Dialogue récemment tenu dans la « commission post-croissance » d’EELV.
Myriam : nous allons vers un plateau de la croissance démographique autour de 12 Mds d’êtres humains dans le monde,
Michel : ce que tu dis est l’argument souvent donné par ceux qui estiment qu’il n’y a rien à faire au niveau démographique puisque la situation se régule d’elle-même. Mais nous avons déjà d’énormes problèmes de coexistence et de survie alors que nous sommes bientôt 8 milliards. Comment faire vivre dans des conditions paisibles et durables 4 milliards de personnes supplémentaires ? La situation et d’autant plus préoccupante que la démographie a une inertie très grande, le niveau de jeunesse de certains pays font la population dans 25 ans. A cela s’ajoute la grande inertie culturelle de ceux qui veulent beaucoup d’enfants. Pour ces raisons, ne pas faire du planning familial dès maintenant, c’est du suicide. De plus en tant qu’écologiste nous savons que le pillage actuel des ressources, la descente énergétique et le réchauffement climatique vont réduire fortement les ressources des générations futures. Le niveau de population doit être mis en relation avec l’état des ressources énergétiques, minières, halieutiques, etc. .
Myriam : la transition démographique est directement corrélée à l’élévation des niveaux d’éducation et d’accès à la santé.
Michel : L’accès à la santé est un facteur d’aggravation de la croissance démographique (deuxième stade du schéma de la transition démographique, forte natalité, baisse de la mortalité). Les pays africains sont souvent dans cette phase. L’éducation est un facteur d’atténuation qui, lié au développement économique, entraîne la baisse de la natalité. Encore faut-il qu’il y ait développement possible. Or nous savons déjà que la concurrence pour l’accès aux ressources et leur raréfaction font que jamais les pays du tiers monde n’accéderont à notre niveau de vie. Et comme la consommation à l’occidentale dépasse déjà les capacité de la planète (cf. empreinte écologique), il n’y a pas d’issue s’il n’y a pas planning familial ET décroissance du niveau de vie des privilégiés.
Myriam : Notre planète est capable de nourrir 12 mds d’êtres humains.
Michel : L’agriculture est soumise à la loi des rendements décroissants, la fertilité d’une terre a ses limites. L’agriculture productiviste est inefficace, les rendements à l’hectare sont négatifs quand on met en relation les calories alimentaires et les calories fossiles (pétrole…) utilisées pour atteindre ce résultat. Quant à agriculture traditionnelle, elle ne suffit pas généralement à couvrir les besoins d’une seule famille nombreuse, à plus forte raison quand on veut demander à l’agriculture biologique de nourrir les travailleurs du secteur secondaire et tertiaire, ces secteurs étant parasitaires vis-à-vis des paysans. Les urbains forment déjà plus de 50 % de la population mondiale, on a oublié que la société industrielle et de services repose sur le surplus agricole. Et comme l’exprime sur cette liste Gilles Lacan, « en France métropolitaine, combien peut-on nourrir de gens sans tracteurs, sans engrais, sans pesticides, avec le souci quand même de leur assurer un logement, un service de santé confortable ainsi qu’un certain niveau d’éducation et de culture. Je ne suis pas sûr que l’on puisse dépasser 40 millions d’habitants » (au lieu de 67 millions).
Myriam : Les prb qui sont posés dans les économies industrialisées sont plutôt le vieillissement des populations.
Michel : Argument récurrent, mais la prise en charge des personnes âgées par un surplus de population mène à l’impasse. Augmenter le nombre de naissances pour « payer les retraites » par plus d’actifs ne fait que reporter le problème de financement dans le temps puisque un jour ou l’autre ces personnes supplémentaires deviendront des retraités… encore plus nombreux. Encore faudrait-il aussi que les actifs ne deviennent pas chômeurs, donc personnes supplémentaires à charge. Or la croissance, à base de ressources fossiles, est extrêmement fragile, avec des conséquences déjà très négatives au niveau social et environnemental. Le chômage, déjà structurel en France depuis les années 1970 menace. Tout surplus de population multiplie les risques.
Myriam : C’est notre mode de vie et modèle de développement qui sont en cause, l’empreinte écologique de 100 américains n’est pas celle de 100 indiens.
Michel : Bien entendu ce constat est exact. Mais un écologiste devrait se rappeler le programme de René Dumont en 1974 : « Si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à ne York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. » Dumont à cette époque liait explicitement malthusianisme et lutte contre la pauvreté. Un écologiste devrait se rappeler la formule IPAT, tout est interdépendant, l’impact écoligque, résulte à la fois de la population,du niveau de vie et de l’impact technologique, la population est toujours un multiplicateur des menaces.
Myriam : Les toutes dernières prévisions de l’ONU tablent sur 10,9 milliards en 2100, et d’autres études américaines démontrent une décroissance.
Michel : la décroissance est probable, nous avons largement dépassé la capacité de charge de la planète. Les perspectives sont sombres, épuisement des ressources énergétique et minières, réchauffement climatique, stress hydrique, effondrement de la biodiversité, etc. Dans ce contexte certains prévisionnistes envisagent une décroissance démographique forcée du fait des guerres, des épidémies et des famines. Les instituts militaires aux USA ou en Allemagne se préparent déjà à des conflits aigus pour l’accès aux dernières ressources.
Myriam : « Si des gens meurent de faim au niveau mondial, c’est bien un des signes qu’il y a surpopulation » : non c’est une corrélation abusive, c’est encore une fois le partage des ressources qui est en cause et le modèle de développement : l’Europe par exemple gaspille 30 % de la nourriture produite …
Michel : ma phares dit exactement « c’est un des signes ». Je n’ai jamais dit que la surpopulation était la cause unique de tous les maux. Prenons le gaspillage de nourriture actuel. cela tranche avec la mentalité de mon enfance où ne pas finir son pain était anormal. Il nous faudra revenir à des normes anti-gaspi. Mais de façon plus globale, la sécurité alimentaire doit être locale, ce qui implique ce que demandent les écologistes « post-croissance », relocalisation et circuits courts.
Myriam : D’autres affirmations m’étonnent (euphémisme) : « Il y a d’abord un problème d’éducation/émancipation des femmes » – « L’éducation permet aux filles d’explorer d’autres aspects de la vie que celui de la maternité ». La nécessaire émancipation des femmes ne doit pas être prétexte à faire porter aux seules femmes la responsabilité des évolutions démographiques, on pourrait parler messieurs de responsabilité co-partagée à minima.
Michel : toute personne consciente est féministe, la personne citée (Robert Engelman) ajoutait : « Éradiquer le sexisme dans tous les aspects de l’existence : Les femmes qui sont en mesure de gérer leurs biens, de divorcer et de participer à la vie sociale à égalité avec les hommes sont davantage susceptibles de retarder leur maternité. Cette égalité est d’autant plus nécessaire que les hommes, dans la plupart des pays, tendent à souhaiter plus d’enfants que leur partenaire. » On ne peut prêter à une personne des sentiments sexistes qu’elle n’éprouve pas, c’est un procès d’intention.
Myriam : je ne pense pas que l’avenir de la planète passe par la reconvocation de Malthus dont la pensée peut être prétexte à de nombreuses et dangereuses manipulations.
Michel : Avant de critiquer Malthus, encore faut-il l’avoir étudié. Pour avoir une approche étayée, voici un lien qui permet d’en savoir plus
https://biosphere.ouvaton.org/blog/fecondite-tout-savoir-sur-le-malthusianisme/
Myriam : Bref, ces sujets sont sérieux, il faut les étayer
Michel : Bien d’accord avec toi Myriam, il faut toujours apporter des arguments, s’écouter et chercher la symbiose, ne pas se contenter de hurler avec la meute. Comme l’exprime Gilles, « la revendication démographique est trop souvent présentée comme cherchant à limiter les naissances dans les pays du « Sud » en maintenant celles des pays riches. C’est une erreur. Il convient de déterminer quelle population peut vivre sur un territoire déterminé dans des conditions de production économique écologiquement soutenables, en particulier sans recours aux énergies fossiles, au nucléaire, à l’extraction des métaux rares. » Sans même évoquer les problèmes de liberté que poseraient les contraintes inhérentes à une planète surpeuplée, il suffit de regarder les règles du confinement actuel.
Conseil de lecture : « Arrêtons de faire des gosses (comment la surpopulation nous mène à notre ruine) » de Michel Sourrouille aux éditions Kiwi (collection lanceurs d’alerte)