écologie appliquée

remettre les petites phrases à leur place

« J’ai failli coucher avec Borloo, mais il n’était pas du bon côté ».  Aussitôt lemonde.fr glose sur cette petite phrase de NH. La journaliste Sylvia Zappi ferait mieux de s’occuper des vrais débats. Ainsi cette motion d’Europe Ecologie-Les Verts, « Remettre la publicité à sa place ». Remettre la publicité à sa place c’est la cantonner au rôle qui aurait toujours dû être le sien : rendre publique des informations mais sans s’imposer. Remettre la publicité à sa place c’est affirmer avec force qu’un autre modèle de société est possible. Les écologistes veulent donc la disparition programmée de la publicité.

Car la publicité prône la surconsommation, l’individualisme, l’immédiateté, l’apparence ou le gaspillage. Elle s’impose à nous, s’incruste dans tous les aspects de la vie collective et pervertit le fonctionnement démocratique. Bien au delà des seuls enjeux environnementaux liés au modèle productiviste dont elle est le fer de lance, la publicité a façonné des pans entiers de notre société, depuis la femme objet au culte de la vitesse et de l’apparence, en passant par un déséquilibre entre informations d’intérêt général et lobbies privés. EELV propose :

1) Liberté de réception

La liberté d’expression est un concept constitutionnel fondamental. Son droit corollaire est la liberté de réception. Nous le définissons comme le droit pour tous de refuser de se voir infliger un message ou une opinion. Une démarche volontaire de l’individu souhaitant accéder à l’information est nécessaire. Quelques mesures simples découlant de cette notion :

–          Diminution drastique des formats et densités de l’affichage publicitaire

–          Obligation de recueillir le consentement explicite préalable des individus pour la distribution de prospectus, pour la création de cookies, pour le démarchage téléphonique et pour l’envoi de messages sur les téléphones portables ou par courrier électronique.

2) Indépendance des services publics

Le financement de services publics par la publicité est une hypocrisie. Loin de tomber du ciel, la manne publicitaire est financée par le consommateur. Il faut rétablir la neutralité des services publics :

–  Suppression totale de la publicité sur le service public de l’audiovisuel

– Réduction drastique de l’affichage publicitaire dans les transports en commun

3) Information plutôt que manipulation

– Interdiction de la publicité télévisée destinée aux enfants et suppression des publicités lors des programmes jeunesse

– Meilleur encadrement des arguments et procédés publicitaires (écoblanchiement, stéréotypes sexistes, marchandisation du corps, …) et création d’une autorité indépendante chargée de la régulation pour tous les supports

4) conclusion

Cette thématique est intimement liée au projet écologiste. Elle doit donc figurer en bonne place dans notre programme, mais également dans les accords programmatiques avec nos partenaires politiques qui n’ont que trop rarement abordé cette question et encore plus rarement sous le bon angle.

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Dédiabolisation du Front national par l’écologie ?

La nature est neutre, la nature est apolitique, mais les humains sont politisés. Il y a donc des écologistes partout, même au Front National. Ainsi Laurent Ozon, nommé membre du bureau politique le 16 Janvier 2011, apporte à Marine le Pen le concept du « localisme », un des axes majeurs du nouveau discours du FN : produire local, consommer local pour résister à la mondialisation*. Ozon serait un identitaire qui met en avant les communautés organiques, l’enracinement, le principe « une terre, un peuple ». Il est vrai que LeMonde souligne la proximité des concepts : la formule, protectionnisme social est un autre mot pour dire préférence nationale ; relocalisation des populations désigne signifie aussi renvoi des immigrés dans leur pays d’origine. Dédiabolisation en apparence.

Mais le problème reste clairement posé. Ainsi Paul Ariès** : « Les objecteurs de croissance ne maîtrisent pas forcément les codes de l’extrême droite et peuvent donc se faire piéger. Parler de relocalisation, ce n’est pas prôner la relocalisation des populations, ce n’est pas combattre l’immigration, les immigrés, ou l’islam. Notre relocalisation, c’est le « local sans les murs », sans la xénophobie. La remise en cause des préceptes universalistes peut être salutaire lorsqu’elle conduit à accepter la pluralité des mondes face à la marchandisation capitaliste, mais elle est inacceptable si elle aboutit à une vision inégalitaire et séparée des peuples. Eux visent le retour à des sociétés fermées les unes aux autres, inégalitaires. »

Il n’aura échappé à personne qu’Ariès se situe lui aussi sur un terrain mouvant. Où commence la démondialisation ? Quand commence la régulation des flux migratoires si elle devient incompatible avec l’équilibre d’un écosystème ? Quels sont les produits pour lesquels il faut rester ouvert et ceux pour lesquels le protectionnisme sera effectif ? Jusqu’où peut aller la pluralité des mondes ? Qu’est-ce qui sépare inégalités et différences ? Le débat ne fait que commencer…

* LeMonde du 28 mai 2011, Les penseurs de Marine Le Pen

** mensuel La décroissance (mai 2011), Les identiverts ? Non merci !

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l’irresponsabilité des automobilistes

– A la radio ce matin : « Les histoires d’automobilistes, c’est pas forcément de droite ou de gauche. » Il s’agit de la controverse sur la suppression des panneaux de signalisation des radars. Le Premier ministre de droite en appelle à la responsabilité et à piéger les automobilistes, ses députés de droite se veulent « populaire » (populiste) et chouchoutent les automobilistes.

– Position du parti socialiste : il ne dit rien, il rigole, mais qu’auraient fait les députés socialises s’ils étaient au pouvoir. Sans doute la même fronde que l’UMP, et le refus de parler au nom de l’intérêt général.

– Quel est l’intérêt général : Ce n’est pas simplement 4 000 morts chaque année en France suite à un accident de la route. Rouler vite est un crime contre la planète. En effet notre goût de la vitesse est en décalage complet avec la contrainte énergétique qui émerge : nous avons passé le pic pétrolier et le réchauffement climatique fait déjà ses effets. Comment diminuer d’un facteur 4 nos émissions de gaz à effet de serre sans modification lourde de nos habitudes ?

– Un débat qui commence en 2005 : Nos responsabilités, nous les connaissons officiellement depuis six ans. Dans son rapport annuel 2005, le mot d’ordre de l’Agence Internationale de l’Energie devenait : « Economisez l’énergie, économisez le pétrole ! Et diversifiez-vous, s’il vous plaît. Sortez du pétrole ! » L’AIE invitait donc les gouvernements à préparer une série de mesure, par exemple réduction à 90 km/h de la vitesse sur autoroutes…

En août 2005, le Premier ministre français avait réuni les dirigeants du secteur de l’énergie. Le ministre de l’industrie insiste : « Il  faut donner quelques signaux forts pour que tout le monde comprenne qu’il est concerné et pour longtemps par la hausse des prix du pétrole. On peut imaginer par exemple une réduction de la vitesse sur les autoroutes à 115 km/h ». A l’époque, le premier secrétaire du PS, François Hollande, avait pris position contre la limitation de vitesse !

CONCLUSION : Pour une fois, nous sommes d’accord avec la conclusion de l’Editorial du Monde (25 mai 2011) : « Gouverner, c’est comme conduire : il faut choisir. En l’occurrence entre la responsabilité, quelle qu’en soit la rudesse, et un laxisme dont les motivations électoralistes ne sont pas glorieuses. »

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Dominique Strauss-Kahn est-il de droite ou de gauche ?

«  Ni droite, ni gauche » est un slogan qui ne veut rien dire, comme d’ailleurs « elle était consentante ». Tout dépend de ce qu’on entend par droite, gauche, ou consentement ! Et rappelons-nous que Dominique Strauss-Kahn se disait socialiste. LeMonde succombe pourtant à ce travers de la superficialité dans son article* sur la primaire des écolos Hulot/Joly. Il paraît qu’il y a un clivage historique entre le « ni droite, ni gauche », formule à l’origine de la création des Verts, et « l’ancrage à gauche » depuis 1997. C’est oublier que cette évolution relevait seulement d’une stratégie politique et non d’un changement de convictions des écolos. En effet, contrairement à ce qu’affirme Noël Mamère, il y a des arrangements possibles pour savoir avec qui on va se marier. Car il faut déterminer de quelle « gauche » et de quelle  « droite » on parle.

La gauche au pouvoir en 1981 avec Mitterrand n’a laissé aucun souvenir en matière d’écologie. Entre 1997 et 2002, le Premier ministre Jospin, de « gauche », tenait l’écologie pour une bizarrerie anecdotique. Bettina Laville, sa conseillère environnementale, se désespérait chaque jour de ne servir à rien. Dominique Voynet confiait avoir été la seule écolo dans un gouvernement qui ne l’était pas. Rien n’a changé depuis : la motion « pour un parti socialiste résolument écologique », n’a obtenu que 1,6 % des voix lors du dernier Congrès. La gauche qui veut nous gouverner n’est donc pas écolo. Elle continue de sous-traiter les problèmes environnementaux au lieu de les prendre comme condition première de notre genre de vie.

                La droite a donc beau jeu de rappeler que c’est elle qui a porté en France la législation environnementale, qui lui a donné un principe constitutionnel et qui a organisé la première véritable concertation publique sur l’ensemble de ces enjeux : création en 1971 du ministère de l’environnement par Georges Pompidou, loi Barnier en 1995, Charte de l’environnement en 2005 et « Grenelle de l’environnement » lancé en 2007. Nathalie Kosciusko-Morizet,  Ministre actuel de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, assume un périmètre assez large d’action. Le contenu de son livre** n’était pas partisan.

C’est avec sagacité qu’André Gorz avait subsumé l’économie contemporaine capitaliste et socialiste sous un concept plus large, l’industrialisme (le productivisme). C’est donc une certaine droite qui se retrouve avec une certaine gauche pour dénoncer les méfaits d’une société de croissance qui court au désastre. Beaucoup de pages seraient encore nécessaires pour approfondir ce que veut dire politiquement droite ou gauche quand on y mêle l’écologie. Mais en résumé, il y a ceux qui estiment qu’il n’y a pas de limites à la volonté de puissance de l’homme, et ceux qui ont le sens des limites. Où placeriez-vous DSK ?

* LeMonde du 15-16 mai 2011, Les écologistes face au vieux démon de la division

** Tu viens ? (Gallimard 2009)

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la catastrophe, c’est Pascal Bruckner

Pascal Bruckner ou le refoulement du désastre ! Bruckner avait dit un jour détester par-dessus tout « le manque de courage intellectuel » ; or ce n’est vraiment pas de cela dont il fait preuve dans une tribune du Monde*. Il est vraiment affligeant que sur la cinquantaine de textes que le quotidien reçoit chaque jour, on retienne pour publication un pamphlet témoignant d’une connaissance aussi grossière de la réalité contemporaine.   

Pascal Bruckner place dans le même panier les scientifiques qui annoncent le dérèglement climatique ET des sectes apocalyptiques : c’est faire un raccourci digne d’un romancier qui a rédigé sa thèse sur le socialisme utopique de Charles Fourier. Car Bruckner veut confondre allègrement deux choses, catastrophes et catastrophisme. Les catastrophes sont des faits, mesurables scientifiquement : tsunami financier, Fukushima, crise de l’endettement, 6ème extinction des espèces, réchauffement climatique, pic pétrolier (descente énergétique), etc. De cela, Bruckner ne dit mot ! Ce qui l’intéresse, c’est une invention littéraire qu’il appelle « catastrophisme ». Si les prêcheurs de l’Apocalypse ont toujours existé, la crise systémique qui nous affecte n’a rien à voir avec les sectes millénaristes du catastrophisme. Mais Bruckner fait semblant de confondre. Pour lui, « les médias et les gouvernements diffusent en continu l’effroi pour la peur que cela inspire ». Pour attester de son propre imaginaire, Bruckner fait dire ce qui n’est pas dit, « La fin des temps est venue », « Dans cinq ans, dans dix ans, la terre sera devenue inhabitable », « Toutes les centrales nucléaires auront explosé », etc. Il paraît que « Le catastrophisme règne dans les pays occidentaux » alors qu’il ne s’agit que de recenser jour après jour les maux auxquels nous sommes de plus en plus confrontés et contre lesquels il nous faudrait réagir.. Quelle est donc l’intention cachée de Bruckner ?

Bruckner se réfère à l’Armageddon et à Paco Rabanne pour, implicitement, nous demander de ne pas réagir : puisque le catastrophisme règne, alors ne faisons rien contre les catastrophes. Pire, Bruckner dévalorise ceux qui essayent de faire quelque chose : abandonner la voiture et les voyages en avion, faire du vélo, monter les escaliers à pied, consommer local, délaisser la viande, devenir végétarien, recycler ses déchets, planter des arbres, modérer ses désirs, s’appauvrir volontairement. Pour Bruckner, il ne s’agit là que de remèdes dérisoires pratiqués par de gentils boy-scouts qui suivent les conseils dignes de nos grands-mères. Il s’agirait pour les décroissants d’une « illusion d’agir pour la Terre ». Nous consommons trop et Bruckner nous propose de faire comme si de rien n’était : c’est pathétique et profondément irresponsable ! Pour Bruckner, qui n’en est pas à une contradiction près, « on décrète la certitude du désastre car cela permet de se reposer, peinards, dans les douceurs », « on voulait nous alarmer, on nous désarme »..

Alors, que propose de son côté Bruckner pour réagir contre les réels désastres sociaux, économiques et écologiques qui se profilent ? Rien ! Ah, si, mais il ne le dit pas clairement, il n’ose même pas exprimer sa pensée profonde : il faudrait de la croissance ! C’est cela que nous lisons entre ses lignes, « Quant aux Chinois, aux Indiens aux Brésiliens, ils doivent retourner à leur misère, pas question qu’ils se développent ». Il nous propose aussi de faire une confiance aveugle au progrès : «  Les sociétés humaines survivent aux pires calamités et développent une intelligence des périls ». D’ailleurs pour Bruckner, il suffirait de ne jamais construire de centrales nucléaires dans une zone sismique !  A lire Bruckner, on ne peut donc que douter de l’intelligence humaine. Alors, quelle est la justification profonde de ce verbiage qui mêle allègrement une BD d’Hergé, l’Apocalypse chrétienne et le calendrier maya ?

                De révolutionnaire, Bruckner est simplement devenu de plus en plus réactionnaire. Car n’est-ce pas lui qui était invité au Fouquet’s un certain 7 mai ? Tout bonnement  Bruckner se comporte en petit soldat de Sarko pour qui « l’écologie, ça commence à bien faire ». M. Bruckner travaille actuellement à une réflexion sur l’écologie. Nous avions un Claude Allègre pour le climat, nous aurons désormais un Pascal Bruckner pour l’écologie. On comprend mieux, en lisant ses vaines élucubrations, qu’il n’a pas besoin de réfléchir au sujet puisque le catastrophisme est le plus sûr moyen de ne pas parler des catastrophes. Nous avons rédigé cette chronique, nous avons perdu notre temps. Mais 3/4 de pages donné par LeMonde à Pascal Bruckner méritait quand même une réponse.

* tribune LeMonde du 2 mai 2011, La séduction du désastre

(texte déjà parue sous forme Chronique sur lemonde.fr, mais les chroniques des abonnés sont si vite oubliées !)

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la catastrophe, c’est Alain Frachon

LeMonde a publié récemment une tribune* fort contestable de Pascal Bruckner mélangeant de façon éhontée la réalité des catastrophes en cours et le « catastrophisme ». Luc Ferry vitupère dans Philosophie magazine (mai 2011) sur « nos écolos, animés par la peur… La peur est devenue la passion fondamentale de l’écologie ». Et aujourd’hui Alain Frachon**, directeur éditorial du Monde, enfonce le clou en faisant une « critique raisonnée du catastrophisme ambiant ». Il commente l’ouvrage « salutaire » de Bruno Tertrais, dénonçant le catastrophisme dans son livre L’apocalypse n’est pas pour demain. Ce n’est plus de l’information, c’est de la désinformation collectivement assumée. Pourquoi ?

                Tous ces « spécialistes » caressent l’opinion dans le sens du poil : la seule urgence, c’est de ne rien faire puisqu’il n’y a pas de catastrophes prévisibles, il n’y a que du catastrophisme non fondé. Alain Frachon  recopie Bruno Tertrais : « La planète et l’humanité vont beaucoup mieux qu’on ne croit et l’avenir est beaucoup moins sombre qu’on ne le dit. » Alain Frachon conclut que l’état présent du monde ne justifie pas le pessimisme et que faits et chiffres mettent à mal le catastrophisme des prévisions les plus fréquentes. Dormez braves gens est le seul leitmotiv ! Redescendons sur notre planète réelle !

                Non, nous ne sommes pas « plus riches » ; quand on a défalqué de l’indicateur PIB les méfaits de la croissance, on pourrait calculer un rythme de croissance négative. Non, nous ne sommes pas « mieux éduqués » ; nous sommes gavés de connaissances inutiles avec des diplômes en voie de dévalorisation. Non, nous ne sommes pas en « meilleure santé » ; la diminution de l’espérance de vie en bonne santé constatée dans plusieurs pays européens en témoigne. Et puis ces optimistes, comme c’est bizarre, n’attachent aucune importance au tsunami financier qui montrait la fragilité de nos empilements monétaires. Ils minimisent Fukushima comme le réchauffement climatique quand ils en parlent. Un milliard de personne qui ne mangent pas à leur faim est le cadet de leur souci. Ils semblent ignorer le pic pétrolier et ne disent rien de la 6e extinction des espèces. Dormez braves gens est leur seul leitmotiv.

Notre réveil va être douloureux, on ne peut rien contre la réalité des faits en dressant un mur de parole. Politiques, politologues et journalistes doivent absolument dynamiser le sens des responsabilités de nos concitoyens. L’ampleur de la catastrophe à venir ne peut être résorbée qu’à cette condition. Je préfère LeMonde quand il réalise une double page réaliste sur le temps des catastrophes ***.

* La séduction du désastre (2 mai 2011)

** LeMonde du 13 mai 2011, critique raisonnée du catastrophisme ambiant.

*** LeMonde du 26 mars 2011, Vivre et penser le temps des catastrophes.

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La Décroissance en mai 2011

Quelques moments forts du dernier numéro du mensuel La Décroissance pour en décrypter les principaux errements. En résumé, ce journal est anti-Hulot, anti-malthusien, anti-écolos.

1. L’éditorialiste Bruno Clémentin alimente encore une fois la campagne anti-Hulot, caractéristique principale de ce journal : « Nicolas Hulot est venu pour rencontrer la rédaction de La Décroissance. Comme il n’y a pas d’héliport au centre de Lyon, ils ont fait l’aller-retour en train, à grande vitesse tout de même. Eh bien, ce type n’est pas plus sincère que vous et moi. On ne sait pas ce qu’il se croit, ce Hulot là, ni s’il est content de lui. On découvre simplement qu’il sait compter, parler pour ne rien dire et conjuguer les verbes à la première personne du singulier. Il va donc pouvoir faire illusion quelque temps. Suffisamment pour achever la lente agonie des verts. »

                Sur ces affirmations péremptoires, le journal soutient un anti-Hulot primaire, Stéphane Lhomme, celui qui a été viré du réseau « sortir du nucléaire » et qui répond ainsi à une interview d’une page entière  dans un journal dont il est aussi rédacteur :

La Décroissance : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la primaire EELV ? Y aviez-vous songé avant la candidature de Nicolas Hulot ?

Stéphane Lhomme : Non, c’est effectivement la candidature de Nicolas Hulot qui m’a motivé. Si j’étais élu président, ma première mesure serait de signer un décret abrogeant Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand. Comme on abroge une mauvaise loi, il faut abroger ces personnages.

2. Fabrice Flipo, digne représentant d’un journal antimalthusien, pose sous sa rubrique la question qui tue : Les écologistes et autres luddites doivent sortir de l’ambiguïté : « sont-ils avec Malthus ou contre Malthus ? Pensent-ils que certains sont de trop et, si oui, qui ? »

Un lecteur, Michel Chauvet, lui répond clairement dans le même numéro : «  Il y a comme un problème dans mon rapport avec votre journal. Je suis un de ces « monstrueux », à vos yeux néomalthusiens (antinatalistes) ; ce qui semble vous rendre hystériques et haineux. Pour moi, le paramètre du nombre aggrave tous les autres problèmes, voire les crée. Je ne vois pas comment la planète supportera 9 milliards d’humains. Evidemment, je ne veux absolument pas tuer qui que ce soit, mais la contraception existe : pas de chair à travail, pas de chair à canon. »

3. Finissons par le Ras le bol d’Esther Schmid Fatio en courrier des lecteurs : «  C’est décidé, je ne vous achète plus ! A part la page simplicité volontaire, je ne vois pas où est la joie de vivre dans votre journal. Vous insultez les personnalités avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, vous êtes contre tout… en un mot, vous me déprimez. »

                Le directeur de la publication et rédacteur en chef Vincent Cheynet confirme par ses propres écrits ce diagnostic en s’attaquant à Fabrice Nicolino, déclaré « écotartuffe du mois » :

« Fabrice Nicolino partage avec nous les thèses sur la complicité de Greenpeace, du WWF, de Nicolas Hulot et de France nature environnement dans l’opération de vampirisation de Nicolas Sarkozy, le Grenelle, mais ce journaliste parisien ne sait pas qu’il y a des choses qui se font et d’autres pas. Nicolino a balancé sur Internet des courriels privés, déversés un torrent d’injures ordurières à mon égard. Il me menace d’un procès. Martelant « haïr la gauche », le même faisait l’année dernière une véritable déclaration d’amour à Chantal Jouanno. Si notre monde est malade d’une chose, c’est bien de ces gros mâles dominants qui se dressent sur leurs pattes de derrière pour aboyer. J’ai toujours eu en horreur ces gros gars qui gueulent pour imposer leur vue et pratiquent le terrorisme intellectuel, tout en se réclamant bien sûr de la non-violence. »

                Cette diatribe est étonnante ! Vincent Cheynet, le pilier de La Décroissance, ne se rend même pas compte que lui et son équipe appartiennent à la catégorie qu’il vient si brillamment de décrire.

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Nicolas Hulot contre le PS, parti croissanciste

Les socialistes ne font que répéter les slogans de la droite, développement, croissance, pouvoir d’achat… La droite est opposée par principe au concept de décroissance. Chantal Jouanno avait été en charge de finaliser une note de cadrage dessinant les contours d’une écologie de droite ; elle se contente de proposer une  « croissance écologique » *.

Au Congrès de Reims en 2008, la croissance est aussi dans toutes les têtes socialistes. La motion de Delanoë proposait la « Promotion d’un nouveau modèle de développement qui articule croissance, justice sociale et écologie ». La motion de Martine Aubry affirmait avec force que « la croissance économique et l’impératif écologique constituent un seul et même enjeu ». Béatrice Marre, Secrétaire nationale de la commission nationale environnement et développement durable à l’époque, essayait maladroitement de préciser sa conception sur la décroissance dans sa Contribution thématique : « Nous ne nous inscrivons pas dans le registre de la « décroissance », concept sans avenir car il méconnaît la nature même du vivant, qui est précisément de croître. » Même la motion du pôle écologique du PS restait évasive : « Il s’agit de ne plus évoquer la croissance sans la relier à son contenu et à la manière de la mesurer ».

Il y a encore une certaine tension sur le mot obus de décroissance chez les Verts. Dans Libé du 5 décembre 2008, Daniel Cohn-Bendit montre qu’il a vieilli : « Pour moi  la décroissance, c’est un gros mot que personne ne comprend. Comment parler de décroissance à des gens en crise ? » Mais les Verts avaient affiché leur unité lors de leur Congrès de 2008. Cécile Duflot est réélue secrétaire nationale et la motion commune est votée par 71 % des congressistes ; le texte se prononce pour une « décroissance sélective, équitable et solidaire ». Plus tard la plate-forme électorale des listes Europe-Ecologie prônera seulement la « décroissance des flux de matière et d’énergie ». Nicolas Hulot récemment ne fait dans sa déclaration de candidature aux présidentielles 2012 qu’inverser les termes du débat. Il veut installer une « croissance qualitative et sélective », c’est-à-dire sans le dire encore une décroissance quantitative.

Après les Trente Glorieuses, nous espérons un siècle de décroissance conviviale grâce à un gouvernement de rupture véritable, pas la rupture continuiste du « travailler plus pour gagner plus » qui va chercher la croissance avec les dents ! Nicolas Hulot  ose aujourd’hui vouloir établir une préoccupation écologique de tous les instants et agir contre les exigences de confort d’une population humaine qui a besoin de plusieurs planètes. Nous vivons cette époque extraordinaire du renversement possible de paradigme : l’écologie qui supplante l’économisme.

* LeMonde du 15 octobre 2009

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les revenus de Nicolas Hulot

Bac + 3 mois en poche, Nicolas Hulot gagne aujourd’hui de l’argent. Nicolas se lance dans une campagne présidentielle, un énorme risque financier. S’il obtient moins de 5 % des voix, autant dire qu’il devra assumer un endettement. Nicolas œuvre pour l’écologie, ce qui est assez rare dans un monde où la quasi-totalité des riches ne partage pas, où les riches financent des oeuvres non reliés à la bonne santé de notre biosphère.

Nicolas Hulot gagne de l’argent, 30 000 euros par mois de salaire, + des droits d’auteur, + des royalties sur les produits dérivés de la marque Ushuaïa. Ce n’est pas un secret, tout est déjà dit dans le livre Sain Nicolas. Sa société Eole (700 000 euros de bénéfices en 2006) publiera les comptes exacts et actualisés puisqu’il rentre en politique. Nicolas en appelle « à celles et ceux qui savent qu’on ne peut plus s’exonérer de toute limite, notamment des limites physiques de la planète », il est le digne successeur de René Dumont. L’objectif de Nicolas n’est pas de se vautrer de manière indécente dans des millions de dollars comme le font tant de sportifs et de cadres dirigeants, la rolex au poignet. L’objectif de Nicolas, c’est de changer de cap, libérer les esprits des diktats d’un mode production et de consommation contaminé par l’illusion de la croissance quantitative, s’émanciper d’un monde happé par la frénésie du toujours plus, s’affranchir du profit. C’est s’appuyer sur le meilleur de l’humanité : le partage, la modération, la sobriété. Constatons que Nicolas montre déjà l’exemple. A part sa maison d’habitation à Saint-Lunaire et une résidence en Corse, son patrimoine ne semble pas démesuré. Un proche se demande même ce qu’il fait de son argent. Son train de vie ressemble à celui d’un cadre sup frappé par le bio, sans plus*. L’essentiel n’est pas ce qu’on gagne, mais ce qu’on fait de son argent.

                Eva Joly s’est empressé de faire allusion ce jour aux soutiens industriels de Nicolas Hulot, dont la fondation est parrainée – entre autres – par EDF. Mais l’objectif de sa fondation est de contribuer à l’émergence d’une société écologiquement viable et socialement solidaire, intégrant les enjeux de long terme. Irréprochable ! D’ailleurs EDF pourvoit aussi à l’électricité dont chacun estime avoir tant besoin, cela ne fait pas pour autant du branché au réseau un vendu au capital…

* LeMonde Magazine du 9 avril 2011, Si Hulot gagne de l’argent, son train de vie n’a rien d’ostentatoire.

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supprimons les inégalités de salaires

Il est possible de fixer un salaire minimum, il est donc possible de plafonner le salaire des patrons. C’est le socio-politique qui dirige l’économique et non l’inverse. Le libéralisme économique qui survalorise l’individualisation nous a fait oublier la réalité. Que ce soit clair, les dirigeants d’entreprise n’ont aucune performance particulière à faire valoir dans le résultat financier de leur entreprise. Les grands groupes sont des collectifs de travail où toutes les personnes ont leur importance, autant le balayeur que l’expert en analyse des marchés. Un dirigeant n’a pour statut qu’une fonction parmi d’autres, qui est celle de coordonner ses cadres proches qui à leur tour coordonnent les travailleurs, mais c’est la base qui à la lourde tâche de réaliser au mieux le rapport à la production ou à la clientèle. Et en dernier ressort, c’est le versement d’argent des consommateurs qui fait la richesse des patrons. Un patron ne possède que deux bras et une seule tête, des besoins similaires à tous, il ne vaut pas beaucoup plus que n’importe lequel d’entre nous et certainement beaucoup moins dans des tas de domaines (la sagesse, le respect des autres, l’amour de la nature, etc.). Le RMA (revenu maximum admissible) devrait être une exigence syndicale et politique de premier ordre.

LeMonde* nous relate le projet du PS de limiter les salaires de certains patrons à vingt fois le salaire de base. LeMonde reprend les lieux communs habituels, « Ce n’est pas à l’Etat d’imposer ses règles dans des sociétés privées »… « Trouvera-t-on des patrons compétents avec des rémunérations si basses »… « On ne recruterait que des seconds couteaux »… « Les grands patrons vont fuir à l’étranger ». Pas touche aux salaires du PDG de GDF-Suez, 3,3 millions d’euros en 2010 ? Pas touche aux présidents de sociétés côtés au CAC 40, gagnant chacun plus de 200 Smic en moyenne ? Notre société nous fait gober n’importe quoi, il faut penser autrement.

                 D’autant plus que dans l’état actuel de la planète, affaiblie et épuisée, aucune personne ne devrait revendiquer un niveau de vie supérieur à celui de la moyenne mondiale. Lisez Hervé Kempf** : « Tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4×4 climatisés et leurs villas avec piscine, nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie ? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi, pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. »

* LeMonde du 6 avril 2011, Est-il possible de plafonner le salaires des patrons ?

** Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)

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Social-écologie selon Eloi Laurent

Un livre décevant (éditions Flammarion, 2011) car il évite toute référence à la politique. La neutralité bienveillante et les citations d’universitaires ne donnent pas de mode d’emploi : « L’homme a toujours été naturel, la nature est désormais presque totalement humaine. » Mais encore ? « Si nous sommes privés des services que nous rendent gracieusement des écosystèmes dont la munificence s’épuise, toute notre intelligence ne suffira pas à leur substituer des artefacts pour satisfaire nos besoins élémentaires. » Mais encore ?  « Il est un principe à la fois fondamental et simple pour changer les attitudes environnementales : le principe de justice, dont la pédagogie reste à faire. » Ah, bon ! Cette conclusion du livre ne nous fait pas beaucoup avancer !

                Le seul intérêt de ce pensum est la mention des idées d’Elinor Ostrom selon laquelle les régimes locaux sont les plus démocratiques, au plus près de la réalité écologique et sociale. Ostrom fait figurer dans sa liste des bons principes de gouvernance écologique la reconnaissance des règles des communautés locales par l’échelon central de gouvernement (p.148). Certaines formes de coopération climatique sont elles-aussi efficaces et gagneraient à être développées, par exemple sur la base de l’approche polycentrique promue par Ostrom (p.184). Mais Eloi Laurent ne fait qu’effleurer par ces mots LA solution social-écologique, l’instauration de communautés de transition. Il s’agit de  construire en partant des initiatives locales une société de résilience aux chocs pétroliers et climatique qui nous guettent. Eloi Laurent n’est pas du tout au courant du manuel de Rob Hopkins ni de l’intérêt à promouvoir des écovillages. Il se contente de citer des universitaires… Eloi Laurent préfère la théorie éthérée plutôt que la pratique pragmatique.

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Fabrice Nicolino, le livre de trop

Qui a tué l’écologie ? Fabrice Nicolino ! Son dernier livre* s’attaque à tout ce qui veut faire quelque chose en matière écologique, Greenpeace, WWF, Fondation Nicolas Hulot, France nature Environnement, NKM, etc. Il n’a rien écrit sur l’écologie politique, ce n’est pas la peine : « Ce parti n’a aucune chance de nous aider à affronter la crise écologique planétaire. »Nicolino termine en décrétant qu’il « va falloir se lever », mais on ne voit pas vraiment qui osera combattre les adversaires de l’écologie au risque de s’attirer ses foudres. Nicolino rêve de personnes prêtes à affronter le danger, la prison, le sacrifice car « nous en sommes là, n’en déplaise aux Bisounours qui voudraient tellement que tout le monde s’embrasse à la manière de Folleville » !

                 Le procédé constant de Nicolino est de valoriser un événement infinitésimal d’une personne ou d’une association pour essayer de la discréditer complètement. Par exemple Nathalie Kosciusko-Morizet a eu le malheur de poser enceinte dans Paris-Match, d’avoir un portrait élogieux sur sa beauté dans Le Monde, d’être passée de l’écologie au secrétariat à l’Economie numérique : « Si NKM pensait ne serait-ce qu’un peu que la planète est à feu et à  sang, elle aurait évidemment refusé avec hauteur ce poste de troisième zone. » Du livre de NKM, il ne retient que son désir d’être présidente de la République : « En voilà un beau métier », point final. Suivent quelques anecdotes du même jus.

Nous avons acheté le livre de Nicolino car nous avions un excellent souvenir de son précédent livre, Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde. Nous regrettons son dernier livre, Nicolino se tire une balle dans le pied. Nous pensons que tous ceux qui s’attaquent au système thermo-industriel d’une façon ou d’une autre, FNE, Greenpeace, Hulot, Jouanno, NKM ,WWF… ont droit à la sympathie de tous ceux qui se disent écolos. Nous sommes tous de petites mains qui oeuvrent ensemble en faisant chacun sa part. Nicolino rêve de quelqu’un de plus grand que lui-même quand la situation le commande, type Charles de Gaulle !! L’écologie n’a pas à attendre de grands hommes pour l’emporter sur le primat économique libéral… sinon on peut attendre longtemps.

* Qui a  tué l’écologie de Fabrice Nicolino (Les liens qui libèrent, 2011)

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à ne pas lire, Le Figaro !

                Le Figaro est un journal tendancieux. Il suffit d’ouvrir F.Madame*, centré sur le nombril des femmes et les « secrets d’un teint parfait ». L’égérie de ce papier glacé, Arielle Dombasle, enfile les perles du genre « J’ai l’amour de l’amour »… « La seule révolution qui vaille, c’est la révolution de l’amour ». L’inévitable Stéphane Bern nous offre des portraits « qui ont marqué cette folle semaine, la Fashion Week » : paillettes et vide existentiel ! Un seul article à sauver, le débat carnivore/végétarien. Encore faut-il savoir trancher dans le  vif entre :

– J’ai besoin de l’énergie vitale que me donne la viande (Nathalie Pasquer)

– L’énergie que donne la viande, c’est de la légende (Brigitte Namour)

                Quant au Figaro-Magazine*, il n’y a pas beaucoup plus à lire. Sauf qu’on passe du maquillage des femmes à l’achat immobilier pour les riches ! Quand on parle d’écologie, c’est pour la dénaturer : «  L’ère du beau bio a commencé »… «  Consommer durable en se faisant plaisir »… «  Etes-vous terroiriste »… ou le sublime « Beauté, de l’écologie à l’egologie ». Soyons sérieux, analysons les dires d’un progressiste, politologue et expert en dissuasion nucléaire, qui office aussi  bien dans le Figaro-magazine* que dans le Figaro* au quotidien : Bruno Tertrais.

                Cet illusionniste vitupère le « marché de la peur », il veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Le Sida, les pluies acides, les pesticides, le trou dans la couche d’ozone… sont des terreurs irrationnelles. Bien entendu Bruno Tertrais pense que le réchauffement climatique n’existe pas et que Fukushima démontre parfaitement que la croissance nous protège des catastrophes naturelles: « Les seules victimes de Fukushima seront les travailleurs directement exposés à des doses toxiques » ! Ce membre de la Fondation pour la recherche stratégique se croit lucide en restant pro-nucléaire : « Que l’on sache, personne n’a jamais proposé de renoncer au transport aérien après une série de crashs meurtriers ». Comme si l’impact d’accidents ponctuels et des radiations qui se propagent et durent avaient la même incidence ! En fin de phrases de la même vacuité, il donne la cible de son optimisme béat : « Prôner la décroissance pour l’ensemble de la planète est irresponsable ».

                Bruno Tertrais vient de pondre « L’Apocalypse n’est pas pour demain ». Mais il fait tout (avec l’aide du Figaro) pour que la catastrophe arrive plus vite. Il milite pour que rien ne change du mode de vie occidental alors que ce mode de vie détériore à la fois les relations inter-humaines et les rapports avec la biosphère. Il ne faut pas comme lui confondre le catastrophisme et le fait d’agir pour que la catastrophe n’arrive pas…

* package du 26 mars 2011

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à mégamachine, mégacrise

LeMonde économie* s’interroge : « Et si les effets des mégachocs devenaient insurmontables ? ». Le journal évoque la mégacrise comme résultante du  blocage simultané des différents systèmes socio-économiques « en raison de la désintégration des réseaux d’interdépendance qui les relient ». Mais le dossier est centré sur « qui va payer la facture », pas sur les déterminants fondamentaux et les solutions réelles.

 Ulrich Beck résume le problème : « L’extension des risques est consubstantielle à la mondialisation de l’économie industrielle ». Mais c’est l’archéologue Joseph A.Tainter** qui nous donne la bonne interprétation, la complexité croissante. Il a examiné la croissance et le déclin de nombreuses civilisations afin de découvrir ce qu’il y a de commun dans leurs trajectoires fatales. Sa thèse principale est que confrontées à de nouveaux problèmes, ces civilisations accroissaient la complexité de leur fonctionnement en investissant plus encore dans les mêmes moyens qui avaient permis leur éclosion. Par « accroissement de la complexité », il faut entendre la diversification des rôles sociaux, économiques et politiques, le développement des moyens de communication et la croissance de l’économie des services, le tout soutenu par une forte consommation d’énergie. Le gain marginal d’une complexité croissante décline alors jusqu’à devenir négatif. Lorsque le taux marginal devient négatif, tout accroissement de la complexité (et de ses coûts) entraîne la diminution des bénéfices sociaux. L’effondrement économique et social est alors probable. L’empire romain, par exemple, fut confronté à l’augmentation de sa population, à la baisse de sa production agricole et au déclin de l’énergie par habitant. Il tenta de résoudre ces problèmes en élargissant encore son territoire par de nouvelles conquêtes afin de s’approprier les surplus énergétiques de ses voisins (métaux, céréales, esclaves…). Cependant cette extension territoriale engendra une multiplication des coûts de maintenance et des communications, des garnisons, au point que les invasions barbares ici, ou les mauvaises récoltes là, ne purent plus être résolues par une nouvelle expansion territoriale. La dissolution non intentionnelle de l’empire fut de se fragmenter en petites unités locales.

                A mégamachine, mégacrise, c’est-à-dire effondrement de la société thermo-industrielle. Face aux mégachocs actuels que sont la crise financière, la descente énergétique prochaine, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, etc., nous voyons l’avenir dans les communautés intentionnelles ou territoires de résilience, qui cherchent à retrouver une autonomie alimentaire et énergétique au niveau local. Cette perspective  nous est décrite dans le Manuel de transition de Rob Hopkins. Il y aura nécessairement démondialisation*** et abandon progressif des prérogatives étatique au profit des collectivités locales. Cela ne se fera pas sans heurts… Mais les sociétés qu’on appelle « immobiles » sont en fait celles qui apprennent à vivre au mieux en accord avec les rythmes de la biosphère.

* LeMonde, édition du 22 mars 2011

** The Collapse of Complex Societies (analyse en français) de Joseph A.Tainter (1988)

*** démondialisation : La multiplication par vingt du commerce mondial depuis les années 1970 a pratiquement éliminé l’autosuffisance. Joseph Tainter note cette interdépendance en prévenant que « l’effondrement, s’il doit se produire à nouveau, se produira cette fois à l’échelle du globe. La civilisation mondiale se désintégrera en bloc ».

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journée sans viande ou lundi végétarien ?

Hier on oubliait le steak haché sur le blog d’Audrey Garric. La Journée Sans Viande du 20 mars est la version francophone de la campagne internationale MeatOut Day. Une initiative lancée en 1985 par l’association américaine pour les droits des animaux FARM qui milite pour une alimentation sans produits d’origine animale par respect des animaux, pour la préservation de la planète et pour l’amélioration de la santé.

Sur ce blog, plutôt qu’une seule et unique journée « mondiale » de réflexion alimentaire, nous préférons la campagne associative « Pour un lundi végétarien ». Après un WE trop arrosé autour de petits plats bien saignants, le lundi végétarien propose d’autres saveurs en même temps que le repos de l’estomac. Et puis « végétarien » implique que les poissons sont aussi concernés à l’heure où les ressources halieutiques s’épuisent et que l’élevage en batterie des saumons veut imiter le hors-sol de l’élevage sur pied.

L’idée progresse. Un jour les parlementaires avaient été conviés à un buffet végétarien à l’Assemblée nationale. Le député Vert Yves Cochet aimerait un article de loi pour instaurer une journée végétarienne par semaine, un projet déjà présenté pour le Grenelle2 et laissé sans suite. Mais il ne faut pas attendre grand chose de l’Etat, même un moratoire sur l’élevage intensif paraît hors de portée de l’intelligence législative en France. Les collectivités locales peuvent cependant s’impliquer, notamment dans la restauration collective. Dans le 2e arrondissement de Paris, les cantines scolaires ont adopté une journée végétarienne tous les mardis. Une initiative qui n’attend que sa généralisation quand les citoyens se sentiront impliqués.

Une petite journée végétarienne par semaine, c’est à la portée de chacun. Pourquoi ne pas essayer ?

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Fukushima et l’impuissance des médias

Pourquoi Fukushima ne nous fera pas réagir vraiment ? A cause de la neutralité mal intentionnée des médias. Comme tout peut se dire et son contraire sur le nucléaire, le progrès technique, l’avenir de la consommation énergétique, le niveau de risques supportables… aucune vision nette de notre futur ne peut en résulter. Ainsi Internet véhicule le chaud et le froid en même temps, par exemple ces quelques commentaires sur lemonde.fr de l’article d’Agnès Sinaï* :

– Je suis absolument en désaccord avec ce ton apocalyptique, il y a même l’expression « fin des temps ».

– Un article d’une rare intelligence !

– Totalement fumeux.

– Terrifiant et lumineux.

– Qui donc a dit « ce qui est excessif est insignifiant » ?

– L’oligarchie économico/politico/médiatique : « Vous inquiétez pas on est vachement meilleur que les Japonais, risque zéro, rendormez-vous… »

Le contenu du Monde du 19 mars cultive la même ambiguïté. Voici quelques titres :

– La puissance du lobby pronucléaire japonais annihile toute velléité de débat (totale collusion entre le METI** et le FEPC***)

– les Etats-Unis doutent des informations fournies.

– Troublante discrétion de l’Organisation mondiale de la santé (inféodée à l’AIEA****)

– Paris décidé à sauver la filière nucléaire française # Nicolas Hulot prend ses distances avec l’atome.

– Une énergie indispensable (un prof d’université vendu au nucléaire)

– Sûreté des installations, notre obsession (Henri Proglio, PDG d’EDF)

– L’EPR français (la bête noire du réseau sorti du nucléaire) est conçu pour « mieux résister » à un accident nucléaire majeur.

– Risque sismique ou terroristes : la France n’est pas à l’abri du danger.

Comment s’y retrouver ? D’autant plus que le gaz et le  charbon bénéficieraient largement d’un rejet de l’énergie nucléaire. Alors, soyons clair. Les générations futures n’auront à leur disposition que des énergies renouvelables. Donc nous ne devrions dès aujourd’hui utiliser que des énergies renouvelables. Il s’agit d’abandonner tout à la fois les filières nucléaires et le pillage des énergies fossiles. Nous sommes en total accord avec Agnès Sinaï : la production de moyens est devenue la fin de l’existence, le volume des objets électro-industriels excède notre capacité de compréhension, les sociétés doivent se ressaisir afin d’inventer des systèmes à taille humaine, résilients et coopératifs.

* LeMonde du 19 mars, Fukushima ou la fin de l’anthropocène (sortir d’urgence de l’inanité de notre mode de croissance)

** METI, Ministère japonais de l’économie, du commerce et de l’industrie.

*** FEPC, Fédération japonaise des compagnies d’électricité.

**** AIEA, Agence internationale pour l’énergie atomique.

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Après Fukushima, quelle démocratie ?

Une démocratie écologiquement compatible repose sur deux conditions nécessaires :

          Il n’y a de durable que le local, y compris en matière de démocratie.

          Il n’y a de démocratie durable que s’il y a des démocrates.

– Sur le premier point, nous pensons qu’en matière de problèmes écologiques l’échelle la plus pertinente pour les résoudre démocratiquement est celle des territoires de résilience (par exemple l’analyse de Rob Hopkins décrite dans son Manuel de Transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale). Mais il y a un risque, l’apparition d’un Moyen âge démocratique : des petites communautés fermées (Democratic gated communities). Ce risque peut être compensé par le deuxième point.

– La démocratie repose sur des citoyens non seulement actifs, mais faisant preuve aussi dans leurs pensées comme dans leurs décisions d’un humanisme élargi. Chaque citoyen doit se faire le porte-parole des acteurs-absents*, liant ainsi en chaque personne, élue ou non, le local et le global. Seule ce positionnement peut nous permettre d’affronter des problématiques écologiques qui se déploient dans l’espace et dans le temps, échappant ainsi pour partie aux actions locales, nationales ou internationales.

Fukushima n’est pas une énergie localisée. Fukushima avec ses déchets et ses ruines radioactives ne pense pas aux générations futures. Etre écologiquement responsable, c’est rejeter tous les réacteurs nucléaires du monde, sans oublier de détruire toutes les armes nucléaires.

* Acteur absent (ou tiers absent) : Acteur, au sens le plus large, qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. EXEMPLE : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR 2004)

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de la fourche à la fourchette

Formidable, le commerce éthique existe dorénavant  du Nord vers le Nord*. Dans la chaîne Biocoop, à côté des algues séchées du Japon ou le café du Costa Rica, le jambon peut venir « du Nord ». C’est là le problème : le bio industriel doit parcourir de nombreux kilomètres pour aboutir dans notre assiette. Car c’est où, « Le Nord » ? Quelle est la filière de proximité pour devenir locavore ? C’est une question piège à laquelle il faut répondre. Exemple : Votre boucher à côté de chez vous fait du jambon issu d’un élevage de proximité non bio. Mais vous avez aussi une enseigne qui fait du bio à partir de porcs élevés à l’autre bout de la France. Où achetez-vous votre jambon ? Quelques points de vue différents :

1. J’attends une directive gouvernementale pour me permettre de choisir.

2. Les écolos, ça commence à bien faire, le saucisson c’est toujours bon.

3. Fourche et fourchette livre des produits fermiers 50 kms autour d’EVREUX. Moi aussi j’achète des produits fermiers à moins de 50 kilomètres de chez moi…

4. Je connais une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) et c’est là que je prends mon panier de légumes d’autant plus que je suis végétarien.

5. J’ai décidé d’élever moi-même un cochon.

6. Je participe à l’élaboration d’un territoire de résilience dans mon lieu d’appartenance et les agriculteurs sont mes amis.

                Si vous avez êtes adepte de la cinquième option, c’est que vous avez déjà compris que les deux jumeaux  de l’hydrocarbure (le pic pétrolier et le réchauffement climatique) vont nous obliger tous ensemble à devenir plutôt végétarien et à cultiver nos rapports de proximité avec les paysans du coin. Pour en savoir plus, lire le manuel de Rob Hopkins

* LeMonde du 10 mars 2011, L’arrivée des produits équitable « Nord-Nord »

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hausse du baril et limites de la démocratie

« Le spectre de la pénurie durable ». Tel est le titre du Monde* en première page. Mais difficile d’économiser l’énergie pour une économie de croissance et des mentalités accros au pétrole. Le gouvernement espagnol vient d’adopter en urgence 20 mesures** visant à faire face à la hausse du baril. Mais le plan d’économies d’énergie adopté à l’été 2008 était resté au stade des bonnes intentions. La commission européenne*** vient de refuser un objectif contraignant d’efficacité énergétique. Pourquoi ? A cause des lobbies et de la lâcheté des politiques. Les distributeurs de pétrole, de gaz et d’électricité n’ont pas d’intérêts financiers à promouvoir la baisse de la consommation, donc ils ne le font pas. Les politiques, qui n’ont jamais entendu parler de pic énergétique mondial et de déplétion pétrolière, font ce que les lobbies industriels exigent. Les journaux, y compris LeMonde, minimisent les perspectives de pénurie. Tout juste si on reconnaît que « dans les deux prochaines années les marchés voient se profiler un déséquilibre offre-demande »****. Pourquoi deux années seulement ? Parce que l’avenir pour le marché, les journalistes et donc les politiques se limitent aux événements de la veille.

                La démocratie n’existe pas dans nos sociétés, tout n’est que résultat d’un rapport de force. Les humains ne connaissent dans une société complexe que la volonté de domination et le conflit ; c’est pourquoi il n’y a que la force qui peut limiter le force. D’où le principe de séparation des pouvoirs dans un régime politique démocratique. En économie, c’est la loi du renard libre dans un poulailler libre. Comme  il n’y a pas de lobby des économies d’énergie, il n’y a donc pas d’économies d’énergie. Face au système de production actuel, soumis à des intérêts financiers, les consommateurs, l’avenir et la biosphère ne font pas le poids. Bien sûr on peut connaître le scénario Négawatts, on peut se prendre pour un No impact man ou vivre adepte du locavore… mais les bonnes intentions et les initiatives individuelles ne font pas le poids ! Seul un baril à 300 dollars pourra commencer à nous faire réfléchir sur ce qu’est vraiment une pénurie durable.

* LeMonde du 9 mars 2011, Prix du pétrole : le spectre de la pénurie durable (page 1)

** LeMonde du 9 mars 2011, En Espagne, des trains moins chers et des voitures ralenties

*** LeMonde du 9 mars 2011, L’Europe publie sa politique d’économies d’énergie

*** LeMonde du 9 mars 2011, Le scénario d’un prix durablement élevé du pétrole se confirme

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du berceau au berceau (contre la Révolution industrielle)

La page Planète* nous fait connaître les pollutions, elle n’empêche pas les désastres de la Révolution industrielle. Ainsi 900 tonnes de métaux lourds ont été déversées dans la nature depuis 2007 en Chine. 10 % du riz commercialisé contient un niveau élevé de cadmium : insuffisance rénale et ramollissement des os garantis… entre autres ! Le  cadmium est hautement toxique, mais à ce jour il entre toujours dans la fabrication des panneaux photovoltaïques. Alors, que penser d’un système de production qui :

          rejette des tonnes de substance toxiques dans l’air, l’eau et le sol chaque année ;

          produit des matériaux tellement dangereux qu’ils exigeront une vigilance constante de la part des générations futures ;

          engendre des quantités gigantesques de déchets non recyclables ;

          enfouit des matériaux précieux un peu partout, devenus dès lors irrécupérables ;

          requiert des milliers de réglementations complexes élaborées pour empêcher une contamination trop rapide mais impropres à protéger populations et systèmes naturels ;

          mesure la productivité par le peu de travail que les gens fournissent ;

          crée de la prospérité en arrachant les ressources naturelles à la terre avant de les enterrer ou de les brûler ;

          amoindrit la diversité des espèces et des pratiques culturelles.

Ces caractéristiques de la Révolution industrielle se généralisent maintenant dans les pays dits émergents. Nous y voyons plutôt  des « pays en décomposition ». Pour échapper à cela, il faudrait que tout ce que l’humain produise puisse être littéralement mangé ou tout au moins digéré sous forme d’humus, éliminant ainsi jusqu’à la notion même de déchets. Un livre récemment traduit en France, Cradle to cradle (du berceau au berceau)** pose  cette problématique. Il faudrait boucler le cycle de vie du produit, supprimer les métaux lourds ou les confiner pour les réutiliser, inaugurer dès à présent un nouveau modèle économique où la notion même de déchets est bannie au profit de cycles fermés.

Malheureusement les auteurs du livre définissent une éco-bénéficience sans jamais nous donner de moyens sérieux de la réaliser. Nous préférons, contre la Révolution industrielle, appliquer le schéma de Rob Hopkins , de la dépendance au pétrole à la résilience locale***.

* LeMonde du 4 mars 2011, En Chine la pollution industrielle gagne les rizières.

** Cradle to cradle de William McDonough et Michael Braungart (Alternatives, 2011)

*** Manuel de Transition de Rob Hopkins (écosciété, 2010)

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