démographie

Neuf milliards d’êtres humains en 2050 ? Pas si sûr !

Le livre de Pablo Servigne « Comment tout peut s’effondrer* » (avec Raphaël Stevens) avait été précédé de la réalisation d’un chapitre du livre « Moins nombreux, plus heureux** ». Voici quelques extraits de son texte « 9 milliards en 2050 ? Pas si sûr »

Si aucune politique de contrôle de la natalité n’est mise en place rapidement, combien serons-nous en 2050 ? Vous connaissez sûrement la réponse, elle est sur toutes les lèvres et s’invite à tous les débats : 9 milliards selon l’ONU. Pour les agronomes, ce chiffre est la justification ultime qu’il faut continuer à intensifier l’agriculture. Pour les politiciens et les urbanistes, c’est l’argument-massue pour commander la construction d’aménagements et d’infrastructures gigantesques. Pour les économistes, c’est l’espoir d’une croissance sans cesse renouvelée. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce chiffre de 9 milliards est issu d’un modèle de prévision démographique basé sur des hypothèses déconnectées du réel, pour ne pas dire farfelues. Nous verrons que les prévisions changent radicalement si l’on revient sur terre…

Comment se créé la richesse ? Comment fonctionne l’économie ? Grâce à l’énergie qu’on y injecte. Des chercheurs étasuniens ont montré qu’il y a une corrélation étroite entre le taux de croissance d’une population humaine et sa consommation énergétique : plus on consomme d’énergie, plus la population ne cesse de croître. Les chercheurs se sont amusés à calculer la puissance qu’il faudrait consommer (par personne) pour que la population se stabilise selon les prévisions de l’ONU. L’extrapolation donne, à condition d’une égale répartition, 13 kW par personne ! Soit une puissance qui n’est disponible qu’à de très hauts niveaux d’exploitation industrielle. Or, la terre ne dispose pas d’une telle quantité d’énergie. La terre ne pourrait pas offrir à l’humanité un confort matériel qui lui permette de stabiliser sa population. Autrement dit, il n’y aurait pas assez d’énergie pour amorcer une transition démographique dans tous les pays. L’ONU se base sur l’hypothèse d’une disponibilité infinie en énergie et en matières premières. Mais, dans le vrai monde, la terre est finie et ses ressources limitées. Au moindre choc l’équilibre instable est rompu et toutes les prévisions de l’ONU deviennent instantanément fausses.

Le modèle World3 de l’équipe Meadows (aussi appelé Rapport au Club de Rome) avait modélisé en 1972 qu’un « effondrement incontrôlé » de la population mondiale surviendrait très probablement au cours du 21ième siècle. Selon le scénario « standard », celui où rien n’est fait pour modifier la trajectoire de la société, l’effondrement de la population s’amorcerait aux alentours de 2030, quelques années après un effondrement de l’économie. Or, les données réelles montrent que c’est précisément ce dernier scénario que nous avons suivi depuis 40 ans. L’effondrement n’est pas encore arrivé, mais il ne peut être évité simplement en découvrant une nouvelle source d’énergie miraculeuse ou en développant des technologies vertes. Tout est étroitement lié : population, production, énergie, pollution, rendements agricoles. On ne peut changer la trajectoire du monde qu’en agissant sur tous les paramètres en même temps !

Moins d’énergie, moins d’humains. Voilà le principe de base des futurs calculs démographiques post-effondrement. La question d’un contrôle de la natalité est toujours urgente. Si elle n’est pas traitée, alors se posera très rapidement la question de la mortalité « incontrôlée ».

* Comment tout peut s’effondrer (Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes)
** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)

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Le durcissement australien en matière d’immigration

Les guerres du climat avec ses innombrables réfugiés n’a pas encore véritablement commencées que les immigrés arrivent déjà en masse. Harald Welzer dans son livre* a bien décrit le phénomène : « Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre compte : c’est le phénomène des shifting baselines. »

En tant que membre d’une société dont les normes changent, on ne remarque pas que ses propres normes sont soumises à ce changement, parce qu’on se maintient constamment en accord avec ceux qui vous entourent. On peut parler à ce propos de shifting baselines ou de lignes de références fluctuantes. L’Australie est un bon exemple de ce durcissement en matière d’immigration. Le gouvernement conservateur de Tony Abbott se vante qu’aucun migrant n’ait péri en mer en 2014 et en 2015 : « Pas question, vous ne serez pas chez vous en Australie ». Les migrants arrêtés en mer ont le choix entre retourner dans leur pays d’origine ou être transférés en centre de détention offshore, c’est-à-dire hors du territoire dans des pays partenaires. Là, ils sont retenus indéfiniment le temps que leur dossier de demande d’asile soit étudié. Mais même en cas d’autorisation, ils ne fouleront pas le sol australien. Ils seront au mieux autorisés à s’installer dans ce pays « partenaire ». Canberra met en avant sa volonté de mettre fin au trafic des passeurs. L’opposition travailliste en revanche se fait plus silencieuse : alors qu’elle était encore au pouvoir en 2012, elle s’était elle-même résignée à rouvrir ces camps de détention utilisés entre 2001 et 2007 par le précédent gouvernement conservateur**.

Les commentaires des Internautes montre que l’action des gouvernants est à l’image de la perception « shifting baselines » des citoyens :
Pragmatique : Finalement c’est décidé dans cet article : la Méthode Australienne est mauvaise, elle coûte très cher et ne satisfait même pas Amnesty Internationale. La Méthode européenne repose sur la noyade économiquement avantageuse qui n’entrave pas les Libertés individuelles et de ce fait est parfaitement Amnesty-compatible. Bref tout le monde est content et on ne change surtout rien.
Gros Pierre : Sans doute conviendrait-il d’accueillir les réfugiés dont la vie est menacée – notamment les chrétiens d’orient et les gens qualifiés -… Pour les autres ? Hélas, comme le disait un socialiste en son temps, la France ne peut pas accueillir toutes les misères du monde. Et nous n’avons surtout pas besoin de gens qui jettent les autres à la mer pour des motifs religieux. Oublions donc les arguties juridiques. C’est l’avenir des prochaines générations qui est en jeu. Prenons exemple sur l’Australie.
Un détail : vous tronquez la phrase de M. Rocard: « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. » ce qui change un tout petit peu le sens. Donc en gros vous voulez vous asseoir sur les droits de l’homme pour protéger votre petit monde de chrétien bien propre? charmant.
@ : L’Australie serait donc « en guerre » contre ses migrants… Imagine-t-on une déclaration semblable en Europe ? Qui oserait la formuler, alors qu’à l’évidence tout le monde l’a en tête ? Nous pensons en termes d’asile et de refuge, mais s’il s’agissait d’invasion ? Ne fait-on pas en effet la guerre aux invasions ? L’arme de l’ennemi n’est-elle pas ici la compassion, subtile et perverse ? Les nations européennes ne seront-elles pas bientôt elles-mêmes des boat-people à la dérive?
+ 1 : Les résultats sont là et incontestables. L’Australie protège mieux ses ressortissants que L’Europe naïve et indécise.
si nos gouvernements ne mettent pas en place ces méthodes, les gens finiront par mettre au pouvoir le FN… l’Europe a le droit de conserver son identité!
Paul : Si nos gouvernements ne mettent pas en place ces méthodes, les gens finiront par mettre au pouvoir le FN… l’Europe a le droit de conserver son identité !
Rougefluo : La solution australienne est une solution, la moins mauvaise, sans mort. Nous faisons les fins de mois de la Tunisie, devenir un territoire d’accueil est à négocier lors du prochain prêt. Quand à l’accueil des migrants en Europe, comme tous les démocrates, j’attends que l’on me fasse voter sur la question.
Parisette : La Libye de Kadhafi nous servait de chien de garde. Il faut favoriser l’émergence d’un pouvoir à Tripoli qui jouera le rôle de la Papouasie. En attendant un contrôle des cotes libyennes ne serait pas d’un coût exorbitant.
Didier Debeque : Mais pourquoi ne pas aller protéger militairement les réfugiés sur place, avant qu’ils ne quittent leurs pays ? Voire intervenir contre les assaillants reconnus comme tels ? Les hommes valent-ils moins que les puits de pétrole ? C’est simpliste mais ce serait s’attaquer au véritable problème plutôt que de culpabiliser sur notre incapacité, réelle ou non, à les accueillir.
Poti : A l’exception des Aborigènes, d’où viennent les « Australiens »? comment sont-ils arrivés sur le sol australien? Et qu’ont fait les « Australiens » en arrivant en Australie de la population qui occupait le continent ?
Frédéric Lagarce : Les australiens étaient des migrants quand ils sont arrivés sur cette terre, ils ont chassé et tué les aborigènes pour s’installer. Ils fuyaient leur pays d’origine pour tenter l’aventure, tout comme ces autres hommes qu’ils repoussent aujourd’hui.

* Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)
** Le Monde.fr, L’Australie évite les naufrages de migrants, mais à quel prix ?
http://lemonde.fr/les-decodeurs/reactions/2015/04/21/l-australie-evite-les-naufrages-de-migrants-a-coup-de-millions-et-de-camps-offshore_4620026_4355770.html

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Collapsologie : l’effondrement démographique prévisible

Quelques extraits d’un livre* qui mérite d’être acheté, lu et soutenu par tous les écologistes…
« On ne saurait discuter l’effondrement sans aborder la question démographique. Le problème, c’est qu’il n’est pas possible de discuter sereinement de démographie. C’est un sujet absolument tabou et rares sont ceux qui osent aborder la question publiquement** sans craindre de voir immédiatement arriver un point Godwin (un moment où toute discussion devient impossible parce que l’une des personnes traite l’autre de nazi). En démographie, ce seuil est d’une autre nature, mais il est toujours le même : « Vous voulez faire comme en Chine, c’est ça ? » …

Pour l’équipe Meadows, qui a développé au MIT un modèle ancré au système Terre, l’instabilité de notre civilisation industrielle mène à un déclin « irréversible et incontrôlé » de la population humaine à partir de 2030… Pour les malthusiens, la puissance technique et l’inventivité humaine ont des limites, et nous arrivons à un moment où il devient difficile, pour ne pas dire impossible, de continuer la trajectoire de croissance continue que nous avons empruntée depuis le début de la modernité… A chaque poussée démographique, l’étau des limites du milieu se resserre, ce qui stimule l’innovation et permet de repousser artificiellement les premières limites physiques. Mais il arrive un moment où la civilisation se heurte à tant de limites (le climat, les ressources, la complexité et la politique) qu’elle bascule brutalement dans un monde malthusien…

Les pronostics démographiques de certains collapsologues, basés essentiellement sur des calculs à la grosse louche, vont bon train. On croise des chiffres allant de quelques millions à 1 ou 2 milliards d’habitants sur Terre en 2100… Pour Vaclav Smil, chercheur spécialiste des liens entre énergie, environnement et population, sans les engrais qui ont permis à l’agriculture industrielle de produire beaucoup, deux personnes sur cinq ne seraient pas en vie aujourd’hui dans le monde… L’impact d’une population sur son milieu dépend de trois facteurs : sa population P, son niveau de vie A et son niveau technique T. D’où I = PAT. Mais ne compter que sur une diminution des deux derniers termes (réduction du niveau de consommation et amélioration de l’efficacité technique) est loin d’être suffisant pour infléchir sérieusement notre trajectoire exponentielle. Non seulement nous n’y sommes jamais arrivés (entre autres raisons à cause de l’effet rebond et du phénomène de consommation ostentatoire), mais tous ces efforts seraient vains si le premier terme P continue d’augmenter…

Or, si nous ne pouvons aujourd’hui envisager de décider collectivement qui va naître (et combien), pourrons-nous dans quelques années envisager sereinement de décider qui va mourir (et comment) ? »

* Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne & Raphaël Stevens
Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes
Edition du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros
** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie). M.Sourrouille (coord.). Sang de la Terre, 2014

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l’enfermement planétaire, tout l’espace est déjà occupé

Aucune terre n’est libre d’hommes depuis très longtemps. Cependant Thomas More, en 1516, croyait pouvoir encore écrire dans son livre: « Quand il y a dans une ville plus de monde qu’elle ne peut et qu’elle ne doit en contenir, l’excédent comble les vides des cités moins peuplées. Enfin, si l’Ile entière se trouvait surchargée d’habitants, une émigration générale serait décrétée. Les émigrants iraient fonder une colonie dans le plus proche continent, ou les indigènes ont plus de terrain qu’ils n’en cultivent » Sur ce point, Malthus était à la fin du XVIIIe siècle bien plus perspicace : « On ne peut lire le récit de la conquête du Mexique et du Pérou sans être frappé de cette triste pensée, que la race des peuples détruits était supérieure, en vertu aussi bien qu’en nombre, à celle du peuple destructeur. » (…) « Si l’Amérique continue à croître en population, les indigènes seront toujours plus repoussés dans l’intérieur des terres, jusqu’à ce qu’enfin leur race vienne à s’éteindre. »

L’immigré est aussi un émigré. Malthus avait une approche judicieuse de la mobilité géographique : « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. » Au niveau d´un pays, l´émigration peut constituer pour l´individu un espoir de survie, remédier temporairement au problème du chômage. Cela permet aussi politiquement d´amoindrir l´effet « cocotte minute » qui peut se produire lorsque le mécontentement citoyen atteint son paroxysme : l’émigration peut servir de soupape de sécurité. L´émigration constitue une tactique politique pour exporter le mécontentement vers l´extérieur tout en attendant les retombées financières des migrants. Mais la démographie du pays peut continuer à galoper, les problèmes ne sont pas résolus. Libéraliser l´immigration (l’émigration) n´est pas une stratégie durable… Par contre, si la population sur un territoire délimité commence à excéder les possibilités du milieu sans qu’on puisse émigrer, c’est là une forte incitation à décider collectivement de la régulation des naissances. C’est une mise sous pression des politiques, qui pousse les autorités à prendre des mesures conséquentes – à être démographiquement responsable -. Empêcher les mouvements migratoires semble une approche adaptée politiquement si on veut agir pour un avenir durable.

Comme l’exprime André Lebeau, « Le découpage de l’espace terrestre en territoires nationaux est achevé. A l’enfermement planétaire qui pèse sur l’humanité s’ajoute un confinement territorial qui fait de la notion d’expansion un synonyme de guerre de conquête. » D’autre part l’ouverture des frontières ne réglerait pas le financement des retraites par répartition, rappelait Jean-Christophe Dumont, chargé de la division des migrations à l’OCDE. Car ce qui compte, c’est moins le nombre de migrants que « le ratio entre cotisants et pensionnés ». Pousser à de nouveaux arrivants sur le marché du travail ne dit pas s’il y aura ou non dans le futur suffisamment d’emplois, si l’actif ne sera pas chômeur, donc classé lui aussi dans la population à charge. Et puis c’est un cercle vicieux : accroître la population (par la natalité ou par l’immigration), c’est accroître le nombre futur de retraités, donc vouloir encore plus d’expansion démographique dans l’avenir ! Il y a bien d’autres solutions au problème des retraites que la pullulation humaine et l’immigration. Enfin le problème de l’immigration, c’est qu’elle a aussi des coûts sociaux, une montée des sentiments anti-immigrés.
(Extraits du livre coordonné par Michel Sourrouille)
Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)
livre à acheter chez votre libraire local ou (à la rigueur) dans une librairie en ligne : Amazon ; Decitre ; FNAC

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La mobilité géographique, un mythe contemporain

Contrairement à la conception commune selon laquelle la mobilité est une constante de la société humaine, nous constatons historiquement qu’il n’y a jamais eu libre circulation des personnes. Partout dans le monde ancien, les peuples donnaient un caractère sacré aux portes de leur territoire, village ou ville : aller au-delà impliquait toutes sortes de précaution. Même le roi de Sparte s’arrêtait à la frontière de la Cité pour y effectuer des sacrifices ; à l’extérieur était le domaine de l’étranger et du combat. Jusqu’au XVIIIe siècle, seule une minorité de personnes se déplaçait : les soldats, les marchands, les aventuriers et les brigands. La masse de la population était peu mobile et le vagabondage proscrit ; on naissait, vivait et mourait dans le même village. Les frontières nationales érigées au XIXe siècle n’ont fait qu’actualiser cette constante humaine, la délimitation d’une appartenance territoriale. Mais le niveau de surpopulation de certains territoires est en lien étroit avec les migrations qui servent d’exutoire. Depuis la colonisation, la mobilité géographique devient une nécessité. Aujourd’hui, ce n’est plus quelques conquistadors qui s’aventurent au-delà de mers, ce sont des peuples tout entier. Le dernier rapport de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) indique que la mobilité humaine est sans précédent. Nous cumulons 214 millions de migrants internationaux et près de 1 milliard en comptant les migrations internes (ONU, 2012). Cela s’accompagne de perception anxiogène et d’image négative des migrants, de manifestation de xénophobie et d’attitudes discriminatoires, d’une percée électorale de l’extrême droite et des partis nationalistes. Nous sommes dans une sorte de spirale infernale avec des manifestations de peur, de rejet et de violences un peu partout dans le monde.

Fin septembre 2006, le sénat américain a fini par approuver l’installation d’une clôture de 1123 km le long de la frontière du Mexique. En 2005 a été créée par l’Europe une « Agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne ». L’agence s’appelle désormais Frontex. Son budget, doté à sa naissance 6,3 millions d’euros, a été multiplié par quinze en cinq ans. Un règlement du 26 avril 2007 a prévu la mise sur pied d’équipes d’intervention rapide aux frontières, Rapid Border Intervention Teams, RABITs. Les Européens s’efforcent aussi d’arrêter les immigrants avant même qu’ils n’arrivent aux frontières de leur territoire. La puissance politique et économique de l’Union Européenne est employée pour faire de pays comme le Maroc ou la Libye des partenaires coopérant à la délocalisation de la violence, une sorte de déculpabilisation technique en somme.

En France, le nouveau projet de loi sur l’immigration débattu à l’Assemblée nationale à partir du 28 septembre 2011 renforçait les facilités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. FN et Droite populaire mettent en avant une politique de codéveloppement pour inciter les populations candidates à l’immigration à rester dans leur pays d’origine. Côté UMP, on parle d’un « plan Marshall du codéveloppement en jumelant chaque nation européenne à tous les pays de bonne gouvernance ». Côté FN, on veut « prendre l’initiative d’organiser régulièrement une conférence euro-africaine réunissant les pays concernés afin de déterminer les besoins et de mettre en œuvre les moyens destinés à fixer les populations dans leurs pays d’origine » Restez chez vous est le mot d’ordre de la droite plus ou moins extrême. Ce raidissement nationaliste contamine la gauche et les socialistes français commencent à se remettre en question. Le flou doctrinal succède à l’indignation contre toute mesure anti-immigrée, le pragmatisme l’emporte sur l’humanisme. C’est en 1981, sous François Mitterrand, qu’avait été légalisée et organisée la rétention administrative. C’est Paul Quilès, en tant que ministre de l’intérieur, qui avait fait passer dans la loi en 1992 le système des zones d’attente. Le rapport sur l’immigration préparé en 2004 par Malek Boutih, alors secrétaire national aux questions de société, n’a jamais été rendu public ; il proposait une politique de l’immigration rigoureuse, avec quotas, suppression de la bi-nationalité, nouvelle législation sur le titre de séjour : « Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration. » Reniement de la part d’un ancien président de Sos-Racisme ? En fait Malek Boutih mettait en évidence le fait que, sans organisation de l’immigration, les phénomènes de discrimination s’enracinent dans la population. A la question « Faut-il régulariser massivement les sans-papiers ? », tous les candidats à la primaire socialiste du 9 octobre 2011 étaient « contre » et défendaient le « cas par cas » avec seulement quelques nuances : normes de « vie de famille », de travail et d’années de présence ou preuves d’« intégration », comme la maîtrise du français jusqu’aux « reconduites à la frontière ».
(Extraits du chapitre rédigé par Michel Sourrouille)
Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)

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Mourir dans la dignité, un débat qui n’en finit pas

Editorial du « Monde »* : « Mourir dans la dignité… C’est ce difficile débat que les députés vont engager à l’Assemblée nationale, mardi 10 mars… Des médecins, mais aussi les responsables des trois grandes religions redoutent que le droit à la sédation en phase terminale constitue un pas de plus sur la voie, inacceptable à leurs yeux, de l’euthanasie… Le texte qui vient en discussion fait preuve d’une salutaire sagesse… Résultant d’un processus de concertation minutieux – mission confiée au professeur Didier Sicard, réflexion demandée au Comité consultatif national d’éthique, consultation d’un panel de citoyens –, il renforce le droit des patients… »

Sur le monde.fr, les commentateurs sont cinglants par rapport à cet éditorial bâclé :
Dominique Durin : Cet éditorial est un naufrage moral pour un journal dont on attendrait plus de courage. La France gâche ses chances de permettre à ses citoyens de conserver dignité et intégrité morale dans les circonstances les plus douloureuses. Les éditorialistes ont choisi d’écouter les représentants des trois « grandes religions » plutôt que les paroles lumineuses de Fabienne Bidaux, plutôt que la leçon qui elle était vraiment pleine de sagesse de « Quelques heures de printemps ».
Claude DOUCET : Je ne sais pas ce que signifie une « sagesse salutaire » sinon une volonté de ne pas décider. On risque une fois de plus de laisser les soignants, les familles et surtout les souffrants sans solution. On va mettre tout le monde devant un écran pour que chacun puisse voir par technologie interposée toutes les formes d’agonie. Certaines familles vont y voir la loi de Dieu et y assisteront par conviction. Mais le futur mort aura des raisons solides de tous les détester ici et maintenant.
Jean-François Profizi : Editorial hypocrite au nom d’une prétendue sagesse. Tous les sondages donnent 95 % de gens favorables au droit de mourir pour ceux qui le souhaitent (pas pour les autres, ils ont le droit de s’accrocher à ce qu’ils appellent la vie !) : aucun sujet ne suscite un tel consensus. On choisit de donner à une petite minorité un insupportable droit de veto. On aurait pu, au moins, supprimer du Code pénal la punition de l’aide (même sous forme de conseil ) apportée à une personne qui veut se suicider.
J.J. De Rette : Cet édito est une calamité malhonnête, il fait par exemple croire que la loi reprend les préconisations du professeur Didier Sicard ou des consultations citoyennes toutes adeptes d’une exception d’euthanasie totalement absente de la loi.
philippe SOPENA : Mieux vaut lire les textes avant d’éditorialiser. Contrairement à ce qu’écrit Le Monde la « sédation profonde » se limite aux seuls cas où le pronostic vital est engagé à court terme. Ce n’est donc pas le droit du malade de choisir, s’il le souhaite, une « fin de vie digne » mais simplement une «agonie » moins inconfortable et moins longue. Les Députés devront dire si « court terme » cela signifie 1 jour? 2 jours? 1 semaine? ou plus? On est loin de l’engagement de F.HOLLANDE (proposition 21).
Anna : Lamentable éditorial célébrant la lâcheté du gouvernement. C’est bien sur cette promesse 21 que les électeurs attendaient Hollande. Au lieu de célébrer cette reculade, l’éditorialiste devrait plutôt blâmer que la mort désirée par l’individu, seul à même de juger s’il veut, étant malade, continuer ou non sa vie (on n’oblige pas les autres!) sera permise aux plus riches qui iront en Belgique ou en Suisse, et que les sans-dents attendront comme d’habitude, exactement comme pour l’avortement jadis!
Françoise : Cet éditorial me semble consternant ! Où est la sagesse ??? Je pense plutôt qu’il s’agit ici de ne pas heurter les sensibilités religieuses et les autorités des différentes religions qui se sont toutes retrouvées, unies, pour faire barrage à toute avancée dans le domaine de la fin de vie.
PE SANTAMARIA : En quoi les représentants des trois grands religions sont ils concernés ?? Les religions inventées il y a 5 000 ou 2 000 ou il y a 1 400 ans sont le reflet de civilisations anciennes !! On est aujourd’hui et maintenant !!
Patrick RABAIN : Un sujet difficile, des décisions à prendre irréversibles, et donc il faut calmement des évolutions minuscules tous les dix ans. Ceux qui veulent faire la révolution attendront.
J.J. De Rette : Ils auraient dû faire pareil pour l’avortement, on aurait commencé par autoriser la suppression des pieds et on serait remonté petit à petit. À cette heure nous en serions au nombril, mais serein hein, serein.
Hannibal : Je crains que beaucoup de cette réflexion sur la mort ne soit horriblement faussée par le fait que la plupart des vivants qui s’y livrent ont peur justement de mourir. Comment rester relax avec pareil handicap? La mort c’est surtout la vie de ceux qui restent qui est considérée comme principal critère. Un tel débat devient la lutte des égoïsmes survivants. C’est scandaleux. Et comment qu’il s’en moque, de la mort, le mort.
Claude STENGER : Ainsi, même sur cet engagement que nul environnement international défavorable, nulle conjoncture économique ne rendaient difficile à mettre en oeuvre, en faveur duquel l’opinion publique s’est régulièrement prononcée, le PS aura fait plus de déçus que de satisfaits. Et on sait que sur cette question, ce n’est ni de l’UMP ni du FN qu’il faudra attendre mieux. Merci à nos voisins belges et suisses d’être plus civilisés que nous !
Roland Douhard : Vu de Belgique, la législation française n’est pas à la hauteur d’un Etat laïque. Ma soeur, Andrée, livrée à une souffrance sans nom, due à un cancer qui la condamnait à une mort certaine, a choisi, le 10 juin 2011, au CHU de Liège, d’être euthanasiée. Nous étions là, à ses côtés, et nous l’avons entourée de notre amour jusqu’au bout. Grâce à la loi belge, face à la maladie, elle est partie dignement, comme elle le voulait, et a pu triompher d’elle en exerçant son libre arbitre.

* LE MONDE du 11 mars 2015, Loi sur la fin de vie : une sagesse salutaire
http://lemonde.fr/idees/reactions/2015/03/10/loi-sur-la-fin-de-vie-une-sagesse-salutaire_4590614_3232.html

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Une mort digne d’être vécue n’est pas chose impossible

Mourir en paix, les avis sont contradictoires. Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique « médicale », appelle à « protéger les plus faibles plutôt que de faciliter leur disparition ». Véronique Fournier, qui dirige le Centre d’éthique « clinique », se demande comment on peut aider une personne à mourir quand il apparaît que c’est le moment qu’elle meure. La situation créée par la médecine en général et pas la médecine palliative en particulier n’est pas simple. Avec la loi Leonetti, il y a moins d’acharnement thérapeutique, le malade est sédaté, il ne semble pas souffrir… mais il ne meurt pas. Ou du moins il n’en finit pas de mourir. Grâce à ses progrès, la médecine a brouillé les frontières entre la vie et la mort. Elle est devenue si efficace que, bien souvent, on meurt trop tard. Plus notre technoscience médicale progresse et nous permet de devenir plus vieux, plus on fabrique aussi de la dépendance. Dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) la mort, dans un environnement très protégé, peut mettre des années et des années avant de survenir. Véronique Fournier pose les questions de fond : « Faut-il continuer de soigner intensément les personnes âgées pour la moindre surinfection bronchique ? A quel moment déclenche-t-on la toute fin de vie pour ces personnes ? Et qui en décide ? »*

Véronique Fournier a écrit un livre dont le titre est révélateur, Puisqu’il faut bien mourir (à paraître en mai prochain). Son diagnostic est clair, nous sommes obligés de décider du moment où nous laissons la mort survenir. « Il est grand temps que la médecine assume l’intention de mort », dit-elle lors de son entretien avec la journaliste Catherine Vincent. « On peut mettre en place une perfusion qui va engendrer la mort en quelques jours ou plus, selon les souhaits du malade ou de ses proches. C’est cela que j’appelle l’euthanasie palliative. » Ce genre d’évolution vers le suicide assisté paraît inéluctable pour des raisons économiques. La fin de vie coûte très cher : prise en charge des personnes malades et handicapées, formation des soignants à l’accompagnement, soutien aux aidants familiaux, équité d’accès aux soins palliatifs sur le territoire national, développement du soin de fin de vie à domicile, etc. Dans un contexte d’inégalité des ressources des personnes en fin de vie et de difficultés financières de l’Etat, il faudra choisir : qui doit vivre et qui doit mourir ?

Ce questionnement va être de plus en plus crucial au fil des années pour des raisons écologiques. Dominique Bourg affirme que nous sommes en train de changer de planète. Il précise avec raison que la nouvelle planète sera beaucoup plus hostile. Les ressources vont manquer pour s’occuper dignement des vivants, à plus forte raison des mourants. De toute façon guerres, famines et épidémies ne font pas de distinction entre la vie digne d’être vécue et les morts prématurées. Pour réfléchir de façon collective à toutes les questions sur la fin de vie, vous pouvez adhérer à l’association pour le droit de mourir dans la dignité, ADMD .

* LE MONDE culture&idées du 7 mars 2015, « Il est temps que la médecine assume l’intention de mort »

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Un bébé de plus en France, une charge insupportable

Au 1er janvier 2011, la population française avec les départements d’outre-mer dépassait pour la première fois selon l’INSEE les 65 millions d’habitants. C’est dix millions d’habitants de plus qu’en 1981, et vingt millions de plus qu’en 1958. La France est-elle submergée par un afflux de population ? Raisonnons en termes annuels. En 2010, le solde naturel est estimé à 283 000 personnes et le solde migratoire à + 75 000 personnes, soit 358 000 personnes au total. C’est assez abstrait, mais cela fait déjà beaucoup. Comment en prendre conscience ?

Prenons l’empreinte écologique, c’est-à-dire la superficie biologiquement productive nécessaire pour pourvoir aux besoins d’une population. En France, il fallait déjà 5,6 hectares par personne  (hectares globaux, hg) en 2006. Pour bientôt 400 000 personnes supplémentaires chaque année, la France a donc besoin de 2 240 000 hectares de plus, soit 22 400 kilomètres carrés, soit à peu près quatre départements. Où trouver 4 départements supplémentaires chaque année si on voulait vivre en autarcie ? De plus il faut prévoir de construire et aménager pour accueillir cet afflux démographique des maisons et immeubles, des routes, des bâtiments publics, cinémas, terrains de foot, grandes surfaces, magasins en tous genres, parkings, traitement des déchets… L’espace se ferme, les villages et petites villes ont vu leur surface multipliée par un facteur 2 à 10 durant les trente dernières années. Sans compter les 400 000 emplois supplémentaires à trouver pour accueil les adultes migrants aujourd’hui et le résultat du flux naturel dans vingt ans, quand le bébé nouveau cherchera un emploi. Notons que le chômage en France est structurel et touche déjà 3 500 000 chômeurs, sans compter les faux emplois. Il faudra aussi trouver beaucoup de kW électriques, des barils de pétrole, du gaz, des métaux, etc., sur une planète qui les fournira en quantité de plus en plus limitée. Notons que la biocapacité de la France n’est que de 3 hg. Il y a donc déjà déficit significatif (5,6 comparé à 3). Pourra-t-on encore longtemps dépendre du pillage du reste du monde pour sauvegarder notre niveau de vie ? Que se passera-t-il lorsqu’on ne pourra plus drainer des ressources d’autres régions de la planète ?

Il y a beaucoup d’intellectuels et de journalistes en France qui poussent des exclamations de joie devant les performances françaises en terme de fécondité. Que peuvent répondre ces personnes à l’analyse ci-dessus ? Ne soyons pas comme le Front national et les autres formations politiques, nataliste. Nous ne pouvons pas être de plus en plus nombreux en France si nous souhaitons mettre en place une société écologique et conviviale.

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La fécondité des Françaises est sur le mauvais chemin

LE MONDE est nataliste. Ainsi le contenu de cet article* que nous résumons : « Hantés par le spectre de la dépopulation, des experts venus de Corée et du Japon sont à la recherche de la recette magique qui fait de la France la championne d’Europe de la fécondité en affichant un indicateur conjoncturel de fécondité de 2,01. En effet le taux de natalité des Vingt-Huit s’est effondré, il est tombé à 1,58 enfant par femme. Les gouvernements français se comportent en « bons pères de famille », selon l’expression de Laurent Toulemon, démographe à l’INED. Dans les pays qui sont en pleine santé démographique comme la France, les femmes participent pleinement au marché du travail. Dans l’Hexagone, les politiques familiales sont généreuses : elles représentent plus de 3,5 % du produit intérieur brut. Aux avantages financiers (allocations familiales, réductions fiscales pour les parents) se sont ajoutées des structures d’accueil pour la petite enfance et des écoles maternelles. Lorsque les services d’accueil des tout-petits sont nombreux et accueillants, la natalité se porte bien. Aujourd’hui en France, un enfant sur deux de moins de 3 ans bénéficie d’une place dans un système d’accueil. »
Mais quand peut-on dire vraiment que « la natalité se porte bien ». La journaliste Anne Chemin ne se pose jamais cette question, pour elle la France est « en pleine santé démographique ». Pourquoi privilégier encore les familles nombreuses au détriment des familles nullipares ou avec enfant unique ? La France est passé de 39 millions d’habitants en 1944 à 65 millions aujourd’hui. Il faudrait s’interroger sur la capacité de charge du territoire français. Sans exploitation de l’ensemble des ressources de la planète, la France est-elle encore capable de fournir suffisamment d’énergie, de métaux et de nourriture pour 65 millions de personnes ? Les autres indices de surpeuplement sont nombreux : taux de chômage officiel, chômage caché, empilement dans des immeubles, embouteillages monstres, consommation d’anxiolytiques, accaparement des terres agricoles pour les commodités humaines, une densité par superficie agricole utile qui explose, perte de biodiversité, etc. Notre niveau de vie moyen, s’il était généralisé au monde entier, nécessiterait l’usage de plusieurs planètes… que nous n’avons pas !
La population française s’accroît encore au rythme annuel d’environ 0,5 %. Une baisse de la fécondité en France nous semble préférable, ce sont les autres pays d’Europe qui nous montrent la bonne voie, malthusienne. Albert Jacquard faisait remarquer qu’avec ce taux d’accroissement de 0,5 %, la population humaine, qui était d’environ 250 millions il y a deux mille ans, serait de 5000 milliards aujourd’hui. Si vous ne voulez pas de cette perspective, vous pouvez adhérer à l’association « Démographie responsable ».
* LE MONDE CULTURE ET IDEES du 24 janvier 2015, La fécondité « made in France »

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Le pape François est-il pour la régulation des naissance ?

« Certains croient, excusez-moi du terme, que pour être de bons catholiques, ils doivent être comme des lapins. » Ainsi s’exprimait le pape François devant des journalistes lors de son retour des Philippines le 19 janvier. Il ajoutait : « Il y a quelques mois en paroisse, j’ai reproché à une femme enceinte de son 8ème  après sept césariennes : ‘Vous voulez laisser orphelin sept enfants ? Cela est une irresponsabilité ». « (Cette femme) dit : ‘oui moi j’ai confiance en Dieu’. Mais Dieu te donne les moyens pour être responsable. » Mais le pape François ménage aussi la chèvre et le chou. Il s’est en effet inquiété de la dénatalité : « Je crois que le nombre de trois par famille est ce que disent les experts pour maintenir la population. (..) En Italie, j’ai entendu qu’en 2024 il n’y aura plus personne pour payer les retraités. On arrive dans l’autre extrême. » En définitive la doctrine de l’Eglise reste toujours omniprésente chez ce pape.

Le pape François dénonce le « néo-malthusianisme en cours », redit son opposition au contrôle « artificiel » des naissances (il maintient son opposition au préservatif et à l’avortement), recommande les méthodes naturelles de contrôle des naissances et la « parentalité responsable ». Nous ne reviendrons pas sur cet aspect des choses, nous l’avons déjà traité sur ce blog, le pape François a le même discours que Jean Paul II. Le livre de Marybeth Lorbiecki, « Dans les pas de Saint François d’Assise (l’appel de Jean-Paul II en faveur de l’écologie) » est explicite sur cette question de la parentalité responsable.

                Nous pensons que les discours du pape François témoignent globalement d’une orientation positive en faveur de l’écologie et de l’égalisation des conditions. Mais ce pape n’a aucune formation en matière de planning familial. Reprenons ces phrases dites au retour de Manille. Dieu ne donne pas les moyens d’être responsable en matière de fécondité, il n’y a rien dans la Bible et les Evangiles sur la question si ce n’est l’injonction de « croître et se multiplier ». Il ne faut pas trois enfants par famille pour maintenir la population, mais 2,1 enfants par femme dans les pays où la mortalité à la naissance n’est pas très importante. Son discours sur le paiement des retraites en 2024 sous-entend qu’il s’appuie sur le système de répartition (les actifs occupés payent pour les retraités). Mais faire des enfants pour payer les retraites plus tard constitue une fuite en avant qui ne dit rien du taux de chômage dans l’avenir, les chômeurs constituant aussi une population à charge. En fait toute régulation des naissances est artificielle, que ce soit le coïtus interruptus, le retard de l’âge au mariage, la chasteté prénuptiale, le stérilet, la pilule ou l’avortement. La débat sur l’artificialité est beaucoup plus complexe que ce qu’en dit le pape. Voir en annexe ci-dessous…

Sources d’information :

http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Le-pape-Francois-La-liberte-d-expression-doit-tenir-compte-de-la-realite-humaine-elle-doit-etre-prudente-eduquee-2015-01-19-1270061

– Le Monde.fr avec Reuters | 20 janvier 2015

annexe, pour en savoir plus sur ce blog :

8 octobre 2014, contradictions de la politique démographique de l’Eglise

30 septembre 2041, les méthodes dites naturelle de contraception

16 mai 2014, un stérilet pour toutes les femmes en âge de procréer

16 mai 2010, Liberté contraceptive ou planification

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Marie-Monique Robin, une malthusienne qui s’ignore

Marie-Monique Robin est une femme formidable dont les films comme Sacrée croissance ou bien Les moissons du futur et les livres comme Le Monde selon Monsanto ou encore Notre poison quotidien éveillent les consciences. Mais elle ne veut rien faire contre l’explosion démographique, elle croit que les problèmes de surpopulation se résoudront par enchantement. Voici ce qu’elle a déclaré à ce sujet lors d’une interview à 20 minutes*.

Romano: Pour parvenir à une transition écologique, énergétique, il faudra inévitablement se saisir de la question démographique un jour ou l’autre. Pourquoi pas un documentaire sur ce sujet très épineux?

« Dans mon livre j’aborde la question démographique qui est effectivement l’un des facteurs de la croissance. Mais je pense que l’explosion démographique que l’on connaît dans certains pays en Afrique ou en Asie est liée à la pauvreté. Si on donnait les moyens à ces pays de véritablement se développer dans l’intérêt de leur population, la question démographique se résoudrait d’elle-même, comme elle s’est résolue dans nos pays industrialisés grâce à l’éducation et un certain niveau de développement. »

Commentaire de Biosphere : En voulant ignorer en matière démographique que le monde est fini et déjà surexploité, Marie-Monique nous déçoit.Elle envisage sans le dire une « transition démographique » qui a certes abouti  à la baisse de fécondité dans les pays riches. Mais les conditions du développement sont aujourd’hui inaccessibles à la majorité des gens et favorisent pour le reste la surconsommation et le pillage de la planète.

Marie-Monique Robin croit encore au schéma dépassé de la baisse de fécondité qui résulte « automatiquement » du développement du pays. Elle devrait lire le diagnostic de l’agronome René Dumont, un spécialiste reconnu des pays pauvres. Il écrivait déjà en 1962 dans L’Afrique noire est mal partie : « Le nombre de gosses qui, étant resté plus de trois ou quatre ans sur les bancs de l’école, consentent à retourner à la terre est généralement infime. On remplit de jeunes désœuvrés les rues des villages, puis des bourgs ; bientôt ils atteignent les bidonvilles des capitales. Ce sont eux qui fournissent ces parasites sociaux, passant leur temps à écrire des demandes d’emploi dans toutes les administrations. D’autres préfèrent rejoindre le maquis… »

En 1949 dans Mes combats, il enfonce encore le clou : « Mal aiguillés par un système économique inadapté à leur situation, pillés par le libéralisme à l’échelle internationale, exploités par nombre de leurs dirigeants, la majorité des pays du tiers-monde se trouvent face à une explosion démographique catastrophique qui, si elle se prolongeait, leur enlèverait tout espoir. Au-delà d’une croissance démographique de 2 % par an, le progrès économique devient très difficile ; au-delà de 3 % – et c’est le cas de l’Afrique – le progrès devient improbable, pour ne pas dire impossible. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, voici un continent tout entier, l’Afrique, dont le niveau de vie diminue depuis bientôt vingt ans en temps de paix. Il est sans espoir d’en sortir tant qu’il ne se dégagera pas du piège démographique. Redire cela n’est pas sous-estimer les autres freins au développement – que je n’ai cessé de combattre – mais c’est souligner l’essentiel : les risques de famine généralisée dans le tiers-monde, nous le verrons augmenter chaque jour. »

Le continent africain va passer de 1 à 4 milliards d’habitants au cours du siècle… Parmi les multiples causes, on peut citer les problèmes culturels, l’islamisme nataliste, l’inertie des puissances occidentales pour soutenir le planning familial, la préférence pour le présent des populations, l’instabilité politique, les situations de guerre et de sous-alimentation… Toutes choses qui entretiennent l’explosion démographique. On ne naît pas malthusien, cela découle d’un apprentissage. Nous espérons que Marie-Monique Robin, au cours des ses pérégrinations internationales, accédera un jour à cette découverte : la transition écologique devrait être aussi malthusienne.

* ci-dessous l’intégrale de l’interview

Débat sur la croissance: «Il va falloir apprendre à partager les équipements comme les voitures, les machines à laver»

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7 260 000 000 habitants sur Terre, combien en trop ?

La population mondiale compte 7260000000 au 1er janvier 2015 quant à la seule espèce humaine (voir tableau*). Comme au 1er janvier 2014, les estimations donnaient 7,162 milliards, il s’agit donc d’une augmentation annuelle de près de 100 millions de personnes (1,37 % en taux de croissance annuelle) alors que la planète compte un milliard de mal nourris, des terres agricoles dégradées, des océans dévastés, des problèmes croissants d’approvisionnement en eau, en pétrole, en métaux, etc. Notons en plus qu’il ne s’agit là que d’une approche strictement anthropocentrée. Il faudrait aussi comptabiliser les territoires des autres espèces qui sont envahis par les humains, bétonnés, déforestés, aux populations autochtones éradiquées ou émasculées, enfermées dans des zoos. La biodiversité disparaît, et il est biologiquement impossible que l’espèce humaine puisse proliférer durablement au détriment de l’ensemble des autres formes du vivant. Il en va de la survie dans des conditions décentes.

La pullulation démographique humaine est, avec la surconsommation, un facteur de détérioration non seulement du tissu social mais aussi du tissu que forme la trame du vivant. Or toute évolution exponentielle non maîtrisée conduit inéluctablement à l’effondrement comme l’avait prévu dès 1972 le rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance. Il y a plus grave, la comparaison avec les effondrements de civilisation du passé (comme celui de l’empire romain) néglige une différence essentielle : jamais par le passé la Terre n’avait porté plus de 7000000000 d’humains (9 milliards dans les tuyaux, qui ne peuvent plus être déprogrammés autrement que via des catastrophes planétaires).

Moralité : alors que jadis l’effondrement d’un empire se traduisait par une dispersion des « effondrés » sur d’autres territoires de vie, celui qui se profile n’aura plus de terres d’exil en réserve, intactes et riches en ressources. Dans ce contexte, nous ne pouvons vous offrir nos vœux de bonne année 2015…

* Tableau de référence : population mondiale en millions d’habitants au 1er janvier 2015

  Sources

      Effectifs au 1.1.2015

INED

                    7.285        

 

US Census Bureau   

                    7.215

Population Reference Bureau

                    7.282

Poodwaddle

                    7.183

Population Matters

                    7.322

Population Mondiale.com

                    7.269

Ria Novosti

                       7.337

Terriens.com

                        7.212

Visio Météo / Géopopulation

                      7.207

Worldometers

                       7.285

Moyenne

                    7 260

Source : http://economiedurable.over-blog.com/article-la-population-mondiale-au-premier-janvier-2015-125282595.html

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Nous sommes vraiment foutus, Stephen Emmott confirme

LE MONDE du 28-29 novembre nous fait une analyse superficielle, comme d’habitude, « Optimistes contre professeurs du désespoir ». Nous conseillons à la journaliste Marie Charrel de lire Stephen Emmott :

 » Si nous voulons empêcher une catastrophe mondiale, nous devons sans délai opter pour une action radicale – et agir vraiment, cette fois. Mais je ne pense pas que nous soyons prêts à le faire. Je pense que nous sommes foutus. J’ai demandé à l’un des scientifiques les plus rationnels et les plus brillants que je connaisse – un jeune chercheur de mon labo, qui maîtrise bien ce domaine – ce qu’il ferait, lui, s’il avait une chose, une seule, à faire dans la situation où nous sommes. Sa réponse ?

« Apprendre à mon fils à se servir d’un fusil. » »

Ainsi se termine le livre* de Stephen Emmott « 10 milliards », qui vient de sortir en librairie. Ce n’est pas le discours d’un catastrophiste, mais d’un réaliste. Il dirige un vaste programme de recherche scientifique réunissant une équipe interdisciplinaire à Cambridge. Il parle d’un constat sévère : « La Terre abrite des millions d’espèces. Une seule a imposé sa domination : la nôtre. Notre intelligence, notre inventivité et nos activités sont à l’origine de tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui à l’échelle mondiale. Et chacun de ces problèmes s’accentue à mesure que la population mondiale s’approche des 10 milliards d’habitants. » Il déroule rapidement l’analyse commune à l’ensemble des écologistes, tous les indicateurs de la planète sont au rouge, avec une attention particulière à la démographie : « Seuls les idiots refuseraient d’admettre qu’il y a une limite au nombre de personnes que notre planète peut supporter. Mon avis est nous avons dépassé cette limite. Depuis longtemps. Mais je crois que nous allons continuer à faire comme si de rien n’était. » L’idée générale de Stephen Emmott ? « Tandis que notre population se rapproche des 10 milliards, nous pénétrons en territoire inconnu. Mais s’il est une chose prévisible, c’est que les choses vont s’aggraver encore… D’après les données nous nous disposons actuellement, la solution de la technologie est tout sauf probable. »

                Le problème, c’est que Stephen Emmott n’a pas grand chose à proposer face à la détérioration des conditions de la vie sur notre planète. Il pense qu’il nous faut de toute urgence consommer moins, radicalement moins. Il pense que pour opérer un changement d’attitude si radical, nous aurions besoin d’une action tout aussi radicale de la part des gouvernements. Or il avoue que sur ce point, les responsables politiques aujourd’hui font partie du problème, et non de la solution. Il constate que les résultats des différentes conférences internationales sur le climat, la lutte contre la désertification, la protection de la diversité biologique, le sommet « Rio + 20 »,  c’est zéro, encore et toujours zéro : « Et, pendant ce temps, nous nous enfonçons encore un peu plus dans le pétrin. » Faire pipi sous la douche ou utiliser deux feuilles de papier toilette plutôt que trois ne vont pas résoudre le problème. Même la contraception n’apparaît pas pour lui comme une solution viable pour des raisons politiques, culturelles et religieuses. D’où toujours la même antienne : « La gravité et la nature des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont immenses, sans précédent et très certainement sans solution. » Alors le recours au fusil ? « Ce n’est pas un hasard si un nouveau type d’acteur participe désormais à presque toutes les conférences scientifiques sur le changement climatique auxquelles j’assiste : l’armée. »

L’armée ou le chaos ? C’est possible. Ce que proposait un de ses collaborateurs (« Apprendre à mon fils à se servir d’un fusil » relève du survivalisme, d’un recours au fusil dans chaque famille et les communautés de base. Les Américains sont bien préparés à cette éventualité individualiste, sauf que cela signifie le droit de s’entretuer pour que les plus forts survivent. Il est fort probable que d’un bout à l’autre de la planète, nous utiliserons toutes les manières pour nous en sortir, entre  chacun pour soi et action concertée. L’essentiel est de nous préparer au pire pour garder le meilleur.

* 10 milliards, 210 pages, 12 euros (2014, éditions Fayard)

titre original 10 Billion (2013, Penguin)

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La xénophobie commence sur les terrains de foot

Xénophobie et racisme ne sont qu’une réaction normale en situation de stress : besoin de se retrouver en groupe, soudé contre l’adversité. Dans ce contexte, quoi de plus facile pour chercher une cohésion interne que de désigner un bouc émissaire : les AUTRES. Il y aura NOUS et il y aura EUX. Même une société qui se dit humaniste est pleine de ces petites haines fabriquées pour faire bloc. Cela commence par SON équipe de foot contre l’AUTRE, même s’il ne s’agit que d’un petit club et de ses plus jeunes footeux : faut gagner, faut les abattre, NOUS serons vainqueurs, vive NOUS… Cela se termine par la compétition exacerbée entre clubs, entre villes, entre pays. Cela aboutit parfois à une espèce de pogrom contre un joueur, un arbitre ou les supporters de l’AUTRE équipe. Pourtant quel est l’enjeu véritable quand il ne s’agit que de taper dans un ballon pour l’amener entre deux poteaux ? Aucun.

Le stress des vainqueurs/vaincus peut devenir une construction sociale. Certains manipulateurs profitent même politiquement de ce contexte. C’est en effet sur ce terrain psychologique que prolifèrent les tendances racistes, le rejet xénophobe, l’idéologie d’extrême droite. Le Front National en France a un potentiel terrible de supporters dans une société qui cultive la compétition et l’alterité tout en connaissant des difficultés de tous ordres, chômage, précarité, promiscuités. L’action de groupe permet de dépasser ses problèmes personnels pour les transcender en s’immergeant dans le groupe. On ne se contente plus de quelques matchs de foot pour exalter son rejet des autres, on se manifeste de plus en plus ouvertement par son langage et son vote.

Il y a un cercle vicieux entre progression du stress collectif et simplification de la réalité sociale en dualisme : il y a EUX, et donc il y a la possibilité du NOUS. Les crises socio-écologiques et financières qui se succèdent deviennent le terreau sur lequel prospère un peu partout dans le monde la montée de l’extrême droite. C’est ainsi que les hordes hitlériennes avaient autrefois déferlé sur une partie du globe. Le discours humaniste est démuni quand l’effet de groupe dévaste tout sur son passage. Bien avant que cela n’arrive, il faut raisonner collectivement en termes de coopération et non de compétition. L’équipe « adverse » dans un match de foot n’est qu’un simple partenaire de jeu. Au niveau social, le problème est bien plus complexe. Il faut mesurer la capacité de charge de chaque territoire pour garder une certaine cohérence entre le poids de la population humaine et son écosystème. Sauf à exacerber les tensions et à favoriser la montée de l’extrême droite, il faudrait sans doute concevoir la fin des migrations (y compris les hordes touristiques et l’agglutination urbanisée) dans un espace mondial clos et aujourd’hui saturé d’humains…

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Hollande, l’immigration et la saturation de l’espace

Lundi 15 décembre, premier discours du quinquennat sur l’immigration de François Hollande. Sous des apparences de gauche humaniste, toujours la même ambiguïté : « traiter avec fermeté l’immigration clandestine » d’un côté, « mieux accompagner l’immigration régulière » de l’autre. On ménage la chèvre et le choux.

Quels sont donc les fondamentaux à respecter en matière d’immigration ? Un chapitre du livre « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie » prévoit la fin des migrations sur une planète close et saturée : « Les écologistes devraient dire que l’immigration maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul de la natalité, cette pression pourrait s’y stabiliser sinon régresser. Ainsi il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par la croissance démographique et par les transferts de population. » Ce n’est pas seulement la quantité d’immigrés qui devrait être au centre des débats, la capacité de charge des territoires devrait être interrogée. La pression démographique (pas seulement migratoire), en France ou ailleurs, fragilise le tissu social : logements trop chers, allongement des distances entre domicile et travail, engorgement des infrastructures, déséquilibres divers entre les humains et leur milieu naturel. Alors le racisme et la xénophobie s’installent.

A trop favoriser les mouvement migratoires, on provoque ce qu’on avait voulu éviter. L’humanisme ne peut pas être hors sol, il dépend aussi des conditions matérielles d’existence d’un groupe social à un moment déterminé sur un territoires délimité.

Lisez sur notre blog les questions démographiques que tout le monde devrait se poser…
lire aussi Le Monde.fr du 14.12.2014, Hollande sur l’immigration : entre humanisme et crainte du laxisme

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Fin de vie, encore une mesurette de François Hollande

Deux parlementaires ont proposé que soit mise en place une sédation « profonde et continue » pour les malades en fin de vie et que les directives anticipées deviennent contraignantes. La proposition 21 de François Hollande approche de sa conclusion ! Réactions contre et contre :

– l’association pro-vie Alliance Vita : « pente glissante » ; « systématiser un droit à la sédation terminale, c’est prendre le risque de l’euthanasie déguisée » ; « les Français descendrons dans la rue s’il se confirme que l’interdit de tuer est remis en cause ».

– l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) : « La sédation, c’est un tout petit progrès, ce n’est pas la bonne solution. » ; « François Hollande nous a trahis ! Il est tombé dans le piège de la médicalisation ! Nous ne pouvons pas être sans réaction ! » ; « On ne veut pas mourir de faim et de soif » ; « Ils nous obligent à nous suicider par nos propres moyens, les plus cruels.» ; « Pour une loi de liberté dès maintenant ».

L’euthanasie n’est pas libérée, encore moins le suicide assisté. Voici quelques réaction intéressantes sur lemonde.fr* :

Pierce : On a deux positions difficiles à concilier, on propose un compromis, au lieu de voir le positif ce cette proposition, les deux parties vitupèrent que l’on n’a pas fait ce qu’elles voulaient. Et vous voulez réformer ce pays ? Sortez les fusils, ça va saigner…

MICHEL BOREL @ Pierce : Votre analyse convient tout à fait lorsqu’il s’agit de PARTAGER un quelconque gâteau (Fiscalité, coût de certains bien et services). Mais lorsqu’il s’agit d’accorder à ceux qui le souhaitent de nouveaux droits qui ne s’imposent pas à tous et n’empiètent pas sur la liberté d’autrui (Euthanasie, Mariage Homo) chacun est en droit de revendiquer le maximum pour son propre usage.
EMILIO ALBA : Contrairement à la GPA, l’euthanasie n’engage que celui qui la souhaite. Mais comme pour l’avortement, il y a ici aussi des opposants alors que personne ne les oblige à y recourir.

Uchronik451 : La médecine moderne médicalise l’humain de la naissance à la mort. Et elle refuse globalement de traiter les pbs qu’elle engendre. Permettons au moins à ceux qui veulent mourir le droit de décider pour eux-mêmes. A ceux que cela angoisse, je leur souhaite de ne jamais agoniser 3 ans à l’hôpital avec des tuyaux multicolores forçant à survivre. Il y a des douleurs que la morphine ne peut adoucir.

Anne Marie FONTENELLE : Pourquoi ne pas proposer aux anti euthanasie d’indiquer clairement sur leurs directives anticipées, qui devraient maintenant être contraignantes, qu’ils ne veulent en aucun cas que la médecine intervienne dans le processus « normal » de leur mort, laissant leurs maladies suivre leur cours jusqu’au bout ? Je suis pro euthanasie pour moi, mais au nom de l’ultime liberté à laquelle nous avons tous droit, veut laisser le choix à ceux qui ne sont pas d’accord. Qu’ils me laissent alors le mien.

ISABELLE MAGNIN : Ce n’est pas cette mesurette de « sédation » qui, rappelons le concernera uniquement les personnes en phase de fin de vie, et avec leur accord, qui remet en question toute latitude au corps médical de prendre telle ou telle décision.

Biosphere : N’attends pas ton Alzheimer qui t’empêcherait de rédiger ton testament de fin de vie : « Sain de corps et d’esprit, je déclare ce jour que je n’accepte pas les soins palliatifs qui ne serviraient qu’à me maintenir en vie et non à me réinsérer dans la société. Je déclare accepter par avance une euthanasie passive si la conscience morte de mon cerveau m’empêche de percevoir mon état de légume humain. J’exige le droit  à l’euthanasie active si j’estime en toute conscience que ma vie ne vaut plus la peine d’être prolongée. »

* Le Monde.fr | 12.12.2014, Partisans et adversaires de l’euthanasie mécontents des propositions Claeys-Leonetti

PS : Articles antérieurs sur ce blog

Acceptons la fin de vie, par nature notre lot commun ;

EHPAD, au royaume des mémoires mortes ;

Vincent Lambert, qui peut décider de sa fin de vie ;

Ariel  Sharon est mort-vivant, Pauwels vivant est mort ;

l’aide au suicide constitue un droit légitime… et écolo ;

aidons la nature avec la mort médicalement assistée ;

assistance au suicide et liberté humaine ;

ADMD versus Axel Kahn

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Ali Khamenei et Cécile Duflot, tous deux natalistes !

Sur lemonde.fr, les raisons de la mise en examen de Claire Thibout attirent d’innombrables commentaires. Mais la transformation probable de l’Iran en un immense désert… quelques isolés seulement. Pourtant l’article* est intéressant dans la mesure où il montre les interrelations entre agriculture, pouvoir politique et démographie. Le régime théocratique de l’Iran montre ses limites écologiques. A la suite de la révolution en 1979 et de l’avènement de la République islamique, l’Etat a permis le développement sans limite de l’agriculture pour s’attirer les bonnes grâces du peuple. Pour subvenir aux besoins des agriculteurs, barrages et digues ont été construits sans étude d’impact. En conséquence lacs et nappes phréatiques se vident ; le pays et Téhéran connaissent des problèmes d’eau. Car l’Etat subventionne la consommation d’eau : « Les chercheurs sont unanimes pour dire que la crise de l’eau s’est manifestée sous la présidence de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013). » Religion autoritaire et écologie scientifique ne font pas bon ménage.

                Cependant l’article ne montre pas suffisamment l’autre lien, entre autocratie et démographie. La population iranienne comptait 13 millions de personnes en 1933, 55 millions en 1988 et 78 millions aujourd’hui. Désastreux ! La révolution islamique de 1979 avait mis fin aux essais précédents de planning familial en prônant le mariage précoce et la famille nombreuse. L’âge légal du mariage a été abaissé à 9 ans pour les filles et à 12 ans pour les garçons. Scandaleux ! L’Ayatollah Khomeiny voulait renflouer les rangs des « soldats de l’Islam » pendant la guerre avec l’Irak (1980-1988) ; il lui fallait une armée de 20 millions de personnes. Insupportable ! Si le planning familial fut institué en 1989, en 2014 l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la révolution, a signé un décret incitant les Iraniennes à avoir des enfants afin de « renforcer l’identité nationale » et de combattre « les aspects néfastes du style de vie occidental ». La relance de la natalité était d’ailleurs prônée depuis plusieurs années par les milieux conservateurs. L’ancien président Mahmoud Ahmadinejad rêvait même d’un Iran de 120 millions d’habitants.

                L’anti-malthusianisme ne sévit pas qu’en Iran. En France, même les « écologistes » institutionnels sont natalistes. Dans une émission « Des paroles et des actes », notre démographie conquérante a été deux fois évoquée, par Jacques Attali… et par Cécile Duflot. Dans 15 ans nous serons plus nombreux que les allemands, cocorico. La verte Cécile Duflot fait un bon diagnostic sur la consommation exagérée de ressources, mais ne semble pas voir qu’une France de 80 millions consommera forcément plus d’espace/habitats et de ressources avec l’état actuel de nos modes de vie.

* LE MONDE du 7-8 décembre 2014, L’Iran menacé de devenir un immense désert

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Beaucoup trop d’immigrés, est-ce là un vrai problème ?

« Longtemps, le débat sur l’immigration a porté sur les aspects qualitatifs du phénomène : Faut-il privilégier la réunion des familles ou l’immigration choisie ? Les candidats diplômés ou la main-d’œuvre non qualifiée ? Choisir des quotas par profession ? Aujourd’hui, le curseur s’est déplacé : c’est la quantité d’immigrés qui est au centre du débat. Il y en a trop, tout simplement. » Ainsi s’exprime la journaliste Sylvie Kauffmann dans LE MONDE*. Peu importe l’impact, positif ou négatif, des immigrés sur l’emploi ou les aides sociale… car avec l’immigration  la densité de la population s’accroît notablement et c’est un inconvénient. Contre cette argumentation écologique, à savoir préserver en luttant contre le surnombre l’équilibre durable d’une population avec son territoire, Barack Obama veut permettre la régularisation de quelque 5 millions d’immigrés sans papiers : « Mes chers compatriotes, nous sommes et avons toujours été une nation d’immigrés. Nous aussi, nous avons, un jour, été étrangers. »

Sylvie Kauffmann conclut : « L’Europe, confrontée au plus large mouvement de population depuis la seconde guerre mondiale, doit aussi se forger une vision. Pas seulement quantitative. » Quels sont les arguments « qualitatifs » (donnés en début d’article par Sylvie), quelle réponse peut-on donner ?

En Suisse, le succès de l’industrie pharmaceutique ne serait pas ce qu’il est sans les cerveaux étrangers.

Commentaire : le brain drain ou transfert des cerveaux est un des mécanismes d’appauvrissement des pays pauvres qui subissent la captation de leurs élites intellectuelles sans parler des autres, la main d’œuvre non qualifié que pourra exploiter les entreprises du Nord, soit par l’appel aux immigrés, soit par la délocalisation.

En Suisse, les riches communes ne seraient pas aussi opulentes sans les impôts des milliardaires.

Commentaire : Prendre pour origine de la richesse les inégalités de revenus dans la société est un argument qui relève de l’idéologie libérale. La richesse des milliardaires n’est-elle pas souvent au contraire conséquence de l’exploitation des pauvres ?

L’Australie, et les Etats-Unis sont des nations et des économies bâties sur l’immigration.

Commentaire : Les Aborigènes d’Australie et les Indiens d’Amériques seraient certainement choqués par une telle phrase ; l’immigration anglo-saxonne a été un désastre pour les peuples autochtones. Barack Obama en régularisant massivement les sans papiers aujourd’hui fait un coup politique doublé sans doute d’un sentiment de compassion, mais il n’a pas encore compris que la fin des migrations est programmée sur un espace mondial clos et saturé d’humains.

C’est ce que veut démontrer un chapitre du livre « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie » : la fin des migrations sur une planète close et saturée. Comme l’écrivait René Monet : « Les écologistes devraient dire que l’immigration maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul de la natalité, cette pression pourrait s’y stabiliser sinon régresser. Ainsi il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par la croissance démographique et par les transferts de population. »

* LE MONDE du 30 novembre-1er décembre 2014, Immigration : la quantité au centre du débat

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David Cameron, Ecopop, démographie et écologie

La crispation sur les flux migratoires est significative des temps présents. Dans le même numéro du MONDE, David Cameron souhaite qu’un délai de plusieurs années soit imposé aux migrants européens avant de pouvoir bénéficier de certaines prestations sociales et avantages fiscaux*. Et en Suisse un groupe d’écologistes (baptisé « Ecopop » pour Ecologie et population) demande de fixer à 0,2 % par an l’accroissement démographique dû au solde migratoire**.Environ 74% des Suisses ont dit « non » à ce référendum d’initiative populaire. Il n’empêche que LE MONDE relate cette phrase d’un membre du comité Ecopop : « Au rythme où on bétonne le paysage actuellement, à 1,1 mètre carré par seconde, en 2050 si on ne fait rien on aura entièrement bétonné  toutes les régions non montagneuses de la Suisse. »***

                Nous pouvons retirer trois leçons de ces événements. D’abord les gouvernements, que ce soit en Grande Bretagne ou ailleurs, sont désormais sous la pression de l’extrême droite et font de la surenchère anti-immigration. Les Suisses ont déjà voté antérieurement « halte à l’immigration de masse ». Ensuite la pression démographique (pas seulement migratoire), en Suisse ou ailleurs, fragilise le tissu social : logements trop chers, allongement des distances entre domicile et travail, engorgement des infrastructures, déséquilibres divers entre les humains et leur milieu naturel. Face à ce constat, les politiques se révèlent impuissants. Enfin il faut noter qu’aucun parti, y compris à l’extrême droite, ne fait un lien entre démographie et dégradation de l’environnement. Démographie et écologie reste un sujet extrêmement tabou. Mais plus nous attendrons pour réfléchir à la problématique malthusienne et agir politiquement, plus nos difficultés de toutes sortes vont s’accroître.

* LE MONDE du 29 novembre 2014, Migrants : Cameron à l’offensive

** LE MONDE du 29 novembre 2014, La Suisse vote de nouveau sur l’immigration

*** Le Monde.fr avec AFP | 30.11.2014, Les Suisses disent « non » à la limitation de l’immigration

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Pilule ou préservatif ? L’avis averti d’Ivan Illich

En matière de contraception, Ivan Illich opérait une nette distinction entre le préservatif, objet extrêmement simple dans son principe et son effet, et les contraceptifs chimiques, au mode d’action opaque et qui permettent, dans les relations sexuelles, de faire comme si le lien avec la conception n’existait pas. L’opposition entre contraception et absence de contraception a trop tendance à faire oublier la différence considérable entre le préservatif et la pilule : le premier manifeste le lien entre coït et procréation, la seconde le dissimule. En oblitérant ce lien, la diffusion de pilules contraceptives a joué un rôle important dans le développement des techniques de procréation artificielle.

Illich désapprouva l’interdiction prononcée par des évêques de Porto Rico d’accorder son vote à un candidat qui entendait mettre les préservatifs en vente libre. Ce qui critiquait Illich n’était pas l’opposition au contrôle des naissances en tant que telle, mais l’incohérence de cette opposition dans un monde ou, par ailleurs, on admettait toues sortes d’innovations techniques dénaturant l’existence humaine. Il se sentait lié à une Eglise qui avait le courage de dire : « Ceci est contre-nature ! »

Le problème, ajoutait-il, c’est que l’interdit pointe sur le mauvais objet. Mieux vaudrait condamner les moyens de transports motorisés, qui exercent leur monopole sur les déplacements « de telle sorte que les jambes, qui nous ont été données pour pérégriner sur la terre, s’atrophient en appendices de l’accélérateur et du frein. L’Eglise à laquelle j’appartiens dénonce haut et fort les préservatifs qui contrecarrent le fonctionnement naturel d’un organe, mais elle ne se rend pas compte que le fonctionnement naturel d’autres organes se trouve tout aussi entravé – du reste préservatifs et pneus sont tous faits de la même matière ! »

In Une question de taille d’Olivier Rey

(Stock 2014, 280 pages, 20 euros)

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