énergie

Loi sur la transition énergétique, loupée comme d’habitude

Quelques réactions publiques sur la loi pour une transition énergétique

1/3) infos de serre, L’éléphant de la transition énergétique …accouche d’une souris

 Les députés viennent de voter en première lecture la loi sur la transition énergétique. Pour le Réseau Action Climat, ce texte, malgré quelques avancées sur la rénovation du bâtiment et le développement des énergies renouvelables, laisse de côté plusieurs secteurs comme les transports, l’efficacité énergétique dans l’industrie et le nucléaire. Globalement, il aligne plusieurs objectifs mais n’inclut que 30% des mesures pour les atteindre d’après le transitiomètre développé par Ecofys pour le CLER, Réseau pour la transition énergétique, et le Réseau Action Climat.

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2/3) Communiqué de presse FNE : une mauvaise loi malgré tout

Quelques pousses …Les mesures en faveur de la rénovation thermique des logements, le retour du tiers financement, le carnet de suivi et d’entretien du bâtiment, la rénovation des bâtiments les plus énergivores d’ici 2030, ou l’affichage déporté et en temps réel des consommations, sont des mesures, indispensables pour stimuler la rénovation des logements et informer les consommateurs. De même, l’élaboration du schéma régional biomasse, le tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs, la fixation d’objectifs de réemploi dans la commande publique, l’obligation de transparence pour les collectivités quand à leur budget déchets, le frein au développement du Tri Mécano-Biologique ou les plans de déplacement d’entreprise obligatoires à partir de 2018 constituent des avancées.

au milieu du désert

Malheureusement, ces améliorations demeurent insuffisantes pour atteindre les objectifs ambitieux et pourtant nécessaires pour changer notre modèle énergétique. Pour rénover l’ensemble du parc bâti (tertiaire et logement) d’ici 2050 à un haut niveau de performance énergétique, il faudra bien plus que 500 000 rénovations annuelles de logements. Les bâtiments du tertiaire doivent aussi être rénovés. Pour diviser par deux nos consommations d’énergie en 2050, un objectif de -20% en 2030 est bien trop faible. Alors que la transition énergétique nécessite un investissement de 20 à 30 milliards par an jusqu’à 2050, le gouvernement s’est contenté de promettre la moitié…

« Nous regrettons que le projet de loi ne comporte toujours pas d’objectif chiffré en ce qui concerne le report vers le transport ferroviaire ou fluvial, seul changement fondamental permettant de faire des économies d’énergie dans le domaine des transports » déplore Michel Dubromel, responsable du dossier Transports.  «Pour réduire les consommations liées aux transports, ce n’est pas la généralisation de la voiture électrique qui changera la donne mais bien un nouveau modèle de mobilité

Denez L’Hostis, président de FNE : « Non seulement ce projet de loi ne présente pas des objectifs assez ambitieux pour engager réellement la transition énergétique mais en plus, les objectifs fixés par le gouvernement ne seront jamais atteints. L’insuffisance des objectifs intermédiaires comme la définition des moyens mobilisés pour mettre en œuvre cette loi sont autant de preuves de l’échec à venir. Cette loi ne définit pas le modèle énergétique de demain mais se contente de retaper un modèle vieux de 40 ans avec un vernis démocratique. La suppression de l’ecotaxe est l’illustration parfaite d’une volonté de ne surtout rien changer au modèle actuel dès lors que cela porte atteinte aux intérêts de quelques lobbies»

3/3) Communiqué du Parti pour la décroissance : La transition immobile

L’Assemblée Nationale vient de voter le projet de loi sur la transition énergétique, des débats houleux mais surtout stériles, des mesures phares, enfin surtout, beaucoup de poudres aux yeux. D’emblée, nous pouvons affirmer que la « transition énergétique » du gouvernement est très loin d’être la transition démocratique et sereine, nécessaire et souhaitable, que nous prônons ! L’intitulé du projet de loi, sans ambiguïté, en atteste :« relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ».
Les objectifs, essentiellement comptables et techniques clairement énoncés dans le titre 1 (réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2030, réduire de moitié la consommation d’énergie à l’horizon 2050, porter la production d’énergie renouvelable à 32 % de notre consommation énergétique finale, baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025) semblent ambitieux mais ils engagent surtout les gouvernements suivants.

Au niveau des transports, la transition est effrayante puisqu’elle consacre la voiture électrique comme mode de déplacement d’avenir… Comme si la voiture électrique était plus propre ?

La lutte aux « gaspi » serait également lancée. Et là, pas de demi-mesure avec l’interdiction des sacs plastiques à usage unique en 2016 mais aussi de la vaisselle jetable en plastique à partir de 2020. La future loi entend agir contre l’obsolescence programmée et fait la part belle à l’économie circulaire : recycler 60 % des déchets en 2025, développer des cycles courts de réemploi et de recyclage. Tout cela est louable mais est-ce crédible sans remise en cause, même partielle de nos modes de vie ? N’est-ce pas d’abord chercher à développer le secteur industriel du « déchet », et par effet rebond, favoriser la production de déchets au lieu de les limiter ?
Au niveau de la production d’énergie, le renouvelable est évidemment mis en avant mais le projet de loi, comme un symbole, se termine par la sûreté nucléaire avec, notamment, la mise en place de commissions, et d’une autorité indépendante visant à favoriser la transparence de l’information : il n’y a pas à dire, c’est la révolution ou alors …

Soyons clairs, nous ne croyons pas que cette loi sera un tournant en faveur de la nécessaire transition, quelques mesures réfléchies ne seront pas suffisantes. L’ensemble de ce projet de loi n’est que de la poudre aux yeux pour rassurer la population, qui est en train de prendre conscience des limites environnementales, tout en lui promettant de ne surtout rien changer … Les questions énergétiques sont loin d’être uniquement techniques. Réduire nos consommations d’énergies et nos dépendances aux fossiles ne peut se faire qu’à la condition de questionner notre modèle de société. L’énergie verte n’existe pas plus que la croissance verte ou durable. L’écologie au service de l’économie, c’est à la fois absurde et impossible : le découplage énergie / PIB est un mythe. Il va falloir inventer de nouvelles solidarités dans un monde sans croissance du PIB.

Ne pas sacrifier notre mode de vie et notre modèle de société, tel est l’objectif en filigrane de ce projet de loi. La transition énergétique est d’abord une question de justice sociale. Ce modèle de société basé sur la compétition, le toujours plus de consommation stupide nécessitant toujours plus d’emplois néfastes, toujours plus d’inégalités et de mal -être n’est ni soutenable, ni souhaitable. Nous sommes bien loin de l’urgence sociale et écologique qui impose une véritable transition écologique. Plus que jamais, nous insistons pour que les vraies questions soient posées entre la Décroissance choisie ou la récession subie ; entre une transition démocratique, sereine, solidaire et soutenable ou l’effondrement au service d’une oligarchie financière !

Leur pseudo-transition au service de l’oligarchie n’est pas la notre. Heureusement, partout dans le monde, sans attendre les décisions des « politiciens », des citoyens utilisent leur pouvoir d’action pour explorer et expérimenter des pistes de transitions sociétales allant vers de nouveaux modèles de sociétés soutenables, souhaitables, autonomes et conviviaux.

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Low tech contre low cost, le débat qui préfigure l’avenir

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Il y a d’un côté les low tech ou techniques douces, de l’autre le travail à prix bradé (low cost). D’après l’éditorial du MONDE*, le low cost est « devenu incontournable », les pilotes d’Air France n’ont plus qu’à se plier à « une évolution qui est inéluctable ». Il est sans doute scandaleux que des pilotes fassent grève pour protéger leurs intérêts corporatistes, à commencer par des salaires annuels qui oscillent entre 75 000 et 250 000 euros avec un temps de vol plus réduit que chez leurs confrères. Il est sans doute vrai que loger avec Ryanair dans un camping près de la base de Marseille est bien moins glorieux que fréquenter un hôtel 5 étoiles. Mais cela n’est pas le fond du problème, il s’agit plutôt de savoir si la profession de pilote d’avion de ligne est profitable pour la société et durable dans le temps.

                Ce qui est « incontournable » et « inéluctable », c’est que le prix du kérosène va exploser un jour ou l’autre. Or nous vivons avec le système marchand dans une perspective du court terme : le prix du baril chute en ce moment à 96 dollars puisque l’or noir coule à flots alors que la croissance mondiale est faible**. Le journaliste du MONDE Jean-Michel Bezat s’intéresse comme à son habitude à l’offre et à la demande de pétrole ce jour, il a toujours occulté la fin du pétrole : « La dépréciation du brut peut durer tant que l’horizon d’une reprise mondiale reste bouché… Dans le même temps, c’est l’abondance du côté de la production…Les huiles de schiste ont profondément modifié le paysage aux Etats-Unis… ». Cependant l’article donne aussi la parole à l’ancien PDG de BP : « Quand l’offre américaine atteindra un pic, d’où viendront les nouvelles sources d’approvisionnement ? » Quand arrivera ce moment, quand la descente énergétique deviendra visible aux yeux de tous, le pétrole flambera et le kérosène des avions deviendra hors de prix.

                Les pilotes d’air France comme ceux de sa filiale low cost Transavia seront définitivement cloués au sol, en chômage structurel. Nous n’aurions jamais le choix des plus lourds que l’air et en rester à la marine à voile…

* LE MONDE du 17 septembre 2014, La grève des pilotes d’Air France ne se justifie pas

** LE MONDE du 17 septembre 2014, Abondance de biens nuit aux producteurs d’or noir

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Diviser par 2 sa consommation d’énergie, c’est possible

Pour combattre le réchauffement climatique, il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cela implique que la France, gros émetteur, les divise par quatre entre 2000 et 2050 (soit une consommation électrique divisée par deux). Cela voudrait donc dire qu’il nous faudrait vivre avec 50 % de l’électricité actuelle. Ce n’est pas trop difficile, il suffit de se passer de tout ce qui est inutile dans notre vie de tous les jours. C’est en effet un bon entraînement physique, monter et descendre les escaliers des magasins quand les escalators disparaîtront. Dans les tours d’habitation cela sera sans doute plus  fatigant de se passer d’ascenseurs, mais quelle idée aussi de construire des immeubles de plus de trois étages. Entrer et sortir de chez soi se passera à l’ancienne, sans portes automatiques ni digicodes ou vigiks : il faudra prendre une clé et tourner le loquet. Encore que, dans un monde apaisé, il n’y aurait plus de serrures puisqu’il n’y aurait plus de voleurs. Sur le marché et dans les foyers, les balances mécaniques à l’ancienne pèseront à leur juste poids marchandises et obésité… qui sera en voie de disparition : la marche fait maigrir.

 Dans la maison, on peut sans y perdre beaucoup supprimer tous les gadgets électriques type mixer, presse-citron digitalisé, four à micro-ondes, bouilloire électrique, batteur à vitesse numérique, etc. Pourquoi acheter du café soluble et ne pas faire tourner la manivelle du moulin à café… et d’ailleurs pourquoi boire du café au détriment des cultures vivrières du Sud ? Pourquoi une télévision dans chaque appartement alors que nous n’avons pas besoin de téléviseur et de centaines de chaînes ? Il ne suffit pas d’éteindre les veilleuses de chaque appareil. Il ne suffit pas d’éteindre la lumière en sortant de la pièce, il faut savoir vivre à la lueur du soleil et se déplacer sans peur dans la nuit. Un jour sans doute nous ne pourrons même plus nous payer le chauffage électrique, trop cher, ni se chauffer au bois, devenu trop rare… la maison passive sera celle où on ne se chauffe pas… comme autrefois.

                 Nous économiserons aussi beaucoup d’électricité si nous revenons à un usage collectif des choses. Pourquoi une machine à laver dans chaque appartement ? Pourquoi les portables et leurs batteries rechargeables alors qu’il y avait la téléphonie fixe, utilisant moins d’énergie. D’ailleurs pourquoi un téléphone dans chaque foyer alors que les cabines publiques peuvent nous satisfaire amplement ; l’échange à distance devrait être rare quand on privilégie les rapports de proximité. Pourquoi chacun sa perceuse, sa meuleuse, son rabot électrique alors que cela pourrait être un service local à la disposition de tout un groupe social.

 Dans les supermarchés il n’y aura plus de caissières et de files d’attente, plus d’électronique et de lectures optiques, d’ailleurs il n’y aura plus de supermarché, seulement à la rigueur une supérette locale. Les parkings des hypermarchés deviendront des friches industrielles. Il ne faudra pas seulement économiser l’électricité, mais aussi se passer des voitures individuelles…

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L’économie écologique selon le socialiste Géraud Guibert

Agir pour une nouvelle économie écologique ? Tel est le point de vue de Géraud Guibert dans LE MONDE*. En fait, il ne s’agit que d’un hymne à la politique gouvernementale en faisant semblant de critiquer les « sceptiques de la transition écologique » qui restent pro-nucléaires et amateurs de gaz de schiste.

Géraud Guibert a un passé écolo : ex-secrétaire national du PS pour l’environnement, animateur du pôle écologique du PS et co-auteur d’une motion de congrès « Pour un parti socialiste résolument écologique ». Mais il s’agit du PS, un parti qui laisse une infime minorité en son sein parler d’écologie du moment que cela ne gêne personne. Regardons de plus près les propos de Géraud. La sortie du nucléaire est valable puisqu’elle est créatrice d’emploi. On ne parle d’énergies renouvelables que si elles ont des chances d’être « compétitives ». Plus grave encore, les économies d’énergie ne sont acceptables que parce qu’elles mettent en oeuvre de « nombreuses opérations très rentables ».

Rappelons à Géraud Guibert que la compétitivité est un concept de l’économie libérale qui pense qu’être à plusieurs pour se partager le même marché est un atout alors qu’il ne s’agit que d’éliminer les plus faibles ou les moins hargneux. Rappelons surtout qu’il y a deux conceptions des économies d’énergie. Soit il s’agit d’efficacité énergétique, la conception retenue implicitement par Géraud qui consiste par exemple à mieux isoler les bâtiments. Soit il s’agit de réduire ses besoins en énergie. Par exemple il s’agit de se chauffer moins souvent, moins longtemps et à plus basse température. Il s’agit de se déplacer moins souvent, moins loin, moins vite. La meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas, mais cela, Géraud ne le sait pas encore… et le parti socialiste encore moins !

* LE MONDE du 3-4 août 20114, Agissons pour une nouvelle économie écologique

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Marc Delcourt, un des apprenti-sorciers du pétrole vert

Le roi du pétrole vert a les faveurs du MONDE. Il paraît en effet que Marc Delcourt* fera le monde de demain. Global Bioenergies, la start-up fondée par Marc en 2008, veut produire des hydrocarbures « biologiques ». Il s’agit de transmuter l’or vert des feuillages en or noir type hydrocarbure. Il s’agit selon ce jeune entrepreneur ayant contracté le virus de l’industrie de « l’avenir de notre civilisation ». Il pense à l’addiction de nos sociétés au pétrole et au choc que sera l’inévitable cure de désintoxication.

Marc Delcourt se dit donc « volontiers écolo ». Mais il pense surtout au réchauffement climatique : « En termes de gaz à effet de serre, le gain (des biocarburants) est compris entre 0 % et 70 %, selon les végétaux utilisés. »Marc Delcourt balaye d’un revers de manche le fait que l’utilisation des terres arables pour la production de végétaux destinés à devenir du pétrole se fait au détriment de la nourriture ; pour trouver les terres nécessaires, il suffirait de « mettre fin au gaspillage alimentaire et terminer la réforme agraire ». Il annonce l’apocalypse si on ne devient pas comme lui un guerrier de la biotechnologie : « Si on ne fait rien aujourd’hui, le jour où on s’apercevra qu’il ne reste plus que dix ans ou vingt ans de réserves de pétrole, ce sera trop tard et on retournera à l’âge de pierre… » Marc Delcourt se voit déjà en roi du pétrole vert. On définit le pétrole vert comme étant l’énergie de la biomasse. Ce carburant contribue à la réduction des gaz à effet de serre… s’il n’y a pas réduction de la biomasse ! Utiliser des « déchets » comme la mélasse de betterave, la bagasse de canne, l’amidon du blé et du maïs, la cellulose des résidus agricoles et forestiers pour en faire des gaz qu’on brûle dans l’atmosphère, c’est appauvrir forcément les sols. La nature utilise toujours les déchets comme matériaux et les feux de forêt restent épisodiques. Transformer cette biomasse en carburant, c’est céder au péché mortel de notre civilisation thermo-industrielle, c’est favoriser la deuxième loi de la thermodynamique, l’entropie. On utilise une énergie primaire pour la diluer dans l’atmosphère de façon à ce qu’elle soit inutilisable dans l’avenir pour l’activité humaine. En d’autres termes, on favorise l’automobiliste d’aujourd’hui au détriment de l’ensemble des générations futures.

Marc Delcourt relève de l’écologie superficielle, celle qui se lance dans l’innovation technologique en croyant que cela sauvera l’humanité du désastre sans se rendre compte que ce qu’on met en place favorise le désastre, l’addiction aux carburants et la croyance qu’on va pouvoir toujours rouler comme avant. Ignorer que la biosphère forme un tout dont les humains ne peuvent gaspiller aucune partie est une grave atteinte aux lois de la nature et au destin des générations futures.

* LE MONDE du 29 juillet 2014, Marc Delcourt, roi du pétrole vert

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L’avenir plus qu’incertain des transports aériens

Conférence-débat devant les syndicalistes d’Air France en 2006

– Le directeur du développement à Air France : « En France le transport aérien pèse, en termes de Voyageurs/km transportés, 1,5 fois le ferroviaire. En terme de valeur, c’est-à-dire ventes en euros-passagers et ventes en euros-fret, l’aérien pèse 1,8 fois le ferroviaire. En termes de balances des paiements, l’aérien pèse 1,7 milliards d’euros, le fer pèse 0,2 milliards. En termes de finances publiques, l’aérien coûte à peu près zéro à l’Etat alors que les subventions versées au fer (y compris la compensation des caisses de retraites de la SNCF) ponctionne chaque année  11 milliards d’euros. »

– Pierre Radanne estime devant le même aréopage que pour stabiliser le climat, il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui implique que la France les divise par quatre entre 2000 et 2050 : « On a un énorme problème avec le pétrole et l’effet de serre, on va devoir prendre une décision politique et, sur la moyenne distance, donner une priorité au ferroviaire au détriment de l’aérien. On devra aussi donner priorité aux nouvelles technologies de communication sur un certain nombre de déplacements ». En fait Pierre se garde de faire du catastrophisme, il parle devant des syndicalistes pour qui l’emploi est la donnée majeure, mais il reconnaît aussi « qu’il n’y a pas une énergie salvatrice que l’on va sortir du chapeau pour tout résoudre ». Pour lui, les voyages aériens ont encore quelques beaux jours devant eux, mais on ne peut certainement pas dire « beaucoup d’années ». En conclusion il s’exclame : « On sait que l’on doit faire la paix avec la planète si on ne veut pas la transformer en désert à la fin du siècle, mais on ne sait pas bien comment le faire ».

Pourtant la Biosphère sait que les solutions existent : les humains peuvent faire Paris-New York à la voile, mais aussi à la rame ! De toute façon il ne restera pour les générations futures que des énergies renouvelables, elles n’auront qu’un seul choix : se relocaliser, moins se déplacer.

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Transition énergétique et dévoituration avec René Dumont

La dévoituration peut aussi être au programme politique d’EELV. René Dumont (1904-2001) avait porté pour la première fois la parole écologiste aux présidentielles de 1974 et condamné sans appel la voiture individuelle tout au cours de sa vie.

1973, l’utopie ou la mort

Revenons à l’automobile particulière, privilège devenu exorbitant surtout à la lumière de ce que nous apprend le club de Rome. L’acier, les matériaux, les ingénieurs, techniciens et ouvriers qui les construisent, toutes les ressources rares et toute cette activité compétente, s’ils étaient autrement dirigés, auraient pu développer partout une industrie suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins essentiels des pays du tiers-monde. Chaque auto que vous achetez, en général bien avant d’avoir usé la précédente, représente autant d’acier de moins pour les charrues des paysans tropicaux.

1974, L’écologie ou la mort (à vous de choisir) : campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique

Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. Sait-on que si tous les habitants du globe consommaient autant de pétrole que les Américains, les réserves prouvées ne tiendraient guère plus d’un an ? Pour faire 10 000 km, on consacre 150 heures à sa voiture (gain de l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien, conduite, embouteillage, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton.

Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons entre autres contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composants de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne.

1986, Les raisons de la colère ?

L’auto n’est pas généralisable, ce qui la rend immorale. Nous nous acheminons vers un milliard de familles à la fin de ce siècle. Si chacun d’elles pouvait adopter le niveau de vie américain, avec trois voitures par famille, cela ferait trois milliards de voitures ! Si on leur aménageait, en Chine orientale, autant d’espace pour chacune d’elles qu’en Californie, j’ai calculé qu’il ne resterait plus grand espace pour les cultures. Au Bangladesh, il ne leur resterait plus rien. Par ailleurs la consommation de carburant épuiserait sans doute les réserves mondiales connues en l’espace d’une dizaine d’années. Bien des métaux qui entrent dans les alliages spéciaux viendraient à manquer.

Notre petite planète est un monde fini, aux ressources limitées. Ce monde ne pourra donc supporter longtemps une croissance exponentielle, illimitée, et de la population et des productions agricoles et industrielles. L’automobile particulière, souvent de luxe, est une cause essentielle des difficultés et de l’effondrement du tiers-monde, spécialement de l’Afrique. On y consacre des ressources immenses, fournies par l’aide extérieure et par les taxes de sortie prélevées sur les paysans producteurs de cultures d’exportation. Le mauvais usage des devises est critiquable, ainsi que toutes les dépenses nécessitées par la voiture particulière : garage, entretiens et réparations, routes et autoroutes…

L’espace urbain étant limité, on ne peut pas vouloir à la fois rouler plus vite en voiture et améliorer les conditions de déplacement des autobus, des piétons, des cyclistes… et des automobilistes eux-mêmes, puisque toute incitation à rouler attire plus de voitures. Asphyxié par les bagnoles qu’on laisse se multiplier inconsidérément, Paris manque terriblement d’espaces verts, guère plus de 2 m2 par habitant, contre 9 m2 à Londres. Toute solution passe par la limitation de la place de l’automobile.

1989, Mes combats

Pour inciter aux économies d’énergie, il faut taxer davantage les carburants. Il faut arrêter la construction des autoroutes. On peut ajouter à ces mesures l’interdiction de l’auto privée dans les centres-villes, sauf pour les livraisons pendant trois heures par jour, les taxis, les ambulances, les pompiers et les docteurs. Ajoutons une priorité qui me paraît primordiale : interdire toutes les courses automobiles comme le Paris-Dakar, le rallye de Monte-Carlo, qui exaltent une vitesse nuisible à tous points de vue et entraînent accidents et pollutions, deux formes modernes de mise à mort.

Il faut autoriser uniquement la fabrication de voitures ne consommant pas plus de 5 l/100 km et ne dépassant pas 130 km/h, qui est la vitesse maximum légale, voire moins.

Sources :

Comment je suis devenu écologiste (textes de René Dumont présentés par Charles Rémy) éditions Les Petits matins 2014, 128 pages, 10 euros

L’écologie ou la mort, la campagne présidentielle de René Dumont (éditions Pauvert, 1974)

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Ségolène Royal et le fiasco de la voiture électrique

Le projet de loi sur la transition énergétique (18 juin 2014) fait la part belle aux voitures électriques en prévoyant 7 millions de points de recharge en France d’ici à 2030. Pérennisé, le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique sera majoré pour atteindre jusqu’à 10 000 euros lorsqu’il s’accompagne de la mise au rebut d’un véhicule diesel. Patatras, la voiture électrique ne peut pas être considérée comme « écologique » ni « propre ». Telle est la conclusion de trois avis publiés par le jury de déontologie publicitaire (26 juin 2014) concernant des publicités pour des véhicules électriques en libre-service : « L‘utilisation de ce service induit nécessairement certains effets négatifs sur l’environnement, notamment les pièces d’usure des véhicules utilisés et l’électricité nécessaire à leur rechargement, dont il n’est pas établi qu’elle serait intégralement issue de sources renouvelables. » L’Observatoire du nucléaire pointe tout particulièrement l’électricité d’origine nucléaire (à 75 % en France) qui sert à recharger les batteries, et le lithium, qui sert à les fabriquer et dont l’exploitation peut polluer l’environnement. C’est donc le fiasco assuré avec la Zoé la première voiture électrique « grand public ».

                Le principal problème, c’est le soutien aveugle qu’a apporté l’actuelle ministre de l’écologie Ségolène Royal à la voiture électrique quand elle était aux commandes en Poitou-Charentes. La Chambre régionale des comptes (CRC) d’Aquitaine révèle le gouffre financier qu’a creusé le soutien « important et inconditionnel » de l’ancienne présidente du Poitou-Charentes à un projet de voiture électrique qui s’est terminé par la mise en liquidation de la société Eco & mobilité. Au mauvais choix stratégique s’était ajouté une gestion financière opaque*.

                Une transition énergétique réussie ne peut reposer sur l’innovation technologique, tout a un coût environnemental de plus en plus exorbitant au fur et à mesure de la raréfaction des ressources naturelles. Un(e) ministre de l’écologie conséquente devrait constamment relayer les positions de l’ADEME, « la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas ». Ce qui présuppose que les citoyens aient bien intégré la distinction entre efficacité énergétique (basée sur l’innovation technologique) et sobriété énergétique (basée sur la limitation des besoins en énergie). Prenons l’exemple de nos besoins de mobilité individuelle. Le principe de sobriété nous incite à les réduire en essayant de nous rapprocher de notre lieu de travail. Nous pouvons aussi recourir à un mode doux de déplacement, marche, vélo, rollers, trottinette… La sobriété dimensionnelle nous incite à éviter toute surpuissance inutile dans le choix d’un véhicule. La sobriété coopérative repose sur la mise en commun pour réduire les besoins : mutualisation des équipements, autopartage, co-voiturage, auto-stop. La sobriété d’usage consiste à limiter le niveau et la durée d’utilisation d’un appareil, conduite douce par exemple… La sobriété ne s’applique pas qu’à nos comportements individuels, elle doit guider nos choix collectifs, notamment l’aménagement de l’espace. Ségolène Royal devrait lire le scénario Négawatt !

* lemonde.fr | 27.06.2014, Poitou-Charentes : la très chère voiture électrique de Ségolène Royal

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Ségolène Royal « efface » la hausse des tarifs EDF

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie vient d’annoncer qu’il n’y aurait pas de hausse des tarifs d’EDF le 1er août : « J’efface la hausse de 5 % ». Nous pensions déjà que Ségolène Royal, commençant son mandat en voulant effacer l’écotaxe, allait être une très mauvaise ministre de l’écologie/énergie. Son dernier message de vouloir un gel, si ce n’est une baisse (elle l’envisage) de l ‘énergie électrique, va à l’encontre de toute politique d’économie d’énergie. Elle fait donc tout ce qu’il faut pour qu’il n’y ait pas transition énergétique tout en ayant déposé il y a deux jours un projet de loi pour cela. Le mot incompétence est même faible pour cette ministre de l’écologie communicationnelle sans aucune vision du long terme. Voici quelques commentaires bien sentis sur lemonde.fr** :

– C’est de la démagogie pur jus, en toute (in)conscience.

– On se moque de nous. Evidemment que le prix de l’electricité va augmenter. Il est à 27 centimes le kw/h en Allemagne, il est à 13 centimes en France…..

– Non non, elle est comme ca la Ségo. elle dit des trucs qui lui passe dans la tête juste pour faire la maligne. Sa capacité d’analyse ne va pas beaucoup plus loin !

– Il y a un an, le gouvernement Ayrault avait dessiné une trajectoire claire. Les tarifs de l’électricité pour les particuliers devaient augmenter de 5 % en août 2013, de 5 % en 2014 et encore de 5 % en 2015.

– Un politicien conscient de la parole de l’Etat aurait dû accepté les décisions prises précédemment et annoncer la modification du calcul pour après les hausses. Ou alors il fallait indiquer la raison impérieuse de ce changement. Mais ici rien de tel, il ne s’agit que d’une mesure politicienne, sans aucun fondement économique.

– Comment respecter de tels « hommes » politiques ?

– Je rappelle que N. Bricq, apparatchik du PS qui officiait à l’environnement en 2012 a été renvoyée pour avoir voulu remettre en question des forages pétroliers au large de la Guyane. Il est vrai qu’elle n’avait pas eu 4 enfants avec F. Hollande.

– En Poitou-Charente, ses tentatives pour sauver Heuliez ont été plus que coûteuses, sans effet aucun. Des effets de manche, reste une photo en Marianne guidant le peuple !

– Certains commentaires relèvent sans doute de personnes dont le niveau de vie est indifférent à une lourde augmentation du tarif EDF . Ce n’est pas le cas pour la grande majorité des français…

– EDF propose des tarifs sociaux dont peu de pays dans le monde disposent… Le taux de pénétration des smartphones et d’internet en France, les quantités de tabac ou d’alcool vendues tous les ans, et un certain nombre d’autres indicateurs, me fait penser que les gens ont de quoi payer leur électricité.

– L’Etat a tout à fait le droit de fixer le prix puisqu’il est actionnaire majoritaire d’EDF.

– Mme Royal viole la loi quand elle s’amuse à vouloir manipuler les tarifs de l’électricité. Le Conseil d’Etat a déjà puni plusieurs gouvernements sur ce sujet.

– Apparemment, nombre de lecteurs n’ont pas compris que le blocage des tarifs d’EDF entraîne une hausse mécanique des impôts ! L’entreprise, publique à 85 %, a besoin d’investir lourdement et d’entretenir son outil de production. Par exemple EDF doit investir environ 180 milliards pour prolonger la vie de ses centrales. Si EDF n’en a pas les moyens, c’est l’impôt qui financera.

– Si on protège le peuple des coûts de l’électricité, on ne le protège pas des impôts, car au final ce sera l’Etat qui devra avancer l’argent puisque c’est ce dernier qui empêche EDF de faire des réserves pour les investissements futurs.

– Bref, Royal empêche l’application du pollueur-payeur ; mieux vaudrait que les utilisateurs payent plutôt que les citoyens. Au moins chacun essaierait de réduire sa consommation.

– Brader l’énergie qui est un bien rare est une mauvaise voie qui génère du gaspillage.

– Ségolène dans toute sa splendeur ! Démagogue, irresponsable, titulaire du ministère de la parole…

* BFMTV jeudi 19 juin

** http://ecobusiness.blog.lemonde.fr/2014/06/20/edf-la-petite-phrase-qui-valait-38-milliards/

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Commentaires éclairants sur la transition énergétique

1/3) Communiqué de presse FNE : Le gouvernement rend enfin sa copie « loi énergie »

Une loi ne fait pas tout. Parfois elle ne fait rien quand les décrets attendus ne sont pas encore pris comme le décret « tertiaire » qui bloque la rénovation de tout le secteur tertiaire depuis quatre ans. Ainsi, la France doit absolument avoir un objectif contraignant d’efficacité énergétique et de réduction des consommations pour 2030 comme vient de le faire l’Allemagne. De même, sur les transports, la réduction des vitesses, la suppression des subventions au diesel ou au kérosène ou encore la taxe poids lourds doivent être mises en œuvre rapidement afin que chaque moyen de transport paye ses coûts et ses externalités.

Le coût de l’énergie va augmenter dans le temps car nous avons utilisé les ressources les plus faciles. Le coût du nucléaire existant augmente. Le coût du nucléaire nouveau explose. Le gaz de schiste n’est pas rentable, même aux USA, s’il n’est pas accompagné d’huile de schiste. Pour Maryse Arditi, pilote du réseau énergie, «Faire croire qu’on va pouvoir continuer à bénéficier d’une énergie bon marché dans les années et décennies à venir est un leurre dangereux qui expose notre pays sans protection face aux chocs à venir. Il est urgent de comprendre que les mesures d’économies sont un investissement avant d’être un coût ! »

 Lien vers la grille de lecture FNE

2/3) Communiqué WWF : transition énergétique, du concret, du flou et une impasse

Concret

1. Nouveaux bâtiments tertiaires construits à énergie positive à partir de 2016 ;

2. Obligation de rénovation ou systématisation des travaux de rénovation ;

3. Lutte contre la précarité énergétique avec les « chèques-énergie » ;

 Flou : sobriété énergétique et vision industrielle

 Le projet de loi ne fixe pour l’instant aucun objectif d’économies d’énergie à l’horizon 2030, pourtant essentiel vers l’atteinte de la division par deux de la consommation d’énergie et la division par quatre des gaz à effet de serre d’ici à 2050. Le potentiel d’économies d’énergie pour le parc de bâtiment existant semble être laissé de côté. D’après Pierre CANNET, Responsable du programme climat et énergie au WWF France, « On voit à peu près où l’on va, mais on ne sait pas encore vraiment comment y aller. Cette loi entrainera-t-elle vraiment l’ensemble des acteurs de la société française vers un nouveau modèle énergétique, bénéfique pour l’environnement, les citoyens, les emplois et la croissance en France ? C’est la question que les élus devront se poser lors de l’examen à venir».

L’impasse nucléaire

Le WWF France regrette qu’il ne soit rien prévu dans le projet de loi pour sécuriser les financements nécessaires pour faire face au démantèlement des centrales nucléaires. Le rapport de la Cour des Comptes de 2012 et le tout récent rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les coûts de la filière du nucléaire ont montré que les provisions pour les charges futures du démantèlement étaient insuffisantes en plus d’être opaques, volatiles et peu diversifiées.

3/3) Communiqué de presse de Denis Baupin et de Ronan Dantec (EELV)

 Le pré-projet de loi sur la transition énergétique constitue dorénavant un base intéressante (…) « Ces ultimes arbitrages confirment la capacité des écologistes à peser au sein des institutions pour une transition écologique exigeante » a déclaré Denis Baupin. « Nous allons dorénavant consacrer nos forces à continuer d’améliorer le texte pour une transition énergétique appropriable par les citoyens et les territoires » a conclu Ronan Dantec.

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Penser l’économie à partir du concept universel d’énergie

Consultez l’excellent blog de Matthieu Auzanneau, dit Oil Man. En voici deux extraits :

Repenser l’économie à partir du concept universel d’énergie

L’énergie (en particulier l’énergie colossale et néanmoins limitée emprisonnée dans les chaînes complexes de molécules d’hydrocarbures) n’est pas plus produite par l’homme qu’elle ne lui appartient. Le germe intellectuel de la sous-évaluation du rôle de l’énergie tient peut-être tout simplement à ceci : « l’Homme » est l’unique mesure de la théorie économique en vigueur depuis la révolution industrielle. La fonction de production de l’économie classique ne connaît que deux facteurs essentiels : le capital (K) et le travail (L). La formation du capital comme la mobilisation du travail réclament de l’énergie. Sans apport d’énergie, capital et travail sont impotents, inertes, voués à se désagréger. Puisque l’énergie se révèle être le facteur fondamental de la production, alors tout est à repenser, en premier lieu parce que contrairement au capital et au travail, l’énergie n’est en rien à la mesure de l’homme. La pensée économique actuelle n’est rien de plus qu’un anthropocentrisme bêlant attendant son Copernic et son Galilée, ou pire, ne les ayant même pas vu passer. Des physiciens (Ayres), des ingénieurs (Jancovici) et des économistes (Hourcade, Kumhof, Giraud) ont entrepris de regarder la réalité économique pour ce qu’elle est : conservation et dissipation de l’énergie (les deux lois aujourd’hui bien connues de la thermodynamique). L’énergie est la clé des interactions physiques, nulle trace d’anthropocentrisme dans ce constat. Tout phénomène EST énergétique, l’économie comprise. Alors qu’attendent les économistes ?

Gaël Giraud : le rôle de l’énergie va obliger les économistes à changer de dogme

La crise des subprimes de 2008 est en quelque sorte les conséquences d’un choc pétrolier. En 1999, le baril est à 9 dollars et en 2007, il tourne autour de 60 dollars (avant de s’envoler à 140 $ du fait de la tempête financière). Nos économies ont donc connu un troisième choc pétrolier au cours des premières années 2000, de même amplitude que ceux des années 1970, quoique davantage étalé dans le temps. Ce choc pétrolier n’a pas eu l’effet récessif majeur de ceux de 1973 et 1979 seulement à cause de la politique monétaire très accommodante menée par la Réserve fédérale américaine (ainsi que par la Banque centrale européenne).

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Le coût incommensurable du démantèlement des centrales

Même si le « provisionnement », l’argent mis de côté pour le démantèlement des centrales nucléaires françaises, est correct – ce qui fait largement débat -, cela n’a pas de réalité matérielle. Il s’agit de chiffres comptables et d’octets sur un disque dur. Ce n’est qu’un droit de tirage sur les ressources matérielles et humaines futures. S’il n’est pas utilisé immédiatement, et il ne le sera pas puisque tel n’est pas son but, il reste donc virtuel. Il faudra, au moment où l’on aura effectivement besoin pour réaliser les travaux de démantèlement, que la société tout entière ait les moyens matériels de les réaliser : en ressources (métaux, ciment, énergie abondante), en technologie (robotique, moyens de transports et de déplacements), en travailleurs motivés pour recevoir quelques radiations, si possible dans les limites dûment autorisées. Il faudra que l’ensemble du macro-système se soit maintenu, à l’horizon de plusieurs décennies, voire de siècles. Rien n’est moins sûr. Je fais donc le pari (facile, vous ne viendrez pas me chercher) que nous ne démantèlerons rien du tout. Tout au plus bricolerons-nous quelque peu les premières années, puis, au fur et à mesure de la paupérisation en ressources de notre société, des mesures plus simples, d’abord « provisoires », seront prises, puis les centrales seront finalement laissées en place, devenant de futurs territoires tabous. 

Ce texte ci-dessus de Philippe Bihouix* paraît réaliste. Le principal défaut du nucléaire, c’est qu’il compte sur le long terme pour s’occuper de ses déchets. Or nous savons que la force d’un Etat-nation est une chose périssable sur laquelle nous ne pouvons pas compter. C’est pourquoi le jeu comptable actuel, misant sur un avenir politique et économique stable, est tout sauf crédible. L’analyse des coûts du nucléaire par la Cour des comptes n’est qu’une manière supplémentaire de montrer l’inanité des chiffres : « Alerte, dérapage ! La Cour des comptes a rendu public un rapport sur les coûts de la filière nucléaire… Le document tire la sonnette d’alarme… Le coût de production du nucléaire l’envole… Les dépenses futures (gestion des combustibles usés, charges de démantèlement) restent caractérisées par quelques fortes incertitudes… On craint des surcoûts sur les opérations à venir… »**

Notre société thermo-industrielle s’occupe uniquement de son taux de croissance dans le présent, pas du tout de ce qu’on laissera aux générations futures : une planète dévastée.

L’âge des low tech (éditions du Seuil 2014, collection anthropocène, 338 pages, 19.50 euros)

** LE MONDE Economie&entreprise du 28 mai 2014, le démantèlement des centrales et la gestion des déchets corsent l’addition

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Le PIB va s’effondrer avec le prochain choc pétrolier

Gaël Giraud : « L’élasticité (la sensibilité) du PIB par rapport au capital apparaît beaucoup plus faible que ce qui est couramment admis. Par contre sur le long terme, une relation extrêmement stable existe entre la consommation d’énergie et la croissance du PIB. Si vous croyez que le prix de l’énergie reflète fidèlement l’offre et la demande réelles, et si vous postulez que l’industrie des hydrocarbures n’est soumise à aucune contrainte du côté de l’extraction, alors vous concluez tranquillement que l’élasticité du PIB par rapport à l’énergie est proche de la part du coût de l’énergie dans le PIB. Soit moins de 10 %. Mes propres travaux empiriques, menés sur près d’une cinquantaine de pays, et sur plus de quarante ans, montrent qu’en réalité l’élasticité du PIB par rapport à l’énergie primaire est comprise entre 40 %, pour les zones les moins dépendantes du pétrole, comme la France, et 70 % pour les Etats-Unis, avec une moyenne mondiale tournant autour de 60 %.

Est-ce la consommation d’énergie qui cause la croissance du PIB ou bien l’inverse ? Mes travaux penchent clairement en faveur d’une relation causale univoque de la consommation d’énergie primaire vers le PIB, et non l’inverse. La crise des subprimes de 2008 est en quelque sorte les conséquences d’un choc pétrolier. En 1999, le baril est à 9 dollars et en 2007, il tourne autour de 60 dollars (avant de s’envoler à 140 $ du fait de la tempête financière). Nos économies ont donc connu un troisième choc pétrolier au cours des premières années 2000, de même amplitude que ceux des années 1970, quoique davantage étalé dans le temps. Ce choc pétrolier n’a pas eu l’effet récessif majeur de ceux de 1973 et 1979 à cause de la politique monétaire de taux directeurs très faibles qui a rendu possible une expansion significative du crédit. Autrement dit, nos économies se sont endettées pour compenser la hausse du prix du pétrole, rendant le choc relativement indolore. Mais le remède qui a rendu possible d’amortir le choc pétrolier a aussi provoqué la pire crise financière de l’histoire, elle-même largement responsable de la crise actuelle des dettes publiques. Tout se passe donc comme si nous étions en train de payer, maintenant, le véritable coût de ce troisième choc pétrolier.

Le parallèle que Tainter propose entre la dépendance de l’empire romain à l’égard de l’énergie pillée chez les sociétés conquises, et notre propre dépendance énergétique me paraît très pertinent. Si l’on suit Tainter, nous serions condamnés, dans la mesure où notre société aurait atteint son “pic de complexité”. Si l’Europe devient leader dans la transition énergétique et, plus globalement, écologique, alors elle pourra exporter auprès du reste du monde son savoir-faire. Sinon, elle sera condamnée à devoir faire la guerre, comme l’empire romain, pour capter l’énergie des autres, ce qu’elle n’a plus guère les moyens de faire. »

Source : Interview de Gaël Giraud par Matthieu Auzanneau (que nous avons résumé) 

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Ecotaxe sur le gaz et CCE, la parole aux contribuables

Que la nouvelle ministre de l’écologie Ségolène Royal le veuille ou non, la taxe carbone ou écotaxe ou contribution climat énergie (CCE) progresse dans les faits, si ce n’est dans les mentalités. Dans ce cadre les ménages français ont été soumis au premier avril 2014 à une nouvelle taxe sur la consommation de produits énergétiques polluants. Elle sera l’équivalent pour le gaz des taxes intérieures de consommation perçues sur les carburants, le fioul ou le charbon et alourdira leur facture de gaz. C’est une sorte de « taxe carbone » qui consiste à lier les taxes sur les énergies à leurs rejets de gaz carbonique. Pour les ménages les plus modestes, des compensations sont prévues pour accompagner la montée en charge de cette contribution, au moyen d’une revalorisation des déductions forfaitaires dont ils bénéficient via le « tarif spécial de solidarité » du gaz.*

                Voici quelques réactions d’internautes sur lemonde.fr qui augurent des débats houleux que nous aurons bientôt à propos de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre :

Jacques Arnoux : Voilà une mesure raisonnable: des rentrées (nécessaires) d’argent, une incitation à consommer moins d’énergie, ce qui est vital et le sera de plus en plus, un accompagnement social qui équilibre la charge de cette contribution civique dans le sens d’une solidarité en faveur des plus modestes. Encore une bonne réforme de ce gouvernement, qui fait un boulot peu populaire qui va dans le sens de l’intérêt général. Bien sûr les réactions vont toutes dans le même sens: un effort, moi ? Jamais !

Thierry : On essaie de vous faire croire que l’énergie est rare ! C’est hallucinant ! Cet univers n’est qu’énergie ! Vous en avez partout, il faut même s’en préserver – tsunamis, tempêtes, soleil, vent… La matière même n’est qu’énergie – E=MC2. Où sont les efforts démesurés pour capter cette énergie gratuite ? À part quelques balbutiements, un ou deux gadgets… Sans l’idée de pénurie personne n’accepterait de payer aussi cher son litre d’essence ou son mètre cube de gaz.

Contraventionvoituredefonctions : Continuons à croire que les ressources, notamment énergétiques, du monde sont gratuites, abondantes jusqu’à assurer leur renouvellement sans qu’elles ne s’épuisent jamais ! Et puis tous ces kon qui prennent leurs voitures pour aller chercher du pain, à 150 m de chez elles. Et ces nain béssiles qui ne veulent pas prendre les transports en communs avec les pauvres aux heures de pointe et préfèrent croupir dans les embouteillages et polluer l’Ile-de-France ? Même le chef écolo Jean-Vincent Placé !!

Lorraine : Habitante du « Grand Est », ma facture de gaz c’est 3/4 d’un mois de mon salaire enviable d’instit… : 1300 euros de chauffage gaz, sachant que j’ai un poêle à bois en complément… A terme, je vais donc payer 100 euros de plus. Qu’importe, je suis nantie. Et non loin de chez moi, une centrale électrique gaz vient d’être construite. Cela ne met personne mal à l’aise ? Enfin… Je vais investir dans du mohair pour me tricoter un grand châle et baisser à nouveau le thermostat de 1°C.

Bardamu : Le thermolactil damart n’est pas encore surtaxé c’est une chance. En tout cas demain ça va chauffer gratis pour certains.

Nicotine : Finalement il vaut mieux un bon poêle à bois !

A Thomyck : Un chauffage au bois, mais c’est criminel, toutes ces particules fines, vous voulez que j’attrape le cancer, c’est ça, avouez ! Et en plus ça sera encore plus difficile à taxer que le reste, évasion fiscale, c’est pas très beau.

* Le Monde.fr avec AFP | 29.03.2014, Les ménages soumis à la « taxe carbone » au 1er avril

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Ségolène Royal contre l’écotaxe, une grossière erreur

A peine nommée au ministère de l’écologie, Ségolène Royal fait cavalier seul. Elle ne tient aucun compte des travaux parlementaires en cours, un travail de six mois conduit par cinquante députés et destiné à redonner du sens à l’écotaxe poids lourds et la rendre acceptable. Elle souhaite « remettre à plat» la taxe sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Elle dit des choses indignes d’une écologiste : « «Les Français ont déjà beaucoup payé d’impôts supplémentaires… L’écotaxe est un impôt… J’en comprends bien le sens : il s’agit de taxer ceux qui polluent, mais j’ai toujours dit que, pour respecter la citoyenneté, l’écologie ne doit pas être punitive et on ne doit pas taxer des gens s’ils n’ont pas le choix de prendre le transport propre. »*

Un député rétorque : « Ségolène Royal a fait une déclaration sur un dossier qu’elle ne connaît pas. Elle parle d’une taxe supplémentaire alors qu’il s’agit d’un péage, d’un droit d’usage. » Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger dénonce un « mauvais signal » envoyé par la ministre de l’écologie : « L’écotaxe, ce n’est pas de l’écologie punitive, au contraire, c’est de la fiscalité responsable, pour responsabiliser les transporteurs. » Les associations environnementales sont furieuses. Il est vrai qu’une ministre de l’écologie qui affiche sa sympathie à l’égard du mouvement des “bonnets rouges” contre l’écotaxe, cela fait désordre. Positionnement d’autant plus étrange que l’ancienne candidate aux présidentielle 2007 était favorable à l’écotaxe : « Je souhaite faire sortir la France du « tout routier », en matière de transport de marchandises. Pour cela, il faut faire émerger la vérité des coûts du transport de marchandises par camion (par exemple, par une « éco-redevance », intégrant les coûts indirects des transports : dégradation des routes, impact sur la santé et l’environnement, sécurité…). »**

Ségolène Royal au pouvoir est donc partisanE d’une écologie superficielle, se retranchant derrière le pouvoir d’achat des ménages modestes pour ne rien faire de sérieux. Comme l’exprimait l’ex-ministre socialiste de l’écologie Delphine Batho, « l’enjeu pour le gouvernement est de dépasser une vision de l’écologie qui serait seulement sectorielle ou tactique, liée à des équations électorales »***. On ne devient vraiment écolo que quand on a quitté le gouvernement ! Rappelons que la taxe carbone dont l’écotaxe n’est qu’une petite facette est un projet défendu par tous les politiques un tant soit peu réalistes dans un contexte de réchauffement climatique et de pénurie prévisible de pétrole. Le 1er juillet 2009, le secrétariat national du PS avait validé, après intense réflexion d’un groupe de travail, une contribution climat-énergie universelle (CCEU). En avril 2013, les députés se sont prononcés pour une fiscalité écologique. Faute d’une écotaxe, nous aurons donc un jour une carte carbone… sans Ségolène !

* LE MONDE du 5 avril 2014,  A peine nommée, Ségolène Royal relance la polémique sur l’écotaxe

** http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2013/11/11/ecotaxe-la-grande-amnesie-de-segolene-royal/

*** LE MONDE du 22 août 2013, Delphine Batho : « L’écologie n’est pas un enjeu sectoriel »

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Prêcheurs d’apocalypse, Ph. Aghion et Marc Fontecave

LE MONDE* offre une page entière à deux « experts » qui n’ont qu’une seule chose à dire : la transition  énergétique reposera uniquement sur le nucléaire et le gaz de schiste ! Notons d’abord que pour ces spécialistes, l’un de la croissance et l’autre de la chimie, l’objectif d’une « bonne » politique énergétique est de contribuer à la compétitivité. Pourtant, sur une planète dont on a déjà dépassé les limites (cf. empreinte écologique), toute concurrence internationale ne fait qu’accroître la détérioration de notre environnement. Remarquons ensuite qu’Aghion et Fontecave passent entièrement sous silence les inconvénients du nucléaire et du gaz de schiste. Ils se situent dans un endroit merveilleux où la recherche techno-scientifique trouvera, dans un avenir indéterminé, la solution à tous nos problèmes. Par exemple pour le gaz de schiste ils osent dire « Si ces ressources sont avérées et si on résout les problèmes environnementaux liés à cette exploitation… il ne fait aucun doute que… ». Ils n’ont pas encore compris qu’avec des « si », on pourrait mettre Paris et Calcutta en bouteille… sans aucun doute possible ! Ils concluent de façon qu’ils croient humoristique : « De façon amusante, ceux qui s’opposent au nucléaire sont les mêmes qui s’opposent au gaz de schiste. » Il ne leur vient pas du tout à l’esprit que la réciproque est entièrement vraie : « Ceux qui sont pour le nucléaire sont aussi pour le gaz de schiste » !

                Aghion et Fontecave sont deux idéologues, conservateur de l’ordre existant alors que tout commence à s’effondrer autour d’eux, la finance, la croissance, le climat, les ressources halieutiques, etc. Ce sont des prédicateurs du libéralisme économique, la preuve, ils accusent les autres d’idéologie : « La pression de l’idéologie environnementale dominante crée une angoisse généralisée ». Pour des tenants de la recherche de la croissance à n’importe quel prix, idéologie qui domine les experts, les colonnes du MONDE et des autres médias sans compter les discours politiques de Sarkozy et Hollande, c’est pousser le bouchon un peu trop loin. Cela n’incite pas à une transition énergétique efficace, basée à la fois sur les économies d’énergie, les énergies renouvelables et une réévaluation de nos besoins. Il n’est pas anodin qu’un autre article du MONDE** souligne de son côté l’accélération massive du programme de production d’énergie atomique dans les années 1970 et la recherche actuelle sur les techniques d’exploration du gaz de schiste ! Qui se ressemble s’assemble.

                En fait le discours pro-nucléaire et pro-gaz de schiste est là pour anesthésier le peuple, lui faire croire que les difficultés de notre présent disparaîtront par magie à la lumière des énergies non renouvelables. Ces prêcheurs accélèrent ainsi l’apocalypse, l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle.

* LE MONDE du 25 mars 2014, Repenser la transition énergétique (Philippe Aghion et Marc Fontecave)

** LE MONDE du 25 mars 2014,  Merci Gazprom par la journaliste Sylvie Kauffmann

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Un gouvernement français de tout temps pro-nucléaire

Dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Fessenheim, des activistes de Greenpeace ont déployé le 18 mars, sur le couvercle de la cuve du réacteur n°1, une banderole de 400 m2 « Stop risking Europe ». Ils voulaient dénoncer la menace que font peser les centrales vieillissantes en Europe. C’est sans doute un « coup d’éclat qui met en lumière la fragilité de nos installations nucléaires » (communiqué d’EELV), c’est surtout un appel à une répression accrue des anti-nucléaires. Le ministre de l’écologie, Philippe Martin, a annoncé plusieurs mesures, en particulier des sanctions pénales plus lourdes en cas d’intrusion dans les centrales (prison ferme, pouvant peut-être aller jusqu’à cinq ans, et amendes plus conséquentes). Ces amendes concerneraient aussi la personne morale Greenpeace, et plus seulement les militants arrêtés.*

A croire que le ministre de l’écologie est aussi le ministre de l’intérieur et celui de la défense nationale ! Il est vrai que le nucléaire civil est l’enfant du nucléaire militaire. Charles de Gaulle a été à l’Elysée un cancre de l’écologie. Observant en mai 1968 à la télévision les maoïstes, les autogestionnaires, les écologistes barbus et les hippies, le Général n’y verra que « chienlit ». Les mots « nature » et « environnement » ne seront pas mentionnés une seule fois dans les interventions télévisées du président. Il a donc engagé la France dans l’aventure atomique. Dès le 18 octobre 1945, il crée le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). Cet organisme est destiné à poursuivre des « recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans les domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale ». L’annonce de la conférence de Stockholm en juin 1972 a laissé le président Pompidou de marbre ; la veille de la conférence, une campagne d’essais de la bombe H française avait été lancée sur un atoll polynésien. EDF propose de construire des réacteurs en série. En proie à des douleurs crucifiantes, le président laisse Messmer conduire l’affaire. Le Conseil des ministres avalise une première tranche de 13 réacteurs. Le nucléaire français se passera du feu vert démocratique. Pas un mot de Valéry Giscard d’Estaing sur l’environnement dans les 1370 pages de ses Mémoires. Dès le mois de juin 1975, un conseil des ministres programme, pour les quatre années suivantes, le lancement de 29 réacteurs supplémentaires. Pourtant Giscard n’a jamais vu une centrale nucléaire, il ira à Gravelines seulement en octobre 1979. Ces monstres de puissance sont pilotés par une poignée de techniciens auxquels on fait aveugle confiance, ainsi va la techno-démocratie. Droite et gauche vont la main dans la main, toujours pro-nucléaire et anti-écolo. En 1974 Son affiche de campagne présente François Mitterrand sur un fond de cheminée d’usine et de ligne à haute tension.  Durant sa campagne présidentielle, le terme environnement n’est utilisé qu’une seule fois. Au cours de ces deux septennats, Mitterrand va inaugurer 38 réacteurs sur les 58 en fonctionnement aujourd’hui. Au fond de lui-même, Mitterrand assimile la technologie nucléaire au progrès. Jacques Chirac entre à l’Elysée le 17 mai 1995. Bien qu’il ait été ministre ou Premier ministre pendant 28 ans, de 1967 à 1995, on peine à dénicher une vraie pensée ou une action décisive en matière d’environnement. Dès 1995, Chirac donnait l’ordre de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique ! En 2001, Nicolas Sarkozy n’accorde pas une seule ligne à l’écologie dans « Libre », son autobiographie de 400 pages. Il a par la suite mis le nucléaire « hors-Grenelle de l’environnement ». Sarkozy poursuit la politique de ses prédécesseurs, glorification des centrales nucléaires « civiles » et soutien inconditionnel à « l’assurance-vie » d’une nation que constituerait la dissuasion nucléaire.

Le gouvernement actuel est clairement anti-écolo… comme ses prédécesseurs. Nos présidents élus au suffrage universel, si volontaristes, si constants dans l’effort quand il s’agit de l’atome, n’ont rien fait de semblable dans le domaine de la crise écologique. Pire, réprimer la contestation du nucléaire relève maintenant de la lutte antiterroriste ; pour protéger ses centrales, Ayrault avait confié la confection du nouvel arsenal répressif au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Delphine Batho, ancienne ministre socialiste de l’écologie, a déclaré récemment qu’EDF était le « ministre fantôme de l’énergie ». C’est aussi le ministre fantôme des armées. 

* LE MONDE du 20 mars 2014, La France va renforcer la protection de ses sites nucléaires

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La fin du charbon au Royaume-Uni, un air d’apocalypse

Le pic du charbon au Royaume-Uni remonte à la première guerre mondiale, quand un million de personnes travaillaient dans les mines, produisant presque 300 millions de tonnes par an. En 1947, quand le secteur a été nationalisé, la production était déjà tombée à 225 millions de tonnes. Et au moment de la grande grève de 1984, il ne restait que 250 000 mineurs.* Comme d’habitude, les syndicats avaient mené une guérilla d’arrière-garde contre la fermeture de 70 sites envisagée Margaret Thatcher. Aujourd’hui, il ne reste que 6 000 mineurs au Royaume-Uni. Les mines britanniques sont profondes et difficiles à exploiter ; on a gaspillé le meilleur, les générations futures n’auront plus que les miettes. Le pays qui a été historiquement à la pointe du développement grâce aux ressources fossiles demeure un gros consommateur de charbon est devenu un importateur net de ce minerai avec lequel il produit environ 40 % de son électricité. Or les centrales à charbon doivent fermer pour respecter les normes anti-pollution et diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

                Il n’y a pas que le charbon, Albion avait enregistré son premier déficit de la balance pétrolière au troisième trimestre 2005 : les exportations ont représenté 11,2 millions de tonnes alors que les importations atteignaient 13,7 Mt. Par ailleurs les réserves pétrolières sont tombées de 15,4 milliards de barils en 1979 à 4,5 milliards à la fin de 2004. Engranger des milliards de dollars sur des ressources fossiles non renouvelables qui ont mis des millions d’années pour se constituer était un vol manifeste. Quand on sait qu’en France, il n’y a plus ni charbon, ni pétrole, ni même des idées, on voit que la Grande-Bretagne n’est pas si mal lotie !

La civilisation thermo-industrielle est au bord de l’effondrement, les politiques ne font rien pour préparer l’après-fossiles. Rouler en voiture individuelle n’aurait jamais du être autorisé. Malheureusement la nature ne peut défendre ses richesses de la rapacité humaine. Elle se contente de dire seulement indirectement par les chocs énergétiques et le changement climatique que les humains ont exagéré et qu’ils vont en payer le prix. Les générations futures britanniques n’auront plus de ressources fossiles, il leur restera le réchauffement climatique, le chômage et la décroissance économique. Notre réveil sera brutal quand compagnies pétrolières et Etats seront proche de la faillite !

* LE MONDE éco&entreprise du 12 mars 2014, La fin du charbon britannique « d’ici cinq à six ans »

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Le cours du brent ? Manipulé et source de catastrophe

L’or noir issu des champs pétrolifères de la mer du Nord, dénommé brent, est la principale composante d’un indice du même nom qui détermine le prix d’une bonne moitié de la production planétaire de pétrole. Or la compagnie Total dénonce « des prix inexacts » du brent physique « qui ne reflètent en rien notre propre expérience quotidienne ». Le cours du brent publié quotidiennement est fondé sur les déclarations volontaires des traders d’hydrocarbures*. En clair, le cours du brent a de fortes chances d’être manipulé. Pourtant cet indice pétrolier façonne le panier de la ménagère et le moral des entreprises. Pourtant tout cela n’est que du spéculatif et du court terme. Mieux vaut s’interroger sur un avenir sans doute assez proche, la fin du pétrole.

Le pic du pétrole conventionnel (le maximum de baril facile à extraire) est déjà derrière nous, Le coût pour l’extraction, donc pour les ménages, va forcément s’en ressentir. Cela annonce forcément un choc pétrolier (une augmentation brutale du prix du baril). Un expert du FMI donne sa version de l’évolution du cours du pétrole : « Avec un déclin de 2 % par an des extractions, le prix du brut grimperait de presque 800 % au bout de 20 ans ! L’économie mondiale serait incapable de faire face à quelque chose comme ça. L’effet des prix du pétrole sur le PIB a de fortes chances d’être non-linéaire. Cela signifie qu’au-delà de, mettons, 200 dollars le baril, beaucoup de secteurs pourraient être incapables de faire face. On peut penser aux transports : le fret routier, les compagnies aériennes et toute l’industrie automobile souffriraient très gravement d’un prix aussi élevé. Et puis il y aurait un effet domino sur d’autres secteurs de l’économie. Avec un prix du baril supérieur à 200 dollars, on entre dans un monde inconnu. »

                Donnons maintenant la parole à un des rares sages du monde d’aujourd’hui. Ramus Hansson est le premier et le seul élu des Verts au parlement norvégien. Pour lui, il ne fait pas de doute que le pétrole norvégien doit rester là où il est : « Il est évident que les nouveaux gisements en mer de Barents ne doivent pas être exploités. Le pétrole est une ressource fabuleuse qui peut être utilisée pour beaucoup de choses, comme la pétrochimie. Il serait donc primitif de simplement le brûler. » Ramus Hansson s’appuie aussi sur l’argument climatique : « Si nous voulons rester sous la barre des deux degrés en termes de réchauffement climatique, nous devons laisser les deux tiers des réserves de pétrole et de gaz connues dans le sol. Dans le cas norvégien, si tout ce qui est déjà trouvé est consommé, nous exploserons nos objectifs. La conclusion est que nous devons arrêter maintenant. » Plus nous préparerons la civilisation de l’après-pétrole à l’avance, mieux nous pourrions amortir les dégâts. Pourtant la Norvège a réaffirmé sa volonté d’être un producteur d’hydrocarbures aussi longtemps que possible et le Parlement a voté en faveur de nouvelles activités pétrolières et gazières. Pourtant toutes nos élites et les automobilistes rêvent de croissance économique et de réserves inépuisables d’hydrocarbures. Mais le dieu pétrole fera comme les autres dieux, il n’entendra pas nos plaintes… « du brent, du brent ».

* LE MONDE du 12 mars 2014, Le brent est « détraqué »

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La « merde du diable » triomphe en Algérie et en France

Le pétrole qui irrigue aujourd’hui nos artères commerciales charrie aussi le poison qui va tuer l’économie, et donc l’emploi et la stabilité sociale. Pour les pays producteurs, le nom de ce poison porte le doux nom de « rente pétrolière », pour les pays consommateurs de carburants celui plus explicite de « crise économique ».

Des experts pétroliers, dont trois anciens PDG de Sonatrach, la société nationale des hydrocarbures, réunis à la veille de la commémoration de la nationalisation du secteur pétrolier, le 24 février 1971, dressaient de sombres constats en Algérie : la fin de la rente pétrogazière est proche*. Alors que les revenus du pays proviennent à 97 % de l’exportation des hydrocarbures, le pic de la production gazière a été atteint en 2005. La production de pétrole décline également, les extractions algériennes ont reculé de 14 % depuis 2007. Or la population algérienne est passée de 15,5 millions en 1972 à 38,5 millions en 2012 : multipliée par 2,5 en 40 ans ; c’est une croissance démographique insoutenable. Malgré la rente pétrolière, le pays devient un bidonville et le chômage explose. Le gouvernement, soucieux de préserver la paix sociale, n’ose pas relever les prix de l’électricité et des carburants. La politique de redistribution de la rente menée depuis 2011 pour contrer la « contamination » du printemps arabe devient ainsi « non soutenable ». En 1965, Boumediene déclarait en s’emparant du pouvoir qu’à la fin du siècle l’Algérie sera une grande puissance grâce à ses 40 millions d’habitants. Dumont lui faisait tenir immédiatement un  message : « Sur 40 millions d’Algériens, il y aura 39 millions de miséreux et 1 million de privilégiés. »

Bien gérer la sortie de scène du « Dieu fossile » ne va pas être une mince affaire dans les pays riches, mais dépendants. La France, pays importateur d’énergie fossile, ne sera pas mieux lotie que l’Algérie quand le pétrole viendra à manquer. Si demain ce pays insouciant n’avait plus ni pétrole, ni gaz, ce n’est pas 4 % du PIB qui s’envolerait en fumée (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. « Conservez les neurones et supprimez les combustibles fossiles : nous ne serons plus capables de proposer des machines géniales à chaque consommateur occidental pour un prix qui n’a cessé de baisser au fil des temps. Tout plan qui présuppose une économie bâtie sur des flux carbonés croissants fera faillite. »**

Le pétrole n’est pas le sang de Jésus, mais la merde du diable.

* LE MONDE économie&entreprise du 26 février 20014, En Algérie, le déclin de la production de pétrole et de gaz met en lumière les failles d’une économie de rente

** Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici (Calmann-lévy, 2011)

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