spiritualités

Pape François : où est la vérité de tes discours à l’UE ?

Lors du discours qu’il a prononcé au Parlement européen, le pape François a longuement rappelé l’Union à ses « valeurs humanistes » *. Si on regarde de plus près la transcription de son discours**, il s’agirait de définir l’homme comme « personne dotée d’une dignité transcendante ». Cela signifierait « faire appel à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette boussole que Dieu a imprimée dans l’univers créé ». Trois affirmations complètement dénuées de tout fondement.

L’être humain, produit d’une socialisation, s’ingénie à perdre toute référence à la nature pour se positionner comme être de culture, et même parfois contre-nature. Ensuite il est reconnu par toutes les études sociologiques qu’il n’y a aucune prédisposition innée chez l’humain. Faire le mal pour certains est considéré comme un « bien », il est trop souvent préférable de parler d’homo demens plutôt que d’homo sapiens. Enfin, comme il n’y a aucune preuve tangible de l’existence d’un dieu, toute référence théologique est normalement inopérante. L’expérience historique montre d’ailleurs qu’on peut faire dire à Dieu une chose ou son contraire ; Dieu empoisonne tout comme l’écrivait Christopher Hitchens. La parole papale ne peut être sacralisée, son appel a des valeurs humanistes en perd sa crédibilité. D’un point de vue écologique, ce n’est pas l’homme qui devrait être doté – par l’homme ! – d’une valeur « transcendante », digne de respect, mais l’ensemble des formes du vivant. Pour l’éthique de la terre, plutôt que de transcendance, au-delà de toute expérience possible, il vaudrait mieux penser en terme de valeur intrinsèque. C’est le premier critère de la philosophie d’Arne Naess : « Le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. »

                Ce pape François, qui a choisi pour sa dénomination de faire référence au saint patron de l’écologie, François d’Assise, reste écologiquement anthropocentrique devant l’UE : « L’Europe a toujours été en première ligne dans un louable engagement en faveur de l’écologie. Notre Terre a en effet besoin de soins continus et d’attentions ; chacun a une responsabilité personnelle dans la protection de la création, don précieux que Dieu a mis entre les mains des hommes. Cela signifie, d’une part que la nature est à notre disposition, que nous pouvons en jouir et en faire bon usage ; mais, d’autre part, cela signifie que nous n’en sommes pas les propriétaires. Gardiens, mais non propriétaires. Par conséquent, nous devons l’aimer et la respecter. » Nous conseillons au pape François de bien comprendre qu’il existe trois interprétations de la relation entre l’homme et la nature dans la bible. Selon la Genèse, les êtres humains, seuls de toutes les créatures, furent créés à l’image de Dieu ; il leur fut donc donné d’exercer leur supériorité sur la nature et de l’assujettir. Le pape François a choisi une autre interprétation : nous sommes les « intendants » de Dieu sur la création – nous sommes chargés d’en prendre soin – et non ses nouveaux propriétaires. Mais, qu’on souscrive à l’interprétation despotique ou à celle de l’intendance, on se place dans ces deux cas dans la perspective d’une position dominante de l’homme à l’égard de la nature. Une troisième interprétation est encore possible : les êtres humains sont conçus comme des membres à part entière de la nature et non plus comme ses maîtres tyranniques ou comme ses gestionnaires bienveillants. Une valeur intrinsèque non partagée équitablement entre toutes les formes du vivant ne peut qu’aboutir à l’extinction des espèces autres que l’espèce humaine, à l’agglomération des humains en méga-structures inefficaces comme l’Union européenne et finalement à la disparition programmée des valeurs humanistes dans nos relations inter-humaines.

* LE MONDE du 27 novembre 2014, Le pape appelle l’Europe à retrouver ses « valeurs humanistes »

** LE MONDE du 27 novembre 2014, extraits du discours du pape François

Pape François : où est la vérité de tes discours à l’UE ? Lire la suite »

JDC, « journée défense et citoyenneté », mode d’emploi

Normal
0
21

C’est toute une classe d’âge qui, chaque année, à 17 ans, doit accomplir sa « journée défense et citoyenneté » (JDC). Sans l’attestation qui y est délivrée, impossible de se présenter au moindre examen national. L’ambiance parmi les jeunes n’est pas à l’euphorie. Aux « Ça me saoule » murmurés dans la cour de la caserne, lors du discours d’accueil, succède l’apathie. A les entendre au sortir de la salle, le rappel de grands classiques de l’instruction civique (niveau collège) est un inutile « rabâchage ». Mais nulle rébellion de principe dans les propos*. L’objection de conscience, le refus de l’usage collectif des armes, est la grande oublié de la grande muette.

                Une nouvelle formule de la JDC, plus centrée sur les armées, sera même généralisée d’ici à la fin juin**. La nouvelle formule comporte trois parties. Le premier module est baptisé : « Nous vivons dans un monde instable, une défense nécessaire ». Le deuxième module, « Notre appareil de défense » décline cinq grandes « fonctions stratégiques » : le renseignement, la dissuasion, la protection du territoire, la prévention des risques et l’intervention dans les crises. Dans ce cadre, les opérations militaires extérieures en cours (Mali et Centrafrique) seront présentées et justifiées. La troisième partie, « Vous avez un rôle à jouer, un engagement citoyen », est là pour susciter des vocations militaires. L’objection de conscience n’est plus qu’un lointain souvenir bien que le statut d’objecteurs existe toujours puisqu’il n’a pas été supprimé.

Depuis 1997 le service national n’a été que « suspendu », de même que le statut des objecteurs de conscience qui garde toujours sa validité. La JDC est en fait une journée d’incorporation ; un état de guerre entraînerait un possible appel sous les drapeaux. A ce moment, que faire de ceux qui refusent l’usage collectif des armes ? C’est pourquoi nous recommandons aux jeunes qui le désirent de présenter une lettre spécifique au moment de ta JDC dont voici l’essentiel : « Je désire manifester dès maintenant mon refus d’un service militaire armé pour motif de conscience et vous remettre ma demande de bénéficier du droit à l’objection de conscience exprimés dans les articles L.116.1 à L.116.9. Mes convictions basées sur la recherche de la bonne entente collective me conduisent à d’autres formes d’engagement pour la nation et les peuples qu’un service militaire armé qui redeviendrait obligatoire. »

* Le Monde.fr | 04.10.2014, Comment les adolescents vivent-ils le service militaire en un jour ?

** Le Monde.fr | 31.03.2014, La journée d’appel de la défense va être rénovée

JDC, « journée défense et citoyenneté », mode d’emploi Lire la suite »

Journée mondiale des animaux avec Saint François

En ce samedi 4 octobre, journée mondiale des animaux puisque placée sous la tutelle bienveillante de  Saint François d’Assise, voici quelques éléments de réflexion tirés du livre de Marybeth Lorbiecki* :

« Fils d’un riche marchand, François d’Assise aurait entendu Jésus sur la croix : « Va réparer ma maison qui tombe complètement en ruines. » François se dénuda sur la grande place publique d’Assise et jeta ses vêtements à son géniteur. A partir de là, il reconstruisit chapelle set églises. Il ne devint jamais prêtre et n’aspira jamais à le devenir. C’est le Cantique des Créatures qui reste la plus belle contribution de  François d’Assise. En voici l’essentiel :

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour toutes tes créatures, et particulièrement notre frère le Soleil, qui nous apporte le jour et par qui tu nous donnes la lumière.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Lune, et pour les étoiles ! Dans le ciel tu les as placées, aussi précieuses que belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour mes frères le Vent et l’Air, et aussi les nuages et les tempêtes, et toutes les sortes de temps, grâce auxquels tu apportes subsistance à tes créatures.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur l’Eau, qui est très utile, humble, précieuse et pure.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur, la Terre Mère, qui nous nourrit, nous soutient et produit quantité de fruits, les fleurs colorées et les herbes.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur, la mort corporelle, à l’étreinte de laquelle nul homme vivant en peut échapper…

                Jean-Paul II passa en 1978 sa première année de pape à prononcer des sermons autour des récits génésiaques de la Création, et des responsabilités confiées à l’homme par Dieu. Dès 1979, il proclama François saint patron de l’écologie : « Car, d’une manière toute particulière, il a tenu en grande estime les œuvres universelles du Créateur et il a composé ce magnifique Cantique des Créatures et donné l’exemple d’un respect authentique et sans réserve pour l’intégrité de la Création. » Pour l’accueil des participants au séminaire Terra Mater, Jean-Paul II disait même en 1982 : « Quand l’homme a l’habitude d’aimer et de respecter les créatures inférieures, il apprend aussi à être plus humain avec ses semblables. Je suis, par conséquent, heureux d’encourager et de bénir ceux qui contribuent de faire en sorte que, dans l’esprit franciscain, les animaux, les plantes et les minéraux soient considérés et traités comme des « frères et sœurs« . »

                Pourquoi le nouveau pape prit-il le nom de saint François ? « Pour moi, expliqua le pape François à la foule, il est l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et protège la création ; ces temps-ci, nous avons avec la Création une relation qui n’est pas très bonne, vous ne croyez pas ? » »

* Dans les pas de Saint François d’Assise (l’appel de Jean-Paul II en faveur de l’écologie)

Editions Dervy, 546 pages, 23 euros

Journée mondiale des animaux avec Saint François Lire la suite »

Religion catholique et écologie : comparaison papale

Voici une transcription de Biosphere-Info (16 au 30 septembre 2014), bimensuel auquel vous pouvez vous abonner gratuitement en écrivant à biosphere@ouvaton.org :

Avec les monothéismes issus de la bible, Dieu sort de la matière, exilé dans une transcendance plus ou moins accessible. Le judaïsme a lutté contre les divinités païennes et les cultes qui idolâtraient la nature. Les Eglises ont repris le flambeau. Tout au long de leur histoire, elles ne se sont pas contentées de proclamer l’Evangile dans toutes les cultures en accompagnant la colonisation, elles ont aussi tenté d’éradiquer la pensée animiste, les croyances qui célèbrent les esprits présent dans les sources ou les arbres. Par peur du panthéisme, le christianisme a eu tendance à accentuer l’abîme entre le créé naturel et l’incréé issu de Dieu. Il a coupé le cordon ombilical de l’être humain avec la terre-mère et favorisé l’anthropocentrisme. Au point que la conscience chrétienne n’a jamais considéré comme des « péchés » les atteintes à l’intégrité de la nature et les comportements anti-écologiques. Lynn White imputait en 1967 les racines historiques de notre crise écologique à la vision du monde judéo-chrétienne. Selon la Genèse les êtres humains, seuls de toutes les créatures, furent créés à l’image de Dieu. Il leur fut donc donné d’exercer leur supériorité sur la nature et de l’assujettir. Deux mille ans de mise en œuvre toujours plus efficace de cette vision de la relation homme/nature ont abouti à la fois aux merveilles technologiques et à la crise environnementale du XXe siècle.

Dans son livre, John Baird Callicott estime cependant que dans la genèse biblique il y a trois interprétations des relations entre les humains et la nature. La première, c’est l’homme « despote », qui domine toutes les formes de vie ; c’est la conception traditionnelle, quasiment la seule représentée officiellement jusqu’à récemment. Une deuxième interprétation est cependant possible, c’est l’homme « intendant », gestionnaire de la nature. Le pape François travaille à la rédaction d’une encyclique consacrée à la relation entre l’homme et la nature. Il y a de fortes chances que ce soit cette deuxième vision de la bible qui dominera ; ni l’Ancien, ni le Nouveau Testament ne se sont intéressé à cette question écologique aujourd’hui brûlante. Si le thème de l’encyclique reste « l’écologie de l’humanité », la prépondérance des humains sera privilégiée. La dernière interprétation de la Genèse, l’homme comme « petite partie du grand Tout de la création », n’est pas dans le logiciel des monothéismes alors que des éthiques de la Terre, laïques, commencent  à se diffuser.

                Voici quelques éléments de réflexion centrés sur les porte-paroles de l’Eglise catholique.

1/3) Le pape François

Par le choix de son nom lié au poverello d’Assise, le Pape François a manifesté dès les premiers jours de son pontificat son attention aux plus pauvres et aux plus fragiles. Lors de la messe inaugurale du 19 mars 2013, le pape François a confirmé sa volonté de mettre la défense de la création dans ses priorités. Partant de l’image de Joseph qui a élevé Jésus, il précise la notion de « gardien » qui « concerne tout le monde. C’est le fait de garder la création tout entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons… ».

Deux semaines après son élection, le cardinal Bergoglio avait expliqué pourquoi le nouveau pape avait choisi son nom en hommage à Saint-François d’Assise : « Il (Saint-François) nous enseigne le respect profond de toute la création et de la protection de notre environnement que trop souvent, même si cela est parfois pour le bien, nous exploitons avec avidité, au détriment d’autrui ». A l’occasion de la journée mondiale pour l’environnement en juin 2013, le pape François déclarait : « Chers frères et sœurs, Dieu a confié la création à l’homme et à la femme pour qu’ils la gardent et la cultivent. Cultiver veut dire prendre soin, avec attention, avec passion et dévouement. Parfois nous perdons notre capacité de contempler, de nous émerveiller devant la Création, car nous vivons dans un monde horizontal, qui s’éloigne de Dieu. Or la Création est un don qui nous est fait, que nous devons respecter, et non pas manipuler pour en tirer profit. Mais, « garder et cultiver » concernent aussi les relations entre les hommes. La personne humaine est aujourd’hui sacrifiée aux idoles du profit et de la consommation. Elle est trop souvent rejetée comme si elle était un déchet dont personne ne se préoccupe… Ecologie de l’environnement et écologie humaine vont ensemble. C’est en combattant la culture du rejet et du gaspillage qu’il est possible de devenir attentif à chacun, et de venir en aide aux besoins des plus pauvres. » Dans son adresse sur « l’état du monde » en janvier 2014 devant les diplomates accrédités au Vatican, le Saint-Père avait déclaré : « Dieu pardonne parfois, nous pardonnons parfois, mais lorsque la création est maltraitée, elle ne pardonne jamais ».

Pour le 1er de l’an 2014, la nature prend une place importante dans le discours urbi et orbi du pape François : «  La famille humaine a reçu en commun un don du Créateur : la nature. La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions sur la nature pour en tirer bénéfice, à condition d’agir de manière responsable, c’est-à-dire en en reconnaissant la “grammaire”qui est inscrite en elle, et en utilisant sagement les ressources au bénéfice de tous, respectant la beauté, la finalité et l’utilité de chaque être vivant et de sa fonction dans l’écosystème. Bref, la nature est à notre disposition, et nous sommes appelés à l’administrer de manière responsable. Par contre, nous sommes souvent guidés par l’avidité, par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, de tirer profit ; nous ne gardons pas la nature, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas comme un don gratuit dont nous devons prendre soin et mettre au service des frères, y compris les générations futures (…) En ce sens, je voudrais rappeler à tous cette nécessaire destination universelle des biens qui est un des principes cardinaux de la doctrine sociale de l’Église. Respecter ce principe est la condition essentielle pour permettre un efficace et équitable accès à ces biens essentiels et premiers dont tout homme a besoin et a droit. »

Dans ce passage, il y a reconnaissance de certaines lois de la nature (la “grammaire”qui est inscrite en elle) et un léger tournant vers le biocentrisme (respect de la fonction de chaque être vivant dans l’écosystème). Donc quelques petites références au message de François d’Assise. Mais il y a surtout une conclusion/soutien à ceux qui ouvrent la voie de la simplicité volontaire : « Il y a une dernière manière de promouvoir la fraternité – et ainsi de vaincre la pauvreté – qui doit être à la base de toutes les autres. C’est le détachement de celui qui choisit d’adopter des styles de vie sobres et basés sur l’essentiel, de celui qui, partageant ses propres richesses, réussit ainsi à faire l’expérience de la communion fraternelle avec les autres. Cela est fondamental pour suivre Jésus Christ et être vraiment des chrétiens. »

Ainsi le pape François paraît bien plus écologiste que ses prédécesseurs. Cependant l’Eglise reste fondamentalement nataliste, ce qui est en contradiction avec l’écologie puisque la croissance exponentielle de la population humaine entraîne la dégradation profonde de la biosphère. Après celui de 1980, un synode sur la famille aura lieu en octobre 2014. Il est intitulé « Les défis pastoraux de la famille dans le cadre de l’évangélisation » et veut aborder la « vraie vie » familiale des fidèles de l’Église dans le monde actuel. Sous l’égide du pape François, on a proposé un questionnaire à tous les croyants. Parmi les 39 questions posées dans le document préparatoire, la question posée est de type clairement nataliste : « Comment promouvoir une mentalité plus ouverte envers la natalité ? Comment favoriser la croissance des naissances ? » Cette « interrogation » révèle la permanence des positions de l’Eglise… à l’antipode des considérations de capacité de charge de la planète. Dans le texte préliminaire, l’Eglise rappelait les fondements théologiques du mariage catholique, notamment l’indissolubilité ou le devoir de procréer !

2/3) Le pape Benoît XVI

Benoît XVI n’est pas un pape « vert ». Benoît XVI est resté quasiment inaudible sur le réchauffement climatique, la sixième extinction des espèces, la stérilisation des sols, etc. Il dénonçait en décembre 2007 dans son message de Noël l’exploitation de la planète : « paix et écologie dans le message de Noël du pape ». En fait, juste une petite phrase du pape peut appuyer cette assertion : « Dans le monde, le nombre des migrants, des réfugiés, des déplacés, va toujours croissant, à cause aussi des catastrophes naturelles, qui sont souvent la conséquence de préoccupants désastres écologiques. » Pas de quoi changer la face du monde et dénoncer les innombrables dommages environnementaux causés par l’homme.

Dans son message Urbi et Orbi du 25 décembre 2009, le Pape n’était toujours pas écolo : « Autour de la crèche de Bethléem, tout se passe dans la simplicité et dans la discrétion, selon le style par lequel Dieu opère. » Mais le pape n’en dit pas plus. Avec Benoît 16 la papauté était sur le déclin, encore imprégné d’une théologie d’un autre âge.Ppour lui, nul besoin d’électricité et de fuel, la parole est toujours éthérée : « Laissons la lumière de ce jour (de Noël) se répandre partout : qu’elle entre dans nos cœurs, qu’elle éclaire et réchauffe nos maisons. » Les marchands du Temple peuvent continuer à sévir le jour de Noël et tout le reste du temps, ce n’est pas le problème de ce pape.

Pourtant dix mouvements catholiques avaient lancé fin 2005 un appel pour « vivre Noël autrement ». Ils avaient diffusé une affichette avec le slogan : « Noël, bonne nouvelle pour la Terre » puisque « Jésus nous offre un monde nouveau, sans caddies pleins de cadeaux qui comblent les armoires et les décharges. » Ils mentionnaient un texte de Jean Paul II publié en 1990 et consacré à la protection de l’environnement : « La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise pas sérieusement son style de vie. »

3/3) Le pape Jean Paul II

En janvier 1990, le pape Jean-Paul II semblait sensible au respect de la planète dans son Message pour la journée de la paix : « La théologie, la philosophie et la science s’accordent dans une conception de l’univers en harmonie, c’est-à-dire d’un vrai cosmos, pourvu d’une intégrité propre et d’un équilibre interne dynamique. Cet ordre doit être respecté, l’humanité est appelée à l’explorer avec une grande prudence et à en faire ensuite usage en sauvegardant son intégrité. On ne peut négliger la valeur esthétique de la création. Le contact avec la nature est par lui-même profondément régénérateur, de même que la contemplation de sa splendeur donne paix et sérénité. Les chrétiens savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature font partie intégrante de leur foi. »

 Il n’empêche que son point de vue relevait fondamentalement d’une conception anthropocentrique car il indiquait par ailleurs : « Au nom d’une conception inspirée par l’écocentrisme et le biocentrisme, on propose d’éliminer la différence ontologique et axiologique entre l’homme et les autres êtres vivants, considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. On en arrive ainsi à éliminer la responsabilité supérieure de l’homme au profit d’une considération égalitariste de la dignité de tous les êtres vivants. Mais l’équilibre de l’écosystème et la défense d’un environnement salubre ont justement besoin de la responsabilité de l’homme. La technologie qui infecte peut aussi désinfecter, la production qui accumule peut distribuer équitablement. » (Discours de Jean-Paul II au Congrès Environnement et Santé, 24 mars 1997)

Le pape Jean Paul II est plus connu pour son populationnisme que par son écologisme : « La pression de la population est très souvent citée comme une des causes majeures de la destruction des forêts tropicales. Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’établir que l’expansion démographique n’est pas seulement un problème de statistiques ; c’est une question profondément morale. En condamner les pressions, y compris économiques, auxquelles les gens sont soumis, spécialement dans les pays les plus pauvres, pour qu’ils acceptent des programmes de contrôle des naissances, l’Eglise soutient inlassablement la liberté des couples de décider du nombre de leurs enfants selon la loi morale et leur foi religieuse. » (Discours du 18 mai 1990 à l’Académie pontificale des sciences)

Jean-Paul II a fait semblant d’écouter les gémissements de la Création. Il est vrai que rien ne prépare les papes à s’intéresser à l’écologie puisqu’il ont une vision qui peut se résumer par cette phrase : « Faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, Adam et Eve doivent soumettre la terre (Genèse 1,28) ».

CONCLUSION

Laissons la parole à Nicolas Hulot, envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète :

« Tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis pour que la conférence de Paris de 2015, où doit être signé le premier accord mondial engageant tous les pays contre le réchauffement, soit un échec… Nous sommes passés en l’espace de vingt-cinq ans d’une forme d’indifférence à une forme d’impuissance… Peut-être les autorités religieuses pourront rappeler les politiques à la raison… L’homme est-il là pour dominer la nature, comme l’affirment certains textes ?Il est fondamental que les Eglises, et l’Eglise catholique en particulier, clarifient la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la «Création», pour reprendre le langage des croyants… Les Eglises peuvent-elles rester inaudibles alors que l’œuvre de la Création est en train de se déliter sous leurs yeux ?… Après avoir étudié les textes religieux pour préparer ma visite au Vatican, j’ai réalisé que l’Eglise catholique n’évoquait pas le changement climatique. Or, comme vous le savez, les choses mal nommées n’existent pas. Le sentiment est plutôt donné que les événements extrêmes actuels sont à mettre au registre des catastrophes naturelles. Il est donc important que l’Eglise précise clairement les choses…

(LE MONDE du 5 février 2014, « Les Eglises peuvent provoquer un sursaut de conscience face à la crise climatique »)

Religion catholique et écologie : comparaison papale Lire la suite »

des chrétiens militants de l’écologie, ça existe…

Quelques extraits de la lettre d’information « Chrétiens Unis pour la Terre » (CUT)

Toutes les religions ensemble pour le climat à NY

Dans le cadre des efforts menés pour stimuler des actions ambitieuses contre les changements climatiques, M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, organise un Sommet sur le climat le 23 septembre 2014 à New York, réunissant les chefs d’états. En amont de cette rencontre et pour mettre en valeur les contributions spécifiques que les traditions religieuses apportent au débat international sur le climat, le Conseil oecuménique des Églises et Religions pour la paix organisent un Sommet interreligieux sur les changements climatiques le 21 septembre à New York. Ce jour-là se déroulera une marche à laquelle appellent 850 organisations ; une marche qui sera certainement la plus grande marche pour le climat de l’histoire. L’événement se déroulera en parallèle dans 10 capitales : New Delhi, Bogota, Rio, Berlin, Londres…et Paris. Les initiatives locales, si possible dans un esprit interreligieux, sont vivement encouragées; elles figureront sur le site web du Sommet (écrire à info@interfaithclimate.org).

Déclaration de la Fédération Protestante de France sur le climat

Le 1er juillet dernier (le jour du jeûne pour le climat), est parue la première déclaration officielle des protestants sur le climat. Ce texte d’une vingtaine de pages mérite d’être lu. Il reconnaît clairement le phénomène du dérèglement climatique, en présente les dimensions éthiques et en quoi cela interpelle notre lecture de l’Evangile par la mise en jeu d’une fraternité dans l’espace, dans le temps et avec les plus pauvres.

Chrétiens Unis pour la Terre 

 CUT s’est constitué en association (avec des statuts que vous pouvez consulter sur demande en nous écrivant) et un compte à la NEF (Nouvelle Economie Fraternelle), banque éthique et solidaire. Nous vous proposons donc d’adhérer officiellement à notre mouvement (20€ pour une cotisation de base, 10€ pour ceux qui ont peu de moyen, 35€ pour une cotisation solidaire, cotisations qui peuvent être envoyées, avec vos coordonnées complètes à Chrétiens Unis pour la Terre, 12 Cité Leroy, 75020).

des chrétiens militants de l’écologie, ça existe… Lire la suite »

Le pape François pour une guerre « juste », hérésie !

Le 9 août, l’observateur du Saint-Siège aux Nations unies avait déclaré que l’action militaire en Irak était « peut-être nécessaire » pour contrer l’avancée des troupes de l’Etat islamique (EI) et mettre fin à l’exode auquel les djihadistes contraignent les chrétiens de la région. Les autorités religieuses jugent aujourd’hui que rien ne peut être pire pour les minorités que la progression de l’EI. Le 13 août, le pape François a demandé à la communauté internationale de « tout faire » pour que cessent ces violences. En France, le porte-parole de la conférence des évêques estime que l’utilisation de la force était « en l’occurrence tout à fait fondée, à condition que les frappes soient utilisées dans des proportions qui doivent rester éthiques ». L’idée de « guerre juste » semble s’être imposée au sein des autorités religieuses*.

L’Eglise catholique a depuis plusieurs siècles développé une doctrine sur les guerres justes et les guerres injustes : massacrer pour la « bonne cause » a été l’une des maladies de toutes les époques. C’est oublier que la non-violence et le refus de toute guerre est un fondement de la chrétienté. Le Nouveau Testament présente Jésus comme un adversaire de toute violence : « Si quelqu’un te donne un soufflet sur la joue droite, tends la gauche » (Mt 5/28) ; « Vous avez appris tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi, je vous dis, aimez vos ennemis » (Mt 5/38-48) ; « Rengaine le glaive car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mt 26/51-52) ; « Un garde gifla Jésus  : « Si j’ai mal parlé montre où est le mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18/22). Les chrétiens, aux trois premiers siècles de l’Eglise, ont en conséquence de leur foi refusé le service des armes. Par la suite, l’Eglise catholique s’est inféodée aux pouvoirs temporels et on se bat souvent au nom de dieux différents issus de la même bible, ou même à l’intérieur d’une même obédience.

Il n’y a pas de guerre juste, que ce soit en Irak ou n’importe où ailleurs. C’est l’idée qu’aurait du défendre le pape François : les guerres sont intrinsèquement mauvaises pour être jamais justes. L’exemple de la Seconde Guerre mondiale est le test suprême. Les nazis étaient des assassins pathologiques. Nous devions les arrêter et seule la force pouvait y arriver. Mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne s’opposaient au fascisme que parce qu’il menaçait leur propre domination sur certaines ressources naturelles et sur certaines populations. Et les ingrédients du fascisme (le militarisme, le racisme, l’impérialisme, la dictature et le nationalisme exacerbé) survécurent sans problème à la guerre**. L’Irak actuel et les diverses interventions des puissances dominantes est un autre exemple. L’idée qu’il y a des guerres justes est en fait inoffensive : elle ne menace en rien les pouvoirs en place. Un écologiste approuverait le fait qu’on ne mette pas le feu à la biosphère ou qu’on n’attise pas les flammes…

* LE MONDE du 16, 17, 18 août 2014, Le pape François cherche sa voie diplomatique

**  Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn

Le pape François pour une guerre « juste », hérésie ! Lire la suite »

John MUIR, précurseur d’une éthique laïque de la Terre

L’écrivain américain John Muir (1838-1914) mérite d’être mieux connu. Son père, un psychopathe religieux, força son fils à apprendre par cœur l’intégralité du Nouveau Testament et la plus grande partie de l’Ancien. On peut être assuré que John connaissait ses Ecritures et était bien familiarisé avec la vision biblique du monde. Il est donc sorti de la tradition chrétienne en toute connaissance de cause. D’autre part il avait vécu les derniers moments de la conquête du territoire américain par les Blancs et la régression brutale des milieux naturels et de la vie sauvage. Il n’a pas supporté cette perte. Il s’indignait de ce que les forêts ne soient considérées que comme réservoirs de ressources. Il prisait dans la nature l’élévation morale et religieuse qu’elle provoquait : « La route la plus claire dans l’univers passe au plus profond d’une forêt sauvage. » Il est donc devenu le Père fondateur du mouvement pour la protection de la nature aux USA en créant l’association « Sierra Club » en 1892. Il a adhéré au transcendentalisme d’Emerson et Thoreau et accordait à la nature une valeur intrinsèque, préfigurant ainsi le biocentrisme  de l’écologie profonde. L’influence de John Muir a permis concrètement la création des Parcs Nationaux aux USA. Cinquante ans après sa mort, son action a été couronnée par la promulgation du Wilderness Act de 1964 : « Par opposition aux espaces dominés par l’homme et ses œuvres, le présent document la désigne comme un espace où la terre et la communauté de vie ne sont pas entravées par l’homme, où l’homme lui-même n’est qu’un visiteur qui ne reste pas. »

John Muir a fait une interprétation nouvelle de la place des humains dans la nature : « C’est de la poussière de la terre que Dieu a tiré Homo sapiens. Et c’est du même matériau qu’il a tiré les autres créatures, même les plus nuisibles et les plus insignifiantes pour nous. Toutes sont consœurs par leur origine terrestre et nos compagnes de mortalité… Il ne fait pas de doute que ces créatures sont heureuses et qu’elles tiennent la place que leur a assignée notre grand Créateur à tous… Que nous sommes étriqués – nous autres prétentieuses et égoïstes créatures – dans nos sympathies ! Et que nous sommes aveugles envers les droits de tout le reste de la Création ! Pourquoi l’homme se considérerait-il autrement que comme une petite partie du grand Tout de la création ? Et de toutes les créatures que le Seigneur a pris la peine de créer, laquelle n’est pas essentielle à la complétude de ce Tout ? Sans l’homme, l’univers serait incomplet ; mais il le serait également sans la plus petite créature transmicroscopique vivant hors de la portée de nos yeux et de notre savoir présomptueux. »* Quand la partie se sépare du Tout et le décompose dans les catégories du bien et du mal en fonction de son intérêt personnel, elle perturbe, par cet acte même, la vie harmonieuse du Tout.

Dans le prolongement des idées de John Muir, c’est Aldo Leopold qui exprima explicitement une Ethique de la terre non religieuse. Il proposait d’échanger le rôle de conquérant vis-à-vis de la communauté biotique non contre le rôle de gestionnaire de la nature mais contre celui de « membre et  citoyen à part entière ». Dans sa préface de son livre Almanach d’un comté des sables,  publié de façon posthume en 1949, Leopold affirme que « l’écologie n’arrive à rien parce qu’elle est incompatible avec notre idée abrahamique de la terre… Nous abusons de la terre parce que nous la considérons comme une marchandise qui nous appartient. »* Dans la bible, Abraham savait à quoi devait servir la terre : à verser le lait et le miel dans la bouche d’Abraham !

* Citations tirée du livre de John Baird Callicott Genèse (la Bible et l’écologie)

John MUIR, précurseur d’une éthique laïque de la Terre Lire la suite »

L’homme, despote, intendant de la nature, petite partie ?

Dans son livre Genèse (la Bible et l’écologie) John Baird Callicott estime qu’il y a trois interprétations des relations entre les humains et la nature. La première, c’est l’homme « despote », qui domine toutes les formes de vie ; c’est la conception traditionnelle, quasiment la seule jusqu’à récemment. Une deuxième interprétation est cependant possible, c’est l’homme « intendant », gestionnaire de la nature. Le pape François travaille à la rédaction d’une encyclique consacrée à la relation entre l’homme et la nature, il y a à notre avis de fortes chances que ce soit cette deuxième vision de la bible qui dominera. Car la dernière interprétation, l’homme comme « petite partie du grand Tout de la création », n’est pas dans le logiciel de l’Eglise catholique alors que des éthiques de la Terre, laïques, commencent  à se diffuser. Voici quelques extraits du livre de Callicott, professeur qui a donné le premier cours d’éthique environnementale du monde en 1971.

« Lynn White imputait en 1967 les racines historiques de notre crise écologique à la vision du monde judéo-chrétienne. Selon la Genèse les êtres humains, seuls de toutes les créatures, furent créés à l’image de Dieu. Il leur fut donc donné d’exercer leur supériorité sur la nature et de l’assujettir. Deux mille ans de mise en œuvre toujours plus efficace de cette vision de la relation homme/nature ont abouti aux merveilles technologiques et à la crise environnementale du XXe siècle. Ce n’est qu’une interprétation de la Bible. D’un autre point de vue, le statut singulier des êtres humains, entre toutes les créatures de Dieu, leur confère des responsabilités singulières. L’une est de prendre soin du reste de la création et de le transmettre aux générations futures dans le même état, voire en meilleur état qu’ils ne l’ont reçu. Nous sommes les « intendants » de Dieu sur la création – nous sommes chargés d’en prendre soin – et non ses nouveaux propriétaires. Mais qu’on souscrive à l’interprétation despotique ou à celle de l’intendance, on se place dans les deux cas dans la perspective d’une position dominante de l’homme à l’égard de la nature. »

John Baird Callicott propose une troisième interprétation des textes controversés, interprétation suggérée par les remarques de John Muir. Dans la lecture de la Genèse qu’il suggère, les êtres humains sont conçus comme des membres à part entière de la nature et non plus comme ses maîtres tyranniques ou comme ses gestionnaires bienveillants.

John Muir commence par une parodie agressive de la lecture despotique de la Bible : « Le monde, nous dit-on, a été formé spécialement pour l’homme – présomption que les faits ne corroborent pas toujours. Beaucoup de gens se font une idée tranchée des intentions du Créateur : il est considéré comme un homme à la fois civilisé et respectueux de la loi, adepte soit d’une monarchie limitée soit d’un gouvernement républicain ; c’est un chaud partisan des sociétés missionnaires ; c’est enfin purement et simplement un article manufacturé comme n’importe quel pantin d’un théâtre à deux sous. Avec de pareilles idées du Créateur, il n’est bien sûr pas surprenant qu’on ait une conception erronée de la création. Pour les gens « comme il faut », les moutons sont faits pour nous nourrir et pour nous vêtir. Les baleines sont des dépôts d’huile, instaurés à notre intention pour aider les étoiles à éclairer nos voies obscures en attendant la découverte des puits de pétrole de Pennsylvanie. Le chanvre est un exemple évident de destination dans le domaine de l’emballage, du gréement des navires et de la pendaison des scélérats. Mais qu’en est-il donc des animaux qui mangent l’homme tout cru ? Et ces myriades d’insectes malfaisants qui ruinent son travail, qui boivent son sang ? Ne fait-il aucun doute que l’homme ait été destiné à leur servir de nourriture et de boisson ? » Il poursuit : « Il semble bien, du reste, ne jamais venir à l’esprit de ces professeurs avisés qu’en faisant plantes et animaux, la nature puisse avoir pour objet le bonheur de chacun d’entre eux, et non pas que la création de tous ne vise que le bonheur d’un seul. Pourquoi l’homme se considérerait-il autrement que comme une petite partie du grand Tout de la création ? Sans l’homme, l’univers serait incomplet ; mais il le serait également sans la plus petite créature microscopique vivant hors de la portée de nos yeux et de notre savoir présomptueux. » »

NB : nous reviendrons plus tard sur la pensée de John Muir qui mérite d’être bien connue des écologistes.

L’homme, despote, intendant de la nature, petite partie ? Lire la suite »

Disparition de l’espèce humaine, elle est inéluctable

Homo disparitus ? Cela ne me gêne pas que l’humanité disparaisse. Avec ma mort d’ailleurs, et je suis sûr qu’il en sera ainsi,  l’humanité disparaîtra en moi. Mais je sais que mes atomes tourbillonneront encore pour l’éternité de l’espace infini et je dis que cela est bon. Et si l’espèce humaine disparaissait un jour, et je suis sûr qu’il en sera ainsi,  la vie continuerait à s’épanouir sur la Terre et je dis que cela est bon. Et quand la Terre disparaîtra un jour, et je suis sûr qu’il en sera ainsi, les atomes de « notre » planète continueront à tourbillonner pour un jour créer à nouveau la vie, et je dis que cela est bon. Cela est bon en soi, et pourtant je serai mort depuis fort longtemps et homo sapiens de même. Cela est bon car je suis un homme sans vanité, mon petit moi ne m’intéresse pas beaucoup.

Après ce petit détour d’ordre métaphysique, revenons à l’humanité actuelle qui a le bonheur (ça dépend des jours et des personnes) d’exister aujourd’hui pour le plus grand malheur de l’épanouissement de la vie sur Terre. L’humanité tue son frère ou sa sœur, l’humanité actuelle assassine des pans entiers des autres espèces, stérilise les sols sous ses bétons, vide de ses richesses les entrailles de la terre et remplis l’espace de ses immondices. Mon humanité ne s’adresse pas à ce genre d’humanité, ce n’est pas de cette humanité-là dont la planète a besoin. L’humanité que je préfère, c’est celle qui n’oppose pas les droits des puissants aux droits des pauvres, les droits du cœur aux droits de l’intestin et de ses bactéries, les droits de l’humanité aux droits des non-humains. En effet ça n’a pas de sens, écologiquement parlant, d’opposer les droits des humains à ceux des autres créatures et de la nature en général. C’est aussi ce que disent Aldo Leopold, Arne Naess, John Baird Callicott, François Terrasson, Philippe Descola, Robert Barbault…, la philosophie de l’écologie profonde, ma philosophie.

Disparition de l’espèce humaine, elle est inéluctable Lire la suite »

Le choc de l’ethnicité en Palestine envahie par des Juifs

            « Si on compulse un numéro de mon quotidien préféré, on s’aperçoit très vite de la multiplicité des constructions idéologiques d’origine récente, de synthèses mouvantes devant des évènements changeants. Le monde occidental n’a plus de bases religieuses stables, chaque individu vaque au gré de ses désirs. Dans le conflit israélo-palestinien, à Gaza il y a le Hamas ou mouvement de la résistance islamique. Mais du coté du Liban, il y a le parti de Dieu, le Hezbollah. Entre les deux en Cisjordanie il y a aussi le Fatah ou mouvement de libération de la Palestine. En Egypte les Frères musulmans poursuivent leur propre voie. En Somalie, un groupe sunnite pro-gouvernemental s’oppose par les armes au mouvement extrémiste musulman Al Chabaab. Le monde musulman n’a plus de bases religieuses stables, chaque groupe militant poursuit son propre combat.

                Dans ce monde sans repères, je rappelle mon intime conviction. Nous tous habitants de cette planète, nous avons absolument besoin d’un nouveau sermon sur la Montagne qui édicte de nouvelles règles pour tenter de vivre en bonne entente avec la Terre ; car nos dieux, c’est  le lever du soleil qui apporte l’énergie de la vie aux plantes, l’eau qui ruisselle et étanche la soif de toutes les espèces, l’équilibre des écosystèmes… Alors la bible et le coran nous paraîtront désuets, inadaptés, mensongers.  Alors le conflit israélo-palestinien nous apparaîtra pour ce qu’il est, le témoignage de l’impasse historique où nous a mené un passé ethnicisé. Reste la question actuelle, laïque et non religieuse : si j’ai des blindés à ma porte qui veulent forcer l’entrée, qu’est-ce que je fais ? »

                Ce texte a été écrit sur ce blog le 31 décembre 2008, il reste malheureusement d’actualité en Palestine aujourd’hui. Quand les humains commenceront-ils à devenir intelligents, à réfléchir au-delà de leur appartenance clanique ?

Le choc de l’ethnicité en Palestine envahie par des Juifs Lire la suite »

La méditation face à une immersion sociale délétère

Avec la multiplication des écrans, nous sommes submergés par un flot d’images que certains osent appeler « informations ». Y résister requiert un effort surhumain alors qu’il faudrait préserver notre milieu mental interne afin de méditer et d’atteindre si possible un sentiment océanique, facteur de paix écologique. Des chercheurs se sont interrogés sur ces états de conscience centrés tantôt sur des contenus endogènes, tantôt sur des événements extérieurs. Le vagabondage mental, c’est terminé ; nous n’apprécions plus vraiment les dialogues en tête-à-tête avec nous-mêmes !

Matthew Killingsworth a montré que les individus rêvassent souvent mais considèrent cette activité comme désagréable. Timothy Wilson a placé des volontaires dans une pièce vide et privés de leurs objets personnels pendant six à quinze minutes, il leur suffisait juste de « penser ». La plupart des participants ont rapporté des difficultés de concentration  alors que  leur attention n’était pas en compétition avec d’autres stimuli et beaucoup ont trouvé l’expérience très déplaisante. Certains préféraient s’infliger un choc électrique plutôt que rester dans leurs seules pensées*.

Angela Sirigu, la neuroscientifique qui relate ces expériences, n’en tire aucun enseignement si ce n’est que les gens maintenant préfèrent le marchand de glace et l’apport l’extérieur. Pourtant elle décrit ainsi parfaitement le vide existentiel de nos existences formatées par le système marchand. Or si nous n »avons plus la possibilité de nous recentrer sur nous-mêmes, de rêver et donc de pouvoir ressentir tout ce qui n’est pas fait social, nous accentuons notre coupure d’avec la nature. Comme l’exprime David Selby, « Une éducation soucieuse de la Terre organiserait des expériences festives réaffirmant l’intégration de la société humaine dans la nature. De tels enseignements comprendraient un art contemplatif, la danse, des exercices de respiration profonde, la méditation… »

* Le MONDE du 16 juillet 2014, Le cerveau face à lui-même

La méditation face à une immersion sociale délétère Lire la suite »

Le « mariage pour tous », produit de la croissance libérale

Je voudrais saluer le courage intellectuel dont ont su faire preuve un certain nombre d’écologistes sur le sujet du « mariage pour tous » – pas ceux d’EELV bien sûr. Le rédacteur en chef de l’Ecologiste explique tout de go : « Si le projet de loi devait être adopté, ce serait une négation sidérante de la nature, l’aboutissement consternant de notre société industrielle qui détruit la nature non seulette dans la réalité mais aussi dans les esprits. L’homme se prend pour un démiurge : OGM ; nanotechnologies… sans jamais mettre la moindre limite à son action. Dans la vaste entreprise de marchandisation du monde, toues les règles sont ainsi progressivement éliminées, que cette logique ultra-libérale et ultra-individualiste se retrouve dans le projet de loi d’un gouvernement de gauche est affligeant. (janvier 2013) »

                Il est paradoxal d’observer certains objecteurs de croissance hurler à la reconnaissance des limites de la nature quand il s’agit de la croissance et parallèlement qualifier de « réacs » ceux qui rappellent ces limites quand il s’agit de procréation. Sylviane Agacinski se leurre à l’idée de pouvoir déconnecter le « mariage pour tous », qu’elle approuve, de la « gestation pour autrui » qu’elle combat vigoureusement. L’un est la conséquence de l’autre. Jean-Claude Michéa a parfaitement résumé les enjeux : « A partir du moment où l’une des fonctions anthropologiques du mariage traditionnel est d’organiser officiellement la filiation, il état clair que la volonté politique de substituer au projet d’un véritable « pacte d’union civile » (protégeant les individus quels que soient leur orientation sexuelle) celui – purement libéral – du « mariage pour tous », allait faire surgir aussitôt toutes une série de problèmes connexes, comme la procréation assistée (PMA), la location de mères porteuses (GPA) ou l’élargissement du marché de l’adoption. Il s’agissait donc beaucoup moins de lutter contre l’homophobie que de déstabiliser tout ce qui, dans l’organisation familiale existante, fait encore obstacle au déchaînement des rapports marchands… alors que la famille était l’une des rares instituions où la logique du don prenait encore le pas sur celle de l’échange économique. » La loi Taubira est homophobe par son déni de la spécificité de la sexualité homosexuelle. Elle renforce la haine de la différence car elle subvertit le droit à la différence en un droit au déni de toute différence.

Face à nos arguments, nous nous sommes trouvés confrontés au terrorisme intellectuel, ici le chantage à l’homophobie. Le phare de la pensée contemporaine, Bernard-Henri Lévy, ne pouvait manquer d’éclairer le peuple : « Les gens nous donnent des raisons extrêmement compliquées d’être contre la mariage gay. La réalité, ce que j’entends, c’est ce vieux fond noir de homophobie française et au-delà de la France. Absolument. » On en est arrivé à des absurdités : l’homosexuel qui s’oppose à la loi Taubira (mariage pour tous) est traité d’homophobe. Nous sommes ici face aux mêmes méthodes que celle des sionistes assimilant toute critique d’Israël à de l’antisémitisme. On ne peut s’exprimer sans avoir l’air d’être réactionnaire alors qu’on se confronte à des propos infantiles du type « Mais s’ils s’aiment ? » Certains n’ont que l’« égalité » à la bouche, rabâchée sans nuances, comme si l’égalité des droits pouvait se confondre au droit à l’égalité. La douleur des femmes oppressées par le système patriarcal est utilisée pour imposer la haine des homme et le matriarcat.  Figure médiatique de l’extrême gauche mélenchoniste qui se dit écolo, Clémentine Autian est allée jusqu’à déclarer : « Nous allons créer des parents sociaux qui n’ont rien à voir avec la nature. Je me fous totalement de l’état de nature ! »

Extraits de « Décroissance ou décadence » de Vincent Cheynet

(Editions le pas de côté, 192 pages, 12 euros)

Le « mariage pour tous », produit de la croissance libérale Lire la suite »

Soumission/ volontaire, comment sortir de cet oxymore ?

Nous aimerions une société idéale où l’individu ne serait conforme aux autres que si chacun répondait par son comportement aux exigences de l’éthique et de la solidarité. Mais éthique et solidarité sont souvent contradictoires. Il y a trop souvent EUX et NOUS, particulièrement dans une situation de pénuries. On accepte de partager les difficultés dans son groupe, on rejette d’autant plus violemment les autres. La montée de l’extrême droite dans le monde est le signe inquiétant de cette dérive. Pourtant sortir de la soumission volontaire à son groupe d’appartenance peut s’apprendre…

La soumission s’imprime dès l’enfance, c’est un passage obligé de notre élaboration cérébrale. Avec la socialisation primaire, la conformité sociale est acquise dans les premiers âges. On se soumet aux contraintes du milieu familial, l’enrobage affectif facilitant la reproduction des schèmes ancestraux. Ensuite l’école, attachant les élèves à leurs chaises pendant des années et des années, fait passer l’idée que réciter la vulgate enseignée par des professeurs est gage du succès dans la vie. Plus tard, le cursus dans une entreprise ou une administration apprendra le code spécifique à sa structure d’appartenance professionnelle. Tout passe par des filtres cognitifs, notre cerveau ne laisse passer que les informations qui nous confortent dans une vision du monde partagée par notre entourage. Nous sommes victimes d’un processus de conservatisme social auquel nous nous soumettons sans même y penser.

Le problème, c’est que notre comportement ainsi conditionné, s’il se révèle inadapté aux circonstances nouvelles, nous fait accepter une situation anormale. L’esclavage a été légitimité et accepté pendant des millénaires, de même l’infériorité imposée à la femme ou à d’autres « races ». Il n’y a que quelques personnes, rares, qui dès l’origine ont voulu combattre l’esclavage, la phallocratie, le racisme. Elles ont été marginalisées jusqu’à ce que l’évidence d’une autre conception s’impose socialement. Il faut pour cela un bouleversement interne ou un choc extérieur. La fin de l’esclavage n’a pas tellement découlé de l’action des abolitionnistes, mais de l’arrivée des esclaves énergétiques qui ont rendu la main d’œuvre servile moins attrayante. La fin du primat des hommes ne s’est pas opérée simplement par l’action des suffragettes et des féministes, mais par la découverte que le cerveau féminin avait des potentialités identiques au cerveau masculin, donnant droit à l’égalité des sexes. La condamnation du racisme a découlé des avancées de l’ethnologie, montrant qu’il n’y avait pas des « civilisations » supérieures ou inférieures, mais des organisations sociales différentes. La découverte de la structure génétique identique d’un bout à l’autre de la planète a rendu perceptible l’unicité de l’espèce humaine. Nous ne pouvons évoluer que si on peut nous (dé)montrer que nous pouvons penser autrement.

Aujourd’hui dans les démocraties occidentales, la fin de l’esclavage, l’égalité des sexes ou la diversité culturelle apparaissent comme des évidences. Mais les nouvelles thématiques à la mode, croissance économique et progrès technique, sont devenues les pensées incontournables du monde contemporain : une croyance sociale bien implantée. Le même processus de soumission volontaire est à l’œuvre. Quand la crise financière des subprimes a eu lieu, ce fut à la surprise générale, sauf pour de rares experts non-conformistes. Le sens commun avait accepté qu’on puisse vivre indéfiniment à crédit dans une société de croissance. L’alignement collectif était devenu une abdication partagée. En effet, la capacité d’un raisonnement personnel devient négligeable quand on se retrouve dans un milieu partisan, où la pression sociale tend à l’homogénéisation des comportements. Il y a interaction spéculaire, les autres sont le miroir dans lequel nous retrouvons notre propre attitude. La capacité d’avoir une action éthique ou raisonnée est de 100 % quand une personne est en situation de pouvoir juger personnellement. Elle n’est que de 50 % lorsqu’on se retrouve confronté aux attitudes d’une autre personne, la conscience de soi est divisée par deux. Dans un groupe, nos possibilités de faire différemment sont négligeables.

Se renouvelle l’enjeu : comment sortir de la soumission volontaire et échapper aux diktats du temps présent ? La fin de la société de croissance n’arrivera que quand l’activisme spéculatif se sera fracassé sur les limites écologiques de la planète ; nous ne pourrons plus relancer artificiellement les finances par injection de monnaie. Ce sera des chocs extérieurs qui nous feront évoluer culturellement. A ce moment, le mécanisme de l’interaction spéculaire pourra agir pour inverser nos sentiments. Les militants de la simplicité volontaire dont tout le monde se gausse à l’heure actuelle deviendront les exemples à suivre. Il y aura un phénomène boule de neige qui fera collectivement admettre l’austérité partagée. A la société du gaspillage nécessaire à sa perpétuation succédera l’économie, au sens propre de savoir économiser : une écologie du quotidien pratiquée par des individus éclairés.

Soumission/ volontaire, comment sortir de cet oxymore ? Lire la suite »

Avec le Christ, nous avons perdu 2000 ans de réflexion

L’image du Christ se modifie en profondeur par le lent travail de la science historique. Une littérature comme celle de l’Evangile ne s’invente pas à partir de rien. Toutefois, la vie et la mort du Christ ont laissé bien peu de traces, hors les Evangiles. Du reste, leur rédaction – celui de Marc étant désormais considéré comme le plus ancien – ne commence qu’aux alentours de l’an 70 de notre ère. On peut postuler l’existence de la “Source Q”, un recueil des paroles de Jésus qui aurait circulé oralement*. La compréhension des tensions entre les partis et les sectes qui déchiraient la Judée de ce temps devient donc essentielle. On reconstruit ainsi un Jésus juif, en phase avec l’Ancien Testament. La figure mythique de Jésus, contestation de certaines options du judaïsme de l’époque et en particulier les marchands du Temple inféodés aux Romains, ne serait pas à l’origine une nouvelle foi. Le véritable initiateur en serait l’apôtre Paul. L’hypothèse la plus plausible, c’est que « Jésus » serait une invention d’une fraction plutôt non violente des zélotes, un courant politique du Ier siècle qui attendait le messie rédempteur pour libérer la Judée du joug des oppresseurs romains. Comme le « général Ludd », personne imaginaire utilisé au XIXe siècle par le mouvement luddite, on crée de toute pièce une figure symbolique afin de se faire plus grand face à la répression.

De toute façon Jésus, même s’il a existé, ne peut pas être le fils de Dieu, il n’est pas monté au ciel le troisième jour, le Saint Esprit n’est pas descendu sur les apôtres le lundi de Pâques… Nous n’avons plus besoin de l’hypothèse « Dieu » pour expliquer les miracles de la Nature. En réalité, la vocation de « Jésus » à devenir le fondateur d’une nouvelle religion ne tient pas à son existence propre, mais au génie des écrivains connus sous les noms de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Les quatre Evangiles ne sont qu’un coup de force littéraire qui fait passer pour des témoignages oculaires des textes écrits plus de cinquante ans après les faits qu’ils sont censés relater. Ce sont toujours des humains qui agissent au nom d’un Dieu pour imposer leur propre conception de l’existence. La véritable explication du succès du christianisme se situe en 52 ; lors du « concile de Jérusalem » s’ouvre le premier grand débat sur la cohérence interne de la nouvelle foi. Une prescription unique résulte de ce concile : « Nous avons décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des viandes de sacrifice païen offertes aux idoles, du sang, des animaux étouffés, ainsi que de la fornication. » C’est le premier geste d’indépendance de l’Eglise par rapport à la Loi juive, et une simplification de la tradition pour être plus facilement généralisable. En terme de stratégie politique, cette nouvelle interprétation du judaïsme n’est qu’un moyen commode de conquérir de nouveaux adeptes en minimisant les obstacles devant ceux qui se tournent vers le Dieu des chrétiens. En 57, dans sa lettre aux Galates, Paul de Tarse attaque encore le particularisme du peuple d’Israël, et précise l’idée féconde de l’universalisme chrétien : « Désormais, il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme : car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ ». Il s’agissait donc de bâtir par la ruse d’une pensée simplifiée une nouvelle cohésion dans l’empire romain, une cohérence au-delà du peuple juif.

Dire que 2000 ans après on psalmodie encore dans des Eglises le « Notre Père qui êtes aux cieux… ». Ce qui est certain, c’est que par l’invention d’un dieu abstrait, les partisans du monothéisme ont désacralisé la nature en jetant aux oubliettes toute la mythologie ancienne, nous faisant perdre par là le contact avec la nature. Le Vatican a confirmé récemment que le pape François projetait l’écriture d’une encyclique sur « l’écologie de l’humanité », qui, au-delà de la seule protection de la nature, suppose le respect « pour toute créature de Dieu ». Un tel document, exclusivement consacré aux relations entre l’homme et la nature, serait inédit. Ni l’Ancien, ni le Nouveau Testament ne se sont intéressé à cette question aujourd’hui brûlante.

* LE MONDE culture&idées du 19 avril 2014, Les vies de Jésus

Avec le Christ, nous avons perdu 2000 ans de réflexion Lire la suite »

Une Eglise qui favorise la croissance des naissances !

Le pape François vient de soumettre un questionnaire à tous les croyants. Une question de type clairement nataliste est posée : « Comment promouvoir une mentalité plus ouverte envers la natalité ? Comment favoriser la croissance des naissances ? » Les 39 questions posées dans ce document préparatoire au synode sur la famille (5 au 19 octobre 2014 octobre), intitulé « Les défis pastoraux de la famille dans le cadre de l’évangélisation » veut aborder la « vraie vie » familiale des fidèles de l’Église dans le monde actuel. Dans le texte préliminaire aux questions, l’Eglise rappelle les fondements théologiques du mariage catholique, notamment l’indissolubilité ou le devoir de procréer. Cette dernière «  interrogation » révèle la permanence des positions de l’Eglise… à l’antipode des considérations de capacité de charge de la planète !

L’Eglise catholique accorde à l’homme sa suprématie numérique sur le reste de la création en s’appuyant uniquement sur une phrase de la bible : « Dieu a dit à Adam et à Eve : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là ; ayez autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout ce qui est vivant et qui remue sur la terre (Genèse 1,28) ». A partir de ces prémices, le pape Jean Paul II plongeait dans un populationnisme exacerbé dans son discours à l’Académie pontificale des sciences (18 mai 1990) : « La pression de la population est très souvent citée comme une des causes majeures de la destruction des forêts tropicales. Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’établir que l’expansion démographique n’est pas seulement un problème de statistiques ; c’est une question profondément morale. En condamner les pressions, y compris économiques, auxquelles les gens sont soumis, spécialement dans les pays les plus pauvres, pour qu’ils acceptent des programmes de contrôle des naissances, l’Eglise soutient inlassablement la liberté des couples de décider du nombre de leurs enfants selon la loi morale et leur foi religieuse. »

Le courant protestant est beaucoup plus ouvert à la maîtrise de la fécondité humaine. Ainsi Malthus dans son Essai sur le principe de population (1798) : « La plupart des attaques contre cet ouvrage sont moins de réfutations que des déclamations ou des injures qui ne méritent aucune réponse. Je suis donc appelé à relever des objections qui ont été faites en simple conversation. La première grande objection est que mes principes contredisent le commandement du Créateur, ordre de croître, de multiplier et de peupler la terre. Je suis pleinement persuadé que c’est le devoir de l’homme d’obéir à son Créateur, mais ce commandement est subordonné aux lois de la nature. Si, par une opération miraculeuse, l’homme pouvait vivre sans nourriture, nul doute que la terre ne fût très rapidement peuplée. Mais comme nous n’avons aucune raison de compter sur un tel miracle, nous devons, en qualité de  créatures raisonnables, examiner quelles sont les lois que notre Créateur a établies relativement à la multiplication de l’espèce. Il n’y a aucun chiffre absolu : garnir une ferme de bestiaux, c’est agir selon la grandeur de la ferme et selon la richesse du sol qui comportent chacune un certain nombre de bêtes. Le fermier doit désirer que ce nombre absolu croisse. Mais c’est une entreprise vaine de prétendre augmenter le nombre avant d’avoir mis les terres en état de les nourrir. »

On trouve un comparatif des différentes conceptions religieuses dans le chapitre de Jean-Claude Noyé du livre « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) »; « Moins nombreux, plus heureux » : « Les Églises protestantes sont d’une extrême diversité de sensibilités. La grande majorité d’entre elles acceptent la contraception et bien des militants du planning familial en sont issus. Au nom même d’une parenté responsable. L’idée communément admise est que, selon la Bible à laquelle les protestants se réfèrent avec constance, la sexualité est bonne, joyeuse et bénie. Quant à la procréation, elle n’est pas la finalité unique du mariage, encore moins sa seule justification ou excuse. Partant, l’éducation sexuelle, la régulation des naissances et l’adoption d’une législation libéralisant l’avortement ont été promus avec constance par les autorités des Églises regroupées dans l’Hexagone au sein de la Fédération protestante de France. Cette position ouverte est cependant contestée par l’aile puritaine du protestantisme, aux USA notamment… »

NB : Le livre « Moins nombreux, plus heureux » est à acheter chez votre libraire

ou à acheter en ligne :Amazon ; Decitre ; FNAC

* LE MONDE du 21 février 2014, Famille, morale sexuelle : le Vatican face aux attentes des fidèles

Une Eglise qui favorise la croissance des naissances ! Lire la suite »

L’Eglise en lutte contre le réchauffement climatique ?

Nicolas Hulot, envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète : « Tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis pour que la conférence de Paris de 2015, où doit être signé le premier accord mondial engageant tous les pays contre le réchauffement, soit un échec… Nous sommes passés en l’espace de vingt-cinq ans d’une forme d’indifférence à une forme d’impuissance… Peut-être les autorités religieuses pourront rappeler les politiques à la raison… Ma démarche vise un second objectif… L’homme est-il là pour dominer la nature, comme l’affirment certains textes ?Il est fondamental que les Eglises, et l’Eglise catholique en particulier, clarifient la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la «Création», pour reprendre le langage des croyants… Les Eglises peuvent-elles rester inaudibles alors que l’œuvre de la Création est en train de se déliter sous leurs yeux ?… Après avoir étudié les textes religieux pour préparer ma visite au Vatican, j’ai réalisé que l’Eglise catholique n’évoquait pas le changement climatique. Or, comme vous le savez, les choses mal nommées n’existent pas. Le sentiment est plutôt donné que les événements extrêmes actuels sont à mettre au registre des catastrophes naturelles. Il est donc important que l’Eglise précise clairement les choses…

La croissance démographique joue un rôle dans la crise écologique. Pensez-vous que le Saint-Siège soit prêt à un revirement sur des questions comme le contrôle des naissances ou la contraception ?

A titre personnel, je pense que c’est un sujet central qui passe par l’éducation et la sensibilisation des populations... »*

Admirons d’abord la manière de Nicolas Hulot d’éluder la responsabilité du Saint-Siège dans l’évolution démographique. Les Eglises encouragent la surnatalité, générant ainsi des problèmes socio-économiques et écologiques incontrôlables. Dans un livre** qui vient de paraître, Jean-Claude Noyé s’interroge sur « les grandes traditions religieuses face à la question démographique ». Peut-on sortir de l’encyclique Humanae Vitae (juillet 1968) qui condamne la contraception ? S’il y a bien des institutions qui sont un problème et non une solution en matière de planning familial, ce sont bien les Eglises.

Mais gardons surtout à l’esprit l’appel de Nicolas au respect de la « Création » par les religions monothéistes, ce qui devrait quand même être le fond de commerce des servants du « Créateur ». Un discours oecuménique pourrait se résumer en une simple phrase : se rapprocher de notre planète, c’est se rapprocher de Dieu. Ouvrons les yeux ! Autour de nous, la vie, miraculeuse… Pour combattre les émissions de gaz à effet de serre, il y un autre point de convergence majeur avec l’Eglise catholique, c’est la nécessité de la sobriété énergétique dans notre comportement qui irait de pair avec le sentiment d’humilité prôné par le pape François. Le pape François va-t-il faire un deal avec la nature comme l’y incite son modèle de référence, François d’Assise ? Puisse Nicolas Hulot faire bouger un peu les lignes…

* LE MONDE du 5 février 2014, Hulot : « Les Eglises peuvent provoquer un sursaut de conscience face à la crise climatique »

** « Moins nombreux, plus heureux », livre à commander dès maintenant à votre libraire local ou (à la rigueur) dans une librairie en ligne : Amazon ; Decitre ; FNAC

L’Eglise en lutte contre le réchauffement climatique ? Lire la suite »

Le père Noël a fait mourir la symbolique de Noël

NOËL C’EST QUOI ? Des échanges de cadeaux, généralement superflus. Une fête pour les enfants, avec un arbre et des lumières qui n’ont plus aucun sens. Bien entendu, des bons repas, aussi luxueux que possible, et donc, pour les commerçants, une occasion exceptionnelle de vente et d’affaires. Et puis, la tradition veut maintenant que les autorités politiques s’en mêlent, et dans chaque commune, on tient à dresser le plus beau sapin, et de mettre dans toutes les rues importantes des guirlandes de lumière.

Finalement, je crois que, dans l’opinion commune, Noël ce n’est rien d’autre qu’une occasion pour faire la fête Autrement dit, il ne reste rien de la signification. Qui donc se demande le sens de ce qu’il est en train de faire ?

Il faudrait se rappeler que Noël est en réalité deux fêtes confondues et superposées. La fête païenne était celle du solstice d’hiver : la fin de la progression de la nuit, et le début de la reprise de l’allongement des jours. D’où les lumières allumées partout. Fête païenne, celle de l’arbre toujours vert, du sapin, qui a traversé le froid, la neige, attestant la permanence de la vie contre cet hiver qui symbolise la mort. Mais Noël se fonde aussi dans la plus ancienne tradition religieuse : la naissance de Jésus. Bien entendu, le 25 décembre n’est nullement la date réelle de la naissance de Jésus. On a choisi le moment de la fête païenne.

Ainsi chaque détail de ce Noël se rattachait à une croyance qui donnait à chacun une signification de ce qu’il faisait. Tout ce qui constituait Noël était « symbolique », destiné à nous rappeler quelque chose de plus important, à nous faire revivre un événement qui avait une valeur essentielle. Mais voici que tout cela est parfaitement oublié, on fait la fête parce que c’est la fête et on donne des cadeaux parce que c’est l’habitude. Par conséquent, cette « fête » n’en est pas une.

Elle est un moment absurde où on est bien content de gaspiller pour gaspiller, la publicité nous y aidant. Et ces jours n’ont plus aucun sens, par conséquent aucune profondeur, et je dirai aucune vie. C’est ce qui me frappe souvent pendant ces journées, cette activité fiévreuse me parait extraordinairement morte. Dépouillée de ses significations, la fête de Noël, devenue simple coutume, est en réalité une fête morte et dévoile notre superficialité. Nous, hommes modernes, nous nous agitons sans que cela ait le moindre sens, nous agissons sans savoir ni le pourquoi ni le but et il en est ainsi non seulement un jour de Noël, mais hélas ! pour tous les jours de notre vaine vie.

Résumé d’un article de Jacques Ellul (Sud-Ouest du 23 décembre 1984)

Le père Noël a fait mourir la symbolique de Noël Lire la suite »

le pape François, la nature et la simplicité volontaire

Il est déjà possible de connaître le discours du pape François pour le 1erde l’an 2014. Laissons à François ses affirmations gratuites qui sont contredites par l’évolutionnisme: « Selon le récit des origines, tous les hommes proviennent de parents communs, d’Adam et Ève, couple créé par Dieu à son image et à sa ressemblance (cf. Gn 1, 26). » Nous sommes créatures de la Nature et certainement pas issu de la volonté d’un dieu que nous avons nous-mêmes créés. Par contre la référence à la nature prend une place importante dans le discours urbi et orbi du nouveau pape François :

«  La famille humaine a reçu en commun un don du Créateur : la nature. La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions sur la nature pour en tirer bénéfice, à condition d’agir de manière responsable, c’est-à-dire en en reconnaissant la “grammaire”qui est inscrite en elle, et en utilisant sagement les ressources au bénéfice de tous, respectant la beauté, la finalité et l’utilité de chaque être vivant et de sa fonction dans l’écosystème. Bref, la nature est à notre disposition, et nous sommes appelés à l’administrer de manière responsable. Par contre, nous sommes souvent guidés par l’avidité, par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, de tirer profit ; nous ne gardons pas la nature, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas comme un don gratuit dont nous devons prendre soin et mettre au service des frères, y compris les générations futures (…) En ce sens, je voudrais rappeler à tous cette nécessaire destination universelle des biens qui est un des principes cardinaux de la doctrine sociale de l’Église. Respecter ce principe est la condition essentielle pour permettre un efficace et équitable accès à ces biens essentiels et premiers dont tout homme a besoin et a droit. »

Dans ce passage, il y a reconnaissance de certaines lois de la nature (la “grammaire”qui est inscrite en elle) et tournant historique vers un léger biocentrisme (respect de la fonction de chaque être vivant dans l’écosystème). Donc quelques petites références au message de François d’Assise. Mais il y a aussi une conclusion/soutien à ceux qui ouvrent la voie de la simplicité volontaire : « Il y a une dernière manière de promouvoir la fraternité – et ainsi de vaincre la pauvreté – qui doit être à la base de toutes les autres. C’est le détachement de celui qui choisit d’adopter des styles de vie sobres et basés sur l’essentiel, de celui qui, partageant ses propres richesses, réussit ainsi à faire l’expérience de la communion fraternelle avec les autres. Cela est fondamental pour suivre Jésus Christ et être vraiment des chrétiens. C’est le cas non seulement des personnes consacrées qui font vœux de pauvreté, mais aussi de nombreuses familles et de nombreux citoyens responsables, qui croient fermement que c’est la relation fraternelle avec le prochain qui constitue le bien le plus précieux. »

Le problème des religions monothéistes, c’est qu’elles considèrent que l’espèce humaine est propriétaire de la planète alors qu’elle n’en est que l’usufruitière… en copropriété avec toutes les autres espèces vivantes. Il n’y a pas que les voisins qui sont nos prochains. Si le pape François peut évoluer dans ce sens, ce serait le signe que les temps viennent nous feront un jour aimer la biosphère comme nous-même.

le pape François, la nature et la simplicité volontaire Lire la suite »

fin de la croissance, émergence de l’écologie profonde

LE MONDE Economie&entreprise nous révèle parfois des surprises, ainsi cet excellent article de Jean-Pierre Dupuy sur la (dé)croissance*. En résumé :

« Nous ne parlons pas, avec la croissance du PIB, d’une variable d’état, comme la croissance d’un arbre ou celle d’un enfant, mais d’une variable de flux. La croissance économique, c’est l’accélération d’un cycle de consumations toujours recommencé. Il ne subsiste rien du pain que j’ai mangé ni les kilomètres que j’ai parcourus ; tout a été englouti dans le grand métabolisme avec la nature. Rien de ce que nous pouvons fabriquer et accumuler (en capital) ne comblera la partie du stock donnée par la nature. Par contre un enfant qui grandit reste lui-même tout en devenant plus fort… La Croissance est sans objet, elle est aussi sans fin. Elle n’a pas de terme assignable, on la désigne par un pourcentage. Il serait divertissant de supposer que la taille d’un être humain croît normalement d’autant plus qu’elle est déjà forte, et cela sans limite. La Croissance est aussi sans fin au sens qu’elle n’a pas de finalité. On lui a reconnu des finalités successives, le bonheur, puis l’emploi. Il s’agit aujourd’hui de rembourser la dette. On s’enfonce dans le dérisoire. La Croissance est sans objet, ni fin, ni finalité… Est-ce à dire qu’elle est privée de sens ? Tant le marxisme que le libéralisme ont rêvé de ce moment où tous les besoins humains seraient satisfaits. Cette croyance a depuis longtemps fait place à une autre, qui accepte que l’idée même de terme est dépourvue de sens : c’est la foi en la Croissance. Avec la Croissance, l’économie est devenue l’Etoile, qui n’est notre guide que parce qu’elle recule à mesure que nous avançons. Pour Elias Canetti, « La masse a besoin d’une direction », d’un but qui soit donné « en dehors de chaque individu », « identique pour tous » : peu importe alors ce qu’il est, « du moment qu’il n’est pas encore atteint ». La Croissance sans objet et sans fin a rempli assez bien ce programme pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, l’Etoile s’est éteinte. Sans sacré ni Croissance, qui ou quoi pourra satisfaire le désir d’Etoile et d’infini qui est en nous ? »

Nous avons une réponse à cette dernière question, l’écologie profonde. La crise des conditions de vie sur Terre peut nous aider à choisir une nouvelle voie avec de nouveaux critères écologiques. Nous, qui sommes responsables, nous avons la capacité intellectuelle de réduire notre nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres formes de vie. Nous, êtres humains, pouvons saisir la diversité de notre environnement et en prendre soin. Le terme d’écologie profonde a été introduit par Arne Naess dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». Il a formulé avec George Sessions une offre de « plate-forme de l’écologie profonde » en huit points :

I) les principes

1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

3) sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les hommes n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité.

II) le problème

4) l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et la situation s’aggrave rapidement.

III) les solutions

5) l’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution.

6) les politiques doivent changer, elles doivent affecter les structures économiques, techniques et idéologiques. La situation qui résultera du changement sera profondément différente de la situation actuelle.

7) le principal changement idéologique consistera en la valorisation de la qualité de la vie plutôt que de toujours promouvoir un niveau de vie supérieur.

8) ceux qui adhèrent aux points précités ont obligation de tenter de mettre en place directement ou indirectement ces changements nécessaires.

* LE MONDE du 10 septembre 2013, La « Croissance » sans fin

fin de la croissance, émergence de l’écologie profonde Lire la suite »

Décroissance voulue, le bonheur devient une réalité

Patrick Viveret s’insurge contre le mot décroissance : « Le « concept-obus »  de décroissance s’est transformé en « concept-boomerang », car il est paradoxalement lui-même obsédé par la croissance… La critique – décroissance, démondialisation, tout ce qui commence par « dé » – met son énergie à détruire l’existant… Le poids des « décroissants » est relativement marginal. »*

Patrick Viveret prône donc la frugalité heureuse : « L’imaginaire positif met en avant la simplicité volontaire, la sobriété heureuse, la transition vers des sociétés du bien-vivre. Les cultural creatives représentent des noyaux durs composés de 15 % de la population et des noyaux larges pouvant aller jusqu’à 30 %. Ni modernistes ou traditionalistes, ces personnes s’expriment avec une grande cohérence sur le rapport à l’écologie, la primauté de l’être sur le paraître, la place accordée à la question du sens… La clé est de sortir des logiques de peur et d’impuissance : loin d’une approche catastrophiste, les villes en transition mettent au contraire en avant un imaginaire positif, générant de la confiance et de la solidarité, pour se projeter dans l’avenir. »

Patrick Viveret oublie le fait que ressentir les catastrophes qui découlent des crises écologiques, sociales et financières ne veut pas dire catastrophisme. Confondre les deux fait le jeu des écolosceptiques. Et puis ce n’est pas parce qu’on parle de décroissance « heureuse » que le message passera mieux et que nos interlocuteurs voudront pratiquer la simplicité volontaire. Quel que soit l’habillage sémantique, la résistance au modèle croissanciste suppose de sortir en toute conscience de la société de consommation et du spectacle. C’est difficile.

De plus notre discours d’objecteur de croissance est forcément anxiogène : blocage énergétique, perturbation climatique, extinction des espèces, stérilisation des sols, etc. Il est forcément culpabilisant, c’est le mode de vie de la classe globale (tous ceux qui ont les moyens des posséder au moins une voiture individuelle) qui est remis en question. Mais cette présentation objective des faits ne crée pas en soi d’acceptation ou de rejet. La perception de chaque personne dépend de son tempérament, la même chose peut entraîner un sentiment négatif chez l’un et positif chez l’autre. Il ne faut pas confondre le message et sa réception. Les commentateurs feraient mieux de condamner le sentiment artificiel d’insécurité qui résulte de l’utilisation paroxysmique par les médias des faits divers les plus violents, même et surtout quand ils ne sont que ponctuels.

Derrière ce discours lénifiant qui veut faire croire que l’écologie devrait cultiver le sens du bonheur et occulter tout sentiment d’angoisse se trouve la problématique de notre vision du futur : faut-il être optimiste ou pessimiste ? Notre système techno-industriel, appuyé sur son relais médiatique, fait preuve d’un optimisme forcené. Cet excès d’optimisme empêche de modifier notre mode de vie puisque demain on aura trouvé une solution technique à tous nos problèmes. L’optimisme ou même le pessimisme expriment aussi sous des formes différentes la même capitulation face à l’avenir ; car tous les deux le traitent comme une fatalité et non comme un choix. L’optimisme et le pessimisme sont les deux facettes d’une même stratégie, celle qui consiste à laisser faire. Par contre les décroissants ne font pas de sentimentalisme, ils veulent mettre leur théorie en acte et pratiquer une vie sobre et heureuse. Même LE MONDE commence à titrer « le bonheur de la décroissance »**.

* LE MONDE culture&Idées du 1er juin 2013, Inventer la frugalité

** LE MONDE des livres du 7 juin 2013, Le bonheur de la décroissance

Décroissance voulue, le bonheur devient une réalité Lire la suite »