enfants ? 1966), Donnella et Denis Meadows (Rapport sur les limites à la croissances, 1972), Nicholas Georgescu-Roegen (La décroissance, 1971-1979), François Meyer (La surchauffe de la croissance, essai sur la dynamique de l’évolution, 1974), Philippe Lebreton (L’énergie c’est vous, 1974), Hans Jonas (Le principe de responsabilité, 1979), François Ramade (Les catastrophes écologistes, 1987), Bella et Roger Belbéoch (Tchernobyl, une catastrophe, 1993), Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé, quand l’impossible est certain, 2002), Jacques Grinevald (La Biosphère de l’anthropocène, 2007), Patrick Blandin (La biodiversité, l’avenir du vivant, 2010), Corinne Pelluchon (Les nourritures, philosophie du corps politique, 2015).

Didier Barthès : Entretiens sur l’écologie avec Ivo Rens

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350 loups, 67 millions de Français, le déséquilibre

Plan loup : le gouvernement vise une population de 500 canidés d’ici à 2023 contre 360 aujourd’hui (Le MONDE du 20 février 2018). Mais la viabilité génétique de la population ne serait atteinte que s’il y avait 2 500 et 5 000 individus adultes. Pourtant en 2018 quarante loups pourront être abattus. Cherchez l’erreur ! L’humain a rompu l’équilibre naturel entre le prédateur et sa proie par la domestication des brebis. A l’origine, les moutons sauvages pouvaient fuir en montagne – grâce à une meilleure force physique et des pattes plus longues – et se scinder en plusieurs groupes ; le loup capturait alors un individu, faible ou moins rapide. Aujourd’hui, l’homme a créé des animaux vulnérables, qui se regroupent en cas d’attaque. Comme il y a toujours des stimulus de plusieurs brebis en mouvement, le prédateur reste enclenché sur le comportement hérité génétiquement de « tuer » et non pas celui de « disséquer et consommer ». Nous sommes responsables de la disparition historique des loups, nous sommes responsables désormais de leur protection en milieu artificialisé. Mais comme d’habitude le plan gouvernemental ne satisfait ni les éleveurs ni les associations environnementales. De notre côté nous préférons donner la parole aux loups, ce que nous faisions déjà en 2012 :

Nous les loups, nous ne pouvons pas saquer les bergers. Sans nous, ils se croyaient en vacances en haute montage. Mais pour nous la montagne, sans les bergers, c’était le paradis ! Ils font de l’élevage pour la viande, un ranching avec des troupeaux de plus en plus importants tout en économisant la main d’œuvre. Optique de courte vue, productiviste. En plus, de quoi se plaignent ces éleveurs : ils sont indemnisés pour chaque bête que nous égorgeons. Nous soupçonnons les bergers de hurler au loup simplement pour accroître leurs émoluments. Nous en avons marre d’être pourchassés alors que nous ne faisons que vivre notre existence de loup. Notre vie devient impossible, même José Bové a demandé de nous tirer comme des lapins. La préfecture vient d’autoriser « un tir de prélèvement » ; mais c’est d’un abattage qu’il faudrait parler, d’un assassinat. Des loups seront définitivement séparés de leur conjoint par la faute de la brutalité des chasseurs. Au nom de quoi faudrait-il préférer les brebis au loup ?

Quand on voit ces alpages où l’herbe n’est plus qu’un paillasson parce qu’il y a trop de moutons, nous sommes exaspérés. Regardez bien comment l’homme a défiguré la montagne par le surpâturage, par la disparition de la flore alpine du fait des dents du mouton. Une brebis peut être remplacée rapidement, une montagne mise à mal par l’excès d’ovins a besoin de deux ou trois décennies pour se reconstituer. Nous les loups, nous sommes donc utiles pour réguler la pression des herbivores sur les alpages. Avec vos troupeaux de milliers de têtes dans le Mercantour, trop, c’est trop : nous ne sommes pas encore assez ! Vous avez pourtant tenté de nous éradiquer. Nous avions disparu depuis soixante ans, nous ne revenons dans le Mercantour que depuis 1992. Nous ne sommes que 200 à 250 loups dans l’hexagone, seulement 30 à 40 dans les Alpes-maritime*. Combien d’humains compte la France ? Plus de 60 millions… et vous nous accusez d’être trop nombreux ?

Notre ami Hugues Stoeckel a bien décrit notre supériorité sur les humains : « Le loup limite sa reproduction au seul couple dominant de la meute pour ajuster ses effectifs aux ressources disponibles. Quand les proies se font rares, la meute reste parfois deux ou trois ans sans mises bas. Ce comportement est d’autant plus admirable que le loup, bien qu’intelligent, ne dispose pas de cet outil prospectif unique au monde qu’est le néocortex humain. Un outil en l’occurrence totalement déficient : l’espèce humaine s’avère incapable d’accepter, ni même de discerner une limite à sa propre prolifération. Et ce, bien qu’elle subisse déjà les premiers effets de l’effondrement énergétique. » Il vous faudra suivre notre exemple et maîtriser votre surpopulation. Suivez l’enseignement de notre philosophie, l’écologie profonde : « L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. »

Nous, les loups, nous vous faisons remarquer en conclusion que, par la faute principale des humains, un cinquième des invertébrés de la planète est menacé d’extinction**. Ce ne sont pas les loups qui sont trop nombreux, ce sont bien les humains et leurs moutons. On vous prévient, ça va mal finir.

* LE MONDE du 2-3 septembre 2012, Face aux loups, des éleveurs exaspérés

** LE MONDE du 2-3 septembre 2012, de la coccinelle à l’éponge, un invertébré sur cinq est guetté par l’extinction

article d’origine : Face aux éleveurs, des loups exaspérés

lire aussi : de l’homme au loup, une trop troublante similitude

350 loups, 67 millions de Français, le déséquilibre Lire la suite »

REV, un nouveau parti ecolo, un de plus

Je vous invite à lire le manifeste du REV : Rassemblement des écologiste pour le vivant. La version longue datée du 8 février 2018 est accessible sur ce site : http://rev-parti.fr/le-rev-un-nouveau-parti-ecologiste-au-service-du-vivant/.
La formule « au service du vivant » m’a plu, un peu d’écologisme profond me paraissant salutaire face à l’inconscience de nos dirigeants. Il comporte cependant un passage auquel je ne peux adhérer. Le principal défaut de ce manifeste est qu’il ignore l’écologie des écologues. Ses auteur-e-s se mettent au service des animaux plutôt qu’au service du vivant. Surfant sur la mode du véganisme, le texte réclame « une transition agricole vers un modèle entièrement végétal. » Le spécisme pro-animaux (formule boiteuse j’en conviens puisqu’il y a beaucoup d’espèces d’animaux) n’est pas tellement meilleur que le spécisme pro-humain. Il résulte à mon humble avis de la vie en ville de ses partisan-e-s et d’une méconnaissance des mécanismes de la souffrance dans l’ensemble du vivant, de la cellule à l’être humain. Ami-e-s végan-e-s ne vous moquez pas du cri de la carotte. Les végétaux communiquent à un rythme différent, avec une échelle de temps différente de la nôtre et effectivement ne crient pas, ça ne les empêche pas de souffrir, de montrer de l’entraide et de la solidarité. Depuis fort longtemps, tout être vivant dépend de la mort d’autres êtres vivants mais aussi de la coopération d’autres êtres vivants. Ce sont les écosystèmes qu’il faut chérir, et même pourquoi pas vénérer, parce qu’ils sont le berceau de toute vie, pas les animaux. La disparition en cours des insectes va fournir hélas la démonstration effrayante des dégâts que peut faire une agriculture menée par des humains uniquement préoccupés de faire pousser des végétaux.
La vision idyllique de petites clairières de cultures « entièrement végétales » disséminées au sein d’écosystèmes intacts est certes viable (à conditions d’avoir de solides clôtures !) mais pas avec la population du XXIe siècle, il s’en faut de beaucoup. En attendant, il nous faut défendre la polyculture et (au moins nous serons d’accord sur ce point) il faut une transition rapide vers l’abandon de l’élevage industriel. Alors, ensemble au service du vivant, de tout le vivant ?
Ghislain Nicaise
http://www.lesauvage.org/2018/02/le-rev-des-citadins/

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Tuerie de poissons, pathocentrisme, biocentrisme, etc

En  1497, longeant les côtes de Terre-Neuve, le navigateur vénitien Giovanni Caboto signala dans son journal que les morues étaient si nombreuses qu’elles bloquaient son vaisseau. Cinq siècles plus tard, pour cause de surpêche, 90  % des morues, ou cabillauds, ont disparu. Le massacre des animaux marins, dont l’habitat couvre 71  % de notre planète, est inouï. Si, chaque année, nous tuons 64  milliards de vertébrés terrestres pour les manger, nous exterminons entre 970 et 2 740  milliards de vertébrés marins. Et cette estimation ne tient pas compte des poissons que les pêcheurs rejettent à la mer, ils représenteraient entre 10  % et 40  % du tonnage. Le pire du pire est que nous nous en fichons. Nous n’éprouvons aucune empathie à l’égard de ces créatures si peu anthropomorphes, dont nous n’entendons pas les cris de détresse. Pourtant, même s’ils sont dépourvus de néocortex, les poissons ressentent la douleur. La plupart sont des animaux sociaux qui aiment jouer, communiquer… L’article* du journaliste Frédéric Joignot conclut : La vraie question concernant les animaux n’est pas  » peuvent-ils raisonner ?  » ou  » peuvent-ils parler ? « , mais  » peuvent-ils souffrir ? Cela pose la question éthique : dès qu’un être vivant souffre, nous, les humains, devrions ne pas le permettre.

Ce pathocentrisme, très répandu même chez les antispécistes, est restrictif. Il relève d’un anthropocentrisme indigné par la souffrance animale. L’essentiel est au-delà. D’après la revue Science, la totalité des grandes espèces auront disparu en  2050. La question n’est plus d’épargner ou aménager la mort de ceux qui peuvent souffrir. La question de fond devient : A-t-on le droit d’éradiquer une espèce animale ou végétale ? Pourquoi ne pas considérer l’épanouissement d’un arbre comme bon en lui-même, indépendamment de l’usage que peuvent en faire l’espèce humaine ? Le philosophe américain Paul Taylor soutient que toute chose vivante « poursuit son propre bien à sa propre manière, unique ». Une fois que nous saisissons cela, nous pouvons considérer toutes les choses vivantes comme nous-mêmes et, de ce fait, « nous sommes prêts à attribuer la même valeur à leur existence qu’à la nôtre ». En d’autres termes, Paul Taylor considère que tout être vivant est un centre-téléologique-de-vie. Il s’agit d’un biocentrisme. La défense la plus vivante d’une éthique étendant ses limites à tous les êtres vivants a été formulée par Albert Schweitzer : « La vraie philosophie doit avoir comme point de départ la conviction la plus immédiate de la conscience, à savoir Je suis une vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre. L’éthique consiste donc à me faire éprouver par moi-même la nécessité d’apporter le même respect de la vie à tout le vouloir-vivre qui m’entoure autant qu’au mien. C’est là le principe fondamental de la morale qui doit s’imposer nécessairement à la pensée. Un homme réellement moral n’arrache pas étourdiment des feuilles aux arbres ni des fleurs à leur tige, il fait attention à ne pas écraser inutilement des insectes et n’endommage pas les cristaux de glace qui miroitent au soleil. »

Pour Virginie Maris, le biocentrisme  comme le pathocentrisme, s’ils remettent en cause l’anthropocentrisme, restent cependant tributaires d’une approche individualiste de la considérabilité morale. Or la protection de la biodiversité s’intéresse surtout à des entités supra-individuelles, comme les espèces ou les écosystèmes. Le bien de l’espèce ne coïncide pas nécessairement avec celui des individus qui la composent et ne se réduit pas à la somme des biens individuels. Le fait d’être affectés par une maladie, par exemple, est néfaste pour les organismes malades, mais peut profiter à l’espèce dans son ensemble, en permettant la sélection des génotypes les plus résistants. Les tenants de l’écocentrisme, comme Homes Rolston III ou J.Baird Callicott, invitent à prendre en compte dans la délibération morale ces entités globales. Elles ont, comme les êtres vivants, un bien propre qu’il est possible de promouvoir ou d’entraver par nos actions, et qui devrait donc nous imposer certaines obligations morales. En tant qu’espèce homo sapiens, nous sommes de nouveaux arrivants, pénétrant dans une demeure qui a été le lieu d’habitation des autres pendant des centaines de millions d’années, une demeure que nous devons apprendre à partager avec les autres habitants. Mais revenons sur terre. Pêcher plus de poissons que ce que permet leur taux de reproduction, c’est se tirer une balle dans la tête aux yeux des générations futures.

* LE MONDE idées du 20 janvier 2018, Les poissons suppliciés en silence

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Qui a dit : « je rejette l’espèce humaine… » ?

Extraits : « Je me rappelle avoir demandé un jour à papa, qui m’accompagnait à l’école : « Pourquoi je vis ? » Il a répondu : « Pour faire mon bonheur ! » J’avais 10 ans, mais la question m’a hantée toute ma vie. Qui suis-je ? Quel est le sens de ma vie ? Ce sont les animaux qui m’ont sauvée. A 38 ans, j’ai tout quitté pour les animaux. C’est la plus belle décision de ma vie. Je me sens animale. Et je rejette l’espèce humaine. Elle m’a toujours fait peur. C’est une espèce arrogante et sanguinaire. Adieu le cinéma. Ce n’est que superficialité et frivolité. Tout y est faux. Avec les animaux tout a changé. Eux ne m’ont jamais déçue. Ils ne possèdent rien d’autre que leur vie et être à leur contact oblige à se concentrer sur l’essentiel : l’amour. Ils m’ont soudain donné un but. J’étais là pour les défendre et pas pour aller me bronzer sur un yacht ou une plage des Seychelles avec un milliardaire. Mes animaux me voient vieille, et ça ne les gêne pas !

La cause animale est une cause humaniste. Évidemment ! Sur Terre, il y a des êtres animaux et des êtres humains. Le mot « être » vaut pour les deux espèces. Et les premiers méritent respect et compassion de la part des seconds. Ils ont une autre manière d’exprimer leur intelligence ou leur souffrance, mais ils sont aussi légitimes que les seconds. Au nom de quoi les humains, qui continuent de proliférer en se prenant pour Dieu, s’arrogeraient-ils le droit de vie ou de mort sur les autres ? Le droit d’en faire leurs esclaves ou de les jeter comme des Kleenex ? Moi je place l’animal au même rang qu’un enfant, sans défense, sans paroles. Les secourir devrait être un devoir. Les martyriser est une abomination. Les chasseurs sont des lâches ! Je les déteste. Je veux qu’on interdise la chasse à courre, ce plaisir sadique pratiqué par des idiots friqués et une aristocratie décadente ! Hélas, les politiques ont un fichier d’électeurs à la place du cœur.« 

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France Gall est morte, les grands singes vont mourir

Quand une société consacre un hommage national à Johnny ou pleure aux heures de grande écoute sur la mort de France Gall, il n’y a plus de place pour l’extermination de nos cousins les plus proches. Yann Wehrling, dans une tribune du MONDE*, essaye quand même : « Les grands singes ont 99 % des gènes en commun avec les humains. Pourtant la disparition totale à l’état sauvage de tous les gorilles, chimpanzés, bonobos et orangs-outans est prévue pour 2050. 7 millions d’années d’évolutions communes avec nous, ce sont « les nôtres » que nous éradiquons de la surface du globe. En avons-nous le droit ? Non ! Que faire ? Le premier acte, c’est doter symboliquement les grands singes d’un statut particulier d’« hominidés ». Aucun grand singe ne pourrait plus ainsi être tué, torturer, ni même privé de liberté… Créons un fonds d’urgence qui puissent recueillir les dons de centaines de milliers de personnes dans le monde. »

Cette supplique adressée à Nicolas Hulot témoigne de bonnes intentions. Chaque initiative qui va dans le sens de la protection de la biodiversité est bonne à prendre. Mais ne soyons pas naïfs. Élaborer une loi résulte des priorités que se donne une société, et la place des grands singes se situe tout en dessous des dossiers en cours, ou inexistente. Macron verse une larme sur France Gall, les grands singes, ils sont trop loin. De toute façon, doter les singes d’un statut d’« hominidés » n’est pas un avantage en soi. Les humains se donnent un statut privilégié, « tu ne tueras point, etc. », et cela ne les empêchent nullement de s’entre-tuer, et torturer ou pourchasser… même des compatriotes. C’est notre surnombre qui éradique les conditions de survie des grands singes et de tant d’autres espèces. La solution première est d’être moins nombreux, sinon un statut honorifique, même s’il advenait, n’empêcherait pas l’extinction des espèces de « proximité génétique ». D’ailleurs pourquoi s’attacher aux seuls grands singes ? Parce que, dit Yann Wehrling , « C’est la même famille, celle des hominidés ». Or sauver des insectes, des amphibiens ou des forêts a autant de sens, bien qu’ils soient plus éloignés que nous sur l’arbre phylogénétique. Nous sommes tous de la même famille, descendant d’acides aminés et d’unicellulaires. L’arbre généalogique des humains n’a pas commencé il y a quelque 7 millions d’années, mais avec l’apparition de la vie sur Terre. S’attacher aux grands singes ne nous dit rien de notre relation complexe avec les écosystèmes et toutes leurs composantes. La biodiversité forme un tout, indissociable. Privilégier les grands singes semble être, pour un écologiste, une erreur stratégique.

Quant à l’argent qui, selon Yann Wehrling, va affluer dans un « fonds d’urgence », je ne peux que rappeler le tout premier article de ce blog biosphere il y a treize ans : solidarité avec les bonobos. D’un côté le tsunami du 26 décembre 2004 pourrait faire aujourd’hui 150 000 victimes humaines, de l’autre côté chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D’un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d’humains, de l’autre l’activité de ces mêmes humains élimine leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D’un côté les aides publiques d’urgence en faveur de l’Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l’autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l’irrésistible baisse des populations de primates. L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète… (13 janvier 2005)

* LE MONDE du 7-8 janvier 2018, « Pour sauver les grands singes, il faut les doter d’un statut particulier d’hominidés »

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Le tabou de la contraception en France et en Afrique

« Elle veut tuer nos enfants et anéantir la population africaine ! Elle est de mèche avec les Occidentaux ! » Imperméable aux critiques, La Sénégalo-Mauritanienne Fatimata Sy poursuit son objectif : donner aux femmes le droit de choisir « combien d’enfants elles souhaitent avoir et quand ». Elle dirige depuis 2012 le Partenariat de Ouagadougou, un programme de planification familiale lancé en 2011 dans neuf pays d’Afrique francophone pour permettre aux femmes d’accéder aux méthodes modernes de contraception.* « Les maris ont-ils songé que, désormais, c’est la femme qui détiendra le pouvoir absolu d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants en absorbant la pilule, même à leur insu ? Les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilité féconde et les femmes ne seront plus qu’un objet de volupté stérile. » Ainsi s’exprimait en 1967 le député Jean Coumaros lors de la discussion de la loi Neuwirth autorisant la pilule contraceptive en France**. Les mentalités françaises et africaines peuvent se ressembler étrangement à quelques années près ; féminité et maternité sont trop souvent liées.

Ce n’est pas un hasard si Fatimata Sy milite pour le planning familial. « Chaque Africain connaît au moins une femme dans son entourage qui est morte en couches à cause des grossesses rapprochées. Moi, c’étaient ma tante et ma cousine. »* En 1967 en France, l’avortement clandestin était pratiqué par 300 000 femmes chaque année au prix de quelques morts non désirées. Mais Fatimata Sy ne parle pas d’IVG, seulement de contraception. Le sujet de l’avortement est encore trop brûlant en Afrique. Et l’Interruption Volontaire de Grossesse n’est autorisé légalement en France que depuis 1975. La maîtrise de la fécondité reste encore un gros tabou dans la plupart des pays et des mentalités. La décision prise par Donald Trump de couper le financement du planning familial fait trembler les malthusiens… et le reste d’un monde surpeuplé ! Et si on est partisan de la biodiversité, il en va aussi de la survie de la faune sauvage.

Le rejet de la maîtrise de la fécondité n’est en effet plus de mise quand il s’agit d’abattre un dixième de la population lupine en France. A titre de dérogation au statut de protection de l’espèce, le plafond de loups pouvant être « détruits » a été fixé à 40 pour la période juillet 2017-juin 2018. Il n’y avait pourtant en mai dernier que 360 spécimens en France et une population viable de loups devrait atteindre 500***. Notons que l’espèce humaine a naturellement le même statut dans la chaîne alimentaire que le loup. Ce sont des prédateurs qui dépendent du nombre d’herbivores à leur disposition. Pour un partage équitable des troupeaux de moutons, ces deux populations devraient donc être en nombre équivalent, ce qui est très loin d’être le cas. Ce ne sont pas les éleveurs qui devraient se plaindre de la concurrence des loups, ce sont les loups qui devraient se plaindre du nombre de Français…

* LE MONDE du 21 décembre 2017, Le combat de « Mama Partenariat » pour le planning familial en Afrique

** LE MONDE du 20 décembre 2017, En 1967, la crainte d’une « flambée d’érotisme »

*** LE MONDE du 20 décembre 2017, Plan loup, un exercice d’équilibriste

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Le Gange bientôt en capacité de juger ses pollueurs

A l’égal du fleuve Whanganui, un tribunal dans le nord de l’Inde a ordonné que le Gange et la Yamuna, un de ses affluents, soient reconnus comme des « entités vivantes ayant le statut de personne morale » avec les droits correspondants. Ces deux cours d’eau sacrés de l’hindouisme sont asphyxiés par les rejets des industries textiles et des égouts. L’espoir est que des groupes de citoyens saisissent la justice et bataillent pour obliger le gouvernement à protéger ces nouveaux « sujets de droit » contre les atteintes humaines. Un écosystème possède, comme les fleuves et les humains, « le droit d’exister et de maintenir ses cycles vitaux ». Il nous faudrait désormais respecter la « loi sauvage », c’est-à-dire que la loi humaine doit s’accorder avec la « jurisprudence terrestre », plus vaste, qui exige la survie de tous les êtres vivants sur le long terme, au cœur d’écosystèmes résilients. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr :

le sceptique : Je suis toujours amusé de ces démarches qui prétendent échapper à « l’anthropocentrisme » alors qu’elles en sont une expression. La rivière ne pense pas, ne juge pas, ne ressent pas, elle est. Des humains autour d’elle peuvent lui attribuer ou non des statuts, en accepter ou non des usages, mais cela reste toujours des choix humains. Et puis creusons un peu, les indigènes ne négocient aucun bénéfice monétaire ni aucun usage particulier dans ces démarches ? Allons donc.

MICHEL SOURROUILLE @ le sceptique : Il y a déjà les « droits » des riverains à un cours d’eau non pollué. Ce qui ne pèse pas dans la balance, c’est le dommage subi par le cours d’eau, ses poissons et toutes ses formes de vie. Tant que l’environnement lui-même est dépourvu de droits, ces questions ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal. S’il revient moins cher au pollueur de verser une amende plutôt que d’opérer les changements techniques nécessaires, il pourra préférer payer les dommages-intérêts et continuer à polluer.

Nous prenons chaque jour des décisions pour le compte d’autrui et dans ce qui est censé être son intérêt ; or autrui est bien souvent une créature dont les souhaits sont bien moins vérifiables que ceux des rivières ou des arbres. »

Ulysse : C’est marrant parce que l’on revient aux concept des vieux peuples, esquimaux, aborigènes…qui leur ont permis de vivre en harmonie avec leur environnement pendant des siècles.

Sergio : Marrant je sais pas; plutôt navrant d’en être arrivés à un tel point, qu’il nous faille envisager désormais de reconnaître des droits à des écosystèmes pour nous contraindre nous-même à respecter ceux-ci. Notre civilisation est à ce point marquée du sceau de l’écrit et de l’anthropocentrisme, que nous avons besoin de textes pour nous contraindre à respecter notre environnement comme s’il était un être humain. Comme s’il nous fallait des lois pour nous contraindre à respirer et à nous nourrir.

le sceptique : On peut aussi voir l’histoire humaine comme une compétition de systèmes socio-techniques. Vivre en harmonie avec l’environnement n’est pas une garantie suffisante pour préserver une société, il faut que le modèle ne soit pas bousculé ou marginalisé par un autre qui procure davantage de bénéfices aux sociétaires.

Jean-Claude TIREX : Il faut préserver certains écosystèmes utiles à l’homme, bien sûr. Mais la nature, « dépourvue de bonté comme de malice » (d’Holbach) n’a ni volonté ni intention, et n’est en rien une personne, et il en est de même des écosystèmes. Ces approches ne sont que des impasses.

MICHEL SOURROUILLE @ JC TIREX : Bien sûr, pour convaincre un tribunal de considérer une rivière menacée comme une « personne », il sera besoin d’avocats aussi imaginatifs que ceux qui ont convaincu la Cour suprême qu’une société ferroviaire était une « personne » au sens du quatorzième amendement (qui garantit la citoyenneté à toute personne née aux Etats-Unis).

* LE MONDE idées du 27 novembre 2017, Le Gange juge ses pollueurs

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La difficile empathie/compassion pour les insectes

« Compassion pour le charançon ! » Vers une nouvelle philosophie de l’insecte »… Thierry Hoquet ne répond en rien au titre de sa tribune dans LE MONDE*. Il commence de façon intéressante par écrire «  L’empathie pour les insectes est un art difficile ».  Il enfile ensuite les références comme des perles, Rachel Carson, les insectes en danger, criminaliser les néonicotinoïdes, l’abeille en voie de raréfaction, l’histoire du scarabée pique-pruneIl se contente enfin de réciter : « Du fond des bois, j’entends de nouveaux Stones entonner un hymne nouveau : Empathy for the Weevil !  (Compassion pour le charançon) ». Un commentateur perspicace, Le Sceptique, résume sur lemonde.fr ce qu’on peut en penser :

« L’empathie pour les insectes est un art difficile », commence l’auteur. Mais sa tribune est vide de cette empathie. Ses arguments survolent quelques débats de société. Rien ne nous parle de son expérience auprès des insectes, de la manière dont il aurait lui-même vécu, éprouvé cette empathie qu’il s’agirait de nous faire partager (ou de nous imposer). Il fait un jeu de mot sur « charançon » pour référer à la culture pop de son milieu social, mais a-t-il échangé un peu de la vie des charançons ? Un philosophe est censé nous aider à mieux articuler les concepts, mais cette tribune désordonnée et littéraire n’y aide guère. On saute d’un cliché ou d’une généralité à l’autre, sans précision factuelle dans le diagnostic et avec moult effets de rhétorique (« éternel frimaire… » ?), sans exposer par quoi l’humain pourrait justifier une décision en fonction de l’insecte (ou d’un état du vivant). Toute cause est défendable, mais mieux sa défense est argumentée et meilleur sera le débat. Par exemple : devons-nous défendre l’existence de toute espèce et de tout habitat même aux dépens des représentants de la nôtre? Si non, quels critères de choix pour nos actions, quelles implications de ces critères? La biodiversité (laquelle au juste) est-elle défendable car bonne en soi ? Utile ? Nécessaire ? Jolie ? Qui est fondé à répondre à ces questions et d’où parle celui qui répond ? En cas de vision divergente, qui décide en dernier ressort et par quelle légitimité ? Etc.

Sur ce blog biosphere, nous avons déjà plusieurs fois de la compassion pour les animaux, le journal intime de l’ornithorynque, l’expérience (ratée) de Charles Foster… et Thierry Hoquet aurait pu s’intéresser à nos relations philosophiques avec les moustiques !

* LE MONDE du 25 novembre 2017, « Compassion pour le charançon ! » Vers une nouvelle philosophie de l’insecte

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Charles Foster voulait être dans la peau d’une bête

« Qu’est-ce qu’un animal ? C’est une conversation ininterrompue avec la terre dont il provient. qu’est-ce qu’un humain ? C’est une conversation ininterrompue avec la terre dont il provient, mais plus guindée, plus bégayante que celle des animaux sauvages. J’ai beaucoup plus en commun avec un renard qu’avec un intégriste. Chaque être vivant crée à l’intérieur de son cerveau un monde bien à lui et vit dans ce monde-là. Nous sommes entourés de millions de mondes différents. Les explorer, c’est relever un défi neuroscientifique et littéraire palpitant. Ce livre* est une tentative de voir le monde à hauteur de renards, de blaireau, de loutres, de martinets et de cerfs. J’ai passé une bonne partie de ma vie à essayer de tuer des cerfs, j’avais ma rubrique mensuelle dans The Shooting Times. J’en ai tiré une insensibilité qui a mis longtemps à s’estomper. J’ai déposé mon fusil et me suis mis au tofu. Un des chapitres est une autre sorte de chasse : une tentative de s’immiscer dans la tête de l’animal plutôt que de lui loger une balle en plein cœur à deux cents mètres. Je veux savoir quel effet ça fait d’être un animal sauvage. Dans presque tous les livres consacrés à la perception animale, on trouve cette phrase du philosophe Thomas Nagel : « Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? » La citation est ironique, car Nagel entendait mettre en évidence les problèmes insurmontables que pose l’écriture d’un livre prétendument traiter de la conscience d’une créature non humaine. Ma méthode consiste à m’approcher de la frontière entre l’animal et moi aussi près que possible et à utiliser tout instrument à ma portée pour jeter un coup d’œil de l’autre côté.

L’observateur ordinaire ne s’intéresse pas à la question vertigineuse d’Anaximandre : « Que voit un faucon ? » Avec la cognition (pas seulement avec la puissance brute de traitement de l’information) vient la théorie de l’esprit, la faculté de se mettre à la place des autres. Il n’y a aucun raison de limiter la théorie de l’esprit à l’aptitude à se mettre à la place d’autrui ; cette capacité peut aussi bien concerner nos cousins à pattes, nageoires ou ailes. Ceux qui écrivent sur la nature commettent deux péchés : celui anthropocentrisme et celui anthropomorphisme. Je me suis efforcé d’éviter ces deux écueils et j’ai bien entendu échoué. J’avais espéré un livre dans lequel il n’y ait rien de moi ou presque. Espoir naïf. Mon livres s’est révélé parler à l’excès de mon propre ré-ensauvagement, de la reconnaissance de mon côté sauvage auparavant ignoré, et des pleurs versés sur sa perte. Mais si nous renonçons à comprendre ma nature, nous devenons de minables constructeurs de rocades, des tourmenteurs de blaireaux, ou des citadins renfermés sur eux-mêmes. »

En fait Charles Foster, l’auteur de ces phrases, a écrit un livre sur son impossibilité d’entrer dans la peau d’une bête ! Voici quelques-unes de ses conclusions : « Devenir un martinet ? Autant essayer de devenir Dieu… L’intimité avec des martinets à trois ou quatre kilomètres est plus grande que celle que je peux connaître avec des animaux de n’importe quelle espèce parce que je sais ne pas pouvoir me rapprocher d’eux par quelque moyen que ce soit… Je ne suis pas parvenu à me rapprocher des cerfs, ni dans l’Exmoor, ni en Écosse. J’aurais été plus proche d’eux en dormant entre deux cartons sous une porte cochère. » Dommage, nous avons montré sur ce blog la possibilité humaine de l’empathie qui permet de parler comme un lynx ou un requin !

* « Dans la peau d’une bête (Quand un homme tente extraordinaire expérience de la vie animale) » de Charles Foster

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Baptiste Morizot, philosophe des sentes animales

Les bibliothèques l’étouffaient, alors il est parti sur la piste des ours et des loups. Et c’est sur les sentes animale que Baptiste Morizot a repensé notre rapport au vivant. Quelques extraits de sa pensée :

« Alors que l’animal sauvage n’appartient à personne, en devenant domestique il devient un bien, propriété des humains. Cette transformation sonne la fin des liens de réciprocité entre les humains et le vivant autour d’eux.

Les colons, qui revendiquaient un rapport de production à l’égard de la nature, ont justifié la destruction des Indiens par cet argument simple : ces derniers, en tant que sauvages, partageaient avec les loups un rapport « prédateur » à la nature. Ils étaient incapables de faire fructifier le territoire et d’accomplir le prétendu destin de la nature, qui est d’être exploitée. Toute terre qui n’est pas productive est considérée comme une terre sauvage, peuplée par des sauvages.

Le sauvage, animal ou homme, c’est celui qui ne veut pas travailler, celui qui refuse d’être productif. Mais est-ce si déraisonnable ? Le sauvage est la part la plus pure, la plus originelle, la plus libre du vivant. Le mot sauvage est hérité d’une mythologie inventée par les Occidentaux pour légitimer leur emprise sur le vivant.

Finalement, si on sanctuarise assez d’espaces, on gagne le droit d’exploiter sans frein tout le reste.

Selon l’agroécologie ou la permaculture, il n’y a spa de durabilité plus grande que lorsqu’on s’inspire des écosystèmes, et donc du sauvage, lorsqu’on écoute leurs rythmes et qu’on fait une place à la biodiversité. Dès lors nous dialoguons avec ce vivant « par lui-même ». Bref, c’est de la diplomatie, non ?

Le chemin de randonnée relaie des points de vue, le long d’un chemin balisé, sans que vous ayez à vous orienter par vous-même. Il est construit sur le modèle du déplacement dans un musée, de tableau en tableau, selon des parcours fléchés. »

Un numéro sauvage, Télérama du 5 au 18 août 2017

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Une autre façon d’envisager la solution finale

Ce n’est pas la guerre, mais ça y ressemble bougrement, 2 200 000 hommes en armes. Même allure, treillis, casquettes Bigeard, carabines à répétition. Même déploiement, sur chaque chemin de terre passent des uniformes. Rien ne peut passer entre les mailles du filet. Les montagnes se renvoient l’écho des déflagrations. Depuis quelques semaines, la chasse est ouverte (le 8 septembre dans le midi, fin septembre dans le Nord). La chasse en France est élevée à la hauteur d’un culte, d’une religion. Il n’y a jamais eu aussi peu de gibier. Jamais il n’y a eu autant de chasseurs. Aux temps préhistoriques, les animaux surabondaient et menaçaient l’homme qui devait se terrer (20 000 individus se partageaient le territoire de la France au néolithique). Aujourd’hui, ce sont les animaux qui vivent dans la terreur, menacés dans leur vie, menacés de disparition. Le gibier a du mal à réchapper à l’encerclement. Chaque chasseur ne dispose en moyenne que d’une vingtaine d’hectares chassables alors que l’Allemand en a 140 et le Hongrois 310.

On tire aux alentours de 400 millions de cartouche par an, soit une moyenne de 200 par fusil. Indestructibles, elles sont en plastique, on aime l’odeur de la poudre chez nous. Pas maladroit non plus, le chasseur français : 80 millions d’animaux tués chaque année. Dans ce fabuleux tableau, 25 873 000 grives, 13 261 000 lapins, 7 millions de faisans, 1 497 000 canards, 1 393 000 bécassines, 58 500 chevreuils, 37 000 sangliers… Tous les spécialistes s’accordent pour dire qu’après avoir massacré le fonds (le capital de base), on s’est attaqué aux intérêts. C’est-à-dire que la faune indigène ne peut se reconstituer au rythme actuel de prélèvement. La demande dépasse l’offre. La pression est trop forte pour une faune aussi persécutée. Soyons honnête, il n’y a pas que la chasse qui est responsable. Le remembrement, l’arasement des haies, l’emploi massif des pesticides, la prolifération des routes, la monoculture ont tué à tout jamais cette faune extrêmement riche et diverse de nos campagnes bocagères. Ils ne sont pas rares les chasseurs qui affirment qu’ils sont trop nombreux, que la pression cynégétique est catastrophique. Mais en haut lieu on ne fait pas grand-chose pour freiner le phénomène.

On entend par repeuplement ces lâchers de gibier que toutes les sociétés de chasse effectuent désormais avant l’ouverture. Plus la situation s’aggrave, plus on relâche. Plus la faune est décimée, plus les éleveurs de gibier se frottent les mains. Ils n’ont jamais été aussi nombreux et leur commerce aussi florissant. Des bébêtes incapables de différencier un grain de blé d’un grain de maïs, élevées en batterie, aux granulés. Bien évidemment ces animaux, qui ne peuvent ni courir, ni voler, sont la proie des rapaces, des chiens et des chats. C’est pourquoi on préfère lâcher les volatiles les jours de chasse. Elle est bien morte la chasse sympathique du petit paysan. Ce sont les cadres moyens qui fournissent les plus gros contingents de chasseurs. Chez les cadres supérieurs, les industriels, on ne regarde pas à la dépense. Les prix des actions de chasse monte de 5000 à 40 000 francs manuellement, les palombières du pays basque s’adjugent jusqu’à 80 000 francs…

extratis du périodique le Sauvage, octobre 1978, « la solution finale », un article de Bernard Groslier

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Le véganisme est-il contre les animaux domestiques ?

Nous avions lu avec intérêt le livre de Jocelyne Porcher « Une vie de cochons » (écrit avec Tribondeau) : « Tous ces bâtiments de porcheries, on dirait que c’est construit pour se protéger de la nature, pour faire comme si elle n’existait pas, comme s’il n’y avait pas d’air, pas de plantes, pas de soleil. Mais dans les bâtiments, les gens se battent tout le temps contre les microbes. Il y a un grand panneau « Interdiction d’entrer – défense sanitaire », mais cela n’arrête pas les microbes… » Elle a côtoyé la souffrance – celle des animaux comme celle des hommes – qui règne dans les élevages industriels. Mais pour Jocelyne Porcher, « arrêter de manger de la viande serait la pire des choses qui pourrait nous arriver dans notre relation aux animaux »*. Elle s’insurge contre la tendance végane… qui est soutenue avec force par le marché des substituts aux produits animaux ! Ce mouvement antispéciste s’élève aussi contre la domestication. « Si les vaches disparaissent, les chiens de compagnie disparaîtront un jour à leur tour ». Voici quelques réactions sur lemonde.fr :

Paulette : …ou comment désinformer sur le véganisme pour le décrédibiliser… Quel rapport entre ne plus vouloir exploiter les animaux (par exemple en les tuant pour les manger), et ne plus vouloir de chien dans son jardin !

Livia : Chats et chiens sont des carnivores. Alors comment comptez-vous les nourrir? Parce que les croquettes vegan sont pour eux une catastrophe selon les tests des assos de consommateurs.

Bat : Aucun antispéciste sérieux ne veut faire disparaître les animaux domestiqués de la surface de la planète.

Pauline : Dans le véganisme il y a un courant profondément anti-industriel qui ne disparaîtra pas avec la fin de la viande. Le défi est aussi là: permettre l’émergence d’une micro-production de qualité, capable de nourrir la planète, avec et sans contribution animale.

Livia : Certains végans ne sont pas du tout contre les industriels. Ils applaudissent des 2 mains aux expérimentations visant à produire du steak à partir de cellules musculaires bovines. Le summum de l’horreur que pourrait commettre l’industrie agroalimentaire !

* LE MONDE du 25 août 2017, Pourquoi Jocelyne Porcher défend l’élevage

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Les ours pyrénéens demandent la parole

Je suis Pyros, le vieux mâle dominant, peut-être le dernier de ma lignée. 70 % des oursons nés depuis vingt ans viennent de moi, la situation n’est pas viable, le risque de consanguinité est trop élevé. Dans les Pyrénées-Atlantiques, avec seulement deux mâles, la population ursine peut disparaître à tout moment. Il me tarde d’accueillir de nouveaux migrants de ma race, mais aucun lâcher n’a été réalisé depuis onze ans par les autorités françaises. Comme le recommande l’expertise collective scientifique menée en 2013 par le Muséum national d’histoire naturelle, il faudrait réintroduire d‘urgence trois à quatre individus, dont deux femelles. La plupart des 39 plantigrades des Pyrénées ont élu domicile chez moi, dans les vallées du Couserans, en Ariège*. Bien sûr c’est de l’écologie de restauration, on ré-introduit une espèce disparue, éliminée par les humains. Nous aurions préféré une écologie de conservation, une protection des espèces et biotopes quand il était encore temps. Mais les Français sont beaucoup trop nombreux, invasifs, y compris dans les hautes montagnes, ne laissant aucun espace pour la vie sauvage.

Nous sommes rejetés, pourchassés. Début août, le maire d’Ustou a pris un arrêté interdisant « toute divagation d’ours » dans sa commune. Le 29 août, la majorité socialiste du conseil départemental a demandé le retrait des ursidés et leur retour dans leur pays d’origine, la Slovénie. C’est comme si on demandait aux descendants des Espagnols, des Portugais, des Italiens et des Maghrébins de retourner chez eux ! Car notre espèce, présente dans moult mythes et légendes locales, appartient à l’identité culturelle des Pyrénées. On nous accuse de manger quelques moutons, il est vrai que nous sommes omnivores… comme les humains. Mais forcément, si on laisse le frigo ouvert, il est normal qu’on se serve. Les estives qui ont mis en place des mesures de protection ne subissent pas nos attaques. Or de nombreux éleveurs pyrénéens ont pris l’habitude de monter les bêtes, de les laisser sans chien ni berger et d’aller voir 1 ou 2 fois seulement par semaine en 4X4… Peu de frais et des subventions à la clé ! La vraie espèce en voie de disparition c’est le berger à demeure. Il faudrait réintroduire du personnel venu de Slovénie. On pourra leur mettre des colliers GPS pour être sûr qu’ils n’abandonneront pas leur poste.

La situation est grave. Nous subissons depuis trois mois les attaques incessantes des éleveurs. L’un d’entre eux a même fanfaronné : « Si l’ours remonte à Auzat, je le flingue. » De quoi se plaignent-ils, si un de leurs moutons est tué, le berger est indemnisé ! Mais il y a un noyau d’éleveurs, essentiellement en Haute-Ariège, qui rejette les mesures de protection et même les indemnisations financées par le plan ours. Des irréductibles, des connards (expression très usitée chez eux). Il sont contre, mais sans étude scientifique, sans travail associatif vers le public, avec des graffitis géants en grand nombre sur les routes des cols, depuis 30 ans des appels à la violence contre nous les ours, contre les « écolos », des manifestations armées, des tirs de fusils menaçant même les gens de l’ONCFS. Les ours, des « Prédateurs dangereux » ? Pouvez vous citer un cas de mort humaine par l’ours ou le loup ? Pouvez-vous citer un cas de mort humaine par les voitures ? En fait les anti-ours font en ce moment monter la pression sur le ministre de la transition écologique. François Hollande n’avait autorisé aucun nouveau lâcher pendant sa présidence, mais la donne semble changer avec Nicolas Hulot, théoriquement adepte de la biodiversité. De toute façon je sais déjà que le gouvernement va faire traîner le dossier, à coup de discussions et d’audits. Aux dernières nouvelles du ministère, on nous indique « étudier toutes les options », précisant qu’« aucune décision n’a été prise et qu’aucun calendrier n’est défini ». Les humains n’arrivent pas à s’entendre pour préserver le climat terrestre, alors pour quelques ours à protéger !  Je suis Pyros, le vieux mâle dominant, sans doute le dernier de ma lignée.

* LE MONDE du 6 septembre 2017, En Ariège, la présence des ours fait sortir les fusils

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