spiritualités

Dieu à l’épreuve de l’écologie scientifique

Dieu ne dit rien par lui-même, ce sont toujours des humains qui disent que dieu leur a dit. Comme les religions monothéistes ont été inventées à une époque où on croyait la terre sans limites, il n’y avait donc aucune mention dans les interprétations des textes sacrés d’une quelconque préoccupation écologique. Dans « La Science, l’épreuve de Dieu ? », le théologien François Euvé interroge les rapports entre la science et la foi. Si les deux doivent entrer en dialogue, il invite à ne pas confondre leur domaine respectif.

Lire, Écologie, le droit d’emmerder Dieu 

François Euvé : « Je consacre un long développement à la notion de « preuve » appliquée à l’existence de Dieu. Ce n’est pas une entité du même ordre qu’un atome ou une galaxie. L’existence de l’atome est corroborée par des schémas théoriques et des preuves expérimentales. Même en physique, où il n’y a pas de certitude absolue, les scientifiques parviennent à des consensus. Dieu ne relève pas de la démonstration, cela relève d’un acte de foi. L’interprétation renvoie à la liberté de celui qui interprète. Pour Thomas d’Aquin (1225-1274), tout ce qui existe a une cause et il est impossible de remonter de causes en causes à l’infini, il faut donc nécessairement une cause première, Dieu. A son époque, personne ne doutait de son existence ! La science postérieure à Galilée (1564-1642) s’appuie sur une description mécanique du monde. Cela va aboutir à la célèbre phrase de Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), mathématicien et physicien : « Je n’ai pas besoin de l’hypothèse Dieu » pour faire de la science. La science peut aider à purifier la religion de la superstition, et la religion à purifier la science des faux absolus. Ce dont on a vraiment besoin, c’est de la réflexion, du questionnement philosophique. »

Commentaires sur lemonde.fr

Christian Bernardi : On peut PROUVER que toutes les RELIGIONS se trompent lourdement, notamment parce que les écrits des religions ont été faites avant le Darwinisme. Le créationnisme est partout présent dans la religion chrétienne. On sait maintenant que tout les êtres vivants observés ont un même ancêtre. Dans les écrits bibliques Dieu n’a pas seulement créé les êtres vivants, mais aussi les anges et démons. J’aimerais que l’on me dise où se situe Satan dans l’arbre du vivant. A-t-il un ADN ?

deder : Je veux que Dieu existe! Vous m’embêtez, à la fin

Fpfp : Je ne crois pas en dieu, mais la foi des autres ne me choque pas. Ce qui m’exaspère, c’est ce à quoi s’autorisent les croyants au nom de leur foi : emm. le voisinage avec leurs cloches, prêcher la simplicité et la pauvreté quand l’abondance et le luxe sont le quotidien des oligarques de leur système, organiser la prédation de mineurs… la liste est longue.

Miss : J’aime bien cette idée « sans l’homme, Dieu ne sait pas qu’il existe » .

Sarah Py : Bon, sacré débat. Si vous ne croyez pas en Dieu. il vous reste la Nature.

Gordon : Moi je suis en retard de plus de 2000 ans, je crois aux Dieux Grecs.

Épi-Logos. Athée : Ne PAS COMPRENDRE « l’origine » de l’Univers ne veut pas dire qu’il faut un « Créateur » . Quand on regarde ce que les humains ont inventé comme religions ( TOUTES ! ) on voit quelles sont: in-nécessaires, invraisemblables, im-plausibles et improbables !

Toad : Dieu est mort, signé Nietzsche. Sur le mur de Berlin.. il fut répondu juste à côté : Nietzsche est mort. Signé Dieu.

Michel SOURROUILLE : Avant l’existence des dieux, il y a eu l’apparition de l’espèce homo sapiens et sa capacité à habiller la réalité avec des mots. Que de dieux ont alors traversé quelques petits millénaires, inventés, imposés, remplacés, diversifiés à l’infini, allant de schismes en schismes et de prophètes en apostats… Mais avant homo sapiens, il y avait déjà l’existence de la Biosphère à partir des premières traces de vie il y a quelques 3,5 milliards d’années. L’espèce homo sapiens n’est qu’une toute petite composante de la biodiversité, elle n’existe sur cette planète que depuis environ 150 000 ans, un rien de temps à l’échelle géologique, une simple pustule du moment : la Nature n’a pas été faite spécifiquement pour les humains ! Tant que les humains se battront inutilement au nom de leurs faux dieux et de leurs prophètes, la Terre-mère continuera d’être ravagée par notre inconscience et nos fausses querelles de mots. La biosphère par contre est un fait réel et avéré. Le seul culte qui vaille, c’est le respect de l’équilibre des écosystèmes pour nous permettre de survivre… C’est pas gagné !

Lire, L’Eglise à la traîne en matière d’écologie, Dieu aussi

Lire, Dieu ou Biosphère ? (la pensée de Benoît 16)

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Logement, avec quelle superficie ?

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels

Les conférences internationales sur le climat ne servent à rien si l’ensemble des citoyens du monde ne prennent pas conscience que c’est par mes gestes quotidiens que je favorise ou non les émissions de gaz à effet de serre. Prenons la façon de se loger. Il n’y a pas de limites à la limitation de nos besoins : Diogène se contentait de vivre dans un tonneau. Mais Diogène est une exception même si on côtoie sur nos trottoirs des sans domicile fixe. Entre le dénuement absolu et la multiplicité des résidences pour les plus riches, comment se situer ? Se fixer ses propres limites est un exercice difficile, d’autant plus qu’il y a ce que je fais et ce je voudrais faire. Personne n’est parfait.

Pour le logement, j’ai la chance après vingt ans d’endettement d’être propriétaire et d’avoir eu un emploi stable, ce qui n’est malheureusement pas donné à tout le monde. Une maison avec 4 chambres, c’est déjà grand, même quand on a eu trois enfants. J’ai partagé ma chambre toute mon enfance avec mon frère, mes propres enfants auraient pu faire de même. La taille de la maison est une donnée qui doit être repensée.

« Les plus grosses économies d’énergie dans l’habitat sont à chercher d’abord dans la superficie.  Après la Seconde Guerre mondiale, les soldats démobilisés et leurs familles emménageaient dans des logements de 90 mètres carrés. Dans les années 1970, la taille moyenne des maisons était de 150 m2. Aujourd’hui elle est de 233. Une maison de 1000 m2 pour 4 personnes ne peut pas se revendiquer d’un mode de vie durable. La meilleure façon de s’afficher comme un citoyen responsable vis-à-vis de l’environnement est de choisir une petite maison, qui consommera automatiquement moins de tout. » [Hélène Crié-Wiesner, AMERICAN ECOLO (éditions delachaux et niestlé, 2011)]

Ma maison est aussi significative des changements historiques du mode de chauffage. Une cheminée dans chaque pièce montrait l’omnipotence du bois avant que j’y aménage. A mon arrivé à la fin des années 1970, il y avait une chaudière à charbon pour un « chauffage central ». J’ai chauffé ainsi la maison quelques années, régulant la température en descendant souvent dans la cave. Je plaignais celui qui venait me livrer les lourds sacs de charbon et de toute façon le charbon devenait assez rare pour ce type d’usage. Sans compter que le charbon en terme de gaz à effet de serre et de particules, c’est le plus mauvais des choix. Alors quand il a fallu changer de chaudière, j’ai opté pour le gaz : quarante à cinquante années de réserves mondiales sous terre, cela non plus ne sera pas durable. Je voudrais bien revenir au chauffage au bois, mais si tout le monde faisait comme moi, il n’y aurait bientôt plus de forêts ! Je me contente donc de baisser le thermostat, 18°C dans la journée, 13° la nuit.

Officiellement en France la température à l’intérieur des logements et des bureaux est fixée depuis 1979 à un maximum de 19°C. Progressivement au cours du temps j’ai pu faire isoler mon lieu d’habitation. Je n’ai pas exercé de contrôle suffisant sur les matériaux utilisés, l’énergie grise* devrait être prise en compte. Même si j’ai fait intervenir des artisans locaux, j’aurais pu utiliser davantage ma propre force physique pour faire preuve de plus d’autonomie énergétique. Nous devrions savoir que tout est équivalence énergie, même les plus intimes de nos activités. A chacun de réfléchir et de se limiter comme il peut. Je ferais mieux de changer de maison, les enfants devenus grands sont partis et je garde un logement disproportionné par rapport aux deux seules personnes qui y résident. Il serait temps que la culture populaire célèbre à nouveau le logement multigénérationnel. Le prochain choc pétrolier ne va pas être facile à vivre.

* énergie grise : quantité d’énergie nécessaire au cycle de vie d’un matériau ou d’un produit : la production, l’extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l’utilisation, l’entretien et à la fin le recyclage. Chacune de ces étapes nécessite de l’énergie, qu’elle soit humaine, animale, électrique, thermique ou autre. En cumulant l’ensemble des énergies consommées sur l’ensemble du cycle de vie, on peut prendre la mesure du besoin énergétique d’un matériau ou d’un produit. Cette connaissance peut guider ou renseigner les choix notamment en vue de réduire l’impact environnemental.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix

Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même

IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience

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IVG, interruption volontaire de grossesse

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience

Fin 1973, je suis éducateur à Ambarès. Je rencontre une autre éducatrice, nous étions logés sur place dans deux chambres proches. Nous nous sommes retrouvés dans le même lit, écoutant de la musique. Elle s’est endormie sur moi, nous n’avions rien conclu. Le lendemain matin, c’est elle qui a eu pitié de moi, elle a pris l’initiative. Nous n’avons pris aucune précaution. J’étais con. Je n’avais pas assez d’expérience. Mon amie est tombée enceinte, la loi Neuwirth qui autorisait la contraception orale était trop récente. Cette loi a été votée en 1967, elle ne sera appliquée qu’en 1972 à cause des freinages de l’administration ! Je ne savais même pas comment était fait un préservatif  ! Mon amie a avorté. Non, en fait nous avons avorté ensemble. Par chance le MLAC (mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) était actif depuis avril 1973 et agissait pour changer la loi en pratiquant illégalement des avortements. Pas besoin d’aiguille à tricoter, nous avons testé la méthode par aspiration. Je dis « nous » car toute une bande d’apprentis médecins et de membres du MLAC sont arrivés et ma présence était jugée indispensable, pour eux comme pour moi. Le mec est aussi responsable que la femme d’une naissance non désirée, il doit assumer. L’intervention a eu des séquelles, mon amie a fait une hémorragie. Elle s’est retrouvée à l’hôpital. Mais que fait le gouvernement ?

Quelques mois après, le 26 décembre 1974, s’ouvrent des débats à l’Assemblée nationale sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse). Simone Veil, ministre de la santé, conduit les débats devant une assemblée très majoritairement masculine. Les détracteurs se succèdent : « Une nouvelle religion est née, son dieu s’appelle le Sexe…» ; « Pour Satan, contraception et avortement sont les deux chapitres du même grand livre de la sexualité… » ; « Le temps n’est pas loin où nous connaîtrons des avortoirs, des abattoirs parfaitement contraires à la mission la plus naturelle et la plus indispensable de la femme : donner la vie et non la mort. » Le Conseil de l’ordre des médecins exhorte à voter contre la loi, heureusement un médecin s’insurge : « Mille avortements clandestins sont pratiqués par jour, et chaque jour une femme en meurt. »

La ministre Simone Veil, a enduré stoïquement les vitupérations des députés. Elle est traitée de meurtrière, de pourvoyeuse d’une loi satanique, comparée au nazisme qui pratiquait la torture. Des croix gammée sont peintes sur la façade de son immeuble alors que ses parents et son frère sont morts en camps de concentration et qu’elle-même a été déportée. La bêtise humaine est incommensurable. La loi sur l’IVG sera adoptée par 277 voix contre 192, donnant aux femmes le droit de disposer de leur corps. Si l’avortement résulte de l’échec de la contraception et des errements d’un couple, c’est aussi la responsabilité de la société ; dans une société répressive, il n’y a pas de réflexion possible. Voici quelques prises de position qui expriment la difficulté d’accepter l’interruption volontaire de grossesse.

Le pape François, pourtant éclairé dans d’autres domaines : « Malheureusement, ce ne sont pas seulement la nourriture ou les biens superflus qui sont objet de déchet, mais souvent les êtres humains eux-mêmes, qui sont “jetés” comme s’ils étaient des “choses non nécessaires” Par exemple, la seule pensée que des enfants ne pourront jamais voir la lumière, victimes de l’avortement, nous fait horreur. (13 janvier 2014) » Le pape n’est pas le seul à condamner l’avortement. « L’égalité hommes-femmes est contraire à la nature humaine… Notre religion a défini un statut pour les femmes, la maternité… Notre parti AKP (Parti de la justice et du développement) reviendra sur le droit à l’avortement et préconisera la mise au monde d’au moins trois enfants par femme. » Ainsi s’exprimait le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan [LE MONDE du 26 novembre 2014]. Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy voulait une loi restreignant l’avortement aux seuls cas de viols et de mise en danger physique ou psychique de la femme.

En France une « marche pour la vie » a eu lieu le dimanche 19 janvier 2014. Les slogans ? L’IVG est un « attentat à la dignité humaine » et un « « génocide médicall ». Leurs sweat shirts proclament « j’aime la vie [Le Monde.fr | 19.01.2014]».

Une marche pour la vie ! Mais quelle vie ? Quelle vie sur une planète surexploitée, polluée, surpeuplée ? Quelle place laisse-t-on aux autres espèces dont nous prenons de plus en plus rapidement tout l’espace ? Aimer la vie à n’importe quel prix n’est pas aimer. Ces militants pro-life ne sont certainement pas des écolos. Au-delà des références au conservatisme ou à l’intégrisme, ce qui fait la cohérence des prises de positions anti-avortement, c’est la mentalité nataliste : il faut accepter tous les enfants qu’une femme puisse mettre au monde, et on fait pression pour qu’elle en ait davantage ! Cette mentalité ne tient aucun compte de la capacité de charge d’un territoire en population humaine alors que tous les indicateurs montrent que la Terre est saturée d’humains. Bien sûr on pourrait affirmer que la densité de la Turquie (89 habitants au km2) et celle de la France (112) sont acceptables par rapport au Bangladesh (1083) ou au Pays-Bas (395). Mais on pourrait rétorquer en termes de taux de chômage, dépendance du pays aux importations d’énergie, niveau de criminalité, surfaces cultivables, etc.

C’est en considérant la complexité des situations que le véritable débat commence. Mais si les humains préfèrent ne pas réfléchir et pulluler davatage, un jour ou l’autre se déclenchent guerres, famines et épidémies… Il y aura de toute façon régulation « naturelle » et infanticide différé, comme l’avait prévu Malthus !

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Abeille, qui ne pique que si on l’embête

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Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

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Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

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Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même

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Interaction spéculaire, je fais comme toi

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même

Enseignant la sociologie en lycée, j’étais assez préoccupé de devoir refléter l’opposition tranchée entre ceux qui privilégient l’action individuelle comme moteur de la société (Raymond Boudon) et ceux qui insistent sur le poids du social qui formate les individus (Pierre Bourdieu). Dans la pratique, il y aurait d’un côté les tenants du libéralisme économique et de la toute puissance de l’initiative individuelle, de l’autre la nécessaire intervention de l’Etat et les vertus de l’encadrement social. Je préférais montrer à mes élèves les interactions entre individu et société en prenant l’exemple de la socialisation. L’enfant progresse par des processus d’imitation (il reprend à son compte la société des adultes) ajouté à des processus de différenciation (il sait dire non, il teste son propre pouvoir). D’où une personnalité en formation qui ressemblera pour une part à celle des parents et qui aura par ailleurs sa configuration propre. Ce n’est que récemment que j’ai découvert et apprécié le terme imagé d’interaction spéculaire (comme dans un miroir). Cette explication sociologique permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu ou de la société. La société est un système de représentations croisées entre individus : je me représente la manière dont les autres se représentent les choses et moi-même. Je me réalise en échangeant avec autrui des modèles du monde formés par ces échanges.

L’être humain est tout à la fois modelé par le monde qui lui préexiste et modélisateur du monde par les actions qu’il entreprend. La boucle est bouclée, mais pour changer la société tout dépend de la masse critique atteint par une action à l’origine marginale. « Je fais parce que tu fais ainsi parce que nous faisons tous de même » peut devenir « Tu fais parce que je fais ainsi parce que nous ferons tous de même ». Ainsi cette action de Colin Beavan pour diminuer l’impact écologique de notre comportement.

«  Lorsque nous allons au Angelica Kitchen, avec Michelle, le garçon de salle nous reconnaît et sait qu’il ne doit pas nous donner de serviettes en papier. Au French Roast, le serveur nous dit avoir parlé de nous à des amis. Quand je lui demande pourquoi, il me répond qu’il est fier de ce que nous faisons. Mes amis me rapportent qu’ils ont passé des soirées entières à discuter du projet No Impact. « Bravo pour ce que vous faites, et merci de nous faire partager votre expérience », me disent les lecteurs de mon blog. « Je commence moi aussi à changer ma vie. » On ne sait jamais d’où part une réaction en chaîne. Qui sait quelle influence chacun de nous est susceptible d’exercer sur les autres ? Au lieu de débattre stérilement de l’utilité de l’action individuelle contre l’action collective, pourquoi ne pas les promouvoir toutes deux sous une appellation globale telle que citoyenneté engagée ? Le système doit certes changer, mais n’oublions pas que le système n’est qu’un groupe d’individus, la somme de toutes nos actions individuelles d’actionnaires, de cadres, de concepteurs de produits, de clients, d’amis, de parents. Cessons d’attendre que le système change. L’action qui déclenche l’effet domino a besoin que chacun de nous se positionne dans la ligne pour que la réaction en chaîne se produise. » [Colin Beavan, No impact man (fleuve noir 2010)]

Chacun joue un rôle social, il se comporte par rapport à ce que les autres attendent de lui. Il ne pratique pas l’acte juste, il respecte le jeu social. Notre dépendance morale est renforcée par l’obligation qui est faite aux individus d’intérioriser ou d’admettre le bien fondé de nos structures socio-économiques actuelles. Les institutions provoquent une coupure entre l’idée personnelle que se fait l’individu de l’acte juste et ce qu’impose à l’individu la préservation de l’institution à laquelle il appartient. Difficile de devenir lanceur d’alerte quand on peut être du jour au lendemain licencié par son entreprise. Chacun de nous est compromis et devient complice du système… Une révolte individuelle a peu de chance d’aboutir, mais si personne ne se révolte rien ne change.

C’est pourquoi je pense que dans un système vraiment démocratique, on devrait nous apprendre à réfléchir, bien sûr, mais aussi à résister. Le courage de la désobéissance civile n’est pas donné par avance. Mais sans modifier fondamentalement nos comportements consuméristes, nous courrons au désastre.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

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Homoparentalité, revendication bizarre

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

Je ne savais pas quand j’étais jeune que l’homosexualité et, à plus forte raison l’homoparentalité, pouvait exister. Si l’homosexualité est devenue aujourd’hui un art de vivre pour certains, l’homoparentalité reste en débat . Les couples de même sexe viennent de faire leur entrée à la mairie, donc pourquoi pas avoir un enfant même si on ne peut pas le faire. Jusque dans les années 1990, les gays et les lesbiennes faisaient de leur sexualité, stérile par définition, un élément censurant leur désir d’enfant. Au fil des ans, cette autocensure s’est affaiblie. De plus en plus fréquemment, les homosexuels ne sont plus seulement des militants de la liberté sexuelle, ils ont tout simplement envie, comme beaucoup d’hétérosexuels, de fonder une famille. Mais lorsque le désir d’enfant est là, encore faut-il pouvoir répondre à la question du comment ! Quand on est homosexuel, il faut bien plus de deux personnes pour avoir un enfant. Alors on utilise l’insémination artificielle avec donneur pour les lesbiennes, ou une mère porteuse pour les gays. Le père du premier bébé éprouvette, Jacques Testard, se confie dans un mensuel.

« Je suis consterné par les positions d’EELV sur l’AMP (aide médicale à la procréation), comme si les écologistes d’appareil reniaient les fondements mêmes de l’écologie, avec les principes de frugalité, d’autonomie et de convivialité. Qu’en est-il de l’autonomie des personnes quand l’enfant est fabriqué par des spécialistes alors qu’une démarche responsable permettrait d’en assumer la technicité rudimentaire ? Car c’est bien de l’insémination artificielle (d’une lesbienne ou d’une mère porteuse) que dépend la satisfaction recherchée. Est-ce pour avoir l’air révolutionnaire de revendiquer l’esclavage des mères porteuses ou l’instrumentation de l’enfant privé de racines par un don de sperme ? Quels principes soutiennent l’indifférenciation des sexes, l’exigence d’engendrement sans limite d’âge ou le droit à l’enfant ? Une société basée sur des principes n’est pas la négation de la nature. Il nous faut plutôt construire une civilisation inscrite dans la nature, car nous sommes de la nature, et ses atteintes deviennent vite les nôtres. Contre l’autonomie de la technique, il faut opposer l’autolimitation de la puissance. »[La Décroissance, avril 2014, Vers l’eugénisme]

Pour les partisans de l’homoparentalité, ce n’est pas la nature qui fonde la filiation, c’est un choix libre et inconditionnel de l’individu… qui a pourtant besoin des autres pour se réaliser ! Le désir des gays et lesbiennes d’avoir un enfant n’est qu’un symptôme de cette dérive de la pensée qui découle à la fois du libéralisme moral (tout découle de la volonté humaine) et de la technique extrême (tout est possible). Peu de personnes aujourd’hui s’oppose à cette « évolution des mœurs ». Je pense au contraire que tout écologiste devrait s’attendre à ce qu’il y ait un respect des individus pour les mécanismes naturels, en particulier celui de la fécondité.

Ce n’est certes pas en fonction d’un « ordre naturel » qui n’existe pas quant aux choix de la reproduction humaine. Toutes les formes de procréation sont socialement possibles et ont d’ailleurs été expérimentées dans certaines sociétés  : fécondation de l’épouse par un géniteur extérieur, cession d’enfants par une femme extérieure au couple, adoption d’enfants par des couples de femmes celle qui est stérile sera considérée comme père par l’enfant… Mais quand on forme un couple homosexuel, il y a déni de l’autre sexe, il y a une forme de sexisme. Il y a surtout désir d’enfant malgré l’ impossibilité matérielle de faire des enfants. Toutes les configurations sociales pour contourner la stérilité sont sous-tendues par une même conception, le natalisme : l’absence de descendance serait le mal absolu, seul l’enfant donnerait son véritable sens à l’individu. Un couple d’homosexuels qui réclame aujourd’hui le droit à la parentalité ne fait que reproduire ce schéma classique et pernicieux de la bible : « croissez et multipliez-vous » alors qu’on sait que les ressources de la planète sont limitées et en voie d’épuisement. La volonté d’expansion démographique à tout prix se fait au détriment des générations futures. Aussi je lance cet appel à un peu plus de morale écologique :

« Homosexuels de tous les pays, acceptez votre stérilité choisie,

agissez pour la nécessaire décroissance démographique…

ou adoptez un enfant ! »

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Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix

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Génériques, meilleur rapport qualité/prix

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix

Je voulais acheter à la fin des années 1970 un appareil de radio qui m’avait été conseillé par une association de consommateur. Le commercial qui m’a reçu a rigolé, ce modèle ne se faisait plus puisque les tests comparatifs effectués l’avait propulsé dans les médias. Les marques n’aiment pas ce contrôle sur leur production et délistent le modèle choisi même s’il est jugé le meilleur ; il leur suffit en effet de peu de choses pour habiller différemment un produit et changer sa référence. Que faire ? Favoriser les génériques.

En 1976, les grandes surfaces de marque « Carrefour » lancent cinquante « produits libres » dans un emballage non signé : c’est la simplicité, mais pour mieux gagner des parts de marché. De toute façon, au milieu des années 1980, les autres enseignes commerciales imitent le procédé en signant leurs produits de leur propre enseigne, ce qui instaure une nouvelle concurrence qui ne change rien au fond quant aux possibilités de choix rationnel des consommateurs. Cette concurrence toujours renouvelée pourrait cesser avec des produits véritablement génériques, vecteur d’une disparition du libéralisme de marché.

Prenons l’exemple des génériques médicaux : les brevets des formules chimiques actives sur l’organisme malade tombent dans le domaine public généralement au bout d’une vingtaine d’années. Tout laboratoire peut alors fabriquer la molécule de base et la commercialiser au moindre coût ; nul besoin de plusieurs médicaments de marques différentes pour un effet similaire. Cette simplification du nombre de produits dédiés peut s’accompagner d’une diminution de leur nombre global. Il y a maintenant près de 7000 marques qui se font concurrence alors que la dénomination commune internationale (DPI), l’espéranto du médicament, ne compte que 1700 substances thérapeutiques. Une commission de la transparence en France avait évalué 1100 médicaments ordinaires : un quart n’avait pas fait la preuve de son efficacité. Bien plus, les médicaments sont sommés aujourd’hui d’améliorer le bien-être de gens qui ne sont pas malades, que ce soit pour maigrir ou pour faire l’amour. Dans le même temps les pays pauvres sont ignorés des laboratoires pharmaceutiques. En fait les humains peuvent faire de la bonne médecine avec trente médicaments seulement.

Que ce soit pour les médicaments ou pour tout autre produit, un objet qui correspond au meilleur rapport qualité-prix devrait être généralisé. Alors il n’y aurait plus de concurrence, il faudrait se contenter de l’essentiel, de l’efficace accessible à tous et toujours. Le pain n’est pas normalement redevable d’une marque ou de la concurrence, il en est de même pour tout le reste. Un écologiste simplifie ses besoins et réclame des produits génériques. La Biosphère ne pourra que s’en trouver mieux.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

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Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

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Futur, un retour au passé !!!

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Futur, il sera à l’image de notre passé !

L’histoire est cyclique, au niveau des civilisations comme au niveau des destinées. Dans ma famille, nous étions tailleur de père en fils depuis des générations, au moins depuis la révolution française. Nous vivions dans un petit village, Beylongue. Des ciseaux, du fil et une aiguille permettaient de fabriquer des vêtements. Et puis l’urbanisation et le tour de France des artisans ont poussé mon grand-père dans une grande ville, Bordeaux, où il s’est installé tailleur sur mesure. Mon père était donc devenu tailleur comme lui, comme mon oncle, au travail à 14 ans. Mais l’industrialisation et le prêt à prêter ont donné un coup d’arrêt à cette stabilité professionnelle intergénérationnelle. J’ai été obligé de devenir un « intellectuel », l’explosion du secteur tertiaire créant l’emploi. Mon frère a passé son CAP d’apiéceur et il s’est tourné vers l’industrie du prêt à porter. Devenu cadre, la fabrication de vêtements s’est délocalisée avec son aide en Tunisie puis au Vietnam. Il y a instauré le travail à la chaîne dans une fabrique textile, une grosse pile de tissus coupée instantanément au laser… L’usine de Besançon où il avait commencé à travailler n’avait plus d’ouvriers. Les emplois disparaissent en France et nos générations présentes sont contemporaines du chômage de masse…

La révolution thermo-industrielle nous a fait aboutir à une impasse. Imaginons une France où il n’y aurait plus que 200 000 chômeurs, où la criminalité serait réduite des quatre cinquièmes, les hospitalisations pour troubles psychiatriques des deux tiers, les suicides de jeunes divisés par deux et où il y aurait une absence quasi totale de cannabis, de cocaïne et d’héroïne : ce serait un merveilleux progrès s’il ne s’était déjà accompli dans le passé. Les chiffres ci-dessus sont en effet propres à la France des années 1960. On croirait que les humains se sont réunis en société non pour assurer leur bonheur, mais pour produire à meilleur marché des voitures de métal, des tissus artificiels… et du chômage. Voici quelques éléments d’un scénario qui préfigure l’avenir et qui a déjà plus de quarante ans.

– L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).

– L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».

– A la différence des sociétés industrielles structurées « du haut vers le bas », l’écosociété s’est construite du « bas vers le haut ». A partir de la personne et de sa sphère de responsabilités : par la mise en place de communautés d’utilisateurs.

– La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1970. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.

– Alors que la maîtrise de la mégamachine, sécrétée par les sociétés industrielles, exigeait une sur-éducation, l’enseignement de l’écosociété est considérablement réduit. Il est à la fois plus global, plus pratique et plus intégré à la vie.

– Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.

[Joël de Rosnay, Le macroscope, vers une vision globale (Seuil, 1975)]

L’histoire est cyclique, le passé nous servira d’exemple. Une croissance économique exponentielle se termine toujours par une forte récession économique, une complexité trop grande d’une civilisation prépare son effondrement. D’ici à 2050, la synergie des crises énergétiques, alimentaires, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du mode de vie à l’occidentale et une (r)évolution du monde du travail. Les générations futures redeviendront artisan ou paysan. Moins de machines, plus d’emploi. Retour aux ciseaux, à l’aiguille et au village. Si on ne naît pas tailleur, on peut le (re)devenir. Notre passé sera notre avenir.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

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Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

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Féminisme, on ne naît pas femme…

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Je suis né garçon et pourtant je suis féministe. Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours été féministe, en faveur de l’égalité pleine et entière des hommes et des femmes. Pourquoi ? Difficile à dire. Ma mère ne pouvait rien faire sans l’aval de mon père. Peut-être est-ce là une explication de mon féminisme, un soutien indirect à ma mère ! C’est avec Jean Rostand à 22 ans que je découvre en 1970 la diversité sociologique du statut de la femme. Chez les Arapesh, il existe un seul type sexuel de comportement social qui correspond au type féminin des nations occidentales. Chez les Mundugumor, c’est la référence masculine qui est privilégié par les deux sexes. Quant aux Tchambuli, nous retrouvons les deux catégories, mais inversées par rapport aux société machistes. Je trouve à la même époque ce constat chez François de Closets :

« Jamais un journal féminin n’abordera un sujet scientifique ou technique. En revanche, on abreuvera les lectrices de psychosociologie. Ainsi se crée un conditionnement culturel qui incite insidieusement les filles à se détourner des sciences exactes et à se tourner vers les humanités, le droit ou les sciences humaines. »

En janvier 1971 dans Partisans, un dossier sur la « Libération des femmes, année zéro » : «

 La contradiction fondamentale du féminisme : l’ouvrière n’aspire qu’à quitter un travail épuisant, la bourgeoise revendique le droit de travailler qui la libère économiquement et lui permet de participer à la vie sociale… Pour Olympe de Gouges au moment de la révolution française : les femmes ont le droit de monter à l’échafaud, elles doivent avoir celui de parler à la tribune… L’équivalent de misogyne n’existe pas … »

Mon domicile familial a servi dans les années 1970 de lieu de réunion d’un groupe « femme ». Je leur laissais les lieux pour ne pas perturber leurs discussions !

A partir de 1975-76, ma vie professionnelle de professeur de SES va me permettre de rationaliser mes convictions et de faire des cours sur le féminisme. La nature physique de la femme ne dit rien de son statut social par rapport à l’homme : le comportement humain est déterminé par un conditionnement culturel. Il n’y a pas d’éternel féminin, il y a des cultures diverses qui produisent telle ou telle image de la femme. Avec les élèves de seconde, nous nous interrogeons sur la notion d’actif/inactif. La notion officielle de l’activité fait que la femme au foyer n’est pas comptée dans le PIB. Je fais chercher la réponse à cette question existentielle : que fait le PIB quand un médecin épouse sa femme de ménage ? J’organise des débats genre « les femmes doivent-elles rester à la maison ? ». J’interroge les élèves : « Que connaissez-vous comme métier spécifiquement masculin… ou féminin. » On m’a sorti un jour « ouvrir les huîtres, masculin ». Les parents sont les premiers responsables d’une différenciation des rôles injustement fondée sur une différence biologique. J’ai étudié avec mes élèves un texte de Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe – 1949) dans lequel se trouve ma phrase fétiche « On ne naît pas femme, on le devient ». Notre comportement n’est pas fixé par nos gènes, « naturel », pré-établi à la naissance. Tout est culturel, issu d’une socialisation, que ce soit les (in)égalités sexuées ou notre attitude vis-à-vis de la nature. Un bébé a un comportement androgyne. C’est à travers la bouche, les mains et les yeux que les nourrissons des deux sexes appréhendent l’univers. Jusqu’à douze ans environ, la fillette est aussi robuste qu’un garçon du même âge, et les capacités intellectuelles sont similaires tout au cours de la vie. Ce n’est pas la nature qui, pendant des siècles, avait empêché les femmes d’aller à l’université, mais des élites masculines qui ne voulaient pas partager le pouvoir, aidées par des femmes qui avaient intériorisé une impuissance factice. L’égalité des sexes progresse dans les jeunes esprits de mes élèves… un peu ! Nous sommes tous androgynes, mais nous ne le savons pas vraiment.

Il n’y a pas d’inégalité entre les sexes, il n’y a pas d’inégalité entre les différentes branches ethniques de l’espèce humaine et, si on ouvre les yeux, il n’y a pas d’inégalités entre les humains et les non-humains. Il y a égalité de principe entre toutes les espèces. Le féminisme est un préalable nécessaire mais pas suffisant à une meilleure considération des relations entre tous les êtres vivants. ll faut aller plus loin qu’un féminisme étroit, passer de l’anti-machisme à l’antispécisme. Ce mot vient de l’anglais speciesism, introduit en 1970 par Ryder par analogie avec racisme et sexisme : le spécisme est aussi une discrimination. Il consiste à assigner différents droits à des êtres sur la seule base de leur appartenance à une espèce. Or l’espèce humaine n’est qu’un maillon de la chaîne du vivant, nous n’avons à dominer ni les femmes ni la nature, nous devons respecter tout ce qui n’est pas « nous ».

Notre goût trop humain de la domination ne devrait pas conduire à la mise en esclavage de tout ce qui n’est pas humain. Le respect des non-humains par les humains est inséparable du respect des humains entre eux, du respect des hommes envers les femmes, du respect des différentes minorités visibles. Oui, Simone de Beauvoir avait raison, on ne naît pas femme, on le devient. De la même façon on ne naît pas écolo au plus profond de soi. Cela s’apprend.

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

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Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

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Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

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Euthanasie, la belle mort

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Une médecine qui est devenue apte à prolonger quasi indéfiniment des vies qui n’en sont plus n’est pas une bonne médecine. Mon cousin germain souffrait de plus en plus. Cancer du colon, ganglions près de la colonne vertébrale, une opération qui a arrêté le déchaînement cellulaire à un endroit mais laissé des métastases ailleurs, de la chimio qui rend très malade mais qui n’a pas soigné grand chose. Alors il se retrouve dans un lit anonyme, occlusion intestinale ou hémorragie, on ne sait plus trop, morphine à haute dose, fin de plus en plus proche, douleur en soi et douleur des autres. Est-ce cela mourir dans la dignité ? Quant à mon propre père, quelle fin de vie a-t-il eu ? Il a été nécessaire de le confier à une structure extériorisée plutôt que de le garder en famille. Ma mère s’épuisait à bientôt 90 ans pour accompagner à domicile son mari atteint de démence vasculaire. L’existence des centres de soins palliatifs ou des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pose en définitive la question de la fin de vie.

Fin de vie par euthanasie, la mort douce, du grec « eu », bien et « thanatos », la mort ? Un acte simple quand il s’agit de faire piquer son chat ou son chien, un acte illégal envers les humains dans la plupart des pays. Le problème de l’euthanasie est d’autant plus urgent à résoudre que les techniques de soins palliatifs multiplient les cas d’acharnement thérapeutique. Un vif débat pseudo-philosophique s’est engagé entre ceux qui font de la vie un droit sacré et ceux qui font de la mort provoquée un droit légal, entre ceux qui jugent que l’on ne peut disposer de la vie d’autrui et ceux qui veulent abréger l’agonie d’un malade dont on sait la mort certaine. Lorsque l’euthanasie a été légalisée aux Pays-Bas, il est significatif que les réactions hostiles proviennent à la fois de l’Osservatore Romano et de la Société française de soins palliatifs. Dans l’encyclique Evangélium Vitae (l’Evangile de la vie) de 1995, il est écrit que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu en tant que meurtre délibéré d’une personne humaine, moralement inacceptable.

Mais où est la loi de Dieu quand la vie est reliée à des tuyaux ? Lorsque certains soins curatifs ne sont plus adaptés, il faut savoir s’abstenir et reconnaître que la mort est en train de venir. La sagesse, c’est de ne pas mettre en suspens le vieillissement de nos artères, d’accepter notre destin et la fatalité de notre mort. En France, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité milite pour le libre choix de terminer sa vie. Les trois objectifs de l’association sont le droit à la lutte contre la douleur (soins palliatifs), le droit au refus de l’acharnement thérapeutique (l’euthanasie passive) et le droit à l’euthanasie volontaire. Les deux premiers points commencent déjà à passer dans les mœurs. Reste le troisième point, le suicide assisté. Cette pratique pourrait concerner trois catégories de personnes, les grands malades, les grands vieillards et les grands infirmes. L’aide à mourir est inscrite depuis 1994 dans la loi des Pays-Bas sous réserve de force majeure pour le médecin. Le praticien doit respecter les critères de minutie : demande du patient de façon volontaire et répétée d’une aide pour mourir ; maladie incurable et insupportable ; information du patient et conclusion commune qu’il n’y a aucune autre décision acceptable ; avis d’un confrère indépendant ; avis d’une commission paritaire qui sert de tampon entre le praticien et la justice. La loi reconnaît la validité d’une déclaration écrite d’euthanasie possible si l’individu devient incapable de s’exprimer (coma, sénilité…).

En matière de fin de vie comme en bien d’autres matières, le problème de nos sociétés qui ont voulu s’affranchir de toutes les limites est de discerner maintenant où sont les limites, même en matière de fin de vie. Grâce à ses progrès, la médecine a brouillé les frontières entre la vie et la mort. Elle est devenue si efficace que, bien souvent, on meurt trop tard. Un jour prochain sans doute, le testament de fin de vie sera la règle commune, une vie ne vaut que si elle est utile pour soi et pour les autres. Voici mon propre testament de fin de vie, rédigé sur mon site (biosphere.ouvaton.org) alors que j’avais 55 ans et que je réitère en écrivant ce livre :

Sain de corps et d’esprit, je déclare ce jour (4 novembre 2002) que je n’accepte pas les soins palliatifs qui ne serviraient qu’à me maintenir en vie et non à me réinsérer dans la société. Je déclare accepter par avance une euthanasie passive si la conscience morte de mon cerveau m’empêche de percevoir mon état de légume humain. J’exige le droit à l’euthanasie active si j’estime en toute conscience que ma vie ne vaut plus la peine d’être prolongée.

Je pense que pour mon père il y aurait eu délivrance s’il était parti paisiblement et en toute conscience pour le dernier voyage avant que les faiblesses de ses artères et son cerveau déconstruit ne l’amoindrissent irrémédiablement. Terminer dans un Ehpad est un sort que je ne souhaite à personne.

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Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

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Eugénisme, améliorer notre espèce ?

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

En avril 1970, je lisais avec curiosité un livre de Jean Rostand. Son discours n’était pas politiquement correct, et c’est un euphémisme.

« Nos sociétés donnent la possibilité de survivre et de se reproduire à des milliers d’êtres qui eussent été autrefois implacablement éliminés dès le jeune âge. La fécondité des idiots est très sensiblement supérieure à celle des individus normaux et les avantages sociaux ou financiers font plus pour unir les humains que la beauté du corps ou la finesse de l’esprit. La diminution de la mortalité infantile, les vaccinations généralisées entraînent un affaiblissement de la résistance moyenne de l’espèce. Grâce à l’obstétrique, des femmes deviennent mères malgré un bassin trop étroit, et grâce au lait stérilisé, nourrices, en dépit de glandes mammaires insuffisantes. Il s’ensuit un avilissement progressif de l’espèce. Les tarés, les débiles et les criminels encombrent les hôpitaux, les asiles et les prisons. Tandis que les superstructures spirituelles et sociales deviennent sans cesse plus pesantes, leurs fondations organiques perdant en solidité. Donc par l’effet de la civilisation, nul progrès à espérer pour l’animal humain, mais une décadence à craindre. » [Jean Rostand, L’Homme (Gallimard, 1940/1961)]

Cette liberté d’opinion ferait scandale aujourd’hui. Mais j’estime qu’il y a une part de vrai dans ces propos. La mort devient parfois une valeur préférable à la vie car certaines existences ne méritent pas d’être vécues. En 1978, j’attendais un enfant. La mère travaillait dans un institut médico-pédagogique, entourée de mongoliens et autres anomalies. Elle était terrorisée à la possibilité de mettre un enfant anormal au monde. J’ai alors pensé sincèrement que si mon enfant à naître ne pouvait être autonome, je l’aurais avec amour doucement étouffé sous un oreiller. Je n’ai pas eu à le faire…

Selon la thèse de Darwin sur la sélection naturelle, une partie seulement des naissances atteignent l’âge de la reproduction car seuls les mieux adaptés résistent. Mais comme les humains modifient leur milieu pour améliorer leurs moyens d’existence, ils étendent indûment leur capacité à se reproduire et il leur faut alors construire socialement leur propre conception de la sélection ; en empêchant la nature de faire son œuvre de sélection, on devient alors responsable de ses propres critères d’expansion démographique. Peu d’intellectuels défendent aujourd’hui ce point de vue, mais ils existent. Lors d’un entretien interpersonnel tenu le 16 mars 2011, Alain Hervé m’avait confié :

« L’homme est dangereux, l’homme est un désastre. On échappe aux régulations naturelles comme les épidémies, c’est la survie à n’importe quel prix. Je considère même Pasteur comme l’ennemi de la civilisation. Il a éliminé la fièvre puerpérale, il a circonscrit la mort naturelle, il a rompu l’équilibre démographique. On peut me traiter d’antihumaniste lucide, l’humanisme qui donne la priorité absolue à l’homme, ne me satisfait pas. L’humanisme consiste à nous faire accéder à des stades supérieurs d’intelligence. Maintenant les hommes qui naissent n’accèdent pas vraiment à l’état humain, ce ne sont que des esquisses, ils en restent à un état infra-animal. »

Composé à partir de « eu » (bien) et « genos » (race), il s’agit avec l’eugénisme d’améliorer l’espèce humaine au travers de ses gènes. L’humanisme actuel est encore totalement opposé à cette option ! Il est vrai que si l’eugénisme est un concept agréable, l’histoire humaine l’a rendu dangereux en parlant de race supérieure et autres errements. Aujourd’hui notre connaissance croissante du génome humain permet de mesurer de façon plus précise les difficultés à venir de la personne à naître. Dans la pratique déjà, le monde développé se lance en silence dans l’éradication programmée du mongolisme. Depuis la découverte en 1959 des bases chromosomiques du mongolisme, la diffusion généralisée dans la population des acquis de la génétique favorise le consensus sur une interruption thérapeutique de grossesse. L’amniocentèse permet de vérifier la constitution des chromosomes, elle est systématiquement proposée en France aux femmes de plus de 38 ans, le taux de trisomie 21 augmentant avec l’âge de la mère. Si la décision d‘avorter passe en France par le libre choix de la femme, on sait que 90 % décident l’élimination s’il y a trisomie. Il s’agit donc d’un eugénisme « démocratique ».

 Un certain nombre de pays ont même des dispositions législatives autorisant la stérilisation à des fins de sélection. C’est le cas de la Chine qui a adopté en  1994 une loi destinée à améliorer la « qualité » des nouveau-nés. L’article 8 indique : « Le bilan de santé prénuptial doit comporter l’examen des maladies suivantes : les maladies génétiques grave ; les maladies infectieuses désignées et tout sorte de maladie mentale pertinente. » Et l’article 10 : « Après avoir effectué ce bilan de santé, le médecin doit l’expliquer et donner un avis médical à l’homme et à la femme auprès desquels il a diagnostiqué une maladie génétique. Ce couple peut se marier si tous deux acceptent de recourir à des moyens contraceptifs pendant une longue période ou de subir une opération assurant leur stérilité. »

Cet interventionnisme de l’État peut ouvrir la porte au totalitarisme, il doit être solidement encadré. La démocratie est toujours confrontée à des principes contradictoires, liberté individuelle ou contrainte collective. La délibération démocratique tranche… jusqu’à la prochaine délibération. L’eugénisme est une option, comme l’euthanasie.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

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Abeille, qui ne pique que si on l’embête

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Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

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Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

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Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

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Ethnologie, connaissance primordiale

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Grâce à mon parcours professionnel, j’ai obtenu un immense avantage dans la connaissance des mécanismes sociaux ; je suis devenu professeur de sciences économiques ET sociales en lycée (SES). Aucune faculté ne prépare spécifiquement à ce concours, les enseignements universitaires sont trop monolithiques. On y formate des spécialistes, en économie, ou en sociologie, ou en droit, ou en mathématique, ou… Je sortais avec une maîtrise d’économie option économétrie, j’étais incomplet. Les SES sont une matière transversale, c’est à la fois de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, la compréhension d’un texte, la lecture des journaux, le calcul statistique et l’approche des tableaux chiffrés, sans oublier le débat permanent propre à une « science » qui n’en est pas une. J’ai donc débarqué en septembre 1974 dans cette section toute nouvelle du baccalauréat, ce qu’on va appeler la troisième culture, qui s’ajoute aux cultures scientifique et littéraire.

Mais pour moi le plus important de cet enseignement reste l’ethnologie. L’approche comparative des autres cultures apprend aux élèves à mettre de la distance par rapport à leurs propres préjugés, à ne pas mettre de hiérarchie entre les cultures, à savoir mesurer la force des valeurs et la relativité des normes. La condamnation du racisme a découlé de nos connaissances biologiques et des avancées de l’ethnologie. Celle-ci a montré qu’il n’y avait pas des « civilisations » supérieures ou inférieures, mais des organisations sociales différentes. Garder une pensée ouverte, c’est ce que les SES nous enseignent : pouvoir remettre en question son propre conditionnement culturel est un nécessaire préalable à toute réflexion approfondie. Cela n’arrive que par étude comparative.

« Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, les sociétés sans écriture limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l’homme une partie prenante, et non un maître de la création. Telle est la leçon que l’ethnologie a apprise auprès d’elles. » [Discours de Claude Lévi-Strauss à l’occasion de la remise du XVIIe Premi Internacional Catalunya, L’ethnologie devant les identités nationales, 2005]

Ainsi les « Aborigènes », présents depuis plus de 40 000 ans en Australie (« depuis l’origine » selon l’étymologie du mot), vivaient de façon sereine depuis des millénaires sur un mode ancestral et avaient trouvé un équilibre durable avec leur milieu. Mais ils ne pouvaient se défendre contre les envahisseurs « civilisés » bien armés, bien trop nombreux. Parqués ou éliminés par les Blancs, les Aborigènes ne représentent plus que 1 à 2 % de la population australienne. Alors que tout le territoire australien leur appartient,  ils n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1967. Pourtant la culture aborigène reste pour un écologiste une référence incontournable.

Face aux 14 000 tonnes d’uranium logées dans les terres septentrionales d’Australie, le géant du nucléaire français Areva nourrissait de grandes ambitions. Le propriétaire aborigène de cette terre, Jeffrey Lee, aurait pu devenir l’homme le plus riche d’Australie s’il avait cédé à Areva. Mais il ne l’a pas fait : « Le fait que les Blancs m’offrent ceci ou cela ne m’intéresse pas. J’ai un travail. Je peux acheter de la nourriture, je peux aller pêcher et chasser. J’ai dit non aux mines d’uranium, car je crois que la terre et les croyances propres à ma culture sont plus importantes que l’exploitation minière et l’argent. L’argent va et vient, mais la terre est toujours là, subsiste toujours si nous nous en occupons, et s’occupera toujours de nous. »1

L’éthique et les pratiques des Aborigènes sont profondément marquées par l’idée de sobriété et de durabilité. Par contre les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de leur présent. Le Premier ministre australien, Tony Abbott, avait honoré en 2014 son « pacte de sang » électoral : conformément à sa principale promesse de campagne pour relancer la consommation, le sénat a décidé la suppression de la taxe carbone par 39 voix contre 32, faisant de l’Australie le premier pays à revenir sur une telle mesure environnementale. Un beau cadeau pour le réchauffement climatique. La conclusion qui en résulte, c’est qu’il y a un avenir pour le mode de pensée des Aborigènes, pas pour le niveau de vie des Blancs.

Un bon conseil : on ne naît pas ethnologue,

mais on peut le devenir.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

1 http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/02/19/atomique-en-australie-un-aborigene-dejoue-les-projets-de-mines-duranium-dareva/

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Électricité, avantage et inconvénients

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Dans mon petit carnet de notules le 16 septembre 1972 j’imaginais ainsi le monde à venir : « Les vapeurs toxiques commencent à diminuer d’intensité. Les foyers peuvent dès à présent ouvrir l’électricité, mais pas plus de 3mn et 45 secondes… » L’électricité à volonté n’aura eu qu’un temps. La clé de notre horloge interne se situe dans le cerveau, plus précisément dans la glande pinéale. Chaque jour, dès la fin de la soirée, cette glande commence à produire de la mélatonine qui est libérée dans le sang pendant le sommeil. Juste avant l’aube, elle cesse son activité et le corps s’éveille pour une nouvelle journée. Mais en 1879, Thomas Edison inventa l’ampoule à incandescence. Depuis notre univers n’est plus le même. Aujourd’hui sept millions d’éclairages urbains, lampadaires, candélabres et autres boules lumineuses entretiennent un obscur presque clair jusque dans les villages les plus reculés de France. Cette consommation d’énergie atteint six milliards de kilowatts heures, soit 2,5 réacteurs nucléaires qui ne servent en définitive qu’à éclairer le ciel.

Mais ce n’est pas seulement l’éclairage public qui est en cause dans la boulimie d’énergie électrique de la civilisation thermo-industrielle.… Un copain parisien m’avait hébergé, qu’il en soit remercié. Je venais de la province pour une réunion politique, il allait par le train Paris-Lille à une manif anti-nucléaire. J’ai passé toute la soirée à éteindre la lumière, parce que mon copain vit à la mode américaine, il ne ferme jamais les lumières quand il quitte une pièce. En bout de course, je n’ai plus rien osé lui dire parce qu’il me répéterait son antienne : « Atteinte à ma liberté. » Le pire quand même, c’est le lendemain matin. Bien sûr toutes les lumières de l’appartement étaient allumées, mais en plus une radio faisait un bruit d’enfer. J’ai cherché le poste et j’ai éteint les infos que personne n’écoutait. Alors là, j’ai encore entendu un autre poste qui faisait les mêmes bruits, j’ai cherché et j’ai fermé le clapet des journalistes que personne n’écoutait ! Deux postes, puis trois, centrés sur la même fréquence, et mon copain était je ne sais où, à faire tout autre chose. Les centrales nucléaires ont encore de beaux jours devant elles.

N’oublions pas les énergies dites renouvelables. Un article du MONDE célèbre le photovoltaïque en Inde.

« On nous a expliqué que l’électricité pouvait venir directement du soleil sans passer par le gouvernement (grâce au photovoltaïque)… Ça ne vaut pas l’électricité des riches (branchés sur le réseau), mais au moins mon mari n’a pas à parcourir des kilomètres pour recharger son portable et je pourrai fabriquer davantage de cigarettes le soir. » (LE MONDE du 12 juin 2012, En Inde, des pauvres s’éclairent à l’énergie solaire)

Le progrès technique ininterrompu devient nécessaire pour la société du tout-électrique dans laquelle est rentrée le monde occidental. Mais s’il s’agit de faire fonctionner un portable ou de fabriquer des gadgets, nous ne voyons pas l’avantage d’une électricité photovoltaïque. Pourtant ni les industriels ni les politiques ne posent publiquement la question fondamentale du « besoin » d’électricité. Au rythme de 1,9 % par an entre 1990 et 1999, la consommation électrique des Européens doublait tous les 35 ans ; est-ce que cela veut dire que le bonheur des Européens a doublé sur la même période ? La lumière artificielle détériore nos rythmes circadiens et nous fait travailler plus que de raison : notre heure ne suit plus le soleil, mais les besoins du système de production. La course-poursuite sans fin entre la production et la consommation dans tous les domaines épuise non seulement les ressources naturelles, mais détériore toujours davantage l’équilibre intime de notre vie. Un lecteur devrait lire sans lumière artificielle, les programmes de télévision pourraient s’arrêter à la tombée de la nuit, le travail de nuit serait interdit.

J’attends avec impatience les grandes pannes d’électricité qui nous redonneront un mode de vie plus en accord avec la nature des choses. Les pauvres devront alors se contenter le plus souvent de la lumière offerte directement par le soleil, les riches aussi…

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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devenir Écologiste, notre avenir commun

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Nous allions dans la propriété de mes grands-parents maternels sur les hauts de Lormont. Une grande maison, « La verdurette », arbres centenaires et verger, allées bordées de haies, des baies à ramasser, des escargots à dénicher. Le paradis. Ma mère a pleuré quand on a vendu cette partie d’elle-même. Est-ce la raison de mon goût pour la nature ? Nous rendions souvent visite à mes grands-parents paternels. Une vieille maison en plein milieu des Landes, en plein milieu des bois. Le jardin potager, le puits avec un balancier, les mulets de l’agriculteur voisin. Les promenades en vélo au milieu des pins, sur les chemins de sable. Le paradis. Mais je ne savais pas que l’écologie existait. Le mot « écologie » a été inventé en 1866 pour désigner une science naissante qui étudie le biotope (territoire offrant des possibilités de vie durable pour une espèce) et la biocénose (ensembles des êtres vivants dans un même milieu). Mais cela est longtemps resté un domaine de spécialiste, inconnu du grand public. Je ne pouvais donc pas naître écolo, mais mon environnement familial m’a facilité la conversion. En 1969, je roule en vélo à Bordeaux, mais uniquement pour lutter contre les embouteillages. Je croyais alors que le travail était une lutte de l’homme contre la nature et que la technologie spatiale partait pour la conquête de l’univers. Depuis j’ai changé. Le monde a changé, le vocabulaire écologique est entré dans les mœurs des entreprises et des particuliers.

Faisons un exercice. Tu essayes de trouver le plus possible d’adjectifs à accoler au mot « écologie ». Puis tu choisis les 3 principaux par ordre d’importance décroissante avant de continuer cette lecture….

Voici quelques adjectifs possibles pour« Écologie » : anthropocentrique, biocentrée, doctrinaire, durable, écocentrée, économique, émotionnelle, humaine, humaniste, intégrale (selon le pape François), joyeuse, partagée, politique, positive, pragmatique, productive (selon Claude Allègre), profonde (d’après Arne Naess), punitive (selon Ségolène Royal), radicale, réaliste, réformatrice, réparatrice, responsable, scientifique, sociale, superficielle, technocratique, etc. Voici mon classement personnel : 1. écologie scientifique ; 2. écologie politique ; 3. écologie profonde. L’écologie scientifique démontre la détérioration de la planète alors que les symptômes nous apparaissent souvent invisibles (couche d’ozone, épuisement des ressources fossiles, changement climatique, stress hydrique, extinction des espèces, etc.). L’écologie politique prend acte de ce constat objectif, elle est seconde par rapport à l’écologie scientifique. Mais puisque constater ne suffit pas, il faut en fin de compte agir et décider. Les écologistes succèdent aux écologues, il s’agit de mettre en œuvre des solutions concertées face à nos errements actuels. Mais quelle sorte d’écologie porter en politique ? A l’écologie superficielle, le philosophe Arne Naess oppose l’écologie profonde. Cette expression a été introduite à l’origine dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ».

« Une hypothèse largement répandue dans les cercles influents est que le dépassement de la crise environnementale est un problème technique : il ne suppose aucun changement dans les consciences. Cette hypothèse est l’un des piliers de l’écologie superficielle. On pense que le développement technique réduira la pollution à des niveaux tolérables et empêchera l’épuisement des ressources. On demandera sans cesse aux gouvernements de réaliser les bonnes conditions libérales propices au développement d’une haute industrie technique et centralisée. Ce sont des considérations économiques bornées d’une petite élite qui nous guide. Les ingrédients essentiels à la technocratie sont réunis lorsque l’individu ou les organisations dans lesquelles l’individu agit se préoccupent plus des moyens que des fins. » [Arne NAESS, Ecologie, communauté et style de vie (première édition 1976, éditions MF 2008)]

L’adjectif « profonde » accolée au mot écologie me paraît mieux adapté à la profondeur de la crise globale que nous avons commencé à traverser. L’écologie superficielle, du type capitalisme vert ou croissance verte (sans oublier toutes les formes de greenwashing ou écoblanchiment) permet de continuer le « business as usual ». C’est pour moi une forme d’extrémisme marchand puisque cela nous amène à surexploiter plus longtemps la planète en se donnant bonne conscience. C’est une position écologique conservatrice qui conforte la religion de la croissance et qui nie le fait que tous les indicateurs sont passés au rouge, que ce soit au niveau financier, social ou écologique. Il suffirait d’aménager le système à la marge alors qu’il doit être complètement repensé.

La distinction faite par Naess entre « profond » et « superficiel » est donc politique et porte principalement sur la différence que crée le fait d’accepter ou non de changer nos modes de vie comme notre manière de pensée. C’est une philosophie de l’existence, c’est la mienne.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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École obligatoire et déculturation

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Je suis sans doute mal placé en tant qu’ancien professeur pour critiquer la sphère scolaire. Pourtant c’est ce que j’ai appris pendant ma vie professionnelle qui m’a fait rejeter un système où on croit que ligoter des enfants à une chaise pendant des heures et des heures, et des années qui s’ajoutent aux années, est un exercice épanouissant qui permet à nos jeunes générations d’être de plus en plus intelligentes. L’éducation est l’une des nombreuses fonctions sociales que l’Etat a usurpées et qui doit être de nouveau assumée au niveau de la famille et de la communauté, en pleine adéquation avec un écosystème d’appartenance.

« La surproduction industrielle d’un service a des effets seconds aussi catastrophiques que la surproduction d’un bien. Les nouveaux systèmes éducatifs sont des outils de conditionnement puissants et efficaces qui produiront en série une main d’œuvre spécialisée, des consommateurs dociles, des usagers résignés. Leur séduction cache la destruction, de façon subtile et implacable, des valeurs fondamentales. Qu’apprend-on à l’école ? On apprend que plus on y passe d’heures, plus on vaut cher sur le marché. L’individu scolarisé sait exactement à quel niveau de la pyramide hiérarchique du savoir il se situe, et il connaît avec précision sa distance au pinacle. On apprend à accepter sans broncher sa place dans la société. » [Ivan Illich, La convivialité (Seuil 1973)]

Les révolutionnaires de 1789 ont inventé l’instituteur qui a pour mission « d’ instituer » la nation. La France impose en 1833 à toutes les communes de posséder une école primaire. Les républicains veulent arracher en 1880 l’individu à ses particularismes. La nation française se forgera à travers l’extension de la langue française. En apparence, l’école obligatoire pour tous est une libération, c’est offrir aux citoyens des chances égale de promotion. L’école donne le moyen aux enfants d’agriculteur d’élever leur niveau de connaissances et de quitter la terre. En réalité, le paysan se retrouve esclave de la révolution industrielle. L’exode rural soutenu par le processus de scolarisation obligatoire a été un mécanisme de déculturation/acculturation qui a ébranlé en profondeur l’organisation interne des campagnes. On a condamné à mort les langues locales, de l’Occitanie à la Bretagne. En même temps s’opérait une coupure dans le milieu familial. L’enfant, soumis à la propagande scolaire, en arrivait à avoir honte de parler la langue de ses parents et paradoxalement le père ou la mère, qui quelquefois n’entendait pas un mot de Français, reprochait amèrement à l’enfant puni en classe pour l’utilisation de sa langue maternelle qu’il ne serait « bon qu’à garder les vaches », tâche que faisait pourtant la famille. Les ruraux devenaient victimes consentantes d’une école élémentaire qui soutenait la révolution industrielle et l’abandon de la terre : les manufactures avaient besoin de bras. L’école obligatoire a favorisé l’abandon de la terre nourricière pour des activités de plus en plus parasitaires. Maintenant les programmes scolaires diffusent au niveau mondial des valeurs complètement inadaptées à ce qu’il faudrait.

« Dans The Sense of Wonder, Rachel Carson nous rappelait dès 1956 que l’enfant comprend et détient une vérité que les adultes oublient trop fréquemment : nous faisons tous partie de la nature. Mais aujourd’hui les écoles sont les cathédrales d’un esprit mécaniste et fragmentaire, elles jouent un rôle dominant dans l’érosion de la perception de l’écheveau du vivant. Ce faisant, nous oublions l’exhortation de Rachel Carson qui soulignait que « pour l’enfant, il importe moins de savoir que de sentir ». Au bout du compte, même le discours environnemental à l’école est arc-bouté sur l’anthropocentrisme. Ainsi tout le discours visant à sauver la forêt tropicale est purement instrumental, « La forêt contient des plantes rares capables de soigner certaines pathologies humaines ». Une école soucieuse de la Terre défendrait la convergence des disciplines, organiserait des expériences festives réaffirmant l’intégration de la société humaine dans la nature. De tels enseignements comprendraient un art contemplatif, la danse, des exercices de respiration profonde, la méditation… » [David E.Selby, professeur en sciences de l’éducation in STOP de Laurent de BARTILLAT et Simon RETALLACK (Seuil 2003)]

La scolarité formatée par des spécialistes ne reconnaît que l’éducation sanctionnée par un diplôme, ce qui dévalorise celui qui a de l’expérience ou qui progresse en tant qu’autodidacte. Elle forme des cohortes de producteurs-consommateurs dociles, elle modèle totalement la vision que l’homme a de la réalité, elle écarte les jeunes de leur milieu naturel. Or aujourd’hui la société thermo-industrielle est en train d’échouer, le chômage est structurel, l’approvisionnement alimentaire pour des villes tentaculaires est de plus en plus complexe et fragile. L’école actuelle ne prépare pas au monde de demain, qui subira chocs pétroliers et réchauffement climatique.

« Les métiers de demain ne permettront pas d’avoir de plus en plus de mobilité, un écran télé de plus en plus grand et de plus en plus de bifteck dans son assiette. Quand le prix de l’énergie va monter, le travail va diminuer en ville et augmenter dans les villages, qui sont plus près des ressources stratégiques. Pense à cela pour ne pas te tromper d’études, car il faut se former pour exercer un métier de demain. Cela implique d’accepter de ne pas faire des études longues à la fac, mais de devenir agriculteur ou menuisier. » [Le changement climatique expliqué à ma fille de Jean-Marc Jancovici (Seuil, 2009)]

J’ai perdu trop d’années en faculté, rien de ce qui y était enseigné n’était vraiment utile. Il me fallait ingérer la loi de la rente foncière et celle des avantages comparatifs, le prix naturel du travail et autres fadaises ! Les concepts qui sont utilisés en sciences économiques me semblaient frelatés, contradictoires, indécis. L’urgence écologique n’implique pas l’allongement de la scolarité et l’enseignement supérieur ouvert à tous. Une structure qui forme des écocitoyens se contente de dispenser des notions de santé, d’agriculture, d’utilisation rationnelle de l’eau, d’habileté manuelle. Il est préférable que l’école soit dotée de jardins potagers plutôt que d’une bibliothèque aux écrits inaccessibles. Penser librement, c’est aussi contester cette fabrique à institutionnaliser les inégalités, l’école.

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Doryphore, l’agriculture post-moderne

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

Bien qu’habitant le centre ville de Bordeaux jusqu’à plus de vingt ans, j’ai toujours eu un contact étroit avec la vie de la terre en allant chez mes grands-parents à Beylongue, au cœur des Landes. Le jardin potager devant la maison, les mules du paysan qui buvaient à l’abreuvoir de l’autre côté du chemin, les raisins qu’on pressait en marchant dessus dans une grande cuve. On tuait le cochon devant chez nous, près de la route, au vu de tous, on n’avait pas besoin des abattoirs. Les jeunes participaient au travail des adultes .Je tenais la queue du cochon au moment où on l’égorgeait, on me disait que cela facilitait son immobilisation. A l’époque, on ne parlait pas d’agriculture biologique, mais presque toute l’agriculture pratiquait de fait des méthodes naturelles. Je me souviens encore du plaisir que j’avais dans les années 1960 d’aller ramasser à la main avec mon grand-père les jolis doryphores qui s’installaient sur ses plants de pommes de terre ; leur démographie était aussi galopante que les ravages qu’ils pouvaient exercer…

Bien plus tard le Français Yves Chauvin, prix Nobel de chimie obtenu en 2006 pour avoir expliqué les mécanismes incompréhensibles de la réaction dite de « métathèse des oléfines », déclarait la même année dans la presse. « On proteste contre les pesticides et les herbicides, mais on a la mémoire courte. Qui se souvient des invasions de doryphores en 1938 dans les champs de patates ? Pour l’agriculture, ça a été une catastrophe. Mon épouse avait 8 ans, elle n’allait plus à l’école pour aller ramasser les doryphores à la main. C’était certes très écologique, mais accepterait-on cela aujourd’hui ? » Le chimiste disait aussi que la nature était notre ennemie. Pourtant, dès les années 1960, on dénonçait l’impasse chimique.

« Tout au long de l’agriculture prémoderne, les insectes ne posaient quasiment pas de problèmes aux paysans. Les ennuis sont apparus avec l’intensification de l’agriculture – lorsque l’on a commencé à consacrer d’immenses superficies à une seule récolte. C’est ce système qui a créé les conditions favorables à la multiplication explosive de certaines espèces d’insectes… Nous avons à résoudre un problème de coexistence avec les autres créatures peuplant notre planète. Nous avons affaire à la vie, à des populations de créatures animées, qui possèdent leur individualité, leurs réactions, leur expansion et leur déclin… Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue. » [Rachel Carson, Le Printemps silencieux (1ère édition 1962, Wildproject 2009)]

En mars 1971, grâce à mes études en sciences économiques, j’avais réalisé que l’agriculture était vraiment le secteur primaire, au sens de fondamental, absolument nécessaire à notre subsistance, produisant un surplus sans lequel il n’est rien d’autre possible. Les physiocrates considéraient au XVIIIe siècle que seule l’agriculture est productive. Ils avaient raison. Or d’une part il y a destruction de la terre nourricière, d’autre part il y a coupure de plus en plus radicale de l’homme envers la terre. Sur la plus grande partie de l’histoire de la Terre, la formation des sols a été plus importante que leur érosion. Aujourd’hui l’association de l’agriculture productiviste et chimique, de l’élevage intensif et des autres activités humaines ont inversé la tendance. Le circuit de distribution est de plus en plus complexe, donc de plus en plus fragile ; une désorganisation pourrait entraîner panique et peut-être même famine. Seule une agriculture à taille humaine et riche en main d’œuvre peut s’assurer de la durabilité des processus de production. L’agriculture biologique devrait devenir la norme, elle imite la Nature en pratiquant le recyclage, les déchets d’un organisme sont la subsistance d’un autre, les parasites se contrôlent les uns les autres. Mais il y aura bientôt 9 milliards de personnes à nourrir en 2050, l’agriculture n’est qu’un aspect de l’équilibre précaire alimentation/population.

Ne pas agir sur la démographie humaine mène à l’impasse. En attendant d’autres émeutes de la faim, cultiver son jardin potager est la meilleure des occupations. Je plante chaque année quelques arbres fruitiers, on sait jamais, cela pourrait servir… A quand les villes fruitières ? A quand les jardins d’ornement, publics et privés, remplacés par une culture nourricière ?

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, l’agriculture post-moderne Lire la suite »

Devoir, contre-partie nécessaire de nos droits

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Je n’ai jamais reçu de compliments de la part de mon père. Comme il arrivait à ses derniers couchers de soleil, j’avais insisté auprès de lui pour savoir ce qu’il pensait de moi. Qu’il cite au moins une de mes qualités, telle était mon espérance ! Mon père réfléchit un instant et me dit : « Tu as toujours fait ce que tu devais faire. » Je crois que c’est le plus formidable compliment que j’ai pu entendre au cours de ma vie déjà longue. C’est à moi qu’il incombe de déterminer où est mon devoir dans cette existence. Puisque j’avais selon mon père accompli au mieux cette tâche fixée implicitement, j’avais donc réussi ma vie. Je retrouvai là l’enseignement des stoïciens pour qui le sage « fait tout bien », et donc ne peut perdre en sagesse. Il n’y a pas de mode d’emploi, aucune recette à appliquer de manière prédéfinie et intangible. A chacun de déterminer sa propre voie. La sagesse est dans l’attitude, pas dans les moyens ni même dans le résultat. Accomplir sa tâche consiste seulement à faire tout de la meilleure manière possible. Dans la sagesse populaire, on trouve d’ailleurs cette expression : « Fais ce que tu dois, advienne que pourra. » A l’heure où tout le monde s’exprime en terme de droits, droits de l’homme, droit de l’individu, droit des enfants… nous avons oublié que tout droit a nécessairement une contre-partie sous forme de devoir.

Le 28 février 2005, la Charte de l’environnement était approuvée par les parlementaires français réunis en Congrès pour lui donner une valeur constitutionnelle : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse du devenir de l’homme ». J’étais heureux de voir enfin un texte de référence souligner le fait que les êtres humains ont aussi des devoirs, pas seulement des droits.

« Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

« Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

« Art. 4. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.

« Art. 8. – L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

Souvent maintenant j’utilise cette recommandation à la fin d’une conférence : « Fais ce que tu dois ». Il faut agir selon sa conscience et à chacun de se déterminer de façon autonome. De toute façon agir au mieux pour la planète ne peux avoir d’efficacité globale, notre action personnelle ne constitue qu’une infime partie des milliards d’êtres humains qui entrechoquent leurs comportements alors que des institutions bloquent les évolutions nécessaires. De plus il n’y a pas de mode d’emploi, aucune recette à appliquer de manière prédéfinie et intangible.

J’ai écrit ce livre… parce que je le devais. Il cheminait dans mon esprit depuis plus de vingt ans. Maintenant, à chacun de faire sa part, la part du colibri. Le plaisir sera donné de surcroît à qui fait ce qu’il doit.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Démographie, le problème ignoré

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

L’année de ma naissance en 1947, la population mondiale était de 2,3 milliards, plus exactement 2 325 000 000 personnes, ce qui est un chiffre déjà vertigineux. Si je vis centenaire, les statistique mondiales prévoient 9,275 milliards d’êtres humains en 2047, soit une multiplication par 4 au cours de mon existence. Insupportable. Comment nourrir suffisamment et loger décemment 7 milliards de personnes de plus au cours d’un seul siècle ? J’ai pensé depuis longtemps que la population humaine était trop nombreuse. Le 4 décembre 1970, à 23 ans, j’écrivais dans mon carnet de notules comment je voyais le monde tel qu’il devenait :

Un jour les gouvernements seront obligés de supprimer les voitures

Ils seront obligés de laisser tuer des enfants bien portant

Il y aura des guerres civiles et internationales en même temps

Des gens mourront parce que l’eau potable manquera

Le ciel sera obscurci de bruits et de fumées

La terre sera sillonnée de bandes armées déchaînées

Notre vie ne tiendra qu’à un fil, la raison du plus fort

Les villes seront pillées et l’armée deviendra brigands

Car les gens ne sont pas préparés intellectuellement

A agir rationnellement contre surpopulation et pollution.

En mars 1972 j’adhère de cœur et de conviction raisonnable au mouvement américain « Zero Population Growth » (fondée en 1968) : son objectif, stabiliser la population mondiale. Je suis conscient qu’un enfant supplémentaire est une charge pour la famille (nourriture, éducation…) et pour la société (gonflement structurel du chômage, boursouflure du secteur tertiaire…). En 1972 je lisais aussi le rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance.

« Si les tendances à la croissance de la population du monde, l’industrialisation, la pollution, la production de nourriture et l’épuisement des ressources restent inchangés, les limites à la croissance sur cette planète seront atteintes un jour ou l’autre dans les cent prochaines années. Le résultat le plus probable sera une baisse plutôt soudaine et incontrôlable tant de la population que de la capacité industrielle. »  [Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology, The Limits to Growth (traduction française Halte à la croissance ? aux édition Fayard, 1972)]

En 1974, j’ai abandonné mon slogan favori, « élection piège à cons ». J’ai voté pour la première fois (à 27 ans) car un candidat écolo se présentait à la présidentielle, René Dumont. Enfin un vrai message pour le siècle prochain ! René, un agronome bien au fait des problématiques alimentaires mondiales, sonnait le tocsin démographique dans son programme.

« Depuis 1650, la population du globe a augmenté à un rythme exponentiel. Nous sommes près de 4 milliards, nous serons 7 milliards en l’an 2000 ; même avec une réduction importante des taux de fécondité, on ne serait pas loin de 6 milliards. C’est la FIN du monde ou la FAIM du monde. Nous sommes les premiers à avoir dit que la croissance démographique doit être arrêtée d’abord dans les pays riches, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers-Monde, par le gaspillage des matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesse. L’homme attaque la nature depuis 100 000 ans par le feu, le déboisement, le défrichage, etc. Nourrir plus d’homme implique la destruction du milieu naturel. Du reste, si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La « France de 100 millions de Français » chère à M.Debré est une absurdité.« [René Dumont, L’écologie ou la mort (à vous de choisir), les objectifs de l’écologie politique (éditions Pauvert, 1974)]

Cette même année 1974 s’est tenu la première conférence mondiale sur la population (The World Population Conference) réunissant les gouvernements. On y a mesuré l’impossible dialogue entre les personnes qui se sentent concernées par les limites de l’œkoumène et les personnes qui sont enrégimentées par leurs propres croyances. Dès le début de la conférence, de vives réactions se sont manifestées contre l’idée maîtresse de diminuer le nombre de naissances pour réduire les difficultés économiques. Ce débat renouvelait, presque de façon identique, celui qui a opposé les idées malthusiennes à des économistes chrétiens et à tous les socialistes, d’Owen à Marx ; pour eux, il n’y avait pas de problème démographique, il y avait seulement un problème de répartition des richesses. La deuxième conférence mondiale sur la démographie à Mexico en 1984 n’a laissé aucune trace, et la troisième en 1994, au Caire, est devenu « Conférence internationale sur la population ET le développement ». Un Programme d’action sur vingt ans a été adopté, axé sur les besoins et les droits des individus plutôt que sur la réalisation d’objectifs démographiques. On prévoyait le passage d’une population mondiale de 5,6 milliards en 1994 à une stabilisation à 7,8 milliards en 2050, mais les dernières statistiques projettent aujourd’hui 9 milliards d’humains minimum en 2050… La question démographique m’a toujours paru cruciale, les conférences gouvernements ignorent le problème ou, comme en France, prennent des mesures de soutien à la fécondité.

J’ai coordonné début 2014 un livre à 13 auteurs « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) », mais les médias (et même certains décroissants) s’opposent à l’idée d’une maîtrise de la fécondité humaine. La norme mondialisée d’un enfant par femme me semble pourtant une nécessité. Quant à mon positionnement très personnel, je n’ai eu qu’un seul enfant biologiquement parlant, ce qui n’empêchait pas d’en élever bien d’autres… Quatre au total.

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Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

 

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Croissance, un objectif économique débile

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Au début des années 1970, l’idiotie de la croissance économique n’était encore perceptible par personne. Étudiant en faculté de sciences économiques entre 1967 et 1971, j’en sais quelque chose. Pourtant Pierre Massé, du commissariat au plan, écrivait à l’époque que si la production continuait de progresser à son rythme actuel, elle conduirait à doter en 2070 chaque Français d’une centaine d’automobiles et à fabriquer avant l’an 3000 un volume de produits manufacturés dépassant celui de la Terre, de la Lune et de Vénus réunis. En 1971 je note ma perplexité : « Pourquoi la croissance, pourquoi consommer, pourquoi toujours plus, pourquoi faire des enfants ? Pourquoi se déplacer, pourquoi ne pas trouver le bonheur avec sa voisine de palier ? A quoi sert-il de consacrer des millions de francs pour découvrir un nouveau produit pharmaceutique quand on sait par ailleurs que le cancer est causé en grande partie par la multiplication des substances carcinogènes ! La solution, remplacer le plus avoir par le plus être. Jusqu’ici les médias diffusent les mythes de la société moderne, la richesse, le développement, l’exhibitionnisme et le gaspillage… Je considère personnellement comme possible la décroissance. »

Pourtant tout autour de moi on ne jurait déjà par la croissance, les « Trente  Glorieuses ». C’est idiot, c’est un déni de réalité. Le 15 Juin 1972, je découpe un article sur le cri d’alarme de Sicco Mansholt, président de la commission du Marché commun : « La race humaine, menacée par la pollution, l’accroissement démographique et la consommation désordonnée de l’énergie, doit modifier son comportement, si elle veut tout simplement ne pas disparaître… La grande crise devrait culminer autour de l’an 2020. » Même jour, un autre article où s’exprime Philippe Saint Marc : « Nous sommes dans un train qui roule à 150 km/h vers un pont coupé. Le monde court à la catastrophe écologique s’il ne procède pas rapidement à une réorientation fondamentale de la croissance économique. » Ces déclarations se basaient sur le rapport au club de Rome (sur les limites de la croissance) publié en juillet 1971. J’ai lu ce livre aussitôt que paru en langue française.

« Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire. Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. » [Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology, The Limits to Growth (traduction française Halte à la croissance ? aux édition Fayard, 1972)]

Exactement comme un cancer qui étend ses métastases et finit par détruire les système vitaux sur lesquels il repose, une économie en expansion continue détruit de plus en plus rapidement l’hôte qui le nourrit, la Biosphère. La croissance pour la croissance, c’est l’idéologie de la cellule cancéreuse. Que faut-il faire ? Sicco Mansholt répondait : « Il faut réduire notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance, celle de la culture, du bonheur, du bien-être. C’est pourquoi j’ai proposé de substituer au PNB « l’Utilité nationale brute » ou, comme on le dit plus poétiquement en français, le Bonheur national brut. »

Sauf à attendre une avancée technique improbable qui de toute façon va créer plus de problèmes qu’elle n’en résoudra, il n’y avait pour moi qu’une seule réponse, en phase avec les réalités biophysiques : je suis devenu objecteur de croissance avant la popularisation de cette expression car la volonté d’augmenter indéfiniment le PIB dans un monde fini me paraissait une absurdité. J’ai animé en septembre 2002 un débat montrant que seule la décroissance du niveau de vie de la classe globale pouvait sauver la planète. Devant la surprise et l’incompréhension de mon assistance (tous des encartés… chez les Verts), j’ai compris que l’écologie ne pouvait pas encore passer par l’abandon raisonné et volontaire de notre confort, même quand on se veut politiquement très vert. Il n’empêche que la décroissance humaine, qu’elle soit décroissance démographique, décroissance productive ou décroissance de la vanité humaine, est la seule issue raisonnable à la crise qui s’annonce. L’histoire de notre vie est rythmée par la naissance, la croissance et la mort. On ne peut échapper aux cycles de la nature. Sauf à vouloir nous entre-tuer davantage, ce qui est une option toujours possible.

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Compétition, un système inhumain

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

J’ai été un père assez contradictoire, adepte de la coopération mais cultivant chez mes enfants le goût de la compétition. Trouver la meilleure pédagogie possible n’est pas facile. Si mon fils obtenait 16 sur 20 en mathématiques, ma première réaction n’était pas pour le féliciter, mais de lui demander quelle était la meilleure note dans la classe. Il faut dire que j’avais de qui tenir. Mes parents m’ont inscrit en sixième avec les options allemand et latin. « On m’a dit que c’était la meilleure classe », m’a expliqué ma mère. « Mais à toi de jouer maintenant, ni ton père ni moi ne maîtrisons ces langages. » Ce n’est donc pas un miracle si j’ai suivi une classe préparatoire, ainsi que mes deux enfants. Le contexte familial s’y prêtait, il s’agissait de se dépasser soi-même.

Mais au niveau social, dans notre système libéral et hiérarchisé, il ne s’agit plus d’une progression individuelle, il s’agit de s’opposer aux autres. On ne recherche plus la compétition pour le plaisir, mais pour gagner (ce qui fait obligatoirement des perdants). A l’orée de sa vie active, ma fille avait bien compris ce que le système attendait d’elle : « Il faut savoir se vendre sur le marché de l’emploi. » Ce qui veut dire que ceux qui sont formatés pour réussir sont quasiment sûr d’atteindre un (bon) emploi, mais que les autres ont une forte probabilité de se retrouver au chômage durable. La capacité d’un individu de faire des efforts pour améliorer sa propre performance est détournée de son sens de perfectionnement personnel pour être mis au service de la concurrence marchande et du management. Et l’écologie dans tout ça ? Nous connaissons le résultat de la concurrence généralisée et de la compétition internationale : le pillage de la planète, le jeu dangereux à qui sera le plus rapide pour mettre la main sur les ressources naturelles et faire du profit à son seul avantage. Les plus forts écrasent les plus faibles.

– « La compétition entre les espèces est un jeu à somme nulle, ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres. Le dualisme cartésien pourrait dans l’avenir être avantageusement remplacé par un holisme écologique. » [Deep ecology for the 21st century (1995, COLLECTIF/George SESSIONS)]

– « Le dualisme cartésien était l’une des pièces maîtresses d’un mode de pensée qui divise l’esprit et la matière, sépare le corps et l’esprit, et considère le monde comme une série d’objets à analyser et à contrôler. Pour le non-dualisme, l’individualisme est complémentaire de l’universalité ; les espèces ne sont pas en compétition, mais en symbiose. Le mutualisme et la réciprocité sont les principes de base de l’existence. Or qui dit réciprocité dit relation. Nul n’est une île. Les îles ne le sont qu’en relation à l’eau qui les entoure. » [Satish Kumar, Tu es donc je suis (une déclaration de dépendance) (1ère édition 2002, Belfond, 2010)]

– « Si la compétition existe évidemment dans la Nature, elle est temporaire et limitée ; la Nature privilégie les arrangements stables impliquant l’auto-limitation, le recyclage et la coopération. » [Richard Heinberg, Pétrole, la fête est finie (1ère édition 2003, Résistances 2008)]

Des trois modes de régulation des rapports sociaux, la coercition, la coopération et la concurrence, l’idéologie libérale n’a voulu retenir que la troisième. Cette concurrence était autrefois réservée à quelques marchandises et à un petit nombre de marchands, ses conséquences étaient donc limités. Mais elle se présente aujourd’hui comme le mode normal de régulation sociale au niveau local et mondial. Elle s’est donc généralisée en supprimant aussi bien les relations de solidarités familiales que territoriales pour installer à la place une concurrence exacerbée entre individus et une fausse concurrence entre entreprises (à la recherche d’entente ou de monopole). De plus ce mode de concurrence a constamment nié le nécessaire équilibre de l’activité humaine avec l’environnement naturel.

Je voudrais vivre dans une société qui suive d’autres règles que le capitalisme, qui désire la coopération plutôt que la compétition, le bien commun plutôt que le profit, l’écologie intégrée plutôt que l’économie concurrentielle. Stuart Mill avait écrit :

« La concurrence est pour le présent une nécessité indispensable au progrès, mais la coopération est le plus noble idéal, l’émulation fraternelle pour la poursuite du bien de tous. »

Si l’on ne parvient pas à imposer des logiques coopératives, l’évolution autoritaire du capitalisme libéral le poussera à détériorer toujours plus les relations humaines et les conditions de vie sur terre.

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Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

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Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

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Chasse, une activité dénaturée

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Le fusil était à l’honneur dans la famille. Mon grand-père paternel était chasseur. Il faisait lui-même ses cartouches. Il m’amenait à l’affût. Nous restions des heures à savourer la nature. Et à tuer ! J’ai connu bien des pratiques discutables, comme ces palombes qui servaient d’appeau et dont on avait crevé les yeux pour qu’elles soient plus tranquilles, ne battant des ailes qu’à la commande. On étranglait le gibier blessé, comment l’achever autrement et proprement ? J’arrachais la langue des étourneaux, mon grand-père disait que sinon l’oiseau aurait un « goût de fourmi ». Les lapins étaient nombreux, le gibier encore sauvage. Puis les lapins ont eu la myxomatose. Et le faisan ne s’envolait plus devant moi, il était apprivoisé et sortait d’un élevage. J’ai arrêté de chasser. La chasse n’était plus ce qu’elle était, une viande d’appoint pour une famille installée à la campagne. Les chasseurs sortent maintenant des villes, avec leur voiture et leur fusil à répétition.

« Le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à « voir » le jardin à côté de chez lui. » [Aldo Leopold, Almanach d’un comté des sables ( 1946, Flammarion 2000)]

La plupart des chasseurs considèrent les écologistes comme des ennemis. Ils ne voient pas que leur ennemi, c’est eux-mêmes et leurs pratiques de « tableau de chasse ». Nous ne sommes plus à l’époque de la chasse et de la cueillette, nous sommes trop nombreux sur chaque territoire, limitant de façon démesurée l’espace de la vie sauvage.

« Comment un million de chasseurs français pourrait-il évoluer à son aise dans des paysages urbanisés, fragmentés et « désanimalisés » ? Si le nombre des chasseurs se réduit constamment, l’omnipotence du lobby-chasse perdure, transformant le Parlement de ce pays en comice agricole du XIXe siècle et paralysant le ministère de l’environnement. Le chasseur constitue, pour le législateur, la seule espèce protégée et jusqu’à l’an 2000 le non-chasseur n’avait même pas d’existence juridique. Je ne suis pas contre la chasse, mais plutôt pour le respect de tout être sensible, pour la fin de la souffrance gratuite. Ce livre n’a pas été écrit contre qui que ce soit, mais d’abord pour le vivant, pour la nature, en vue d’un acte de paix, et non de guerre. Ce livre traitera de la chasse-loisir. Personne en France ne chasse plus pour se nourrir. » [Gérard Charollois, Pour en finir avec la chasse (la mort-loisir, un mal français) (Radicaux libres, 2009)]

Un chasseur pourrait devenir un véritable écologiste, inscrit dans une association pour redonner à la nature son exubérance naturelle et ses animaux sauvages. Il deviendrait alors simple promeneur, humant l’air des sous-bois et la chaleur des prés, admirant le vol d’un oiseau et l’effilochement d’un nuage. Pourquoi pas chasseur d’images, s’il veut conserver chez lui à vie le vol d’une perdrix ou la fuite d’un renard. Un chasseur devrait se contenter de regarder la nature sans y toucher, comme en  plongée sous-marine. Quant à la surpopulation des chevreuils, il n’y a pas assez de lynx en France ! Reste les sangliers, mais si on veut se permettre de réguler une population, commençons par maîtriser notre propre fécondité…

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

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Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

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