La démocratie prend un mauvais tournant
Hommage à la démocratie : en 2024, près de la moitié des adultes de la planète sont appelés à voter. Honte à la démocratie dont l’Inde de Narendra Modi, la Russie de Vladimir Poutine ou l’Iran d’Ebrahim Raïssi ne conservent que les oripeaux. Aucun pays n’est à l’abri, prenons la Grèce. Le 7 février 2024, le Parlement européen a adopté une résolution exprimant « sa profonde inquiétude concernant les menaces très graves qui pèsent sur la démocratie en Grèce ». Espionnage illégal à grande échelle, dégradation de la liberté de la presse, recours excessif à la force par les services de police à l’encontre de groupes minoritaires et de manifestants pacifiques… Prenons la démocratie américaine, gangrenée par l’argent et le trumpisme… Prenons Israël, un ethno-Etat qui ne traite pas tous ses citoyens de la même façon… Prenons le Pakistan, aux élections entravées…
Alain Frachon : Les autocrates en place se croient obligés d’organiser un vote – même si on connaît le résultat à l’avance. L’estampille démocratique, ça fait mieux. Mais en nombre de pays pratiquant la démocratie elle perd en qualité. Seuls trente-quatre pays sont classés dans les rangs de la démocratie libérale − élections, Etat de droit, liberté de la presse, pouvoirs et contre-pouvoirs, droits des minorités, bref, la panoplie institutionnelle complète et complexe de la vie démocratique. Avec des élections régulières passablement libres , la démocratie a connu un pic en 2000, 54 % de la population mondiale en bénéficiaient, puis le pourcentage est tombé à 50 % en 2018, à 32 % en 2019 (principalement du fait du déclassement de l’Inde). Cela nous confronte à une question-clé : « Quel modèle [de gouvernement] va prévaloir » dans les prochaines années ? Les élections au Parlement européen en juin 2024, disent les sondages, annoncent une poussée d’une extrême droite ultranationaliste.
Le point de vue des écologistes du petit nombre
La démocratie est le plus mauvais des systèmes… à l’exception de tous les autres. On ne trouve pas mieux, mais il a une faiblesse intrinsèque : il n’y a de démocratie véritable que pour un petit nombre de personnes culturellement homogène. En clair la démocratie est la principale victime de la surpopulation généralisée. Comment exprimer ce qu’il faudrait quand la France compte 68 million de sujets et la Chine 1,4 milliards ? Plus la densité de population augmente, plus fréquentes sont les interactions, et ainsi se développe nécessairement des lois plus restrictives pour réguler ces interactions. Il y a bien longtemps que cette incompatibilité entre pression du nombre et possibilité de démocratie a été mise en évidence. C’est ce que démontrait déjà Malthus en 1798, au moment de la révolution française :
« La multitude qui fait les émeutes est le produit d’une population excédante. Tant qu’il sera au pouvoir d’un homme mécontent et doué de quelque pouvoir d’agiter le peuple, de lui persuader que c’est au gouvernement qu’il doit imputer les maux qu’il s’est lui-même attiré, il est manifeste qu’on aura toujours de nouveaux moyens de fomenter le mécontentement et de semer des germes de révolution. Après avoir détruit le gouvernement établi, le peuple, toujours en proie à la misère, tourne son ressentiment sur ceux qui ont succédé à ses premiers maîtres. Cette multitude égarée est un ennemi redoutable de la liberté, qui fomente la tyrannie ou la fait naître. Si une révolution s’opéra par la populace, il faudrait s’attendre à de perpétuels changements, à des scènes de sang sans cesse renouvelées, à des excès de tout genre qui ne pourraient être contenus que par le despotisme absolu. Le gouvernement est un quartier où la liberté n’est pas, ne peut pas être fidèlement gardée. »
Une solution, les conventions citoyennes
Démocratie grâce à des conventions citoyennes
extraits : « Nous sommes 184 citoyennes et citoyens tirés au sort, riches d’une diversité d’origines, d’expériences et d’opinions. Nos constats et nos propositions sont issus d’un exercice collectif et démocratique. Pendant 27 jours, nous avons croisé nos regards et confronté nos points de vue sur l’accompagnement de la fin de vie. Pour en comprendre les enjeux, nous avons aussi entendu et questionné près d’une soixantaine d’experts et de personnalités… Nos travaux achevés sont désormais les vôtres. Ils sont le fruit d’une délibération collective dont nous portons les conclusions au débat public. Concitoyennes, concitoyens, emparez-vous de cette question qui est un enjeu de société majeur. »…
Représentativité démocratique par panel !
extraits : La démocratie directe dans un petit groupe est à l’image des citoyens, mais dans une population nombreuse la démocratie représentative ne reflète que l’idéologie personnelle ou clanique des élus quant il n’y a pas de mandat impératif.expérimentées à l’origine dans les années 1970 par le sociologue allemand Peter Dienel ; les « cellules de planification » rassemblent des groupes de 25 personnes tirées au sort parmi les habitants d’un quartier. Mobilisés pendant plusieurs jours, ils reçoivent des éléments de formation et d’information sur le problème à traiter, puis délibèrent pour élaborer des recommandations. De nouvelles perspectives apparaissent en 1987 quand le Danish Board of Technology affine la méthode qu’il baptise « Conférence de consensus ». Ce projet a mobilisé un groupe de citoyens à qui on a soumis une question qui n’appartenait en rien à la sphère locale, elle portait sur l’usage des organismes génétiquement modifiés. La première conférence de consensus a eu lieu en France en 1998 sur le même thème…
Nos articles antérieurs sur ce blog quant à la démocratie
Quelle démocratie dans une société écologisée (2021)
Une démocratie véritable par tirage au sort (2020)
Biosphere-Info, un consensus sur le climat (2020)
Tout savoir sur les conférences de consensus (2020)
Sans écologisme, la démocratie part en vrille (2019))
Quelle démocratie en période d’urgence écologique ? (2019)
Ochlocratie : les peuples contre la démocratie (2019)
Quelle démocratie pour une société écologisée ? (2019)
Grand débat, vers une conclusion courue d’avance (2019)
Grand débat national, ce sera la grande désillusion (2019)
Climat 2019, la démocratie à l’épreuve de l’écologie (2019)
Allons bien au-delà de la démocratie représentative (2017)
Conférence de citoyen, image de la démocratie de masse (2016)
Une démocratie réelle ne peut qu’être écologique (2015)
Démocratie écologique, tout le pouvoir aux mandarins ? (2014)
Pour une démocratie écologique (Pierre Rosanvallon) (2014)
Le nucléaire, histoire d’une faillite de la démocratie (2013)
Conférence de consensus, jury citoyen et télé-réalité (2013)
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