épuisement des ressources

Même notre civilisation toute-puissante est mortelle

Vers 650 de notre ère, un effondrement vertigineux a frappé l’empire romain. De 75 millions d’habitants, on passe à moins de la moitié. La cité de Rome comptait près de 700 000 habitants, il n’y en avait plus que… 20 000*. Les explications sont nombreuses, la faillite politique des élites, les invasions barbares, changement climatique et épidémies, etc. Mais structurellement l’effondrement est lié à l’incapacité croissante des ressources naturelles à perpétuer le développement. Non seulement l’empire romain avait épuisé les sols de sa périphérie, mais aussi ceux de l’Égypte, de la Tunisie et même de la Gaulle, pour nourrir Rome. A travers les exemples d’effondrement de civilisation, on voit ces sociétés croître d’abord sans développement des inégalités entre le peuple et les élites, puis la population et les revenus des classes populaires passer par un maximum, permettant aux élites de proliférer grâce à la captation d’une rente abondante comme jamais. Puis c’est l’implosion, les guerres, les famines, la désurbanisation, le retour à la terre… Après la chute de Rome, les paysans du nord de la France firent naître des petites communautés à la place des villas des nobles gallo-romains. En bref l’empire romain préfigure ce qui va se passer pour notre civilisation thermo-industrielle.

La complexité de notre réalité fait notre fragilité. Pendant près de 200 000 ans, nous avons vécu dans des petits groupes simples, quelques douzaines d’individus ou moins. Ce n’est que depuis 10 000 ans que certaines sociétés humaines ont commencé à grossir et à se complexifier. La manière dont nous vivons actuellement est une anomalie.

En effet dans tout système vivant, la complexité a un coût métabolique. Plus un système est complexe, plus il nécessite de l’énergie. Chez les humains, nous comptabilisons les coûts de la complexité par le travail, l’argent, le temps ou les nuisances. Dans tous les cas, il s’agit de transformation de l’énergie. Nous ne percevons pas les coûts de la complexité aujourd’hui, car ils sont subventionnés par les combustibles fossiles. Sans ces derniers, les sociétés modernes ne pourraient pas être aussi complexes qu’elles le sont. Une complexité croissante devient nécessaire pour résoudre les problèmes créés par la complexité. Les solutions à divers blocages tendent à impliquer plus de technologie élaborées, la prolifération de rôles sociaux et de spécialisations, le traitement d’une plus grande quantité d’informations. Cela engendre des coûts monétaires qui se répercutent sur chacun d’entre nous. Passé un seuil, vous payez de plus en plus pour obtenir de moins en moins de bénéfices. Quand ce niveau est atteint, une société est fragilisée sur le plan fiscal et devient incapable de résoudre les problèmes. Après avoir épuisé l’énergie bon marché et la dette abordable, nous perdons notre capacité à résoudre nos problèmes. L’endettement n’est possible que quand les économies sont en croissance, mais une économie en croissance nécessite de plus en plus d’énergie. Les deux tiers de la population mondiale sont aujourd’hui en vie grâce au pétrole. Tout repose sur l’énergie fossile, la production industrielle de nourriture, les installations sanitaires et la médecine moderne. Sans financement possible, les puits de pétrole ne sont pas forés, les champs ne sont pas ensemencés, les automobiles ne sont pas vendues, les biens et les personnes ne sont plus transportés, les gens sont au chômage. quand le système de transports tombera en panne, les villes n’auront plus de nourriture. Peut-être trois ou quatre milliards de gens mourront. C’est ce même processus de complexité croissante et ingérable sur le long terme qui a entraîné l’effondrement d’anciennes civilisations comme l’Empire romain. Le haut Moyen Âgé a été une période pendant laquelle les sociétés étaient largement simplifiées.

Le parallèle que Tainter propose entre la dépendance de l’empire romain à l’égard de l’énergie pillée chez les sociétés conquises, et notre propre dépendance énergétique nous paraît très pertinent. Si l’on suit Tainter, nous serions condamnés, dans la mesure où notre société aurait atteint son “pic de complexité”. Si l’Europe devient leader dans la transition énergétique et, plus globalement, écologique, alors elle pourra devenir l’exemple à suivre. Sinon, elle sera condamnée à devoir faire la guerre, comme l’empire romain, pour capter ce qui reste de l’énergie des autres, ce qu’elle n’aura plus guère les moyens de faire.

* LE MONDE des livres du 4 janvier 2019, Rome vaincue par les germes et le climat (commentaire d’un livre de Kyle Harper, The Fate of Rome, Climate, Disease, and the End of an Empire)

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Climat et pénuries, la démocratie en danger

Un éditorial du MONDE met les pieds dans le plat du catastrophisme : « Faut-il renoncer à la démocratie pour endiguer le réchauffement climatique, ou attendre que celui-ci ait raison de la démocratie, voire de notre civilisation ? Le spectre de la dictature écologique, mis en évidence dès 1979 par le philosophe Hans Jonas ressurgit. Réduire notre consommation (et donc abandonner une partie de notre confort), organiser le contrôle de la démographie humaine et peut-être celui de la pénurie. Un régime autocratique lui semblait plus à même de « réaliser nos buts inconfortables » que nos démocraties… On risque fort d’aborder au contraire une période où riches et puissants profiteront des ultimes ressources qui nous restent, au prix de l’aggravation des injustices planétaires et de la disparition d’une part notable des sept milliards d’êtres humains. Les mêmes, après avoir géré la croissance et l’abondance, géreraient la pénurie… » Quelques réactions parmi plus de 200 sur lemonde.fr :

César Bistruk : Bon édito. C’est une vraie question. Comme le décrit en détail J. Diamond, la déforestation du Japon lors de la période Edo n’a été stoppée que par la politique autoritaire et hégémonique de préservation des shogun Tokugawa. Le Japon a ainsi pu préserver de manière durable la ressource indispensable à l’économie qu’était le bois. Notre démocratie va devoir faire la preuve qu’elle est capable d’affronter une crise écologique. J’espère qu’elle l’est.

CYNIQUE DU BON SENS ET RAISON : Entre choisir la mort ou la dictature, de préférence verte, on verra ce que choisissent nos contemporains !

Obéron : S’il est une chose à laquelle il est difficile de croire, c’est à cette figure du dictateur éclairé qui prendra les mesures drastiques mais nécessaires à la survie du plus grand nombre. Ne serait-ce que parce qu’il y en aura alors un peu partout, chacun portant les intérêts supposés de son peuple et non ceux de l’humanité.

NousVerrons : Quand seul les puissants pourront disposer des ressources de la planète, ceux si seront si peu nombreux que les ressources pourront se régénérer. CQFD

PELAYO DECOVADONGA : Il n’y a aucune raison de penser qu’un régime autoritaire serait durablement green-minded. Par contre on peut faire confiance à la Nature pour régler le pb. Quand les X milliards d’humains n’auront plus assez de ressources le problème se résoudra par la violence et l’élimination du surplus, pour repartir sur des bases saines. Le pb c’est les européens gras et assistés ne sont pas du tout armés pour survivre à ce cataclysme au contraire du tiers-monde habitué à se débrouiller dans le chaos.

Phil69 : Du fait de la répulsion des hommes pour la régression (effet cliquet), le plus probable est que la crise climatique se traduira par une guerre pour les ressources devenues rares. Le plus rationnel est donc de se préparer à cette guerre et de s’organiser pour la survie. C’est bien le sens de la politique de Trump: fermeture des frontières, organisation de l’indépendance du pays et désintérêt pour le reste de la planète. C’est un survivaliste qui pense struggle for life. C’est immoral, et alors?

No Future : Faudrait se grouiller pour voir si, vers 61 du Cygne, il n’y aurait pas une autre planète à zigouiller.

Olivier Martineau : Mesures contraignantes ne veut pas pour autant dire dictature. Nous vivons déjà de fait dans une société très contraignante et nous nous en accommodons très bien.

Tartuffisme : Le Monde nous explique combien il faut sauver la planète et combien nous sommes coupable de ne pas y penser mais, lorsque des excités se lèvent, rudoyant leurs concitoyens, cassant et brûlant au prétexte d’avoir à payer 3 euros de plus sur un plein de gasoil, et surtout dépités par les résultats des dernières élections, on a toute la rédaction du même journal qui les soutient à fond.

Victor : La pénurie alimentaire provoquera des famines, puis des épidémies, mais il y aura toujours des survivants, les dictatures que le Monde appelle de ses vœux organiseront les guerres nécessaires à l’obtention d’une population raisonnable. Et quand usines et voitures auront cessé de tourner faute d’ouvriers et d’ingénieurs, le CO2 baissera et le climat se rafraîchira.

Jul @ Victor : Le délai entre la stabilisation des émissions et celui de la température est de l’ordre de 200 ans (inertie thermique). Donc si on compte sur le début de l’effondrement pour stabiliser le climat, c’est une très mauvaise idée… la civilisation en cours d’effondrement subira une hausse continue des températures pendant 200 ans, ce qui n’arrangera pas sa situation..

* LE MONDE du 5 janvier 2019, Climat : sauver la planète en préservant les libertés

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Presque personne ne veut consentir à la décroissance

Nous récapitulons ici quelques interventions des commentateurs sur notre blog biosphere qui font le tour du problème : nous sommes majoritairement trop intoxiqués par le croissancisme pour désirer une société plus harmonieusement écologique. La folie médiatisée des gilets jaunes qui a surfé contre la hausse du prix du pétrole en est un exemple frappant.

Bga80 : Un programme de décroissance est incompatible avec la démocratie. En effet, personne ou quasiment personne ne consentira à la décroissance, alors il n’y a pas lieu à ce que des masses d’électeurs votent pour un tel programme. Et pour preuve, aujourd’hui encore le Figaro soulève cette question à laquelle plus de 42 000 lecteurs ont répondu : « Les annonces d’Emmanuel Macron pour compenser la hausse des prix du carburant et du chauffage vous paraissent-elles suffisantes ? » 

RESULTAT : 86% de Non contre seulement 14% de Oui…

marcel : En résumé, dans toutes les démocraties, la décroissance sera mécaniquement subie à la dernière seconde dans le désastre, car personne ne votera pour un programme afin de se préparer à la décroissance pour y amortir les chocs… En somme, tous les futurs gouvernements seront confrontés à de très graves conflits sociaux et cette fois les gouvernements ne pourront plus acheter la paix sociale, faute de ressources fossiles ! Une décroissance démographique dûment planifiée à l’ échelle mondiale serait plus facilement acceptée par la population qu’une décroissance consommatoire. Si elle n’ est pas acceptée, dame nature comme à son habitude saura nous remettre sur le droit chemin… à sa façon !

Michel C : Je suis d’accord pour dire que la décroissance sera subie. Et non pas choisie, hélas. En effet, en l’état actuel des choses… je ne vois pas comment il pourrait en être autrement ; de plus je ne crois pas aux miracles.

Bga80 : C’est inscrit dans le gène humain que l’homme (en tant qu’espèce et non sexe) ne pense qu’à son expansion de plaisir, y compris par la consommation, il veut toujours plus de ce qu’il a déjà… Il n’y a même pas 5% des humains qui savent contenir cette expansion en eux, cette expansion de plaisir et de consommation est encore plus difficile à mettre en œuvre que de contenir son envie de procréer. Je vais prendre un exemple concret, l’accès à l’eau, et ben quasiment plus personne ne veut être raisonnable pour consommer de l’eau dans nos pays, puisqu’il n’y a plus besoin d’effort pour obtenir de l’eau, l’eau arrive directement à domicile par des tuyaux. En l’occurrence, même si une personne sait qu’elle tire trop d’eau, elle ne corrigera pas son comportement parce que la facilité d’ouvrir le robinet est une tentation qui est impossible de renoncer alors si la personne aime prendre plusieurs douches par jour, elle le fera même si elle sait que c’est déraisonnable, elle le fera car son plaisir passera avant une bonne gestion des ressources. Et pour preuve, il y a de plus en plus de gens qui veulent une piscine individuelle dans son jardin, alors la soif dans le monde ils s’en foutent comme de la guigne…

Michel C : L’homme (l’Homme ?) n’est pas génétiquement programmé pour en vouloir toujours plus. La preuve, le jour où j’ai eu 500 euros de plus par mois (fin du crédit immobilier) je ne me suis pas précipité pour acheter un gros 4×4, ni une Volvo etc. Mon vieux véhicule qui a 17 ans me va très bien. J’espère qu’il durera encore un bon bout de temps, et je fais tout pour ça. Ce jour là, j’ai travaillé moins, tout simplement. Je me suis mis à temps partiel.

Bga80 : On est que 5 % à souhaiter la simplicité consentie…. Donnez 500 euros de plus par mois à tout le monde, et vous verrez qu’ils vont accourir tous pour en avoir une plus grosse… Par ailleurs, les Africains, les Américains du sud et les Asiatiques ne nous reprochent pas l’existence du système occidental, ils nous reprochent de ne pas les avoir occidentalisés davantage pour accéder au rêve américain eux aussi !!!

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Les « gilets jaunes », conséquence de la vie à crédit

Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde », relève que la crise des « gilets jaunes » illustre les limites d’une logique qui a conduit les gouvernements successifs à recourir à la dette : « Annulation de la hausse de la taxe sur les carburants, gel de la hausse de l’électricité, cent euros de plus par mois, annulation de la hausse de la CSG… Cet inventaire à la Prévert a fait des treize minutes du discours de Macron le prime time le plus cher de l’histoire de la télévision : environ 1 milliard d’euros les soixante secondes. Ces annonces ont pourtant été tournées en dérision : « Des miettes ! », s’est plaint Jean-Luc Mélenchon, « Opération pièces jaunes », a renchéri Alexis Corbière… La valeur de l’argent public dans ce pays est décidément à géométrie variable. Ceux qui permettent d’assurer les fins de mois non seulement des « gilets jaunes », mais de la nation tout entière payeront l’essentiel de la dizaine de milliards nécessaires au financement de l’annulation de rentrées fiscales inscrites au budget ou de nouvelles dépenses non prévues. C’est tout de même 42 milliards d’euros qui ont été finalement consacrés en 2018 au remboursement de la dette. Il est irresponsable de faire croire que la France pourra continuer à consommer plus qu’elle ne produit et vivre au-dessus de ses moyens jusqu’à la fin des temps... » Face à ce constat indiscutable, nous avions déjà suggéré sur ce blog, avant les reniements de l’Etat macroniste, le virement des recettes de la taxe carbone au remboursement de la dette publique. Mais la logique financière n’existe plus dans les pays riches où l’endettement sert d’exutoire aux colères sociales. Quelques commentaires sur le monde.fr* :

YL : Excellent éditorial, qui rattrape un peu beaucoup d’articles du Monde très inspirés par LFI, ou qui soufflent sur les braises des barbecues installés aux carrefours.

ThRz : Donc on continue comme d’habitude: les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches pour être très riches. Je pense qu’avec ce type de logique les gilets jaunes ne sont pas près de s’arrêter après les fêtes de fin d’année. De même les partis populistes et extrémistes en profiteront aux prochaines élections européennes.

MARTIN : On aurait souhaité cet article en plein cœur de la crise des GJ. Mais la rédaction du Monde n’a pas été à la hauteur des enjeux. Il y a un populisme de gauche, un populisme de droite et un populisme du journal de « référence ». (merci de ne pas censurer !)

Libérez les ronds-points : Article trop compliqué pour les Gilets Jaunes qui désormais dictent leur agenda depuis leurs gares de péages saccagées. Leurs « doléances » impliquent de la dette ? Endettons la France, c’est la démocratie directe horizontale participative on vous dit !

JEAN CLAUDE HERRENSCHMIDT : « Mais il est irresponsable de faire croire que la France pourra continuer à consommer plus qu’elle ne produit et vivre au-dessus de ses moyens jusqu’à la fin des temps. » Ce qui est irresponsable c’est de croire que l’humanité pourra vivre longtemps au-dessus des moyens de la planète. Car c’est aux dépends de celle-ci que les hommes construisent l’illusion de s’enrichir. C’est dur de reconnaître que la Terre tourne autour du soleil.

Ciel bleu, mer belle à Marseille : Oui, les ressources de la planète sont limitées. Il est plus que temps de modifier nos modes de consommation…. si l’on veut un jour pouvoir régler nos dettes.

* LE MONDE du 18 décembre 2018, « Il est irresponsable de faire croire que la France pourra continuer à vivre au-dessus de ses moyens jusqu’à la fin des temps »

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Effondrement, un appel à témoignage dans LE MONDE

LE MONDE lance un appel ce jour dont voici le contenu : « Vous avez adhéré aux théories de l’effondrement, racontez-nous comment vous le vivez

Dépendance au pétrole, dérèglement climatique, extinction de la biodiversité, monde capitaliste fragile… Adoptant une démarche transdisciplinaire, de nombreux théoriciens, regroupés sous le nom de « collapsologues », prédisent depuis quelques années, l’effondrement prochain de notre civilisation thermo-industrielle. Très en vogue, les penseurs de l’effondrement appellent notamment à repenser notre rapport individuel et collectif au monde, prônant des valeurs comme la décroissance et la résilience.

Avez-vous lu des ouvrages de collapsologie ? Comment en êtes-vous arrivé à ces lectures ? Quel impact cela a-t-il eu sur vous ? Avez-vous décidé de changer votre façon de vivre ? Comment ont réagi vos proches ? Avez-vous ressenti un sentiment de déprime et comment l’avez-vous dépassé ? Comment agissez-vous au quotidien ? Comment voyez-vous le monde d’après ? Votre témoignage pourra être publié sur Le Monde.fr. »

https://lemonde.fr/climat/live/2018/12/18/vous-avez-adhere-aux-theories-de-l-effondrement-racontez-nous-comment-vous-le-vivez_5399331_1652612.html?xtref=https://www.lemonde.fr/

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La synergie entre Isabelle Autissier et Nicolas Hulot

En écologie militante, trop de personnes opposent l’action individuelle type colibri (cf. Pierre Rabhi) et l’attente du grand soir politique. Or, comme l’a souligné Nicolas Hulot lors de l’émission politique du 22 novembre, l’écologie meurt de ses dissensions alors qu’il faudrait tous œuvrer au rassemblement. Action individuelle, vie associative et intrusion politique sont absolument complémentaires. Voici pourquoi nous reprenons le discours d’Isabelle Autissier qui préside la branche française du WWF depuis 2009 et certains propos de l’ancien ministre de l’écologie :

Isabelle Autissier : « Dans mes premiers boulots, déjà, j’avais alerté sur l’impact de la surpêche. Ensuite, en naviguant, j’ai vu les amas de plastique, et les animaux morts d’en avoir ingéré, dans les endroits les plus éloignés, les plages du nord Spitzberg (Norvège), le fin fond des Malouines. J’ai entendu les Inuits dire qu’ils n’allaient plus sur la banquise l’hiver, parce qu’elle n’est plus assez solide. J’ai vu les mers du Grand Nord bouillir, les bulles de méthane qui remontent parce que le permafrost dégèle… Mon engagement n’est pas idéologique, je constate les phénomènes physiques, chimiques. Alors je fais le colibri, je prends ma part, je me bats autant que je peux. Il y a vingt ans, les écolos étaient perçus comme ceux qui voulaient revenir à l’âge des cavernes. Aujourd’hui, les citoyens comme le président nous prennent au sérieux. Aucune idée n’a avancé aussi vite que l’écologie. Mais cela me dévaste qu’elle ne soit pas encore au cœur des décisions gouvernementales, que le système économique pousse encore à tant de mauvaise foi. Qu’est-ce qu’on va le payer cher ! La planète n’en a rien à faire de nous. Elle peut devenir un gros caillou chauve. Mais quelle sera la qualité de vie des êtres humains ? On va vers beaucoup de souffrances, vers des guerres qui naîtront de situations explosives engendrées par les problèmes de terre, d’eau, de climat. On n’a pas assez d’imagination pour se représenter ce que seront les crises environnementales. On nous décrit la montée des eaux, l’acidification des océans, la disparition des espèces, la raréfaction des terres arables, les grandes villes submergées, mais on ne visualise pas, sinon on arrêterait tout instantanément. C’est dément ce qui nous attend. Pourtant, il y a de belles énergies en action, et nous avons déjà tant de solutions… Mettons-les en œuvre ! »*

Nicolas Hulot : « A partir du moment où je restais ministre, je cautionnais les choses, je donnais le sentiment qu’on était à la hauteur de l’enjeu, alors qu’on ne l’était pas.  Je regrette qu’Emmanuel Macron ne voit dans le dérèglement climatique qu’une bronchite alors qu’il s’agit pour moi d’un « cancer ». Le chef de l’Etat n’est plus « disruptif » dans ses réponses, je passais mon temps à entendre : c’est pas possible ! »**

synthèse biosphèrique : Nicolas sait qu’il y a une complémentarité absolue entre l’engagement politique des écologistes et l’engagement individuel des colibris. Ceux qui fabriquent l’imaginaire écolo du XXIe siècle, que ce soit pas leur comportement personnel et familial, l’action associative ou l’entrisme politique sont actuellement très minoritaires. Mais ces différentes branches de l’action ont un point commun : ce n’est pas l’imagination qui précède l’action, c’est la détérioration de nos ressources vitales qui nous oblige progressivement à changer de mode de vie et de décisions politiques. Aujourd’hui la planète est surexploitée. Nous considérons que le nouveau grand récit en train de se concrétiser résulte de l’allié principal des écologistes, l’état de la planète, notre Terre-mère. Ses paramètres biophysiques sont indispensables au bon fonctionnement du système socio-économique humain, nous ne pouvons passer outre. Il n’est pas anodin que dans le système d’enseignement, ce sont les professeurs de biologie qui font le plus réfléchir, pas ceux qui enseignent les sciences économiques ou sociales ou l’histoire géographie, matières inféodées au système marchand. Et personne n’empêche un instituteur de créer un jardin potager avec ses élèves.

* LE MONDE du 25-26 novembre 2018, Isabelle Autissier : « La planète peut devenir un gros caillou chauve »

** LE MONDE du 24 novembre 2018, Nicolas Hulot regrette une crise évitable liée à la fiscalité verte

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Ni Ruffin, ni Leclerc ! A bas le pouvoir d’achat !

Les syndicats (ex-)rouges sont pour le pouvoir d’achat. Les syndicats jaunes itou. La droite et l’extrême droite, idem. Point commun avec la gauche et l’extrême-gauche. Et Mr Leclerc, Mme Carrefour, etc. « Le pouvoir d’achat doit croître ! » Une touchante convergence historique. Pour une société écologique, vous repasserez ! Y a-t-il une institution, une organisation aujourd’hui qui soit opposée au pouvoir d’achat ? Si je ne compte pas les derniers moines et bonnes sœurs prudemment retirés du monde, à ma connaissance aucun. Sauf La Décroissance bien entendu ?*

« Trop de taxes », « trop de pauvres », « trop de riches », « rendez l’argent »… sur les gilets et les banderoles, les slogans de ces dernières semaines tournent tous, lancinants, autour de la question du pouvoir d’achat… Emmanuel Macron a fait le pari de libéraliser l’économie française pour favoriser le retour de la croissance sur le long terme. Mais sans répondre à l’impatience d’une France qui ne croit plus aux promesses.**

Tous sauf trop rares exceptions veulent plus de pouvoir d’achat… les gouvernements veulent donc plus de croissance. Cercle infernal qui épuisent les ressources naturelles et détraquent les équilibres vitaux. En 1972, le remède était clairement posé dans le rapport au club de Rome sur les limites de la croissance : « Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourriture pour les pauvres ou encore plus de services pour les riches, davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. » Quarante-six ans après, aucune des limites écologiques de notre croissance, aucun des risques majeurs que traversent notre société thermo-industrielle ne sont envisagées ni par les gilets jaunes, ni par les médias, ni donc par les politiques. Pour préserver le pouvoir d’achat, le gouvernement Macron en est même arrivé à supprimer la taxe carbone… qui aurait pu modifier nos comportements et éviter le krach climatique. Les gilets jaunes vivent le moment présent de leurs besoins de bagnole, quelques centimes de hausse du carburant met la France en pétard. Pourtant on a bien vécu à une époque sans voiture ni smartphone, sans ronds-points ni chômage. L’écologie se pratiquait autrefois sans le dire, aujourd’hui les contraintes biophysiques sont au plus bas dans les mentalités bercées par la publicité et les prix d’appel… Les gilets jaunes veulent plus de pouvoir d’achat, plus de croissance et la démission d’un gouvernement pourtant croissanciste et adepte du pouvoir d’achat. Les cris d’alarme des années 1970, renouvelés depuis par maintes et maintes études scientifiques, sont resté inaudibles. Quelqu’un de sensé devrait être terrifié par l’avenir que nous préparent ensemble syndicats et partis, droite et extrême droite, gauche et ultra-gauche, et Mr Leclerc et Mme Carrefour, et gilets jaunes et Macron !

* Ni Ruffin, ni Leclerc ! A bas le pouvoir d’achat ! In La Décroissance de décembre 2018, janvier 2019

** LE MONDE économie du 6 décembre 2018, « L’équation impossible du pouvoir d’achat : pour apaiser la colère de l’un, on alimente celle de l’autre »

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Gilets jaunes, vecteurs d’un totalitarisme en marche

« On n’est pas dans une période révolutionnaire. On est dans une période de tentation autoritaire », prévient Cohn-Bendit. A l’origine de ses inquiétudes, les menaces exercées par des gilets jaunes sur d’autres manifestants qui souhaitaient entamer des discussions avec le gouvernement : « Jamais en 68, quelqu’un aurait menacé de mort quelqu’un qui voulait discuter …S’il y a des gilets jaunes qui veulent négocier et qu’ils n’y vont pas parce qu’ils ont peur pour leur vie, le type de société qui peut émerger de ces tendances, moi, ça me fait peur ».*

Nous sommes déjà entrés dans une dynamique d’effondrement de la civilisation thermo-industrielle dont les actions des casseurs au milieu des gilets jaunes sont les prémices. La fête industrielle sera bientôt terminée. Nombre d’enjeux vitaux occuperont désormais le devant de la scène, prix de l’essence, coût du chauffage, difficultés de trouver un emploi, etc. Dans ce contexte qui a mené autrefois Hitler au pouvoir, l’extrême droite et la recherche d’un leader progressent aujourd’hui dans tous les pays : la dictature est en marche. Le bon peuple mettra sa confiance dans un personnage qui parlera plus fort que les autres et qui promettra qu’avec lui ce sera le paradis. Mais ce ne sera pas un totalitarisme bienveillant, œuvrant pour le bien-être des générations futures et l’épanouissement de la biodiversité. Ce sera un régime qui favorisera l’instant présent, la guerre pour les matières premières, le rejet des autres. La dernière goutte de pétrole servira à l’armée, et ce ne sera pas pour empêcher le tronçonnage des dernières forêts. Pourquoi ce schéma de l’autoritarisme au pouvoir a-t-il une très forte probabilité d’advenir ? Parce qu’il y a une forte propension du peuple à préférer le présent et à sauver ce qui restera du « pouvoir d’achat ». Analysons par exemple les reniements du mouvement Podemos.

En juillet 2014, plusieurs fondateurs de Podemos, tels Pablo Iglesias, avaient signé un manifeste baptisé « Ultima llamada » (dernier appel) inspiré du mouvement pour la décroissance : « Nous sommes attrapés dans la dynamique perverse d’une civilisation qui, si elle ne croît pas, ne fonctionne pas, et, si elle se développe, détruit les sources naturelles qui la rendent possible. Il faut donc un débat ample et transversal sur les limites de la croissance. » Ce fut un feu de paille. Pragmatique, Pablo Iglesias estimait en décembre 2016, que « les compagnons qui parlent décroissance ont raison, mais les difficultés objectives de créer des mouvements politiques de champs post-nationaux, bien que ce soit indispensable, font que ce sont les questions locales qui déterminent le débat et l’agenda ». Or depuis la crise de 2008, le principal sujet en Espagne a été le chômage, qui a frappé jusqu’à 27 % des actifs au plus fort de la crise. Dans l’ouvrage collectif Hasta luego Pablo, l’activiste Alex Corrons résume les critiques sur le manque de courage de Podemos : « Le parti semble conscient de la finitude des ressources naturelles et du fait que la décroissance n’est pas une position idéologique mais de bon sens, mais il a choisi d’embrasser un modèle qui prône une redistribution du capitalisme et de la croissance, sans les questionner. Podemos aurait pu jouer une fonction pédagogique vers un changement radical des consciences, mais il a privilégié ses intérêts à court terme. »**

En Espagne ou ailleurs, avec des millions de personnes qui se retrouvent au chômage, avec des migrants qui se multiplient un peu partout, avec des gens qui estiment qu’ils ont droit à la voiture et à l’écran plat pour l’éternité, parler des excès de consommation n’a pas de sens.

* https://www.huffingtonpost.fr/2018/12/04/gilets-jaunes-cohn-bendit-redoute-la-tentation-totalitaire_a_23607865/

** LE MONDE économie du 1er décembre 2018, En Espagne, Podemos a fait volte-face sur la décroissance

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Le saccage des Champs-Élysées, aveuglement passéiste

Il y a trois conceptions de notre présent, la passéiste qui se déchaîne en ce moment, l’illusion qui prévaut en politique et l’utopie qui va se réaliser. Il y a donc le mouvement « à la base », délétère et qui ne débouche sur rien, des gilets jaunes qui s’accrochent de façon aveugle à la bagnole dans une période de réchauffement climatique et d’épuisement des nappes pétrolières. Ils n’ont aucun argument de fond mais emmerdent les automobilistes (un comble pour des gens qui veulent défendre les automobilistes) et saccagent les Champs-Élysées (créer un contexte où on arrive à ce résultat, c’est déjà être complice).

Il y aura incessamment sous peu une énième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) où on évitera soigneusement la question nucléaire et où on mettra encore en avant, ce qui se dit depuis des années et ne se fait pas, la baisse de la consommation. Cela passera par le logement, éradication des « passoires » énergétiques « d’ici à 2025 » et un parc de logements basse consommation « à l’horizon 2050 ». Un vrai cadeau pour le prochain quinquennat ! On agira sur la mobilité : covoiturage, vélo, transports en commun, réduction de la distance entre domicile et emploi, etc. En clair, à chacun de se démerder comme il peut. Et puis on réveillera les vieilles lunes, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Autant dire que cela n’arrivera pas dans les proportions qu’il faudrait. Alors surviendra l’effondrement de notre civilisation, et les perspectives deviendront tout autre.

«Cette question-là est assez obsédante. Comment fait-on pour éviter que notre société humaine n’arrive pas au point où elle serait condamnée à s’effondrer ?» se demandait déjà le Premier ministre Edouard Philippe en juillet dans une vidéo Facebook, après avoir évoqué l’un de ses livres de chevet : Effondrement, signé du géographe américain Jared Diamond. Le collapsologue Pablo Servigne met en garde : «Le seul point commun aux effondrements étudiés par Jared Diamond, ce sont les mauvaises décisions des élites au dernier moment.» Reste une inconnue : quel délai nous sépare de cette crise systémique ? Alarmiste, Yves Cochet affirme : «Je suis sûr de son imminence.» D’après lui, l’effondrement pourrait avoir lieu dans les années 2020, puis laisser place à quelques dizaines d’années où les rescapés vivront sur les ruines de notre modèle actuel.

«Il s’agit de limiter la casse », explique Yves Cochet. Président de l’institut Momentum, qui travaille en ce moment à des scénarios d’adaptation de la région parisienne, il précise : «Il y a aujourd’hui 12 millions de Franciliens. En 2050, ils ne seront peut-être que 6 millions, dont 600 000 dans Paris.» En Ile-de-France, Yves Cochet imagine une confédération de huit bio-régions, autonomes du point de vue alimentaire, énergétique et politique. Pour lui, le réformisme tiède ne marche pas : en matière d’énergie, il faut des scénarios radicaux. Pour les transports, il faut développer les hippomobiles, des voitures tractées par des chevaux, prévoir qu’il y aura peut-être moins de 100 000 véhicules en Ile-de-France en 2050, contre environ 6 millions aujourd’hui. Il faut cesser de donner la priorité aux produits high-tech, qui n’existeront plus, et développer les low-tech. (source de ce dernier §, Libération, Effondrement, le début de la fin !)

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Le bilan de Nicolas Hulot, positif ou négatif ?

Nicolas Hulot sur le plateau de « L’Emission politique » de France 2 : « Pour aller bien, il faut ne pas regarder la réalité en face… Je me suis battu, et notamment les semaines qui ont précédé mon départ, pour qu’on change complètement d’échelle dans l’accompagnement social de la transition énergétique et écologique, avec des propositions concrètes. Je n’ai pas été entendu… » Il prône l’arrêt de six réacteurs avant 2028 : « Si on attend les dernières années [pour arrêter des réacteurs], je vous fiche mon billet que ça ne se fera pas », a-t-il prophétisé. Il se dit aussi hostile à toute programmation de construction de nouveaux EPR : « Relancer les EPR maintenant, c’est condamner le développement des énergies renouvelables », prévient-il, en appelant à « mettre le paquet sur l’efficacité énergétique et la réduction de la consommation ». « Si on fait trois ou quatre EPR, ça veut dire qu’on va faire trois ou quatre Bure ? Eh bien bon courage ! » Sa conception générale est de ne pas opposer « les fins de mois difficiles des Français » et « la fin du monde, en tout cas d’un monde pacifique » annoncée par « la crise écologique »*.

Le bilan qu’on peut faire sur Nicolas Hulot, que ce soit dans cette émission du 22 novembre ou dans les dizaines d’années qui précèdent, est largement positif. Pourtant certains s’acharnent encore à ne voir chez lui que le vendeur de gel douche ou ses 9 véhicules. Pour avoir un meilleur jugement, il faut lire « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » qui apporte un point de vue documenté sur les faits et gestes de Nicolas. Ainsi ce passage sur son patrimoine, signe de réussite ou enrichissement personnel ? :

«  Pendant que je partais à la rencontre des derniers gorilles ou des tribus amazoniennes, la déclinaison de la marque Ushuaïa se transformait en fabuleux business. Je n’en profite qu’indirectement puisque je suis salarié de TF1, et que la manne est censée compenser le coût de l’émission. Je n’ai pas une vision diabolique du monde économique. Tous ses acteurs ne sont pas des exploiteurs, et ces grandes entreprises, c’est aussi le monde du travail. Pour mener mon combat, il faut de l’argent. Quand on n’a pas de fortune personnelle, et que l’on n’a pas envie de grever davantage le budget de l’État, reste la philosophie de Clemenceau : « Quand la maison brûle, on ne regarde pas qui passe les seaux d’eau. » Le Canard enchaîné assurait dans son édition du 5 juillet 2017 que j’avais perçu 290 000 euros en 2013 grâce à la société Éole Conseil et aux produits Ushuaïa, shampoings et autres gels douche. Ma fondation aurait perçu 460 000 euros de chèques versés par EDF jusqu’en 2012. Conflit d’intérêts quand je dois prendre position sur l’EPR de Flamanville ? Édouard Philippe est venu à mon secours : « Tout sera déclaré à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. C’est elle qui appréciera s’il y a conflit d’intérêts ».

Conformément à la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée en 2013, la HATVP a publié le 15 décembre les déclarations de patrimoine des membres du gouvernement. Le patrimoine le plus élevé est détenu par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qui a déclaré posséder pour plus de 7,5 millions d’euros de biens. J’arrive juste après, avec un patrimoine de plus de 7,2 millions d’euros, composé d’une maison en Corse (1 million d’euros), ainsi que de plusieurs autres biens immobiliers dans les Côtes-d’Armor et en Savoie, d’une valeur totale de 1,9 million. À cela s’ajoute la société Eole, qui encaisse les droits d’auteur et royalties des produits dérivés Ushuaïa, dont la valeur est estimée à 3,1 millions d’euros, ainsi que des valeurs mobilières d’environ 1,2 million d’euros. Détail que je ne trouve pas amusant, le quotidien Le Monde insiste sur mes neuf véhicules à moteur. La transparence ; oui, le voyeurisme ; non ! J’utilise à 95 % ma BMW électrique et mon scooter (électrique). J’ai acheté il y a deux ans une vieille 2CV pour ma fille. Je possède aussi un Renault de livraison… d’âge vénérable. Quant à mon vieux Land Rover, il me sert à crapahuter en Corse les rares moments où je suis en vacances. Pourquoi ne pas tout dire dans les médias ? Sur mes 6 voitures, 4 sont des antiquités. Scandaleux ? Restent 2 voitures pour circuler régulièrement, ce qui est presque la norme actuellement pour un couple de Français. Ah mais oui, je devrais montrer l’exemple et lire à la bougie !

Notez que mon engagement comme ministre est d’autant plus remarquable que j’aurais pu continuer à très bien gagner ma vie en « vendant » des gels douches. J’ai renoncé au confort des retraités aisés pour me battre pour des idées et servir l’intérêt commun. Écologie ne doit pas rimer avec privation. »

* LE MONDE du 23.11.2018 Taxe carbone : « Il manque un accompagnement social », affirme Nicolas Hulot

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Trois éditoriaux dévastateurs dans LE MONDE

Le quotidien LE MONDE croit enfin à la possibilité d’une apocalypse, d’où ces trois éditoriaux successifs que nous accompagnerons de quelques réactions significatives sur lemonde.fr

1) Il faut prendre des mesures courageuses dans le but de diminuer la dépendance à un pétrole dont on sait que le prix, au-delà des soubresauts conjoncturels, ne cessera d’augmenter, un pétrole qui, à la fin des fins, contribue à rendre notre planète invivable. (LE MONDE du 17 novembre 2018, Transition énergétique et crise sociale)

2) Si la communauté internationale se refuse à faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique, ce sont les catastrophes produite par 2°C ou 3°C supplémentaires qu’il faudra gérer. Nul ne peut dire, à cette heure, si cela sera simplement possible. (LE MONDE du 18-19 novembre 2018, Climat : l’heure des comptes)

3) Nous sommes tous climatosceptiques à des degrés divers, dans la mesure où nous n’acceptons ni « la vérité sur ce que nous avons fait subir à la Terre » ni le changement de vie radical qu’impose le réchauffement climatique, et encore moins la remise en cause du principe de modernité et d’un progrès linéaire qui tend vers le toujours plus. Combien faudra-t-il d’études comme celle publiée dans Nature Climate Change et de catastrophes aux effets dévastateurs pour se rendre compte que le coût de l’inaction reste très supérieur à celui de la lutte contre les changements climatiques ? (LE MONDE du 20 novembre 2018, Changement climatique, une bombe à retardement)

A bas le travail ! : Ce cri d’alarme va se perdre dans l’infini de la bêtise sociale… puisque les mêmes gens iront tous demain au boulot pour continuer à augmenter encore l’émission de gaz à effet de serre – et on aura en plus d’autres obtus pour venir nous faire la réclame du nucléaire… afin de continuer à produire encore plus… et donc à aggraver le changement climatique.

MICHEL BRUNET : Genre d’édito « inaudible » à nos gilets jaunes sur leurs barrages…

Vert est mieux que Jaune : J’allais le dire. Des gens qui aiment la bagnole, avec ses SUV et 4/4, qui viennent demander solidarité pour réduire de quelques centimes le coût de l’essence. C’est honteux.

Yogi : L’humanité ne comprend rien en dessous de plusieurs dizaines de millions de morts, et encore. Il faudra en passer par là, c’est le prix de la stupidité.

Virgule : De toutes façons ce qui est chouette, c’est qu’un jour le fossile va finir. Et on sera tous comme des c…

Patou : Pendant ce temps là l’Etat donne des primes à la conversion dont la seule utilité est, si l’on prend en compte le coût écologique de la construction et de la déconstruction des voitures, de soutenir l’industrie automobile. Il ne fait rien pour favoriser les circuits courts, au contraire. On continue de négocier des traités de libre échange tout autour de la planète…

PASCAL D : Tant que les Etats n’auront pas compris que, comme en tant de guerre, il faut restreindre la liberté de faire ce que l’on veut, la planète continuera à se réchauffer.

Patou : Vous avez probablement et malheureusement raison. Si tous les hommes réalisent leur rêves de consommation, de voyages, de bagnoles, alors ils condamnent leurs enfants.

le sceptique : Même après les canicules où l’on a perdu des proches, même après des inondations et incendies où l’on a perdu des biens, on continue de produire et consommer. La solution proposée aujourd’hui est (pour aller vite avec un chouïa de caricature 🙂 : regarde pousser ta carotte bio en gagnant 1000 € à vie dans une économie circulaire locale. Aucun intérêt pour les masses. Quand ce sera « Tesla pour tous ! », les gens diront « chouette, c’est une belle bagnole, c’est génial la lutte anti-carbone ! ».

VV : Et oui, le commun des mortels est « sceptique » par défaut. Tant qu’il n’est pas touché directement (avec un mètre de flotte dans sa maison, par exemple), son comportement ne change pas. Prévoir, anticiper en changeant son style de vie, c’est trop dur… Économiser, une aberration économique. La nature humaine, quoi…

CB : Allons y gaiement. Quitte à foncer autant y aller pied au plancher. Cela permettra à l’humanité de se recréer plus rapidement. Parce que aucun doute que l’humanité survivra et s’adaptera. Seulement pas à 7,8,9, 10 milliards. Les dégâts seront considérables, mais comme nous sommes incapable (moi compris) de fondamentalement changer nos modes de vie autant assumer le mur qui se rapproche et se préparer à s’adapter. Darwin avait raison: les plus adaptés survivront!

SARAH PY : La crise climatique va nous poser la question de la démocratie, de la nécessité de réglementations, de contraintes, de la re-centralisation du pouvoir étatique, celle du dirigisme économique, de la remise en cause de certains de nos modes ou habitudes de vie. Elle peut signifier des chamboulements dans les logiques économiques avec ses conséquences sociales … Il s’agit d’une situation plus ou moi proche de celles des situations de guerre. Plus nous tardons, plus nous nous en rapprocherons.

CLAUDE CHAMBON : Toujours pas un mot sur la bombe démographique mondiale !

GERONIMO @ Chambon : Non car ce serait fustiger d’autres peuples que les Occidentaux…. Tabou et politiquement incorrect. La transition démographique s’achève partout, y compris en Afrique du nord et en Inde. Partout sauf en Afrique subsaharienne. On va passer de 500 millions d’habitants en 1950 à 2,3 milliards en 2100. Les ressources sont incapables d’être autre chose que massacrées avec une telle démographie irresponsable.

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Un seul scénario nous promet de ne pas mourir de faim

Comment nourrir de façon saine et durable une population de près de 10 milliards de personnes en 2050 sans étendre les surfaces agricoles mondiales… tout en respectant simultanément les objectifs d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité ? Pour répondre à cette question, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont conduit durant quatre ans une démarche prospective pour construire cinq scénarios. Quatre scénarios nous font découvrir des avenirs menaçants : « Des usages des terres pilotés par la métropolisation », prolongement des tendances à l’œuvre ; « Des usages des terres pour des systèmes alimentaires régionaux », des accords limitent les échanges entre grandes régions du monde ; « Des usages des terres pour des ménages pluriactifs et mobiles », chacun fait ce qu’il veut ; « Des usages des terres pour des communautés rurales dans un monde fragmenté », avec des effets contrastés au sein de chaque région. Le scénario qui dessine une voie étroite et praticable vers la sécurité alimentaire dans un environnement préservé serait celui-ci : «  Des usages des terres pour des régimes alimentaires sains et de qualité. »*

Avec un tel titre, il paraîtrait impensable de ne pas s’en sortir ! Le problème, c’est qu’on ne voit nulle part les prémices d’un changement de pratique agricole. Le monde reste divisé entre un secteur agro-industriel sans avenir et une agriculture paysanne qui peine à survivre. De toute façon il n’y a pas et il n’y aura pas de gouvernance mondiale. Les commentateurs sur lemonde.fr étrillent cette prospective théorique :

le sceptique : Résumé rapide pour lecteur pressé : « à la demande des meilleurs décideurs-bureaucrates, nous avons mobilisé les meilleurs experts-bureaucrates pour penser l’avenir de la planète. Sur 5 scénarios, un seul promet de sauver le monde: celui qui repose sur des politiques publiques fortes, c’est-à-dire sur l’extension de la bureaucratie du bonheur dont nous sommes les modestes serviteurs. Merci de votre attention, payez bien vos impôts.« 

On attend des explications : Curieuses simulations qui globalisent d’un côté. Mais le Burkina et la Beauce suivraient-ils la même trajectoire et seraient-ils soumis à la même politique ? Et qui particularisent de l’autre avec une agriculture toute seule sans lien avec les mobilités, les industries, la vie ?

Claude Hutin : On ne peut pas dire que cela soit très concret. Sans doute pour éviter les polémiques, les auteurs évitent les questions qui divisent : OGM; pesticides, courants européens bio, nouvelles technologies génétiques (riz doré, …), subventions… On suppose qu’il faut se reporter aux scénarios in extenso pour en comprendre vraiment le contenu.

PIERRE DUMONT : Tout scénario qui ne prend pas en compte l’impact socio-économique des dégâts du dérèglement ni les fortes probabilités pour des affrontement armés de moyenne intensité est un scenario de fantaisie. Et c’est bien le problème des spécialistes, un gourou des cerfs volants y trouvera une solution universelle…

MP : « Comment nourrir de façon saine et durable une population de près de 10 milliards de personnes en 2050 sans étendre les surfaces agricoles mondiales, tout en respectant simultanément les objectifs d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité ? » Réponse : ça ne se produira pas ! Soit on ne sera pas 10 milliards en 2050, soit la moitié de la population crèvera de faim.

Realiste : le problème, la démographie humaine ! A notre petit niveau en France, on continue à subventionner les naissances, alloc., congés maternité, etc !!

Jérôme : Je serais favorable pour supprimer toute incitation à avoir + de 1 ou 2 enfants. Mais démographiquement le problème ne se pose pas en France (pas par le solde naturel). C’est plutôt du côté de l’Asie et surtout de l’Afrique que ça risque de devenir très compliqué pour nourrir la population. La population africaine devrait tripler d’ici la fin du siècle. Je doute que leur prod agricole, déjà insuffisante, en fasse autant.

* LE MONDE du 15 novembre 2018, « Cinq scénarios pour l’avenir alimentaire de la planète en 2050 »

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Huit scénarios du futur éclaté de l’agriculture

L’agrégation des innombrables actions des individus, entreprises, groupes, Etats fabrique et construit le futur. Mais cela, sans guère de coordination et avec en général la recherche par chacun des intérêts de sa communauté. Quelle peut être alors la résultante des milliards d’actions des hommes, groupes, firmes, pays ? Un avenir chaotique ? Ou bien harmonieux grâce à une « main invisible » ou des actions et processus de gouvernance permettant in fine la création et l’obtention du bien commun ? Les éléments des scénarios du futur de l’agriculture que l’on peut glaner ici ou là apparaissent très variés et contrastés. Ils sont selon le cas :

Gris métal. Robots, drones, satellites, GPS, agriculture numérique et alimentation connectée sont partout à l’œuvre de la graine à l’assiette. Certaines firmes captent et synthétisent ces données pour prévoir niveaux et qualités des récoltes, tendances de consommation et ainsi anticiper les prix et spéculer sur leur évolution.

Vert pomme. Les maîtres mots sont tout bio, tout écolo, petites fermes, agriculteurs nombreux, vente directe, circuits courts, relocalisation des productions, diversification, permaculture, agroécologie. Cependant ce jardin d’éden a des difficultés à être étendu partout car la production peut être insuffisante en certains lieux et la concurrence avec d’autres modèles de production demeure féroce.

Noir noir. Changement climatique, chaleur torride, sécheresses, épidémies déciment hommes, plantes, animaux et entraînent des migrations massives en raison de la régression des terres cultivables. Pour la majorité, la vie devient une survie très difficile, malnutrition et famines s’étendent, la population mondiale diminue.

Violet pourpre. Après une guerre atomique et toutes ses répercussions, des groupes d’individus qui ont pu en réchapper tentent de survivre sur une planète où la nature – un peu modifiée – reprend tous ses droits. Une nouvelle ère commence.

Bleu céleste. L’humanité a disparu (guerre, virus, pandémie… on ne sait). La terre sort de l’anthropocène et commence une nouvelle ère sans l’espèce humaine. La petite parenthèse avec la présence de cette dernière se referme.

Rouge sang. Les inégalités se sont exacerbées avec le changement climatique et la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information, de la communication, des biotechnologies et des nanotechnologies. Le chacun pour soi règne. La terre est partagée entre des zones pour les riches protégées par high-tech et des zones pour les pauvres frappés d’un chômage massif avec la robotisation.

–  Vert vitreux. Il n’y a plus d’agriculture ni d’élevage. On se nourrit d’aliments de synthèse issus de culture de cellules très sophistiquée. Cela donne des aliments aux goûts sublimes, adaptés par nutrigénomique au profil génétique et au mode de vie de chacun, d’où une santé impeccable, un cerveau aux capacités décuplées et finalement un homme augmenté avec une longue espérance de vie. Les anciennes surfaces cultivées sont devenues d’immenses zones et parcs où nature et biodiversité prospèrent.

Rose vert. Une très longue transition aboutissant à une métamorphose conduit à un nouveau mode de production coopératif et synergique entre les hommes eux-mêmes et avec la nature. Solidarité, mutualisme, équité, coopération, agroécologie, symbiose hommes/nature permettent aux hommes de vivre et à la biodiversité de fleurir.

Comment individus, groupes, firmes, Etats, peuvent-ils construire un futur qui soit un bien commun pour tous les hommes, la planète, la nature, la biodiversité ? Comment les connaissances accumulées dans toutes les activités, pratiques et sciences peuvent-elles y contribuer ?

Par Sylvie Bonny, chercheur à l’Inra (envoi d’un de nos correspondants)

http://controverses-europeennes.eu/les-contributions/les-contributions-2018/les-hommes-font-lavenir-mais-ils-ne-savent-pas-lavenir-quils-font/

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L’addition des énergies mène droit à la crise ultime

Transition énergétique, un mot valise qui édulcore une sinistre réalité. Jean -Baptiste Fressoz* souligne à juste titre que la « transition » devrait s’appeler « crise énergétique » ou « gap énergétique ». Mais dire « transition » plutôt que « crise » rend le futur beaucoup moins anxiogène en l’arrimant à une rationalité planificatrice et gestionnaire. Ainsi va un monde où il ne faut plus culpabiliser les gens, ni parler d’écologie punitive, encore moins de sang, de larmes et de sueurs. La croissance économique s’est transformée en oxymore avec le développement durable , puis en imbécillité avec la croissance verte. Cette mollesse de la pensée qui s’appelle transition nous a incité à aller de l’avant sans se soucier des conséquences.

C’est cet optimisme irréaliste qui nous a fait accumuler les « additions énergétiques » et non amorcer une profonde transformation, pour ainsi dire une révolution. Le gaz d’éclairage n’a pas supprimé les bougies, les machines à vapeur n’ont pas remplacé la force musculaire, on ajoute le bois au charbon, le charbon au pétrole, le pétrole au nucléaire, le renouvelable au nucléaire. Toujours plus est le maître mot de notre période qui vit sur l’illusion d’une croissance basée sur l’épuisement de toutes les sources d’énergie sans exception. Dans ce contexte, la vulgate gouvernementale d’opérer la transition énergétique par l’appel aux énergies non renouvelables oublie le fondement du nécessaire changement de comportement : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas.

Si nous voulions réellement ne pas dépasser les 1,5 °C de plus en 2100, il s’agit bel et bien de soustraire de notre mix énergétique les 85 % qui sont issus du charbon, du pétrole et du gaz. Si nous voulions une société véritablement durable, il faudrait en outre sortir du nucléaire et des énergies renouvelables utilisant des métaux rares. La force musculaire, il n’y a rien de mieux. Et avec près de 7,7 milliards de personnes sur Terre, ce n’est pas cela qui manque !

* LE MONDE du 23 octobre 2018, Jean-Baptiste Fressoz : « L’expression “transition énergétique” est source de confusion »

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Tout va s’écrouler ? Même pas peur !

L’idée de catastrophe imprègne même des journaux traditionalistes comme LE MONDE. Ainsi le titre de ce blog est textuellement utilisé par Roger-Pol Droit* qui commence par citer le livre de Jared Diamond en 2006, « Effondrement » pour enchaîner sur la collapsologie, « Comment tout peut s’effondrer » publié en 2015. Eloi Laurent** s’épanche dans un autre article, « la croissance ne résoudra pas la crise de la coopération que nous vivons actuellement, dont lune des conséquences est la destruction aveugle de notre biosphère ». Mais l’apothéose se retrouve dans un numéro entièrement consacré à la transition écologique***, en particulier « l’Apocalypse, ça fatigue ». Retenons de cet ensemble quelques éléments clés sur lesquels nous ne pouvons qu’être d’accord.

– Confondre la fin d’un monde, et les soubresauts qu’elle entraîne, avec la fin du monde est une fâcheuse erreur.

– D’une certaine manière nous nous délectons de la ruine de la société et de la destruction de tout ce que nous aimons.

– La façon anxiogène dont le catastrophisme est présenté conduit notre cerveau à éviter totalement le sujet.

– Nous nous inquiétons, nous oublions, nous redécouvrons les problèmes ; nous n’échappons pas à leurs effets.

– En réalité, on ne sait pas du tout comment cela va finir.

– Explorons la collapsosophie, cette sagesse au bord du gouffre qui consiste à cultiver en nous la compassion, l’altruisme, la présence au monde et la spiritualité.

– Lorsque les comportements auront changé, les dirigeants suivront.

* LE MONDE des livres, 19 octobre 2018

** LE MONDE idées du 20 octobre 2018, Pourquoi coopérer plutôt que collaborer ?

*** LE MONDE l’époque du 21-22 octobre 2018, Opération transition

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Une catastrophe prédite il y a déjà fort longtemps

La catastrophe est désormais une catégorie qui s’est imposée comme horizon pour n’importe quel citoyen. Pas besoin d’être un spécialiste pour savoir que notre civilisation va affronter des crises multiples ; tous les spécialistes le disent, qu’ils travaillent dans la dynamique des systèmes, ou climatologue, ou hydrologues, etc. LE MONDE* fait une rapide recension sur cette catastrophique prévision :

la journaliste Marion Rousset : « Nicolas Hulot, annonçait sa démission de ministre de l’écologie le 28 août, refusant de se faire plus longtemps le « complice de la catastrophe en cours »… Longtemps, les discours catastrophistes n’ont suscité qu’ironie ; ceux qui mettaient en garde contre un « renversement » du monde étaient considérés comme des illuminés… Mais le grand récit théologique de l’Apocalypse fait son retour au sein même de la science. En 2008, la revue Esprit publiait un numéro consacré au « Temps des catastrophes » mis au point avec le groupe 2040, un collectif de chercheurs qui estimait que cette date marquerait un tournant dans le processus de réchauffement climatique. Notre développement technologique et notre empreinte écologique se sont tellement accentués qu’on a vu arriver chez certains mathématiciens ou des physiciens, l’idée que cette accélération pouvait amener à une catastrophe. De plus en plus de paradigmes permettent de ­penser l’interaction entre des systèmes jusqu’alors déconnectés. »

biosphere : On peut remonter à bien avant 2008 pour connaître les premières alertes, elles se multiplient dès les années 1970. Un message, signé par 2 200 hommes de science de 23 pays, a été remis à U Thant, alors Secrétaire général des Nations unies, le 11 mai 1971. Il est adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». On l’appelle le Message de Menton car il fut rédigé au cours d’une réunion qui s’est tenue dans cette ville du Sud de la France : « Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal-en-point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre… Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir... » L’année suivant était publié le rapport sur « Les Limites de la croissance » ou Rapport au Club de Rome. Pour expliquer à la population la problématique mondiale de l’écosystème, ce rapport avait choisi de s’appuyer sur la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay Wright Forrester au MIT (Massachusetts Institute of Technology) Il montre que, dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement bref de ces évolutions, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. Mais « la plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est retreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. »

Dès cette époque, il y a presque cinquante ans, non seulement on prédisait l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle, mais on proposait des solutions. Pour les découvrir, elles sont recensées dans le livre de Michel Sourrouille, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », un livre de références indispensables.

* LE MONDE IDEES du 20 octobre 2018, La ou les catastrophes ?

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Entre la terreur et la contrainte, il faudra choisir

Ecolo-totalitarisme ou fascisme tout court, tel sera notre avenir en situation de pénurie énergétique. Hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence et hausse du baril ajoutent actuellement leurs effets. La fiscalité verte concentre les critiques. Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2019, certains députés s’enflamment : « Le problème, c’est celui de l’acceptabilité de la fiscalité écologique quand elle vient se heurter au mur des réalités sociales. »…«  amputation hors norme du pouvoir d’achat »…« Il nous faut renforcer les mesures redistributives »…« Prendre dans le portefeuille des Français sous prétexte de répondre au défi climatique, ce n’est pas la bonne solution. »* Mais alors c’est quoi la bonne solution ? Attendre que ce soit le climat lui-même qui viennent prendre dans le portefeuille des Français ? Parce qu’au final c’est ce qui se passera. La solution, c’est donc d’avoir le courage politique de préserver le sort des générations futures. Mais comment s’y prendre en système de démocratie de masse où il est plus facile de se plaindre et contester que de faire preuve de courage ?

Pour le professeur de philosophie Thomas Schauder, il nous faut des contraintes : « Si nous ne diminuons pas nos émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici à 2030, nous courons vers la catastrophe… Comment peut-on avoir confiance dans la capacité de nos dirigeants à changer de cap ? Mais surtout, peut-on nous faire confiance à nous-mêmes, nous autres citoyens consommateurs ? Sommes-nous prêts à remettre en question nos manières de vivre et de consommer ? Ainsi le problème de la contrainte mérite d’être posé. Labsence de limite vient se heurter à la limite des ressources. L’État doit intervenir davantage dans nos vies, obliger les gens à covoiturer, interdire l’achat d’un nouveau téléphone tant que celui qu’on possède fonctionne correctement, instaurer une politique de l’enfant unique. Des restrictions comparables de nos libertés individuelles sont parfaitement acceptées dès lors qu’il s’agit de lutter contre le terrorisme. Nous avons accepté qu’on nous filme, nous fouille, nous censure.… Soit la loi doit contraindre la production et la consommation, soit la Terre se chargera de le faire. »

Que l’écologisme en soit à envisager un pouvoir fort pour imposer ses mesures n’est pas nouveau. En 1979 dans « Le principe responsabilité », Hans Jonas s’exprimait ainsi : « La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral. » En fait la dictature du prolétariat a montré son inanité écologique et l’extrême droite fait de même aujourd’hui ; de plus en plus de pays se tournent vers la « démocratie illibérale », nationalisme exacerbé et volonté de museler la presse, tout en méprisant ouvertement la question écologique. Alors la solution viendra de nos élites dirigeantes traditionnelles qui déclareront l’état de guerre écologique quand la planète deviendra exsangue. Prenons l’exemple de Gilles Boyer, actuel conseiller politique d’Édouard Philippe. Cet ancien directeur de campagne d’Alain Juppé a écrit un essai incisif, Un monde pour Stella. Sa conclusion :

« Le président des États-Unis, le Secrétaire général du parti communiste chinois, le Président russe… ont annoncé ce jour la création d’une Organisation mondiale qui aura vocation à réguler tout phénomène économique, social ou environnemental qui, de par ses causes ou ses conséquences, dépasse le cadre des frontières étatiques et ne peut qu’être abordé au niveau mondial dans l’intérêt général de l’Humanité. Ses principaux objectifs seront la maîtrise démographique et la réduction des inégalités, la construction d’une économie mondiale saine, l’entretien de systèmes soutenables en termes de ressources naturelles, de terres, d’énergie, de biodiversité, et enfin la régulation du climat. Face à l’urgence , des mesures s’imposent à tous dès le 1er septembre de cette année, notamment la limitation stricte des naissances à une par femme dans le monde entier, une taxation mondiale sur les gaz à effet de serre, tant pour les entreprises que pour les particuliers, une interdiction de la production et de la consommation de viande rouge, une interdiction de l’abattage des arbres sauf dans les zones strictement délimitées, un couvre-feu mondial à 22h30 pour économiser l’énergie dans les zones non équipées en énergies renouvelables .» Gilles Boyer poursuivait : « Ces mesures peuvent sembler autoritaires et brutales. Elles nous sont imposées par notre laisser-aller collectif depuis des décennies. Toutes ont en commun la recherche de l’intérêt général du genre humain. Leur application sera assurée par une force de police, reconnaissables par leurs casques verts, et qui auront tout pouvoir pour signaler et réprimer les manquements constatés. La Déclaration universelle des droits de l’Homme sera refondée pour y inclure des devoirs… »

* LE MONDE du 18 octobre 2018, Budget 2019 : la majorité se heurte au casse-tête de la fiscalité verte

** LE MONDE du 18 octobre 2018, « Après le rapport sur le climat, la question de la contrainte mérite d’être posée »

Entre la terreur et la contrainte, il faudra choisir Lire la suite »

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel !

Un bon économiste est d’abord un bon écologiste. Mais la Banque de Suède, qui a attribué le « prix Nobel » d’économie aux Américains William Nordhaus et Paul Romer, ne le sait pas encore. Les colauréats ont paraît-il « mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète »*. Comme chacun devrait savoir, une personne qui croit encore qu’une croissance à long terme est possible dans un système planétaire clos (dont on a déjà transgressé toutes les limites) est soit un fou, soit un économiste.

Paul Romer vit encore dans l’illusion technologique, « demain on rasera gratis ». Il n’a aucune conscience des contraintes biophysiques. Pour lui, l’innovation permettra la croissance, une « croissance endogène » générée par la recombinaison permanente des facteurs de production existants, travail et capital. L’épuisement de toutes les ressources naturelles, c’est exogène, à l’extérieur, il s’en fout. On n’aura plus de pétrole, mais on aura des idées ! Il accuse ses collègues macroéconomistes de « faire tourner » des modèles mathématiques sans rapport avec le réel, sans se rendre compte que sa conception microéconomique (le jeu des acteurs individuels) est semblable aux rituels religieux d’un clergé voué au culte de l’infaillibilité de la théorie économique néoclassique. Le marché cannibalise ses propres conditions d’existence en surexploitant des ressources considérées comme gratuites. Confier le sort de la planète à la rationalité des marchés est un acte de foi dangereux.

William Nordhaus est encore plus inconséquent. S’il est le pionnier de la notion de prix du carbone par tonne de CO2 comme incitation à la transition énergétique, c’est pour mieux étouffer le concept en fixant un prix du carbone ridiculement bas : business as usual, il suffit de choisir le bon taux d’actualisation qui conforte le présent. William Nordhaus est un exemple typique de comportement aveugle. Dès 1972, William Nordhaus critiquait le rapport du MIT sur les limites de la croissance en reprochant à ce modèle de ne pas tenir compte du changement technologique qui permettrait d’économiser des ressources. En 1982, Nordhaus a fait valoir que le réchauffement climatique pourrait être économiquement bénéfique, provoquant jusqu’à 5 % de croissance de la production mondiale ; hausse de la productivité agricole et avantages du réchauffement dans les pays froids. Il se basait sur des projections qui seront discréditées plus tard. En 1992, Nordhaus concluait encore : « Le changement climatique va probablement produire une combinaison de gains et de pertes, sans aucune présomption forte de préjudices économiques nets substantiels. » Nordhaus soutient que les activités humaines ont un effet négligeable, contrairement à de nombreuses études qui prouvent la dégradation. En 2008, Nordhaus soutient toujours que les réductions de 80 à 90 % des émissions des pays riches pour 2050, réductions préconisées par les scientifiques, sont trop coûteuses par rapport aux bénéfices qu’on en attend. La réaction « optimale », selon lui, consiste à laisser les émissions augmenter de 25 %. Mieux vaudrait laisser monter les températures et subir les dégâts écosystémiques et les pertes humaines. L’éco-optimisme est aussi défendu par Herman Kahn, Milton Friedman, Bjorn Lomborg. On les a surnommés les cornucopiens, les économistes de la corne d’abondance, parce qu’ils sont persuadés qu’il n’y a aucune limite physique à la croissance.

* LE MONDE du 9 octobre 2018, Le « Nobel d’économie » attribué à deux Américains pour des travaux sur la croissance durable

pour en savoir plus lire La véritable richesse (une économie du temps retrouvé) de Juliet B.Schor, pour qui l’économie doit se coupler à l’écologie

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Emmanuel Macron n’a pas écouté notre désespérance

Qui a dit : « L’avenir du monde, c’est celui de notre planète, qui est en train de se venger de la folie des hommes. La nature nous rappelle à l’ordre et nous intime d’assumer notre devoir d’humanité et de solidarité. Elle ne négociera pas, il revient à l’humanité de se défendre en la protégeant… » C’est Emmanuel Macron, intronisé le 26 septembre par le PNUE « Champion de la Terre ». Voici le commentaire qu’en tire le journaliste Stéphane Foucart dans sa chronique du MONDE* : « Comme la majorité des autres dirigeants du monde, Emmanuel Macron assure que la catastrophe est à nos portes, mais poursuit avec entêtement le business as usual, avec pour seul horizon de l’intensifier toujours plus, et avec lui toutes les causes du réchauffement en cours. »

Voici maintenant l’analyse de « jeavie »  sur lemonde.fr : « Ce que cet article confirme et qu’on savait déjà c’est que Macron (qui se contente de prononcer ses discours rédigés par un autre) a une excellente plume qui sait trouver les accents et les formules qui font mouche. Pour une fois je suis d’accord avec S Foucart, quelques belles paroles ne font pas une politique. Chirac avait commencer avec son fameux « La planète brûle et nous regardons ailleurs » et s’était empresser de regarder ailleurs, comme Macron… »

Les politiques passent et les désastres s’amplifient ! A vos commentaires sur ce blog, QUE FAIRE ?

* LE MONDE du 30 septembre 1er octobre 2018, Au Championnat de la Terre

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Emmanuel Macron, écoute notre désespérance !

Nous vivons dans une époque épouvantable pour les générations qui viennent. Et déjà pour nous. On va connaître au moins 3 °C de réchauffement climatique. Je ne vais pas énumérer tout ce qu’on sait sur les conséquences sur la flore, la faune, l’eau, l’air, la terre. ­L’humanité est en train de se saccager elle-même. Les politiques font un colloque, ils sont contents, ils signent, et rien ne se passe. C’est un sujet gravissime auquel je pense chaque jour. L’être ­humain ne réagit que quand il a de l’eau dans les narines, et il va y avoir beaucoup de morts. Par sécheresse. Par concassage de toute la chaîne écologique. Et par guerres. Pour l’eau, pour la nourriture. Si on arrêtait aujourd’hui toutes les usines polluantes, les voitures, etc., on aurait malgré tout un réchauffement de 2 °C. Pour encourager les plus jeunes, je leur dis qu’on va connaître le premier tournant vers le mieux. On va être obligés de revenir à des modes de vie plus raisonnables. Toutefois, quand on voit que la première puissance mondiale a mis à sa tête Donald Trump, il est possible que l’humanité aille à sa perte et qu’on perde la moitié des humains sur Terre, qu’on ait un phénomène semblable à la peste, qui a tué un bon tiers de l’humanité. Qui peut souhaiter ça ? Par exemple, que va-t-il se passer quand l’eau douce va se répandre dans l’océan, bouleversant toute la faune ? On ne peut pas rester assis sur une chaise et pleurer.

(Fred Vargas in LE MONDE du 9-10 juillet 2017)

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