démographie et énergie, le couple infernal
Avec notre passage à 7 milliards d’habitants début octobre, beaucoup a été écrit sur l’eau, l’alimentation, l’éducation et tous les risques de conflits, mais presque rien sur les scénarios énergétiques. Or tout ramène à l’énergie. On peut en théorie dessaler l’eau de mer, mais il faut de l’énergie. L’alimentation dépend de la répartition des terres entre cultures vivrières et agrocarburants. Dans des villages en Inde, on lance l’unique générateur d’électricité pour que les élèves puissent faire leurs devoirs le soir. La natalité aussi est affaire d’énergie. Une femme qui accouche sans aide médicale aura consommé quelque 90 kWh en neuf mois. Une femme occidentalisée, après des visites médicales régulières, des échographies, un accouchement en maternité, consomme l’équivalent énergétique d’environ 4 000 kWh.
Pour Jacques Foos et Yves de Saint Jacob*, l‘avenir souhaitable est que toutes les femmes du monde bénéficient de 4000 kWh. Pour eux, l’évolution de la population mondiale va « – et doit – » se traduire par une augmentation considérable de la consommation en énergie plus importante que la croissance démographique : « Comment penser que le monde va consommer l’énergie à un rythme inférieur à celui du XXe siècle… Notre discours n’est en aucun cas catastrophiste… La science et les techniques vont progresser. Les besoins futurs rendent irresponsables ceux qui s’opposent par idéologie à certaines énergies, qu’il s’agisse du nucléaire ou des gaz de schistes. »
Oh que c’est marrant ces idéologues qui, par idéologie, font acte de foi en la technique et la multiplication des besoins !Ces idéologues vivent sur le passé et traitent les autres d’idéologues ! Ils militent pour la croissance de la production énergétique sans concevoir que nous buttons contre les limites géophysiques de la planète. Yves Cochet nous paraît plus réaliste : « C’est la disponibilité à bon marché des énergies fossiles qui a permis à l’humanité de vivre au-dessus de la capacité de charge de la planète. C’est-à-dire avec un si grand nombre d’humains pour un niveau de vie moyen. Cette époque s’achève avec l’arrivée du pic de pétrole, et vers 2025, du pic énergétique général. Il existe une corrélation historique entre la quantité totale d’énergie dans le monde et le niveau démographique lié au niveau de vie. Cette corrélation est si forte qu’on peut émettre l’hypothèse d’une causalité : moins il y aura d’énergie disponible, moins la planète pourra accueillir d’individus à un certain niveau de vie. Si cette hypothèse est vraie, comme je le crois, le nombre maximal d’humains sur terre, au niveau de vie moyen actuel, déclinera d’environ 7 milliards vers 2025 à environ 5 milliards en 2050, puis 2 à 3 milliards en 2100. En résumant, dans l’expression « niveau de vie moyen » sur la Terre, le rapport entre la consommation d’énergie par personne et la population, on pourrait énoncer que plus le niveau de vie est élevé, moins la planète peut accueillir de personnes. »
En conséquence nous estimons sur ce blog pouvoir dire avec une certitude très probable que jamais toutes les femmes de la planète ne bénéficieront d’une échographie. Pour Jacques Foos et Yves de Saint Jacob, il s’agit en fait de préserver le niveau de confort d’une oligarchie mondiale en faisant croire que le nucléaire va sauver les plus pauvres « dans le futur ». Cela nous paraît plus qu’irresponsable, plus que mensonger, dégueulasse !
* Démographie et énergie, un couple indissociable, Point de vue | LEMONDE.FR | 10.11.11 |
** Antimanuel d’écologie d’Yves Cochet (Bréal, 2009)
NB : Comme c’est bizarre, le Professeur Jacques Foos a été titulaire pendant 25 ans de la chaire de sciences nucléaires du Conservatoire National des Arts et Métiers. Son livre co-écrit avec Yves de Saint Jacob « Peut-on sortir du nucléaire ? Après Fukushima, les scénarios énergétiques de 2050 » conclut comme par hasard que nous ne pourrons pas nous passer du nucléaire dans l’avenir…
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