En invoquant en conseil des ministres le 24 août la « fin de l’abondance », Emmanuel Macron renoue avec une tradition politique très ancienne. L’État a, de tout temps, assis sa puissance sur sa capacité à prévoir les pénuries ou à organiser les conditions de l’abondance.
Julien Vincent : « De Colbert à Emmanuel Macron, en passant par Jimmy Carter en 1977, les annonces soigneusement mises en scène de pénuries imminentes ont une longue histoire. L’abondance est une notion toute relative. Elle dépend de « besoins » qui sont eux-mêmes le produit de structures sociales et culturelles changeantes. En 1972, Marshall Sahlins montre que l’abondance n’a peut-être jamais été aussi parfaite que dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Dans ces populations nomades où la surmortalité des enfants et des vieillards est acceptée, et où les inégalités de richesse sont constamment mises en échec par le groupe, les besoins sont minimes. On peut alors jouir de beaucoup de temps libre, ne chassant et ne glanant que quelques heures par jour. C’est en bâtissant des systèmes d’approvisionnement à grande échelle que se sont érigés les pouvoirs romain, ottoman ou chinois. Sous l’Ancien Régime, la capacité à connaître les ressources les plus nécessaires, mais aussi à encadrer la production et l’approvisionnement, est un enjeu majeur de l’étatisation des sociétés européennes. »
Le point des vue des écologistes malthusiens
A travers les mécanismes de la division du travail de la révolution industrielle, on entre dans une période productiviste qui a débouché sur notre société de consommation. Plus dure sera la chute ! Un cornucopien est un illusionniste qui estime que les innovations technologiques permettront à l’humanité de subvenir éternellement à tous ses besoins matériels. Le terme lui-même vient du latin cornu copiae signifiant corne d’abondance. En 1798, le révérend Thomas Malthus reprend la prophétie d’une fin prochaine de l’abondance dans le but de réfuter les pensées « cornucopiennes ». Il entend répondre, non plus aux républicains anglais, mais aux défenseurs de la Révolution française. A Condorcet, qui avait promis un avenir d’amélioration continue et la fin de la pauvreté, il oppose les limites matérielles au progrès humain. L’argument n’est pas nouveau, mais Malthus lui donne une dimension scientifique et philosophique inédite. Alors que l’augmentation de la production agricole ne peut être qu’arithmétique, suppose-t-il, l’augmentation de la population obéit à une suite géométrique. Au début du XIXe siècle, l’Angleterre a déjà dépassé les limites naturelles de ce que son territoire peut produire. Pour cet ecclésiastique anglican, la seule réponse aux limites physiques est morale : il faut restreindre les naissances.
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David Ricardo distingue deux réponses possibles aux prédictions malthusiennes. La première est le recours à l’innovation technique : Ricardo s’est converti aux promesses de la machine à vapeur. La deuxième consiste à changer l’échelle d’analyse : si ce qui manque localement se trouve en abondance ailleurs, alors la circulation des biens mettra fin à la pénurie. Ricardo défend ainsi une politique de libre-échange, non plus seulement à l’échelle d’un pays, mais à l’échelle internationale.
Mais l’abondance des uns fait la pénurie des autres. Il y a manifestement plus d’habitants en Grande-Bretagne que ce que la terre peut nourrir. Ils vivent sur la superficie fantôme. Les exploitations agricoles d’un pays, ses pâturages et ses forêts constituent la superficie visible. La superficie fantôme représente les sources de nourriture au-delà de ses frontières. Loin de l’image idéalisée du « doux commerce » (Montesquieu), ces hectares fantômes sont en grande partie le résultat de la prédation coloniale qui appauvrit le sol et les ressources des nations étrangères. En Grande Bretagne, plus de la moitié de la nourriture du pays provient de l’extérieur. Si les Japonais ne s’appuyaient pas sur la pêche aux quatre coins de la planète et des produits agricoles venant de pays exportateurs, les deux tiers des habitants mourraient de faim. Une fois la capacité limite du pays atteinte, les individus supplémentaires ne peuvent être alimentés qu’à l’aide d’importations en provenance des superficies fantômes. Comme il n’y a pas de famine au Japon ou en Grande-Bretagne et que les magasins sont remplis d’aliments de base, les gens ne se rendent pas compte qu’ils ont collectivement dépassé la capacité de leur localité, de leur région biogéographique et de leur pays.
Bientôt la fin de l’abondance, annoncée depuis longtemps par notre blog biosphere
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Deux ouvrages publiés en 1948 aux Etats-Unis, annonçaient la catastrophe à venir : The Road to Survival de l’écologue William Vogt, et Our Plundered Planet (La Planète au pillage) du naturaliste Henry Fairfield Osborn. Comme chez Malthus, le problème est celui de la croissance de la population au regard des ressources. Mais, désormais, l’échelle est planétaire. Le rationnement sera bientôt la seule solution. Lors du choc pétrolier de 1973, le gouvernement néerlandais introduit le dimanche sans voiture afin de réduire la consommation d’essence : une mesure qui s’applique à tous, tout en permettant à chacun d’éprouver la gravité de la situation dans son quotidien. Au Royaume-Uni, au même moment, l’état d’urgence est déclaré. Le gouvernement conservateur réduit la semaine de travail à cinq, puis à trois jours : une situation de chômage partiel pour tout le monde, qui permet de montrer que la pénurie n’est pas imposée seulement à quelques-uns.
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Lire ce décryptage de Simon Verdière publié le 10 septembre 2022 sur Mr Mondialisation :
« Fin de l’abondance » : sauf à la table des privilèges
Extraits : « Dans une intervention soigneusement mise en scène lors d’un conseil des ministres, Emmanuel Macron a lancé une énième provocation en évoquant la « fin de l’abondance ». […] Le président prend donc ici des airs graves comme s’il venait de découvrir que l’économie et les finances triomphantes fondés sur une croissance infinie dans un monde fini étaient à l’aube de leurs effondrements. […] En évoquant la crise environnementale, le président a aussi annoncé la « fin de l’abondance de terre ou de matières et celle de l’eau également » ainsi que « la fin d’une forme d’insouciance ». Des propos qui ressemblent une nouvelle fois à des provocations éhontées de la part d’un président qui n’a strictement rien fait [etc. etc.]»
« En assimilant strictement l’homme au travail à un moteur thermique auquel il n’est demandé que le meilleur rendement possible, le capitalisme crée obligatoirement de la pénurie. […] De plus le capitaliste institutionnel doit chercher à amasser toujours plus de richesses et de liquidités possible. Non pas uniquement par simple égoïsme, mais parce qu’il y est obligé. […]
Le socialisme ne vaut pas mieux […] Par quoi les remplacer ? Par un système qui prendra le meilleur de chacun de ces deux régimes : Pour le capitalisme, ce sera la liberté et la responsabilité d’entreprendre, de créer des richesses à partir d’une initiative individuelle. Pour le socialisme, ce sera le partage […] Un tel système économique pourrait être dénommé « Capitalisme associatif » [etc.] »
C’est sûr, ils sont vraiment trop forts !
( Pénurie et abondance – Éric du Petit Thouars 27 Août 2013 –
Article repris par le NOUVEL ÉCONOMISTE le 30 Août 2013 )
Le bon côté des pénuries énergétiques, au-delà de sauver le climat et d’obtenir un air plus pur à respirer, étant que cela va changer le sens des migrations ! Nos chances pour la France vont rentrer en Afrique et au Maghreb dès lors qu’ils ne pourront plus se chauffer leur domicile en France ! En l’occurrence les migrations vont s’opérer dans le sens Nord vers Sud, autrement dit les migrations vont changer de nature, on verra plutôt des suédoises descendre sur le continent pour aboutir en France ! Admettez que ce sera plus sexy comme migration !
Cette théorie à la… tu nous l’a déjà sorti mille fois. Donc ça ne sert à rien de te contredire, puisque t’auras toujours raison. En attendant, je t’imagine obligé de descendre vers le Sud… pour te réchauffer parce que tu te les gèles sur ton scooter… je te vois même passer le détroit de Gibraltar, sur un pédalo.
Après toutes les gentillesses que tu balances à leur sujet, je suis con vaincu que les gens du Sud vont t’accueillir les bras ouverts. Pour te bouffer !
Un croque-BGA… ça les changera.
Oh non je préfère l’hiver à l’été ! Le tropicalisme attitude ce n’est vraiment pas mon truc ! Le froid préserve en plus ! Alors par Thor et par Odin pourvu que les hivers soient bien froids et surtout longs !
Ce n’est pas une simple théorie, c’est surtout qu’elle sera factuelle ! Penses tu qu’ils voudront rester en France lorsqu’on ne pourra plus chauffer les chaumières ? A ton avis ?
En plus de ça, j’ai envie de dire Merci Poutine de nous couper les robinets de gaz et de pétrole, car depuis le temps que EELV nous casse les pieds pour qu’on arrête de brûler des énergies fossiles en France pour sauver le climat, et ben pour le coup, vous allez avoir votre programme écolo appliqué pour de vrai ! La gauche veut moins d’énergies fossiles et moins de nucléaires, et à droite moins de migrants ! Comme quoi avec Poutine tout le monde, c’est à dire tous les français y trouveront leur compte !
Je viens de voir la vidéo de Charles Sannat qui croit en la croissance éternelle ! Voir son article avec vidéo intitulé « croissance/décroissance » sur son site Insolientae. Beaucoup d’inepties dans cette vidéo ! D’abord lorsque Gandhi a dit « Qu’il y avait assez de ressources pour tous mais pas assez pour l’avidité de tous » nous étions que 2 milliards sur Terre au début du 20ème siècle, aujourd’hui, nous sommes 8 milliards, et ce n’est pas fini d’augmenter ! Ensuite parlez d’augmenter la valeur des objets revient à augmenter les prix, donc on consomme moins de ressources naturelles par personne c’est donc bien une décroissance factuelle ! Il n’y a seulement que de la croissance de monnaie imprimée !
Bon je m’aperçois tout de même que Charles galère tout de même pour trouver un autre exemple que le fer à repasser ! Parce que pour la voiture, s’il n’y a plus de pétrole et qu’on ne produit plus assez d’électricité, alors de fait nous n’aurons plus de voiture pour tous, donc décroissance factuelle ! Quant aux téléphones portables, ce sera compliqué de les faire durer au-delà de 4 ans, puisque la batterie s’use et dure de moins en moins, déjà qu’au bout de 2 ans la batterie est déjà bien amoindrie, et ce n’est pas le progrès technique qui parvient à y remédier ! Enfin sans pétrole, sans engrais et surtout sans phosphate, il est évident que la production agricole va considérablement chuter ! Surtout que les sécheresse vont amplifier la décroissance de production.
Bref, on aura beau procéder à des incantations de croissance, rien n’y fera, la croissance infinie dans un monde fini n’existe pas. D’autant que le recyclage des ressources est très énergivore, encore plus énergivore que d’extraire les ressources du sous-sol ! (principalement les métaux). Quant à faire durer les objets, il y aura ses limites, ça permettra de tenir quelques décennies le temps de prolonger l’usage des objets, mais au bout d’un moment ils seront tous morts et on ne parviendra plus à en produire autant ! Hélas la décroissance s’imposera de fait…
D’autre part, si en effet on peut dire que Ricardo s’est converti à la machine à vapeur… j’aimerais que les spécialistes maison nous disent ce qu’il en est du Pasteur, quant au progrès technique. Pour les aider je leur propose cet article publié le 28/11/2006 intitulé «Le progrès technique» (sur ses.ens-lyon.fr). L’article commente l’ouvrage de David Warsh (2006).
Extrait : « […] La première partie du livre décrit toute l’histoire de la science économique autour de cette contradiction. Ricardo et Malthus choisissent de l’ignorer, considèrent que le progrès technique et le machinisme ne sont pas pertinents, seule compte la raréfaction de la terre qui pousse l’économie vers un état stationnaire ; ce qui compte alors est d’étudier la répartition des revenus et de retarder le plus possible cet état inéluctable. Ce faisant, ils conduisent l’économie à ignorer la question de la croissance pendant pratiquement un siècle […] »
(à suivre)
Je vous laisse le loisir d’analyser la contradiction en question, à la première phrase.
Malthus serait-il alors passé à côté de quelque chose ? Pour un Malthusien, pur et dur etc. c’est tout bonnement IMPOSSIBLE ! 🙂
Puisqu’il nous faut encore une fois remettre Malthus sur la table, j’aimerais qu’on parle un peu, et pour changer, de ce bouleversement que Marx considère comme le point de départ du Capitalisme, à savoir le mouvement des enclosures.
Si dès le 16è siècle Thomas More et plus tard Adam Smith ont décrit les conséquences sociales négatives de l’enclosure, je pense que c’est quand même Marx qui a le réfléchi et écrit sur le sujet. Je suis donc curieux de savoir ce qu’en ont dit les autres, à savoir notamment Ricardo et bien évidemment Malthus. J’espère que les spécialistes maison pourront éclairer ma petite lanterne. En attendant, je pense qu’il n’est plus besoin de démontrer que c’est bien cette politique qui a poussé des millions de paysans dépossédés vers les villes, les industries et la misère. ( à suivre )
Le capitalisme sera toujours là dans 1000 ou 10000 ans et même davantage si l’espèce survie ! De toute façon le marxisme et le communisme sont du capitalisme d’état ! A savoir que plus de 40% du Cac 40 (et même 60% me semble-t-il) sont détenus par le gouvernement français ! Alors ton combat contre le capitalisme est une cause vaine ! C’est même l’inverse qui se produit, ce sont la Chine et la Russie qui s’y sont converti !
Après de là à raconter que le capitalisme a appauvri la population et notamment la paysannerie c’est une plaisanterie ! En 1900, plus de 80% de la population française était paysanne, et peu d’entre eux étaient propriétaire d’un grand logement ! Or aujourd’hui, après l’exode rural abouti, plus de 58% des français sont propriétaires de leur logement ! En Europe la moyenne est de 7 européens sur 10, soit 70% sont propriétaires de leur logement !!!! Alors tes âneries sur le capitalisme n’ont vraiment aucune crédibilité !
En réponse à tes deux commentaires ci-dessus, je t’en avais adressé un autre. Qui n’a pas du plaire à «la modération». Probablement inadapté, si ce n’est approprié, mon commentaire. Je change donc mon angle de tir.
Je t’invite encore là à te poser certaines questions. En fait toujours la même. Qu’est-ce qui est à l’origine de l’exode rural, des difficultés et de la misère actuelle des petits paysans ? Pas que les paysans d’ailleurs, je pense bien sûr à la tienne, misère misère. Sans forcément remonter aux enclosures, j’aimerais que tu nous démontres, comme tu sais si bien le faire, que l’esprit du Capitalisme n’y est absolument pour rien.
En attendant, et pour changer, personne ne fait l’effort de répondre à mes questions. Même les «spécialistes» maison sont infoutus d’éclairer ma petite lanterne. Qu’ils doivent prendre pour une vessie, je suppose.
– « Les Inclosure Acts sont les lois qui ont progressivement imposé la clôture des champs en Angleterre entre 1760 et 1840 » (Wikipédia)
Sans forcément parler d’abondance… notion en effet toute relative… on peut quand même dire que jusque là ces paysans s’en sortaient pourtant pas si mal. *
* S’en sortir plutôt bien, ou pas si mal que ça… évidemment c’est tout aussi relatif.
Superficie / Démographie
Royaume-uni = 243 610 km² / 67 millions d’hbts
France = 543 940 km² / 67 millions d’hbts
Japon = 377 975 km² /126 millions d’hbts
Allemagne = 357 588 km² / 83 millions d’hbts
Italie = 301 230 km² / 60 millions d’hbts
Espagne = 505 990 km² / 47 millions d’hbts
On voit clairement que, même si les déplétions de ressources naturelles, en l’occurrence d’énergies fossiles, d’engrais, de phosphates et de biens manufacturés vont déjà très mal se passer en France et en Espagne, on peut tout de même s’apercevoir que ça va carrément dégénérer au Royaume-Uni, Italie, Japon et Allemagne où les habitants sont aussi nombreux voir beaucoup plus nombreux sur des territoires bien plus petits qu’en France et en Espagne !!!