écologie appliquée

libéralisme ou socialisme ?

Ce n’est pas dans les gros articles qu’il faut chercher les prémisses de l’avenir, mais dans les brèves de mon quotidien préféré. Ainsi dans LeMonde du 2.08.2008, Borloo voudrait attirer les déçus de la gauche et les orphelins de l’UDF pour constituer un nouveau « pôle social et écologique au sein de la majorité » (de droite !). Dans le même temps il existe une contribution générale en vue de la préparation du congrès socialiste menée par le pôle écologique du Parti socialiste. N’y aurait-il plus aucune différence entre la droite et la gauche en matière social-écologique ?

 

Historiquement libéralisme et marxisme ont été tous deux au service d’une croissance économique destructrice de l’environnement. La prise de conscience de l’urgence environnementale est très récente : en 1972 nous avons mesuré les limites de la croissance (rapport du Club de Rome) et l’ONU a organisé le premier sommet mondial de la Terre. Mais comme d’habitude les politiques, englués dans leurs traditions et les querelles de personne, ne suivent qu’avec retard. Devant la réalité objective des limites de la planète, les discours changent : le président de droite Sarkozy a mis en place en juillet-août dernier un Grenelle de l’environnement, faisant pour la première fois participer au débat les associations environnementalistes. Borloo, inclassable il est vrai, en rajoute aujourd’hui. L’écologie n’aurait-elle donc plus de frontières idéologiques !

 

Il n’en est rien, le libéralisme économique reste l’antithèse du socialisme et de l’écologie. Le libéralisme économique est une doctrine qui repose sur le désengagement de l’Etat, la responsabilité des chefs d’entreprise, la loi du marché et les inégalités. L’enjeu écologique nécessite une vision du long terme qui est complètement absente des mécanismes de marché. L’enjeu écologique nécessite une forte intervention de l’Etat et sans doute une planification écologique. L’enjeu écologique nécessite la participation de tous aux efforts nécessaires après débat démocratique. L’enjeu écologique nécessite de casser la spirale néfaste imitation/ostentation qui découle de la différence des normes de consommation entre riches et pauvres.

 Le fondement idéologique des socialistes, basé sur le rôle de l’Etat, la solidarité collective et un projet de société sans classes, nous prépare mieux que la droite à affronter les différentes crises écologiques et sociales qui émergent aujourd’hui. Contre le social-libéralisme, le social-écologisme pourrait nous ouvrir un avenir durable, plus égalitaire, plus sobre, plus convivial. Jean-Louis Borloo devrait quitter le giron de l’UMP et s’inscrire chez les Verts ou au Parti socialiste.

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pour un socialisme écolo

Je ne suis pas d’accord avec la présentation de l’université d’été du PS par Libé (1.09.2008) : « Le PS grenouille à La Rochelle », « L’autodestruction », « Le bal des ego ». Je ne suis pas d’accord que Libé résume cet événement par de petites phrases : «  Personne dans notre génération ne s’est imposé et nous ne sommes pas crédibles collectivement (Martine Aubry) », « Aimez-vous les uns les autres ou disparaissez ! (Ségolène Royal) », « Le meilleur discours de La Rochelle, ce sera celui d’Obama (Pascal Terrasse) », « Le PS confirme à La Rochelle qu’il est gravement malade (Benoît Hamon) »…

Le PS vaut bien mieux que ces propos à l’emporte-pièce. Alors que l’université d’été du PCF réunissait 300 à 350 participants, le PS a rassemblé plusieurs milliers de militants. Ce n’est pas rien. Le PS se cherche, il est vrai. Le Monde du 1.09.2008 analyse : « Plus fondamentale que cette guerre des chefs, ou plutôt contribuant à l’expliquer, c’est la difficulté qu’éprouve le PS à fixer une nouvelle doctrine, sa lenteur à émettre des propositions innovantes qui expliquent sa si longue maladie ». Mais comment définir une bonne politique aujourd’hui ? Sarkozy va dans tous les sens à la fois, où se trouve la bonne direction ?

Il faudrait reconnaître que le Parti socialiste possède déjà une boussole. Des pistes de réflexion se trouvent dans la nouvelle Déclaration de principes du Parti socialiste qui, au-delà d’un réformisme assumé, oriente le socialisme vers un écologisme affirmé. Il s’agit de « sauvegarde de la planète » (article 1), d’une humanité « respectueuse de la nature » (article 2), de finalités du socialisme qui « portent pleinement la volonté de préserver notre planète aujourd’hui menacée » (art.3), d’impératif écologique (art.7). Alain Bergounioux, secrétaire national aux études, était clair (l’hebdo des socialistes, 26 avril 2008) : «  Il apparaît qu’il ne peut y avoir de libération possible qu’au prix d’une véritable sauvegarde de la planète. Cette déclaration fait donc du développement durable une finalité en soi, ce qui nous conduit à redéfinir la notion même de progrès ».

 Or parmi les 21 contributions générales, la contribution « pour un socialisme écologique » revendique haut et fort une filiation avec cette nouvelle Déclaration de principes : « Il faut prendre toute la mesure des bouleversements du monde (…) Jamais le capitalisme n’a connu dans son histoire la conjugaison simultanée de quatre crises structurelles ayant pour origine commune l’empreinte excessive des activités humaines sur les ressources non renouvelables de la planète… » C’est donc le socialisme écologique qui devrait faire l’unité idéologique du socialisme pour un avenir durable. Il semble utile de rappeler que les militants votent lors d’un Congrès d’abord pour des motions (donc, en principe, pour des idées), et ensuite seulement pour élire un premier secrétaire. Pour l’instant, il faut soutenir la contribution « Pour un socialisme écologique », le combat des idées est préférable aux combats des chefs.

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essai sur le mieux vivre

Dans LeMonde du 29.08.2008, rien à signaler ; je désespérais de trouver motif à ma critique quotidienne. En désespoir de cause, j’ai feuilleté  le Monde des livres, ce panégyrique romanesque des livres qui ne montre aucune capacité analytique. Et là, j’ai trouvé mention de Bertrand de Jouvenel (1903-1987), un de mes auteurs de référence. J’ai appris qu’il avait été rédacteur en cher d’un brûlot d’extrême-droite et qu’il a même pu être qualifié de fasciste et de pronazi. Mais je ne m’intéresse pas aux erreurs des uns ou des autres, je ne considère que le débat d’idées. Je garderai donc de Jouvenel la mémoire de son livre de 1968, Arcadie ou essai sur le mieux vivre. Ainsi quelques morceaux mémorables :

 

« Les progrès matériels que nous avons faits tiennent à la mise en œuvre de forces naturelles : car il est bien vrai que nos moyens physiques sont très faibles et, relativement à notre taille, bien plus faibles que ceux des fourmis. Aussi J.B. Say avait-il raison de noter qu’Adam Smith s’égare « lorsqu’il attribue une influence gigantesque à la division du travail, ou plutôt à la séparation des occupations ; non que cette influence soit nulle, ni même médiocre, mais les plus grandes merveilles en ce genre ne sont pas dues à la nature du travail : on les doit à l’usage qu’on fait des forces de la nature ».

 

            « Nous faisons preuve de myopie lorsque  nous négligeons de nous intéresser à l’entretien et à l’amélioration de notre infrastructure fondamentale : la Nature. Voilà un héritage que nous laisserons en piètre état à nos successeurs. Pourquoi avons-nous été si peu soigneux ? Parce que la Nature fournit gratuitement ses services productifs, et par conséquent, la nature ne fait pas partie de nos actifs. (…) Je me suis souvent demandé si, pour redresser les erreurs dans lesquelles nous jette notre manière de penser, nous ne devrions pas rendre aux rivières ce statut de personnes qui était le leur aux époques païennes. L’homme de notre civilisation ne se regarde point comme gardien de notre demeure terrestre ; il est fier d’en être le pillard habile et irresponsable. A cet égard, il est en recul moral relativement au « manant » qu’il méprise. Le manant avait soin de son coin de terre, et les générations successives ont imprimé au paysage rural une beauté plus touchante que les joyaux de nos musées.

 « Une autre manière de penser, c’est de transformer l’économie politique en écologie politique ; je veux dire que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature. Ceci est nécessaire puisque nous ne pouvons plus considérer l’activité humaine comme une chétive agitation à la surface de la terre incapable d’affecter notre demeure. Comme notre pouvoir sur les facteurs naturels s’accroît, il devient prudent de les considérer comme un capital. Parce que la Comptabilité Nationale est fondée sur les transactions financières, elle compte pour rien la Nature à laquelle nous ne devons rien en fait de payement financier, mais à laquelle nous devons tout en fait de moyens d’existence. Le terme d’infrastructure est à présent populaire, il est bon d’avoir donné conscience que nos opérations dépendent d’une infrastructure de moyens de communication, transport, et distribution d’énergie. Mais cette infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à l’infrastructure par nous trouvée, celle des ressources et circuits de la Nature. »

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le PS, parti de masse

René Dumont disait déjà il y a fort longtemps qu’il fallait écologiser les politiques et politiser les écologistes. Nous sommes toujours loin du compte. La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ne connaît pas l’urgence écologique, elle ne veut connaître que le Smic avec 300 euros de plus et l’arrêt des licenciements.  Même si ce futur « Nouveau Parti anticapitaliste » connaît actuellement un regain d’intérêt, il aura beaucoup de mal à répondre durablement aux demandes des couches populaires précarisées parce que nous vivons déjà dans les pays riches bien au-dessus des ressources de la planète et que le patronat n’écoutera ni la complainte des pauvres gens, ni les gémissements de la Biosphère. Un exemple ? Dans LeMonde du 25.08.2008, le Medef refuse d’ouvrir la négociation sur un nouveau chèque transport. Malgré la demande du Premier ministre qui demande « une meilleure prise en charge des frais de déplacements domicile-travail » (dans un contexte de hausse du prix du baril), la présidente de l’organisation patronale Laurence Parisot oppose une fin de non-recevoir.

 Nous savons déjà que la crise écologique frappe en premier les couches les plus défavorisées. Nous n’avons pas besoin d’une multitude de partis politiques qui se veulent toujours plus à gauche ou les plus écolo de tous, nous avons besoin d’une gauche qui dise que les temps à venir vont être très difficiles à cause de l’épuisement des ressources naturelles et de la détérioration de notre environnement (par exemple le réchauffement climatique) et que la solidarité collective est la seule réponse. Que les militants de la LCR et les militants des Verts rejoignent en masse le Parti socialiste pour en faire enfin un parti éclairé des contraintes de notre temps, et la face du monde franco-français en sera peut-être changé !

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s’adapter ou crever

Les brèves du Monde (19.08.2008) sont souvent désopilantes : « Les très fortes canicules devraient se multiplier d’ici à la fin du siècle » ou « Les oiseaux britanniques pondent plus tôt à cause du réchauffement ».

Le premier titre me fait irrésistiblement penser à Roselyne Bachelot, nommée ministre de l’écologie et du développement durable en mai 2002, et ses petites phrases  :  « L’été 2003 apparaîtra comme un été frais en 2100 ». Le second titre nous montre aussi pourquoi nous ne réagissons pas en stoppant d’urgence toutes nos émissions de gaz à effet de serre au risque de températures excédant les 40°C en Europe et les 50°C en Inde : nous allons nous adapter !

Les oiseaux pondent déjà une semaine plus tôt, les migrateurs deviennent sédentaires, pourquoi s’en faire. Si les oiseaux s’adaptent, les humains qui sont si intelligents vont faire encore mieux et accepter sans sourciller les réfugiés climatiques et les disettes à répétition…

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dictature verte ?

L’éditorial du Monde (18.08.2008) proclame qu’il « faut tâcher de diminuer l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires… mais la consommation de nitrates et de phosphates devrait augmenter partout dans les monde hors Europe de l’Ouest ». Les eaux côtières vont continuer à mourir par eutrophisation.  En page 5 par manque d’eau, « Israël deviendra jaune et il faudra apprendre à nager dans des piscines vides… L’eau est un enjeu majeur des négociations entre Palestiniens et Israéliens ». La décroissance de nos consommations est donc en marche, mais il faut picorer ici et là dans mon quotidien pour s’en apercevoir.

 

Cependant le même numéro du Monde nous présente le philosophe qui a pensé les limites de notre système thermo-industriel, Hans Jonas. Dans son livre Le principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, Hans parle de l’époque d’exigences et de renoncements âpres qui nous attend, appelant à un « esprit de frugalité étranger à la société capitaliste ». Il avait compris dès 1979 que le Club de Rome (The limits to growth) avait raison et que si l’heuristique de la peur ne passait pas dans nos mentalités, les lendemains vont déchanter. Juste au moment du deuxième choc pétrolier, Hans pensait que le marxisme poursuivait les mêmes buts que le capitalisme, l’extension de la sphère marchande et la croissance économique, c’est-à-dire une « utopie » dangereuse. C’est pourquoi selon lui la Nature ne fait pas de différence entre le fait que l’attaque vienne de « droite » ou de « gauche ». Cependant Hans Jonas, qui écrivait avant la chute du mur de Berlin, se trompait lourdement sur l’efficacité d’un système centralisé. Selon ses dires, « Pour appliquer une nouvelle éthique, un système libertaire serait préférable pour des raisons morales, mais les systèmes moralement bons sont des systèmes précaires ; l’Etat peut seulement être aussi bon que le sont les citoyens. De plus l’homme politique peut supposer idéalement dans sa décision l’accord de ceux pour qui il décide en tant que leur chargé d’affaires, mais des générations futures on ne peut obtenir de facto un accord. Par conséquent La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral. »

 Seul un parti social-écologiste qui prendrait démocratiquement en compte les limitations de l’activité humaine par les contraintes environnementales pourrait durablement gérer les pays et la planète. Un parti libéral, au service des entreprises et donc du pillage de la planète, au service du marché et donc du court terme, ne peut avoir un tel objectif. Non seulement il faudrait que les partis socialistes acquièrent cette fibre écologique qui leur manque tant, mais il reste encore à mettre en œuvre ce que Hans Jonas envisageait incidemment : « Naturellement il serait préférable qu’on puisse confier la cause de l’humanité à une conscience authentique qui se propagerait »

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Roosevelt, écolo ?

LeMonde du 6.08.2008 nous présente les deux Roosevelt, mais pour avoir quelques précisons, y’a rien à voir, circulez.. Ainsi on sait que John McCain cite Théodore Roosevelt pour son souci de l’environnement, mais on n’en saura guère plus. Voici donc quelques précisions sur l’opposition entre « conservation » et « préservation » de la Biosphère :

 

Théodore Roosevelt a fondé en 1888 le Boone and Crockett Club, association de chasse au gros gibier, très huppé. Une partie de l’environnementalisme américain de cette origine. Il s’agit d’une « conservation » de la nature dont Gifford Pinchot, ami de Roosevelt, est le personnage emblématique : il incombe à l’Etat fédéral de gérer au mieux les richesses naturelles, tout particulièrement les forêts. Dans la déclaration de principes de la Conférence de la Maison Blanche sur la « conservation » convoquée par Théodore Roosevelt, il est dit que « la propriété privée en matière de forêts implique des responsabilités à l’égard des intérêts de tous et que le passage de lois visant à favoriser la protection et le reboisement des forêts privées sera encouragé ».

 

Cette approche anthropocentrique débouchera cependant sur la mise en place d’un système de parcs nationaux, influencé par un autre courant environnementaliste, la protection totale ou « préservation ».Il s’agit d’instaurer le sanctuaire véritable, un monde non entravé par l’homme, un monde laissé à sa propre créativité. John Muir (1838-1914) avait ainsi vécu les derniers moments de la conquête du territoire américain par les Blancs, il avait vu régresser les milieux naturels, il n’avait pas supporté cette perte. Il s’indignait de ce que les forêts ne soient considérées que comme réservoirs de ressources. Il prisait dans la nature l’élévation morale et religieuse qu’elle provoquait : « La route la plus claire dans l’univers passe au plus profond d’une forêt sauvage. » Il est donc devenu le Père fondateur du mouvement pour la protection de la nature aux USA en créant l’association « Sierra Club » en 1892. Il accordait à la nature une valeur intrinsèque, préfigurant ainsi le biocentrisme (l’écologie profonde).

 L’influence de John Muir, jointe au premier courant de pensée  conservationniste, a permis concrètement la création des Parcs Nationaux aux USA. Son action a été couronnée cinquante ans après sa mort par la promulgation du Wilderness Act de 1964 : « Par opposition aux espaces dominés par l’homme et ses œuvres, le présent document la désigne comme un espace où la terre et la communauté de vie ne sont pas entravées par l’homme, où l’homme lui-même n’est qu’un visiteur qui ne reste pas ».

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tolérance répressive

Dans Rétrolecture, LeMonde du 5.08.2008 nous présente le livre d’Herbert Marcuse L’homme unidimensionnel dont la traduction française en 1968 en a fait une référence des étudiants en colère. Son concept de « Tolérance répressive », qui date aussi de 1964, garde aujourd’hui toute son actualité :

 

« Ce qui est proclamé  et pratiqué aujourd’hui sous le nom de tolérance sert au contraire la cause de l’oppression. Le fait qu’on tolère la crétinisation systématique aussi bien des enfants que des adultes par la publicité, la libération des pulsions destructrices au volant dans un style de conduite agressif, la tolérance impuissante et bienveillante vis-à-vis de l’immense déception que suscitent la marchandisation, le gaspillage et l’obsolescence planifiée, toutes ces choses ne sont pas des aberrations, elles sont l’essence d’un système qui n’encourage la tolérance que comme un moyen  de réprimer les alternatives.

 

Dans une démocratie organisée sur un mode totalitaire, l’objectivité entretient une attitude mentale tendant à oblitérer la différence entre ce qui est juste et ce qui est erroné. En fait le choix entre des opinions opposées a été fait avant que ne commence la discussion. Le choix s’impose de lui-même dans des choses telles que la composition d’un journal qui découpe l’information vitale et en disperse les morceaux parmi des matériaux qui lui sont étrangers, parmi des articles qui n’ont rien à voir avec elle, et relègue ainsi les informations importantes à une place des plus obscures. Les gens exposés à cette impartialité trompeuse ne sont pas des tabula rasae, ils sont endoctrinés par les conditions dans lesquelles ils vivent et qu’ils n’arrivent pas à transcender. »

 Même LeMonde entretient la pérennité de cet Homme unidimensionnel en jetant quelques courtes phrases d’Herbert Marcuse en pâture au lecteur en bas d’une page Débats dans laquelle tout se vaut, le politique et l’économique, le sémitisme et l’antisémitisme. Renaud Dutreil, ancien ministre, devient président de LVMH, le temple du luxe et continue ainsi le mélange de genre que cultive tant Sarkozy. Et d’ex-militants de la LCR s’opposent à la LCR quant à l’antisémitisme du caricaturiste Siné. LeMonde entretient ainsi en chacun de nous la tolérance répressive, l’oblitération de la différence entre ce qui est juste et erroné. Alors, où se trouve la vérité ? La vérité est dans la critique constante de notre société thermo-industrielles qui occulte sous de vains Débats la détérioration constante du milieu qui nous fait vivre, la Biosphère.

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s’unir en partant du bas

Ce que je trouve formidable dans mon quotidien, c’est la masse d’informations qui en émane et qui peut nourrir mon cerveau. Ce que je trouve encore plus formidable, c’est l’utilisation que je peux faire de ces informations, nous ne sommes jamais neutres dans notre lecture. Ainsi l’article sur Hadrien, un humaniste gay et sanguinaire (LeMonde du 29.07.2008) nous rappelle que l’Europe d’Hadrien, empereur romain de 117 à 138, englobait la Turquie et le Maghreb. Pourquoi refuser une Europe élargie dans un monde actuel où les moyens de communication et l’abandon de la guerre comme moyen de modifier les frontières facilitent la cohésion des peuples ?

 

            L’Union européenne est cette tentative admirable de promouvoir l’unification mondiale autour d’un noyau de pays, avec un rapprochement progressif des peuples. Nous sommes loin des pratiques d’Hadrien qui était d’abord un chef de guerre d’une grande brutalité, matant les révoltes dans le sang. Le monde s’unifie en partant du haut avec l’ONU, il s’unifie par le bas avec la démarche de l’Union européenne. Je trouve regrettable que la politique des petits pas que cela nécessite ait été enrayée par le Non au référendum européen de 2005 et le Non irlandais à l’heure actuelle.

 A croire que les peuples préfèrent les méthodes impériales des chefs de guerre plutôt que le consensus qui naît de la réflexion individuelle et collective ! La Biosphère ne retrouvera la paix qu’avec un approfondissement de la pensée humaine chaque jour davantage ; la Nature ne peut qu’être malmenée par l’inconscience humaine.

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non-violence, toujours

Je suis né à la fin du nazisme, je suis  contemporain de la fin du stalinisme, j’ai vu que des juifs pouvaient se comporter aujourd’hui envers autrui comme des salauds se sont comportés hier envers des juifs. J’ai côtoyé des socialistes qui peuvent agir aujourd’hui comme des staliniens et des camarades de travail qui ne valaient pas mieux. J’ai donc perdu toute illusion sur  la conception du paradis sur Terre et même sur l’avenir de l’homme. Mais j’ai été toujours fidèle à mon idéal de non-violence qui a marque mes premières années de militantisme aux début des années 1970. J’ai été et je reste fondamentalement objecteur de conscience car c’est la seule démarche positive : la réflexion individuelle, le débat constructif, l’opposition décidée si c’est nécessaire, la recherche d’une pacification de l’existence pour tous, non humains compris. Quand LeMonde (23.07.2008) me permet de lire Joan Baez qui poursuit un tel chemin, cela me renforce dans mes convictions. Quelques extraits significatifs de son interview :

            «  C’est dans les cercles de quakers que j’ai découvert qu’il existait des alternatives à la violence. Martin Luther King nous parla de combats à mener avec les armes de l’amour et de révolution non violente. Je sentais qu’il y avait une voie dans laquelle je ferais quelque chose. Chanter puisque j’avais de don, mais chanter en exprimant quelque chose.

            Ce sont les militants de la non-violence qui ont mis fin à la guerre au Vietnam. Le président ne le souhaitait pas ! Les marches, les chants, les pétitions, touts les actions protestataires ont été payantes ! Et le sont toujours ! Encore faut-il cet élan, cette cohésion qui a manqué dans les années 1980 et 1990, marquées par un repli des gens sur eux-mêmes et un rejet absolu de l’esprit de sacrifice.

 Avec Obama est naît un sentiment nouveau pour moi qui déteste toute idée d’allégeance à un pays – la naissance est le fait d’un tel hasard ! – et je n’ai jamais pu saluer le drapeau américain, la main sur le cœur, en récitant des âneries ! Aucun drapeau d’ailleurs ! Je me suis toujours sentie citoyenne du monde, quitte à être mal comprise. Et voilà que moi aussi, naguère si sceptique sur l’utilisation du vote, je me prends à rêver. Je rêve qu’Obama apporte de l’intégrité dans les eaux troubles de Washington. Je rêve qu’il résiste à l’appel de la guerre. »

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manipulation de l’opinion

Selon un sondage IFOP, le nucléaire est perçu par les Français comme moins risqué que le changement climatique (LeMonde du 20-21.07.2008). En effet 53 % des plus de 18 ans juge que les risques liées au changement climatique sont les plus préoccupants de nos jours, contre 27 % quant au nucléaire. Mais c’est en totale contradiction par rapport à 2002 avec 20 % seulement de risque pour le réchauffement de la planète et 33 % pour le risque nucléaire. Ainsi va l’opinion publique, ballottée d’un bord à l’autre par la tempête médiatique. On ne peut faire confiance à un sondage à un moment donné, l’époque de Tchernobyl n’est plus notre vulgate actuelle où le nucléaire est présenté comme solution aux émissions de CO2, comme « énergie propre » !

 

De toute façon cette enquête réalisée pour Le Monde me parait biaisée. On demande à nos concitoyens « Avec quelle opinion êtes vous le plus en accord ? ». Deux réponses possibles :

 1) Il faut maintenir la part du nucléaire, car c’est elle qui assure l’indépendance énergétique de la France (67% d’accord)

2) Il faut réduire la part du nucléaire car c’est dangereux (33 %)

 

Pourquoi la question de l’augmentation de la part du nucléaire n’est pas posée alors que c’est l’optique politique actuellement choisie ? Est-ce que les Français savent que cette part est de pratiquement 80 % dans la production d’électricité mais seulement de 18 % dans l’énergie totale utilisée ! Pourquoi occulter qu’il ne peut y avoir d’indépendance énergétique puisque la France importe l’uranium des pays étrangers (et le pétrole) ?

 

Pourquoi ignorer la complexité de la dangerosité du nucléaire qui repose aussi bien sur la gestion des centrales en France que dans des pays moins stables, sur les questions de dissémination, sur les problèmes toujours non résolus de gestion des déchets ? Pourquoi cacher que nous n’avons plus que pour 60 années de réserves d’uranium vu la consommation mondiale actuelle, ce qui n’est absolument rien par rapport à la succession de nos générations ?

 La démocratie ne peut pas passer par un sondage d’opinion, elle passe plutôt par  l’organisation de conférences de consensus. Qu’attend le journal Le Monde pour financer une telle aventure ? Il serait plus crédible…

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gauche prolétarienne

Je connais bien la GP. C’était au tout début des années 1970. La GP m’a envoyé en prison. J’étais dans une manif GP, invité par un copain GP. La GP a attaqué un commissariat de police, ou tout au moins elle a cassé quelques vitres. Cela m’a pris au dépourvu ! Je me suis immédiatement désolidarisé d’une telle action : tout le monde est parti en courant dans un sens, moi lentement dans l’autre. Bien entendu on n’a arrêté qu’une seule personne. Moi ! Je n’ai pas voulu en savoir davantage sur la GP. J’étais un militant naïf à l’époque, depuis je ne le suis plus (naïf). Mais je suis toujours militant, toujours non violent, toujours écolo.

 

Un des patrons de la GP vient de mourir. A part le fait qu’il soit né la même année que moi, cela ne me fait ni chaud ni froid : Guy Lardreau il s’appelait (LeMonde du 14.07.2008). Jamais entendu parlé de lui. Il a quand même droit à une demi-page de la rubrique nécrologique. Cela ne lui fera ni chaud ni froid. Mais comment donc des intellectuels (il a fini prof agrégé de philo), même jeunes à l’époque, ont pu se tromper à ce point par rapport au sens de l’histoire. Le maoïsme ! On sait ce que cela a déjà donné à l’époque de Mao, on sait ce que c’est devenu, un capitalisme  habillé de rouge.

 

A l’époque, nous aurions déjà du savoir que la planète allait mal, aujourd’hui le capitalisme est toujours malin, il sait s’habiller de vert. Mais le MEDEF est autant dans l’erreur que la GP, il n’y a pas d’avenir pour notre société thermo-industrielle. Guy Lardreau a l’air d’être mort sans s’être rendu compte de cette évidence, la Biosphère a toujours raison à long terme. Guy Lardreau croyait à la puissance subversive du langage. Il y a trop de monde qui s’aveugle de mots, la réalité n’est pas un slogan. Nous ne pouvons rien dire ni faire qui aille contre les équilibres de la Biosphère.

 NB : La sanglante prise en otage des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972 amène la GP à renoncer à toute action violente. Peu après éclate l’affaire Lip, et la GP découvre que les salariés de l’usine occupée n’ont pas eu besoin d’elle pour se mobiliser. Fin 1973, la GP décide sa dissolution, il y a dissolution de l’idée de révolution. Faisons la paix avec la planète, et laissons les hommes se démerder dans leurs vaines querelles, révolutionnaires ou non.

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droite et gauche, même combat

Quel est le sens de la vie, dans quelle direction vont les politiques. Louis Gautier pense avoir trouvé la réponse dans son livre Table rase. Y a-t-il encore des idées de gauche ? (LeMonde du 5.07.2008). En résumé, Louis Gautier croit encore qu’il y a une différence entre la droite et la gauche. La gauche devrait « affirmer haut et fort que les principes l’emportent sur les valeurs, le choix des hommes sur la loi des dieux, les droits de l’humanité sur la compétence des nations, la liberté des individus sur les garanties de sécurité, la démocratie sur les lois du marché et l’égalité sur l’équité. » Le problème, c’est qu’un partisan de la droite pourrait tenir le même discours : il défend des principes, il est le plus souvent laïc, la mondialisation libérale ouvre plus de perspectives de paix que la patrie, la liberté individuelle est le fondement même de la société et de la démocratie. Il n’y a que sur l’égalité qu’il ferait grise mine, mieux vaudrait pour lui le concept de répartition équitable des revenus, c’est à dire l’inégalité économique comme résultat de l’inégalité des compétences.

 En fait Louis Gautier court après une distinction qui n’a plus lieu d’être : la droite comme la gauche ont adopté la théologie croissanciste, le règne du productivisme, l’élévation du niveau de vie, la destruction des ressources naturelles qui en découlent. En politique, il y aura bientôt d’un côté ceux qui ont le sens des limites et ceux qui soutiennent la démesure de l’homme, ceux qui considèrent les contraintes de l’écologie contre ceux qui sont obsédés d’économisme techno-scientifique. Pour le prochain congrès du Parti socialiste, il y a une contribution générale qui va dans ce sens, celle du pôle écologique du PS.  Nous avons peut-être là les prémisses d’une nouvelle différence entre droite et gauche : social-libéralisme contre social-écologisme.

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LeMonde contre les SES

Alors que le rapport de Roger Guesnerie a été remis au ministre de l’éducation, Le Monde du 4.07.2008 se livre à une agression contre une matière que je connais bien puisque j’enseigne les SES depuis trente quatre ans. Je dis bien Le Monde  car le compte-rendu par un quotidien d’un « audit des manuels et programmes de sciences économiques et sociales » est toujours un choix rédactionnel. Le grand titre parle d’attaque en règle de l’enseignement de l’économie alors que le rapport est beaucoup plus nuancé. L’autre article titre,  « une prof :  » Je sais qu’on nous reproche d’être négatifs, mais… » ». Dans le corps de l’article, l’enseignante montre qu’en matière de mondialisation, il n’y a pas de cassette pédagogique positive ! Encore une nouvelle intoxication par Le Monde.

Le Monde serait moins soumis à la parole officielle s’il signalait que Roger Guesnerie a un parcours de technocrate, école polytechnique en 1964, école des Ponts et chaussées en 1967 (un seul diplôme ne suffit jamais à ces gens-là), donc un parcours très éloigné de la compréhension du monde tel qu’il devient et tel qu’il est pratiqué par les jeunes lycéens. Ensuite, comme d’habitude dans les sphères universitaires, Guesnerie était entouré par des gens de la même coterie : dans sa commission, à part le président de l’APSES, aucun autre professeur de SES du secondaire !  

Mais surtout Le Monde ne fait aucun analyse des contre-vérités énoncées par ce rapport. Personne ne peut assimiler de façon suffisante les « fondamentaux » car en matières de sciences humaines, tout doit être relativisé, rien n’est fondamental. Il est d’ailleurs symptomatique que le sujet de baccalauréat SES se présente en général comme une dialectique, première partie oui ou non, deuxième partie l’inverse. Les arguments objectifs ne peuvent exister dans un monde où tout est discutable, il n’y a pas d’énumération possible de « vérités ». Quant aux préjugés des élèves, la présentation du programme de seconde (BO du 5.08.1999) enjoint déjà aux enseignants de présenter « les connaissances de base qui sont souvent en rupture avec les connaissances spontanées des élèves ». Et les manuels ne se font pas faute de fournir maints documents qui mettent à mal les certitudes du lycéen, depuis les structures familiales qui ne sont point fondées biologiquement jusqu’au port du portable comme marque d’aliénation.

En fait tout repose sur une conception particulière du monde. Celle de Guesnerie, fidèle à l’idéologie microéconomique, met en évidence les réussites ponctuelles de notre société et l’élévation du niveau de vie. Or on sait maintenant que la croissance économique est en train de dévaster la planète de façon « macroéconomique ». Guesnerie regrette que les manuels mettent l’accent sur « les conflits, les mauvaises conditions de travail et les bas salaires ». Alors, faudrait-il nier la réalité ? Guesnerie regrette que les manuels présentent des extraits de presse et documents de grands auteurs « sur le même plan ». Mais quel économiste pourrait-il se targuer d’avoir une légitimité historique, l’idéologie néoclassique, l’idéologie marxiste, monétariste ou keynésienne ? Qui est à même  de donner à un texte une légitimité certaine, le professeur, l’étudiant, ses parents ou le ministre de l’éducation nationale ?

 Ce que je connais de fondamental et d’objectif, c’est que nous sommes  à l’aube d’une confluence de crises structurelles, pic pétrolier, réchauffement climatique, perte de biodiversité, krachs financiers,  etc. La critique personnelle que je ferais aux SES, c’est que les programmes (et les manuels) ne vont pas assez loin dans la prise en compte de toutes ces difficultés interdépendantes. Quant j’ai commencé à enseigner en 1974, les sujets de bac parlaient du choc pétrolier (le premier). Aujourd’hui les sujets de bac mettent en évidence la croissance économique. Or la croissance économique va dans le mur, on le sait déjà depuis le rapport du MIT de 1972 ; et le baril en Asie a dépassé ce jour 145 dollars…

L’objectivité est du côté de l’infrastructure qui nous fait vivre, les ressources naturelles. Tout le reste est construction sociale artificielle, plus ou moins en phase avec le maintien durable de notre « niveau de vie ».

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apocalypse now

LeMonde du 3.07.2008 présente Yves Cochet comme un missionnaire de l’apocalypse. Oui la pétro-apocalypse est pour bientôt, non ce n’est pas un message de culpabilisation, c’est juste un constat  de réalité. Nous sommes tous responsables de la détérioration de la planète, mais certains d’entre nous sont plus coupables que d’autres, particulièrement tous ceux qui font l’apologie de la croissance et nous mènent à l’apocalypse. Voici comme information supplémentaire le compte-rendu d’un exposé-débat à Sciences-Po Paris (L’après-pétrole, quelles solutions énergétiques ?, le 13 juin 2008) :

 1) le constat

Yves Cochet fait porter son exposé sur l’amont du carbone, c’est-à-dire la production d’énergies fossiles, plutôt que sur l’aval du carbone (la détérioration climatique). En 1956, le géophysicien Marion King HUBBERT annonce que la production étasunienne de pétrole va décroître quatorze ans plus tard. Personne ne le croit, mais en 1970 celle-ci décroît effectivement. On a aujourd’hui extrapolé au monde entier le pic de Hubbert pour déterminer la date de la déplétion (c’est-à-dire le moment où les quantités de pétrole extraites commenceront à diminuer). Le pic pétrolier  est fixé à 2007 ou 2008. Il faut dire que dans les cinq premières années du XXIe siècle, nous avons autant consommé d’énergie que pendant les 50 premières années du XXe siècle. Pourtant les théologiens de la croissance, comme l’AIE (agence internationale de l’énergie) disent encore que la production de pétrole va continuer d’augmenter.

Le pic des ressources fossiles pourrait s’accompagner d’un pic démographique, une chute terrible de la population humaine. Nous serons en 2025-2030 environ 7,2 milliards d’êtres humains. Selon les résultats d’une étude récemment parue de Chris Clugston, la population mondiale en 2100 pourrait être redescendue à 2 milliards d’habitants.

La décroissance est notre destin, ce n’est pas un projet politique. La décroissance n’est pas signe de pessimisme, mais de réalisme géologique. Le représentant de l’ADEME confirme que dans 25 ans, il n’y aura plus une goutte de pétrole accessible au moindre coût. Entre 1996 et 2006, la hausse du prix réel des combustibles a augmenté annuellement de 4 %. Cela va entraîner des inégalités sociales croissantes. Entre 2001 et 2006, les dépenses énergétiques des 20 % de ménages les moins favorisés sont passées de 10,2 % des revenus à 14,9 % Dans le même temps, les 20 % les plus riches voyaient leurs dépenses budgétaires en matière d’énergie diminuer de 6,3 % à 5,9 %

Jacques Grinevald (auteur de La Biosphère de l’anthropocène, 2008) montre que nous sommes passés de sociétés traditionnelles relativement stables à un modèle économique néo-classique qui ne tient aucun compte de la raréfaction des ressources de la planète. Pourtant dès 1949, K.Hubbert avait averti que l’ère du pétrole se terminerait très rapidement. Georgescu-Roegen, un économiste mathématicien, seul économiste de renom contre toute la pensée dominante, a montré qu’il fallait tenir compte du deuxième principe de la thermodynamique, la loi de l’entropie, la dégradation de l’énergie que nous avons utilisée.

  

2) les solutions ?

Sylvain David (chargé de recherche à l’Institut de physique nucléaire d’Orsay), pro-nucléaire par profession, estime que nous aurons mondialement besoin de 3000 centrales nucléaires pour couvrir une partie de nos besoins en prenant pour hypothèse qu’on désire consommer autant d’énergie qu’actuellement. Mais l’accès au nucléaire est inégal, beaucoup de pays n’ont pas la stabilité nécessaire pour gérer des réacteurs nucléaires.

Yves Cochet émet quatre limites techniques au nucléaire: la faible quantité d’uranium (60 ans de réserves), le problème des déchets que nous produisons depuis 50 ans alors qu’on ne sait toujours pas comment les gérer, le coût du démantèlement, le fait que les assurances privées ne couvrent pas le risque nucléaire. Anthropologiquement, on peut ajouter que l’homme n’est pas bon par nature, que le système démocratique n’est pas assuré de durer. Pourtant une société technologique qui veut reposer sur le nucléaire a besoin de stabilité et de sécurité. Nous avons déjà oublié ce qui s’est passé au XXe siècle, deux guerres mondiales, la grande crise de 1929. On se grise, on devient un démiurge, le lobby nucléaire nous dirige. Jacques Grinevald ajoute que les hommes ont fabriqué des armes avant de construire des machines, la bombe atomique avant le réacteur nucléaire civil. On ne peut pas isoler une technique du système social et on ne peut pas faire confiance à l’homme : la guerre a fait l’Etat, et l’Etat fait la guerre, la Suisse n’a pas d’armée, la Suisse est une armée ! Sylvain David pense qu’il faudrait laisser les ressources fossiles restantes sous terre. Il faut donc penser à limiter la demande, puisque l’offre est limitée. Quant aux agrocarburants selon Yves Cochet, peut-être une production locale d’huile végétale pour une consommation locale, certainement pas de l’éthanol qui demande un litre de pétrole pour produire un litre d’un liquide moins performant que le pétrole : entre manger et conduire, il faut choisir.

Selon Jacques Grinevald, si le boom automobile continue, on va se noyer dans le pétrole et les échéances sont pour demain. Yves Cochet ajoute que le temps joue contre nous, il faut anticiper l’avenir. La solution technique n’existe pas alors que l’ONU ne voit que par la technique. Jacques Grinevald indique que les pays pauvres ont été humiliés, ils veulent leur revanche et consommer comme nous dans un monde où tout est basé sur la compétition. Yves Cochet remarque que de toute façon il n’y a pas assez de ressources pour que les Chinois atteignent notre niveau de vie, cela n’arrivera jamais, jamais jamais. Nous devons nous rendre compte qu’une voiture individuelle (1,2 tonnes pour 1,2 passagers en moyenne), c’est moins efficace qu’une chaise à porteur ! Les pays riches doivent obligatoirement montrer l’exemple de la sobriété, baisser drastiquement leur consommation d’énergie fossile. La vérité des prix va nous y obliger de toute façon, la paix et la sécurité en dépendent. La bonne vie, ce n’est pas le pétrole, c’est l’amitié, la méditation, la poésie… Mais l’irresponsabilité des décideurs politiques et économiques est totale.

La sobriété, c’est révolutionnaire dans une société inégalitaire et bling bling. Pour Yves Cochet, il faut penser l’impensable, à savoir un changement de civilisation, sans pour autant verser dans « l’écolo-fascisme ». S’il avait le pouvoir, il mettrait en place une économie de guerre à la Roosevelt après Pearl Harbor, un krach-programme avec démocratie participative. Les riches ne se rationnent pas, on mettra en place un rationnement global, le même quota de carbone pour chaque humain sur notre planète. Jacques Grinevald fait remarquer qu’il a lui-même fait le choix de ne pas faire d’enfants, la position malthusienne est aussi une solution à nos problèmes. La nécessité risque de créer l’espoir.

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le bac SES a 41 ans

Né au moment des évènements de mai 1968, le bac SES (sciences économiques et sociales) de cette année glorifie la compétitivité, comme d’ailleurs le journal Le Monde qui  édite ce jour « les cahiers de la compétitivité » (18.06.2008). Le lycée et les médias participent conjointement au formatage absolu des jeunes cerveaux par la pensée libérale, à savoir croissance, concurrence et libre-échange. Prenons les deux sujets du bac SES qui les lycéens viennent de traiter ce matin :

 1) En quoi l’innovation est-elle un facteur de compétitivité ?

2) Après avoir montrer que la mondialisation favorise l’uniformisation culturelle, vous mettrez en évidence les limites de cette relation.

  

            Le premier sujet aborde la compétitivité, qu’elle soit interne à un espace national ou internationale. Le premier document indique que « l’accroissement de la part de marché » (la croissance) consiste à se tourner « vers de nouveaux marchés géographiques » (le libre-échange). Le document 2 se centre sur les pôles de compétitivité qui ont permis « de stimuler la croissance de toute une économie », pôles dont la mise en commun des moyens peut « s’affranchir des frontières » ; les « Silicon Valley » ont la planète tout entière comme domaine, croissance et libre-échange vont de pair. Le document 3 est encore plus explicite, il s’agit de l’écart transatlantique des performances, extrait d’un livre sur la croissance française de 1950 à 2030. Moi, je parie déjà que la croissance économique et le libre-échange seront de gros mots en 2030 après avoir été la source de grands maux. Massacrer l’environnement ne pose en effet aucun problème de compétitivité.

 

Le deuxième sujet explore la mondialisation culturelle à partir de la mondialisation économique (toujours la rengaine de la croissance et du libre-échange). Qu’il s’agisse de l’implantation des hypermarchés Carrefour dans le monde (document 1) ou de la Coca-colonisation (document 2), il s’agit toujours de l’impérialisme des « produits de fabrication industrielle » et de la standardisation de la consommation (document 3). Rien dans les documents de ce sujet sur les méfaits sociologiques de la compétitivité internationale et de la libre circulation des marchandises, sauf à s’interroger par ses propres moyens sur « les limites de la relation entre mondialisation et uniformisation culturelle ».  Le document 2 se contente de constater l’érosion des singularités culturelles et la substitution aux produits locaux et régionaux, mais « ce mouvement semble échapper au contrôle des populations et des Etats ». Mais les pays en retard « font rapidement le choix de l’occidentalisation ». Le document 3 en rajoute sur « le Coca-Cola, porteur d’un  idéal américain, particulièrement valorisé par les pays du Sud ». Il paraît même que ces produits se vendent « car ils ont un fort pouvoir sécurisant » ??? Enfin le dernier document aborde l’impuissance de l’ethnologue, « mal armé pour saisir la manière dont ces produits mondialisés sont reçus, domestiqués, réappropriés ». J’ai honte d’un enseignement de SES qui se délecte à ce point de l’occidentalisation des esprits.

 

J’ai honte de voir ce qu’on a fait de la matière SES, un exercice soi-disant de réflexion qui a abandonné la nécessité de peser dialectiquement le pour et le contre des faits de société. Dans ces deux sujets de baccalauréat, il n’y a en effet  rien sur les méfaits de la croissance et du libre-échange. Le document 1 du sujet 1 parle incidemment de « réduire les atteintes à l’environnement » comme une des objectifs de l’innovation technologique en France, et c’est tout. Le deuxième sujet se centre sur l’objectif de « sauvegarder notre industrie et ses emplois » dans un contexte de « concurrence exacerbée » (document 6). Donc soyez performants, votre croissance et le plein emploi seront garantis, tel est le leitmotiv de cette année scolaire. Rien sur les crises financières, rien sur les limites de la croissance, rien sur la destruction des écosystèmes, rien sur le Grenelle de l’environnement, rien d’important donc.

  

Nous sommes donc en juin 2008 très loin du sujet posé dans l’Académie de Lille en 1974, sujet qui incitait à réfléchir sérieusement sur les limites de la croissance :

 « Faire progresser une Nation, c’est faire courir les citoyens. Depuis vingt ans, les citoyens français ne courent pas mal, merci. (…) La course est harassante. Si vous l’accélérez, vous consommerez plus, mais vous aurez moins de temps pour réfléchir, pour penser, pour vire (…) Car la course à la consommation se conjugue nécessairement, même sur le plan de l’individu, avec la course à la production. Mais celle-ci déclenche à son tour de grandes perturbations dans la structure sociale. Transformer les techniques de production, renouveler matériels et méthodes, désorienter les gestes habitués, réorganiser sans cesse, détruire et reconstruire indéfiniment les programmes de travail, les réseaux hiérarchiques, les relations humaines ; modifier les circuits, les règlements ; concentrer les entreprises, en fonder de nouvelles, modifier leurs objectifs (…). La course est brutale, et plus elle est rapide, plus elle est brutale. Les forts affirment d’autant plus leur force que le train est rapide ; et dans la chaleur de l’action, le faible est souvent piétiné. (J.Fourastié, Economie et Société, p.130)               A la lumière de ce texte, vous vous attacherez à décrire et analyser les changements sociaux qui ont accompagné la croissance économique depuis 1945, que ces changements aient joué le rôle de moteur ou de frein à cette croissance, qu’ils vous semblent accomplis, engagés ou en germe. »

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Nicolas ne nous endort pas

Nicolas Hulot est un de mes héros favoris. Qu’il émarge à TF1 ne l’empêche pas de réclamer haut et fort des mesures radicales face à la crise écologique (LeMonde du 12.06.2008), et c’est cela qui attire mon approbation : « Il faut dire la vérité aux gens, la situation ne va pas s’arranger. Donner un prix au  carbone est le seul moyen de nous préparer à l’envolée future du coût de l’énergie. Je demande aux députés d’amender le texte (ndlr : projet de loi issu du Grenelle de l’environnement) à la hausse car la crise écologique s’emballe. Tous les voyants sont au rouge. Cette loi ne suffira pas, il faut maintenant des mesures beaucoup plus radicales au niveau européen…. » 

 Nicolas donne aussi un carton rouge à tous ceux qui résistent au Grenelle, au plus haut niveau de l’Assemblée nationale, à Matignon. J’ajoute que ce soir à la télévision, dans l’émission « à vous de juger », le Premier ministre Fillon est présenté au volant d’une voiture de course. Si nos gouvernants continuent de se passionner pour tout ce qui détruit la planète, le combat écolo est perdu d’avance. Je rappelle à Fillon que lors du premier choc pétrolier, le Premier ministre de l’époque avait interdit toutes les courses automobiles !

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désastre démocratique

Nous courrons vers le désastre démocratiquement choisi. En page 6 (LeMonde du 9.06.2008), le Sénat américain rejette un projet de loi réduisant les émissions de CO2 ; les Américains ne sont pas prêts à payer pour limiter la dégradation de l’environnement, ils ont rejeté « l’impôt climat » à un moment où leur boulimie immobilière et leur vie à crédit se retrouvent dans leurs factures impayées. Alors que le baril a déjà franchi le seuil des 139 dollars. Les démocrates originaires d’Etats miniers ou manufacturiers disent ne pas pouvoir voter pour la défense de l’environnement…

En vis-à-vis page suivante, la menace d’un NON irlandais au traité de Lisbonne affole l’Europe. Nous sommes toujours dans une logique égoïste, les Irlandais disent OUI quand c’est l’Union européenne qui payent pour eux, ils disent plutôt NON quand il s’agit de partager avec les nouveaux membres de l’Europe de l’Est. Les gens (je ne peux plus dire « les  citoyens ») veulent qu’on s’occupe de leurs problèmes immédiats, la responsabilité et la solidarité n’appartiennent pas à leur vocabulaire courant.

Quand le peuple parle, c’est donc pour sauvegarder ses intérêts à court terme et ses avantages acquis, pas pour faire de la géopolitique, encore moins pour penser à l’équilibre de la Biosphère. Pendant que les chefs d’Etat pérorent à la tribune du sommet de la FAO pour la sécurité alimentaire (page 15), les délégations nationales défendent en coulisse avec acharnement leurs intérêts économiques, subventions agricoles, agrocarburants, privilèges des riches.

 Pauvres humains, ils ne savent pas ce qu’ils font.

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locavore, concept d’avenir

La lecture transversale d’un grand quotidien de référence est un exercice salutaire. Ainsi LeMonde du 22.05.2008 finit très mal en dernière page : une énorme pub couleur signée Total sur notre avenir qui serait lié à la découverte de nouvelles ressources pétrolières ! Encore une entreprise d’exploitation pétrolière qui soutient sa raison de vivre au détriment de l’équilibre du climat. Le transport à bas prix, que ce soit pour les marins pêcheurs ou pour les intoxiqués du volant, est définitivement terminé.

D’ailleurs même page, Corine Lesnes fait un bel effort de désintoxication du tout pétrole avec son régime locavore. Le New Oxford American dictionary a fait de locavore son mot de l’année 2007, en hommage à tous ceux qui décident de manger local. Tout ce qui n’a pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 km est interdit de séjour dans les assiettes de ceux qui adoptent la façon de manger locavore.  Les locavores ont calculé qu’un verre d’orange de Floride consommé à Chicago contient l’équivalent de deux verres de pétrole. Mais le locavore que nous deviendront tous de gré ou de force n’aura pas la vie facile. Manger local, ce sera souvent faire vache maigre, avec de préférence un régime très végétarien. Une compensation cependant, manger quelque chose de local nous permet de rencontre de vraies personnes, et pas seulement des liens abstraits car simplement monétisés. C’est la tentative des AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne) en France ou ailleurs.

Major pétrolier ou relocalisation, Amap ou grande distribution, tout n’est que contradiction dans notre monde à la dérive.

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banalité du mal

            L’analyse de Bordenave et Guibert (LeMonde du 19.05.2008) nous montre la banalités des monstres :  l’assassin en série Fourniret est un homme ordinaire dont ni le passé, ni le mode de vie n’explique la cruauté des actes. Sa compagne dans le crime, Monique Olivier, en rajoute dans la grisaille. L’article juste en dessous, « Eduquer à la paix », montre que la volonté moderne de paix s’est arrimée, durant les deux siècles passés, à la progression de conflits de plus en plus brutaux (guerres mondiales ou locales) ou mouvants (terrorismes). C’est ce qu’Hannah Arendt appelait, au sortir du procès des dignitaires nazis à Nuremberg, la banalité du mal. Il reste à chacun d’entre nous de se rendre compte que les amoureux de la Nature et les objecteurs de croissance mènent le même combat, combattre la banalité du mal en oubliant notre anthropocentrisme de dominants. Un écrivain comme Yves PACCALET, dans L’humanité disparaîtra, bon débarras ! a bien cerné le problème :

« Je cherche l’humanité au fond de l’homme : je n’y vois que la moustache d’Hitler. Nous ne sommes ni le fleuron, ni l’orgueil, ni l’âme pensante de la planète : nous en incarnons la tumeur maligne. L’Homme est le cancer de la Terre. Nous sommes des salauds, je dirais même plus, nous aimons nos perfidies. Nous les justifions. Nous leur trouvons toutes les excuses possibles et impossibles, nous les rebaptisons « légitime défense », « acte de bravoure » ou « choix tactique ». Les capitalistes parlent de « concurrence loyale », ce qui fait rire tous ceux qui étudient les relations entre les entreprises. Voyez ces philosophes qui se haïssent en dissertant de la bonté universelle ! Regardez ces humanitaires qui se disputent l’aide aux victimes ! Examinez ces soldats de la vraie foi qui égorgent l’infidèle en psalmodiant : « Dieu est amour ! » Que cela plaise ou non, et quelles que soient les indignations du philosophe ou du moraliste, la vérité s’impose : nazis nous sommes.

L’éthologie nous enseigne que, comme tout être vivant, l’Homo sapiens obéit à trois pulsions principales : le sexe, le territoire et la hiérarchie. C’est au territoire et à la hiérarchie que je me  réfère expressément lorsque j’évoque notre côté nazi. Du côté du territoire et de la hiérarchie, tout est permis et même encouragé. La possession et la domination sont élevées au rang des valeurs. On les récompense par des biens matériels, un salaire, une rente, des profits. Chaque fois que nous étendons notre domaine ou que nous prenons le dessus sur quelqu’un, nous en tirons une récompense chimique en dopamine et autres molécules gouleyantes. Nous n’avons qu’une hâte : recommencer. Devenir toujours plus riches et plus puissants. Voilà pourquoi nous ne lâcherons aucun de nos avantages personnels pour sauver notre mère la Terre… Nous préférons la voir crever que de renoncer à nos privilèges.

Non seulement l’homme anéantit ses semblables en braillant Lily Marlene, It’s a long way ou l’Internationale, mais il devient le bourreau de la Nature. Nous ne céderons rien (en tout cas rien d’important : les autres n’ont qu’à commencer !) pour arrêter nos saccages et nos pollutions. Le silence des oiseaux devient assourdissant, qu’il soit causé par la guerre, la dévastation mécanique ou la chimie, il préfigure celui de la vie. Quelques beaux gestes ne remplaceront pas le grand partage. Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable. Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut. Le vingt et unième siècle sera belliqueux, ou je ne m’y connais pas. » 

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