épuisement des ressources

Création monétaire à lier aux possibilités matérielles

Une grande partie de l’histoire monétaire contemporaine, jusqu’à l’abandon en 1971 de l’arrimage du dollar américain aux réserves d’or, a consisté à essayer de libérer la création monétaire de tout ancrage matériel ou ressourciel pour faire d’elle un pur jeu de paris décentralisés sur une variable collective : la croissance de la valeur de la production nationale, voire mondiale. L’émission monétaire moderne par le crédit bancaire fonctionne tout autrement que le simple prêt d’une quantité d’or. Elle constitue une forme d’avance sur le vide adossée à la seule attente de valeur monétaire future des projets financés. C’est précisément grâce à ce mécanisme ingénieux mais potentiellement dangereux de création monétaire par endettement bancaire que les impacts humains sur la biosphère ont pu devenir si massivement repérables même au niveau géologique (anthropocène).

Les banques peuvent créer quasiment autant de crédits, donc de nouveaux dépôts, qu’elles le jugent nécessaires, et les banques centrales leur fournissent ensuite les réserves requises pour qu’elles restent solvables. Le débiteur, pense la banque, saura se débrouiller pour ramener durant la vie du crédit les écritures en compte requises pour que sa dette s’éteigne. Cette création ex nihilo est un pari sur la croissance économique future. Chaque crédit bancaire va se transformer en transactions qui s’accompagnent de flux de matière et d’énergie. L’entièreté de ce système monétaire est consacré à un accroissement de l’empreinte écologique globale. A partir du moment où, à travers la logique du crédit, les dettes deviennent des actifs profitables, il semble inéluctable que la finitude de la biosphère soit secondaire, voire l’objet d’un déni pur et simple. L’overshoot ou dépassement des capacités de la biosphère est étroitement lié aux effets de la création monétaire en termes d’extraction accélérée de ressources non renouvelable et d’insuffisant renouvellement des ressources renouvelables.

Au lieu de supposer un budget écologique ouvert et indéterminé, pourrions-nous échanger à budget écologique fermé ? Cette question est proprement inédite, tant elle rompt avec les réflexes d’une ancienne modernité anti-écologique. Il faudrait d’abord construire un indicateur synthétique capable de prendre le relais du PIB nominal. Ensuite on déduirait de la biocapacité globale du territoire des budgets écologiques nationaux, régionaux, locaux… puis finalement par entreprise et ménage. En fait ce serait instituer un droit de tirage individualisé sur l’empreinte écologique globale maximale autorisées. (ndlr : cela équivaut à un rationnement)

Christian Arnsperger, Repenser la création monétaire pour demeurer dans les limites de la biosphère

in Gouverner la décroissance, collectif, 14 euros pour 234 pages (éditions SciencePo 2017)

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Un événement qui aurait du gâcher vos vacances en août

Depuis le mercredi 2 août, l’humanité a consommé toutes les ressources que la Terre peut produire en une année. En moyenne mondiale, nous utilisons 1,7 planètes. Ce qui veut dire que nous coupons des arbres à un rythme supérieur à celui de leur croissance, nous prélevons plus de poissons dans les mers qu’il en naît chaque année, et nous rejetons davantage de carbone dans l’atmosphère que les forêts et les océans peuvent en absorber*. Avec le train de vie moyen des Français, vous avez besoin de trois planètes. Vos vacances y sont pour quelque chose, surtout si vous vous êtes déplacé au loin et par voie des airs. Jusqu’à la fin 2017, pour continuer à boire, à manger, à vous chauffer ou à vous déplacer, vous allez grandement surexploiter les écosystèmes et compromettre leur capacité de régénération. Qui s’en soucie ? Nicolas Hulot, notre ministre de l’écologie.

« Le 2 août, c’est comme si notre planète disparaissait sous nos pieds. Lover­shoot day symbolise ce moment à partir duquel nous allons vivre à crédit… Nous ne nous éloignons pas encore du pire… Nous sommes sur le fil du rasoir… MAIS nous avons de profondes raisons d’espérer. Jamais les prix des énergies renouvelables n’ont été aussi bas…, l’offre de véhicules électriques va tripler d’ici à 2020…, l’agriculture biologique décolle…, de nouveaux choix de société sont en train de naître sous nos yeux… Notre pays a toutes les chances de réussir la transition écologique…** » Optimisme de façade, blabla politicien ! Pourquoi les citoyens se sentiraient-ils concernés par le jour du dépassement puisque tous les indicateurs vont virer au vert grâce à «  l’union des forces progressistes » !!! Autrefois on se contentait de prier, aujourd’hui on fait confiance à la prise de conscience spontanée. Prenons un seul exemple de la duplicité du gouvernement actuel, l’agriculture biologique.

Les producteur(rice)s bio de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) dénoncent un renoncement politique historique. Par décision du ministre de l’Agriculture Stéphane TRAVERT, aucun budget pour les aides à l’agriculture biologique ne sera engagé dans les 3 prochaines années. Aucune nouvelle conversion biologique ne sera donc possible.***Cela témoigne d’un manque criant de courage politique face à l’agro-industrie. Alors que le ministre évoque « un dialogue rénové et responsable [pour construire] les solutions permettant de construire l’évolution des modèles agricoles », il a prêté l’oreille la plus attentive à ceux qui n’ont cessé de conduire l’agriculture française dans l’impasse actuelle, la FNSEA et l’AGPB en tête. Tout porte désormais à croire que les États Généraux de l’Alimentation (EGA) ne seront qu’une mascarade. La « révolution » agricole promise par le candidat MACRON dans son livre-programme n’aura pas lieu. Nicolas Hulot théorise, les choses sérieuses se font dans son dos.

* LE MONDE du 2 août 2017, A compter du 2 août, l’humanité vit à crédit
** LE MONDE du 2 août 2017, Nicolas Hulot : « Pour la planète, préférer le sursaut au sursis »

*** Communiqué de presse de la FNAB, jeudi noir pour l’agriculture biologique (28.07.2017)

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E. Macron peut-il changer les réalités biophysiques ?

Le seul discours qui tienne est qu’on ne peut mathématiquement pas, en matière de ressources naturelles “dépenser plus qu’on ne produit”. Tout le reste est de la pensée magique qui pense que le “progrès technique” peut tout et règle tout ! Or, suites aux délires de la finance où l’on peut créer de la monnaie ex-nihilo et sans aucune contrepartie, trop de monde a pris des habitudes et cru qu’on pouvait le faire pour tout : or c’est TOTALEMENT IMPOSSIBLE dès lors que l’on revient dans le monde PHYSIQUE.

 Tout ce qu’on nous “vend” désormais dans les “pays avancés” c’est un maximum d’économie virtuelle. Il y a  juste là derrière une vaste escroquerie: car cette “économie virtuelle” n’existe que grâce à un énorme support matériel : outre les objets eux-mêmes, il y a les gigantesques fermes de serveurs qui hébergent les données et les programmes, les réseaux très matériels pour effectuer les transferts à un débit de plus en plus haut, le personnel pour entretenir et faire fonctionner tout cela (sans compter par exemple sur les réseaux sociaux les hordes de modérateurs pour éviter que cela ne devienne totalement n’importe quoi). Allez aussi expliquer au paysan français qu’il va devoir vivre avec 500€ par mois pour nourrir des bobos qui se paient 5000€ par mois en vendant des conneries genre applis pour trouver du n’importe quoi sans utilité sur le net, créer des vidéos débiles,etc… Dans la gamme des délires, le robot agricole à 100€ (prix d’achat) pour remplacer les humains dans les exploitations agricoles ! Avec quel prix de matières première s? exploitées par des enfants esclaves ? avec quelle énergie ? combien d’énergie gaspillée pour produire combien d’énergie mangeable ?

Qui est d’accord dans les pays riches  pour dégrader sévèrement son niveau de vie pour partager les biens matériels divers avec plus de personnes ? Et dans les pays pauvres qui soit-disant “polluent moins que les pays riches”, c’est tout simplement faux. Il ne faut pas confondre le peu de pollution des plus pauvres des bidonvilles qui sont contraints à tout recycler pour survivre et qu’ils n’ont juste pas assez de ressources pour gaspiller, et le gaspillage effréné de ceux qui en émergent et des classes dirigeantes qui adoptent instantanément les mêmes comportements gaspilleurs que les nôtres (j’y ai vécu 18 ans, j’ai pu le constater sur le terrain!), avec en plus l’excuse pour la plupart que leurs pays sont vastes et disposent de RICHESSES NATURELLES  qu’ils estiment devoir mettre en production de manière massive, là encore pour faire perdurer une économie de rente…

Ce qui compte c’est l’augmentation du stock de population et ce nombre est fonction de nombreux critères plus importants que le nombre final d’enfants par femme. Ce qui compte aussi c’est le mode de vie et pour l’instant la plupart des pays “en développement” qui s’enrichissent construisent des autoroutes ou achètent des 4×4 pour utiliser leurs pistes mêmes quand ils ont des fleuves ou plutôt que de se déplacer en train. Rien de très écolo donc ! Le Brésil par exemple est sans doute l’un des pays les plus anti-écolos du monde. Comment lutter contre les religions croissantistes (christianisme et islam avant tout) ? Contre le statut social ? Combien de décennies encore à attendre que “changent les mentalités “ ? Combien y-a-t-il de filles vraiment “éduquées” et capables d’imposer leurs volontés aux mecs ? Il faut cesser les discours lénifiants : la situation n’est pas grave, elle est catastrophique et ce ne sont pas des mesurettes et encore moins la politique macronésienne qui va nous sortir de l’ornière. Dans ce domaine la présidentielle fut une catastrophe.

Jean-Marc TAGLIAFERRI

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Les présidentiables ne vous ont pas expliqué l’essentiel

Désolé de vous le dire en ce jour du premier tour de la présidentielle 2017, aucun(e) candidat(e) ne vous a dit l’essentiel, la décroissance économique est devant nous. Encore aurait-il fallu pour que ce ne soit pas un effondrement que les présidentiables nous expliquent la situation réelle et les moyens d’y faire face.

Dominique Bourg : Un effondrement de civilisation résultant de notre immobilisme n’est pas impensable. Je le répète depuis l’an 2000, la consommation de ressources croit plus vite que le PIB ; les effets du changement climatique commencent à se faire sentir ; entre 1970 et 2010, environ la moité de la faune sauvage a disparu ; même le sable abrasif commence à manquer et il faut aller chercher les métaux parfois jusqu’à 800 mètres à un coût énergétique croissant. Ces dégradation ne donnent lieu qu’à des effets différés, ce qui nous conduit à détériorer davantage sans recevoir de signal fort à temps. Par « effondrement », on entend une chute des effectifs démographiques et de la complexité des sociétés sur une surface étendu et sur un temps long. Nous connaîtrons de plus en plus des États en faillites, des classes moyennes qui s’appauvrissent, un système de démocratie représentative qui ne fonctionne pas, un désordre géopolitique mondial, l’expression la plus stupide et violente d’une religion qui trouve des adeptes un peu partout, des dégradations systémiques de la Terre. Nous vivons désormais dans un monde qui suit une pente dangereuse.*

Corinne Lepage : Je n’ai rien à ajouter à ce constat si ce n’est la dimension morale de perte de vision de l’avenir, qui est un réalité du monde occidental. L’effondrement est déjà dans cette perte d’horizon. Aux limites des ressources de la planète, nos contemporains n’ont trouvé à y opposer qu’un sentiment de fatalité.*

Maurizio Pallante : Pour réduire la crise écologique, il ne suffit pas d’abandonner la foi dans la croissance, il faut promouvoir concrètement la décroissance. Les ressources que la biosphère régénère au cours d’une année sont consommées par l’humanité avant la moité du mois d’août, on dilapide le capital naturel. Si l’économie s’arrête de croître, ces ressources seraient toujours autant consommées, à un niveau déjà insupportable. Le dioxyde de carbone s’accumule dans l’atmosphère, faisant monter la température de la Terre. Pour réduire les concentrations, il faut que les émissions de gaz à effet de serre diminuent. En revanche il y a des biens qui ne font pas croître le PIB parce qu’ils ne sont pas achetés : les biens autoproduits ou échangés sous formes de dons réciproques dans le cadre des rapports communautaires. Et il y a des biens qu’on en peut pas acheter mais qui donnent du sens à la vie, les biens relationnels. Si la production et la consommation des marchandises qui n’ont aucune utilité réelle se réduit parce que l’auto-production augmente, si le temps de travail se réduit parce qu’on consacre plus de temps aux liens humains, le PIB diminue mais on ne se prive pas de ce qui est utile et plaisant. La décroissance du PIB est donc la route à emprunter au plus vite, mais non le but à atteindre.

* Le choix du pire de Corinne Lepage et Dominique Bourg (puf 2017)

** mensuel La Décroissance n° 138, avril 2017, p.14 et 15

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#AvantLeVote, les réponses aux défis environnementaux !

Perturbateurs endocriniens, organismes génétiquement modifiés ou encore diesel…, les réponses* des présidentiables ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique. Depuis 1972, le rapport sur les limites de la croissance avertissait que sans changement radical de cap, nous allions à la catastrophe. Nous avons au contraire pris tous les moyens pour maintenir la croissance à un niveau insupportable pour les possibilités de la planète. Si le monde entier avait le niveau de consommation du Français moyen, nous aurions besoin de 3 ou 4 planètes, ce qui veut dire que dans un contexte d’égalisation des conditions, il faudrait diviser notre niveau de vie en France par 3 ou 4. Autant dire que l’écologisme des présidentiables 2017 n’effleure même pas le sujet. La pire expression vient de Nathalie Arthaud, pour un « refus de la décroissance » ! Comme si la pénurie des matières premières, la surexploitation des eaux, des sols et de l’air n’allait pas nous obliger à maîtriser la décroissance du PIB ou de nous battre sauvagement entre nous. Rester bloquer à l’époque de la lutte de classes n’aide pas à la compréhension du monde contemporain. Marine Le Pen fait toujours du populisme mortifère, promettant la baisse de 5 % des tarifs du gaz et de l’électricité ou en refusant la hausse de la fiscalisation du diesel alors que la transition énergétique nécessiterait de programmer une hausse constante du prix de l’énergie pour apprendre aux personnes à l’économiser. Elle préfère un moratoire sur les éoliennes, qu’elle qualifie « d’immondes ». François Fillon est si peu convaincu des réalités biophysiques de la planète qu’il veut supprimer le principe de précaution pourtant constitutionnalisé sous Jacques Chirac. Jacques Cheminade croit aux miracles technologiques en croyant à un avenir de la fusion thermo-nucléaire contrôlée alors qu’on sait que c’est l’abondance de l’énergie fossile qui nous a mené au désastre actuel : nous ne savons pas faire bon usage des moyens technologiques quand ils sont disproportionnés par rapport à notre faible penchant pour des relations conviviales. Nicolas Dupont-Aignan est sur la même ligne, il veut abandonner l’objectif de réduction du nucléaire. Comme quoi la droite et le trotskisme sectaire se rejoignent dans leur ignorance de l’impératif écologique même si leurs programmes font diverses ouvertures vers la protection de l’environnement.

Quant à la gauche, elle se situe un peu mieux dans la bonne direction. La « règle verte » de Jean-Luc Mélenchon est la meilleure, il s’agit de ne pas prendre à la nature davantage que ce qu’elle peut donner. Mais comme par ailleurs il veut favoriser le pouvoir d’achat, il ne se rend même pas compte de ses contradictions internes : le consumérisme va de pair avec la consumation de la planète. Benoît Hamon présente quelques mesures ponctuelles pour l’environnement, mais il veut aussi faire plaisir aux revendications catégorielles comme le fait traditionnellement un bon socialiste. Pour le candidat de l’écologie politique, nous n’avons pas trouvé trace de son programme si ce n’est dilué dans celui de Benoît Hamon. Philippe Poutou est le seul à s’attaquer à notre niveau de consommation en voulant interdire la publicité énergivore et aussi réduire la place de la voiture dans les déplacements. De son côté Emmanuel Macron est loin de prôner le dé-voiturage, il veut offrir une prime de 1000 euros pour acheter un véhicule moins polluant. Comme toujours il ménage la chèvre et le chou en proposant d’interdire les perturbateurs endocriniens… à condition qu’il existe des « solutions moins toxiques ». Nous n’avons trouvé chez aucun présidentiable trace d’une vision structurelle de l’avenir de l’humanité. Le sort des générations futures est laissé aux générations futures alors que nous profitons aujourd’hui en France de l’immense accumulation de capital produite par les générations précédentes.

En conclusion, chacun fera ce qu’il veut dans le secret de l’isoloir, mais de toute façon les présidentiables n’auront rien fait de sérieux en 2017 pour enrayer la course au désastre socio-écologique. Il aurait été nécessaire d’affirmer haut et fort comme Nicolas Hulot que l’écologie ne devrait plus être un vulgaire enjeu partisan, elle est un enjeu politique au sens le plus noble. Ce n’est un sujet ni de gauche, ni de droite, ni du centre, c’est un sujet supérieur. C’est simplement l’avenir et la sauvegarde de la famille humaine et de son écosystème, la planète. Puisque nous avons fait la guerre à la planète, Il s’agit d’instaurer une logique d’état d’urgence, équivalente à celle des Américains après Pearl Harbor qui ont même cessé de construire des véhicules et autres productions inutiles. Il s’agit de mener une politique de réduction massive de notre empreinte écologique. Le parti « Europe Ecologie Les Verts » serait-il prêt à mener ce combat dans les prochaines années ? Car qui d’autre ?

* LE MONDE du 18 avril 2017, #AvantLeVote, les réponses aux défis environnementaux

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Nos dirigeants déconnent pendant que la planète brûle

Nos dirigeants déconnent

Climat : Donald Trump engage une contre-révolution énergétique (LE MONDE du 30 mars 2017) : Donald Trump a donné une impulsion décisive à sa contre-révolution énergétique . Il a signé un décret remettant en cause l’essentiel de la réglementation mise en place par son prédécesseur pour lutter contre le réchauffement climatique. Il a annoncé « la fin de la guerre contre le charbon ». Les mesures prises s’ajoutent au renoncement à une meilleure efficacité énergétique pour l’industrie automobile et à la suppression de contraintes au niveau fédéral pour l’exploitation d’énergies fossiles.

Le Medef avance quarante propositions pour « simplifier » le droit de l’environnement (LE MONDE du 1er avril 2017) : Le Livre blanc de l’organisation patronale entend revenir sur une décennie de réglementations environnementales, du Grenelle de l’environnement de 2007 aux conférences environnementales convoquées depuis 2012. « Il existe une réelle complexité des règles qui n’est pas de nature à rassurer les maîtres d’ouvrage, les procédures sont trop longues, trop risquées », plaide le président du comité Droit de l’environnement du Medef. .

Le patron de l’Agence de l’environnement américaine doute de l’impact du CO2 sur le réchauffement climatique (Le Monde.fr avec AFP du 09.03.2017) : Le nouveau patron de l’Agence de l’environnement américaine (EPA), le climatosceptique Scott Pruitt, a pris le contre-pied du consensus scientifique mondial en estimant que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) n’étaient pas un facteur déterminant dans le changement climatique. « Je pense que mesurer avec précision [l’impact de] l’activité humaine sur le climat est quelque chose de très difficile et il existe un immense désaccord sur le degré de cet impact. Donc non, je ne serais pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’un contributeur important au réchauffement climatique », a-t-il déclaré dans une interview sur la chaîne CNBC. Proche de l’industrie des énergies fossiles, Scott Pruitt a longtemps été un détracteur farouche de cette agence dont il a désormais la charge. les coupes budgétaires envisagées par M. Pruitt entraîneraient une réduction de 20 % du personnel de l’EPA et élimineraient des dizaines de programmes de protection de l’environnement.

pendant que la planète brûle

Au Somaliland, une sécheresse mortelle (LE MONDE du 31 mars 2017)

Notre consommation alimentaire mondiale épuise les eaux souterraines (LE MONDE du 30 mars 2017)

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Les présidentiables à la recherche de la croissance

« La croissance, j’irai la chercher avec les dents », s’exclamait Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle en 2007. Son successeur François Hollande a psalmodié pendant tout son mandat « croissance, croissance » en espérant inverser la courbe du chômage. Nous sommes en 2017 et les présidentiables courent encore après la croissance. Pour la frontiste Marine Le Pen, « la priorité pour 2017-2022 sera de retrouver la croissance ». Elle prévoit 2,5 % de croissance à la fin du quinquennat mais reste elliptique sur les moyens d’y parvenir. François Fillon veut essayer ce qui marche pour éviter la « croissance molle ». Pour ce candidat de la droite catholique, « libérer la croissance » est un impératif afin d’atteindre le plein-emploi. Emmanuel Macron veut « accélérer l’émergence d’un modèle de croissance réconciliant transition écologique, industrie du futur et agriculture de demain. » Vaste programme, bien flou, bâti sur un plan d’investissement de 50 milliards d’euros. Jean-Luc Mélenchon attribue la situation de croissance « atone » à la politique d’austérité menée depuis 2007. Son plan de relance comprend 100 milliards d’investissement financés par l’emprunt. Quand on aime, on ne compte pas. Seul Benoît Hamon se démarque légèrement : « Je ne crois plus au mythe de la croissance ». Son diagnostic s’appuie sur le constat d’une raréfaction du travail allant de pair avec la robotisation de l’industrie. Mais il veut relancer l’économie par un « revenu universel » et un plan d’investissement de 1000 milliards. Il n’y a pas de limites dans les promesses verbales.

Aucun des présidentiables n’a de conscience des dégâts que fait l’augmentation du PIB ni des limites biophysiques qui vont entraver l’ensemble des secteurs d’activité : raréfaction des ressources, gestion impossible des déchets. N’oublions pas les conséquences des chocs pétrolier de 1973 et 1979 sur le PIB, n’oublions pas que la crise des surprimes de 2008 a été causée par la hausse constante du baril qui a douché les promesses de l’endettement immobilier à risque. Le contre-choc pétrolier actuel est une véritable menace d’un nouveau choc dans les prochaines années. Il peut surgir à tout moment, les marchés et le contexte géopolitique étant connus pour leur instabilité. Et il faut ajouter aux périls le réchauffement climatique et ses conséquences agro-industrielles, la surpopulation humaine, un monde de bidonvilles et d’Etats en faillite, etc. La France ne peut pas être une sphère autonome quand les migrants pour causes socio-politiques s’entassent à ses portes et que la quasi-totalité de sa consommation d’énergie fossile est importée.

LE MONDE* titre dans ses pages éco « Candidats cherchent croissance désespérément » mais veut ignorer que la future croissance économique est obligatoirement sous contrainte écologique. L’informatisation de nos activités a beaucoup moins d’effets réels que la croissance qui brûle du charbon, du pétrole ou du gaz. Le journal s’interroge cependant sur une « stagnation séculaire », mais avec des raisonnements bateaux : le vieillissement la population, la moindre productivité, les emplois de services à bas prix. Alors il s’agirait de viser directement l’emploi plutôt que de chercher à réanimer la croissance. « Post-croissance ne veut pas dire décroissance », s’exclame Dominique Méda, conseillère de Benoît Hamon. L’effondrement de la civilisation thermo-industrielle n’est pas au programme, l’écologie ne doit pas être punitive mais adapté au système consumériste tel qu’il existe actuellement. Il faut donc attendre le prochain choc pétrolier pour que les analyses des spécialistes du présent deviennent enfin plus réalistes…

* LE MONDE du 26-27 mars 2017

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Écologie, de la prise de conscience au passage à l’acte

Les Français se disent de plus en plus sensibles à l’impératif écologique mais ne modifient pas leur comportement pour autant. Ou pas assez.  Les individus sont au courant de l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’environnement, mais l’essence est si bon marché et les grandes surfaces si bien approvisionnées ! Ils sont des réalistes du court terme, convaincu du réchauffement climatique par la mise en scène de la fonte des glaces et la disparition de l’ours polaire, mais insensible à la montée trop progressive des eaux. Il faudrait donc user de la carotte et du bâton, mais les politiques ne veulent pas d’une écologie punitive. L’écotaxe a été abandonnée par Ségolène Royal, la taxe carbone n’avance qu’à pas de loup. On préfère tuer les loups, c’est plus facile de s’en prendre aux autres. Le sens de la culpabilité, ça fait ringard, religieux, sans intérêt. Si certaines personnes sont épouvantées en pensant au triste futur de leurs enfants, d’autres ne considèrent que leurs fins de mois difficiles ; impossible de faire des campagnes de sensibilisation à destination d’une population entière. Et dans un monde de publicité qui cultive les désirs immédiats et les envies tout azimut, le sens des responsabilités et des choix raisonnés est au rayon des invendus.

Alors ce sont les marchands qui prennent en main le recyclage. C’est EcoDDS, organisme chargé du traitement des déchets ménagers toxique, qui fait un Livre blanc « Comment faire changer les comportements des Français face à la nécessité des gestes citoyens » et meuble plusieurs pages du MONDE*. Comme on n’accepte plus de leçon de morale, on envisage même de donner une petite récompense, une place de cinéma par exemple, à ceux qui trient le mieux. On tombe si bas dans la considération de l‘engagement civique des citoyens que c’est à pleurer. Les habitudes de la société de consommation ont produits des automatismes, le cerveau humain préfère la routine aux changements de pratique, c’est plus sécurisant.

Le social ne peut qu’être écologique, mais on inverse aujourd’hui la causalité ; c’est le social (et l’emploi) qui prime sur les réalités biophysiques. Pourtant notre niveau de vie actuel est directement gagé sur les richesses naturelles. Sans pétrole, nos dépenses de consommation et nos rejets de déchets seraient totalement différentes de ce qui se passe actuellement. Mais envisager une société post-carbone à l’heure d’un contre-choc pétrolier (le prix du baril est encore très bas actuellement) paraît impossible. Nous rappelons le livre de J.A.Grégoire, « Vivre sans pétrole », écrit en 1979 : « L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera. Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? Cette situation me paraît beaucoup plus inquiétante encore que celle des Français en 1938. Ceux qui acceptaient de regarder les choses en face apercevaient au-delà des frontières la lueur des torches illuminant les manifestations wagnériennes, ils entendaient les bruits de bottes rythmant les hurlements hystériques du Führer. Tous les autres refusaient de voir et d’entendre. On se souvient de notre réveil en 1940 ! »

* LE MONDE du 14 mars 2017, Ecologie : aux armes citoyens !

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Présidentiables 2017, tous des nuls au niveau écologique

Nous savons. Nous savons depuis le début des années 1970. Nous le savons officiellement. « Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal-en-point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre. Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir. » Ce message (dit de Menton) a été remis à U Thant, alors Secrétaire général des Nations unies, le 11 mai 1971 ; il était signé par 2 200 hommes de science de 23 pays. Il était adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». Nous sommes deux fois plus nombreux aujourd’hui, nos problèmes présents et à venir sont innombrables, et les politiques se regardent le nombril.

En 1972, le remède était clairement posé dans le rapport au club de Rome sur les limites de la croissance : « Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourriture pour les pauvres ou encore plus de services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. » Quarante-cinq ans après, pour la présidentielle de 2017, aucune des limites écologiques de notre croissance, aucun des risques majeurs que vont traverser notre société thermo-industrielle ne sont envisagées par nos présidentiables de droite comme de gauche. Les politiques n’apprennent rien de notre passé, les cris d’alarme des années 1970 restent inaudibles. Ils vivent le moment présent d’une période électorale.. particulièrement troublée en 2017. Notre époque est à la lutte contre le terrorisme, l’endiguement du chômage, le contrôle des flux migratoires, la montée de l’extrême droite… et les mises en examen. L’écologie politique est au plus bas.

Pourtant une présidentielle devrait aller à l’essentiel, elle va rythmer la vie de la France pendant plusieurs années et donner une orientation générale à la politique de la France. C’est le rendez-vous crucial du débat d’idées sur l’avenir souhaitable. Nos sociétés font la guerre à la planète, celle-ci se révolte en rendant notre habitat terrestre de moins en moins accueillant. Comme la planète ne négocie pas, il faut des hommes d’État forts qui puissent préparer leurs concitoyens à une société d’après-croissance, une société post-carbone, post-nucléaire, ce qui exige de bousculer l’ensemble de notre mode de vie actuel qui détériore la planète. L’impératif écologique nécessiterait une présidence légitimée, pouvant décider de ruptures qui peuvent être désagréables par rapport à notre quotidien actuel. Nous n’avons que des nuls !

Aucun des présidentiables 2017 n’est à la hauteur de l‘urgence écologique. Il faudrait refonder les politiques à l’intérieur des limites écologiques, on s’abîme dans des démêlés avec la justice et l’État de droit. Il s’agissait de chercher un front commun pour l’écologie politique, les « plus à gauche » partent en ordre dispersé. Le petit jeune, Macron, est tout sauf un passionné de la problématique écologique... Nous attendions un discours de vérité de la part de nos présidentiables. Nous n’avons que confusion et querelles intestines et la vie politique se dissout dans le microcosme médiatique. Au secours, René Dumont, les politiques sont devenus fous !

Michel Sourrouille

NB : ce texte peut être diffusé librement… comme tous les autres articles de ce blog

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Code minier : une réforme au goût amer votée à l’AN

Les députés viennent d’adopter le 25 janvier 2017 la proposition de loi visant à adapter le code minier au droit de l’environnement. Cette réforme, attendue et annoncée depuis plus de cinq ans, laisse aujourd’hui un goût amer. En effet, si certaines améliorations ont pu être adoptées – bien souvent malgré l’opposition du gouvernement et du rapporteur –, cette réforme arrive bien tard et risque de ne pas aboutir, la session parlementaire se terminant dans un mois.* Encore une fois nous constatons l’optique anti-écolo du gouvernement socialiste actuel. Mais encore plus significatifs sont les éructations sur le monde.fr de commentateurs qui n’ont aucun souci de préserver le milieu de vie de générations futures :

Anita : Dieu nous préserve des Verts

Dieu : J’ai réussi à les faire baisser à 2% mais je ne peux pas plus.

Guy Fauzate : L’intransigeance des écologistes va-t-elle nous faire sacrifier les richesses de notre sous-sol à l’idéologie et renforcer notre dépendance en énergie et en minerais envers des pays non démocratiques ? Espérons que l’eurodéputée Michèle Rivasi (EELV) ne finira pas par s’étrangler pour de bon, ses élucubrations nous manqueraient.

Enkidou : Oui, c’est vrai, il faudrait interdire toute production de combustibles fossiles en France. Et aussi toute production nucléaire, tant qu’on y est. Et ne plus produire que du chômage, non polluant. Et couvrir notre beau territoire de ces monuments de beauté, d’élégance, de discrétion, que sont les éoliennes, fabriquées de préférence en Chine. Et, comme il en manquerait encore 95%, importer massivement de l’énergie du monde entier, qui se ferait un plaisir de la produire pour nous.

Pierre Yves Morvan : « Laisser sous terre un tiers des réserves de pétrole connues, la moitié de celles de gaz et plus de 80 % de celles de charbon. » – C’est le conte de fées d’un monde d’énergies renouvelables coûteuses, pendant que dormiraient sous les pieds des énergies fossiles peu coûteuses inexploitées. – Les nouvelles énergies renouvelables ne fournissent que 1% de l’énergie consommée sur la planète. –

Mont Thabor : Interdire le gaz de schiste qui procure une énergie bon marché et donc de la croissance et des emplois est une ineptie criminelle quand on a un chomâge endémique.

* http://www.amisdelaterre.org/Code-minier-une-reforme-au-gout-amer-votee-a-l-Assemblee-nationale.html

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La jeunesse a-t-elle un avenir durable ? J’en doute !

La nature est vue comme un zoo, où l’on emmène les enfants pour qu’ils s’amusent devant les singes et subissent la négation même de l’idée d’écosystème.  On assiste en fait à une véritable duperie de la jeunesse par la classe adulte dominante, qui octroie apparemment aux premiers la liberté (la licence individuelle), l’égalité (l’accès de tous à tout), la démocratie (ils ont le droit de vote), les jeux du crique les loisirs frelatés, la dévaluation de l’image et du son), la pseudo-fraternité (le nivellement par la base). A l’accélération technique , à celle des rythmes de vie, il faut ajouter une accélération sociale. aujourd’hui aucune situation n’est assurée, la transmission n’est pas garantie, la précarité règne.  Il est symptomatique de constater que les parents ne croient plus que leurs enfant auront des vies meilleures que les leurs. Il se contentent d’espérer qu’elles ne seront pas pires.

Dans la lutte écologique à venir, les Juniors encaisseront un choc matériel auquel ils ne sont pas préparés par leur éducation, bien au contraire. Un chargement de mentalité humaine prend au minimum une génération, il est rare qu’un individu change radicalement d’état d’esprit en plein âge adulte. L’enfant gardera en mémoire, comme une madeleine de Proust, le vrombissement de la voiture paternelle aux temps glorieux du pétrole abondant. Psychologiquement, il sera bien difficile aux jeunes générations qui auront connu le superflu, de consentir les sacrifices que certains de leurs aînés faisaient sur leur nécessaire. Comment réagira la jeunesse actuelle aux restrictions et pénuries à venir ? Elle a été élevée dans l’idéologie de la croissance avec, circonstance aggravante, le superflu considéré comme nécessaire, l’artificiel préféré au naturel, le virtuel identifié au réel.

Henri Laborit (en 1982) : Si des rats considéraient notre espèce comme nous observons la leur dans les cages de nos laboratoires, ils comprendraient immédiatement nos problèmes actuels et à venir : entassement démographique, épuisement des ressources, accumulation des déchets, agressivité et lutte pour la survie individuelle : le tout au détriment de l’espèce et du milieu ambiant.

Philippe Lebreton sous son pseudo «professeur Mollo-Mollo» : Pourquoi ne chante-t-on plus dans les rues ? Parce que les gens sont moins heureux ou parce que la musique d’aujourd’hui ne leur permet plus de chanter ?

Philippe Lebreton, Le futur a-t-il un avenir (Sang de la Terre 2012)

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longévité, intelligence…. tout commence à décroître

Après des décennies d’amélioration des caractéristiques humaines (longévité, taille…), de nombreuses données suggèrent que des limites sont en train d’être atteintes dans tous les domaines, y compris les performances physiques et intellectuelles. Les records des sportifs professionnels sont trompeurs, biaisés par les innovations technologiques ou pharmacologiques. Dans soixante-dix disciplines de l’athlétisme et de la natation, la même stagnation des performances apparaît. James Flynn avait démontré qu’au cours du XXe siècle le quotient intellectuel moyen de la population avait enregistré une croissance continue. Mais en trente ans, le paysage a radicalement changé. En étudiant les tests psychométriques des jeunes conscrits norvégiens, des psychologues ont constaté une baisse « significative » de 0,38 point de leur quotient intellectuel (QI) entre 1996 et 2002. ­Depuis, ces résultats ont été confirmés dans sept pays dont la France. Le cerveau humain avait déjà atteint son apogée il y a plusieurs milliers d’années, il subit dorénavant des mutations délétères. Pour la biologiste Barbara ­Demeneix, l’essentiel résulte de notre activité industrielle : « Entre 1970 et 2010, la production chimique a été multipliée par 300. Nous avons montré comment ces molécules bouleversent la fonction thyroïdienne des grenouilles, qui n’avait pas changé depuis 450 millions d’années. Et, depuis l’an passé, nous savons qu’une perturbation de la fonction thyroïdienne de la mère enceinte a des effets directs sur le QI de l’enfant. » Pour la chercheuse, l’affaire est préoccupante. Car, insiste-t-elle, les dérèglements thyroïdiens subis in utero et aux premiers âges de la vie affectent aussi la peau, le squelette, les muscles, le métabolisme ou le système cardio-vasculaire de l’enfant. Autrement dit, au-delà du QI, l’espérance de vie serait, elle aussi, sérieusement affectée par les polluants chimiques que nous absorbons. Quant à la taille, elle est conditionnée par l’âge de la puberté…*

La devise olympique « citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort) correspondait à l’expansion de la révolution industrielle et au goût de la bourgeoisie pour la concurrence et le record : vive le règne des plus forts ! Cette parenthèse croissanciste se termine, même le PIB tend vers le taux zéro. Notre civilisation thermo-industrielle a atteint, si ce n’est dépassé, toutes les limites matérielles qui permettraient de vivre de façon durable et équilibrée. La devise des écologistes, « moins vite, moins loin, moins souvent » pourrait devenir un mot d’ordre politique dans les décennies qui vont suivre. Joël de Rosnay définissait déjà un tel programme** il y a plus de 40 ans :

L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».

Le taux de naissance est maintenu au taux de renouvellement de la population ; laquelle se maintient à l’état stationnaire.

L’assistance médicale mutuelle est réalisée à grande échelle. On consomme moins de médicaments, on fait moins appel aux médecins. On cherche plus à stimuler les défenses naturelles de l’organisme, qu’à agir de « l’extérieur » à coups de substances chimiques.

La création de filières de récupération a permis de reconnecter les cycles correspondants au métabolisme de l’organisme social avec les cycles naturels de l’écosystème.

Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.

Des programmes de mise en route de nouvelles centrales nucléaires ont été abandonnés. La décentralisation des moyens de transformation de l’énergie a conduit à l’exploration de nouvelles sources. Mais ce sont surtout les économies d’énergie et la lutte généralisée contre le gaspillage qui ont permis de stabiliser la consommation en énergie.

La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1980. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.

Une bioéthique renforce la nouvelle morale de l’écosociété.

Ecosocialisme, écosociété, écocitoyen, écoparlement… Le préfixe « éco » symbolise la relation étroite entre l’économie et l’écologie.

L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).

* LE MONDE du 3 janvier 2017, L’être humain a-t-il atteint ses limites ?

** cité par le livre de Michel Sourrouille « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Sang de la Terre, 2016)

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Regard sur le futur proche, un jour de réveillon en 2050

En ce jour de réveillon de 2050, Léa confectionne un repas 100 % local, ce qui réduit considérablement la variété des mets possibles. Elle se souvient comme d’un rêve des papayes que ses parents lui achetaient à la fin du XXe siècle, sans se soucier du fait qu’il avait fallu dépenser pour cela plusieurs litres de pétrole. De toute façon elle est bien seule, il ne lui reste plus qu’un dernier descendant. Ses deux autres petits-enfants sont décédés il y a trois ans, ils ont succombé à l’une de ces nouvelles maladies à côté desquelles l’épidémie de grippe aviaire, qui avait frappé la France en 2010, n’avait été qu’une discrète entrée en matière. Ils avaient été victimes d’un virus apparu en Sibérie du Nord, là où le permafrost a cédé la place à des marais à partir de l’année 2025. Maintenant des millions de personnes sont au chômage. Le gouvernement français vient d’interdire toute manifestation et même les rassemblements de protestation. Le ministre de l’Intérieur vient de prendre un de ces décrets maudits, c’est l’armée qui réprimera d’éventuels troubles de l’ordre public.

Léa a renoncé depuis longtemps à l’idée d’acheter une automobile ; en 2035, l’Union européenne avait réservé l’usage des biocarburants aux véhicules utilitaires. Même l’utilisation du charbon liquéfié a été proscrite car les sols et surtout les océans qui séquestraient le carbone depuis toujours, ne jouaient plus leur rôle, renforçant ainsi très brutalement l’effet de serre anthropique et les dérèglements du climat. Cet été, Léa avait appris par une amie que le thermomètre était monté jusqu’à 45°C à Caen.

La Biosphère vous souhaite un bon réveillon 2016, coloré de sobriété joyeuse.

NB : pour en savoir plus sur l’histoire de Léa, lire « Le développement durable, maintenant ou jamais » de D.Bourg et G.Rayssac

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Pourquoi s’inquiéter de l’effondrement annoncé ?

Il devient de plus en plus difficile pour certains spécialistes (scientifiques, ingénieurs et, plus récemment, ceux qui travaillent dans la finance) d’imaginer un scénario qui ne culmine pas en effondrement. D’autres (hommes d’affaires, politiciens, économistes, psychosociologues, éducateurs) trouvent de telles réflexions trop négatives. Le contraste entre ces deux groupes révèle deux modes de pensée radicalement différents. Le premier est habitué à raisonner en quantités physiques mesurables et en principes (théorie des systèmes, thermodynamique, etc.). Il examine des faits. Pour le second groupe, la société demeure à la fois le sujet et l’objet ; il voit comme accessoires les considérations et principes physiques, qu’il n’a généralement pas été formé à comprendre et qu’il considère comme affaire d’opinion. Selon lui, le sujet de l’effondrement est circonscrit à ses effets directs et immédiats sur la société, non la réalité à long terme de cet effondrement ; vu sous cet angle, un tel sujet semble trop négatif, dérangeant, anxiogène, défaitiste – plutôt qu’encourageant et stimulant. Il y a cependant un point d’accord très fort entre ces deux types de spécialistes : tous deux se rejoignent a priori sur le fait que ressasser le sujet de l’effondrement n’est pas propice à l’avancement de leur carrière ! Les seules personnes qui soient capables de discuter ouvertement d’effondrement sont des spécialistes à la retraite ou des professeurs titulaires qui ne dépendent pas de subventions. A un niveau plus personnel, la thèse de l’effondrement peut être corrosive pour le mariage et la vie de famille. L’épouse peut désirer passer des vacances sous les Tropiques en hiver ou effectuer des achats dans les boutiques à la mode. Elle en arrive à se demander si elle a épousé le bon individu. Or il y a des situations où ce stéréotype est inversé et où la femme prend conscience de la « chute finale » à venir, tandis que le mari choisit de demeurer dans le déni.

Ainsi, espérer de la plupart des gens qu’ils entreprennent des démarches significative pour réagir à l’effondrement annoncé en tant qu’individu ou famille s’avère être une demande passablement excessive. L’inertie sociale pesant de tout son poids, beaucoup d’entre nous sont prédisposés à ne pas vouloir comprendre que la catastrophe est inévitable. C’est particulièrement probant dans le cas de gens occupant des positions de pouvoir, parce qu’ils ne se réjouissent pas vraiment d’imaginer un avenir qui n’envisage pas de place pour eux. Nos comportements sociaux sont ataviques et produisent, bien trop souvent, de la médiocrité et du conformisme. Il semble donc plus raisonnable de s’attendre à ce que la complexité sociale soit démolie de la façon ordinaire, vite et bien, plutôt que démantelée graduellement et délibérément (….)

Ce livre* remet en question ce que signifie « être correctement socialisé ». Il remet aussi en question ce que signifie « être financièrement en sécurité ». Il remet en question ce qui signifie « participer à l’économie » : faire des affaires avec des étrangers est-il une si merveilleuse idée ? Il remet en question ce qui signifie « être patriote » : un drapeau, un hymne et quelques mythes de la création d’une nation sont-ils suffisants pour vous dire qui sont les vôtres, ceux qui sont prêt à mourir pour vous autant que vous pour eux ? Il remet en question ce qui signifie « être humain » : vous avez rencontré les Iks pour qui la survie à tout prix peut être un destin pire que la mort. Mais l’effondrement n’est pas un scénario de cauchemar à éviter à tout prix, c’est simplement une part des flux et reflux normaux de l’histoire humaine. Si suffisamment d’idées de ce livre résonnent en vous, vous vous retrouverez peut-être à développer une sorte d’identité post-effondrement, comme l’identité interne des gitans. Les choses deviendront vraiment intéressantes si jamais vous croisez quelqu’un qui sait ce que vous savez et qui est sur la même longueur d’onde… mais la confiance se bâtit sur des actions, pas sur des paroles. Quoi qu’il en soit, soyons clair sur un point : il vaudrait mieux qu’il y ait une vie après l’effondrement économique à venir, pour vous comme pour moi !

* Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)

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L’effondrement prévu de la société thermo-industrielle

« Pour plaider la thèse de l’effondrement imminent de la civilisation industrielle globale, il est nécessaire d’établir deux choses. La première est de totaliser la dotation limitée de la Terre en combustibles fossiles, minerais métalliques et autre intrants industriels et agricole et de démontrer que quantité de ces ressources ont dépassé leur pic de production ou l’atteindront bientôt. La seconde est de prouver que le résultat se traduira par un écroulement total du système plutôt qu’une détérioration lente et continue qui pourrait s’éterniser pendant des siècles.

La première tâche a déjà été accomplie par un certain nombre de gens comme Richard Heinberg (Peak Everything) ou Christopher Clugston (Scarcity, rareté). Les chiffres sont disponibles auprès de sources réputées, difficilement discutables. Mais la seconde tâche est beaucoup plus ardue, parce que la seule façon de l’aborder passe par des modèles mathématiques. Le premier d’entre eux est le World 3 utilisé en 1972 dans le livre Limits to Growth. Ce modèle prédit effondrement économique et sociétal d’ici le milieu du XXIe siècle. la version de 2004, Limits to Growth : the 30-year update, a conformé que, 30 ans après, les prédictions initiales sont toujours en très bon accord avec la réalité. Pour modéliser l’effondrement, on peut aussi s’appuyer sur cette citation de Sénèque : « Ce serait une sorte de consolation pour notre fragilité comme pour celle des choses qui nous touchent, si tout était aussi lent à périr qu’à croître ; mais le progrès veut du temps pour se développer : la chute vient au pas de course. » Ugo Bardi en a fait la Falaise de Sénèque avec un schéma simple avec seulement deux variables : ressources et capital ; Le capital ne diminue pas graduellement à mesure que les ressources épuisent, il s’effondre !

Afin d’apprécier, à un niveau intuitif, pourquoi il en est ainsi, pensez aux infrastructures de la civilisation industrielle, autoroutes, ports, réseaux électriques, etc. Quand elles sont moins employées, leurs coûts de maintenance reste identiques, engloutissant une portion encore plus grande de l’économie, a un certain seuil, ces coûts deviennent insupportables et la maintenance est abandonnée. Peu après, les infrastructures elles-même deviennent inopérantes, et avec elles le reste de l’économie industrielle. L’économie globale passe un point de non-retour au-delà duquel il ne peut plus y avoir de redressement et les relations commerciales qui la maintenaient ont cassé. Des pays entiers, tels que la Grèce, se trouvent dans les affres de ce qui peut tout à fait s’appeler un effondrement financier, commercial et politique : on assiste à des paniques bancaires, les pharmacies sont à court de médicaments, les responsables politiques sont sous la tutelle des créanciers du pays. Par contre prédire que quelque chose va arriver est beaucoup plus facile que de prédire quand ce quelque chose arrivera ! Tous les empires finissent par disparaître, les États-Unis subiront le même sort. Mais il n’est pas possible de prédire quand. L’Union soviétique s’est effondrée en 1991 en prenant les spécialistes par surprise.

source : Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)

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L’optimisme irréaliste du MONDE à propos des métaux

Jamais les métaux n’ont été aussi présents dans nos vies : voitures et maisons bien sûr, mais aussi, téléphones portables, écrans plats… Quant aux voitures électriques, elles ne consomment certes pas d’essence, mais nécessitent des batteries ion-lithium. La consommation de cuivre a crû de 2,87 % par an en moyenne depuis un demi-siècle, soit une multiplication par plus de quatre ; celle d’acier de 3,62 % par an en moyenne depuis 1900. Pour loger, équiper, transporter les 9,7 milliards d’habitants que la planète devrait porter en 2050 , il faudra extraire du sous-sol plus de matériaux que l’humanité n’en a extrait depuis son origine. Va-t-on réussir à faire face à la demande future ?

La réponse de l’article du MONDE est positive : « Bien sûr, les industriels conscients de ces enjeux tentent de réduire leur dépendance. C’est là que l’innovation et la technologie entrent en scène. 80 % du cuivre utilisé dans les câblages pouvait être remplacé par de l’aluminium. L’industrie aéronautique travaille aussi à l’allégement des avions et à l’optimisation de l’utilisation des matériaux. L’Internet des objets est prometteur : grâce à des capteurs connectés, il sera possible d’évaluer précisément le degré d’usure d’un équipement… S’il est impératif de généraliser le recyclage, il faut admettre que la production minière reste indispensable, y compris en France.»* Cet article est trompeur. D’abord il fait une confiance aveugle dans les possibilités futures de l’innovation technologique. C’est une croyance, pas un fait. De plus, quand on voit l’impasse dans laquelle nous ont mené les prouesses des processus actuel d’extraction et de fabrication, on peut douter qu’il en soit différemment dans le futur. Enfin la situation géophysique et économique en matière d’extraction est  complexe.

Nous conseillons à l’auteure de l’article, Béatrice Madeline, de (re)lire le rapport** de 1972 à propos des ressources minières : « En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… Par exemple les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. Mais la consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks. » Le rapport concluait : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.

* LE MONDE économie du 13 septembre 2016, La ruée vers les métaux
** rapport 1972 du Massuchussets Institute of Technology au club de Rome, The Limits to Growth, traduit en français dans Halte à la croissance ? (Fayard 1972)

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La synthèse de Cyril Dion : « Être plutôt qu’avoir »

Un article* dont le résumé ci-dessous révèle aussi l’idée générale sur ce blog : un changement de civilisation est complexe et demande la participation de tous, individus et institutions diverses :

« Il y aurait de quoi se demander si mettre des enfants au monde dans le contexte actuel était bien raisonnable… Car la plupart d’entre nous le savent désormais, la situation ne va pas s’améliorer. Du moins pas toute seule. Pour la première fois dans l’histoire, nous sommes confrontés à une conjonction de problèmes qui, en s’additionnant, pourraient conduire à la disparition d’une partie de notre espèce. Nous sommes confrontés à deux enjeux majeurs : l’un concerne l’augmentation intenable des inégalités ; l’autre, la disparition des ressources naturelles et des espèces vivantes à une vitesse étourdissante, qui ne leur permet plus de se renouveler. Ce sont d’ailleurs ces deux facteurs qui, lorsqu’ils se combinent, précipitent la chute des civilisations. De nombreuses études pointent désormais le risque d’un effondrement écologique sans précédent, susceptible de déclencher conflits, migrations de masse, ruptures alimentaires, cracks économique et financier… Et il pourrait intervenir dans les vingt à trente ans. Une grande part d’entre nous attend patiemment que quelqu’un résolve le problème à notre place . Mais un système aussi global et complexe que le nôtre ne pourra pas changer de cette façon. Nous devrions être mobilisés, unis, comme à l’aube d’une guerre mondiale.

D’abord en mettant en œuvre dans notre propre vie tout ce qui est en notre pouvoir pour inverser la tendance : manger bio, local et moins de produits animaux, économiser l’énergie, acheter tout ce qui peut être fabriqué localement à des entrepreneurs locaux et indépendants, systématiquement recycler, réutiliser, réparer, composter… Mais la société ne changera pas simplement en additionnant des gestes individuels. Il est également nécessaire de transformer nos entreprises, nos métiers, pour qu’ils contribuent à résoudre ces problèmes. C’est l’économie symbiotique (l’économie circulaire, l’économie du partage, le biomimétisme…). Enfin, des mesures politiques devraient être prises. D’abord en termes de fiscalité et de régulation : taxer le carbone pour accélérer la transition énergétique, alléger la fiscalité du travail, réorienter les subventions agricoles pour stimuler une agriculture vivrière et locale, transformer le mécanisme de création monétaire pour progressivement se libérer de la dette.

Selon les calculs que nous avons faits pour le film Demain, nous pourrions créer au moins 1,5 million d’emplois en adoptant une ambitieuse transition énergétique, en relocalisant une grande part de notre alimentation et en montant notre taux de recyclage à 80 % (contre 25 % aujourd’hui). En quelques décennies, nous pourrions redresser la barre à condition de favoriser la coopération entre droite et gauche, citoyens et élus, législatif et exécutif. De nous unir. Et de cesser les petites guéguerres politiciennes et les stratégies électoralistes. »

Cyril Dion, cofondateur du mouvement Colibris avec Pierre Rabhi en 2006. Il a écrit et coréalisé avec Mélanie Laurent le film Demain, César du meilleur documentaire en 2016.

* LE MONDE du 16 août 2016, Cyril Dion : « Etre plutôt qu’avoir »

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La pénurie au Venezuela, et si c’était la France ?

«Il n’y a plus de riz». La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Coca-Cola a même du cesser sa production faute de sucre. La situation alimentaire est critique dans tout le pays. Les supermarchés manquent de tous les produits de base. Les files d’attente se forment vers deux heures du matin dans la capitale comme en province. Les pannes d’électricité et les coupures de courant sont quotidiennes. Le président socialiste vient de décréter que tous les vendredis seront fériés pour faire des économies d’électricité. Trente millions de personnes vivent un cauchemar. Plus de 90 % d’entre elles disent, selon les sondages, que leur principal préoccupation est de trouver de la nourriture. Pillages et émeutes sont quotidiens. Le pillage n’est qu’une forme extrême de mobilisation sociale. L’arme à la bretelle, des unités de parachutistes doivent défendre les commerces. Mais parfois les forces de l’ordre participent au pillage. Les médicaments commencent à manquer. L’inflation est galopante, elle pourrait dépasser 700 % en 2016, soit des prix multipliés par 8. Insupportable. Le soulèvement populaire contre la hausse brutale du prix de l’essence et des transports a été réprimé dans le sang, plus de 3000 victimes. La criminalité atteint des records. Les homicides atteignent la proportion de 6 pour 10 000 habitants. Les escadrons de la mort agissent en toute impunité. Au micro-trottoir, la phrase la plus souvent recueillie est un cri de désespoir : «La situation va exploser !» La logique du chacun pour soi s’est imposée au détriment de l’action collective. Le gouvernement ne produit plus aucun chiffre sur l’ampleur des manifestations depuis cinq ans. Au bord de la cessation de paiement, la banque centrale liquide les réserves d’or. En deux ans, les stocks de lingots ont diminué de 40 %. Faute de devises, le pays a dû couper dans ses importations, appauvrissant l’ensemble de la population.

Combien de temps faut-il pour réduire à la misère un des pays les plus riches ? Moins de vingt ans pour le Venezuela dont la situation ci-dessus est décrite par LE MONDE*. Ce pays a vécu de la rente pétrolière, elle a été dilapidée, distribuée en prébendes pour le peuple et capitalisée dans les poches de quelques-uns. L’or noir représente 95 % des exportations du Venezuela. Avec un baril à moins de 30 dollars au début de l’année, contre plus de 100 dollars il y a deux ans, c’est toute l’économie qui s’est effondrée.
Cette situation risque d’être celle de tous les pays développés qui dépendent des importations de pétrole. Pour la France, le coût des importations de ressources fossiles est de 5 % du PIB actuel, mais une pénurie énergétique mettrait à bas 90 % du PIB, entraînant une crise aussi profonde que celle que traverse le Venezuela en 2016. Mais la nomenklatura chaviste ne fait pas la queue à l’aube pour acheter du pain.

Quand le peuple meurt de faim, les élites continent de vivre comme si de rien n’était. Qui se sent concerné en France par la crise au Venezuela ?

*LE MONDE du 31 mai 2016
éditorial, Le Venezuela ou l’histoire d’une tragédie annoncée
article page 2, Le Venezuela en état d’implosion

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Un spécialiste du parti socialiste face à la décroissance

 » Les pays développés, et singulièrement l’Europe, connaissent depuis plusieurs décennies une diminution continue et régulière du niveau moyen de croissance annuelle, de près de 5 % avant le premier choc pétrolier des années 1970, à un chiffre proche de zéro ces dernières années. » Nous sommes tous d’accord sur ce constat* de Géraud Guibert, encore faudrait-il en déduire les conséquences qui s’imposent.

Géraud Guibert, ex-secrétaire national de la commission environnement du PS et président actuel de La Fabrique écologique démarre bien son analyse : « Une des grandes erreurs est de ne pas suffisamment considérer les ressources naturelles comme un facteur de production au même titre que le capital et le travail. Du coup, on ne peut véritablement comprendre les enjeux d’aujourd’hui. Nous avons connu dans les dernières décennies un fort mouvement de substitution du capital au travail du fait notamment de l’automatisation… » Mais il en tire une fausse conclusion : « Nous devons aujourd’hui penser la substitution du capital à des flux de matières. Que ce soit pour la rénovation thermique des logements, les énergies renouvelables ou les infrastructures de transport en commun, la relance de l’économie suppose le remplacement de la consommation d’énergies fossiles par des investissements. Cela exige des choix clairs : une priorité à l’investissement climatique, énergétique et écologique, public et privé. » Il est donc partisan du courant économique dominant. Ces tenants de la durabilité (soutenabilité) supposent la substitution toujours possible entre capital humain, capital manufacturier et capital naturel. Ainsi, si l’une des composantes baisse, une autre pourra toujours combler le manque. Cette conception repose sur une confiance aveugle dans un progrès technique qui pourrait toujours compenser la déperdition irréversible des ressources naturelles non renouvelables. Une telle pensée, que Nicholas Georgescu-Roegen appelle « le sophisme de la substitution perpétuelle », n’est pas réaliste. En effet « la physique thermodynamique nous enseigne que la sphère économique n’est qu’un sous-système du système-Terre ». Il faut donc avoir une vue bien erronée des processus biophysiques pour ne pas remarquer qu’il n’existe pas de facteur matériel autres que les ressources naturelles pour une activité économique quelconque, donc pour tout investissement.

Comme l’expriment les tenants de l’économie écologique, « Nous savons pertinemment que l’existence des actifs humains, social et bâti dépend entièrement du monde naturel ; et qu’en conséquence le capital naturel n’est absolument pas substituable. Aussi la soutenabilité implique-t-elle que nous vivions des bénéfices générés par le capital naturel sans grignoter le capital lui-même. »** Avec épuisement des ressources naturelles, la décroissance devient inéluctable, Il faut s’y préparer, ce que ne fait pas la « fabrique écologique ». Mieux vaut lire « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », un livre de Michel Sourrouille à paraître le 11 juillet en librairie…

* LE MONDE du 30 juin 2016, Pour un « fonds européen pour la transition climatique »

** Vivement 2050 ! Programme pour une économie soutenable et désirable  (1ère édition 2012, Les petits matins 2013)

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Relocaliser, une société démocratique antiproductiviste

Pour Jean-Luc Pasquinet, prendre au sérieux la relocalisation implique de sortir du capitalisme et du productivisme. Son livre* montre qu’il s’agit d’une forme de décroissance qui va s’accompagner d’un tout autre mode d’organisation que celui auquel est habitué notre société d’abondance factice. Voici quelques extraits de cet ouvrage :

« La relocalisation s’oppose autant à la mondialisation qu’aux « Trente Ravageuses », ces trois décennies d’après-guerre dénommées les « Trente Glorieuses », où s’est produit un changement d’échelle de la contribution française à l’empreinte humaine sur la planète et une entrée dans un modèle de développement non soutenable… A partir du moment où l’on se pose la question des limites physiques de la planète et celle de réduire l’intensité ressources ou déchets d’un produit, alors on peut évoquer la nécessité de mettre en place une sorte de rationnement ou répartition de la pénurie.

Durant la Première Guerre mondiale, dès décembre 1914, est institué le rationnement du pain, qui sera étendu à d’autres denrées alimentaires : farine, viande, lait, sucre et non alimentaire comme le pétrole. Ce rationnement durera jusqu’en 1921. Pendant la Seconde guerre mondiale, un ministère du Ravitaillement fut créé en mars 1940. Chaque personne devait remplie une déclaration afin d’être classée dans une des catégories prévues pour l’alimentation et le charbon. Des décrets imposent la fermeture des pâtisseries et l’interdiction de la vente d’alcool. Les premières cartes de rationnement sont distribuées dès octobre 1940 pour les produits de base. Ce rationnement durera jusqu’en 1949.

Nous assistons d’ores et déjà aujourd’hui à la mise en place de mesures prises sous la nécessité pour instaurer des quotas de capture de poissons. Même si le premier réflexe des gouvernements est de les réduire pour ne pas s’attirer les foudres des pêcheurs. Par exemple pour 2015 la Commission européenne préconisait de réduire de 64 % les prélèvements de cabillaud dans l’Atlantique, la baisse ne sera finalement que de 26 %. Mais c’est déjà un premier pas vers une réflexion concernant le monde entier, et relative à la gestion des ressources rares. Il en sera de même pour l’extraction des ressources rares et/ou polluantes, avec répartition de quotas. »

* Relocaliser (pour une société démocratique et antiproductiviste) de Jean-Luc Pasquinet

Editions Libre&Solidaire 2016, 194 pages pour 15 euros

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