Gilets jaunes, vecteurs d’un totalitarisme en marche
« On n’est pas dans une période révolutionnaire. On est dans une période de tentation autoritaire », prévient Cohn-Bendit. A l’origine de ses inquiétudes, les menaces exercées par des gilets jaunes sur d’autres manifestants qui souhaitaient entamer des discussions avec le gouvernement : « Jamais en 68, quelqu’un aurait menacé de mort quelqu’un qui voulait discuter …S’il y a des gilets jaunes qui veulent négocier et qu’ils n’y vont pas parce qu’ils ont peur pour leur vie, le type de société qui peut émerger de ces tendances, moi, ça me fait peur ».*
Nous sommes déjà entrés dans une dynamique d’effondrement de la civilisation thermo-industrielle dont les actions des casseurs au milieu des gilets jaunes sont les prémices. La fête industrielle sera bientôt terminée. Nombre d’enjeux vitaux occuperont désormais le devant de la scène, prix de l’essence, coût du chauffage, difficultés de trouver un emploi, etc. Dans ce contexte qui a mené autrefois Hitler au pouvoir, l’extrême droite et la recherche d’un leader progressent aujourd’hui dans tous les pays : la dictature est en marche. Le bon peuple mettra sa confiance dans un personnage qui parlera plus fort que les autres et qui promettra qu’avec lui ce sera le paradis. Mais ce ne sera pas un totalitarisme bienveillant, œuvrant pour le bien-être des générations futures et l’épanouissement de la biodiversité. Ce sera un régime qui favorisera l’instant présent, la guerre pour les matières premières, le rejet des autres. La dernière goutte de pétrole servira à l’armée, et ce ne sera pas pour empêcher le tronçonnage des dernières forêts. Pourquoi ce schéma de l’autoritarisme au pouvoir a-t-il une très forte probabilité d’advenir ? Parce qu’il y a une forte propension du peuple à préférer le présent et à sauver ce qui restera du « pouvoir d’achat ». Analysons par exemple les reniements du mouvement Podemos.
En juillet 2014, plusieurs fondateurs de Podemos, tels Pablo Iglesias, avaient signé un manifeste baptisé « Ultima llamada » (dernier appel) inspiré du mouvement pour la décroissance : « Nous sommes attrapés dans la dynamique perverse d’une civilisation qui, si elle ne croît pas, ne fonctionne pas, et, si elle se développe, détruit les sources naturelles qui la rendent possible. Il faut donc un débat ample et transversal sur les limites de la croissance. » Ce fut un feu de paille. Pragmatique, Pablo Iglesias estimait en décembre 2016, que « les compagnons qui parlent décroissance ont raison, mais les difficultés objectives de créer des mouvements politiques de champs post-nationaux, bien que ce soit indispensable, font que ce sont les questions locales qui déterminent le débat et l’agenda ». Or depuis la crise de 2008, le principal sujet en Espagne a été le chômage, qui a frappé jusqu’à 27 % des actifs au plus fort de la crise. Dans l’ouvrage collectif Hasta luego Pablo, l’activiste Alex Corrons résume les critiques sur le manque de courage de Podemos : « Le parti semble conscient de la finitude des ressources naturelles et du fait que la décroissance n’est pas une position idéologique mais de bon sens, mais il a choisi d’embrasser un modèle qui prône une redistribution du capitalisme et de la croissance, sans les questionner. Podemos aurait pu jouer une fonction pédagogique vers un changement radical des consciences, mais il a privilégié ses intérêts à court terme. »**
En Espagne ou ailleurs, avec des millions de personnes qui se retrouvent au chômage, avec des migrants qui se multiplient un peu partout, avec des gens qui estiment qu’ils ont droit à la voiture et à l’écran plat pour l’éternité, parler des excès de consommation n’a pas de sens.
** LE MONDE économie du 1er décembre 2018, En Espagne, Podemos a fait volte-face sur la décroissance
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