Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide
Dès novembre 1970, je considérais que le vrai voyage n’est pas tellement un déplacement du corps le long des kilomètres de l’espace, mais un mouvement de l’esprit dans le flux des informations qui lui arrive. Février 1971, je me fâche avec mon groupe de travaux pratiques en maîtrise de sciences économiques. Je voulais faire la simulation d’une prise de décision : le transport domicile-travail et ses améliorations possibles vues par la municipalité d’une grande ville. Mes camarades préfèrent un exposé magistral sur les critères de rationalité en Union soviétique. Ils pouvaient très bien suivre à l’oral mon projet et rendre par écrit leur synthèse. Que nenni ! Ils restent des techniciens de l’économie, pas des sociologues engagés. La faculté rend incapable de discuter des problèmes contemporains. Nous avions été enfermés dans des querelles de concepts sans intérêt et les étudiants ont perdu leur sens de l’autonomie intellectuelle. Pourtant nous savons aujourd’hui que les modalités de la mobilité sont devenues un problème récurrent.
Gandhi disait dans son autobiographie : « J’ai choisi en Angleterre un logement qui me permît d’arriver à pied d’œuvre (études de droit) en une demi-heure de marche. J’épargnais ainsi les frais de transport ».
Il ne pouvait savoir que l’épuisement du pétrole et le réchauffement climatique allait faire en sorte que son point de vue devrait un jour se généraliser. Dès mon premier poste professionnel durable en 1975, j’ai choisi de me domicilier de telle façon que je pouvais gagner à pied mon lieu de travail. Il est vrai que l’année 1973 a connu le premier choc pétrolier, un quadruplement du prix du baril dans l’année. L’époque se prêtait à la limitation des déplacements. Le mensuel Le Sauvage posait déjà la question de la suppression de l’automobile.
« Les usagers, écrivait Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. On peut imaginer des fédérations de communes (ou quartiers), entourées de ceintures vertes où citadins et écoliers passeront plusieurs heures par semaine à faire pousser les produits frais nécessaires à leur subsistance. La bagnole aura cessé d’être besoin. Que faire pour en arriver là ? Avant tout, ne jamais poser le problème du transport isolément, toujours le lier au problème de la ville, de la division sociale du travail et de la compartimentation que celle-ci a introduite entre les diverses dimensions de l’existence : un endroit pour travailler, un autre pour habiter, un troisième pour s’approvisionner, un quatrième pour s’instruire, un cinquième pour se divertir. L’agencement de l’espace continue la désintégration de l’homme commencée par la division du travail à l’usine. Travail, culture, communication, plaisir, satisfaction des besoins et vie personnelle peuvent et doivent être une seule et même chose : l’unité d’une vie, soutenue par le tissu social de la commune. » [Michel Bosquet (pseudonyme d’André Gorz), Mettez du socialisme dans votre moteur (Le Sauvage n° 6, septembre-octobre 1973)]
La classe globale, celle qui utilise un véhicule personnel, développe un mode de déplacement individualisé et rapide. Mais cela implique une perte sèche en pétrole, un impact sur le climat avec l’effet de serre, un éloignement entre le domicile et le lieu de travail ainsi qu’une détérioration des espaces naturels avec l’infrastructure routière et l’urbanisation. Le tramway répond aussi au besoin de déplacement par un transport collectif qui est rapide sur voie réservée, économique, silencieux, non polluant, soit exactement l’inverse des caractéristiques de la voiture individuelle. Le transport collectif est donc préférable au transport individuel.
Pourtant il y a mieux encore si tout le monde circulait en vélo : le déplacement serait encore plus économique, plus silencieux, moins polluant et protégé par définition des excès de vitesse. Mais le meilleur des systèmes, c’est quand même la marche à pied. Il est inutile de vouloir plus de rapidité, sachant que cette efficacité temporaire accroît les distances et multiplie les déplacements dans un cycle sans fin qui épuise la planète. Les conférences internationales sur le climat ne servent absolument à rien si l’ensemble des citoyens du monde ne prend pas conscience que c’est par mes gestes quotidiens que je favorise ou non les émissions de gaz à effet de serre.
Pour mes déplacements de loisirs, je les limite au maximum. Après un voyage de tourisme en Égypte que je regrette encore, je me refuse désormais à tout voyage en avion. Mais la fragmentation géographique des familles à cause de l’évolution de la société thermo-industrielle pose problème. Ma belle fille est péruvienne, comment aller de Bordeaux à Lima pour une réunion de famille ? Mon fils risque de travailler n’importe où dans le monde. Je ne pourrai pas le rejoindre en pédalo. Ma mère de 92 ans habite à 200 kilomètres, il faut bien que je m’en occupe. Les économies d’énergie ne sont pas seulement le fruit d’une décision individuelle, c’est toujours un compromis avec les contraintes structurelles. Si en tant qu’enseignant j’ai toujours choisi d’habiter à proximité de mon lieu de travail de façon à pouvoir y aller à pied, la plupart des lycéens étaient obligés de prendre le bus ou une voiture pour me rejoindre. Dans notre société complexe, le jeu des interdépendances rend la problématique des déplacements difficile à résoudre.
De toute façon nous n’aurons bientôt plus le choix. L’épuisement des ressources fossiles entraînera une explosion du prix des carburants, et une obligation d’aller moins loin et moins vite. Les limites de la planète que nous avons déjà outrepassées constituent le meilleur argument d’un écologiste.
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré
Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits
Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne
École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation
Écologiste en devenir, notre avenir commun
Électricité, les inconvénients d’un avantage
Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes
Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?
Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion
Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient
Futur, il sera à l’image de notre passé !
Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix
Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation
Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même
IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience
Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels
Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé
Les transports en commun seront alors la diligence. Les ambulances, pour accéder aux hôpitaux, comme les corbillards, pour le dernier voyage, seront tirés par des chevaux. Les médecins se déplaceront aussi à cheval, ou alors à vélo. C’est quand même un comble qu’aujourd’hui il faille se déplacer quand on est à l’agonie. On semble avoir oublié qu’il n’y a pas si longtemps les toubibs se déplaçaient au chevet des malades. Bientôt nous serons obligés d’aller mourir au cimetière. Et de gérer et régler tout ça nous même, depuis notre Smartphone et l’appli Kivabien. Pour prévenir le croque-mort faites le 1. Bien sûr, les handicapés et les nantis auront des dérogations, là il faudra bien sûr aller les chercher. Mais bon, c’est un autre sujet.
En attendant, si certains appellent ça le Progrès… la modernité, le confort, si ce n’est la liberté… que de pouvoir rendre la Bagnole pour aller bosser à 5 ou 10 km, ou pour amener les mômes à l’école à 1 km … eh ben moi j’appelle ça la fainéantise.
Ou encore l’embourgeoisement, bref la décadence. Quant à prendre la Bagnole pour aller à la salle de gym, où là… pendant une heure, voire plus… on va courir sur un tapis roulant, ou pédaler sur un vélo immobile… pour moi ça c’est le grand n’importe quoi.
** ces deux commentaires sont en réponse à BGA80 7 AOÛT 2022 À 11:22
« Quant à prendre la Bagnole pour aller à la salle de gym, où là… pendant une heure, voire plus… on va courir sur un tapis roulant, ou pédaler sur un vélo immobile… pour moi ça c’est le grand n’importe quoi. »
Oui c’est le truc qui m’a toujours fait rire ! Les gens vont en bagnole à la salle de sport pour éviter de marcher ou de courir à l’extérieur pour finalement courir sur un tapis roulant ! C’est d’autant plus déprimant de courir sur un tapis roulant du fait qu’on soit enfermé sur place à regarder une salle de béton de manière figée. C’est plus agréable de courir à l’extérieur et de profiter des paysages (et ça gratuitement !).
Puis la musculation c’est pareil c’est de la gonflette ! Dès lors que les gars arrêtent la salle de musculation, tous leurs muscles se transforment en graisse !
Plus tu gonfles artificiellement tes muscles et plus tu n’auras plus t’arrêter, t’es contraint de continuer perpétuellement pour entretenir et que ça ne se transforme pas en graisse. S’ils veulent se muscler qu’ils aillent bosser sur des chantiers ils gagneront de l’argent en prime et leurs muscles seront plus durables et endurants et ne se transformeront pas en graisse. Ce n’est pas la même musculature car acquise de manière plus lente. Mais les gars veulent des résultats immédiats alors ils vont de la gonflette en salle en inhalant une tonne de produits chimiques…
Le pétrole, l’Europe sera le premier continent a en manquer ! Nous européens seront les premiers à être à la diète énergétique. En effet, on a déjà dépassé plus de moitié des réserves mondiales en pétrole, mais surtout on est de plus en plus nombreux sur Terre a en consommer ou plus exactement a en dilapider. Or ce n’est pas tout, on a quasiment aucune réserve en Europe, mais les pays qui détiennent les dernières grosses réserves, voudront les garder pour eux-mêmes et n’accepteront plus d’en exporter à terme ! D’ailleurs ça se voit déjà, les Saoudiens rechignent à ouvrir davantage les robinets pour compenser le pétrole russe auprès de la France et même de l’Europe en général. Bref, le sevrage s’imposera de force en Europe, et ça va aller de plus en plus vite dans les années à venir… En l’occurrence les européens vont devoir ré-apprendre rapidement à utiliser leurs jambons pour avancer !
Si aujourd’hui les Saoudiens (lesquels ?) rechignent à ouvrir davantage les robinets, ce n’est pas du tout parce qu’ils ont peur d’en manquer pour leurs usages personnels.
À moins… que ce soit pour en faire profiter leurs pauvres. (Voir l’état de la pauvreté en Arabie Saoudite. Voir le projet Vision 2030 … prétendant éradiquer cette pauvreté.)
Les premiers à manquer de pétrole seront les pauvres. Et en premier, les pauvres pour qui le pétrole (le gasoil, l’essence etc.) est déjà très cher. La raréfaction du pétrole mettra un frein à sa «démocratisation», mais pas à son commerce.
Les riches émirs du pétrole (pas seulement ceux du Golfe) ne pouvant évidemment pas brûler tout ce qu’ils pomperont encore, et ayant bien évidemment toujours besoin d’autre chose que du pétrole… vendront leur rab à ceux qui auront les moyens de payer. C’est à dire aux riches. Principalement européens, américains etc.
Business as usual, tout connement !
Des transports en commun; on en aura toujours besoin, à commencer pour déplacer nos personnes âgées, afin qu’elles puissent faire leurs courses et accéder aux hôpitaux et leurs médecins généralistes. Mais aussi pour les moins âgées, principalement pour les mères de famille pour répondre aux mêmes besoins que les précédentes.
En tout cas, il est évident que le rythme de consommation d’énergies fossiles aura été abusif, on les a dilapidées sans se soucier d’en laisser aux générations futurs pour des besoins essentiels. On a construit des voitures beaucoup trop grosses et trop rapides par rapport à nos besoins réels. D’autant que plus de la moitié de nos trajets effectués en voiture concerne des trajets de moins de 1 km !!!! C’est juste une aberration ! Le désastre engendré par cette gloutonnerie énergétique, ce ne sont pas les parents qui en paieront l’addition mais leurs enfants et petits-enfants qui devront vivre une misère énergétique….
– « Mais le meilleur des systèmes, c’est quand même la marche à pied. Il est inutile de vouloir plus de rapidité, sachant que [etc.] »
Je ne suis pas d’accord. Nos journées ne font que 24 heures, dont 8 heures pour dormir etc.
La vitesse moyenne d’un homme qui marche est de 5 km/h. Faites ne serait-ce que 40 km à pied dans la journée et vous comprendrez. Ce n’est certainement pas pour rien que l’homme possède la faculté de courir. Quand il s’agit de s’enfuir, pour éviter un danger, ou d’attraper un bison ou une gazelle, pour manger, la course est un système bien meilleur que la marche.
La vitesse d’un cheval au pas (son allure la plus lente) est de 7 km/h. Sauf que le cheval peut trotter et même galoper. Seulement courir et galoper ça fatigue. Et plus on court vite et moins on va loin.
Là non plus on ne va pas dire qu’il est inutile de vouloir sortir d’un rayon de tant de kilomètres.
( à suivre )
L’homme a vite compris l’intérêt de ne pas trop se fatiguer, comme celui d’aller plus loin. Bien avant qu’il invente le mètre et le chronomètre il avait compris l’intérêt de plus de rapidité et de mobilité. L’homme a donc dû commencer, probablement, par essayer la chèvre. Puis l’autruche, le zèbre, l’éléphant, le dromadaire et je ne sais plus quoi. Et c’est ainsi que le cheval est resté pendant très longtemps le meilleur des systèmes pour se déplacer. Et là dessus il n’y a pas photo.
Emporté dans son élan, de vitesse, de con quêtes etc. il a sélectionné les plus rapides et les plus endurants. Et puis un jour il a inventé la roue, toujours dans le but de se fatiguer le moins possible. Puis la machine à vapeur, le moteur à explosion, le moteur électrique, la bagnole, l’avion, la fusée en attendant la téléportation. En passant par le vélo, aujourd’hui électrique, comme la trottinette. Mais ça c’est juste des conneries. (à suivre)
Et c’est ainsi, qu’aujourd’hui encore, le bon vieux vélo reste le meilleur des systèmes pour se déplacer. Et là dessus il n’y a pas photo. C’est Ivan Illich qui nous le démontre avec son concept de vitesse généralisée. ( Finalement et tous comptes faits… une bagnole ne va pas plus vite qu’un vélo. ) Comme la marche, le vélo c’est bon pour le portefeuille, la santé, la planète et en même temps.
Je dirais donc que la marche à pied reste le meilleur des systèmes, pour des petites distances. Et bien sûr pour des déplacements sur des terrains non adaptés au vélo, fusse t-il tous terrains et assisté. Reste à voir si le cheval, ou le bourricot, est mieux, ou pas, que le VTT électrique. Mais ça c’est juste des conneries. 🙂