Un exercice de réflexion pour écolos sur la sortie du croissancisme avec la fin programmée du troisième plan d’aide de l’UE à la Grèce.* Depuis 2010, la Grèce a reçu une aide financière de 300 milliards d’euros. L’ultime prêt ces jours-ci serait de 20 milliards d’euros…. pour payer ses emprunts précédents ! Comprenne qui pourra. Cette situation n’est rien par rapport à la dette des pays de l’Union européenne qui s’élevait en 2017 à 12 504 milliards d’euros. Notons que celle des Etats-Unis est d’environ 20 trillons de dollars, soit un intérêt annuel exigible de 500 milliard de dollars. C’est inimaginable. Même dans les pays super-riches, il faut recourir à l’emprunt pour payer les intérêts de la dette. C’est un cercle vicieux, insoutenable à terme, dont la Grèce nous donne le dénouement en cours. Il y a allègement des annuités, allongement de la durée de remboursement, autant dire que la dette ne sera jamais remboursée. La fin de la croissance économique résultera de trois phénomènes combinés, l’épuisement des ressources fossiles, l’exacerbation des changements climatiques et la fin de l’endettement financier. Notre pouvoir d’achat est acquis pour une grande partie à crédit, que ce soit dette envers la planète ou dette envers le système financier. Un jour ou l’autre, il faut bien rembourser ses dettes, même si c’est la ruine assurée. Pour essayer de temporiser avec les prêteurs, et la planète ne négocie pas, il faut se serrer la ceinture de plusieurs crans. La Grèce montre l’exemple qui sera suivi : près de 1 million de chômeurs pour 11 millions de Grecs, un chômage des jeunes de plus de 43 %, une fuite des cerveaux, la vente des biens publics, etc. Sans compter la baisse dramatique de pouvoir d’achat des retraités (à la suite de onze réformes successives) et des fonctionnaires. Encore les Grecs peuvent-ils compter sur le tourisme international, une rentrée de devises qui s’effondrera quand les autres États rentreront en récession. Sur notre blog biosphere, nous suivons attentivement la situation de la Grèce depuis 2010, exemples :
4 mai 2010, la Grèce, un exemple à suivre
Les promesses électorales n’ont plus cours en Grèce. Une nouvelle cure d’austérité prévoit des réductions sévères des revenus et une baisse importante du niveau de vie. Un demi-siècle après leur création, le Parti socialiste (PASOK) a aboli les salaires de Noël et de Pâques [13e et 14e mois] et les congés payés des fonctionnaires et retraités. Papandréou a aussi annoncé une réduction supplémentaire de 8 % des salaires des fonctionnaires. Après ces mesures, chaque fonctionnaire va perdre entre 15 et 30 % de son revenu annuel. Le PIB du pays va donc baisser de 4 % dès cette année… La leçon à tirer, c’est que la Grèce vivait au-dessus de ses moyens. On ne peut pas vivre indéfiniment au prix d’un endettement croissant. Un jour ou l’autre, il faut rembourser et plus on attend, plus la note est douloureuse. Mais La Grèce n’est pas un cas isolé. A la date du 16 novembre 2009, la dette publique des Etats-Unis atteignait 12 000 milliards de dollars. Elle avait dépassé le seuil symbolique des 10 000 milliards de dollars en septembre 2008. Il faut ajouter un endettement des ménages américains de 5 500 milliards $. Il est absolument anormal qu’un pays riche vive à crédit. Paradoxalement, l’ensemble de la dette du Tiers monde n’était que de 3360 milliards $ en 2007. La planète tourne à l’envers, qui peut financer l’économie quand tout le monde est emprunteur ? Ce qui attend les pays riches est donc nécessairement une cure d’austérité généralisée dont la Grèce n’est qu’un signe précurseur. Comme il faut ajouter à la dette financière la dette écologique, qui amenuise encore plus la possibilité de ressources futures, la purge n’en sera que plus difficile à avaler. Mais la biosphère s’en trouvera soulagée (…)
10 février 2012, en Grèce, vivre avec moins, le bonheur !
Techniquement, il n’y a aucune différence entre une récession économique et la décroissance voulue. Mais la première est mal vécue tandis que la seconde constitue une voie d’avenir qui s’inscrit déjà dans la réalité. En Grèce par exemple, la décroissance a rencontré la crise. Elle a beaucoup d’adeptes contraints, dont les revenus se sont effondrés, et qui n’ont pas d’autre choix, et quelques partisans, qui y voient un moyen de vivre différemment. Les Grecs ne sont pas devenus par miracle des adeptes de la décroissance, mais ils doivent désormais faire avec 50 % de moins ! Avant la crise, les Grecs avaient vraiment trop de choses, la crise commence à changer les façons de penser et d’acheter. Nous n’avons pas besoin d’avoir dix pulls et dix paires de chaussures. Il n’y a pas besoin de posséder beaucoup pour être heureux. Ils sont de plus en plus nombreux à utiliser l’énergie du soleil et du vent et à cultiver son jardin dans la cité. Le troc se fait au grand jour, on habille le jeune enfant dans un magasin en apportant les vêtements devenus trop petits (…)
10 janvier 2013, La Grèce, démonstration de ce qui nous attend demain
C’est épouvantable, il n’y a pas de solution à la descente énergétique. Aujourd’hui en Grèce la pénurie résulte des contraintes financières, demain elle découlera internationalement de la hausse du prix du baril, inéluctable. A lire pour se préparer au pire, voici un résumé de deux articles :
1) Dans les campagnes et les bois grecs, les coupes illégales font ravage. Un immigré albanais, plisse les yeux : « Cela me rappelle Tirana après la chute du régime communiste, quand les gens avaient coupé tous les arbres pour se chauffer et survivre… » En 2011, dans une énième tentative d’accroître ses rentrées fiscales, le gouvernement a remonté à 80 % la taxe sur le fioul domestique, largement utilisé en Grèce, pour l’aligner sur celle appliquée au carburant pour voiture. Le prix du litre a doublé à 1,40 euro ; trop pour une population paupérisée. Les écoles d’une dizaine de municipalités du nord du pays ont prévenu qu’elles fermeraient leurs portes lors des grands froids. Les vendeurs de bois n’avouent une seule crainte : le risque de pénurie. Car si les températures venaient à passer sous les 0°C, comme ce fut le cas l’hiver dernier, le bois pourrait bien manquer.(LE MONDE du 20 Novembre 2012)
2) Le ministre des finances a refusé d’accroître l’aide pour permettre aux familles les plus pauvres de se chauffer. « Je souhaiterais que nous ayons la possibilité budgétaire de le faire », a commenté le ministre, en expliquant que cela n’était pas possible. » La crise crée un nouveau type de pollution dans les grandes villes grecques : celle liée aux feux de cheminée. Le prix du fioul domestique est en forte hausse en raison de l’augmentation de 40 % de la taxe sur le mazout, qui a été mise au même niveau que celle sur l’essence. Cette augmentation est destinée à empêcher la contrebande de fioul. Moins cher, celui-ci était utilisé par des stations-service qui le convertissaient en carburant (…)
8 juillet 2015, sortie de la Grèce de l’euro, une bonne nouvelle écolo
Les atermoiements sur la Grèce sur une sortie de l’euro paraissent dérisoires. Ce n’est pas une catastrophe si celase fait. Au contraire même, ce sera une bonne nouvelle pour l’écologie. Je prends pour point de départ cette phrase tirée d’une liste de diffusion d’EELV : « Je ne comprends pas comment depuis le temps, les grecs n’ont pas créé de réseaux de monnaies locales qui auraient pu prendre le relais pour les échanges internes dans cette période. » En fait les Grecs vont tôt ou tard sortir de l’euro. Ils retrouveront donc une monnaie locale qu’on appellera la drachme (ou un autre nom). Une monnaie nationale est en effet (par rapport au reste du monde) une monnaie locale. C’est une bonne chose. Les Grecs seront obligés d’acheter grec et de relocaliser leurs activités, ce que les écolos appellent normalement de leurs vœux. Leur monnaie sera très dévaluée, ce qui augmentera fortement le coût de leurs importations. Ils consommeront en conséquence moins de pétrole et de biens de consommation importés, ce que les écolos appellent aussi de leurs vœux. Les touristes seront encore plus nombreux, la vie sera moins chère pour eux en Grèce. Mais favoriser le tourisme vers l’étranger n’est pas très écolo, rien n’est parfait dans une société complexe. Il faudra que le gouvernement prenne des mesures drastiques pour lutter contre les inégalités et les dépenses ostentatoires, ce qui est bon pour la planète. Bien entendu ils ne pourront pas rembourser toute la dette accumulée, il y aura une remise de dette et les contribuables des autres pays européens seront un petit peu touchés par ce non-remboursement. Mais ça ne sera pas trop grave. De toute façon plus les habitants d’un pays riche voient baisser leurs pouvoir d’achat, plus c’est une bonne nouvelle, la prédation sur les ressources naturelles diminue en conséquence.
Pour conclure, le passage à l’austérité partagée (ce qu’on espère des Grecs) n’est pas un cas particulier. L’Espagne et l’Italie ont déjà eu chaud à cause de leur endettement, mais aussi la France. Même un pays comme les USA, qui devrait épargner puisqu’il est riche, est super-endetté, il faudra bien rembourser. Le problème mondial, c’est la course mondiale à la croissance qui s’est opérée à force d’endettement public et privé, ce qui n’est pas durable. Que cette folie consumériste se casse la gueule, tous les écologistes normalement anti-croissancistes devraient applaudir. Rappelons la réalité de la Grèce. En arrivant au pouvoir en 2009, le nouveau premier ministre socialiste, Georges Papandréou, réalise l’ampleur du déficit du pays dissimulé par la droite. Alors que la note souveraine de la Grèce est abaissée par les agences de notation, il renonce à son plan de relance de 2,5 milliards d’euros et présente un paquet d’austérité. Méditez attentivement sur cette phrase: « Papandréou renonce à son plan de relance » (…)
* LE MONDE du 19 juin 2018, La sortie du purgatoire se profile pour la Grèce