épuisement des ressources

Le baril de pétrole à 80 dollars, ridiculement bas !

Pour la première fois, la barre historique des 100 millions de barils produits par jour a été franchie au mois d’août, soit 15 900 000 000 litres, soit environ deux litre par jour et par habitant au niveau mondial ! C’est vertigineux, démentiel, non durable. La prise de conscience planétaire pour le climat, le fait de devoir laisser les ressources fossiles sous terre pour éviter la catastrophe est encore loin. Pour rester en dessous de la barre symbolique de 2°C d’augmentation de la température mondiale, il faudrait en effet s’abstenir d’extraire un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % du charbon disponibles dans le sous-sol mondial. Or les pays membres de l’OPEP, le cartel des exportateurs de pétrole, ont pourtant augmenté leur production ces derniers mois.

Il est vrai que la demande mondiale est soutenue par un prix du pétrole qui reste à un niveau ridiculement bas : le baril de brent reste en dessous des 80 dollars, soit un demi dollar par litre. C’est moins cher que le Coca Cola qui n’est que de l’eau gazéifiée avec un colorant alors que le pétrole a demandé des millions d’années pour se fabriquer. Comme d’habitude LE MONDE*, journal dit de référence, s’intéresse aux variations conjoncturelles du prix du pétrole et pas du tout aux fondamentaux, la disparation inéluctable d’une ressource très précieuse et le réchauffement climatique dû à sa combustion. L’AIE, cette officine au service de la croissance économique mondiale, s’inquiète : « Nous entrons dans une période cruciale…Si les exportations iraniennes et vénézuéliennes continuent de tomber, les marchés vont se tendre et les prix augmenter. » Le secrétaire d’État américain à l’énergie, son homologue russe et le ministre saoudien du pétrole aux Etats-Unis plaident tous pour une baisse des prix de l’or noir de peur que des cours élevés ne pèsent sur la demande ! Face à la folie furieuse de nos dirigeants aux service de la boulimie d’essence des consommateurs, il faut rappeler les données de base d’un raisonnement fiable, la connaissance de ce qui constitue le pic pétrolier et un choc pétrolier. L’un porte sur les quantités et l’autre sur le prix, mais les deux phénomènes sont bien sûr reliés.

Nous avons déjà dépassé le pic pétrolier, le moment où nous avons atteint le maximum de production possible avant le déclin, comme l’avait déjà signalé l’AIE : « La production de pétrole conventionnel a atteint son pic historique en 2006, elle ne le redépassera jamais. » Et Donald Trump ne peut rien contre les réalités géologiques. Nous sommes donc dans une période de descente énergétique, mais les efforts technologiques démesurés de prospection et les pétroles non conventionnels nous cachent cette réalité. Les majors ont de plus en plus de mal à trouver et produire autant de pétrole qu’elles le voudraient. Exxon, BP et les autres doivent s’aventurer toujours plus loin, tenter des projets toujours plus complexes, par exemple dans l’offshore ultra-profond ou la liquéfaction de gaz. Les coûts de production des grands pétroliers montent en flèche. La facture en Alberta pour les sables bitumineux se mesure aussi en dégâts environnementaux.

Le pic pétrolier entraînera inéluctablement une hausse du prix du baril quand les perspectives de court terme envisagés par les mécanismes de marché des hydrocarbures cesseront de nous leurrer. La répercussion sur l’activité économique sera non-linéaire, c’est le choc pétrolier. Cela signifie qu’au-delà de 200 dollars le baril, beaucoup de secteurs pourraient être incapables de faire face. On peut penser aux transports : le fret routier, les compagnies aériennes et toute l’industrie automobile souffriront très gravement d’un prix aussi élevé. Et puis il y aurait un effet domino sur l’ensemble des secteurs de l’économie. Jean Albert Grégoire nous avertissait dès 1979 : « Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera. » Pour Jean-Marc Jancovici, les carottes sont cuites.

* LE MONDE du 18 septembre 2018, Pétrole : la production mondiale atteint des records, les prix en hausse

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La fièvre de l’or en Guyane, Macron est pour

La « Montagne d’or », un projet de gigantesque mine, mené en Guyane par le groupe russe Nordgold, associé au canadien Columbus Gold. Ce projet « participe pleinement au renouveau minier de la France », avait déclaré Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, aux Echos, en 2015 : « Il y a une richesse sous le territoire français, notamment de l’or. (…) Nous ferions une erreur profonde en ne l’exploitant pas. » Un investissement de 780 millions d’euros pourrait créer seulement 3 750 emplois. L’utilisation du très toxique cyanure est nécessaire pour récupérer la faible quantité d’or contenue dans la roche – environ 1,6 gramme par tonne de roche. ll faudra stocker des millions de tonnes de boues dangereusement polluées. Alors que Nicolas Hulot était très hostile au projet, François de Rugy semble pourtant disposé à l’accepter sous réserve de modifications. Le rapport issu de la consultation organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP) est circonspect. Au lieu de créer un consensus, le débat « semble avoir radicalisé » les positions, constate la CNDP. Certaines réunions ont tourné au pugilat.* La montagne d’or, un nouveau NDDL propice aux zadistes.

Un commentateur hystérique sur lemonde.fr, PHILI DAN, s’exclame : « La Guyane est un océan de forêt tropicale primaire, inexploitée car presque totalement inhabitée. Seuls des khmers verts fanatiques peuvent s’opposer à ce qu’on exploite quelques km2 sur les 83 534 km2 de territoire. Dans le monde entier il y a des mines d’or, d’argent, de cuivre, de plomb, de fer. Devrions-nous nous passer de tous ces métaux pour faire plaisir à quelques écolos extrémistes ? »

Nous lui répondons simplement par un très vieux texte toujours d’actualité : « Dans ce siècle d’argent, où l’argent est le dieu et la mesure universelle, une foule d’arts vains et frivoles s’exercent uniquement au service du luxe et du dérèglement. En Utopie au contraire, quand il y a encombrements de produits, les travaux journaliers sont suspendus, et un décret autorise une diminution sur la durée du travail, car le gouvernement ne cherche pas à fatiguer les citoyens par d’inutiles labeurs. L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable. C’est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté. La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. La nature invite tous les hommes à s’entraider mutuellement et à partager en commun le joyeux festin de la vie. » (Thomas More, 1516)

* LE MONDE du 8 septembre 2018, Le projet de Montagne d’or en Guyane va être revu pour obtenir le feu vert de l’Etat

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En écologie, les petits pas mènent au désastre

Au début on nie les chocs écologiques, ensuite on déconsidère ceux qui le prouvent, et à la fin on fait semblant de tenir compte des réalités biophysiques : « L’idéologie environnementale estime que la catastrophe est imminente et qu’il faut agir dans une urgence extrême pour transformer en profondeur le système économique. C’est profondément faux. Un militant « vert » ne peut pas être ministre de l’écologie. Nicolas Hulot déplore ses « petits pas » pour annoncer sa démission, les rêves butent sur la réalité.En matière de système énergétique et de comportements humains, les changements possibles ne sont pas de nature révolutionnaire. Les transformations souhaitées occuperont plusieurs générations. Le temps du progrès scientifique et technologique, celui des transitions énergétiques, est un temps long. Il n’y a en réalité qu’une seule politique, c’est celle réaliste, pragmatique et optimiste des « petits pas ». »* Cette politique des petits pas prônée par M. Fontecave part d’un parti-pris de principe, la subordination des lois de la nature à celles de l’économie. Il est vrai que quand on est à la fois membre de l’Académie des sciences et du Conseil scientifique d’EDF, on est un chaud partisan de la société thermo-industrielle et on ne peut bouger que lentement. Mais on n’a pas le temps, la température du globe bascule, les ressources fossiles seront épuisées dans très peu d’années, la consommation et la population continuent de croître à allure exponentielle…

« Il y aura dans moins de vingt-cinq ans une telle accumulation de gaz à effet de serre que la température moyenne de la Terre sera supérieure de plus de 2 °C à ce qu’elle était avant la révolution industrielle, l’humanité n’aura pas cessé de gaspiller le capital naturel, elle se trouvera complètement désarmée face à un chaos généralisé. Que restera-t-il de la démocratie et même de tout sentiment moral lorsqu’il aura fallu choisir entre accepter que l’Europe soit submergée par des dizaines de millions de migrants fuyant des situations encore plus désespérées, ou accepter d’utiliser, pour les repousser, tous les moyens disponibles ? Face aux perspectives d’effondrement auxquelles nous sommes confrontés, les demi-mesures ne constituent pas une réponse rationnelle. Ce que font ceux qui aujourd’hui ont du pouvoir, politique ou économique, ne contribue guère à nous écarter de la trajectoire qui mène au désastre, quand cela ne nous y pousse pas. A chacun son optimisme ou son pessimisme. Au moins l’hypocrisie n’a-t-elle plus aucune excuse. » Cette analyse étayé est émis par le président du Conseil scientifique de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Claude Henry est beaucoup plus « réaliste » que Marc Fontecave. Il émet trois propositions :

– réorienter la pression fiscale sur les activités et produits qui contribuent significativement à la dégradation du capital naturel, de manière à changer les modes de production et les comportements de consommation.

– organiser la faillite des entreprises qui contribuent le plus à la dégradation du capital naturel et qui font le plus obstacle à la transition écologique et économique. Il s’agit en particulier des entreprises productrices d’énergies fossiles ainsi que d’une grande partie du secteur de la chimie.

– substituer un modèle d’agriculture fondé sur la biologie au modèle fondé sur la chimie. Elle est fondée sur la richesse vivante des écosystèmes, l

* LE MONDE du 4 septembre 2018, N’attendons pas de révolution écologique, avançons à petits pas

** LE MONDE du 6 septembre 2018, Claude Henry : « Trois mesures pour sortir du désastre écologique »

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Un monde de béton qui va s’écrouler inéluctablement

L’écroulement du pont Morandi, à Gênes, mardi 14 août 2018, pose le problème de la « bétonisation » du monde. Aujourd’hui dans LEMONDE**, l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz s’interroge sur la pérennité du béton : « Le béton est, en masse, le matériau le plus abondant fabriqué par l’humanité, loin devant l’acier. 60 milliards de tonnes de ciment ont été produites depuis 1945 dans le monde, ciment qui aura permis de couler au moins 500 milliards de tonnes de béton (mélange de sable, de gravier et de ciment). Le plus spectaculaire reste la bétonisation de la Chine. En masse, la Chine produit actuellement environ 2 milliards de tonnes de ciment par an, soit vingt fois plus que les Etats-Unis à leur pic de production. Autrement dit, en à peine trois ans, la Chine a coulé plus de béton que les Etats-Unis pendant tout le XXe siècle ! Mais le béton, contrairement à l’expression proverbiale, n’est pas un matériau inaltérable, loin s’en faut. Les vibrations, les contraintes qu’il subit, le gel, les altération de l’armature le fragilisent en permanence. La durée de vie d’une infrastructure en béton varie suivant la qualité de l’ouvrage, mais tourne, selon les experts, autour de soixante ans. Cela signifie que beaucoup d’infrastructures construites dans les années 1950-1970 en Europe et aux Etats-Unis – routes, tunnels, ponts, barrages et… centrales nucléaires – atteignent leur fin de vie ou nécessitent des travaux considérables. En France, les investissements d’entretien représentent 70 % des investissements routiers. L’Etat dépense 80 000 euros par an pour chaque kilomètre de route nationale.Si l’on extrapole à partir de ces chiffres sur le cas chinois, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de milliards de dollars que la Chine devra débourser pour maintenir en état les montagnes de béton qu’elle a coulées ces dernières décennies. L’effondrement du viaduc de Gênes nous confronte soudain à la réalité de notre monde technique : un monde de béton sur lequel techniciens et ouvriers doivent travailler sans relâche pour éviter qu’il ne s’écroule. »

Bien entendu on peut toujours contester les chiffres. Selon Swisslife, la structure (béton ou briques), qui constitue le «squelette» du bâtiment, doit être restaurée au bout de 70 à 100 ans. D’autres experts se refusent à dater la durabilité du béton tant ce matériau leur paraît éternel. On fait référence au béton des anciens romains, leurs ponts sont presque toujours en bon état. Dans un livre de 2012 Jean-Baptiste Fressoz constate qu’après les catastrophes, il faut des discours et des dispositions morales qui les neutralisent, atténuent leur dimension éthique pour les rendre compatibles avec la continuation du projet technologique** : « Les normes de sécurité, les consultations publiques, les procédures d’autorisation qui prétendaient connaître et contenir le risque eurent généralement pour conséquence de légitimer le fait accompli technologique. »

En fait, 60 ans ou 100 ans pour une infrastructure, ce n’est rien si on peut réparer et consolider. Or le problème de la société thermo-industrielle, c’est qu’elle construit à tout va des buildings gigantesques ou des ponts démesurés dont l’entretien demandera de l’énergie, beaucoup d’énergie fossile ; dans 60 ans ou 100 ans, c’est cela qui manquera le plus. Le plus inquiétant, c’est que nous bâtissons, que ce soit au sens propre ou figuré, sur du sable. Les tours de New York et ailleurs a reconstruire tous les 200 ans, peut-être, mais avec quel sable ? Comme il faut deux tiers de sable et de graviers et un tiers de ciment pour produire du béton, ce granulat est devenu la deuxième ressource naturelle la plus consommée sur la planète, après l’eau et devant le pétrole. Chaque année, au moins 15 milliards de tonnes seraient ainsi récoltées dans le monde – ramassées à la pelle, aspirées dans la mer par des bateaux-dragueurs ou extraites de carrières –, au point de menacer certaines plages de disparition. Sans vouloir être trop alarmiste, la situation devient catastrophique. Si nous devions revenir aux techniques constructives en vigueur à l’époque romaine (pierres extraites à la pelle et à la pioche, transportés par barges, montées par poulies à la force des bras), les ponts et logements demanderaient 30 à 1000 fois plus de temps pour être construits, et surtout coûteraient tellement cher qu’il s’en construirait 50 à 100 fois moins dans l’année.

* LE MONDE éco du 29 août 2018, Gênes ou la réalité d’un monde de béton

** Jean-Baptiste Fressoz, l’apocalypse joyeuse, aux éditions du Seuil (février 2012)

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Gilbert Rist, la tragédie de la croissance

extraits de son livre* : Sur le plan théorique, il s’agit de combattre une double erreur. La première concerne notre rapport à la Nature, c’est-à-dire l’anthropocentrisme radical qui caractérise nos sociétés depuis la Renaissance. La seconde tient à l’individualisme et à l’utilitarisme qui ont progressivement fait du marché le principe unique de l’organisation sociale. Réduire l’épaisseur de la vie sociale à la rencontre intéressée d’individus prétendument rationnels ou envisager de résoudre les problèmes écologiques en créant des marchés fictifs relève soit de l’ignorance soit de l’imposture. L’obsession de la croissance vise à assurer le confort d’une minorité privilégiée qui tient le rôle des rois et des reines accrochées à un pouvoir devenu dérisoire : l’épuisement des ressources nécessaires à ce confort et la dégradation de l’environnement que cela entraîne représentent la figure du destin invisible mais inexorable. Paradoxalement, on dépense des sommes extraordinaires pour reproduire notre environnement au cas où des humains accepteraient de s’installer sur Mars, mais on tient pour négligeable la conservation du modèle que l’on cherche à copier.

Le modèle dominant souffre donc d’une tache aveugle rédhibitoire : il conçoit le système socio-économique comme totalement hors sol, réduisant la Nature à un simple décor de l’activité humaine. Cet anthropocentrisme exclusif est le signe d’une profonde ignorance. Il est à l’origine de l’inversion théorique qui, au lieu de considérer la société comme un sous-système du système écologique global (la biosphère) a fait croire que la « science » économique pouvait à elle seule organiser la vie sociale. Cette doctrine, qui promet le bonheur pour tous, conduit à la misère généralisée. Cette vision est devenue suicidaire.

Quels peuvent être les moteurs du changement ? Un sursaut collectif consisterait à appliquer la formule de Saint Just : « Attendre un mal général assez grand pour que l’opinion générale éprouve le besoin de faire le bien. » Certains comptent déjà sur l’exemplarité (ou effet d’entraînement). Ainsi il existe plus de 2000 villes en transition qui ont banni les voitures de leurs rues, pratiquent l’agriculture urbaine, promeuvent l’autonomie énergétique, règlent leurs échanges avec des monnaies locales. Mais l’État constitue pour l’instant le cadre indépassable de l’action politique. Les difficultés seront d’autant plus grandes que le débat politique devra dépasser les limites de la cité ou de la nation pour inclure dans les délibérations la voix des « collectifs muets » (les acteurs absents), pour ainsi dire considérer le Terrestre comme un nouvel acteur politique.

* Gilbert Rist, La tragédie de la croissance aux éditions SciencesPo (avril 2018)

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Alexandre Rojey, L’humanité a-t-elle un avenir ?

Dans son livre, Alexandre Rojey s’interroge sur « le monde qui vient ». Ses réponses sont multiples, mais ce que nous retenons surtout de ses écrits, c’est qu’un expert en développement durable et fondateur de think tank part du même diagnostic que notre blog biosphere :

« La technologie a déjoué jusqu’à présent les sombres prévisions de Malthus. Une population beaucoup plus nombreuse qu’à son époque (1798) a pu améliorer son niveau de vie de manière certes inégales, mais dans des proportions néanmoins impressionnantes. Il serait toutefois dangereux d’imaginer qu’une telle situation est acquise pour toujours. Les limites de la croissance sont peut-être proches, comme l’avait annoncé le rapport Meadows en 1972. Les accomplissements de la technologie paraissent souvent relever de la magie pour ceux qui en sont les simples utilisateurs. L’espoir d’un bonheur futur, mêlant promesses et mirages, remplace la religion comme guide. Malgré toutes les prouesses accomplies, le progrès techno-scientifique joue un rôle ambigu. Tout en offrant à l’humanité l’espoir de surmonter les défis auxquels elle est confrontée, il est également porteur de lourdes menaces. Tandis que la complexité des dispositifs techniques devient difficile à maîtriser, la résilience du sysme technico-économique s’affaiblit constamment. Le très haut niveau de connexion établi entre toutes les activités humaines accroît le risque de propagation d’un processus d’effondrement, capable d’affecter rapidement l’ensemble de l’édifice. L’impact des activités humaines sur l’environnement atteint un niveau qui est de moins en moins compatibles avec la préservation des écosystèmes. Pour conjurer ces nouveaux périls, l’humanité devrait progresser en sagesse à un rythme comparable à celui du progrès technique. Or il ne semble pas du tout certain que la nature humaine ait beaucoup évolué depuis la préhistoire. L’intelligence, censée guider l’humanité vers le progrès et le bien-être reste, comme au tout début de l’histoire, au service de la volonté de puissance. » (page 86-87)

Nous regrettons cependant que face à l’urgence écologique, Alexandre Rojey s’en tienne à des solutions trop modérées : «  La nouvelle organisation de la société privilégie les biens immatériels, réduisant ainsi la demande en ressources naturelles… La frugalité est spontanément acceptée comme un moyen de préserver l’environnement… Les mesures les plus difficiles à adopter sont introduites de façon progressives et sont appliquées avec pragmatisme, de façon à répondre aux attentes de chacun… Le retournement du regard vise à libérer la beauté, en lui rendant son caractère intemporel… Etc. »

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Guerre à la planète, et le seul ennemi c’est nous-même

Tout va très lentement en matière d’évolution culturelle. Il a fallu des millénaires à nos société civilisées pour établir l’égalité entre l’homme et la femme, et encore ce n’est pas encore une réalité dans tous les pays ! La question sociale a mis presque cent ans, entre le début du XIXe siècle et la fin du XIXe siècle, pour devenir le sujet principal des États européens. Il fallait faire un travail considérable de prise de conscience de l’exploitation dans une situation d’aliénation des travailleurs favorisée par un contexte patriarcal. Merci au manifeste du communisme (1848), merci à Karl Marx d’avoir su définir qui était l’ennemi (le capitaliste) et qui était l’ami (le prolétariat). Une fois l’élaboration d’un discours qui peut devenir commun, on peut en effet s’organiser et agir : constitution de syndicats malgré leur interdiction faite au moment de la révolution française, formation du parti communiste et de la mouvance socialiste. Cela n’a pas empêché la droite libérale d’avoir la suprématie politique la plupart du temps puisque ce sont les marchands qui ont pris le pouvoir depuis 1789.

Aujourd’hui nous sommes dans une situation paradoxale. Tous les paramètres biophysiques de la biosphère sont au rouge, il est donc absolument nécessaire d’agir de toute urgence dans un contexte d’épuisement accéléré de toutes les ressources naturelles et de réchauffement climatique inéluctable. Or il n’y a plus d’ennemi clairement désigné, nous faisons la guerre à la planète et nous sommes tous complices. Les riches dilapident les ressources fossiles et les pauvres détériorent souvent le milieu proche qui les faisaient vivre quand ils ne jouent pas à imiter les riches. Les politiques en restent encore à la question sociale et à la défense des avantages acquis, ils soutiennent l’activité économique et le pouvoir d’achat au détriment de la question écologique. Si les gouvernements s’assemblent périodiquement depuis plus de 23 ans dans des conférences sur le climat (COP21, 22, 23…), ce n’est pas de leur propre volonté. Ils ont été poussés par une autorité — ni étatique ni légale — mais une autorité quand même, le climat lui-même qui détériore nos conditions d’existence. Tel que les scientifiques l’ont modélisé, la menace climatique pèse sur les États, sans quoi ils ne se seraient pas réunis. Nous faisons la guerre à la planète, et la politique de la terre brûlée n’a jamais été source d’un avenir durable !

Les zadistes des zones à défendre ont fait une opération de grande importance, nous indiquer qu’on ne peut pas faire n’importe quoi de nos territoires qui sont aussi nos lieux de subsistance. Ils ont parfaitement raison de dire que les questions économiques sont des questions territoriales. Voulons-nous des avions ou la relocalisation  ? Voulons-nous des zones commerciales ou des zones humides ? Ceux qui veulent construire un aéroport sont hors sol, les zadistes nous montrent que nous devons nous ancrer dans un territoire déterminé et équilibré. Mais les zadistes ne sont qu’une minorité, alors que tous les citoyens devraient se sentir concernés. Il s’agit en effet d’assurer notre niveau de subsistance de façon durable. Il est difficile pour les gouvernements et les citoyens de se ressentir comme écologistes quand les pratiques habituelles vont toutes à la préoccupation de court terme au détriment du long terme… On privilégie les gaz d’échappement de sa voiture et on accentue la guerre à la planète sans en prendre conscience. Quand il y aura bientôt un nouveau choc pétrolier, cela risque d’être la crise ultime car c’est principalement le pétrole qui fait la croissance économique. Les jumeaux hydrocarbures forment un couple qui va bientôt nous terroriser. Une seule solution, pactiser avec la planète, changer radicalement notre façon de voir les choses, réduire drastiquement notre niveau de vie et notre population.

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Bloquons la circulation sur la route des vacances

Ceux qui s’organisent pour interrompre la circulation sur une autoroute en créant ainsi un embouteillage monstre sur la route des vacances sont-il des terroristes ? Comment faire comprendre à nos concitoyens qu’en allant se bronzer sur une plage, on émet des gaz à effet de serre qui détraquent le climat ? Comment percevoir concrètement que notre mode de déplacement et notre niveau de vie découle de la destruction de la planète ? Le réchauffement climatique fait des victimes un peu partout dans le monde : la chaleur est un drame quotidien au Japon, la Grèce est ravagée par des incendies meurtriers, chaleur et sécheresse, la Suède suffoque… Sans compter qu’en 2017, au moins 207 défenseurs des droits à la terre et de l’environnement ont été tués, dans vingt-deux pays différents. On assassine des militants alors qu’ils tentaient de protéger leurs domiciles et leurs communautés contre l’extraction minière, l’agrobusiness et d’autres industries destructrices. Les rayons de nos supermarchés sont remplis de produits issus de ce carnage (cf. le rapport « At What Cost » de Global Witness).* Notre civilisation thermo-industrielle fait la guerre à la planète, il nous faut entrer en résistance même si les institutions gouvernementales sont du côté des forces du mal.

PHILÉMON FROG sur lemonde.fr fait preuve de pessimisme : « Les entreprises qui recherchent le profit à tout prix ne craignent pas de dévaster la planète, focalisées sur le court terme, indifférentes à l’état dans lequel elle se trouvera à la fin du siècle. Ce ne sont donc pas quelques humains qui vont les arrêter ! Il faudra un stade de destruction plus visible, plus tangible, dans 25-30 ans, pour que la prise de conscience de l’opinion se transforme en pression sur les gouvernements et que ces entreprises soient mises hors d’état de nuire. » Mais il attaque les entreprises, il ne cite pas notre comportement de consommateur de vitesse et de futilités. Nous sommes tous co-responsables du désastre en cours, nous pouvons modifier le cours des événements en changeant notre comportement, mais nous pouvons aussi nous organiser collectivement

Il suffit à un individu écologiquement conscient de mettre en place, à son domicile ou dans un lieu de son choix, un centre d’information/formation en créant une bibliothèque. Les participants apportent un ou plusieurs livres pour créer rapidement un fonds collectif. A partir de la formation d’un groupe transpartisan, on peut alors au niveau de son territoire proposer une réunion mensuelle. L’ordre du jour débuterait par une courte discussion sur les événements d’actualité pour créer un lien entre les membres du groupe, chacun s’exprimant à tour de rôle. Ensuite on envisagerait les actions possibles, d’abord au niveau individuel : qu’est-ce que je fais personnellement pour avoir un mode de vie écolo. On met aussi en commun son expérience associative ou politique en matière d’environnement. Enfin on s’interroge au niveau collectif sur les actions locales à mener, les sujets d’intervention ne manquent pas. On peut organiser localement des projections de films, ce serait intéressant de pouvoir projeter « Woman at War » par exemple. On peut faire venir des intervenants pour une conférences-débat. On peut même être plus incisif. Pensons à la lutte contre les panneaux publicitaires, contre les projets inutiles locaux, contre les atteintes à la nature près de notre jardin, etc. Le groupe de réflexion se transforme alors en groupe d’action. Nous avons la chance en France de ne pas risquer sa vie, même en faisant des actions illégales d’activisme écolo. Ce n’est pas le cas ailleurs, des militants se font tuer alors que qu’ils veulent simplement protéger la durabilité de nos ressources et la santé de notre environnement… Évitons de partir en vacances au loin, c’est le début de l’activisme !

* LE MONDE du 25 juillet 2018, 2017 année la plus meurtrière pour les défenseurs de l’environnement

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Un futur sans eau potable, très probable

Après le gaz et l’électricité, l’eau ! Tout augmente, bientôt ne pourront payer que les solvables. Après la précarité énergétique, bientôt les déclassés iront chercher directement l’eau au puits… très pollué ou trop absent de l’environnement urbain !

Lors de la première phase des Assises de l’eau, le gouvernement plaide pour une hausse des tarifs de l’eau afin de financer la rénovation des canalisations et des usines d’assainissement vieillissantes. « Il y a trois manières de financer, et c’est aux hommes politiques de prendre la décision : le tarif, l’impôt ou la dette, qui se transforme finalement en impôts », résume le directeur général de Suez. « La première phase des Assises a montré que l’essentiel du financement des infrastructures devait provenir de la facture d’eau », a récemment prévenu Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique. La problématique de l’eau va bien au-delà de la modernisation des installations et de leur financement. La deuxième phase des assises, qui doit débuter en septembre, élargira la réflexion sur la qualité de la ressource, la diversité de ses usages et les conséquences du réchauffement climatique…*

Et dire que les adeptes des supermarchés préfèrent généralement l’eau en bouteille (plastique) que l’eau du robinet. Au fil des décennies, on a fini par oublier à quel point disposer chez soi d’eau potable rien qu’en tournant un robinet était un luxe, et on pense aujourd’hui que ça va de soi . Mais passons deux jours sans eau au robinet, et on se rend compte de la galère ! En période de descente énergétique (il faut de l’énergie pour amener l’eau au robinet après l’avoir dépolluée), l’eau deviendra en France un bien rare. Mais dans d’autres pays, la majorité des gens vivent déjà des temps de stress hydrique, d’épuisement des nappes phréatiques, de pollutions diverses de l’eau, etc. Urbanisation, surpopulation, sur-pollutions, agriculture intensive, la problématique de l’eau révèle l’impuissance du complexe thermo-industriel à nous mener sur les voies d’un futur acceptable.

* LE MONDE économie du 20 juillet 2018, La hausse du prix de l’eau est inévitable)

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Limites écolo du « en même temps » gouvernemental

Un article de Stéphane Foucart dans LE MONDE* à lire absolument. Nous en retenons ici l’absurde du raisonnement de nos élites qui savent et en même temps ne veulent rien faire :

Le 2 juillet, on a ainsi pu voir le premier ministre Edouard Philippe et Nicolas Hulot, dans un « Facebook Live » consacré à l’environnement, deviser tranquillement sur les enseignements d’Effondrement, l’une des œuvres majeures de Jared Diamond. Dans cet essai important sont rassemblés des exemples historiques montrant que des sociétés incapables de s’adapter aux bouleversements — naturels ou anthropiques — de leur environnement, ont sombré dans le chaos économique, social et politique, pour finalement disparaître. Les deux ministres présentent ainsi la lutte pour la préservation de l’environnement comme un enjeu littéralement vital pour la société. « Cette question me taraude beaucoup plus que certains peuvent l’imaginer, a dit M. Philippe. Comment fait-on pour que notre société humaine n’arrive pas au point où elle serait condamnée à s’effondrer ? » Edouard Philippe le sait bien : nul n’a jamais pu mettre en évidence une société qui serait parvenue à s’effondrer et, « en même temps », à ne pas s’effondrer.

* LE MONDE du 8-9 juillet 2018, Environnement : Les risques et les limites du “en même temps”

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Parlons dégradation des terres, pas du Mondial de foot

Hallucinant, la Commission européenne a un service scientifique dénommé JRC (Centre commun de recherche)*. Personne n’était au courant ! Ils font la promotion d’un Atlas mondial de la désertification, publié une première fois en 1992 lors Sommet de la Terre de Rio. Moins connue que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et que celle sur la diversité biologique (CDB), la Convention sur la lutte contre la désertification fait pourtant partie du triptyque imaginé au sommet de Rio. Vingt satellites d’observation scrutaient la planète en 1992, ils sont près de cent aujourd’hui.

Chaque année, une surface équivalente à la moitié de la taille de l’Union européenne (UE) – soit plus de deux millions de kilomètres carrés – est dégradée, l’Afrique et l’Asie étant les deux continents les plus touchés ; plus de 50 % de la surface terrestre est aujourd’hui affectée par ce mécanisme lié aux variations climatiques et aux activités humaines. Au rythme actuel de l’expansion agricole, industrielle et minière, les forêts primaires auront, d’ici 2030, disparu au Paraguay, mais aussi au Laos ou en Guinée équatoriale. Les forêts de Centrafrique, du Nicaragua ou du Cambodge pourraient subir le même sort d’ici 2040.A l’horizon 2025, près des deux tiers de la population mondiale pourrait être confrontée à une situation de stress hydrique. Constatons que les migrants originaires d’Afrique subsaharienne viennent de zones rurales dégradées et qu’une bonne partie de la consommation des pays riches est produite à l’étranger. Tous responsables, tous coupables. Il n’est plus possible raisonner en silo, abordant d’un côté la question de l’usage de terre, de l’autre celle du changement climatique, du déclin de la biodiversité, de l’expansion démographique ou de l’urbanisation. Le rapport du JRC indique que l’augmentation attendue de la population mondiale, 9 milliards d’humains au milieu du siècle, rendra la pression sur les ressources naturelles quasi insupportable.

Catastrophe n’est pas un mot d’ordre, c’est une réalité. Mais il est vrai que commenter les résultats du Mondial de foot est beaucoup plus excitant que prévoir pour les décennies qui viennent famine mondiale, déplacements massifs de populations (700 millions d’ici 2050, agrandissez votre logement pour les recevoir) et conflits en tous genres (qui se multiplient déjà un peu partout) .

* LE MONDE du 4 janvier 2018, Dégradation massive des terres à l’échelle planétaire

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La fin du purgatoire pour la Grèce et l’enfer pour tous

Un exercice de réflexion pour écolos sur la sortie du croissancisme avec la fin programmée du troisième plan d’aide de l’UE à la Grèce.* Depuis 2010, la Grèce a reçu une aide financière de 300 milliards d’euros. L’ultime prêt ces jours-ci serait de 20 milliards d’euros…. pour payer ses emprunts précédents ! Comprenne qui pourra. Cette situation n’est rien par rapport à la dette des pays de l’Union européenne qui s’élevait en 2017 à 12 504 milliards d’euros. Notons que celle des Etats-Unis est d’environ 20 trillons de dollars, soit un intérêt annuel exigible de 500 milliard de dollars. C’est inimaginable. Même dans les pays super-riches, il faut recourir à l’emprunt pour payer les intérêts de la dette. C’est un cercle vicieux, insoutenable à terme, dont la Grèce nous donne le dénouement en cours. Il y a allègement des annuités, allongement de la durée de remboursement, autant dire que la dette ne sera jamais remboursée. La fin de la croissance économique résultera de trois phénomènes combinés, l’épuisement des ressources fossiles, l’exacerbation des changements climatiques et la fin de l’endettement financier. Notre pouvoir d’achat est acquis pour une grande partie à crédit, que ce soit dette envers la planète ou dette envers le système financier. Un jour ou l’autre, il faut bien rembourser ses dettes, même si c’est la ruine assurée. Pour essayer de temporiser avec les prêteurs, et la planète ne négocie pas, il faut se serrer la ceinture de plusieurs crans. La Grèce montre l’exemple qui sera suivi : près de 1 million de chômeurs pour 11 millions de Grecs, un chômage des jeunes de plus de 43 %, une fuite des cerveaux, la vente des biens publics, etc. Sans compter la baisse dramatique de pouvoir d’achat des retraités (à la suite de onze réformes successives) et des fonctionnaires. Encore les Grecs peuvent-ils compter sur le tourisme international, une rentrée de devises qui s’effondrera quand les autres États rentreront en récession. Sur notre blog biosphere, nous suivons attentivement la situation de la Grèce depuis 2010, exemples :

4 mai 2010, la Grèce, un exemple à suivre

Les promesses électorales n’ont plus cours en Grèce. Une nouvelle cure d’austérité prévoit des réductions sévères des revenus et une baisse importante du niveau de vie. Un demi-siècle après leur création, le Parti socialiste (PASOK) a aboli les salaires de Noël et de Pâques [13e et 14e mois] et les congés payés des fonctionnaires et retraités. Papandréou a aussi annoncé une réduction supplémentaire de 8 % des salaires des fonctionnaires. Après ces mesures, chaque fonctionnaire va perdre entre 15 et 30 % de son revenu annuel. Le PIB du pays va donc baisser de 4 % dès cette année… La leçon à tirer, c’est que la Grèce vivait au-dessus de ses moyens. On ne peut pas vivre indéfiniment au prix d’un endettement croissant. Un jour ou l’autre, il faut rembourser et plus on attend, plus la note est douloureuse. Mais La Grèce n’est pas un cas isolé. A la date du 16 novembre 2009, la dette publique des Etats-Unis atteignait 12 000 milliards de dollars. Elle avait dépassé le seuil symbolique des 10 000 milliards de dollars en septembre 2008. Il faut ajouter un endettement des ménages américains de 5 500 milliards $. Il est absolument anormal qu’un pays riche vive à crédit. Paradoxalement, l’ensemble de la dette du Tiers monde n’était que de 3360 milliards $ en 2007. La planète tourne à l’envers, qui peut financer l’économie quand tout le monde est emprunteur ? Ce qui attend les pays riches est donc nécessairement une cure d’austérité généralisée dont la Grèce n’est qu’un signe précurseur. Comme il faut ajouter à la dette financière la dette écologique, qui amenuise encore plus la possibilité de ressources futures, la purge n’en sera que plus difficile à avaler. Mais la biosphère s’en trouvera soulagée ()

10 février 2012, en Grèce, vivre avec moins, le bonheur !

Techniquement, il n’y a aucune différence entre une récession économique et la décroissance voulue. Mais la première est mal vécue tandis que la seconde constitue une voie d’avenir qui s’inscrit déjà dans la réalité. En Grèce par exemple, la décroissance a rencontré la crise. Elle a beaucoup d’adeptes contraints, dont les revenus se sont effondrés, et qui n’ont pas d’autre choix, et quelques partisans, qui y voient un moyen de vivre différemment. Les Grecs ne sont pas devenus par miracle des adeptes de la décroissance, mais ils doivent désormais faire avec 50 % de moins ! Avant la crise, les Grecs avaient vraiment trop de choses, la crise commence à changer les façons de penser et d’acheter. Nous n’avons pas besoin d’avoir dix pulls et dix paires de chaussures. Il n’y a pas besoin de posséder beaucoup pour être heureux. Ils sont de plus en plus nombreux à utiliser l’énergie du soleil et du vent et à cultiver son jardin dans la cité. Le troc se fait au grand jour, on habille le jeune enfant dans un magasin en apportant les vêtements devenus trop petits ()

10 janvier 2013, La Grèce, démonstration de ce qui nous attend demain

C’est épouvantable, il n’y a pas de solution à la descente énergétique. Aujourd’hui en Grèce la pénurie résulte des contraintes financières, demain elle découlera internationalement de la hausse du prix du baril, inéluctable. A lire pour se préparer au pire, voici un résumé de deux articles :

1) Dans les campagnes et les bois grecs, les coupes illégales font ravage. Un immigré albanais, plisse les yeux : « Cela me rappelle Tirana après la chute du régime communiste, quand les gens avaient coupé tous les arbres pour se chauffer et survivre… » En 2011, dans une énième tentative d’accroître ses rentrées fiscales, le gouvernement a remonté à 80 % la taxe sur le fioul domestique, largement utilisé en Grèce, pour l’aligner sur celle appliquée au carburant pour voiture. Le prix du litre a doublé à 1,40 euro ; trop pour une population paupérisée. Les écoles d’une dizaine de municipalités du nord du pays ont prévenu qu’elles fermeraient leurs portes lors des grands froids. Les vendeurs de bois n’avouent une seule crainte : le risque de pénurie. Car si les températures venaient à passer sous les 0°C, comme ce fut le cas l’hiver dernier, le bois pourrait bien manquer.(LE MONDE du 20 Novembre 2012)

2) Le ministre des finances a refusé d’accroître l’aide pour permettre aux familles les plus pauvres de se chauffer. « Je souhaiterais que nous ayons la possibilité budgétaire de le faire », a commenté le ministre, en expliquant que cela n’était pas possible. » La crise crée un nouveau type de pollution dans les grandes villes grecques : celle liée aux feux de cheminée. Le prix du fioul domestique est en forte hausse en raison de l’augmentation de 40 % de la taxe sur le mazout, qui a été mise au même niveau que celle sur l’essence. Cette augmentation est destinée à empêcher la contrebande de fioul. Moins cher, celui-ci était utilisé par des stations-service qui le convertissaient en carburant (…)

8 juillet 2015, sortie de la Grèce de l’euro, une bonne nouvelle écolo

Les atermoiements sur la Grèce sur une sortie de l’euro paraissent dérisoires. Ce n’est pas une catastrophe si celase fait. Au contraire même, ce sera une bonne nouvelle pour l’écologie. Je prends pour point de départ cette phrase tirée d’une liste de diffusion d’EELV : « Je ne comprends pas comment depuis le temps, les grecs n’ont pas créé de réseaux de monnaies locales qui auraient pu prendre le relais pour les échanges internes dans cette période. » En fait les Grecs vont tôt ou tard sortir de l’euro. Ils retrouveront donc une monnaie locale qu’on appellera la drachme (ou un autre nom). Une monnaie nationale est en effet (par rapport au reste du monde) une monnaie locale. C’est une bonne chose. Les Grecs seront obligés d’acheter grec et de relocaliser leurs activités, ce que les écolos appellent normalement de leurs vœux. Leur monnaie sera très dévaluée, ce qui augmentera fortement le coût de leurs importations. Ils consommeront en conséquence moins de pétrole et de biens de consommation importés, ce que les écolos appellent aussi de leurs vœux. Les touristes seront encore plus nombreux, la vie sera moins chère pour eux en Grèce. Mais favoriser le tourisme vers l’étranger n’est pas très écolo, rien n’est parfait dans une société complexe. Il faudra que le gouvernement prenne des mesures drastiques pour lutter contre les inégalités et les dépenses ostentatoires, ce qui est bon pour la planète. Bien entendu ils ne pourront pas rembourser toute la dette accumulée, il y aura une remise de dette et les contribuables des autres pays européens seront un petit peu touchés par ce non-remboursement. Mais ça ne sera pas trop grave. De toute façon plus les habitants d’un pays riche voient baisser leurs pouvoir d’achat, plus c’est une bonne nouvelle, la prédation sur les ressources naturelles diminue en conséquence.

Pour conclure, le passage à l’austérité partagée (ce qu’on espère des Grecs) n’est pas un cas particulier. L’Espagne et l’Italie ont déjà eu chaud à cause de leur endettement, mais aussi la France. Même un pays comme les USA, qui devrait épargner puisqu’il est riche, est super-endetté, il faudra bien rembourser. Le problème mondial, c’est la course mondiale à la croissance qui s’est opérée à force d’endettement public et privé, ce qui n’est pas durable. Que cette folie consumériste se casse la gueule, tous les écologistes normalement anti-croissancistes devraient applaudir. Rappelons la réalité de la Grèce. En arrivant au pouvoir en 2009, le nouveau premier ministre socialiste, Georges Papandréou, réalise l’ampleur du déficit du pays dissimulé par la droite. Alors que la note souveraine de la Grèce est abaissée par les agences de notation, il renonce à son plan de relance de 2,5 milliards d’euros et présente un paquet d’austérité. Méditez attentivement sur cette phrase: «  Papandréou renonce à son plan de relance » (…)

* LE MONDE du 19 juin 2018, La sortie du purgatoire se profile pour la Grèce

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Histoire et avenir du rationnement de 1973 à demain

Annonce d’une conférence-débat. Après le choc pétrolier de 1973, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne prennent des mesures rapides et de grande ampleur pour faire face à la pénurie énergétique. C’est ainsi que l’hiver 1973-74 verra les Pays-Bas interdire la circulation des voitures personnelles le dimanche et organiser un rationnement du pétrole par coupons. Quant à la Grande-Bretagne, prise dans la double difficulté du choc pétrolier et d’une grève des mineurs du charbon, elle commence par limiter la vitesse sur les routes et la température de chauffage dans les lieux publics, puis finit par rationner les automobilistes et instaurer dans tout le pays la semaine de travail de trois jours afin de réduire encore plus drastiquement les consommations d’énergie. Revenir aujourd’hui sur ces mesures fortes permet non seulement de mesurer l’amplitude de la dépendance énergétique des sociétés industrielles des années 1970 (et a fortiori d’aujourd’hui), mais également de saisir la capacité de réaction politique que ces pays ont montrée pour faire face à une crise majeure de disponibilité des énergies fossiles. Comment des sociétés tournées vers la croissance économique, dont l’horizon était façonné par les Trente Glorieuses, ont pu se réorienter subitement pour instituer (certes temporairement) ce qu’on appellerait aujourd’hui des mesures de sobriété, voire de décroissance énergétique ?

Nous nous proposons de revenir sur cet épisode de notre histoire récente et de se pencher sur les débats et décisions politiques qui ont entouré ces décisions exceptionnelles. Quelles sont les consommations superflues ? Comment partager les efforts ? Doit-il y avoir des exceptions ? Est-il préférable que le système soit égalitaire, ou qu’il s’adapte aux besoins de chacun ? Autant de questions qui se poseront à nous de nouveau lorsque nous chercherons à réduire rapidement et drastiquement les consommations d’énergie de nos sociétés.

Cette conférence-débat de Mathilde Szuba aura lieu dans le cadre de Momentum le vendredi 22 juin 2018, de 15h00 à 18h00, au 33 rue de la Colonie, 75013 Paris. Mathilde Szuba est maître de conférences en science politique à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille. Elle travaille sur les implications politiques et sociales du pic pétrolier et du dépassement des seuils d’irréversibilité environnementaux, notamment à travers l’étude des quotas individuels de carbone (“cartes carbone”).

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Suivre le pouls de la planète, c’est beaucoup trop tard

On ne compte plus les études et les avertissements sur l’état de plus en plus désespéré de la planète et de tous ses habitants. Anne-Sophie Novel nous présente « Resource Watch, l’outil parfait pour suivre le pouls de la planète ». Dans la section « Data », il est possible d’explorer les 209 bases de données proposées et de visualiser les données sous formes graphiques ou cartographiques. Avec la fonction « Pulse », il est possible de se balader sur la planète, un peu à la manière de Google Earth mais avec certains prismes de navigation, tels la déforestation, les ressources en eau, la qualité de l’air, etc. Avec la fonction « Spash », Resource Watch vous propose aussi de constater de visu l’état de la planète, avec par exemple des images recueillies par l’expédition Tara dans le Pacifique au sujet du blanchiment des coraux. Pour complément, « l’App Gallery » propose de visiter 28 autres sites web qui proposent d’accéder à des données chiffrées présentées sous forme de cartes ou d’applications. Conçue de manière libre et ouverte (logiciel Open Source), Resource Watch peut être utilisée et enrichie par quiconque souhaite l’utiliser. Anne Sophie conclue : « Pourvu que cela aide les décideurs à agir vite et bien maintenant ! » Nous connaissons déjà la réponse.

Resource Watch ! Cet outil n’est pas fait pour préserver la planète, cet outil sert à photographier les choses. C’est un outil pour touristes. Cela permet seulement de nous abrutir de données brutes. Savoir combien on dégage de gaz à effet de serre n’implique pas qu’on va refuser l’avion ou la voiture. Bien sûr la comm est nécessaire à la prise de conscience, et la prise de conscience est nécessaire à l’action. Mais qui va se sentir concerné par un site d’observation de plus ? Comme dit un commentateur sur lemonde.fr : « Ahahah ! Regarder à quelle vitesse on se casse la gueule, c’est la spécialité des scientifiques avec leur ordinateurs et des journalistes voulant sauver le monde avec leurs écrans, qui ne changent en rien à la chute de la tour. On sait cela depuis des générations… mais non, y’en a qui continue de prendre les photos ! » A quand un site de bilans des programmes de protection qui montrent les erreurs d’appréciation permanentes et accessoirement le rôle de la bien-pensance du nord et de l’opportunisme du sud dans ces échecs ? Un site de plus, mais on préfère voir le match de foot à la télé. Tous les collapsologues savent que c’est trop tard, beaucoup de dommages infligés à notre milieu de vie sont irréversibles.

Depuis le livre de 1948, « la planète au pillage » de Fairfield Osborn, observation actualisée de façon très scientifique et très médiatisé par le rapport du MIT au club de Rome de 1972 (« les limites de la croissance »), nous savons que nous courrons au désastre. Mais ces connaissance n’ont pas empêché les politiques de faire du business as usual avec les lobbies et les cons-sommateurs de se goinfrer au détriment des générations futures. Un instrument de plus pour nous regarder courir n’est qu’une petite piqûre de rappel, il faudrait rendre obligatoire pour tous l’action de se faire piquer… pour mieux s’entraîner à la simplicité volontaire/forcée ! S’il n’y a pas obligation de préparer à l’avance ses devoirs, on sait que les élèves vont se contenter d’inventer des histoires pour justifier le fait qu’ils n’ont rien fait et qu’ils ne vont rien faire.

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Sans charbon de bois ni pétrole, que ferons-nous ?

Raréfaction du charbon de bois au Kenya suite à une décision du gouvernement prise fin février. « J’ordonne aujourd’hui que l’on arrête de couper les arbres dans toutes les forêts gérées par l’Etat et par les communautés pour les trois mois à venir… Le mauvais usage de nos forêts ne peut plus continuer. La disponibilité de l’eau et la sécurité alimentaire dans le pays sont menacées. » Dans le bidonville, beaucoup se sont donc tournées vers le kérosène, un dérivé du pétrole, également appelé paraffine, que l’on brûle dans un réchaud spécifique. Rien n’a été mis en place, ni sensibilisation du public ni soutien aux alternatives pour accompagner cette décision. LE MONDE* présente comme « alternatives » le gaz et le GPL alors que ce sont des ressources fossiles en voie de disparition comme le pétrole. Les briquettes (fabriquées à partir de déchets agricoles – thé, noix de coco, canne à sucre) suffiront-ils pour une population de près de 50 millions dont 4 millions s’entassent dans la capitale Nairobi ? Voici quelques éléments de réflexion tirés de notre blog biosphere pour aller au-delà d’un article du MONDE très centré sur l’anecdotique :

– La situation actuelle semble être un cruel échec pour Wangari Maathaï, prix Nobel de la paix 2004 pour avoir replanté des millions d’arbres sur les terres du Kenya et qui pouvait dire : « J’ai longtemps cru que le monde était une vallée de terre riche, je pensais que les torrents où nous allions chercher l’eau étaient éternels. Mais que reste-t-il de la plus large rivière du Kenya, la Gura, si pure et tumultueuses autrefois ? L’eau y est désormais noire, le débit faible. Quand avons nous perdu la connaissance de la nature ? Qui nous a poussés à détruire ce qui pourtant nous nourrit ? Les arbres avaient disparu, les forêts de bambous, peuplées de singes colombus superbes, avaient été brûlées pour dégager des terres cultivables. Lorsque les destructions ont progressé vers la montagne, personne n’a protesté… » (LE MONDE du 23 juillet 2008)

– L’agronome René Dumont nous avait averti : « De la Chine au Kenya, il n’est malheureusement plus possible, sans danger pour le pays, de laisser aux couples la liberté de se reproduire à leur guise. » Dès 1966, dans Nous allons à la famine, il avait fait ses comptes : avec un taux moyen de croissance démographique prévisible de 2,7 % l’an, le tiers-monde compterait près de 5 milliards d’habitants en l’an 2000. « La catastrophe est inévitable », concluait-il. «  En envoyant dans ces pays le médecin et la religieuse avant l’agronome, on a permis aux enfants de survivre aux épidémies avant de leur préparer la nourriture pour qu’ils puissent vivre dignement. »

– Le Kenya annonce que des « programmes agressifs » de planification familiale vont être lancé (LE MONDE du 2 septembre 2010). Ils se sont rendus compte que le fait de passer de 28,7 millions d’habitants en 1999 à 38,6 millions en 2009  allait être insupportable. Nous savons comment faire pour limiter la fécondité : la technique la plus efficace et éprouvée partout dans le monde est de donner accès à la contraception aux femmes en leur rendant visite chaque trimestre dans leur village. Le Kenya, le Ghana, le Zimbabwe ou Madagascar ont réussi à le faire.

– Des archéologues ont découvert au Kenya les dépouilles des victimes d’un féroce combat, qui s’est déroulé il y a 10 000 ans, à l’époque de la chasse et de la cueillette. Ils étaient un peu moins d’une trentaine, des hommes, des femmes, dont l’une enceinte, et quelques enfants. Morts au combat, ou simplement massacrés.

– Des espèces qui semblaient vouées à l’extermination, sont sauvées in extremis… Au Kenya, d’immenses populations de flamants roses nous font oublier qu’il y a quelques décennies à peine, on les croyait à jamais disparus. De tels événements méritent d’être salués.

* LE MONDE du 3 mai 2018, Au Kenya, la protection des forêts fait grimper le prix du charbon de bois

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Bloom et Nicolas Hulot, même combat en mer

Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom vient de recevoir le prix Goldman, considéré comme la plus haute distinction internationale dans le domaine de l’environnement.* Bloom est une petite association de 8 salariés entièrement vouée « aux océans et à ceux qui en vivent », avec pour ambition d’établir « un pacte durable entre l’homme et la mer ». Si la madone des poissons se fait autant remarquer, c’est surtout parce qu’elle remporte les campagnes qu’elle mène. L’interdiction de la pêche profonde en dessous de 800 mètres décrétée par l’Union européenne en 2016 est très largement à mettre à son crédit. L’interdiction de la pêche électrique est en bonne voie. L’attitude à son égard est variée, il y a ceux qui la détestent : « Je suis hyperclivante. Les pêcheurs néerlandais m’appellent Hitler…  » Il y a ceux qui la comprennent. « C’est une adversaire respectable, concède Alain Cadec (LR), président de la commission pêche au Parlement européen. Elle est attachante même si elle est parfois chiante. Sur le chalutage profond, nous avions fini par être d’accord… Nous défendons tous les deux – différemment –, la ressource et une activité économique à laquelle je crois… » Il y a ceux qui veulent la compromettre. Pour Isabelle Thomas (PS-Hamon), vice-présidente de cette commission, « Claire Nouvian doit s’interroger sur le mode de financement de certaines structures militantes dont on ne sait plus très bien qui elles représentent. » Notons quIsabelle Thomas, conseillère municipale de Saint-Malo, avait défendu la poursuite du chalutage en eau profonde en 2013. Elle était la marraine de Blue fish, association bretonne créée cette année là ! On a les sponsors qu’on mérite.

Les succès relatifs de Bloom n’empêchent pas la désertification des océans. La pêche industrielle concerne 73 % de la superficie des océans. Rien qu’en 2016, 40 millions d’heures de pêche ont consommé 19 milliards de kWh d’énergie et parcouru plus de 460 millions de kilomètres, soit 600 fois la distance aller-retour de la Terre à la Lune. 31 % des stocks de poissons sont surexploités dans le monde, ce qui signifie que ces espèces sont prélevées plus rapidement qu’elles ne peuvent se reproduire. Une véritable tuerie de poissons. Si, chaque année, nous tuons 64  milliards de vertébrés terrestres pour les manger, nous exterminons entre 970 et 2 740  milliards de vertébrés marins. Malgré la forte croissance des armements, la diffusion des techniques industrielles de pêche jusque dans les coins les plus reculés de la planète et la sophistication toujours plus poussée du matériel, les tonnages des captures ne cessent de diminuer. En 1995, la capture de poissons a atteint son tonnage maximum avec 95 millions de tonnes. Depuis, la pêche mondiale plafonne autour de 90 millions de tonnes. On peut parler de pic du poisson ou peak fish comme il y a un pic pétrolier.

Sur ce point aussi, Nicolas Hulot savait parler vrai : « Je me souviens d’une discussion avec un haut personnage de l’État à propos de nos ressources halieutiques. Il se disait confiant, assurant que nous pêchions autant de poissons qu’autrefois. Certes. Sauf qu’il oubliait un élément essentiel : on les pêche avec dix fois plus de moyens. On utilise la détection par satellite, des hélicoptères traquent les bancs de sardines… Ce qui veut dire que l’océan se vide un peu plus, tous les jours. La biomasse des océans, c’est-à-dire la quantité de matière vivante, a été divisée par dix entre 1955 et 2005. La culture occidentale admet difficilement que notre puissance puisse générer notre propre vulnérabilité. »

* LE MONDE du 24 avril 2017, Claire Nouvian, l’écolo-gagnante

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pêcheries, nous savons tout mais nous ne faisons rien

L’impuissance de l’action écologique est un crève-cœur. Nous savons tout sur tout, nous en avons les moyens scientifiques. Notre impact anthropique sur les mieux naturels est colossal, nous en avons les moyens techniques. Mais politiquement nous ne faisons rien pour enrayer notre suicide alimentaire. Prenons l’exemple de la pêche industrielle.

Notre savoir : Des chercheurs ont récupéré 22 milliards de messages diffusés depuis les positions des systèmes d’identification automatique des navires entre 2012 et 2016. Les scientifiques ont exploité cette gigantesque masse de données grâce à une technologie d’apprentissage automatique (deux réseaux neuronaux convolutifs, outils couramment utilisés dans la reconnaissance avancée d’images). L’algorithme a pu identifier 70 000 navires commerciaux, leur taille et leur puissance, leur comportement (pêche ou navigation), le type de prises qu’ils pratiquent, ainsi que le lieu et le moment où ils opèrent à l’heure et au kilomètre près*.

Notre impact : La pêche industrielle a concerné 73 % de la superficie des océans. Rien qu’en 2016, 40 millions d’heures de pêche ont consommé 19 milliards de kWh d’énergie et parcouru plus de 460 millions de kilomètres, soit 600 fois la distance aller-retour de la Terre à la Lune. La pêche à la palangre est la technique la plus répandue, suivie par la senne coulissante (17 %) et le chalutage (9 %). 31 % des stocks de poissons sont surexploités dans le monde, ce qui signifie que ces espèces sont prélevées plus rapidement qu’elles ne peuvent se reproduire. Une véritable tuerie de poissons. Si, chaque année, nous tuons 64  milliards de vertébrés terrestres pour les manger, nous exterminons entre 970 et 2 740  milliards de vertébrés marins. Malgré la forte croissance des armements, la diffusion des techniques industrielles de pêche jusque dans les coins les plus reculés de la planète et la sophistication toujours plus poussée du matériel, les tonnages des captures ne cessent de diminuer. En 1995, la capture de poissons a atteint son tonnage maximum avec 95 millions de tonnes. Depuis, la pêche mondiale plafonne autour de 90 millions de tonnes. On peut parler de pic du poisson ou peak fish comme il y a un pic pétrolier.

Notre impuissance : La transparence des données donne-t-elle la volonté d’instituer une gestion durable de la pêche industrielle ? Il en est dans ce domaine comme dans bien d’autres, on en cause nationalement et internationalement, on crée quelques confettis de réserves halieutiques, on établit des quotas sur certains poissons… mais globalement les mesures sont insuffisantes. Il faut voir par exemple au niveau de l’UE les circonvolutions de la commission sur la pêche électrique. Mais que fait Macron ?

* LE MONDE du 24 février 2018, La pêche industrielle exploite plus de la moitié de la superficie des océans

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On interdit l’avortement, donc nous manquons d’eau

Excusez le raccourci, mais parce que nous refusons la maîtrise de la fécondité humaine, l’humanité a soif. Voici trois informations à recouper. Comme le Salvador, trois autres pays d’Amérique du sud interdisent toute forme d’avortement : le Honduras, le Nicaragua et la République dominicaine. En avril 1997, une réforme pénale au Salvador a interdit toute forme d’avortement, y compris en cas de viol, lorsque la vie de la mère est en danger ou quand le fœtus n’a aucune chance de survie. Teodora Vasquez avait même été condamnée en 2008 à 30 ans de prison pour une fausse couche qualifiée « d’homicide aggravé » par la justice*. Au Maroc, « il n’y a plus d’eau ni dans le ciel, ni dans le sol ». Après une décennie de surexploitation des nappes phréatiques par l’agriculture, le royaume est en situation de stress hydrique. Entre manger et boire, il faudra bientôt choisir**. Les 4,5 millions d’habitants du Cap sont menacés de se voir couper les robinets. Au Mozambique voisin, alors que les réserves sont au plus bas, un quart de l’agglomération de Maputo (4 millions d’habitants) est privée d’eau potable, car le gouvernement a décidé d’alimenter en priorité l’agriculture et la production d’électricité***. Ce sont des pays différents, des contextes socio-économiques dissemblables, mais comment ignorer que les politiques natalistes ont entraîné la surpopulation mondiale, elle-même source d’entassement dans des mégalopoles disproportionnées, avec des besoins alimentaires croissants et une pression insupportable sur les nappes phréatiques. Voici un récapitulatif issu de notre blog et centré sur ce dernier point :

Lierre Keith : Notre espèce souffre de surpopulation, et c’est le cas depuis 10 000 ans. Aujourd’hui, des milliards d’entre nous ne sont là qu’à cause des combustibles fossiles. La population mondiale est censée atteindre les 9 milliards en 2050. En parallèle, les réserves piscicoles seront épuisés, les nappes phréatiques trop profondes pour être exploitées et les dernières parcelles de couche arable seront devenues poussière. Toute discussion sur la population mondiale doit absolument prendre en compte la notion de capacité limite ou nombre d’humains qu’un environnement donné peut supporter indéfiniment.

Lester Brown : Nous coupons les arbres plus vite qu’ils ne peuvent repousser et nous surexploitons les pâturages qui, peu à peu, se transforment en déserts. Parallèlement nous épuisons les nappes phréatiques un peu partout. Une autre contrainte vient s’ajouter aux deux premières, les limites de la photosynthèse. Les productions de céréales stagnent déjà. Pour 1 degré d’augmentation de la température, nous devrions même connaître une baisse de 17 % de leur production.

Paul Ehrich : En quelque 60 millions d’années, Homo sapiens est devenu l’animal dominant de la planète, acquérant un cerveau développé et, par-dessus tout, un langage structuré. Malheureusement, au cours des siècles derniers, nous avons de plus en plus utilisé ce pouvoir pour épuiser le capital naturel de la planète, notamment ses terres agricoles profondes et riches, ses nappes phréatiques constituées durant les périodes glaciaires et sa biodiversité. Cette tendance est en grande partie due à la concomitance entre croissance démographique et augmentation de la consommation par habitant, une combinaison qui ne peut se poursuivre encore longtemps sans que risque de s’effondrer notre civilisation désormais mondiale.

Mathis Wackernagel : Mauvaise nouvelle pour la planète, ce mercredi 22 août 2012 l’humanité a déjà épuisé son crédit annuel de ressources naturelles. Nous avons déjà atteint le « Global Overshoot Day » ou « jour du dépassement ». En d’autres termes, nous vivrons à crédit jusqu’à la fin de l’année. Autrement dit, nous puisons dans le capital naturel : le réchauffement climatique s’accentue parce que le poids de l’humanité a dépassé les capacités de recyclage du CO2 par les écosystèmes, les stocks de poissons dans les mers sont en diminution, les nappes phréatiques baissent, etc. Pour M. Wackernagel, ni l’austérité ni la croissance n’éviteront la faillite du système, le défaut de régénération de la Terre sera le facteur limitant de notre économie. Car la tendance finira par se renverser, que ce soit à dessein ou par désastre.

Démographie responsable : Après les huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui ont accompagné la période de 2000 à 2015, ce sont dix-sept Objectifs de développement durable (ODD) qui devraient permettre de construire le futur des 8,5 milliards d’habitants attendus sur la planète dans quinze ans. Le commentaire de « Démographie responsable » est pertinent : « 17 objectifs et pas un seul qui ne fasse référence, ni de près ni de loin, à la démographie ? Aucune « planète durable » ne sera possible avec les 11,2 milliards d’humains attendus pour 2100, sachant qu’à 7 milliards, nous avons déjà réussi à dérégler le climat, brûlé une grande partie des ressources fossiles, provoqué la 6ème extinction des espèces, rasé une grande partie des forêts tropicales et pollué les océans et les nappes phréatiques. Une fois encore, l’ONU est à côté de la plaque… »

le cas de l’Inde : « L’électricité gratuite ou à tarif réduit dont bénéficient de nombreux agriculteurs indiens pour irriguer leurs cultures, à l’aide de pompes motorisées, accélère l’épuisement des nappes phréatiques. Au rythme actuel, la Banque mondiale prévoit que 60 % de ces nappes seront dans une situation « critique » d’ici vingt ans. Le recours à l’irrigation souterraine a aussi creusé les inégalités. Seuls les plus riches peuvent financer l’achat de pompes et le creusement de puits profonds. Les autres doivent leur acheter l’eau… »

* LE MONDE du 18-19 février 2018, Au Salvador, plus de dix ans de prison pour une fausse couche

** LE MONDE du 18-19 février 2018, Au Maroc, « il n’y a plus d’eau ni dans le ciel, ni dans le sol »

*** LE MONDE du 18-19 février 2018, Sécheresse, surexploitation : le monde a soif

On interdit l’avortement, donc nous manquons d’eau Lire la suite »

Le tanker Sanchi en feu, la symbolique des marées noires

Le naufrage du pétrolier iranien le 14 janvier en mer de Chine orientale est symbolique d’une catastrophe écologique beaucoup plus globale qu’une marée noire locale. Notre dépendance à la merde du diable (le pétrole) est facteur non seulement du réchauffement climatique, mais aussi du blocage prévisible de la croissance économique faute de combustible. Les nappes de pétrole en mer nous avertissent des risques structurels, encore faut-il s’en rendre compte.

Le naufrage du Torrey Canyon le 18 mars 1967 avait complètement échappé à l’attention du journal LE MONDE pendant plusieurs semaines ! Ce nétait que la première marée noire sur les côtes françaises, un événement sans importance. Il faut attendre le 21 avril  pour que soit publié en Une un bulletin intitulé « les dangers du progrès ». La conversion écologique de ce quotidien « de référence » va être lente, aussi lente que la prise de conscience générale dans une société où priment l’économique et le socio-politique. C’est seulement à partir de 1969 que LE MONDE ouvre un dossier « Environnement » au service de documentation. Mais il n’y a toujours pas de journaliste spécialisé. Quotidien institutionnel dont la rédaction était constituée de journalistes surtout centrés sur le politique, LE MONDE n’a commencé à traiter spécifiquement d’environnement qu’en 1971, lorsque le ministère de la protection de la nature et de l’environnement a été créé. La médiatisation des événements ne devrait pas en rester à un constat partiel, le nombre de morts, la longueur des nappes de pétrole, le coût écologique et financier du désastre… Les journalistes doivent nous avertir de la profondeur de la crise à venir. Les marées noires ne sont qu’un signe ponctuel des dérives d’une société minière ; les humains polluent les océans quand ils cherchent ailleurs ce qu’ils ne trouvent plus à proximité. 

L’exploitation minière est une métaphore, inspirée de la thèse de Lewis Mumford, de la civilisation thermo-industrielle : « L’exploitation minière est avant tout destructrice : son produit est un amas sans forme et sans vie, ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appât du gain, le lendemain épuisée et sans forces. » Les humains pulvérisent des montagnes et creusent au plus profond des entrailles de la Terre jusqu’à ce que le globe terrestre se réduise à l’état d’une orange pressée, pressurée, inutilisable ! Mais ces pratiques vont s’achever au cours de ce siècle après épuisement de toutes les richesses souterraine. L’allégorie de Mumford met parfaitement en lumière l’opposition radicale qui sépare deux formes de rapport à la nature. Il y a d’un côté l’agriculture traditionnelle qui favorise l’établissement d’un équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine ; ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué (une capacité largement compromise par les stratégies d’exploitation minière en agriculture et en élevage). Il y a de l’autre le pillage du capital naturel par des multinationales qui creusent toujours plus profond, sur terre ou dans les mers, pour extraire les dernières gouttes de pétrole, les derniers morceaux de charbon, les dernières paillettes d’or.

Nos références :

14 mars 2007, Quarante ans déjà !, le naufrage du Torrey Canyon

3 mai 2010, les leçons d’une marée noire, la plate-forme Deepwater Horizon

Lewis Mumford, Les transformations de l’homme (1956)

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Extraits du discours décapant de Jean-Marc Jancovici

Ressources : L’argent ne paye que les hommes qui travaillent, mais pas la nature qui met à notre disposition des carrières de calcaire, des sols cultivables, des mines de fer, des gisements de pétrole, de la neige en hiver et le code génétique du hêtre.

Croissance : c’est ce que vendaient autrefois les bonimenteurs de foire avec leur élixir de Jouvence : le produit miracle qui cure tous les maux, soigne toutes les affections. Quelque chose va de travers dans le monde ? Il suffit de faire (re)venir la croissance !

Politique : le père Noël se porte encore très bien, et un candidat promettant autre chose que la croissance, ou son retour si elle est mis aux abonnés absents, a peu de chances d’aller poser ses valises à l’Elysée.

Électeur : comme cela fait deux siècles – huit générations ! – que la croissance est – ou plutôt était – notre pain quotidien, pourquoi diantre devrions-nous penser qu’il va désormais falloir s’en passer ?

Croissance à crédit : Le PIB européen a augmenté d’un peu moins de 1 % entre 2007 et 2014, mais la production industrielle a baissé de 7 % et la dette publique est passée de 60 à 87 % du PIB (92 % dans la zone euro). L’économie a été mise sous perfusion de dette publique.

Dette : un tel contexte signifierait que la production future ne pourra jamais permettre de rembourser la dette, la capacité de remboursement étant alors uniquement fonction de notre capacité à emprunter encore plus à l’avenir pour rembourser les emprunts passés. Sauf à inventer la dette perpétuelle, cette affaire vase terminer par du défaut ou, en version plus soft, par une inflation durablement supérieure aux taux nominaux. L’absence de croissance va transformer une partie de l’épargne en… du vent.

Crise : dans ce contexte de descente énergétique, quel crédit accorder à tous ceux qui disent que « la crise est derrière nous » ? Si nous appelons « crise » le fait de s’accommoder d’un PIB décroissant, il est hélas plus que probable qu’elle soit pour l’essentiel devant nous ! Les flux physiques se trouveront contraints à la baisse à cause de l’énergie qui est désormais de plus en plus dure à extraire du sous-sol, et le PIB suivra tôt ou tard.

Adaptation : la fin de la croissance perpétuelle avait été théorisé dès le début des années 1970 (The limits to growth), et si nous avions été un peu lucides, nous aurions eu quarante années pour nous préparer. Au lieu de cela, nous avons préféré continuer à écouter ceux qui annoncent le retour de la croissance, même quand les faits leur donnent régulièrement tort !

« Dormez tranquilles jusqu’en 2100 » de Jean-Marc Jancovici

(Odile Jacob 2015, réédition en livre de poche, mars 2017)

à lire, notre résumé de l’édition 2015 sur notre site

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