Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Pêche, une activité artisanale devenue un massacre de masse
J’ai été pêcheur. Pêcheur avec carte de pêche dans le lac de Parentis. Les brochets ont été remplacés par des sandres, les puits de pétrole avaient essaimé leurs nuisances sur le lac… Sur le bassin d’Arcachon où mon père avait un voilier, je pouvais attraper librement ce qui mordait à l’hameçon, l’océan étant considéré comme offrant à profusion ses poissons sauvages. Mais la pêche industrielle a transformé progressivement une activité de petite prédation en massacre de masse. Les océans se vident de leurs ressources halieutiques et les pêcheurs d’eau douce ne pêchent plus que des truites d’élevage.
« Au XIVe siècle, l’apparition du chalut à voile a provoqué une véritable jacquerie chez les pêcheurs côtiers. D’autres sauts technologiques viennent au fil des siècles apporter leurs lots de crises. L’irruption de la vapeur dans les ports anglais en 1878, modifient complètement la donne : les chalutiers pouvaient sortir plus loin, parvenir plus vite sur les zones de pêche, quel que soit le temps ou le sens du vent. Aujourd’hui les sondeurs, sonars et autres radars traquent les poissons, le recours aux avions pour détecter les bancs de thon et au satellite pour explorer les couches d’eau sont des éléments d’une spirale néfaste dans laquelle les pêcheurs comme les décideurs politiques ont enfermé les ressources halieutiques. Va-t-on aux champignons avec une pelleteuse ? Non, mais ce n’est pas le cas pour la pêche. » [ Stephan Beaucher, Plus un poisson d’ici 30 ans ? (surpêche et désertification des océans) aux éditions Les petits matins, 2011)]
Le retour à la pêche artisanale est une nécessité. Et il faudra être bien moins nombreux sur cette Terre devenue trop petite pour supporter le poids des humains. Sinon, bientôt, nous ne mangerons plus de poissons… J’imaginais en 1972 le monde à venir dans mon carnet de notules qui ne me quittait pas : « Nous apprenons que nous avons enfin pu reconstituer un spécimen d’une espèce de poisson jadis appelée sardine. Nos prévisions de repeuplement permettent d’anticiper la pêche des sardines dans environ 350 années… »
En Namibie, les quelque 10 millions de tonnes de sardines et d’anchois ont été surexploités. Leur population déclinante a laissé la place à 12 millions de tonnes de méduses. Partout les excès de la pêche ont décimé les grands prédateurs de la méduse – requins, thons, tortues luth – (LE MONDE du 25-26 mai 2014).
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré
Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits
Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne
École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation
Écologiste en devenir, notre avenir commun
Électricité, les inconvénients d’un avantage
Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes
Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?
Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion
Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient
Futur, il sera à l’image de notre passé !
Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix
Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation
Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même
IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience
Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels
Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé
Mariage pour tous, l’oubli du sens des limites
Militantisme, une construction de soi qui ne va pas de soi
Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide
Musée, pas besoin du passé pour être un vrai artiste
Objecteur de conscience j’ai été, je suis, je serai
– « Les océans se vident de leurs ressources halieutiques […] »
Personne ne peux évidemment dire le contraire, c’est la façon de le dire qui me gène. Toutefois je reconnais qu’il m’arrive à moi aussi de parler comme ça. Déjà on ne videra pas les océans. Qui peut dire combien les océans contiennent exactement de poissons, le tonnage etc. ?
On sait ce qu’on pêche oui, mais combien il en reste c’est autre chose. Les chiffres sont ici énormes, nous avons donc vite fait nous y perdre et de dire des bêtises. Comme dire par exemple qu’en 2050 les océans contiendront plus de plastique que de poissons. Je ne pense pas que c’est en exagérant qu’on serve le mieux la cause.
Ensuite on parle là de stocks et de ressources, qui se chiffrent donc en millions de tonnes, traduits en millions d’euros etc. Peu importe ici qu’elles soient limitées, illimitées, renouvelables, en déclin ou pas, le mot «ressources» désigne ce qui doit (ou peut) être… exploité.
Les chiffres sur la pêche mondiale donnent le vertige. Partant de là il n’est pas surprenant de lire n’importe quoi. Sur loceanalabouche.com (La pêche mondiale en cinq chiffres chocs) je lis que «90 millions de tonnes de poissons, crustacés, mollusques et autres animaux aquatiques sont pêchés, en moyenne chaque année sur la planète». Ailleurs on me parle de 100 voire 110 millions de tonnes… de poissons. Dont 10 millions de tonnes gaspillées (consoGlobe et Le Figaro). D’un autre encore «chaque année 132 millions de tonnes de poisson sont consommées dans le monde soit 17 kg par habitant» (FAO). Je me demande lors d’où sortent ces 32 tonnes. Ailleurs ce n’est plus 17 mais 20,5 kg etc. etc. etc.
Toutefois on arrive à comprendre que l’aquaculture fournit une part non négligeable dans tout ça. (46 % … selon oceanalabouche.com)
– « Jamais l’humanité n’avait autant consommé de poissons jusqu’alors. Chaque habitant de la planète a consommé l’année dernière près de 17 kg de poissons. Cette consommation record résulte en grande partie par le développement de l’aquaculture.
Quand on sait que pour la production d’un kilo de poisson de culture 5 kg de poissons sauvages sont nécessaires, on est en droit de s’inquiéter pour les stocks de poissons sauvages.» (KG DE POISSONS CONSOMMÉS DANS LE MONDE – globometer.com )
Certes ce ratio peut surprendre, voire inquiéter, mais alors de quoi se nourrissent les poissons sauvages ? Combien une truite sauvage mange t-elle de vairons et de truitelles ? Et le brochet de gardons. Et le requin de je ne sais quoi.
C’est comme ces 10 millions de T de poissons rejetés à mer, parce que trop petits, non vendables etc. bien sûr que c’est du gâchis, seulement ils participent à nourrir les poissons, les mouettes etc. (à suivre)
Non, le problème ici c’est tout simplement la quantité de gasoil (pétrole) qui aura été brûlé pour rien. Pour pêcher des poissons qu’on aura rejeté (morts) à mer, alors qu’ils pouvaient très bien servir à nourrir les poissons d’élevages, sauf que ce n’est pas assez rentable etc. (Business as usual !)
Reste donc plus qu’à comparer le bilan carbone du saumon d’élevage, avec celui du saumon pêché au large de la Norvège, au filet, à la ligne etc.
Même si le bilan carbone de ce saumon d’élevage est meilleur que celui de ses concurrents sur le Marché, ce qui reste à démontrer… ce n’est pas pour ça que nous devrions forcément le privilégier.
Lire (entre autres) : Saumon d’élevage: un saccage écologique ( oui.surf )
Conclusion : Ne mangeons plus de saumon, et réduisons notre consommation de poisson ! Le poisson et le reste !
Il est plus que temps d’ en finir avec ces bateaux -usine et leurs filets monstrueux pour en revenir à la pêche genre palangre/ otte bien moins destructrice pour la faune marine et les fonds marins .
Pour la pêche en eau douce , le saumon est un bagarreur hors pair et en pêche tropicale , je recommande le tarpon surpuissant et le poisson tigre qui porte bien son nom vu sa férocité
– « … et les pêcheurs d’eau douce ne pêchent plus que des truites d’élevage. »
Ah non, ça ce n’est pas vrai ! Et je sais de quoi je parle, j’en suis un, pêcheur d’eau douce.
Déjà il faut savoir que pour la pêche, les cours et les plans d’eau sont classés en 1ère et seconde catégories. La 1ère catégorie, ce sont les rivières et les ruisseaux froids et rapides, les lacs de montagne, là où il n’y a pratiquement QUE de la truite. Disons plutôt des salmonidés.
La seconde catégorie c’est tout le reste, où on pêche le brochet, le sandre, le gardon etc. Comme je ne pêche pratiquement que la truite, et depuis très longtemps, je peux en effet dire qu’elles se font plutôt rares. Qu’il y en ait moins qu’il y a quarante ans, c’est sûr. Mais pas partout. Les comptages réalisés par les fédérations de pêche le confirment, ici ou là il reste de la truite, et en bonne quantité. Et ici ou là les populations se sont bien reconstituées. ( à suivre)
Seulement elles sont de plus en plus difficiles à prendre. Pourquoi ?
La pression de pêche évidemment, qui fait que les truites deviennent de plus en plus méfiantes. Bien plus méfiantes qu’un vairon ou qu’une arc-en-ciel (truite d’élevage).
Ces fameuses truites d’élevages sont déversées pour les pêcheurs du dimanche, pour qu’ils puissent se rembourser le permis. Et aussi pour amuser les touristes, ou les amateurs de concours.
Le Véritable Pêcheur (de truite), dit aussi Le Bon Pêcheur (comme pour Le Bon Chasseur) boycotte ces concours. Quant par hasard il prend une de ces truites d’élevages (généralement de bonnes tailles) il lui tord le cou et la met au panier. Faut dire qu’elles sont faites pour ça, eh oui. Et qu’avec beaucoup de citron elles ne sont pas trop mauvaises. Par contre lorsqu’il prend une belle fario, là il la remet à l’eau.
Le No Kill est à la mode. Vous pourrez donc dire que suis à la mode. 🙂
D’autre part, les élevages de poissons (piscicultures) servent notamment à ré-empoissonner les cours d’eau et les lacs en espèces autochtones. Cette augmentation de la méfiance des poissons s’observe également pour la pêche en mer, notamment à la ligne, et a fait l’objet d’études.
Ceci dit, il reste évidemment qu’à l’échelle globale les stocks (je n’aime pas trop le terme), disons alors les populations, de poissons, ont considérablement diminuées. Et ceci pour de multiples raisons, dont bien sûr la surpêche (véritable massacre de masse), mais aussi la pollution et le dérèglement climatique. Et là, on dira que c’est à cause de ceci et de cela. 😉