anthropisation

déconstruction urbaine, Auchan au pilori

Depuis l’émergence des premiers centres urbains, il y a 9000 ans, l’expansion des villes prospère paradoxalement en détruisant l’environnement dont dépend sa survie. Le groupe tentaculaire Auchan veut par exemple anéantir un des derniers espaces agricoles proches de Paris, le Triangle de Gonesse* : un megacentre culturel et de loisirs sur 80 hectares, un terrain de golf de 90 ha et une zone d’activité de près de 200 ha. Auchan a succombé à la tentation du bitume. Or la terre ne se fabrique pas en usine ! On va manger quoi, venant d’où, sachant que la société du spectacle ne vit que des surplus agricoles ?

La consommation des terres agricoles s’accélère, à Gonesse ou ailleurs. Entre 1992 et 2001, alors que la population française progressait de 4 % au niveau français, la surface consacré à l’habitat individuel a augmenté de 23 %**. Une étude de l’IFEN (Institut français de l’environnement) de 2005 dénonçait le grignotage des espaces naturels du fait de l’urbanisation, des routes et autres infrastructures. Les sols à usage non agricole des humains représentaient 6,1 % du territoire en 2003 et cette emprise a augmenté de 16 % en 10 ans. C’était l’équivalent des surfaces cultivées d’un département qui disparaît tous les six ans. C’est aussi ce qui se passe dans d’autres pays.  En Egypte, les Anciens vivaient à l’orée du désert pour ne pas empiéter sur leurs terres agricoles, maintenant les masses populaires bâtissent en pleins champs cultivés malgré les interdictions : une maison démolie par les autorités sera reconstruite dans la nuit.

Les optimistes diront que les OGM vont faire fleurir les déserts, que les pauvres iront vivre sous terre, que la vie sur Mars sera bien agréable… Halte à la folie humaine ! Il n’est que temps de promouvoir la déconstruction urbaine et la disparition de ses mégastructures. Auchan est apparu, a grandi, va disparaître. L’avenir est aux magasins de proximité… comme autrefois.

* LE MONDE du 12-13 février 2012, Bataille pour les terres agricoles

** LE MONDE du 12-13 février 2012, L’étalement urbain continue de progresser

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la civilisation selon Guéant, nous n’en voulons pas !

Contrairement aux propos* du ministre de l’intérieur Claude Guéant, toutes les civilisations se valent au regard de leurs propres critères dont il est impossible de juger de l’extérieur. Guéant n’a rien compris au message de l’autre Claude, Lévi-Strauss, « L’ethnographie cherche à connaître et à juger l’homme d’un point de vue suffisamment élevé et éloigné pour l’abstraire des contingences particulières de telle société ou telle civilisation… Il faudra admettre que, dans la gamme des possibilités ouvertes aux sociétés humaines, chacune a fait un certain choix et que ces choix sont incomparables entre eux : ils se valent. »**

Quant à l’exemple fourni par Guéant, l’interdiction du voile intégral, c’est une atteinte au principe de laïcité qui veut que l’Etat n’interfère pas avec les pratiques religieuses que ne porte pas atteinte à l’espace public. La burqa, c’est rigolo vu de l’extérieur. Vu de l’intérieur, cela regarde la femme qui le porte. Il en est du choc des civilisations comme des pratiques individuelles, à force de vouloir stigmatiser l’autre, on ne fait  que préparer une société totalitaire. Il est d’ailleurs troublant que Guéant utilise pour d’autres les qualificatifs qui s’appliquent à lui-même : « bafoue les libertés individuelles et politiques, permet la tyrannie, acceptent la haine sociale. » Guéant ne défend pas l’humanité, il défend un système, le système Sarkozy.

De son côté, Lévi-Strauss porte une condamnation sans faille de la civilisation des principes républicains : « Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette civilisation occidentale n’a pas réussi à créer des merveilles sans contre-parties négatives. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. »

Au regard des principes de respect des autres, la civilisation policière et raciste de Guéant n’est même pas républicaine. Au regard des limites de la biosphère que la civilisation occidentale a allègrement piétiné, nous pouvons ajouter que cette pustule historique, capitaliste et thermo-industrielle, est vouée à l’effondrement prochain.

* lors d’un colloque organisé par l’association étudiante de droite UNI

** Tristes tropiques de Lévi-Strauss (édition Plon, 1955)

LEMONDE.FR avec AFP | 05.02.12 | Claude Guéant persiste et réaffirme que « toutes les cultures ne se valent pas »

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mieux vaudrait vivre au paléolithique

Un Bochiman, chasseur-cueilleur du Kalahari, a une espérance de vie en bonne santé meilleure que la nôtre. Les caries dentaires, presque inconnues chez les populations de chasseurs-cueilleurs du paléolithique supérieur, commencent à apparaître au début de l’holocène, il y a quelque 11 000 ans, avec la révolution néolithique. Marqué par la sédentarisation, l’augmentation de la démographie et l’apparition des strates sociales, la transition nutritionnelle du néolithique a également des effets sanitaires. Marquée par la maîtrise de l’élevage et de l’agriculture, cette « révolution » a vu l’augmentation rapide et inédite de la quantité de sucres dits « lents » dans l’alimentation, offerts par les céréales nouvellement domestiquées. Jamais en tout cas, depuis l’émergence de notre espèce, il y a 200 000 ans environ, Homo sapiens n’avait globalement été soumis à un régime alimentaire aussi riche en glucides. Outre l’apparition des caries, il y a un déclin général de la stature et de la taille de la dentition. Le tout associé à un déclin général de l’état de santé des individus, comme cela est suggéré par les restes humains.

L’alimentation n’est pas seule en cause. Le néolithique est aussi la période qui voit apparaître des troubles musculo-squelettiques. L’agriculture ne change pas seulement l’alimentation des hommes : elle les contraint aussi aux servitudes nouvelles de tâches répétitives et pénibles. Les temps modernes ne font qu’amplifier ces problèmes. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Stéphane Foucart dans LE MONDE* !

Pour une fois, le journaliste fait son travail, aujourd’hui ce n’est pas beaucoup mieux qu’à l’âge de pierre ! Si ce n’est bien plus mal : « Les troubles métaboliques liés à la sédentarité et à une alimentation trop riche en graisses et en sucres ont un énorme impact sanitaire et favorisent les maladies non transmissibles, qui provoquent plus de 35 millions de morts par an dans le monde, soit davantage que les maladies infectieuses. »** Vivement l’effondrement de la société thermo-industrielle et le retour au paléolithique !

* LE MONDE du 3 février 2012, L’apparition des premières  caries, il y a quelque 11 000 ans…

** LE MONDE du 3 février 2012, Trop de sucre nuit gravement à la santé

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Une société contre-productive

LE MONDE économie* estime qu’il y a contre-productivité dans les supermarchés. En fait notre société tout entière est contre-productive, quelques exemples :

– Nous avons plus de diplômes mais moins de bon sens ; plus de connaissances mais moins de jugement; plus d’experts, mais de plus en plus de problèmes ; plus de médicaments mais moins de santé. Nous multiplions les appareils de communication, mais nous avons moins de communication réelle. C’est une époque où il y a beaucoup en vitrine, mais rien à l’intérieur.

– L’éducation est totalement inadéquate en regard de la Transition qui s’annonce. Les jeunes sortent de l’école sans être préparés à faire face aux besoins pratiques d’un monde beaucoup moins abondant en énergie. Ils ne savent rien en construction, en cuisine, en jardinage ou en réparation.

– Les systèmes de production locaux ont été systématiquement et inflexiblement dénigrés et sapés au cours des soixante dernières années. Pourtant tout au long de l’histoire, il  a été plus sensé de produire localement tout ce qu’on pouvait et d’importer les biens de luxe et les quelques choses que l’on était incapable de produire soi-même.

– Les économies indigènes durables n’expédient pas leurs fruits et légumes par fret aérien. Quand une région se met à faire ça, il y a belle lurette que les fermiers indigènes sont partis, expulsés de la terre aux fins de l’agriculture intensive orientée vers l’exportation.

– Des substituts au pétrole conventionnel ? Les sables bitumineux, c’est un peu comme arriver au pub et s’apercevoir qu’il n’y a plus de bière ; seulement votre désir de prendre un verre est tellement impérieux que vous vous mettez à imaginer qu’au cours des trente ans que ce pub a été en affaires, l’équivalent de 5000 pintes ont été reversées sur le tapis ; aussi inventez-vous un procédé pour bouillir le tapis afin d’en extraire la bière. C’est là l’acte futile et désespéré d’un alcoolique incapable d’imaginer la vie sans l’objet de sa dépendance.

(Rob Hopkins, manuel de transition)

* LE MONDE du 17 janvier 2012, à la source de la contre-productivité

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le foie gras entre spécisme et réflexion

Déjà 89 commentaires sur cet article*. Pesons les arguments plus ou moins spécistes** en donnant la parole aux commentateurs:

Matamore : Il faut arrêter le délire en comparant l’homme à l’animal. La chaîne alimentaire fait que nous sommes au-dessus, car nous sommes une espèce supérieure aux autres animaux.

Kurt Cobain : L’homme est un animal, il est dans la nature et il est de la nature lui-même. Quant à savoir s’il est au-dessus de quelque-chose, c’est un jugement de valeur sans fondement biologique. Dépourvu de prédateur, il est juste en position de superprédateur dans la chaîne alimentaire.

Nicole : Un jour on nous parlera bien de la souffrance des haricots verts arrachés à leur milieu naturel pour être dévorés par l’Homme.

Daniel Girault : Pauvre « humain » qui se croit supérieur aux 3 autres règnes de la nature ! Ces derniers n’ont besoin de personne pour vivre sur cette terre. L’humain, lui a besoin d’eux pour survivre et non content de ne pas les respecter, il les asservit, les massacre.

Perplexe : La logique de l’animalisation de l’homme, c’est le végétarisme obligatoire et la mise en prison des mangeurs de viande. Pour ma part je reste fondamentalement humaniste et je vois une coupure radicale entre l’homme et l’animal. Comme l’a bien montré Chomsky, les propriétés du langage humain, pour ne citer que cet exemple, sont sans aucun équivalent chez l’animal.

Michèle Sharapon : A lire les propos des gaveurs, ils savent ce dont ont besoin les canards !! Alors s’ils sont capables de communiquer avec eux, et que cette torture est en fait un plaisir, pourquoi les gaveurs ne s’autogavent-ils pas ?

* http://lemonde.fr/idees/article/2011/12/30/foie-gras-pour-retablir-la-verite-sur-une-part-essentielle-du-patrimoine-gastronomique-francais_1624469_3232.html

**  « spécisme » vient de l’anglais speciesism introduit en 1970 par Ryder par analogie avec racisme et sexisme : le spécisme est une discrimination selon l’espèce. A strictement parler, celui qui dit  « les humains d’abord ! » n’est pas tant spéciste qu’anthropocentriste. Pour Albert Schweitzer, le critère de considération morale de l’éthique n’est pas la sensibilité, ou capacité de souffrir, mais le fait d’être vivant. A ce titre il préfigure le biocentrisme qui ne fait pas de rupture entre l’animal et le végétal.

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éléphants blancs en Europe et Longue Catastrophe

Un éléphant blanc est une réalisation d’infrastructure plus coûteuse que bénéfique décidée « pour le prestige » par des politiques pour le plus grand profit d’investisseurs sans scrupules. Très connu en Afrique, le phénomène touche aussi l’Europe. LE MONDE* prend l’exemple des folies en Espagne : des dizaines d’aéroport inutiles ont été construits dans des capitales de province, des stades presque oubliés un peu partout, des musées disproportionnés. On a trouvé un facteur commun à tous ces projets pharaoniques, il y a toujours quelqu’un qui a osé dire : « Ceci est de la démesure pour nous ». Mais la majorité est restée muette, on faisait scintiller les milliers d’emplois créés et les millions d’euros engrangés. Dans les pays pauvres, on faisait croire au retard de développement et au mirage de l’usine clé en mai. Dans nos pays occidentaux, on nous joue en plus le chantage à l’emploi.

Ainsi en France, le socialiste J.Marc Ayrault reste un fervent partisan du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes. Le groupe Auchan veut bétonner 80 hectares des meilleures terres agricoles à Gonesse (95) près de Roissy pour faire un centre commercial et de loisirs géant, Europa City. Et combien d’équipements somptuaires, coûteux et inutiles réalisés par les maires, les conseils généraux, les présidents de région pour en jeter plein la vue « au nom de l’emploi » et aux frais du contribuable.

Soyons réalistes. La construction d’une infrastructure fortement dépendante de l’énergie fossile – réseau routier, terrain d’aviation, étalement urbain, etc. – doit être immédiatement arrêtée. Il faut préparer l’après- énergies fossiles, la descente énergétique. Comme l’exprime James Howard Kunstler dans La fin du pétrole, le vrai défi du XXIe siècle : « L’ère de l’automobile que nous avons connue va prendre fin. Les superficies asphaltées sont une insulte écologique incalculable. L’infrastructure d’autoroutes qu’on imaginait permanente se révélera n’avoir duré qu’à peine cent ans. Les transports aériens deviendront une rareté ou la prérogative de petites élites toujours moins nombreuses. Les perturbations énergétiques de la Longue Catastrophe vont nous rappeler que le gratte-ciel était une construction expérimentale. La banlieue va perdre une valeur catastrophique. Il n’est pas inutile de répéter que la banlieue généralisée est le plus gigantesque dévoiement des ressources de l’histoire humaine. Les gens qui ont fait des mauvais choix en investissant l’essentiel de leurs économies dans de coûteuses maisons de banlieue vont avoir de sérieux ennuis… »

* LE MONDE du  20-21 novembre 2011, Des folies en Espagne

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Anthropocène, anthropocentrisme, anthropisation… extinction des espèces

Plus d’un oiseau sur huit, plus d’un mammifère sur cinq, plus d’une espèce de conifère sur quatre, un amphibien sur trois sont menacés d’extinction… dans l’indifférence générale. Pourquoi ? La Liste rouge de l’UICN* ne donne lieu qu’à 2/3 de page sur LE MONDE**. Pourtant dans le même numéro, le contre-budget de la gauche prend une page entière et une vague affaire de 1997 presque une page. LE MONDE est orienté surtout vers l’événementiel des petites affaires humaines, pas sur les débats de fond. Ainsi va la vie, humain, trop humain ! Il n’y a que le nombril de l’Homme qui intéresse. Dans l’article du MONDE, « la biodiversité est considérée comme une ressource essentielle… pour l’humanité » ! L’évaluation exhaustive de conifères « n’est qu’un premier pas dans le recensement des dangers qui guettent le règne végétal… et donc l’humanité » !

Nommons le responsable de cette tuerie de la biodiversité : c’est l’homme. Responsable et coupable. Si son espèce disparaît, il l’aura bien cherché ! LE MONDE aurait du montrer que l’extinction des espèces n’est qu’une partie du tout, et que l’existence de l’espèce humaine n’est qu’une toute petite partie de cette partie. L’hypothèse d’une hiérarchie au sein du Vivant est induite par l’erreur de croire que l’évolution va du plus simple au plus sophistiqué, de l’inférieur forcément stupide au supérieur doué d’une intelligence donnant prérogative à tous les pouvoirs. L’évolution se fait dans tous les sens et ne poursuit aucun objectif, si ce n’est la prolongation de la vie sur Terre. L’évolution ne conduit certainement pas de la bactérie à l’homme, mâle et Blanc de préférence. Notre espèce n’est qu’un support de l’ADN qui nous précède et qui nous survivra. Tant que nous ne manifesterons pas un profond respect pour la biosphère en particulier et notre planète en général, nous ne deviendrons pas grand chose, nous resterons un prédateur parmi d’autres prédateurs, le plus féroce des prédateurs, l’artisan tout puissant de l’anthropocène.

Pour être au plus profond de notre humanité, redonner d’une manière ou d’une autre à la biosphère ce que nous lui avons pris semble une évidence. Pour enrayer la sixième extinction des espèces, il nous faut condamner notre anthropocentrisme et l’anthropisation des territoires qui va avec. Les autres formes de vie ont, elles-aussi, besoin de conserver leur niches écologiques….

* UICN, Union internationale pour la protection de la nature.

**  LE MONDE du 11 novembre 2011, Plus d’une espèce de conifères sur quatre est menacée dans le monde.

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contagion virale, un risque élevé pour l’humanité

Contagion, le film de Steven Soderbergh, cartographie la propagation mondiale d’un virus qui tue rapidement ses victimes*. Très réaliste, trop ! En juin 1918, 70 % de la population madrilène fut contaminée en l’espace de trois jours par la grippe espagnole. De 1918 à 1919, ce virus de type H1N1 a fait mondialement entre 30 millions et 100 millions de morts. Or les pandémies se multiplient aujourd’hui. Un universitaire d’Atlanta a listé les facteurs favorisant les risques : augmentation des transports autour de la planète, l’urbanisation croissante, réchauffement climatique (migrations des moustiques…), vieillissement de la population, concentrations dans les élevages en batterie. Marc Danzon, directeur de l’OMS (organisation mondiale de la santé) pour l’Europe en est sûr : « Aucun expert n’a laissé espéré que la pandémie aviaire n’arrivera pas un jour. L’incertitude porte sur le degré de sévérité qu’elle revêtira. Dans les dix ans à venir, il y aura une pandémie due à un virus qui se sera échappé du règne animal. »

Au cours des trois dernières décennies, 35 nouvelles maladies ont été recensées, dont 26 virales. L’épidémie de fièvre hémorragique aiguë due au virus de Marburg tue périodiquement en Angola, jusqu’à 90 % des personnes contaminées. En 2003 les Pays-Bas ont connu une épizootie de la variante H7N7 entraînant des contaminations humaines. Fin 2004, on recensait 6247 virus et les taxinomistes pensent que ce nombre n’équivaut qu’à 1 % de l’ensemble. En 2005, un échantillon du virus de la grippe H2N2 qui a fait cinq millions de morts en 1957, avait été envoyé à 3 747 labos de 18 pays différents ; erreur humaine vite réparée par une destruction dès réception ! La même année, on a pour la première fois observé que l’une des variantes de la grippe aviaire H5N1 avait acquis la propriété de pouvoir passer chez les humains. Alan Weisman envisage l’hypothèse qu’homo sapiens devienne « Homo disparitus » grâce à un virus mutant qui balayerait la population humaine de la surface de la Terre ? Ce serait alors la fin de l’anthropocène, un mal pour un bien ?

Certains qui paraissent cyniques décrivent l’espèce humaine comme le cancer de la Terre. La prolifération humaine rencontrant sur sa route la régulation naturelle ne serait que justice. Comme si la contamination virale naturelle ne suffisait pas, James Howard Kunstler** envisage que des régimes submergés par les pressions démographiques utilisent des virus « fabriqués «  contre les populations (après avoir bien sûr  vacciné une élite présélectionnée !)**. L’idée peut paraître insensée, mais pas plus que le massacre des koulaks par Staline, les carnages de Pol Pot au Cambodge, le génocide des Tutsis au Rwanda, la famine orchestrée des Nord-coréens sous Kim Jong Il. La machinerie de la Shoah a recouru à la technologie industrielle la plus avancée de l’époque, et a été réalisée par le pays le plus instruit de l’Europe. C’est pourquoi la menace des virus donne à réfléchir ! On se contente d’en faire un film…

* LE MONDE du 9 novembre 2011, Une mise en scène sobre et froide pour glacer le sang.

** La fin du pétrole (le vrai défi du XXIe siècle) de James Howard Kunstler

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la ville n’est pas l’avenir de l’homme

Des responsables politiques et économiques se sont mis d’accord* pour considérer la ville, malgré toutes ses contradictions et ses périls, comme l’avenir de l’homme. Avec 120 villes de plus d’un million d’habitants, la Chine est en première ligne. Yang Jiechi, le ministre des Affaires étrangères chinois déclare : « Les agglomérations sont d’importants relais de croissance pour dynamiser l’économie et élever le niveau de vie de l’ensemble de la société. » … « Une augmentation d’un pour cent de la population urbaine est synonyme de création d’emplois, de hausse de la consommation et de nombreux investissements ». Le magnat mexicain des télécoms Carlos Slim a précisé que la migration urbaine, avec les économies d’échelle qu’elle induit pour les infrastructures, est même la seule réponse à la croissance exponentielle de la population : « S’il n’y avait pas de grandes villes, la plupart des gens ne pourraient s’offrir le coût d’accès à nos services de télécommunications ». Comment en sommes-nous arrivés à nous constituer les prisonniers des Chinois et d’opérateurs téléphoniques ? La terre fertile d’une famille de cultivateurs exige davantage d’espace que l’ordinateur d’un trader boursier !

L’idée de la ville comme avenir de l’homme renvoie à celle des réserves d’Indiens, zoos humains conçus par des Blancs dont la règle fut l’exploitation des hommes et de la Nature. En 1800, 3 % de la population mondiale seulement habitait en ville contre 50 % aujourd’hui et 70 % dans 40 ans, avec la poursuite du développement tentaculaire de mégalopoles. La mégalopole, c’est un espace urbanisé polynucléaire formé de plusieurs agglomérations dont les banlieues et couronnes périurbaines s’étendent tellement qu’elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. La mégalopole européenne est un complexe urbain étalé sur plus de 1 500 km et dont l’effectif est de plus de 70 millions d’habitants. Il s’étend ainsi depuis Londres jusqu’à Milan, traversant le Benelux et la Rhur. Cette dorsale métropolitaine médiane pour l’Europe a reçu le nom de « banane bleue » en raison de sa forme qui apparaît sur une image satellite. Si vous résidez dans cette « banane », vous avez tout de même droit à quelques bois aux allées policées ou à un petit jardin, ersatz d’une nature défunte et dont la valeur écosystémique est à peine supérieure à celle de pots de géraniums sur balcon ! Le surpeuplement de l’homme est un antagonisme à la biodiversité.

Il s’agit d’une ultra-urbanisation motivée par une fonction politique, et ce en opposition à une idée de cité bucolique. Mais les mégalopoles nous vont comme un gant. Grégaires tout en nous haïssant, nous aimons la fureur, la promiscuité, la consommation. Nous sommes en deuil de l’Arcadie, ce pays de discrets villages qui, dans la poésie bucolique hellénique, illustrait le pays du bonheur, le pays idéal.

condensé d’un texte de Michel Tarrier, Les mégalopoles, futures réserves de Terriens !

* Conférence annuelle de la Fondation Bill Clinton à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le 22 septembre 2011

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une civilisation étouffée par ses déchets

En 2015, un département français sur deux pourrait être obligé d’exporter ses déchets ménagers dans un autre département. Les distance parcoures sont à l’origine de coûts environnementaux substantiels. (LE MONDE du 6 octobre 2011). Voici quelques extraits de textes qui montrent que la problématique des déchets n’est pas nouvelle, pourtant nous avons fait comme si nous ne savions pas.

1940 Testament agricole (pour une agriculture naturelle) de Sir Albert Howard

La population humaine, concentrée principalement dans les villes, est entretenue presque exclusivement par la terre. Il en résulte qu’une grande quantité des déchets agricoles est concentrée dans les villes, loin des champs qui les produisent. La plupart des déchets municipaux sont enterrés ou bien brûlés dans des incinérateurs. Pratiquement, aucun déchet ne revient à la terre. Il faut donc considérer les villes comme des parasites de l’agriculture. Ce sont les paysans qui mettent tous leurs soins pour le retour à la terre de tous les déchets se rapprochent le plus de l’idéal de la nature.

1972 La dernière chance de la terre (hors série du Nouvel observateur)

Robert Poujade, ministre de l’Environnement et de la Nature

Q : Le développement des centrales nucléaires accroît la production de déchets radioactifs. Le problème de leur stockage n’est pas résolu…

R.P. – Je ne le crois pas, en effet. C’est une impression personnelle, je m’empresse de le dire. Le problème est difficile. Je n’entrerais pas dans le détail des techniques de stockage des déchets. Y en a-t-il une qui soit souveraine ? Je n’en suis pas sûr.

Q : Le directeur de la Commission de l’Energie atomique américaine a conclu que la seule solution était de lancer les déchets dans l’espace.

R.P. – C’est une solution d’une technologie tellement avancée que je ne me sens pas qualifié pour vous répondre !

1975 Le macroscope, vers une vision globale de Joël de ROSNAY

Avec l’accélération de la consommation d’énergie, l’action de l’homme sur la nature prend des proportions alarmantes. Contrecoup de cette action : les trois grandes crises énergétiques que traverse notre civilisation industrielle, la crise des matières premières, la crise alimentaire et la crise de l’environnement. La quantité totale des déchets résultant du métabolisme de l’organisme social atteint aujourd’hui des ordres de grandeur tout à fait voisins des quantités totales d’éléments recyclés par l’écosystème.

1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN

La théorie économique dominante considère les activités humaines uniquement comme un circuit économique d’échange entre la production et la consommation. Pourtant il y a une continuelle interaction entre ce processus et l’environnement matériel. Selon le premier principe de la thermodynamique, les humains ne peuvent ni créer ni détruire de la matière ou de l’énergie, ils ne peuvent que les transformer ; selon l’entropie, deuxième principe de la thermodynamique, les ressources naturelles qui rentrent dans le circuit avec une valeur d’utilité pour les humains en ressort sous forme de déchets sans valeur.

on ne peut produire de façon meilleure ou plus grande qu’en produisant des déchets de manière plus forte et plus grande. Il n’y a pas plus de recyclage gratuit qu’il n’y a d’industrie sans déchets.

Les vraies catastrophes ne sont connues qu’à la longue ; quand les dégâts sont irrémédiables. Il en est peut-être ainsi du pétrole et des innombrables déchets qui s’accumulent. Le catastrophisme a raison d’annoncer l’apocalypse pour demain, mais ce demain n’est pas celui du sensationnel journalistique, c’est celui de l’histoire  cumulant en silence pollutions et restrictions de liberté. Il ne s’agit pas de faire mieux, il s’agit d’abord de rompre.

1991 Philosophie de la crise écologique de Vittorio Hösle

L’universalisation du niveau de vie occidental est un processus qui ruinerait écologiquement la Terre. De ce constat suit, en vertu de l’impératif catégorique, un principe simple selon lequel le niveau de vie occidental n’est pas moral. Si tous les habitants de cette planète gaspillaient autant d’énergie, produisaient autant de déchets, rejetaient autant de produits toxiques dans l’atmosphère que les populations des pays riches, les catastrophes naturelles vers lesquelles nous nous dirigeons auraient déjà eu lieu.

1995 La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation de Sale Kirkpatrick

La technosphère induit à  chaque étape de ses activités quotidiennes (extraction, transport, manufacture, marketing, usage, déchets…) des nuisances à l’environnement que la biosphère supporte entièrement. L’énergie photosynthétique, indispensable à la vie sur terre, est déjà consommée à un taux de 40 % par une seule espèce, homo sapiens ; toutes les autres espèces doivent se partager le reste. L’extension toujours plus rapide de la technosphère semble inexorable, comme si aucune forme d’opposition ou d’avertissement moral ne pouvait l’enrayer, comme si elle était littéralement incapable de comprendre que la planète ne peux absorber davantage ses déchets, et que la destruction des écosystèmes ne saurait perdurer sans entraîner des conséquences dramatiques.

1996 Notre empreinte écologique de Mathis WACKERNAGEL et William REES

Si nous additionnons les besoins en sol de toutes les catégories de consommation d’énergie, de matière et d’élimination des déchets d’une population donnée, la superficie totale représente l’empreinte écologique de cette population sur la Terre, que cette superficie coïncide ou non avec la région où vit cette population. Bref, l’empreinte écologique mesure la superficie nécessaire par personne plutôt que la population par unité de superficie. Plus formellement, on peut définir l’empreinte écologique d’une population ou d’une économie spécifique comme étant la superficie de sol (et d’eau) écologiquement productif de différentes sortes (sol agraire, pâturage, forêts…) qui serait nécessaire avec la technologie courante

a) pour fournir toutes les ressources d’énergie et de matière consommée et

b) pour absorber tous les déchets déversés par cette population.

Les optimistes parmi nous vont accueilli la crise qui s’annonce comme la dernière chance de l’humanité à devenir vraiment civilisée et  » chez elle  » sur la planète Terre. Il est certain que la reconnaissance du rôle supra-économique du capital naturel est en tout cas la première étape vers la sagesse écologique : pas d’écosphère, pas d’économie, pas de société (ou pour ceux qui ne pensent qu’aux affaires : pas de planète, pas de profits). L’autre possibilité, c’est que nous maintenions le cap actuel jusqu’à ce que le déclin accéléré empêche une réaction raisonnée, efficace et mondialement coordonnée.

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crime écologique, crimes verts, écocide

Pour installer la petite bulle de justice et de prospérité qu’elle propose comme modèle à l’humanité, la démocratie moderne risque de commettre la faute la plus grave jamais perpétrée par une société, un crime différé et silencieux, le crime contre la Biosphère. Et de ce fait, elle sera peut-être maudite par les générations futures comme un âge noir de l’humanité*. Le crime d’écocide, équivalent écologique du génocide, n’existe pas encore dans la loi internationale, mais cela ne saurait tarder. Voici quelques points historiques :

–          L’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’animal (Unesco, 15 octobre 1978) indique : « Tout acte compromettant la survie d’une espèce sauvage, et toute décision conduisant à un tel acte constituent un génocide, c’est à dire un crime contre l’espèce. Le massacre des animaux sauvages, la pollution et la destruction des biotopes sont des génocides. »

–          La notion de « crime de terrorisme écologique » (article 421-2 du Code pénal français, loi du 22 juillet 1996) se définit comme l’introduction « dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, d’une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ».

–          Selon l’article 4 de la charte de l’environnement adossée à la constitution française (28 février 2005), « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

–          La Commission européenne souhaite pénaliser les infractions graves en matière d’environnement. C’est un projet de directive rendu public le 8 février 2007 qui prescrit des peines de prison jusqu’à dix ans et des amendes jusqu’à 1,5 millions d’euros en cas de « crimes verts ». Neuf types d’infractions sont définis par ce texte. Seraient passibles d’une peine de cinq à dix ans de prison les infractions commises intentionnellement telles que « le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances ou de radiations ionisantes », ou « de substantiels dommages à la qualité de l’air, du sol, de l’eau, aux animaux et aux plantes ».

–          Le 23 juin 2008, le climatologue James Hansen témoigne devant le Congrès des Etats-Unis. Il dénonce les responsables du réchauffement climatique : « Des sociétés ayant leurs intérêts dans les combustibles fossiles ont propagé le doute sur le réchauffement, de la même manière que les cigarettiers avaient cherché à discréditer le lien entre la consommation de tabac et le cancer. Les PDG de ces sociétés savent ce qu’ils font, ces dirigeants devraient être poursuivis pour crime contre l’humanité et la nature ».

–          Les Etats-Unis avaient placardé en 2009 sur le Net la liste des criminels de l’écologie**.

–          En avril 2010, l’avocate Polly Higgins a déposé officiellement le concept d’écocide auprès de la commission des lois des Nations unies. Son idée : en faire le cinquième crime international contre la paix, qui comprend déjà le génocide, le crime contre l’humanité, le crime d’agression et le crime de guerre. définition de l’écocide : « des dommages extensifs ou la destruction d’un écosystème d’un territoire donné »  ***.

L’espèce homo sapiens est ainsi faite qu’elle ne reconnaît pas les limites de la planète et se permet de faire n’importe quoi. Il y a cinquante ans à Nuremberg on a jugé les crimes contre l’humanité, un jour dans le futur on jugera les crimes contre la Biosphère. CRIME ECOLOGIQUE, c’est la bonne formule : détruire les conditions de la vie sur Terre devrait entraîner une sanction… sauf que beaucoup de monde se trouvera sur le banc des accusés.

* extraits de La politique de l’oxymore de Bertrand Méheust

** LE MONDE  du 5 août 2009

*** LE MONDE du 4 octobre 2011, Accusé du crime d' »écocide », levez-vous !

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L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet

Yves Paccalet est l’auteur d’un livre que nous trouvons délicieux, « L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! ». Il est bon de pouvoir encore siffloter quand on approche de la guillotine. Un petit livre d’entretiens vient de paraître : « Partageons ! (l’utopie ou la guerre). Nous sommes plus circonspect. Voici notre commentaire de quelques extraits :

– « L’humanité n’avance qu’à coups de pied dans le derrière. Or la nature nous en donnera de rudes au XXIe siècle ! » (…) « Nous n’acceptons d’évoluer qu’à force de catastrophes ».

Nous ne pouvons qu’approuver globalement… mais si la catastrophe nous sert de pédagogie, c’est uniquement parce que la pédagogie de la catastrophe n’a pas pu convaincre. Dans une famille efficace, pas besoin de gifles et de coups pour expliquer à l’enfant ce qu’il faut comprendre et ce qu’il faut éviter, les paroles suffisent.

– « J’ai soutenu et je soutiens encore que l’écologie aurait dû ou devrait aller polluer tous les partis… Mais elle n’a nul besoin de candidat à l’élection présidentielle… Mieux vaut pour Europe-Ecologie, obtenir du parti socialiste un groupe d’élus Verts au parlement. »

Il apparaît que tous les partis sans exception se veulent dorénavant écologistes. Ils font comme les entreprises, du greenwashing et le pôle écologique au sein du PS n’a pu obtenir au congrès de 2008 que 1,58 % des voix. Dans ce contexte, l’écologie en tant que telle se doit d’avoir un représentant aux présidentielles. Il est vain d’attendre de la bonté d’un parti socialiste qui ne connaît que les rapports de force et le verdict des urnes un groupe parlementaire pour l’écologie politique. Si le PS avait voulu vraiment un pacte de gouvernement, il aurait négocié sérieusement avec les Verts bien avant le premier tour de la présidentielle. Pour déterminer le nombre respectif de députés, il aurait ouvert les primaires socialistes à toute la gauche. Comme l’écrit Yves Paccalet lui-même, « On nous (les écologistes) invite, on nous passe de la pommade, on fait même semblant de nous écouter. Puis on nous fait comprendre qu’il y a des sujets plus urgents… ». C’est la raison essentielle qui avait poussé René Dumont à se présenter en 1974 aux présidentielles et rien n’a fondamentalement changé depuis.

– « Je reste pessimiste parce que je constate chaque jour, chaque seconde, à quel point nous sommes égoïstes, orgueilleux, mus par l’avidité et par l’obsession de la consommation matérielle. »

Nous sommes à la fois orgueilleux et altruiste, orgueilleux et humble, mus par l’idéal autant que par la matière. La proportion d’ange ou de démon en chacun de nous dépend d’abord de l’éducation que nous avons suivis, et du poids que nous accordons en conséquence aux contraintes sociales. Changeons la manière d’élever les enfants, l’individu sera bon et la société meilleure.

– « Guerres totales, génocides, attentats terroristes : nous massacrons gaiement nos semblables. Pourquoi aurions-nous le souci des générations futures ? »

Je suis objecteur de conscience, convaincu que l’attitude non-violente est la meilleure des armes. Je sais rationnellement que si tous les citoyens étaient opposés à l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus d’armées, il n’y aurait plus de guerres. Ce n’est pas parce que notre système prône le contraire qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’encontre. L’éducation familiale, religieuse, scolaire… appelle à la soumission. Mais la désobéissance (civile) est toujours possible. De même nous sommes éduqués pour vivre et penser le présent. Une autre éducation est possible, nous pouvons intérioriser et représenter ce qu’on appelle la voix des tiers-absents, celle des non-humains, celle des générations futures, celle des autres peuples.

–  » Le problème des faucheurs volontaires, c’est qu’ils cessent de respecter la démocratie… Quelle sera la réaction de José Bové le jour où, au nom de la conscience, un individu transgressera le règlement qu’il a voté en tant que député européen ? »

Je connais suffisamment José pour savoir qu’il ne votera jamais un règlement allant à l’encontre des intérêts de l’humanité. S’il faisait un faux pas, il comprendrait sans doute qu’on agisse en conscience contre ses propres textes, lui qui a écrit : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer au dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte) ». D’ailleurs  Yves Paccalet est assez contradictoire, lui qui a envie de se changer en opposant farouche, voire violent, dans le style des écoguerriers ». Yves Paccalet serait-il contre la « démocratie » quand cela devient nécessaire ?

–  » Comment calmer nos pulsions de reproduction ? (…) Nous devons maîtriser notre obsession congénitale du territoire et de la domination… L’homme est animé par de puissantes pulsions animales : le sexe, le territoire et la domination. Il ne s’en débarrassera jamais ; ces élans sont inscrits dans ses gènes »

Il n’y a pas d’instinct en l’homme, aucune programmation génétique autre que pour notre développement physique, uniquement du culturel pour notre comportement. Les curés se veulent stériles à vie et les nullipares existent ; tout dépend de notre éducation à la sexualité et au malthusianisme. Il n’y a pas d’obsessions, il n’y a que des idéologies. Rien n’empêche de choisir la pensée et l’action la plus durable… Rien n’empêche en soi que la conclusion d’ Yves Paccalet puisse advenir : «  L’avenir gît dans le développement de notre âme collective, de notre composante altruiste, de cette partie de nous mêmes qui œuvre vers l’association, le partage, la compassion, la générosité. »

– «  Nous avons besoin d’une loi mondiale… Créons un ministère de l’économie et des finances mondial… Seul un gouvernement du monde pourrait interdire le saccage des forêts tropicales, des récifs coraux, des terres agricoles… »

Conception étonnante de la part de quelqu’un qui vilipende les résultats du Grenelle de l’environnement ou de la conférence de Copenhague sur le climat : « Il n’en subsiste que de vagues déclarations de principe. » Un gouvernement national n’arrive pas à mettre en musique les bonnes intentions, à plus forte le niveau mondial. Cela fait des années que tout le monde réclame une Organisation mondiale de l’environnement pour contrebalancer le pouvoir de l’Organisation mondiale du commerce. Nous n’avons plus le temps d’attendre. C’est pourquoi la démarche à soutenir en urgence est celle des communautés de résilience, dite de transition : il faudra savoir localement résister aux jumeaux de l’hydrocarbure, la descente énergétique et le réchauffement climatique. Il faudra savoir négocier avec les possibilités biophysiques de son territoire d’appartenance : la commune, la région, la nation, la biosphère.

–  » J’ai vu des beautés du monde que mes enfants et mes petits-enfants ne verront jamais ; elles ont été anéanties par les pollutions de toutes sortes, le béton, le goudron, la tronçonneuse, les filets de pêche géants ; et ce pour le profit de quelques-uns, et toujours au détriment du plus grand nombre… »

Dommage que le système capitaliste libéral ne soit pas jugé comme responsable de la dégradation de la biosphère, dommage que la culpabilité de chacun de nous quand il achète un écran plat ou roule en voiture ne devienne pas une évidence. Pourquoi cette difficulté d’Yves Paccalet à s’en prendre à la fois à l’oligarchie dominante et à la responsabilité des peuples ?

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Arctique et Antarctique, eldorado ou sanctuaire ?

A l’heure des terribles jumeaux hydrocarbures, pic pétrolier et réchauffement climatique, nous avons deux possibilités, la fuite en avant ou la sagesse. LE MONDE octroie sans aucun recul une demi-page à la fuite en avant : Rosneft va exploiter l’eldorado arctique avec  ExxonMobil*. Il est vrai que l’Actique recèle sans doute 22 % des ressources énergétiques non découvertes mais techniquement exploitables de la planète (LE MONDE  du 21 août 2008). Mais nous avons une autre possibilité, celle de transformer l’Arctique en sanctuaire comme l’a été l’Antarctique : « Persuadés qu’un traité réservant l’Antarctique aux seules activités pacifiques servira les principes de la Charte des Nations unies », treize Etats ratifient le traité de l’Antarctique le 1er décembre 1959. Cependant une question échappait au traité, l’exploitation des ressources minérales. En 1991, le protocole de Madrid « relatif à la protection l’environnement » interdit toutes les activités liées à une possible exploitation des ressources.

La disparition de la banquise arctique aiguise les appétits. Les pays riverains veulent exercer l’abusus des propriétaires, la Chine considère que l’Arctique appartient à tous au nom du droit international de la mer, Michel Rocard appelle à protéger l’Arctique comme on l’a fait pour l’Antarctique**. La sanctuarisation est la voie de la sagesse.

* LE MONDE du 1er septembre 2011, la major publique russe cherchait un nouvel allié pour accéder aux réserves de la mer de Kara.

** postface de Michel Rocard à Voyage dans l’anthropocène de Lorius et Carpentier (Actes sud)

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algues vertes et responsabilités agricoles

Les faits sont simples : il s’agit de la prolifération des algues vertes. Mais un discours se fait jour pour contester le lien solidement établi entre pratique agricole et algues vertes. Lorsque les faits sont importuns, il suffit de mettre en doute leur existence. Ce détestable principe semble avoir un avenir radieux, dès lors que remédier à des dégâts environnementaux indispose des intérêts économiques. Lorsque des intérêts particuliers sont en jeu, le constat scientifique est souvent ramené à un « intégrisme » écologique par le biais d’opérations de propagande savamment orchestrées. Des campagnes auxquelles les politiques semblent bien perméables. « Sur cette affaire des algues vertes, il serait absurde de montrer du doigt les agriculteurs, qui font d’énormes progrès en la matière », avait déclaré Sarkozy le 7 juillet à Crozon, ajourant qu’il y « aurait toujours des intégristes pour protester ».

Un tel déni a été mis en œuvre pour l’amiante comme pour le réchauffement climatique. Mais repousser pour de mauvaises raisons la gestion d’un problème environnemental rend invariablement la résolution plus ardue et ses conséquences potentiellement plus graves. Il est possible de nier les lois de la nature. Mais elles finissent toujours par se rappeler à nous.

Le texte précédent aurait pu être aussi bien écrit sur ce blog… En fait c’est un condensé de l’éditorial du MONDE du 28 juillet (Algues vertes : l’insupportable déni). LE MONDE devient écolo, nous sommes sauvés !

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Unabomber norvégien

Anders Behring Brelvik est un terroriste norvégien qui vient d’organiser un massacre de ses compatriotes. Theodore J. Kaczynski est un terroriste américain qui a tué avec des colis piégés. Ces deux loups solitaires avaient le même objectif, faire connaître par la plus grande violence leur manifeste. Mais d’un côté il s’agit du délire d’un jeune extrémiste de droite hanté par le passé, de l’autre il s’agit du geste fou d’un militant écologiste qui prévoit l’effondrement du système technologique. Anders veut sauver la Norvège, Theodore voudrait sauver sa conception de la civilisation. Anders est un chrétien-conservateur, anti-marxiste, islamophobe, ennemi acharné du multiculturalisme ; il voulait tuer en priorité la dirigeante travailliste Gro Brundtland. Theodore s’était fixé comme objectif de parvenir à une autonomie complète en vivant au contact de la nature ; la pire chose qu’il ait connue au cours de sa vie dans les bois fut l’envahissement progressif de la nature par la civilisation moderne. Anders avait la hantise d’un pays colonisé par les musulmans, Theodore le rejet d’un mode de vie dénaturé par la technologie. Anders avait acquis une désensibilisation à l’acte criminel au travers de jeux vidéos comme World of Warcraft, Theodore croyait à une réaction de légitime défense face à un système techno-industriel menaçant.

Jamais l’homme n’a été autant assujetti, privé d’initiative, incapable d’infléchir le cours de l’histoire. Pour ces deux individualistes à la recherche de la pureté du monde, la violence n’est pas mauvaise en elle-même ; la violence peut être bonne ou mauvaise selon la forme qu’elle prend et selon le but qu’elle vise.  Mais la violence ne fait que renforcer la violence. La police norvégienne sera plus efficace à l’avenir !

Pour promouvoir une transformation sociale consentie, il faudrait  user de la plus grande douceur contre la violence du système social actuel.

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la fable de la mondialisation heureuse

Notre inénarrable secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, Pierre Lellouche, n’a qu’un seul argument à la bouche, croissance, mondialisation, croissance. Voici une analyse succincte de ses thèses croissancistes* :

« Le rapport du CAE Crise et croissance : une stratégie pour la France apporte une contradiction remarquable aux chantres de la « démondialisation ». »

Þ Le CAE – repaire d’économistes ultra-libéraux – écrit exactement ce que Lellouche veut entendre : hors de la globalisation, point de salut. C’est un catéchisme, et tant pis pour la planète, et tant pis pour ses habitants. « Le bilan de la dernière décennie de mondialisation est un désastre pour ceux qui n’ont d’autres ressources que leur travail : délocalisation en série, destruction d’emplois et d’outils de travail, diminution des revenus du travail par la pression à la baisse. Si l’on voulait résumer les quinze années écoulées, il ne serait pas excessif de dire que la mondialisation a fabriqué des chômeurs au Nord et augmenté le nombre de quasi-esclaves au Sud. ** »

« La France n’a pas d’autre choix que de partir à la conquête de la croissance dans le monde réel. »

Þ C’est du fatalisme devant les forces du marché, l’abandon des prérogatives du politique qui devrait savoir réguler la compétition internationale. Et comment conquérir le marché contre des salaires huit fois moindres ? En fait le « réel » pour Lellouche se résume à l’existant actuel, il n’a aucune conscience que la hausse inéluctable du prix du pétrole (la « réalité » des ressources fossiles limitées) va faire basculer brutalement notre monde dans la crise économique, donc dans le protectionnisme sauvage.

« L’Europe devrait péniblement atteindre les 2 % de croissance du PIB en 2011, les économies émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), devraient augmenter leurs richesses de 6,5 % en moyenne, jusqu’à 10 % pour la Chine. »

Þ  Comparer notre croissance à celle de pays qui ne sont pas du tout au même niveau de « développement » est une imposture. Au début c’est facile de croître, après cela devient de plus en plus difficile, surtout dans la dernière étape où la population préfère consommer plutôt que produire. Ah oui, la Chine et sa faramineuse croissance ! Alors que la Chine est en crise. La Chine est un chantier à ciel ouvert, le Brésil également, avec un saccage environnemental sans précédent et des inégalités sociales insupportables. Et c’est devant cela que s’extasie Lellouche !

« Le modèle allemand a su combiner au tournant des années 2000 gains de productivité et maîtrise des coûts salariaux, pour les résultats spectaculaires que tout le monde connaît : des exportations qui représentent 40 % du PIB, une croissance de 3,5 % en 2010. »

Þ D’abord le protectionnisme éducateur de List remonte à la Prusse du XIXe siècle ; la puissance des champions industriels allemands n’a pas été créée en 10 ans. Ensuite les lois Hartz, réforme du marché du travail qui a eu lieu entre 2003 et 2005, conduisent tout droit au travail forcé. Pourquoi ne pas parler de l’explosion du taux de pauvreté en Allemagne qui a doublé ces 10 dernières années ? Les travailleurs pauvres allemands seront heureux de savoir que le gouvernement français les prend pour modèle. De plus, l’extraversion d’une croissance veut dire qu’en cas de réduction des échanges internationaux, le pays sera plus touché que d’autres.

« Les orientations de politique économique prises par le gouvernement avant et pendant la crise vont justement dans le sens d’un renforcement de notre potentiel de croissance. »

Þ  Ah, la fable d’un gouvernement qui sert à quelque chose ! L’Etat n’a même plus de pouvoir économique au niveau interne, alors au niveau du commerce extérieur ! Lellouche est un ministre qui ne sert à rien et qui ne le sait pas encore.  On veut encourager la productivité des PME ? Il aurait fallu y penser avant plutôt que de les livrer à la concurrence déloyale des multinationales. « Reconstruire une santé industrielle » quand tout est délocalisé ? Et pour finir la pensée magique qui lie réforme des universités et parts de marché à l’export !

« Le seul juge de paix de notre stratégie de croissance à moyen et à long terme sera le redressement effectif et durable de notre balance commerciale. »

Þ Si tous les pays misent sur l’exportation, il n’y a plus de gagnants mais la concurrence sauvage. C’est ce que l’Allemagne va être obligée de comprendre en mettant la main au portefeuille pour sauver la Grèce. On ne peut pas entrer dans le jeu perdant-perdant de la concurrence libre et non faussée avec des tricheurs sociaux et environnementaux. De plus, si on comprime partout les coûts, donc les salaires, à qui exportera-t-on puisque la demande globale fléchira ?

« Dans un monde où les sources de croissance sont situées hors du territoire national »

Þ  La France produit des voitures et en importe, parfois fabriquées à l’étranger sous la marque nationale. Mais à quoi sert d’échanger des voitures contre des voitures et des Airbus contre des Boeing si ce n’est gaspiller nos ressources et fragiliser nos emplois ? A quoi sert de vendre des centrales nucléaires aux pays émergents ? Aujourd’hui des grands pays comme la Chine et les USA contournent les règles de l’OMC et laissent flotter leurs monnaies : les autres  protègent leur croissance nationale ?

Faudrait que LeMonde nous conte un jour la fable de la mondialisation heureuse, qui en un siècle a multiplié le nombre de pauvres par trois, provoqué les empoisonnements de la biosphère et entraîné des destructions d’emploi par millions… Il n’y a pas de mondialisation heureuse à l’heure où on bouffe son big mac d’un bout à l’autre de la planète.

* LeMonde du 7 juillet 2011, La fable de la « démondialisation » heureuse selon Pierre Lellouche

** Votez pour la démondialisation d’Arnaud Montebourg (Flammarion, 2011)

 

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La démondialisation contre le quotidien Le Monde

Après avoir donné la parole aux contempteurs de la démondialisation, Zaki Laïdi le 30 juin et Pascal Lamy le 1er juillet, l’éditorial* du Monde (2 juillet 2011) abonde dans leur sens en reprenant le même argumentaire : Aujourd’hui les frontières entre le commerce international et le commerce domestique s’effacent puisque les chaînes de production sont globalisées. » La notion même d’importation et d’exportation perdrait ainsi de son sens traditionnel. Il n’y a donc rien à faire. Comme s’il était normal qu’une chaîne de fabrication de voiture soit bloquée parce qu’elle ne reçoit plus des composants d’un pays lointain comme le Japon. Comme s’il était normal d’échanger des voitures, des tomates et des vêtements entre pays parfois éloignés de milliers de kilomètres. Le faible coût actuel de l’énergie a bien tourné la tête de nos penseurs médiatiques.

Mais le plus grave est la conclusion de cet éditorial : « Débattons des conséquences de la mondialisation. Mais pas en termes simplistes. » D’accord, sauf que c’est cet éditorial qui simplifie à outrance ses adversaires :

– « Chômage et inégalités, tout serait de la faute de la Chine, cette monstrueuse machine à exporter. »

«  Dans l’atelier du monde (la Chine), trimerait une armée de malheureux avec laquelle nos salariés ont été brutalement mis en concurrence. »

– « La mondialisation relèverait d’un gigantesque dumping social et environnemental. »

La théorie du protectionnisme est assez complexe pour ne pas avoir besoin d’être caricaturée à outrance comme le fait le quotidien Le Monde. Rappelons qu’un libre-échange basé sur le va-et-vient de produits similaires est une absurdité qui va à l’encontre de la théorie du libre-échange. Que la complexité des montages technologiques croisés entre nations différentes les rendent d’autant plus fragile quand le prix du baril s’envole. Que le libre-échange est un rapport de force qui fait quelques gagnants et beaucoup de perdants. Que la descente énergétique qui nous attend va entraîner une contraction des échanges. Que la souveraineté alimentaire et énergétique des peuples deviendra une nécessité vitale… Mesurons le parti pris simpliste d’un journal « de référence » qui est pour le libre-échange avec un seul argument résumé ainsi  par Pascal Lamy : « freiner ses importations revient à pénaliser ses exportations.

* LeMonde du 2 juillet 2011, Bienvenue au grand débat sur la mondialisation

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la démondialisation contre Pascal Lamy

D’un jour à l’autre, les excommunications du protectionnisme se poursuivent dans LeMonde. Après l’absurde démondialisation selon Zaki Laïdi*, voici le directeur général de l’OMC  qui passe à l’offensive : « La démondialisation est un concept réactionnaire »**.  En fait Pascal Lamy n’a que deux arguments :

1. « Le protectionnisme est un débat franco-français. La mondialisation est une transformation gigantesque dont on avait sous-estimé l’ampleur et la rapidité. Le phénomène est parti pour durer. » Mais le fatalisme de ce raisonnement est absurde. Si une chose peut advenir et s’amplifier brutalement, son contraire peut faire de même. L’histoire nous indique que les crises économiques entraînent des contractions phénoménales du commerce international. Après la crise des subprimes, la Chine avait commencé à renvoyer dans leur campagne d’origine ses ruraux exploités par les usines à exporter. Après le prévisible choc pétrolier qui nous attend, une démondialisation sera nécessaire et durable.

2. « Les moteurs de la mondialisation sont technologiques : le porte-conteneurs et Internet. Gageons que la technologie ne reviendra pas en arrière. » Mais nous sommes dans une économie mondialisée parce que l’idéologie libérale a pris le dessus dans les années 1980 avec Reagan, Thatcher et l’impuissance du keynésianisme à enrayer la crise qui suivit le choc pétrolier de 1973. De plus, nous ne pouvons avoir comme idéologie que ce que le niveau des richesses naturelles nous procure. La multiplication des échanges est surtout la conséquence d’un baril de pétrole qui a baissé à partir du milieu des années 1980. Or la raréfaction du pétrole va renchérir ses coûts, que ce soit pour le porte-conteneurs transporteur mais surtout le contenu carbone des produits transportés (les ordinateurs…). N’oublions pas la révolte des peuples contre la paupérisation et la montée des inégalités qui accompagne la mondialisation.

Nous attendions mieux de Pascal Lamy, qui indiquait dans le Nouvel Observateur du 14 décembre 2006 : « L’histoire nous a donné une leçon, quand il y a perception du danger, les hommes s’organisent pour y faire face. De ce point de vue, le mouvement écologique a apporté sa contribution à la perception de ces dangers.  Cette conscience est plus forte qu’hier et elle progresse. Dans ses principes, l’OMC prévoit que le développement des échanges doit contribuer au développement durable. Vous avez donc le droit, au nom de la protection de l’environnement, d’instituer certains obstacles aux échanges. C’est parfaitement légal dans le système de l’OMC. Même si, comme partout en politique, il y a des arbitrages à faire entre les différentes urgences, entre la liberté et la sécurité, entre la pauvreté et le développement, entre l’environnement et la croissance (…) Les pays ne peuvent aboutir à un accord que si les uns et les autres font des compromis. C’est compliqué et difficile. Mais nécessaire si on veut que cette planète préserve elle-même son intégrité, notamment environnementale. »

C’est d’ailleurs ce que revendique Arnaud Montebourg dans sa brochure à deux euros Votez pour la démondialisation : « Le moment est venu de faire payer le juste coût de l’atteinte à l’environnement aux transports maritime et aérien des produits fabriqués hors d’Europe, par la taxation massive et kilométrique des marchandises acheminées en Europe. »

* LeMonde du 30 juin 2011, Absurde démondialisation.

** LeMonde du 1er juillet 2011, La démondialisation est un concept réactionnaire.

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la démondialisation contre Zaki Laïdi (suite)

Ce qui est extraordinaire, c’est que Zaki Laïdi* connaît bien les défauts du libre-échange : « L’ouverture des marchés n’est pas socialement neutre. Elle crée des perdants qui sont souvent les travailleurs non qualifiés des secteurs à faible valeur ajoutée. Au sein même des gagnants, la répartition des gains de la mondialisation demeure très inégale. Les multinationales en profitent plus que les petites entreprises et les actionnaires bien davantage que les salariés. »

Mais ces défauts sont pour lui quantité négligeable. Pourquoi ? Parce que Zaki Laïdi  est dans la secte des croissancistes : « Plus le commerce mondial se développe, plus la croissance mondiale s’intensifie. » Parce que Zaki Laïdi  ignore la question sociale alors que nos salariés sont en concurrence avec des quasi-esclaves ou parfois des enfants. Parce que Zaki Laïdi ne voit pas que la concurrence est injuste et faussée. En Chine ont fait 12 heures par jour quand on n’en fait pas 8 en Europe. En Corée on a honte de prendre 15 jours de congés par an. Parce que Zaki Laïdi  ignore le monde dans lequel nous vivons. Certains peuvent renouveler leur Ipad quand d’autres n’ont même pas du maïs pour se nourrir. Et tout cela parce qu’on a voulu échanger des Ipad contre du maïs (Ricardo disait « du drap contre du porto »).

La démondialisation est au programme d’Arnaud Montebourg. Face à l’absurdité de la mondialisation, le retour au protectionnisme semble nécessaire. D’ailleurs  Zaki Laïdi défend la taxe carbone sur les produits nationaux ou importés !?

LeMonde du 30 juin 2011, Absurde démondialisation

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l’échec prévisible du Brésil agricole

La ferme qui nous nourrit doit être à notre porte, ce n’est pas durable autrement. Pourtant le Brésil est présenté par LeMonde* comme la nouvelle ferme du monde. L’article est dithyrambique, le Brésil « puissance agro-exportatrice, performances agricoles impressionnantes, vastes exploitations à double récole… ». Rien n’y manque, même pas le panégyrique de la mécanisation poussée, de l’élevage intensif et des transgéniques.

Non seulement l’agriculture d’exportation se fait au détriment de la culture vivrière, mais elle pousse à l’exode rural et à la paupérisation. De plus l’exportation de produits agricoles veut dire exportation d’une partie des qualités du sol. Or le maintien de la fécondité de la terre est la condition essentielle d’un système d’agriculture durable. Le cycle de la vie consiste en deux processus, croissance et décomposition, l’une étant la contrepartie de l’autre. Au cours du processus normal des récoltes, la fertilité diminue constamment : sa reconstitution continuelle est donc absolument indispensable. L’exportation des matières premières agricoles vers les usines à viande de l’Occident appauvrissent la fertilité des sols brésiliens d’autant plus vite qu’il faut y ajouter la production brésilienne pour les agrocarburants.

Comme le disait déjà en 1940 Sir Albert Howard dans son Testament agricole, « Le sol est le capital des nations, capital durable et indépendant de toutes les influences. Le maintien de la fertilité est essentiel pour l’utilisation et la protection de cette importante propriété… Il s’agit d’amener le plus possible de communautés disposant d’une terre suffisante à produire elles-mêmes leurs propres légumes, leurs fruits, le blé et la viande ».

* LeMonde du22 juin 2011, Déjà au premier rang pour le sucre, le café et le jus d’orange, le brésil pourrait devenir le premier pays producteur mondial d’ici dix ans

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