Sarko n’a rien compris… à mai 68

Sous sa rubrique écrans, LeMonde du 29.05.2008 rappelle les propos de Sarkozy lors du dernier meeting de la campagne présidentielle : « Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral, il nous avait imposé que tout se valait, le bien et le mal, le vrai et le faux, le beau et le laid… Il est  urgent d’en finir. » Donc, il n’y aurait plus aucune valeurs, ces constructions sociales qui nous permettent de classer en noir et blanc notre environnement ? La libération des mœurs issue de 1968 et la lutte contre l’autoritarisme seraient des valeurs à occire définitivement ? Vive le caporal-chef Sarko ?

En fait les maîtres à penser de Sarko (ceux qui écrivent ses discours) font l’amalgame classique entre le fait de relativiser et le relativisme. En ethnologie, le relativisme (ou relativisation) est une méthode de distanciation par rapport à ses préjugés. Un observateur plongé dans un milieu très différent de celui dans lequel il a été socialisé doit s’interdire de prendre comme modèle les valeurs et les institutions de la société dont il est issu. Lévi-Strauss nous appelle à acquérir à la manière d’un ethnologue ce « regard éloigné » qui nous permet de distinguer de manière plus lucide les aspects positifs et négatifs de notre propre culture. L’effet de décentrement dont l’ethnologie procède aboutit à considérer que la société thermo-industrielle n’est pas la norme absolue, mais une manière parmi d’autres de percevoir le monde ou de rentrer en relation avec lui. Mai 68 nous a permis d’imaginer un autre monde possible. Il y a une nette différence entre ce relativisme de méthode et le relativisme normatif, celui qui consiste à dire « tout se vaut ».

 Lévi-Strauss a travaillé sans relâche à décentrer l’homme : notre esprit est dans la nature, non à côté. Il y a continuité entre l’homme observant et le monde analysé. Nous ne sommes ni des témoins, ni des dieux, nous sommes simplement embarqués, objets et sujets d’une sorte d’immense histoire du temps et de l’espace. Cela ne donne pas blanc seing pour dire n’importe quoi.  Et pourquoi pas un homme dominé par ses gènes, tant qu’on y ait ; je parie que c’est dans la lignée de la pensée de Sarko 1er !

LeMonde, nataliste

LeMonde est nataliste et  ne s’en cache pas. Dans un éditorial du 12.04.2008, il analysait la fin des subventions pour la carte famille nombreuse comme « un mauvais signal », le symbole d’une politique familiale généreuse qui disparaissait. Dans un titre ce jour, « La pression démographique menace les forêts du Congo », LeMonde du 28.05.2008 souligne maintenant la problématique malthusienne. La population congolaise devrait presque doubler en vingt ans, passant de 65 millions d’habitants aujourd’hui à 125 millions. Dans un pays déjà mis à genou par des années de guerre (infanticide différé ?), la forêt reste la seule richesse qu’on puisse faire disparaître : bois de chauffage pour les citadins, déforestation pour l’agriculture des ruraux, forestiers plus ou moins certifiés. Une des populations les plus pauvres du monde dépend de la forêt pour assurer sa survie au détriment des arbres.

L’Union européenne cherche donc désespérément les moyens de protéger ces zones tropicales qui forment le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie. Alors on envisage une aide financière internationale, mais on ne sait pas encore à qui la distribuer dans un pays corrompu jusqu’à la moelle, où l’argent disparaît au fur et à mesure qu’il est versé. Le ministre de l’environnement congolais prévient d’ailleurs qu’il serait irresponsable de l’ignorer, lui qui est garant du respect de la biodiversité : les forêts congolaises abritent quelques gorilles et bonobos, sans compter des centaines d’espèces d’oiseaux et des milliers de plantes.

             La protection des forêts humides aurait un coût évalué à 3 milliards de dollars rien que pour la RDC. Mais jamais l’article du Monde n’a envisagé une possible diminution de la pression démographique au Congo. LeMonde est donc nataliste, qui ne dit mot consent. L’argent ne pourra jamais protéger la Biosphère contre une population humaine en constante progression…

pétrole volé

Le supplément économique (LeMonde du 27.05.2008) centre son dossier sur « Que font les pays du Golfe de leurs pétro-milliards ? ». On ne peut répondre à cette question que si on a pu déterminer au préalable à qui doit échoir la propriété du pétrole. Après l’intervention militaire de Bus junior, j’avais posé à différents groupes cette question cruciale : « A qui appartient le pétrole irakien ? » Les réponses de l’assistance envisagent immédiatement comme propriétaires de fait les Américains qui font la guerre en Irak uniquement pour mieux contrôler le ministère irakien du pétrole (le seul ministère qui n’a pas était pillé à Bagdad). Ils ont ensuite pensé au Irakiens, la propriété du sol donnant selon le droit international au pays celle du sous-sol. Après réflexion, ils ont aussi parlé des consommateurs qui ont besoin d’énergie fossile pour entretenir leur croissance absurde : c’est eux qui payent, ils ont donc tous les  droits. Ils n’ont pas oublié les pays du Sud qui ont besoin de se développer encore plus vite. Pour les plus clairvoyants du groupe, et ce n’était pas évident d’y penser, il ou elle a montré que le pétrole en tant que ressource non renouvelables appartenait d’abord aux générations futures et qu’il ne fallait en faire qu’un usage durable, par exemple en le transformant en objets et non en le brûlant dans les moteurs des automobiles. Mais absolument personne n’a imaginé que le véritable propriétaire des ressources fossiles, c’est la Terre qui a consacré des millions d’années de son existence pour constituer ce trésor enfoui. La Terre ne nous donne rien, nous lui volons ses richesses.

Cette évidence n’est plus perceptible dans une culture occidentale qui a intériorisé que l’espèce humaine est seul propriétaire de la planète, et qu’elle peut en faire ce qu’elle veut, usus, fructus et même abusus. Alors LeMonde se contente de constater que les familles régnantes imaginent n’importe quelle destination  pour une richesse qu’elles ont usurpée : des milliards d’investissements dans le tourisme pour une région qui n’attirera jamais le tourisme dans l’avenir puisqu’il n’y aura plus d’avion pour y aller (manque de kérosène) et que ces pays de Golfe sont vraiment trop chaud. Alors on joue à qui édifiera l’immeuble le plus haut du monde, la tour Burj Dubai qui pourrait atteindre 900 mètres, Nakheel qui envisage une tour de 1200 mètres et l’Arabie saoudite qui voudrait culminer à 1609 mètres. Construire Babel est toujours présent dans le cœur des hommes alors que les dynasties régnantes dans le Golfe n’ont que quelques années derrière elles : par exemple la dynastie des Saoud n’a conquis l’indépendance de la péninsule arabique sur la Turquie qu’en 1902, et le royaume d’Arabie saoudite n’a été proclamé qu’en 1932.

 Vanité, vanité, tout n’est que vanité.

cyborg ou sagesse ?

Plus s’accroissent les performances des machines, plus le corps humain paraît lent et son intellect dépassé. Pour certains, qui se proclament haut et fort « transhumanistes », l’organisme humain ne serait donc plus qu’un brouillon à rectifier. Usage des psychotropes pour fabriquer des états psychiques à la demande, recours à la chirurgie esthétique pour parfaire les apparences, interaction du fonctionnement biologique avec des ensembles électroniques. Les humains pourraient alors devenir cyborg (cybernetic organism), être hybride fait à la fois de chair et de puces de silicium. Après les pacemakers, les implants cochléaires et les seins en silicone, les humains  pourraient adopter des yeux artificiels et des microprocesseurs greffés sur leur système nerveux. Avec la maîtrise techno-scientifique des biologistes et des informaticiens, l’humanité a maintenant la possibilité de créer la symbiose du vivant et de l’inerte. C’est ce futur que nous concocte l’article « les espions volants de demain » (LeMonde du 26.05.2008). Titre prémonitoire ! L’humanité deviendra comme une armée d’insectes dans lesquels nous aurons incorporés des  connexions solides et stables entre tissus biologiques et tissus informatisés. Cette hybridation entre matières vivantes et technologiques ne peut que se terminer en cerveau-machine qui acceptera la soumission et les inégalités. Depuis le temps que l’humanité a essayé d’augmenter son contenu cérébral (bavarder, lire, s’interconnecter…), cela se saurait si nous avions réussi à faire quelque chose de mieux ! Au contraire nous continuons à nous entre-tuer et à bousiller la Biosphère.

 Ton corps ne doit pas devenir un accessoire de la machine dont le contenu te serait imposé pour des questions de rendement et de dépassement de soi. Percer son corps pour une boucle d’oreille, c’est pourtant déjà un premier dans l’engrenage. Il est dérisoire de modifier le corps légué par tes parents, libre tu nais, tu n’es libre qu’en refusant l’impérialisme de la technique.

des Séminoles blanchis

Les Séminoles sont issus au XVIIIème siècle de membres de la confédération Creek ; ils attaquèrent la Floride et finirent par s’y installer alors qu’elle était territoire espagnol. Les Séminoles furent donc des « pionniers », bientôt attaqués par d’autres « pionniers ». En effet, après que les États-Unis eurent acquis la Floride en 1819, le gouverneur territorial (et futur président des États-Unis) Andrew Jackson lança une politique énergique de transfert des Amérindiens pour ouvrir le territoire aux colons américains d’origine européenne. La résistance Séminole fut farouche, et les guerres Séminoles furent parmi les plus coûteuses de toutes celles menées contre les Indiens. Après la fin de la troisième guerre Séminole, les survivants signèrent en 1935 un traité de paix avec les États-Unis. L’élevage, introduit entre 1700 et 1900, a joué un rôle important pour la formation d’une élite économique. Aujourd’hui, ils exploitent les Blancs !

En effet les Séminoles, reconverti dans l’industrie du jeu en 1979, ont pu acheter en 2007 le groupe Hard Rock International, qui regroupe hôtels, casinos, restaurants et salles de concerts dans 48 pays. Ils croient qu’ils vont durablement financer leurs écoles et développer leur nation à partir des profits engrangés à l’étranger. Parqués ou éliminés par les Blancs, c’est comme une revanche, un juste retour de l’histoire, avec des projets rutilants pour Londres, Paris et Madrid ; ils ne prévoient pas de retour à l’élevage (LeMonde du 24.05.2008).

Il me semble que les Séminoles ont oublié la sagesse de leurs anciens : « L’homme blanc est étrange. Il ne prend pas le temps de rêver, de méditer, de célébrer la beauté de la terre, la naissance de l’aube, la douceur de la rivière. Il ne regarde pas les étoiles, il lui faut de l’argent, toujours de l’argent. Il lui faut même payer l’eau dont il se désaltère. Il court jusqu’à sa mort et sa vie lui passe sous le nez. Il survit dans un monde qui est pour nous incompréhensible. Dans les villes il y a trop de voitures, trop de gens, on ne peut pas respirer. Il me semble que l’homme blanc ne sait pas qui il est. »

on nous trompe

Les experts de l’AIE (agence internationale de l’énergie) annonçaient une production quotidienne de 116 millions de barils en 2030. Aujourd’hui on arrive à peine à en produire 85 millions alors que la demande est de 87 millions. Total pense même impossible de produire plus de 100 millions de barils (LeMonde du 23.05.2008). De toute façon le pic pétrolier est tout proche et même à 500 dollars le baril, on ne pourra jamais pomper plus que ce qu’il y a dans les sous-sols. L’AIE nous trompe comme tous ces experts qui affirmaient à une époque très proche que le prix du baril devait rester en dessous de 30 dollars.

Le banque mondiale et le FMI nous ont trompés en prônant la réduction des déficits publics et l’accélération des privatisations pour promouvoir le développement des pays émergents. Le Consensus de Washington (les idées de John Willliamson) reposait sur un Etat affaibli conformément à la vulgate libérale. Le dernier rapport de la même banque mondiale pense dorénavant que la croissance indispensable pour faire reculer la pauvreté et assurer le développement durable réclame un Etat fort ! Erreur ou mensonge ?

En fait cette commission « croissance et développement » s’appuie sur l’analyse des treize pays qui ont connu depuis 1950 un taux de croissance annuel de 7 % pendant 25 ans d’affilée (Chine, Brésil, Indonésie, Japon…). On constate alors le rythme d’augmentation du PIB ne correspond pas à un régime politique déterminé, parti unique, pluripartisme ou technocratie. Mais ces analystes se basent uniquement sur le passé. Comment peuvent-ils nous donner  des recettes de croissance pour l’avenir alors que nous devrions tous savoir qu’il n’y a aucune possibilité d’une croissance infinie dans un monde fini. Comment peuvent-ils étayer leurs dires alors que la croissance entraînent l’exode rural, l’explosion des bidonvilles, la progression des inégalités, l’insécurité économique ?

 Ils nous mentent encore car une fois de plus les experts de la pensée dominante ignorent superbement les problèmes croissants de la Biosphère, déplétion pétrolière, réchauffement climatique, perte de biodiversité, etc. etc. Il est vraiment paradoxal que la directrice de la banque mondiale puisse commenter en ces termes ce rapport : « Ignorer les problèmes de l’environnement dans les premiers temps du développement ampute inévitablement la croissance à long terme ». Il est vrai que la Biosphère et les humains ne se projettent pas dans le temps de la même façon !

locavore, concept d’avenir

La lecture transversale d’un grand quotidien de référence est un exercice salutaire. Ainsi LeMonde du 22.05.2008 finit très mal en dernière page : une énorme pub couleur signée Total sur notre avenir qui serait lié à la découverte de nouvelles ressources pétrolières ! Encore une entreprise d’exploitation pétrolière qui soutient sa raison de vivre au détriment de l’équilibre du climat. Le transport à bas prix, que ce soit pour les marins pêcheurs ou pour les intoxiqués du volant, est définitivement terminé.

D’ailleurs même page, Corine Lesnes fait un bel effort de désintoxication du tout pétrole avec son régime locavore. Le New Oxford American dictionary a fait de locavore son mot de l’année 2007, en hommage à tous ceux qui décident de manger local. Tout ce qui n’a pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 km est interdit de séjour dans les assiettes de ceux qui adoptent la façon de manger locavore.  Les locavores ont calculé qu’un verre d’orange de Floride consommé à Chicago contient l’équivalent de deux verres de pétrole. Mais le locavore que nous deviendront tous de gré ou de force n’aura pas la vie facile. Manger local, ce sera souvent faire vache maigre, avec de préférence un régime très végétarien. Une compensation cependant, manger quelque chose de local nous permet de rencontre de vraies personnes, et pas seulement des liens abstraits car simplement monétisés. C’est la tentative des AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne) en France ou ailleurs.

Major pétrolier ou relocalisation, Amap ou grande distribution, tout n’est que contradiction dans notre monde à la dérive.

pro ou anti-OGM ?

Limagrain, leader européen des semences de grandes cultures, renonce à expérimenter ses maïs transgéniques en France (LeMonde du 21.06.2008). La France prend ainsi du retard dans le domaine des biotechnologies, mais est-ce bon ou mauvais pour la France ? Voyons ce qu’en dit Jean-Paul Oury dans la page « Débats ». Selon son point de vue, la controverse n’est pas technique, elle oppose deux conceptions du rapport de l’homme et de la nature. D’un côté une vision naturaliste qui voit la nature comme un patrimoine à conserver (j’ai enlevé du discours de ce docteur en histoire tout ce qui était péjoratif, « conservatrice », « homme soumis », « manipulation suspecte »). De l’autre une vision « progressiste » qui part du principe que l’homme a depuis toujours modifié le vivant, condition même de sa survie.

Constatons d’abord que cet historien des sciences et technologies n’a pas voulu remonter à l’époque  de la chasse et de la cueillette au cours de laquelle l’homme ne modifiait pas son milieu. Insistons davantage sur les conditions de la survie : est-ce que la profusion technologique actuelle est faite pour assurer notre survie ou le profit des multinationales ? A-ton besoin du fordisme et de la bagnole à la chaîne pour assurer notre survie ? La combustion du pétrole, nécessaire aux transports des semences comme à presque tous les secteurs de notre civilisation, est-elle un avantage en soi ou un destructeur de climat ? Ne faudrait-il pas essayer de respecter l’équilibre avec la nature ou doit-on se lancer dans l’aventure de la reprogrammation du vivant ? L’auteur ne voit pas pourquoi on devrait s’interdire une technologie transgénique qui a fait ses preuves partout dans le monde.

 J’ai trouvé chez Claude Lévi-Strauss, pour qui il n’y a pas d’axe du temps humain dirigé vers le Bien, la dénonciation de l’entreprise de destruction menée par la civilisation occidentale à la fois à l’encontre des autres cultures et d’une nature qu’elle s’approprie par la technique. L’idéologie libérale répond pourtant par l’affirmative à cette question : Peut-on assurer notre survie par l’intermédiaire d’une destruction ? Je ne suis par sûr que la réponse de Jean-Paul Oury soit la bonne…surtout quand on sait que JP Oury appartient à Alternative libérale, « le parti pris de la liberté » (pour ceux qui cultivent des OGM) !

addiction au pétrole

Le prix du baril a été multiplié par six en six ans, il est plus cher en dollar constant qu’au début de 1981. Selon la conclusion de Jean-Michel Bezat (LeMonde du 20.05.2008), « Le pétrole le moins cher et le plus propre est celui qu’on ne brûle pas ». Le chemin pour y arriver sera semé d’embûches, même si  la prise de conscience est énorme. Le royaume wahhabite n’a plus l’intention d’obéir aux injonctions des Américains : « Chaque fois qu’il y a de nouvelles découvertes, laissez-les dans le sol car nos enfants en auront besoin ». Le roi d’Arabie Saoudite n’a pas encore une claire vision des problèmes du réchauffement climatique créé par la combustion du pétrole, mais il commence à réfléchir ! 

Le même numéro du Monde relate aussi les opérations flottille morte dans de nombreux ports de pêche français. Les marins pêcheurs ne peuvent pas encore répercuter la hausse fulgurante du prix du gazole sur les consommateurs, ils s’inquiètent de leur avenir. Pourtant il n’y en qu’un qui garde sa sérénité, c’est le faux écolo Claude Allègre qui, sous la rubrique Vu&commenté, ne croit pas encore à un réchauffement climatique d’origine anthropique. Il parle d’une escroquerie scientifique menée par des centaines de spécialistes du climat dans le cadre du GIEC et ne sait pas que les glaciologues sont des climatologues.

 La palme du négationnisme revient sans contexte à une pleine page du Monde sur l’automobile. Le Monde&vous consacre un article entier pour parler de la décapotable de BMW (149 à 224 g/km de Co2) et un autre, avec une belle Ferrari rouge en photo, dont le texte se garde bien de présenter le bilan carbone du moteur V8 à injection directe développant 460 chevaux et passant de 0 à 100 km/h en moins de quatre secondes. Je conseille donc à Jean-Michel Normand de lire ou relire l’article de Jean-Michel Bezat. Je conseille au Monde d’arrêter d’être dépendant de la publicité pour tout ce qui brûle du pétrole.

banalité du mal

            L’analyse de Bordenave et Guibert (LeMonde du 19.05.2008) nous montre la banalités des monstres :  l’assassin en série Fourniret est un homme ordinaire dont ni le passé, ni le mode de vie n’explique la cruauté des actes. Sa compagne dans le crime, Monique Olivier, en rajoute dans la grisaille. L’article juste en dessous, « Eduquer à la paix », montre que la volonté moderne de paix s’est arrimée, durant les deux siècles passés, à la progression de conflits de plus en plus brutaux (guerres mondiales ou locales) ou mouvants (terrorismes). C’est ce qu’Hannah Arendt appelait, au sortir du procès des dignitaires nazis à Nuremberg, la banalité du mal. Il reste à chacun d’entre nous de se rendre compte que les amoureux de la Nature et les objecteurs de croissance mènent le même combat, combattre la banalité du mal en oubliant notre anthropocentrisme de dominants. Un écrivain comme Yves PACCALET, dans L’humanité disparaîtra, bon débarras ! a bien cerné le problème :

« Je cherche l’humanité au fond de l’homme : je n’y vois que la moustache d’Hitler. Nous ne sommes ni le fleuron, ni l’orgueil, ni l’âme pensante de la planète : nous en incarnons la tumeur maligne. L’Homme est le cancer de la Terre. Nous sommes des salauds, je dirais même plus, nous aimons nos perfidies. Nous les justifions. Nous leur trouvons toutes les excuses possibles et impossibles, nous les rebaptisons « légitime défense », « acte de bravoure » ou « choix tactique ». Les capitalistes parlent de « concurrence loyale », ce qui fait rire tous ceux qui étudient les relations entre les entreprises. Voyez ces philosophes qui se haïssent en dissertant de la bonté universelle ! Regardez ces humanitaires qui se disputent l’aide aux victimes ! Examinez ces soldats de la vraie foi qui égorgent l’infidèle en psalmodiant : « Dieu est amour ! » Que cela plaise ou non, et quelles que soient les indignations du philosophe ou du moraliste, la vérité s’impose : nazis nous sommes.

L’éthologie nous enseigne que, comme tout être vivant, l’Homo sapiens obéit à trois pulsions principales : le sexe, le territoire et la hiérarchie. C’est au territoire et à la hiérarchie que je me  réfère expressément lorsque j’évoque notre côté nazi. Du côté du territoire et de la hiérarchie, tout est permis et même encouragé. La possession et la domination sont élevées au rang des valeurs. On les récompense par des biens matériels, un salaire, une rente, des profits. Chaque fois que nous étendons notre domaine ou que nous prenons le dessus sur quelqu’un, nous en tirons une récompense chimique en dopamine et autres molécules gouleyantes. Nous n’avons qu’une hâte : recommencer. Devenir toujours plus riches et plus puissants. Voilà pourquoi nous ne lâcherons aucun de nos avantages personnels pour sauver notre mère la Terre… Nous préférons la voir crever que de renoncer à nos privilèges.

Non seulement l’homme anéantit ses semblables en braillant Lily Marlene, It’s a long way ou l’Internationale, mais il devient le bourreau de la Nature. Nous ne céderons rien (en tout cas rien d’important : les autres n’ont qu’à commencer !) pour arrêter nos saccages et nos pollutions. Le silence des oiseaux devient assourdissant, qu’il soit causé par la guerre, la dévastation mécanique ou la chimie, il préfigure celui de la vie. Quelques beaux gestes ne remplaceront pas le grand partage. Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable. Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut. Le vingt et unième siècle sera belliqueux, ou je ne m’y connais pas. » 

conflit d’intérêts

Notre civilisation doit trancher entre des principes contradictoires. Ainsi les Etats-Unis ont placé l’ours polaire sur la liste des espèces en danger dans un langage si équivoque que la protection de l’ours pourrait en être minée (LeMonde du 17.05.2008). Il s’agit dans ce cas de trancher entre la lutte contre le réchauffement climatique qui menace le territoire de chasse des ours et l’approvisionnement en énergie des Américains. Quelques ours d’un côté, des millions d’électeurs de l’autre… La décision ne peut qu’être difficile !

En France, le préfet du Périgord doit trancher entre quelques  emplois créés par un circuit automobile qui s’installerait dans le parc naturel régional et quelques avis opposés : gaspillage d’énergie fossile par la compétition automobile, déboisement de 40 hectares riches en espèces animales et végétales protégées, bruit, augmentation du trafic routier dans le parc, risques de pollution des eaux souterraines, assèchement d’une zone humide, risques de perturbations du sous-sol… La décision ne peut qu’être difficile, vous pensez, quelques emplois en plus et un promoteur privé face à la détérioration de la Nature.

 La lutte entre la Nature et l’Homme est disproportionnée. Quels que soient les arguments, ce sont les intérêts humains à court terme qu’on privilégie jusqu’à présent même si c’est à l’encontre de l’intérêt des générations futures. Mais penchons-nous plus attentivement sur ce couple de britanniques passionnés de voiture qui tiennent à installer le circuit sur leur territoire. Certains idéologiques du capitalisme pensent que c’est l’appropriation privée qui peut le mieux permettre la protection de l’environnement. Pourtant, que ce soit aux USA, en France ou ailleurs, la Biosphère constate à chaque fois que la possession d’une voiture individuelle et d’un territoire duquel tirer un profit personnel empêchent d’accéder à une réelle conscience de la fragilité de notre planète face à la démesure de l’Homme.

Souveraineté alimentaire

A l’occasion d’un passage au Parlement européen, Jeffrey Sachs, avait rappelé la nécessité de réduire la production de biocarburant dans le contexte actuel de crise alimentaire mondiale. Très bien ! Mais le même Jeffrey Sachs propose aujourd’hui (LeMonde du 16.05.2008) d’envoyer en Afrique semences, engrais, techniques d’irrigation. De l’irrigation en Afrique alors que l’eau y est déjà une denrée rare ? Des engrais alors que leur coût a été multiplié par trois ou quatre en l’espace d’un an ? Des semences à haut rendement alors que les sols africains comptent parmi les plus épuisés de la planète  ? Du productivisme agricole pour devenir exportateur de céréales comme le Malawi ? Et combien de temps durera l’aide financière massive des pays riches que réclame Jeffrey Sachs ?

Il ne faut pas chercher bien loin pour connaître la seule solution durable. L’article haut de page nous décrit la bataille contre la faim des Camerounais. Rompant avec le libéralisme et la priorité aux importations de vivres imposée par le libre-échange généralisé, le gouvernement camerounais magnifie désormais l’agriculture nationale et vise la souveraineté alimentaire. Rappelons aussi à Jeffrey le diagnostic de l’IAASTD (Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement), un organisme qui fonctionne sur le même modèle que le GIEC (LeMonde du 16.04.2008) : « On ne peut plus jouer sur le seul facteur de la technologie. Il faut soutenir les petits paysans et intensifier les recherches en agro-écologie, c’est-à-dire la prise en compte des processus écologiques comme le fait l’agriculture biologique. Il faut une réorientation une réorientation autour des savoirs locaux et communautaires, afin de retrouver une autosuffisance alimentaire ».

 La Biosphère ajoute qu’il faudrait nécessairement, en même temps qu’on propose des solutions à la crise agricole, mettre en parallèle les efforts à accomplir en matière de limitation volontaire des naissances. Sinon la course entre population et alimentation sera sans fin, ponctuée par beaucoup d’autres émeutes de la faim…

contre le désastre

La rubrique « le livre du jour » nous résume La stratégie du Choc de Noami Klein (LeMonde du 15.05.2008). Selon l’ultra-libéral Milton Friedman, le capitalisme doit profiter du choc créé dans l’opinion par un coup d’Etat, une guerre ou un tsunami pour imposer des réformes impopulaires, en fait réduire le rôle de l’Etat qui « croit qu’on peut faire le bien avec l’argent des autres ». Passons sur le fait que les capitalistes ne peuvent amasser de l’argent que sur le dos des travailleurs, en expropriant la plus-value. La catastrophe à venir va certainement prendre la figure d’une pétroapocalypse. Le capitalisme fordiste est la source de cette catastrophe, il ne devrait pas être celui qui en tirera profit.

Pourtant rien ne va dans le bon sens. Deux pages après avoir parlé de Noami Klein, LeMonde nous lance à la figure une énorme publicité en pleine page : « Les pauvres sont dégueulasses, ils polluent ». Il s’agit d’imposer à l’Etat une prime à la casse pour inciter les catégories modestes à acheter une voiture moins polluante que leurs vieux modèles. D’un côté les théoriciens du libéralisme vomissent l’Etat, de l’autre les constructeurs automobiles et les organismes financiers appellent l’Etat à l’aide.

 Ne soyons pas  dupes, Milton Friedman et les stratèges libéraux ne pensent qu’à une chose, faire en sorte que  les entreprises tirent profit des malheurs de l’humanité et de la planète. Soyons réalistes, descendons de notre voiture pour aller à pied. Sinon ce sont les capitalistes qui continueront à nous fournir le volant de notre esclavage.

non à la concurrence de l’ULC

La concurrence est le pilier de l’économie marchande. Contraint par la concurrence des autres marchands, aucune entreprise ne peut imposer le prix de vente et élargir ses profits. Mais quand tout le monde veut faire autant, sinon mieux que le concurrent, la planète court au désastre. A peine la voiture la moins chère du monde, la Nano, est-elle lancée sur le marché par le groupe indien Tata que Renault s’allie avec un autre groupe indien pour lancer l’ULC (Ultra Low Cost). LeMonde du 14.05.2008 nous indique que cette voiture sera au même prix que la Nano, soit 2500 dollars. Il faut conquérir l’Inde où seulement sept indiens sur mille possède une automobile et où les ventes progressent en moyenne annuelle de 15 %. Après les 4×4, les petites voitures s’ajoutent les unes aux autres, la Logan, la Nano, l’ULC en 2011, la voiture d’un groupe chinois bientôt, celle du japonais Toyota, de General Motors l’américain… Le désastre est à l’horizon, le réchauffement climatique ne pourra qu’être accéléré par ce surcroît de combustion du pétrole. Pourtant rien dans LeMonde sur ce contexte, si ce n’est un timide « Le moteur de l’ULC pourrait consommer moins de carburant que la Nano ».

On nous parle des générations futures, mais ce n’est qu’un slogan pour tous ces vendeurs de boîtes en métal qui préfèrent équiper les générations présentes. En fait la concurrence est le soutien de l’économie de marché, une recherche de l’équilibre par la rencontre de l’offre (les fabricants d’automobiles) et de la demande (cette classe globale qui veut posséder un moyen personnel de locomotion que quatre roues). Mais il ne s’agit que d’un équilibre à court terme, prolongeant la croissance du fordisme et la manipulation des besoins du consommateur. Ce libéralisme économique n’a aucune vison de l’équilibre à long terme qui devrait reposer sur l’harmonie entre l’activité humaine et les possibilités de la Biosphère.

 Alors, l’ULC en 2011 ? Alors qu’on nous cache de moins en moins que la révolution industrielle est confrontée au troisième choc pétrolier et que le réchauffement de la planète s’accélère !!! Mais qui donc est chargé de la prospective dans l’entreprise Renault- Nissan ?

croisement Homme-Nature

Une rubrique nécrologique bien faite nous donne souvent à réfléchir, ainsi celle de Mildred Dolores Loving  (LeMonde du 13.05.2008) dont je n’avais jamais entendu parler. J’apprends ainsi que cette femme noire avait épousée en 1958 hors de cet Etat un Blanc alors que les lois de Virginie bannissaient tout mariage interracial, comme d’ailleurs 38 autres Etats. Le couple, réveillé aux premières lueurs de l’aube, a été condamné à un an de prison ou à l’obligation de quitter l’Etat. Lasse de ne pouvoir rendre visite à sa famille, Mildred s’était adressée au ministre de la justice en 1963. Elle avait obtenu gain de cause devant la Cour suprême par un arrêt de 1967 intitulé Loving contre Virginie. Il est temps d’aller encore plus loin dans le croisement des espèces.

Après l’émancipation des Noirs, des femmes et des couples mixtes est en effet venu la fin de l’anthropocentrisme. Pour l’écologisme radical, alors que les femmes ne sont plus considérées dans le monde moderne comme la propriété des hommes et les Noirs la propriété des Blancs, il n’y a toujours pas d’éthique traitant de la terre ainsi que des animaux et des plantes : ces éléments de la Biosphère sont encore considérés comme des esclaves. Il faut alors prendre la nature au sérieux et la considérer comme douée d’une valeur intrinsèque qui force le respect. Cette conversion à l’holisme écologique suppose une véritable déconstruction du préjugé anthropocentrique qui conduit à considérer l’univers comme le simple théâtre de nos actions.

 Aldo Leopold (1887-1948), l’auteur d’un classique consacré à la nature publié pour la première fois en 1949 à titre posthume, écrit : « La terre en tant que communauté, voilà l’idée de base de l’écologie, mais l’idée qu’il faut aussi l’aimer et la respecter, c’est une extension de l’éthique ». Pour Aldo Leopold, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister. « En bref, une éthique de la terre fait passer l’Homo sapiens du rôle de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté. Elle implique le respect des autres membres, et aussi le respect de la communauté en tant que telle. »

l’effet Giffen

Le président de la Banque mondiale, Robert Zellick, s’alarme de la montée du prix des denrées alimentaires de base, 80 % depuis 2005 (LeMonde du 12.05.2008). Il nous rappelle que la nourriture représente 50 à 75 % de la consommation des pauvres, contre moins de 15 % en moyenne pour les Français. Il est vrai que ce coefficient budgétaire, c’est-à-dire la part des consommations de première nécessité dans la consommation totale, diminue au fur et à mesure que le revenu s’élève : c’est la loi d’Engel, une loi qui peut s’inverser quand le revenu diminue. Pour les plus pauvres, c’est encore plus terrible ; les spécialistes parlent de l’effet Giffen, situation parfois subie au XIXe siècle en Europe. Lorsque le prix de biens essentiels, comme le pain, augmente, il reste moins d’argent pour acheter d’autres aliments et la consommation de pain augmente malgré la hausse de son prix. Cet effet s’explique par l’impossibilité de substituer d’autres aliments au pain, car aucun n’est aussi bon marché.

 Encore faut-il que le gouvernement contrôle le prix de la denrée alimentaire de base : le prix du pain (ou du maïs pour la tortilla) doit être juste selon les normes collectives, c’est-à-dire qu’il doit rester accessible. Les émeutes de la faim ont donc de l’avenir alors que la Banque mondiale et la théorie économique avaient oublié depuis des années que ce qui permet aux hommes de vivre résulte d’abord du soin apporté à la productivité de la Biosphère, la quantité de biomasse produite par unité de surface. On a préféré bétonner ou goudronner les terres cultivables ; en Egypte, on arrive même à construire dans la nuit une maison au milieu des champs. Les anciens étaient plus prévoyants, ils construisaient à l’orée du désert. Nous préférons transformer la terre en désert.

le baril a 200 dollars

Albert Hoffman, ce chimiste suisse qui a isolé la substance psychoactive connue sous le nom de LSD, est mort à 102 ans (rubrique nécrologique, LeMonde du 10.05.2008). La Biosphère ne retiendra de sa vie que cette conception du monde : « A notre époque où l’humanité devient toute urbaine, l’homme perd le contact avec la nature. Il n’éprouve plus son unité avec le vivant, il ne voit plus la splendeur de l’univers, alors il désespère… ». Bonne raison pour prendre encore du LSD à 97 ans ? Moi je préfère me shooter au prix du baril, bientôt à 200 dollars.

Il paraît que Arjun N.Murti a eu du nez. Analyste chez Goldman Sachs, c’est lui qui avait prédit, en mars 2005, que le baril du brut atteindrait 105 dollars alors qu’il était encore à 57 dollars. Mais mes archives personnelles me permettent de trouver un prédécesseur, Michel Sourrouille, qui dans le  courrier des lecteurs (LeMonde 9 septembre 2004) écrivait sous le titre :

Bientôt un baril à plus de 100 dollars

            « Un expert européen estime qu’un baril à 44 dollars ne peut casser la reprise (Le Monde du 24 août 2004). Cela me fait penser à tous ces spécialistes qui, pendant les débuts du conflit en Irak, pensaient que le marché permettrait de rester durablement en dessous de 30 dollars. Je n’ai pas grand mérite à prévoir un baril à plus de 100 dollars dans les mois ou les années qui viennent puisque le pétrole est une ressource limitée : l’ère utile du pétrole en tant que combustible s’achèvera avant le milieu du XIXe siècle, autant dire demain.

« Or toute rareté implique un prix élevé. Le prix du pétrole est artificiellement bas depuis le début de son exploitation puisqu’il a permis aux humains de gaspiller en moins de deux siècles un don de la nature accumulée pendant des millions d’année. Le problème essentiel n’est pas seulement l’effet de serre, mais un système de croissance basé sur l’éloignement entre domiciles et lieux de travail, entre localisation de la production et centres commerciaux, entre espaces de vie et destinations du tourisme.

« Le changement structurel qui s’est opéré sur plus d’un siècle ne peut être modifié brutalement sauf à provoquer une crise économique et sociale sans précédents. La société thermo-industrielle est très fragile puisqu’elle est basée sur une facilité de déplacement et un confort de vie issue du bas prix de l’essence et du gasoil, du fioul et du kérosène.

 « Dès aujourd’hui il faut se préparer au plus vite à des changements structurels de nos modes de vie pour éviter la pétroapocalypse. Seule une augmentation du prix du pétrole constante et progressive, dont les royalties iraient à la promotion des économies d’énergie et non aux rentiers du pétrole, permettrait une prise de conscience mondiale. »

Claude Lévi-Strauss

Le Monde des livres (supplément du vendredi) est assez désespérant, comme d’habitude. Centré sur des romans et des vieux trucs, il n’y a pratiquement rien comme analyse économique ou sociologique, uniquement de la culture au sens classique de « cultivé », c’est-à-dire sachant beaucoup de choses qui n’ont aucune importance. D’ailleurs il n’est pas utile de chercher des écrits en faveur de la Nature, ils sont carrément absents de ce mausolée à la gloire de l’anthropocentrisme satisfait. Cependant, on en trouve parfois (9.05.2008) quelques traces.

Il faut par exemple que Claude Lévi-Strauss entre avec 2000 pages dans la Bibliothèque de la Pléiade » pour pouvoir lire dans Le Monde des livres ces quelques lignes sur la nudité des Bororos : « La nudité des habitants semble protégée par le velours herbu des parois et la frange des palmes » Bien que Lévi-Strauss semble ici regretter cette nudité qui ne lui semble qu’apparente, le célèbre ethnologue a retenu de Jean Jacques Rousseau la fraternité de la nature perdue. Voici quand même deux éléments pour mieux connaître Lévi-Strauss, né le 28 novembre 1908 et toujours vivant :

– L’association « Les Amis de la Terre » déposèrent leurs statuts à la préfecture de Paris le 11 juillet 1970. Le Comité de parrainage comprenait Claude Lévi-Strauss, Jean Dorst, Pierre Gascar, Théodore Monod et Jean Rostand ; il ne s’agissait donc pas d’un club de tourisme ! Cette association prend pour thème les destructions perpétuées par l’homme au détriment de la vie sur la petite planète Terre. On aborde son corollaire, le désordre démographique de l’espèce humaine.

 – A la question « Que diriez-vous de l’avenir ?, Claude Lévi-Strauss répondit à 96 ans : « Ne me demandez rien de ce genre. Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai aimé avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d’humains. Ce n’est plus le mien. Et celui de demain, peuplé de 9 milliards d’hommes et de femmes, même s’il s’agit d’un pic de population, comme on nous l’assure pour nous consoler, m’interdit toute prédiction ».

le gaz part

Le prix du gaz a une tendance à la croissance exponentielle. Après une hausse de 4 % le 1er janvier 2008 et de 5,5 % le 30 avril, il devrait encore augmenter de 1,5 % le 1er juillet (LeMonde du 8.05.2008). Normal ! Comme les autres énergies fossiles, le gaz est une ressource limitée : on pense qu’il n’y en a que pour cinquante ans étant donc la consommation actuelle. Cela veut dire que dans  50 ans, il n’y aura plus du tout de gaz et que, bien avant d’arriver à ce terme ultime, le prix du gaz sera tel qu’on ne pourra plus se chauffer avec.

Rappelons que Gaz De France voulait augmenter ses tarifs de 7,5 % au 1er janvier 2006. Le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Thierry Breton, s’y était opposé en ne respectant pas les règles qu’il avait lui-même édictées. La CGT avait proposé de contrôler « démocratiquement » le prix du gaz grâce à une commission regroupant les consommateurs, les syndicats, les élus et GDF. Cette proportion qui tendait à empêcher la hausse inéluctable du prix de gaz n’a jamais eu de suite.

 Dans le texte de la motion finale du Mans (novembre 2005), le PS avait constaté que  « L’équilibre de la planète est en danger, la fin des énergies faciles est programmée ». La Biosphère serait bien curieuse de savoir si les socialistes auraient décidé une augmentation ferme et résolue du prix du gaz s’ils étaient parvenus au pouvoir en 2007…

LeMonde en grève

LeMonde fait grève. Rien au courrier ! Par quoi remplacer l’indispensable ? Par un retour aux fondamentaux, ces textes anciens qui balisent la route de notre avenir.

 

René Dumont s’exprimait ainsi dans la Gueule ouverte (mensuel, mai 1974) :

 

« J’enseigne à l’Institut national d’agronomie. L’agronomie, d’après ma définition, c’est l’artificialisation du milieu naturel. Ce milieu naturel, en l’artificialisant, on peut l’améliorer ou le démolir. Très tôt dans ma carrière, j’ai vu les dégâts de l’érosion en Algérie, j’ai aussi vu les dégâts de la désertification du nord du Sénégal en 1951. J’étais donc en contact avec des problèmes écologiques. J’avais pédalé avec les Amis de la Terre, j’avais assisté à la manifestation annuelle « Combat pour la survie de l’homme ». Tous ces amis sont venus me chercher pour me présenter aux présidentielles au nom du Mouvement Ecologique. Jusqu’à présent, tout ce que pouvaient faire les écologistes, c’était d’aller frapper à la porte des candidats en leur disant, dites donc, soyez gentils, tenez compte de la gravité de la situation. Les candidats nous répondaient : « Oh ! Combien vous avez raison », et dès que nous avions tourné le dos, ils oubliaient tout ce que nous leur avions dit. Maintenant, devant le mouvement qui s’est très vite développé autour de ma candidature, je pense que notre utopie peut aboutir à des réalisations si nous parvenons à percer le mur d’incompréhension, le mur d’ignorance. D’où l’importance des mass média.

 

Après… je suis en ce moment le porte-parole parce qu’il en fallait un, mais je ne suis pas le leader. Mais pour le mouvement écologique, je fais un petit testament dans lequel je lui conseille de se structurer pour continuer un groupe ayant une possibilité de pression politique. Je ne dis pas la forme à trouver, mais cette action politique est destinée à faire un projet révolutionnaire de changement total de la société, condamnant l’économie de profit, l’économie capitaliste. Il n’y a pas de défense écologique qui ne passe par une solution politique. »

 La Biosphère remercie René Dumont (1904-2001) d’avoir été la première figure de proue du mouvement politique de défense de la Terre. Comme disait aussi René, il faut écologiser les politiques et politiser les écologistes… Je pensais étant jeune au slogan « Elections, piège à  cons ». Mais aux présidentielles de 1974, René représentait enfin à mes yeux un candidat crédible, non par les masses à sa dévotion, mais par son projet radical de changer la vie.