trop de médicaments ?

Dans les salles de bain de la classe globale, les armoires  deviennent de véritables pharmacopées de produits trop utilisés ou périmés. C’est pourquoi la « trouvaille de François Fillon », parlant de médicaments « non indispensables » (LeMonde du 1er octobre), est une bonne  chose. Ce n’est pas un simple moyen de limiter le déficit de la Sécurité sociale pour 2010 avec la baisse prévue du taux de remboursement de 35 à 15 % d’une quarantaine de médicaments au service médical rendu faible ou la limitation du coût global de l’utilisation de médicaments onéreux à l’hôpital (LeMonde du 2 octobre). Il s’agit ni plus ni moins que d’un enjeu de civilisation : où situer la limite acceptable dans la consommation de médicaments ?

Il fut un temps où les prescriptions médicamenteuses correspondaient à des préparations effectuées par le pharmacien dans son officine. A cette époque les noms chimiques des substances entrant dans la composition des ordonnances constituaient un langage commun pour les médecins, les pharmaciens et les malades. Désormais la pharmacopée se résume aux spécialités des laboratoires, c’est-à-dire des médicaments élaborés de manière industrielle. Il y a maintenant près de 7000 marques qui se font concurrence alors que la dénomination commune internationale (DCI), l’espéranto du médicament,  ne compte que 1700 substances thérapeutiques. Etude bien oubliée, une « commission de la transparence » avait évalué en France 1100 médicaments ordinaires : un quart n’avait pas fait la preuve de son efficacité.

Les humains peuvent sans doute faire de la bonne médecine avec trente médicaments seulement.

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la gauche passe à droite

En Europe, la gauche est affaiblie et déprimée. En Allemagne, droite et gauche confondue ont déjà gouverné le pays. En France aussi la gauche peut passer à droite, une quinzaine de personnalités a déjà mordu au grand marché de l’ouverture sarkozyste. Nous sommes en face d’une OPA (offre publique d’achat) de la gauche par l’UMP. La ministre de la santé et des sports Roselyne Bachelot est claire, «  il se trouve qu’être de gauche n’a pas été un critère de rejet en conseil des ministres » (LeMonde du 1er octobre). La secrétaire d’Etat à l’écologie Chantal Jouanno est claire, elle « partage les mêmes valeurs que les Verts » (Le Figaro du 26-27 septembre).

La social-démocratie s’est dissoute dans la marmite de la droite dès le discours marxiste. En effet il n’y a pas de différence fondamentale entre le productivisme de droite et le productivisme de gauche, entre une fabrique d’automobiles qui peut être nationalisée et les ouvriers qui fabriquent les automobiles, entre Ségolène Royal qui ne jure que par la voiture électrique et une droite qui met en place un soutien à la voiture électrique. Patrons, élus et travailleurs naviguent de concert sur la même autoroute, la seule différence c’est la part de la valeur ajoutée qu’on peut se mettre dans sa poche. L’écologie aussi s’est dissoute dans la marmite de la droite. Sarkozy a mis en place des Grenelle de l’environnement, son ministre de l’écologie a juste le grade en dessous du Premier ministre, Chantal Jouanno peut même déclarer que  « l’avenir est vert, pas forcément aux Verts ».

Alors, où trouver une spécificité de gauche qui ne soit pas pure incantation ?

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le principe de mobilité

La révolution industrielle s’est accompagnée au XIXe siècle d’un déracinement géographique. La proportion de Français nés hors de leur département d’origine est passée de 11,7 % au recensement de 1861 à 26 % en 1936. L’exode rural a aussi entraîné la mobilité professionnelle, l’agriculteur est devenu au XXe siècle chauffeur de taxi ou OS. Autant dire qu’il y a eu dislocation des sentiments d’appartenance à un lieu privilégié, éclatement et dysfonctionnement des familles, perte d’autonomie puisque le salaire dépend dorénavant d’une division du travail de plus en plus poussée.

            Cette mobilité géographique et professionnelle, forcée et stressante, débouche aujourd’hui sur une mobilité interne à l’entreprise. Ainsi à France Télécom, on avait mis en place au niveau national le principe de mobilité systématique des cadres tous les trois ans : d’où 24 suicides sur le lieu de travail depuis février 2008 (LeMonde du 30 septembre). Le système capitaliste libéral a été jusqu’au bout de sa logique, considérer la personne humaine comme un simple pion sur l’échiquier du marché mondialisé du travail. La lutte de classe a été remplacée par la lutte de classement, c’est-à-dire la compétition organisée entre travailleurs qu’on évalue individuellement ou qu’on licencie collectivement. Cette logique absurde a détruit non seulement l’équilibre psychologique des êtres humains, mais aussi l’équilibre des écosystèmes que les lois sociales ont complètement ignoré.

Il n’est que temps que ce système capitaliste s’effondre et que les citoyens retrouvent le goût de la nourriture produite localement, le respect de l’artisan et l’amour du travail autonome dans une biosphère apaisée. C’est la logique de la transition qui nous fera passer après les grands cataclysmes d’une société thermo-industrielle à une société relocalisée et simplifiée

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éloge de la dictature ?

Il y a des dictatures de droite, telles que celles dont l’économiste zambienne Dambisa Moyo fait le panégyrique dans son livre présenté par LeMonde du 29 septembre (sous le titre Eloge de la dictature) : « La démocratie peut être un obstacle au développement. Dans un monde idéal, ce dont les pays pauvres ont besoin, c’est d’un dictateur bienveillant décidé à imposer les réformes nécessaires pour donner une impulsion à l’économie, une politique favorisant l’économie de marché ». L’exemple à suivre, c’est donc le Chili de Pinochet.

Il y a des dictatures de gauche qui pourraient être bienveillantes. Comme l’exprime Thomas L.Friedman : « Si seulement l’Amérique pouvait être la Chine. Rien qu’une journée ! Les dirigeants chinois possèdent la faculté de couper court à tous les intérêts particuliers, à tous les obstacles bureaucratiques, à toutes les craintes de répercussions électorales, pour simplement décréter des changements radicaux dans les prix, les règlements, les normes, l’éducation et l’infrastructure. C’est un atout de poids quand il s’agit de réaliser un changement aussi considérable qu’une révolution verte, où vous êtes confrontés à des intérêts acquis, enracinés, grassement financés et fortement retranchés, où vous devez motiver des opinions publiques pour qu’elles acceptent des sacrifices. »             

Et puis il y a des démocraties dont les dirigeants font eux-mêmes l’apprentissage de la frugalité. Alors qu’une sécheresse sévère plonge des dizaines de millions de paysans dans le désespoir, Sonia Gandhi, présidente du Parti du Congrès, invite ministres et députés à l’austérité en signe de solidarité avec les campagnes assoiffées (LeMonde du 29 septembre). C’est le seul modèle que je veuille défendre, la contagion de la simplicité volontaire. Un écolofascisme est d’ailleurs impossible car la dictature ne peut que privilégier les intérêts de quelques-uns au détriment de l’environnement ; le totalitarisme est incapable de décider un partage équitable de la rareté. Mais la frugalité de quelques-uns ne peut fondamentalement transformer notre système de gaspillage…

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impuissance politique

Page 1, titre principal : le réchauffement climatique aura de lourdes conséquences en France.

Page 2, Times Square : les chefs d’Etat parlent de « catastrophe irréversible » à propos du  réchauffement climatique. Mais mille feux clignotent à Times Square. Comment les  responsables politiques peuvent-ils parler de catastrophe irréversible et faire comme si les feux de Times Square ne devaient jamais s’éteindre ?

Page 4, un rapport  indique que la France peut s’attendre  à un impact globalement négatif du changement climatique au cours de ce siècle.

Page 8, tout un éventail de défis comme la menace du changement climatique ne sont pas réellement pris en compte par le système politique, à droite comme à gauche (dixit Joschka Fischer).

Page 10, la taxe carbone n’est pas un problème d’opposition droite-gauche. C’est un problème d’explication. (dixit Michel Rocard)

Page 12, Obama a affirmé que le sommet de Copenhague, en décembre, ne permettra pas de signer le traité final sur le réchauffement climatique.

Page finale, un dernier coup d’œil à l’horloge diabolique de la dette publique mondiale : 35118,911 milliards de dollars. Les dirigeants du G20 sont intraitables sur l’accessoire et muets sur l’essentiel.

 (LeMonde du 27-28 septembre)

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à quoi sert la vie humaine ?

L’euthanasie et le suicide assisté restent illégaux au Royaume-Uni. Mais si une personne souffrant d’une maladie incurable ou en phase terminale prend l’initiative de demander l’aide d’un parent ou d’un ami intime, ce dernier est dorénavant en droit de lui rendre ce service en toute légalité. A condition qu’il soit entièrement motivé par la compassion et que son concours se limite à une aide ou une influence mineure. Encore faut-il que le futur défunt ait émis un souhait clair, définitif et informé de se suicider (LeMonde du 26 septembre). Donc, si j’ai bien  compris, un conjoint peut aller avec son malade en Suisse, pays qui a déjà légalisé le suicide assisté.

Cela me fait penser aux avortements illégaux pratiqués en Suisse par les Françaises qui subissaient avant 1975 les lois populationnistes de 1920. Avant la naissance ou au moment de la mort, il n’y a pas en soi de définition d’une vie digne d’être vécue ; tout dépend d’une élaboration sociale. Quelle décision philosophico-politique prendre dans le cas des Alzheimer qui n’ont de la dignité humaine que l’apparence charnelle ? Quelle décision philosophico-politique prendre dans le cas des fins de vie dans des hôpitaux-prisons-mouroirs ? L’acharnement des partisans de la vie malgré tout me paraît incompréhensible. Il me paraît plus sain d’empêcher la perte de biodiversité et l’extinction des espèces plutôt que de vouloir préserver la vie des humains qui ne servent plus à rien. Mais j’aurais un certain respect pour les personnes qui militent à la fois pour les deux causes, il y aurait en effet une certaine logique !

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se démarquer des marques

Selon une enquête des plus sérieuses, les femmes (occidentales) passent presque un an de leur vie à essayer de décider comment s’habiller.  Il faut en effet hésiter bien longuement pour choisir entre le petit haut sexy ou le discret chemisier chic, avant d’hésiter à nouveau sur la couleur du slip et la forme des chaussures… L’habit est pour la femme un moyen de communication, comme la marque est le moyen pour le jeune branché de ne pas se démarquer de ses copains. C’est de ses préoccupations infantiles dont s’occupe le secteur de la mode. Pour D.Jacomet, directeur général de l’Institut français de la mode, « la Chine sera bientôt un géant pour les produits de marque » (LeMonde du 25 septembre). Biosphère nous en préserve ! Achetons local, achetons durable.

Selon les études de l’IFM, il existe un réel désir de mode, de part de rêves, d’émotion… Des mots, des mots, des mots pour habiller une réalité programmée par le marketing publicitaire. Sans quoi les vêtements ne s’achèteraient qu’au rythme très lent de leur usure. Pour occulter la conscience de l’acheteur, il a donc été nécessaire de tendre devant l’objet un voile d’images et de sens, bref de créer un simulacre de l’objet réel. La publicité nous vêtit et nous fait vivre selon des modalités fantasmagoriques qui nous ont fait oublier le sens des limites. Oublions la mode, supprimons la publicité, retrouvons le message essentiel de Thomas More en 1516 :

« En Utopie, les vêtements ont la même forme pour tous les habitants de l’île ; cette forme est invariable. Ces vêtements réunissent l’élégance à la commodité ; ils se prêtent à tous les mouvements du corps, le défendent contre les chaleurs de l’été et le froid de l’hiver. Un seul habit suffit d’ordinaire pendant deux ans ; tandis qu’ailleurs, il faut à chacun quatre ou cinq habits de couleur différente, autant d’habits de soie, et, aux plus élégants, au moins une dizaine. Les Utopiens n’ont aucune raison d’en rechercher un aussi grand nombre ; ils n’en seraient ni plus commodément ni plus élégamment vêtus. »

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un monde de fous

Combien de temps une société qui repose sur l’endettement budgétaire de la plupart des pays riches peut-elle tenir ? Combien de temps une économie thermo-industrielle qui accélère sciemment les perturbations  climatiques peut-elle tenir ? Combien de temps des politiques qui agitent l’étendard de la croissance économique peuvent-ils rester à leur poste ? Et maintenant, la dernière de Sarkozy hier soir : le carbone qui ferait un trou dans la couche d’ozone !

LeMonde du 24 septembre titre sur les déficits chroniques et l’explosion de la dette, le cas français n’est pas isolé. Pourtant nous savons que la propension des riches à épargner est importante ; un pays riche ne devrait pas s’endetter, il est au contraire dans la position de pouvoir prêter de l’argent. LeMonde du 24 septembre nous indique qu’à défaut de lutter contre le réchauffement climatique, la croissance des gros blocs économiques sera assurée « sur le dos » du reste du monde ; il n’y a plus de socialisme égalitariste dans ce pauvre monde. La croissance est encore sur toutes les lèvres des politiques, comme si ce qui provoque les chocs écologiques pouvait résoudre durablement les problèmes de la dette, de l’emploi, etc.

Il est vrai que le citoyen moyen dans ce monde de fous ne peut maîtriser qu’imparfaitement les problèmes de couche d’ozone, d’effet de serre, de pic énergétique et de PIB qui ne s’exprime qu’en terme de moyenne et non de répartition. Normal, aucun des dirigeants qui nous mène à notre perte n’a l’intention de lui expliquer vraiment : ils tiennent tous à leur poste.

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il est permis d’interdire

Le diagnostic est partagé par tous ceux qui décryptent la vie de notre petite planète : le mode de vie à l’occidentale est obsolète, la droite sarkozyste comme la gauche socialiste nous disent qu’il faut changer de civilisation. Pourquoi ? A cause de la rupture entre la puissance technologique de nos économies et les limites physiques de la croissance. LeMonde du 23 septembre reprend d’ailleurs ce constat sarkozyste imparable : «  Le XXIe siècle sera le siècle de la fin du pétrole, il verra donc la fin de la voiture telle que nous la connaissons. » Malheureusement l’article à côté nous abreuve encore des péripéties de la formule 1. Comme si, en 2009, la F1 avait encore le droit d’exister ! Au moment du premier choc pétrolier, les pouvoirs publics avaient déjà arrêté cette compétition ridicule pour montrer le bon exemple de l’économie d’énergie.

LeMonde  ce jour est d’ailleurs beaucoup plus critique qu’à l’ordinaire : «  Le côté bling-bling de la F1 paraît plus que jamais has been. A l’heure où l’industrie s’interroge sur la nécessaire conversion à la voiture « verte », l’univers de la compétition, le culte de la vitesse, les consommations astronomiques de carburant, les victoires fêtées sous des douches de champagne et les jeunes femmes en bikini dans les paddocks, paraissent complètement décalés ».

 Si Sarkozy était vraiment conscient de l’urgence de réduire la vitesse de notre société thermo-industrielle, non seulement il imposerait une taxe carbone à 32 euros la tonne, mais pour mieux faire accepter la purge, il ferait en sorte que la F1 et les 4×4 soient interdits au niveau (inter)national.

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désurbanisation

Qu’on le veuille ou non, il faudra bien un jour sortir du culte de la croissance, toujours plus de pouvoir d’achat, toujours plus de bagnoles, toujours plus d’avions, travailler toujours plus. L’urbanisation croissante est un élément de cette anthropisation forcenée de notre planète qui a accompagné la révolution industrielle dès le XIXe siècle. Mais au lieu d’être progressive, l’explosion urbaine est devenue selon les termes mêmes du Monde (22 septembre) « violente », particulièrement en Afrique : les villes y passeront de 350 millions d’habitants en 2005 à 1,2 milliards en 2050. Ce ne sont que des prévisions statistiques, je prévois au contraire d’ici à 2050 un retour aux campagnes comme cela a déjà commencé en Chine.

            Cela ne veut pas dire que j’ai une pensée anti-urbaine, il y a des toutes petites villes fort agréables. Mais quand les habitants des bidonvilles constituent déjà en moyenne 36 % des citadins dans les pays dits « en développement », cela veut dire que ce n’est pas une urbanisation gérable, ce n’est donc pas une évolution durable. Jamais on ne pourra mettre de l’électricité, de l’eau courante et des routes goudronnées partout. Jamais on ne pourra mettre en place des services urbains à la portée de tous. Jamais on ne pourra trouver un emploi à cet afflux de main d’œuvre. Jamais il n’y aura assez de policiers (étymologiquement « créatures de la cité ») pour contrôler une société non policée. Jean-Pierre Elong-Mbassi, porte-parole des Cités du continent, dit que les Africains devront payer la qualité de leur ville ; ils ne pourront jamais, sauf dans quelques enclaves fermées et sécurisées pour quelques temps encore.

Le discours de vérité n’est pas dans la vérité des prix, il est dans le sens des limites, à commencer par la limitation drastique de  l’urbanisation. Cela ne peut se faire que si on s’investit dans l’agriculture au lieu d’investir dans les marchés financiers.

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Quel est le prénom d’Alzheimer ?

Ca commence comme ça. Tout commence doucement, de petits oublis, quelques chutes inexpliquées. Alors on reste de plus en plus souvent à domicile et il y a de plus en plus d’aides extérieures. Et puis, quand on n’a pas de conjoint, on se retrouve chez ses enfants qui finissent par endosser le rôle de garde-malade 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. Les « aidants-familiaux » aident leur malade tant aimé à aller aux toilettes, l’assistent pendant les repas, lui distribuent régulièrement ses médicaments. Et puis l’épuisement gagne, on ne peut plus faire face, on n’a plus le temps de souffler, on risque de craquer, on craque. Alors, quand on n’a pas de « plates-formes de répit » à portée de la main, c’est la maison de retraite sécurisée à 3400 euros le mois quand on a les moyens (cf. page 3 du Monde, 20-21 septembre). Le malade aimé est devenue une charge insupportable dont on se débarrasse aux bons soins de la collectivité, dans des maisons-prisons dont les pensionnaires ne reconnaissent plus personne, même les êtres les plus chers. Le patient n’est plus un « être social », il en arrive à « oublier de marcher » et reste dans son fauteuil roulant. Pourquoi alors lui rendre visite quand votre psy vous a expliqué que désormais la personne dont l’Alzheimer a évolué inéluctablement « n’est plus là » ? Que faire face à cette maladie ?

Plus on est « intelligent » et actif intellectuellement et plus on a de chances de découvrir son mal dès qu’il apparaît. Bruno Bettelheim, la grande référence en pédo-psychiatrie des années 60-70, s’étant aperçu qu’il était atteint d’Alzheimer, préféra se donner la mort. Soit donc on décide, grâce à son sens de sa responsabilité sociale, de mettre un terme à une vie qui, de toute façon perdra de jour en jour sa richesse d’humanité. Soit, quand le patient n’est plus responsable de lui-même, la collectivité qui prend en charge a le droit de se poser démocratiquement la question sur la durée de cette prise en charge…

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la fin de l’avion plus lourd que l’air

« Le transport aérien n’est pas prêt de décoller ».  C’est le point de vue de Breakingsviews (LeMonde du 19 septembre). En fait on se contente de pleurer sur le recul des voyages d’affaires dans un contexte de crise financière. Dans le même temps, les compagnies européennes continuent d’étendre leur flotte ! Ce paradoxe marque l’irréalisme des transporteurs aériens qui se croient encore exonérés de la lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, pour la période 2002-2050, le poids des transports aériens dans le réchauffement climatique devrait passer de 3,5 % à environ 10 %. Les climatologues rappellent aussi qu’à consommation égale un avion a un impact climatique qui vaut plusieurs fois celle d’un transport routier, en raison des émissions de gaz à haute altitude. Avec un transport aérien qui connaît une croissance annuelle de 10 % et qui représente une source majeure de pollution au CO2, certains veulent donc limiter les déplacements en avion. L’Association Flight Pledge prône une telle mesure, notamment pour les vols de loisirs de courtes distances et les courts séjours, rendus récurrents depuis l’avènement du low cost et qui sont aujourd’hui une tendance forte.

La dérive mortifère de tous ceux qui prennent l’avion à volonté pour passer quelques jours au soleil ou en voyage d’affaires est inquiétante. L’amour du « déracinement » de la classe globale et son mépris des vidéoconférences n’est pas loin d’être un crime contre ce bien commun qu’est la stabilité climatique, contre cette régulation qui devrait rester naturelle, c’est-à-dire non appropriée par quiconque. Le concept de « classe globale » concerne les groupes sociaux qui présentent un peu partout sur la planète des aspirations calquées sur le modèle économique occidental actuel au moment même où ce dernier accuse ses limites et où il convient de le redéfinir. La difficulté de convaincre cette classe globale de la nuisance de son mode de consommation réside dans le fait qu’elle aspire à une mobilité sans restriction, alors qu’il faudrait qu’elle prenne conscience des conséquences de son comportement. Le climat de la Biosphère n’est pas près de s’améliorer tant que le kérosène sera détaxé. Mais de toute façon la classe globale devra, après le pic pétrolier, ne plus prendre l’avion pour un oui ou pour un non comme elle se passera un jour de sa voiture individuelle.

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bienfaiteur de l’humanité ?

Norman Borlaug aurait, paraît-il, sauvé un nombre incalculable de vies humaines en contribuant à vaincre des famines par ses semences à haut rendement (« révolution verte »). Mais son innovation n’a fait qu’entretenir la course sans fin  entre ressources alimentaires et population humaine. Alors que Borlaug vient de mourir (rubrique Disparitions du Monde du 18 septembre), on va consacrer mi-novembre un nouveau « Sommet mondial sur la sécurité alimentaire » dont l’objectif sera d’éradiquer la faim de la surface de la terre ! Notre mémoire collective est courte, un rapport de la FAO se terminait déjà par cette promesse en 1974 : « Dans dix ans, sur cette terre, aucun homme, aucune femme, aucun enfant n’ira au lit le ventre vide ». Nous avons aujourd’hui plus d’un milliard de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Dans dix ans ce sera pire. Pourquoi ?

            Parce que la révolution verte nécessite beaucoup d’intrants artificiels (engrais, pesticides) dont l’approvisionnement deviendra aléatoire et coûteux avec le renchérissement du pétrole. Parce qu’elle repose sur la monoculture, méthode dangereuse de production, à la merci du développement d’un insecte résistant. Parce que, conséquence de ce qui vient d’être dit, les petits producteurs ont été écartés de cette « révolution » productiviste et capitalistique, ce qui entraîne exode rural et bidonvilles. Parce que tout accroissement de la production agricole alimente la pullulation humaine, exempte de tout prédateur.

            Soulignons que Borlaug était bien conscient de la relation perverse entre démographie et alimentation. Aux critiques, il répondait que le problème n’était pas le développement de nouvelles techniques agricoles, mais la non-maîtrise de la croissance démographique. Ce n’est pas d’un sommet alimentaire dont nous avons besoin, mais d’un sommet sur la population qui n’aurait pas peur d’affronter les tabous et de prôner méthodes contraceptives et éducation de la population aux risques de la surpopulation.

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écolomobilité, non électrique

Beaucoup de bruit pour rien ! LeMonde du 17 septembre nous propose une double page de publicité sur la bibione, un véhicule urbain électrique (non commercialisé !) + un article sur les constructeurs automobiles et les toutes petites voitures électriques + trois pages sur le salon de Francfort où « l’hybride s’affiche en vedette et le tout-électrique se rapproche » + une pleine page sur la commercialisation (fin 2012 !) par Renault d’une gamme de 4 véhicules électriques. Halte au bourrage de crâne et à la désinformation, la voiture électrique n’est pas la panacée, c’est même l’illusion qui veut nous faire croire à la voiture propre, c’est devenu pour Ségolène Royal le mythe de la lutte contre les changements climatiques !

Pour l’heure, la voiture électrique est partout, vedette du salon de Frankfort, priorité du grand emprunt national, superbonus de 5000 euros et d’un grand plan annoncé le 23 septembre, achat de quads électriques à La Poste… Seul problème : la voiture électrique n’est nulle part. Sa commercialisation à grande échelle est annoncée depuis des décennies. Mais ce sont des fonds publics monstrueux qui seraient nécessaires à sa mise en circulation, notamment parce qu’il faut des infrastructures de recharge.

Pour l’heure, la voiture électrique est surtout une gigantesque campagne de communication dont le premier résultat n’est pas de baisser les émissions de gaz à effet de serre mais d’augmenter les financements publics des constructeurs automobiles. La vraie question est de savoir où, quand et comment on pourrait utiliser intelligemment une voiture tout court. Cessons de mettre sous perfusion une industrie automobile qui n’en a guère besoin. Le chantage à la protection de l’environnement et à l’emploi doit cesser. La voiture propre n’est qu’un slogan publicitaire, la priorité est de repenser l’usage de la voiture pour la remettre à sa place…et sa place ne doit plus être au cœur de notre modèle économique et social. Nous allons vers une civilisation de la non-voiture.

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l’imagination au pouvoir ?

LeMonde éducation  (16 septembre) ressort les fadaises habituelles sur  l’école innovante et le pari de la créativité. Soyons clair, les slogans du type « l’imagination au pouvoir » (titre du dossier) n’ont aucune validité. Car si le système d’éducation de la société thermo-industrielle nous conditionne, il n’existe que par nous, il n’est que la projection de ce que le système de formatage de la mégamachine nous fait croire inéluctable. Et si quelques droits nous sont reconnus, c’est au sein d’une société dans laquelle l’homme n’est qu’un agent de production. L’élève est donc conforme quand il achète des vêtements de marque et le portable dernier cri. L’élève est conforme quand il rentre en compétition avec ses camarades pour pouvoir obtenir le droit de les commander plus tard. Si tout individu a apparemment le droit de s’épanouir, ce n’est que dans la mesure où son épanouissement sert le système, dans la mesure où il « rapporte ». Une fois ces éléments bien intériorisés dès l’école, le jugement que nous portons sur nos structures politiques, économiques et sociales est plus ou moins critique selon la place que nous occupons dans la société. Comme le système est devenu notre propre construction, le mettre en question revient à se mettre soi-même en question alors que toute société n’est que construction arbitraire, provisoire et discutable.

            Pour mériter le terme de « créatif », il faudrait que les élèves cherchent des réponses pertinentes aux situations auxquelles ils vont être confrontés, c’est-à-dire des crises écologiques majeures. Ce n’est pas en développant une éducation 2.0, une science 2.0 et une culture des technologies numériques (cf.  François Taddei, exemple type de reproduction sociale qui cosigne un rapport avec son père) que nos enfants seront préparés aux chocs qui les attendent. Car en détruisant la planète, la société thermo-industrielle capitaliste détruit également les conditions de la stabilité et de la prospérité de nos descendants. Les métiers de demain ne permettront pas d’avoir de plus en plus de mobilité, un écran télé de plus en plus grand et  de plus en plus de bifteck dans son assiette.

Nos enfants peuvent encore éviter le pire. Ce n’est certainement pas d’innovation dont ils auront besoin, mais du goût de la simplicité. Quand le prix de l’énergie va monter, le travail va diminuer en ville et augmenter dans les villages, qui sont plus près des ressources stratégiques. Cela implique d’accepter de ne pas faire des études longues à la fac, mais de devenir agriculteur ou menuisier.

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bien-être et religion

La religion a cela de sublime qu’elle permet à des gens plus pauvres que pauvres de trouver la transcendance et le bonheur en écoutant les boniments d’une secte comme par exemple l’Eglise catholique. Pour les peuples riches, cette religion extraterrestre a été remplacée par la religion économique, c’est-à-dire « la religion du chiffre et la religion du marché ». Je trouve d’ailleurs paradoxal que cette analyse vienne de Sarkozy (LeMonde du 15 septembre) à l’occasion du rapport Stiglitz. En fait la religion de la croissance permet la transcendance (vous serez riches plus tard puisqu’il y a accroissement du PIB) et les riches peuvent, en attendant l’abondance pour tous, se vautrer sans remords dans le bonheur du consumérisme.

Mais si le rapport Stiglitz veut inventer une nouvelle croissance qui privilégie le bien-être humain (titre en première page du Monde), il y a maldonne. La nouvelle politique de civilisation qu’appellent de leurs vœux aussi bien la gauche socialiste que la droite sarkozyste ne peut plus nous illusionner avec l’idée de croissance. Pourquoi ? Parce que le bien-être n’a rien à voir en soi avec l’économie marchande, le sentiment de bonheur résulte d’une élaboration subjective que nous ne pouvons pas mesurer. Ensuite la croissance capitaliste a tellement  détruit de capital naturel que les générations futures devront se contenter de beaucoup moins qu’aujourd’hui. Comme dit J.P.Fitoussi, «  la croissance du PIB est une mauvaise chose puisqu’elle se fait au détriment de l’environnement ». Il ne peut donc pas y avoir soutenabilité du bien être, c’est-à-dire sa capacité à se maintenir dans le temps (point 11 du rapport Stiglitz) parce qu’il n’y a pas de soutenabilité de la croissance économique. Nous devrons bientôt raisonner en terme de baisse du niveau de vie des riches (la classe globale, toutes les personnes qui ont l’idée saugrenue de posséder un véhicule personnel) et nous apprendrons, j’espère, que pauvreté n’est pas misère.

PS : Nous ne sommes pas encore préparés mentalement au changement de civilisation qui s’annonce, l’ère de l’après-pétrole ; le rapport Stiglitz ne changera rien. Mais la bonne nouvelle, c’est que les « experts » commencent à changer d’avis ! J.P.Fitoussi écrivait dans LeMonde du 12 février 2008 que l’avenir de nos petits-enfants était garanti. Peu importe la raréfaction des ressources naturelles non renouvelables et la surexploitation des renouvelables, nos petits-enfants seront assurément au moins 5 ou 6 fois plus riches que nous !

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tartufferie médiatique

Sarko assure avoir peu de temps à perdre avec la polémique sur le racisme présumé de Brice Hortefeux. La gauche ne désarme pas, la gauche perd son temps. En effet Hortefeux avait déclaré : « Quand il y en a un (d’origine arabe), ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». Quoi de plus réaliste ! Quand il n’y a qu’un con, c’est supportable, quand il y en a plusieurs ensemble, cela devient intenable. Quand il n’y a qu’un supporter de foot, ça va. Quand ils sont tous réunis, attention les dégâts. Quand il n’y a qu’un soldat, ça va. Quand c’est toute une armée, cela fait une boucherie. Etc. Etc.

Je ne m’attache donc pas à l’écume des jours. La première page du Monde (13-14 septembre) me semble d’ailleurs insipide. « Les Etats-Unis et l’Iran vont amorcer un dialogue » ? Ce n’est que la antépénultième tentative ! « New York se mobilise pour la mode » ? N’importe quoi ! Grippe A ??? Ce qui m’interpelle, c’est le fait que le socialiste Alain Rousset prenne fait et cause pour une autoroute nouvelle. Ce qui m’interpelle, c’est le fait que le socialiste Jean-Marc Ayrault veuille construire un nouveau aéroport. Tous les spécialistes énergie-climat nous disent que nous n’avons plus le temps de perdre notre temps à construire les derniers vestiges de la société thermo-industrielle. Nous n’avons plus le temps de faire semblant de lutter contre les perturbations climatiques. Nous n’avons plus le temps de nous intéresser aux petites phrases, à l’Iran ou à la mode. Le compte à rebours a commencé, bientôt le seuil de 2°C de réchauffement sera dépassé…

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après la taxe, la carte carbone

Après le marché (les permis de droits à polluer), maintenant la taxation carbone et bientôt une nécessaire coercition ? Un courrier des lecteurs (LeMonde du 12 septembre) m’a interpellé. On y parlait du Domestic Tradable Quotas Act, une carte carbone comme un permis à points. Je ne connaissais pas. Mais je savais déjà qu’une carte carbone succédera à la taxe carbone, les contraintes de la planète sont inéluctables. Chaque citoyen se verrait doter d’une carte (à puce ?) sur laquelle un crédit de points CO2 serait attribué. Puis en fonction de ses consommations (voyages, transports, chauffage…), des points seraient débités de cette carte nous apprenant ainsi à surveiller nos propres émissions de gaz à effet de serre. Cette méthode de rationnement me semble en effet beaucoup plus égalitaire et efficace qu’une taxation à géométrie variable. Pour conforter ta réflexion, quelques informations supplémentaires :

La Grande-Bretagne réfléchit aux quotas de CO2 personnels

D’ici une dizaine d’années, tous les résidents britanniques pourraient se voir doter d’une carte de « crédit personnel de carbone », l’équivalent d’un « permis à points » de droits d’émission de gaz à effet de serre. Formulée pour la première fois en 1996, le principe des « domestic tradable quotas » – quotas domestiques négociables (DTQs) – consiste à attribuer à chaque habitant du Royaume-Uni une quantité identique de droit d’émission de gaz à effet de serre ou d’équivalent carbone. Ce plafond individuel, matérialisé par une carte de paiement, valable un an et fractionnée en unités carbone (chacune égale à 1 kg de gaz carbonique), est ensuite dépensé au quotidien. En fonction des achats et consommations d’énergies contribuant à l’effet de serre : plein de carburant, facture d’électricité ou de gaz, billets d’avion, etc… on retire de la carte un certain nombre de points.

Budget carbone

Le calcul de l’allocation repose sur un « budget carbone » annuel. Un plan-cadre fixé à (très) long terme – pour les 20 ans à venir – et bâti à partir des réductions d’émissions décidées lors des réunions internationales. Tous les ans, ce montant, converti en unités carbone, est ensuite réparti entre les organisations (industries, hôpitaux, collectivités…) et les résidents du pays, selon la part des ménages dans la consommation d’énergie nationale. Si besoin, pour acheter de nouveaux points ou vendre leurs surplus, les petits porteurs de carbone ont accès à une place boursière. Ce marché des droits d’émission serait similaire à ceux existants pour les industries (déjà en activité à Londres et en Europe) où les titres et unités individuelles se négocieraient au cours du jour, d’après les lois de l’offre et de la demande. Bien plus égalitaire et responsabilisante qu’une « taxe carbone » imposée – qui en augmentant les prix frapperait surtout les faibles revenus, la solution des DTQs s‘avère sur le papier particulièrement flexible. A chacun de s’organiser pour respecter ou non son quota. L’initiative individuelle est préservée. L’intervention de l’Etat est limitée à la distribution des unités carbone, même si d’une année à l’autre, les quotas seraient en principe progressivement revus à la baisse.

Côté logistique, le suivi de ces transactions continuelles suppose la création d’une gigantesque base de données. Une comptabilité informatique, chargée de suivre, débiter, enregistrer, en temps réel, l’ensemble des unités carbones dépensées ou échangées par les détenteurs de cartes. Les défenseurs de la protection de vie privée soulignent le risque de dérive liberticide d’un tel système, capable de pister les comportements économiques de l’intégralité de la population, résidents temporaires inclus. D’autres dénoncent un scénario de rationnement énergétique irréaliste, difficile à mettre en pratique. Comment par exemple, outre le chauffage et les transports, décompter précisément la valeur carbone du panier de la ménagère ? L’exercice n’est pourtant pas impossible. En 2003, l’ingénieur consultant Jean-Marc Jancovici a, par exemple, fait son bilan personnel, estimant les émissions de CO2 de sa maisonnée à 6 tonnes par an, dont 234 kg d’équivalent carbone liés aux fruits et légumes, 134 aux yaourts et 400 aux déchets de sa poubelle.

Un projet qui pourrait se concrétiser

Depuis peu, ce qui n’était au départ qu’une recommandation d’experts est devenu une affaire politique. Après un projet de loi – The Domestic Tradable Quotas Act – déposé en juillet 2004 par le député travailliste Collin Challen, puis un débat à la chambre des communes, l’influente Commission Développement Durable a recommandé à son tour, cet été, à l’exécutif anglais de « considérer sérieusement » une mesure de ce type. « Les allocations personnelles de carbone sont une idée intellectuellement très séduisante » a déclaré Elliot Morley, le ministre de l’environnement du gouvernement Blair. Interrogé par la presse britannique, il a confirmé qu’un plan était bien à l’étude, mais à un stade très préliminaire. « La mise en place sera potentiellement très coûteuse, mais cela ne doit pas nous nous empêcher d’en évaluer les bénéfices. (…) Il faudra sans doute 10 ans de débat avant d’arriver à quelque chose. »

 http://www.novethic.fr/novethic/planete/environnement/climat/la_grande_bretagne_reflechit_quotas_co2_personnels/95410.jsp

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Vision d’apocalypse

La chronique de Franck Nouchi (LeMonde du 11 septembre) ne s’intéresse qu’au fait de coloriser ou non l’histoire de la deuxième guerre mondiale, présentée comme une apocalypse. La colorisation aurait un intérêt pédagogique en termes d’audience. Mais l’histoire du passé est dépassée, les jeunes générations se foutent complètement d’Hitler et de savoir combien il y a eu de victimes des camps de concentration. Ce qui compte vraiment, c’est l’inaptitude flagrante à la prévision face à l’arrivée au pouvoir du régime nazi. Ceux qui acceptaient de regarder les choses en face apercevaient au-delà des frontières la lueur des torches illuminant les manifestations wagnériennes, ils entendaient les bruits de bottes rythmant les hurlements hystériques du Führer. Tous les autres refusaient de voir et d’entendre. On devrait se souvenir de notre réveil en 1940 ! Les jeunes générations actuelles devraient se pencher sur leur propre avenir.

L’observateur attentif ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance des jeunes et la gravité des épreuves qui les guettent. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante, par exemple avec la taxe carbone, et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambe. Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie prochaine lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine chaque jour dans des encombrements imbéciles ? Cette situation me paraît beaucoup plus inquiétante encore que celle des Français en 1938. Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai « crise ultime », ou apocalypse, ou Jugement dernier de la civilisation thermo-industrielle. Nous n’en souffrons pas encore. Les premières ruptures sérieuses d’approvisionnement du pétrole la déclencheront. Alors on reverra, comme au temps de Suez ou de la guerre du Kippour, un brutal renversement de l’opinion, définitif cette fois.

Il ne s’agira pas, comme on le croit et comme les économistes eux-mêmes l’affirment, de surmonter une crise difficile, mais de changer de civilisation. L’humanité devra passer de l’ère d’abondance factice à celle de la pénurie, de l’orgueil insensé à celle de l’humilité. Elle devra répartir des richesses qui, au lieu d’être infinies comme elle le pensait naïvement, lui  apparaîtront à l’heure du bilan bien modeste en face de ses besoins. Les pays riches devront réduire leur train de vie, ce qui pour chaque individu représentera une contrainte douloureuse à laquelle il n’est aucunement préparé.

(Article réalisé avec l’aide du livre de1979, Vivre sans pétrole, de J.A. GREGOIRE)

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Guy Sorman, out !

Guy Sorman sort de l’IEP et de l’ENA, il ne peut qu’approuver les thèses économiques libérales. Il croit donc que l’économie est une « science puisqu’elle part des faits constatés » (LeMonde du 10 septembre). Or l’économie est cette prétendue science, aussi élaborée que l’était la médecine du temps de Molière, qui théorise le mode d’enrichissement le plus injuste et le plus malsain, qui justifie par là-même l’ordre socio-politique national et international que cela implique, et qui, par la modélisation mathématisée, parvient à faire oublier le caractère arbitraire du « fait économique » tel qu’il se produit.

            Sorman prétend que l’économie ne ment pas, croissance et libre-échange sortent à son avis les masses humaines de la pauvreté, mais il avoue ne pas savoir prédire l’avenir. Pourtant page suivante du Monde, le scientifique (parce que biologiste) David Suzuki annonce ce qui vient puisque « l’humanité continue de foncer à 100 km/h dans un mur, presque aveuglément. Pour infléchir la tendance, il faudrait renoncer à l’impératif de croissance économique. » Il a été plus impressionné par les recherches de Rachel Carson sur l’impact des pesticides dans la chaîne alimentaire que par la vulgate des économistes. Il n’oublie pas qu’aucune activité humaine n’est infaillible : « Vous, Français, avec vos centrales nucléaire, vous êtes assis sur des bombes à retardement. »

Sorman est invalidé par une autre information du Monde, « les trois quarts du patrimoine génétique agricole mondial ont disparu au XXe siècle ». La mondialisation (le libre-échange) est en effet responsable de la disparition de nombreux aliments autochtones et d’une standardisation des habitudes de nourriture. Le libéralisme a donc fait disparaître la diversité des aliments indigènes, aussi bénéfiques pour la santé, sinon plus que les aliments de base des régimes occidentaux. Sans compter que l’appauvrissement du patrimoine génétique en agriculture fait peser des menaces sur l’avenir de nos monocultures, de plus en plus fragiles face aux insectes. Sur ce point aussi, il faut relire « le printemps silencieux de Rachel Carson (1962), récemment réédité par wildproject. Mais les économistes libéraux ne savent lire qu’une seule sorte de littérature…

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