spiritualités

Cannabis, une dépénalisation absurde

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Je n’ai jamais eu besoin de stimulants artificiels pour me sentir bien dans ma peau. Pour le cannabis, j’ai juste aspiré une fois quelques bouffées d’une cigarette qui tournait lors d’une réunion avec quelques copains de fac. Juste pour essayer. Bof, sans effet. Je ne fumais pas de cigarette, je n’éprouvais pas le besoin d’être à la mode. Pourtant le cannabis revient périodiquement en page une des médias. LE MONDE n’échappe pas au culte du sensationnalisme, avec gros titre, Cannabis : vers la fin de la prohibition. Un économiste s’y fait le chantre de la légalisation de la marijuana. Selon Pierre Kopp, il n’y aurait que des avantages : « s’éviter le coût exorbitant de la guerre à la drogue, éliminer l’économie parallèle, dégager de nouvelles recettes pour l’Etat, faire comme tout le monde [LE MONDE du 3 janvier 2014]. » Pourtant, ne prendre en compte que la dimension policière et économique de l’usage du cannabis pour plaider en faveur de sa vente libre est une curieuse façon d’envisager le problème. En fait cela n’empêcherait pas le transfert de l’économie parallèle vers d’autres drogues. Approuver un Etat dealer paraît aussi très bizarre et prendre comme exemple à suivre l’Uruguay et l’Etat du Colorado n’est pas une justification.

Le problème supplémentaire, c’est que certains écolos sont sur la même ligne. La dépénalisation du cannabis, c’est « la position » des Verts, depuis « très longtemps ». En tant que chef du parti, Cécile Duflot ajoutait publiquement en juin 2012 : « Il faut considérer que le cannabis, c’est comme l’alcool et le tabac, même régime ; une politique de santé publique et de prévention, notamment vis-à-vis des plus jeunes. » Ce positionnement résulte d’un amalgame au moment de la formation des Verts entre deux types de tendance. D’un côté un gauchisme issu de mai 1968 bercé par les illusions du slogan « il est interdit d’interdire » ; de l’autre l’écologie scientifique qui s’intéressait au devenir des écosystèmes et qui a débouché sur l’écologie politique.

Rappelons que le principe actif du cannabis, le THC (tétrahydrocannabinol), est inscrit sur la liste des stupéfiants. Des doses fortes entraînent rapidement des difficultés à accomplir une tâche, perturbant le positionnement dans le temps, la perception visuelle et la mémoire immédiate. Est-ce cela qu’on attend d’un écolo, l’inconscience citoyenne ? Il y a des difficultés de concentration, donc des difficultés sociales, une dépendance psychique possible, des dédoublements de la personnalité… Ces effets peuvent se traduire par une forte anxiété et favoriser la survenue de troubles psychiques. Une vaste étude néo-zélandaise montre que la consommation précoce et prolongée de cette « drogue douce » peut entraîner une baisse significative et irréversible du quotient intellectuel… Une autre étude suggère que le cannabis favoriserait certains types de cancer du testicule… Le risque de développer une dépression est cinq fois plus élevé en cas d’abus de cannabis chez l’adolescent… etc. Face à ces risques, se revendiquer du principe de la liberté individuelle pour justifier la dépénalisation me paraît dérisoire.

On ne naît pas un pétard à la bouche, dépénaliser c’est favoriser. Nous savons combien il est difficile de résister à l’addiction à l’alcool ou au tabac, il n’est nullement besoin de favoriser une drogue supplémentaire. Se multiplier artificiellement empêche d’affronter la réalité de façon plus consciente… D’autant plus que le cannabis est souvent un produit importé, un comble quand on prône la relocalisation. Quant au cannabis produit sous serre en France, bonjour la consommation d’énergie ! Aux surfaces cultivées pour produire de l’alcool, du tabac ou du cannabis, on ferait mieux de privilégier les cultures vivrières et de laisser le plus possible de surface non cultivées pour la biodiversité. ll faudrait que l’écologie politique abandonne son aspect permissif pour atteindre sa maturité. Il faudrait que Cécile Duflot sache dire « Non, cela ne doit pas se faire ». Un peuple écolo est un peuple exemplaire, il ne fume ni tabac, ni cannabis. Simplicité volontaire oblige. Bien sûr chacun détermine ce qui doit être son bonheur. Mais on peut aussi concevoir que le bonheur ne résulte pas des paradis artificiels.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

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Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

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Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

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Barbe, un attribut des hommes

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Je suis barbu. Je suis barbu parce que ma barbe pousse. Tout simplement, spontanément, naturellement. Bien sûr cela ne suffit pas pour expliquer mon refus du rasoir. Je ne me souviens pas du moment exactement où j’ai laissé ma barbe. La mode hippie diraient certains. La réaction contre une société traditionaliste diraient d’autres. C’était après mai 68, j’atteignais la majorité de l’époque (21 ans). Ma révolte contre l’autoritarisme socio-familial prenait des contours plus précis, plus engagés, plus apparents pour tout dire. Barbe et cheveux longs, très longs. Toujours le même anorak noir sur le dos, toujours ou presque le même pantalon. Mon père me disait bien que je changerai, car « quand j’aurai moi aussi femme, enfants et beaucoup d’emmerdements, je n’aurais plus le temps de penser ». Je suis resté le même et j’ai approfondi les termes du débat. Pour les garçons la transformation du duvet en barbe révèle la fin de l’adolescence et l’identité masculine, un véritable ancrage dans une spécificité corporelle. A mon avis il faut rester nature, il ne faut pas se raser.

Le fait de se raser n’indique pas une convergence des sexes ou l’éloignement de l’homme  de son origine animale. Les garçons sont en fait victimes d’une instrumentalisation : le poil était devenu le cœur d’une nouvelle cible, à des fins mercantiles. On a inventé les rasoirs mécaniques ou électriques, bravo les ingénieurs au service du profit ! C’est la civilisation thermo-industrielle, son rasoir et ses lames jetables qui a transformé le monde occidental en cohortes de mâles bien propres sur eux… Les médias sont de la partie, LE MONDE nous explique :

« La mode est à la barbe, ou plutôt au rasage irrégulier… L’homme non rasé serait jugé séduisant puisque le regard de la femme aurait changé… La barbe témoignerait d’une sorte de paresse… Mais l’heure est à la reconquête, raser n’est plus une corvée c’est un plaisir, affirment les marques de rasoir… En France, 419 millions d’euros de rasoirs manuels et de lames en 2009, ce n’est pas rien. (1er décembre 2010, La barbe, nouvel attribut de séduction). » J’ai ressenti fortement l’emprise des fabricants sur le contenu de cet article : « Le rasage est un véritable rituel… L’enjeu pour les ingénieurs est d’être capable de développer un produit qui réponde à des pratiques… Il faut tenter de persuader ce consommateur casanier de tester le produit dernier cri… »

Le journaliste ne répond pas la question de fond : Faut-il se raser ? Ce sont les considérations écologiques sur la bêtise insondable d’une croissance infinie dans un monde fini qui répondent à cette question.

« Il faut nous guérir du circumdrome du rasoir électrique, qui consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini… Il est important que les consommateurs se rééduquent eux-mêmes dans le mépris de la mode. » [Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance – entropie, écologie (éditions Sang de la terre, 1979)]

Autour de nous, toute chose s’oxyde, se casse, se disperse, etc. N’en rajoutons pas inutilement avec des lames jetables et des rasoirs à cinq lames. Toujours plus de rasoirs signifie forcément un facteur d’entropie, la matière tout comme l’énergie se dissipe continuellement et irrévocablement. Je suis barbu, comme tout écolo qui se respecte. C’est un témoignage parmi d’autres d’un retour à la nature contre la civilisation de l’apparence. Se raser, c’est rasoir. Laissons la barbe pousser…

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Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

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Austérité, véritable source du bonheur

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Je mène une vie relativement austère, on me traite parfois de moine. Mais pour moi l’austérité est plus un idéal qu’un chemin de croix. Il n’en est pas de même dans la société actuelle. Une grève générale avait été organisée le 14 novembre 2012 par les mouvements sociaux du Portugal, de l’Espagne, de la Grèce, de Chypre et de Malte ;  le même jour, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelait à une « journée d’actions » en Europe. Le trait commun ? Manifester « contre l’austérité ». Pour moi cette thématique est hors contexte alors qu’il y a épuisement de la planète par notre mode de vie dans les pays développés. D’autres questions plus pertinentes devraient être soulevées par les syndicats : cette grève ne serait-elle pas un soutien indirect au patronat qui s’acharne à nous vendre de la merde après avoir vidé nos cerveaux grâce à la pub ;  les travailleurs sont-ils d’accord pour qu’un pays continue de vivre à crédit ; ne faudrait-il pas reconsidérer le niveau de vie dans un monde occidental qui vit au-dessus des possibilités de la planète ? Refuser le « potage de l’austérité » ne peut être qu’une formule politique, pas un programme économique, encore moins un projet écologique.

« A relire, vingt ans plus tard, les textes fondateurs de l’écologie politique et radicale, ceux Ernst Schumacher, d’Ivan Illich, Murray Bookchin, André Gorz, Serge Moscovici, Cornélius Castoriadis ou René Dumont, on est frappé par la similitude des solutions qu’ils préconisaient. Pour eux il n’existait pas de demi-mesure possible. Il fallait changer d’ethos (de mœurs) et abandonner le principe moderne de l’insatiabilité des besoins individuels. Il était devenu vital de considérer un nouveau principe, celui d’austérité volontaire. Mais cette conversion était indissociable de la reconquête par les individus de la capacité à définir et satisfaire eux-mêmes leurs besoins. Les hommes devaient se libérer de l’emprise économique et culturelle de l’Etat et du marché, se défaire du besoin fabriqué par les sociétés de service. Ils devaient, au sein de structures conviviales, en mettant en œuvre des techniques à échelle humaine et en produisant des valeurs d’usage plutôt que d’échange, retrouver la faculté de vivre de manière autonome et de recouvrer les moyens politiques de préserver leurs choix. » [P. Alphandéry, P. Bitoun et Y. Dupont, L’équivoque écologique (La découverte 1991)]

Comme l’écrivait René Dumont : « Lorsque j’emploie le terme d’écologie socialiste, je veux dire ceci : une société respectueuse exige une certaine austérité – par opposition au gaspillage -, et cette austérité n’est acceptable qu’avec une réduction marquée des inégalités ».

L’austérité est bonne pour la postérité, car si nous consommons moins, nous léguerons davantage à nos enfants. Il faut savoir faire la différence entre le nécessaire et le superflu, entre ce qui est suffisant et ce qui est excessif. Et cette connaissance nous libère du joug de la consommation obsessionnelle. Un écologiste sincère se positionne pour une politique d’austérité partagée, liant la réduction de l’endettement public à une diminution de la fonction publique tout en relocalisant fortement les activités publiques et privées. Comme il faut ajouter à la dette financière la dette écologique, qui amenuise encore plus la possibilité de ressources futures, la purge n’en sera que plus difficile à avaler. Dans un contexte de pénuries croissantes, ce qui attend les pays riches est nécessairement une cure d’austérité généralisée dont la Grèce depuis quelques années n’est qu’un signe précurseur. La biosphère s’en trouvera soulagée…

La décroissance maîtrisée, c’est en fait l’austérité, mais une austérité qui doit, pour être acceptée, s’accompagner d’une limitation drastique des inégalités de revenus et de modes de vie. Ceux qui pratiquent la simplicité volonté et la sobriété énergétique sont des précurseurs qu’il nous faudra imiter un jour ou l’autre, de gré ou de force. Un objecteur de croissance récuse la décroissance subie, celle que nous prépare un capitalisme avide. J’essaye d’être cet objecteur, mais je ne vis pas comme Diogène dans un tonneau !

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

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l’humain, un Animal parmi d’autres

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

J’avais affirmé à ma petite fille de 6 ans, Zoé, que l’homme était un animal parmi d’autres. Réaction spontanée de l’enfant : « Mais Papi, les animaux ne sont pas comme nous, ils ne parlent pas ». Ainsi commence l’anthropocentrisme, l’idée d’une supériorité de la race humaine puisque nous nous jugeons différents, dans le sens « supérieurs », inégaux. Je lui ai appris ce qui ne va pas de soi pour un enfant, la richesse du langage chez les animaux. Par exemple, la maman dinde a une incroyable gamme vocale pour s’adresser à ses petits. Et les petits comprennent. Elle peut les appeler pour qu’ils viennent se blottir sous ses ailes, ou bien leur dire de se rendre à tel endroit. Plus tard j’ai demandé à Zoé ce que mangeait un veau : « Bien sûr de la viande ! » Je lui ai alors fait trouver par elle-même que le veau buvait le lait de sa mère, comme Zoé quand elle était petite : « Nous sommes des mammifères, comme les vaches. Les femelles ont des glandes mammaires et nourrissent leurs petits de leur lait. » Il y a 4000 espèces de mammifères, dont plusieurs centaines sont aujourd’hui menacées de disparition… par la faute du mammifère humain ! Nous devons abandonner notre anthropocentrisme destructeur pour mieux respecter les autres formes du vivant. Un insecte possède un cerveau, bien plus petit que celui d’un humain sans aucun doute, mais un cerveau quand même. L’escargot est également doté d’un ganglion cérébral, et d’un cœur avec une seule oreillette et un seul ventricule, mais un cœur tout de même. J’ai montré une coupe de l’escargot à Zoé. Le schéma d’organisation du vivant est assez similaire d’un bout à l’autre de la planète, homo sapiens ne constitue pas une exception !

Dans mon petit Larousse, il y a trois définitions du mot « Animal » :

1) être vivant, généralement capable de se mouvoir, se nourrissant de substances organiques.

2) être animé, dépourvu du langage (par opposition à l’homme).

3) Personne stupide, grossière ou brutale.

On peut donc répondre aussi bien que l’homme est bien un animal selon la première définition, que l’homme n’est pas un animal selon la seconde et que, d’après la troisième l’homme n’est pas un animal, bien qu’il soit traité d’animal ! Pour s’y retrouver, mieux vaut dire que celui qui veut différencier l’homme de l’animal fait preuve d’anthropocentrisme (les humains avant tout) alors que celui qui voit la proximité étroite entre l’homme et l’animal témoigne d’une humilité qu’on peut appeler biocentrisme : Homo sapiens est une forme de vie parmi d’autres, apprenons à vivre en harmonie avec toute la chaîne du vivant. C’est là une pensée fondamentalement écologique. La culture asiatique n’a jamais adhéré à la conception chrétienne de la primauté de l’humain et le shintoïsme comme le bouddhisme tendent à considérer que toutes les entités vivantes, y compris les plantes, existent sur un même plan. Dès lors qu’on reconnaît qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de supériorité de l’homme sur les autres espèces ne fonctionne pas. Aucune comparaison des différences n’implique une hiérarchie : on peut étudier des différences et des parentés, mais non pas construire une hiérarchie téléologique.

Toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont nos contemporains, issues du même processus d’évolution. Nous pouvons faire des différences entre les hommes et les femmes, entre les noirs et les blancs, entre les animaux et les végétaux, mais il n’y a pas en soi d’inégalités entre les espèces, pas de supériorité en soi de l’espèce humaine… Considérons enfin que si l’humanité peut vivre sans les baleines, les baleines pourraient bien mieux vivre sans les humains. Mettons-nous parfois à la place des non-humains, raisonnons comme un arbre ou un requin, nous comprendrons mieux notre insertion dans le monde des êtres vivants. Nous naissons animal, nous croyons devenir humain, nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, plus vorace que les autres.

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

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Amour… n’est que construction sociale

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Amour, une construction sociale trop orientée

La première fois qu’une fille m’a dit « je t’aime », j’ai osé répondre : « Que veux-tu dire par là ? » Autant dire que la rupture était déjà consommée dès les prémices. J’étais devenu sans le savoir féru de sociologie. Devenu par la suite professeur des sciences économiques ET sociales, j’ai pu argumenter que le relativisme culturel était une donnée de base. Dans mes cours de seconde, je lançais cette question en classe : « Le sentiment amoureux (dans un couple) est-il naturel ou culturel ». Les mains se lèvent, le verdict est unanime ou presque, ce sentiment est naturel. Le naturel pour les élèves correspond à la spontanéité. Je précise que « naturel » veut dire en réalité qu’un comportement est dicté par la génétique ; il s’agit d’un instinct, pré-programmé par notre biologie. Le naturel relève de l’inné, le culturel dépend de normes sociales. Comme il est très difficile de mettre à distance sa propre culture quand on ne possède aucune autre référence, les élèves confondent sans y penser « naturel » et « normal ». Je montre aux élèves que nos pensées et nos sentiments doivent bien surgir de quelque part. C’est notre cerveau qui nous permet de voir, sentir, ressentir. Notre comportement dépend de la socialisation effectuée dans un groupe ethnique particulier.

En Inde, en Afrique et dans les terres d’islam, on livre de jeunes adolescentes à un « promis » qu’elles ne connaissent souvent même pas. Dans les sociétés modernisées, la liberté de choix est valorisée, donc le sentiment amoureux. Dans l’un et l’autre cas, cela s’apprend. Dans notre culture occidentale très freudienne, les enfants vivent le complexe d’Oedipe vers trois-quatre ans : ils s’identifient à leur propre sexe, puis essayent d’imiter la relation amoureuse qui lie le père et la mère. Pourtant la tendance homogamique est toujours bien présente : qui se ressemble, s’assemble. Rares sont les femmes cadres qui épousent des ouvriers. La démonstration ainsi faite du conditionnement social de nos sentiments est un véritable choc pour les élèves. C’est pourquoi j’accompagne leur réflexion par une autre problématique amoureuse : « L’amour maternel est-il naturel ou culturel ? » La procréation étant naturelle, les élèves imaginent qu’au phénomène biologique de la grossesse doit correspondre une attitude maternelle prédéterminée, instinctive : « Mais monsieur, c’est obligé, une maman, elle aime son enfant ! » Pourtant une mère qui porte un enfant en son sein peut nourrir à son égard la haine la plus farouche, un enfant adopté peut être chéri par son père adoptif. Comme pour le sentiment amoureux, l’amour de l’enfant que témoigne le père ou la mère résulte d’un apprentissage.

Chez l’animal, il n’en est pas de même, le comportement est guidé principalement par des odeurs. Chez les mammifères (y compris les grands singes), la relation entre les sexes est soumise à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; les comportements sont dictés par des signaux chimiques, les phéromones. Pour les humains au contraire, la perte de l’œstrus met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Cette liberté totale est encadrée, comme le reste du comportement humain, par des normes et des interdits qui fixent les usages et les pratiques de la sexualité. La contrainte culturelle peut aller dans des sens complètement différents, endogamie ou exogamie, monogamie, polyandrie ou polygynie, homosexualité, bisexualité, hétérosexualité ou transsexualité… Tout ça pour dire que le mot « amour » possède une infinité de modes d’expression chez les humains. On ne naît pas amoureux, alors de quoi faut-il tomber amoureux ?

Personnellement je trouve le terme « amour » tellement galvaudé que je préfère l’expression « attention à autrui », altruisme. Mais cela n’est qu’une facette de l’amour, limitée aux relations inter-humaines. Trop souvent nous oublions l’intensité de l’amour qu’on peut porter à la nature et aux autres espèces vivantes. Aujourd’hui il y a encore des fous de dieu, parfois terroristes. Heureusement commence à se multiplier les amoureux de la nature. Ni la bible, ni le coran, ils veulent lire dans le livre de la Nature l’amour de toutes les formes de vie. En termes savants, on parle d’abandonner sa conception anthropocentrique (centré sur les humains) pour adopter une position biocentrique (ouvert au vivant) qui dépasse largement l’amour que certains portent à leur animal domestique (attitude encore anthropocentrique). Mais la réflexion est complexe, faut-il abandonner tous les insecticides, herbicides, fongicides, pesticides, raticides et autres biocides ? J’avoue tuer de temps en temps un moustique ou une mouche, avec la main ou la tapette…

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

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Alcool, ébriété ou sobriété ?

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Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Mes parents, de la génération de l’entre deux-guerres, ne buvaient jamais d’eau, que du vin. A l’époque l’apéritif n’était pas encore à la mode, mais le cognac accompagnait le café. On buvait parce que cela se faisait, sans y penser. Impossible voie d’une prohibition nécessaire ! Pourtant les faits sont là. L’alcool en soi n’apporte rien à l’organisme. Il n’est pas digéré, il passe directement du tube digestif aux vaisseaux sanguins. En quelques minutes, le sang le transporte dans toutes les parties de l’organisme avec pour seul avantage de détendre et désinhiber. Ce qui veut dire que l’alcool empêche notre autonomie véritable. Tous les produits qui induisent une addiction chez l’humain – et l’alcool est à égalité avec la cocaïne, les opiacés et la nicotine – augmentent l’activité des neurones dans une partie du cerveau, le cortex préfrontal, par l’intermédiaire d’une libération de dopamine qui provoque le sentiment de plaisir. Le diagnostic de dépendance repose alors sur la recherche compulsive du produit, contre la raison et contre la volonté : il y a impossibilité de s’arrêter de consommer. L’alcool est même dangereux : l’abstinence complète est absolument nécessaire pendant la période de grossesse pour éviter un retard mental de l’enfant, l’alcool agissant sur le développement du système nerveux central du bébé dès les premières semaines de grossesse. Mais ce sont des considérations écologiques qui m’ont ouvert les yeux. Malthus peut être considéré comme un des premiers à avoir envisagé notre rapport à la nature comme considération des limites. Il ne parle pas seulement d’une reproduction humaine trop exubérante… il s’intéresse aussi à l’alcool.

« Si manger et boire sont une loi de la nature, c’en est une aussi que l’excès en ce genre nous devient nuisible ; et il en est de même à l’égard de la population. Une cause de la famine est la grande consommation de grain qu’entraîne la fabrication des eaux-de-vie. La consommation des grains, pour d’autres usages que la nourriture, empêche la population d’atteindre la dernière limite des subsistances. La nourriture végétale, mêlée de temps en temps d’une ration convenable de viande, suffirait pleinement aux désirs d’un peuple frugal, et maintiendrait chez tous les individus qui le composent la santé, la vigueur et la gaieté. » [Robert Malthus, Essai sur le principe de population (1ère édition 1798, Flammarion 1992)]

Le journaliste Hervé Kempf s’interrogeait dans une chronique : « Ah ! qu’il est dur d’être écologiste ! » [LE MONDE du 11-12 février 2012]. Il imaginait les qualificatifs donnés aux écolos qui parlent du vin, graduant les transformations de l’état mental selon la sobriété, l’ébriété, l’euphorie ou l’ivresse. Mais il réconciliait tout le monde avec cette expression « célébrons l’Europe, et buvons bio » ! Le Comité européen de l’agriculture biologique venait en effet de se mettre d’accord sur les règles concernant le vin biologique : on baisse la quantité admissible de sulfites. C’est une conception bien particulière de l’alcool. Hervé Kempf n’est pas à notre goût assez écolo sur la question « vins et spiritueux ». La monoculture de la vigne ne prend pas soin du sol, le rendement de la vigne baisse dans certains endroits en France. Tout se passe comme si le processus classique de formation de la terre s’inversait ; au lieu que la roche se transforme sous l’effet de la faune et de la flore, le sol a évolué de façon régressive, s’est durci, est devenu roche. Autre problème, et pas le moindre, les vignes empiètent tant sur les autres cultures que sur l’espace nécessaire pour assurer la biodiversité. Il nous faut déterminer ce que la terre peut durablement nous offrir, pas simplement considérer ce que nous demandons à la terre et à la distillerie.

Pas de vin, buvons bio, buvons de l’eau. Mais il est dur d’être écolo quand il nous faut aller à contre-courant en France, pays du vin ! C’est dur, il s’agit de refuser le bio quand il ne correspond pas à un réel besoin alimentaire. C’est dur, il s’agit d’avoir une pensée élargie, refuser l’alcool dans notre verre et aussi l’alcool dans les moteurs (les agrocarburants). C’est dur, il s’agit de combattre les lobbies de l’alcool, tellement influents auprès des parlementaires. C’est dur, il s’agit souvent de renoncer à ses propres habitudes culturelles, inscrites dans son milieu familial : vin vieux et digestif, apéros et bonnes manières. Souvent je suis encore tenté de faire comme mon entourage, et je trinque en famille. Difficile exemplarité quand on se retrouve tout seul à montrer l’exemple. C’est dur d’être écolo !!!

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Adolescence, révolte ou soumission ?

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Chez les pygmées BaMbuti tout était simple, les enfants participent directement à la vie sociale du groupe. Leurs jeux sont une imitation des activités quotidiennes des adultes, et ces jeux sont organisés pour qu’ils apprennent à devenir des adultes. Lorsque la tribu doit se transférer dans un autre lieu, les jeunes participent aussi à la discussion et à la décision de la collectivité. Dans la société BaMbuti, il n’y a donc pas une période prolongée de transition entre l’enfance et l’âge adulte mais un passage direct, graduellement préparé dès la plus jeune enfance par une participation intense aux activités du groupe.

Ce système n’est pas le nôtre. C’est à la fin du XIXe siècle que s’invente dans le monde occidental la période de l’adolescence (du latin adolescere, « grandir »). Dans nos sociétés modelées par la division du travail et l’hétérogénéité des socialisations, le passage de l’enfant à l’adulte s’éternise. La scolarité obligatoire s’arrêtait à 12 ans dans la France de 1881, un siècle plus tard les jeunes ne veulent plus sortir du système scolaire. Il existe alors pour l’adolescent occidental une période d’incertitude entre un certificat de fin d’études qui est supprimé et un service militaire qui se résume pour le moment à une journée d’appel.

Dans le monde patriarcal de mon enfance, je n’ai jamais su véritablement à quel moment je suis devenu adulte, capable de prendre mes propres décisions. Mon père (ma mère) me disait de m’habiller comme ceci ou comme cela et je m’habillais comme ceci ou comme cela. D’ailleurs mon père était tailleur. J’étais bien habillé. Veston, petit gilet, pantalon bien coupé. A 16 ans mon père m’a autorisé à choisir un tissu, mon premier choix personnel quant au vêtement. « Jaune voyant » ai-je répondu. J’ai obtenu du vert moutarde. Le statut d’adulte n’est plus défini par un rite de passage, mais par une crise, une révolte plus ou moins raisonnée. La crise d’adolescence, c’est normalement le moment où nous pouvons accéder à l’autonomie contre les faux-semblants qu’on a voulu nous imposer. Encore faut-il savoir ce qu’autonomie veut dire. Pour moi, cela veut dire prendre de la distance avec l’ensemble du fonctionnement de la société thermo-industrielle, ce qu’on appelle aussi société de consommation et société du spectacle. Autant dire qu’il y a peu d’adultes dignes de ce nom à l’heure actuelle. Car cela veut dire être écolo, profondément écolo. Je suis heureux qu’une petite jeune comme Delphine Batho (née en 1973) puisse devenir Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et garder toute sa fougue après avoir été limogé par le Premier ministre en juillet 2013. Elle a écrit un livre sur son expérience.

« Je ne me suis pas engagé en politique à quinze ans pour faire carrière mais pour changer le monde. Depuis presque trente ans, depuis mon adolescence… Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’enfant, la crise écologique est là… L’écologie n’a jamais été pour moi un combat séparé des autres, elle n’a jamais été un simple sujet parmi d’autres… Là est le cœur de mon désaccord avec le président de la République : la crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Elle s’explique notamment par la crise énergétique et la raréfaction des ressources à l’échelle mondiale. » [Delphine Batho, Insoumise (Grasset, 2014)]

La révolution industrielle a inventé la période de l’adolescence, elle en fait aujourd’hui un conformisme. Ce passage s’accompagne d’un sentiment de toute puissance qui n’a rien à voir avec la taille atteinte. L’adolescent(e) possède généralement un portable personnel, de dernière génération de préférence, l’accès à Internet, et rêve de la voiture qu’il ou elle va bientôt avoir. Il ou elle se contente au niveau politique d’échanger quelques selfies et autres événements fugaces sur son « réseau social » virtuel. Cet(te) adolescent(e) est bien adapté(e) à la société de consommation. Cette génération de l’écran contribue fortement au pillage de la Biosphère et ne s’en rend même pas compte.

Aujourd’hui l’apparente autonomie de l’adolescent n’est significative que de l’abandon par les adultes de leurs fonctions de rendre la jeunesse adulte et responsable. Il n’y a pas beaucoup de Delphine Batho aujourd’hui, c’est bien dommage. Même mes propres enfants considèrent mes opinions d’un air distant, la conscience écolo ne va pas de soi, à plus forte raison le passage à l’engagement militant…

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

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Acteurs absents de nos délibérations présentes

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Après une première tentative avortée en 1793, la France a été le premier pays du monde à adopter le suffrage universel et direct en 1848… pour les hommes ! Ma mère, née en 1925, avait 19 ans quand les femmes ont obtenu le droit de vote, la majorité civique n’était qu’à 21 ans ! Né en 1947, je ne pouvais voter qu’à partir de 1968, la majorité à 18 ans, il faudra attendre Giscard. Le suffrage universel est une conquête récente qui s’est progressivement élargi à des acteurs de plus en plus nombreux, ce qui a permis un certain approfondissement de la démocratie. Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote aux femmes et aux adulescents si on pouvait inclure dans la participation électorale les êtres vivants non humains, le milieu naturel et les générations futures. Ce n’est pas une procédure véritablement démocratique que de décider sans eux, les acteurs absents ou tiers-absents, de ce qui les intéresse au premier chef. Une telle délibération sans participation vraiment universelle ne peut qu’entraîner de mauvaises décisions : on s’immerge dans la défense d’un groupe particulier et/ou on ignore le long terme. Mais comment inclure dans la participation électorale des acteurs absents qui, par définition, ne peuvent être présents ? C’est simple.

Partout ou presque, on trouve des qualifications doctrinales à propos des « droits » des riverains à un cours d’eau non pollué. Ce qui ne pèse pas dans la balance, c’est le dommage subi par le cours d’eau, ses poissons et ses formes de vie « inférieures ». Tant que l’environnement lui-même est dépourvu de droits, ces questions ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal. S’il revient moins cher au pollueur de verser une amende plutôt que d’opérer les changements techniques nécessaires, il pourra préférer payer les dommages-intérêts et continuer à polluer. Il n’est ni inévitable ni bon que les objets naturels n’aient aucun droit qui leur permette de demander réparation pour leur propre compte. Il ne suffit pas de dire que les cours d’eau devraient en être privés faute de pouvoir parler. Les entreprises n’ont plus ne peuvent pas parler, pas plus que les Etats, les nourrissons et les personnes frappées d’incapacité. Mais je suis sûr de pouvoir juger avec davantage de certitude quand ma pelouse a besoin d’eau qu’un procureur ne pourra estimer si les Etats-Unis ont le besoin de faire appel d’un jugement défavorable. La pelouse me dit qu’elle veut de l’eau par son jaunissement, son manque d’élasticité ; comment « les Etats-Unis » communiquent-ils avec le procureur général ? Nous prenons chaque jour des décisions pour le compte d’autrui et dans ce qui est censé être son intérêt ; or autrui est bien souvent une créature dont les souhaits sont bien moins vérifiables que ceux des rivières ou des arbres. » [Christopher D.Stone, « Should Trees Have Standing? Toward Legal Rights for Natural Objects” 1ère édition 1972 (Les arbres doivent-ils pouvoir ester en justice ? Vers des droits de la nature) in les Grands Textes fondateurs de l’écologie, présentés par Ariane Debourdeau (Flammarion, 2013)]

Le passage du statut d’objet naturel à celui de sujet de droit s’inscrit dans la continuité du processus historique d’extension des droits légaux : après les étrangers, les femmes, les Noirs… les arbres. Notons qu’un avocat représente un client, absent ou non. Un député vote au nom d’un pays, entité abstraite. Des chefs d’État réunis pour traiter du réchauffement climatique ou de l’extinction des espèces ont pour rôle de penser à la place des générations futures et des non-humains. Chacun d’entre nous a un système de représentation qui nous incite à devenir personnellement le représentant de causes les plus diverses, les intérêts de la famille, les intérêts de « notre » entreprise, les intérêts des Français, les intérêts des peuples indigènes, les intérêts des grands singes, les intérêts de la Terre-mère et même notre propre intérêt.

Notons qu’en mars 2017 un fleuve considéré comme sacré par les Maoris a été reconnu par le Parlement néo-zélandais comme une entité vivante. Le Whanganui, troisième plus long cours d’eau du pays, s’est vu doter du statut de personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs attenants. Une première mondiale ! Ce statut aura pour traduction concrète que les intérêts du Whanganui seront défendus dans les procédures judiciaires par un avocat représentant la tribu et un autre le gouvernement. On nous donne une identité sociale à la naissance, nous pouvons nous identifier autrement, nous ressentir comme partie prenante de l’ensemble de la planète et de ces éléments présents et futurs. L’écologiste, élu ou non, devrait toujours personnifier un humanisme élargi dans le temps et dans l’espace. J’avoue que je n’arrive pas tous les jours à ce résultat, représenter les acteurs absents, ça on ne l’apprend pas (encore) à l’école.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

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rechercher l’Absolu, c’est relatif

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Raconte-moi ton enfance, je te dirai qui tu es. Dans l’après deuxième guerre mondiale, je suis né en France dans une société patriarcale. Mon père était légalement le chef de famille. La loi n’a changé qu’en 1970. J’obéissais. Mon petit frère obéissait aussi. Mais la mère obéissait aussi, elle n’avait pas encore le droit de vote à la fin de la guerre, ni d’ailleurs bien d’autres droits. Pour moi il me  fallait encore atteindre 21 ans pour être majeur. Donc je ne me posais pas de question sur ce que je voulais ou non, je prenais l’existence comme elle venait. On me disait d’apprendre mes leçons, j’apprenais mes leçons, on me disait de faire la prière du soir, je faisais ma prière du soir, on me disait de m’habiller comme ceci ou comme cela et je m’habillais comme ceci ou comme cela. La vie n’était qu’habitude, en ce temps-là on ne décidait pas, on suivait le sens du courant, la visite régulière aux grands-parents, les repas de famille, quelques camps scouts avec salut au drapeau et la messe en latin, bien entendu. Je crois que ma première réflexion a seulement eu lieu vers quinze ans, après que le responsable de la meute m’ait demandé quelles questions je me posais. « Aucune, chef ! » J’ai commencé vraiment à réfléchir ce jour-là. C’est vrai, je ne me posais aucune question, j’avais déjà toutes les réponses, socialement imposées, familialement intériorisées. Ce n’était pas normal, mais c’était la norme de l’époque. Difficile de sortir de son absolu familial, ce qu’on appelle la socialisation primaire.

Plus tard, en février 1970, je commence avec Einstein  à percevoir ce que relativiser veut dire : « Si ma théorie de la relativité est prouvée, l’Allemagne me revendiquera comme Allemand et la France déclarera que je suis citoyen du monde. Mais si ma théorie est fausse, la France dira que je suis Allemand et l’Allemagne déclarera que je suis juif. » Rien n’est naturel, génétiquement déterminé. Il m’a pourtant fallu beaucoup d’années pour me rendre compte que tout est culturel dans les comportements humains, relatif, variable selon le contexte historique et social. Aujourd’hui, nous vivons l’inverse de mon enfance, le droit des femmes et des enfants est mis en avant. Nous sommes passés insensiblement d’un extrême dans l’autre. Le problème, c’est que le fait de la variabilité culturelle dans tous les domaines fait en sorte que tout devient relatif, provisoire, contingent, discutable : il n’y a plus d’absolu.

« Les êtres humains sont capables de s’ajuster à une vitesse surprenante dans leurs orientations morales, leurs valeurs, leurs identifications. C’est en particulier le cas quand des menaces, ressenties ou réelles, rétrécissent le spectre d’action qui est perçu et paraissent exiger des décisions rapides. Le degré de concrétisation ou d’abstraction d’une menace joue là un grand rôle. Les changements ne sont pas perçus dans l’absolu, mais toujours de façon relative à leur point d’observation. C’est pourquoi les générations présentes conçoivent tout au plus vaguement et abstraitement que non seulement le monde cultivé et bâti des générations précédentes était différent, mais que l’était aussi l’environnement qu’ils croient naturel. L’idéologie ne joue guère de rôle. Les gens changent leurs valeurs parce que leur monde change, et non l’inverse. » [Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)]

Dans la pensée contemporaine, il n’y a plus d’absolu, ni livres sacrés, ni dieux à tendance universelle ou locale, ni respect pour l’ordre de la Nature. Tout est possible quand il n’y a plus de référence stable pour l’action humaine. Les décisions prises « démocratiquement » peuvent aller dans une direction ou dans son opposé. Tout est devenu relatif, variable et contingent, écologiquement dangereux. Alors que pendant des millénaires l’imaginaire des humains se limitait à la répétition des mythes ancestraux, ils s’affrontaient au nom d’une pseudo-vérité clanique ou religieuse : la Nature contemplait impassible le nombre de leurs morts. Puis nous avons inventé l’agriculture et changé la nature : à partir du néolithique, l’humanité ne se contente plus de ses rivalités sociales, elle prend à témoin de ses ambitions la planète en la modelant à sa guise ; elle commence à détériorer l’environnement et à mettre en péril l’équilibre des écosystèmes. L’évolution s’accélère depuis la révolution industrielle du XIXe siècle ; aujourd’hui des techniques destructrices prennent tout le pouvoir, jusqu’à provoquer des guerres mondiales et inventer la bombe atomique. Les humains ont presque totalement oublié une biosphère qui supporte de plus en plus mal leur activisme et leur goût de la croissance sans frein et sans fin. La planète au pillage ! L’humanité serait inconsciente de continuer dans cette voie, elle est obligée de résister à ses pulsions, il lui faut faire un autre choix, celui de l’écologie. C’est là l’absolu du temps présent, s’engager à défendre les intérêts de la Biosphère. Pour cela un objectif global : la trace des humains doit redevenir infime pour laisser plus de place au déroulement des cycles vitaux. Les humains du futur ne pourront que s’en porter mieux, et les autres espèces vivantes encore plus. Nous ne naissons pas avec une idéologie constituée, c’est pourquoi nous pouvons choisir la meilleure voie. Encore faut-il se rendre compte de notre conditionnement présent pour pouvoir maudire la religion de la croissance.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

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société d’Abondance, société de pénuries

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Je suis né français en 1947, au sortir de la première guerre mondiale. Il y avait encore des tickets de rationnement. Mon père, artisan tailleur, connaissait dans son travail ce qu’il appelait la morte-saison : pas beaucoup de clients, pas beaucoup d’argent. Mais je n’avais pas l’impression de manquer de quelque chose, c’était donc l’abondance. Dans certaines familles d’autrefois, dont celle de Charlie Chaplin (né en 1889), le cadeau de Noël pour un enfant, c’était une orange. Le luxe des pauvres était l’ordinaire des plus riches. Plus tard en sociologie, j’ai lu « âge de pierre, âge d’abondance », un livre de Marshall Sahlins. La virgule peut prêter à interprétations. En fait cette étude démontrait que l’âge de pierre (les sociétés premières), c’était vraiment l’âge d’abondance : sans désir de superflu, il n’y avait pas sentiment de manque. Autrefois, aux temps de la chasse et de la cueillette, on vivait un sentiment de plénitude car on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de temps libre… et être heureux. Aujourd’hui l’intérêt du moment change, de plus en plus vite. Il y a toujours un nouveau match à la télé. II y a toujours un machin de la dernière génération qu’il faut posséder et bientôt jeter à la poubelle avec l’apparition d’une nouvelle fonctionnalité. La période contemporaine fait courir la plupart d’entre nous derrière l’illusion de l’abondance… à crédit. Personnellement je n’ai toujours pas de portable, je n’en ai pas besoin, j’ai déjà un téléphone fixe à la maison, ce qui autrefois était considéré comme un luxe. Je refusais jusqu’à récemment la carte bancaire, mais les commerçants acceptent de moins en moins le chèque. J’aimerais une société où ne circule que pièces et billets pour que la contraction monétaire limite les échanges. Le sentiment d’abondance ne tient pas spécifiquement à l’accumulation de marchandises et de services, mais au niveau de nos besoins ressentis et imposés par l’état donné d’une société.

« Avons-nous vraiment besoin de tous nos besoins ? En fondant le besoin non sur l’accumulation des biens mais sur la relation entre les hommes, et sur le rapport équilibré de ceux-ci avec la nature, les sociétés premières avaient vécu « la première société d’abondance ». Celle-ci était le produit d’une logique sociale, le maintien d’une symbiose avec le milieu : l’utilisation du « progrès » technique non pour produire plus mais pour travailler moins ; l’autolimitation des besoins, c’est-à-dire le refus du surplus, de l’accumulation par lesquels s’introduisaient, au sein même du groupe, le pouvoir et l’aliénation. » [P. Alphandéry, P. Bitoun et Y. Dupont, L’équivoque écologique (La Découverte, 1991)]

A chacun d’entre nous de déterminer l’échelle de ses besoins. Quand ma fille encore petite me déclarait «  Moi, j’ai envie de… », je lui répondais : « D’accord. Mais pourquoi cette envie soudaine ? Que veux-tu réellement ? Pourquoi cette précipitation ? » Il faut savoir résister à la société de consommation, ce qui demande une réflexion poussée pour ne pas sauter sur le dernier objet à la mode. L’écologie, c’est en résumé (pour ce qui concerne l’époque contemporaine) posséder un sens aigu des limites. C’est comprendre que l’exigence de l’abondance matérielle détériore gravement la biosphère. Se contenter de peu est la voie d’une sagesse qui minimise notre empreinte écologique. La société de consommation fait croire au plus grand nombre que le bonheur va avec les gadgets qu’on nous incite à acheter : vive la croissance du PIB est le mantra psalmodié par les politiques et des économistes ! Mais notre réalité sociale montre que le consumérisme s’accompagne aussi d’insatisfaction permanente ; c’est un bonheur factice. Ce sont ceux qui pratiquent la simplicité volontaire et la sobriété partagée qui atteignent la sérénité. Ils nous montrent la voie de notre avenir. C’est l’option que j’ai choisie et j’en suis heureux, je n’ai jamais de sentiment de manque. Même si parfois on peut me reprocher de posséder quelque superflu. Je ne vis pas comme Diogène dans son tonneau !

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Abeille, qui ne pique que si on l’embête

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Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Ne pas craindre les abeilles cela s’apprend. Craindre leur disparition est dans l’air du temps. Ma première rencontre marquante avec les abeilles ? C’était sur le toit d’une grange, à environ 7 mètres du sol. J’enlevais les tuiles, les poutres étaient à nu, le vide au dessous. Et puis j’ai dérangé un essaim, une meute très excitée tout autour de moi. A ce moment-là, on ne réfléchit pas, on court… sauf que j’étais dans les airs, à sauter de travée en travée. Après quelques mètres de haute voltige, je me suis immobilisé, complètement, sans bouger un cil. Les abeilles ne m’ont pratiquement rien fait, je n’étais plus en mouvement. Nous pourrions vivre en bonne intelligence avec les abeilles. Ma belle-mère dans sa chambre à la campagne avait dans sa cheminée hors d’usage une colonne montante d’abeilles. Le bruissement des ailes faisait du bruit toute la nuit. Et si de temps en temps des abeilles s’égaraient dans sa chambre, elle leur ouvrait la fenêtre. Notre coexistence avec les abeilles est pacifique. Amenés par la suite à occuper cette chambre, ma femme et moi nous avons jugé insupportable le bourdonnement incessant. Nous avons fait venir un apiculteur pour essayer de récupérer la colonie d’abeilles. A l’heure de la surmortalité des abeilles, il faut sauver ce qui peut encore l’être. Aujourd’hui je suis plus incisif, j’ai installé une ruche dans mon verger. Au début je me suis fait piquer, la bonne entente avec les abeilles, cela ne s’improvise pas. On ne naît pas apiculteur, on le devient ! L’évolution est en marche, nous sommes de plus en plus nombreux à adopter une ruche. L’utopie à construire découle surtout de nos initiatives personnelles, il ne faut pas trop attendre de l’État.

« Les abeilles vont d’une fleur à l’autre, se contentant de prendre un peu de nectar ici, un peu de nectar là, sans jamais abîmer les fleurs qu’elles butinent. Observez la pollinisation nous rappelle que nous devons renforcer la relation que nous entretenons avec les autres formes de vie. Les hommes font exactement le contraire. Lorsqu’ils tirent profit des richesses de la terre, ils ne s’imposent aucune limite : ils prennent ce qu’il y a à prendre jusqu’à épuisement des ressources. Si seulement nous apprenions de la nature, nous pourrions profiter de ses ressources sans l’agresser ! » [Satish Kumar, Tu es donc je suis (une déclaration de dépendance) (1ère édition 2002, Belfond 2010)]

Jusqu’aux années 1960, tout était simple, pas de transhumance des ruches, il y avait des fleurs partout. Puis les cultures spécialisées ont commencé, l’agriculture s’est industrialisée, l’utilisation de pesticides s’est généralisée… la surmortalité des abeilles a explosé. Un rapport de force s’est installé au détriment des nécessités écologiques. Depuis 2001, le groupe Bayer faisait l’objet d’une information judiciaire concernant son produit, le Gaucho, soupçonné de provoquer la disparition de cheptels d’abeilles. La justice a tranché : « La communauté scientifique n’a pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre l’introduction du Gaucho dans les cultures agricoles et l’augmentation de la mortalité des abeilles. » L’instruction avait conclu que d’autres facteurs que ce seul insecticide intervenaient dans la mortalité des abeilles, tels que des parasites comme le Varoa, le frelon asiatique ou la perte de diversité des cultures. Si les apiculteurs reconnaissent la multiplicité des causes, ils soutiennent de leur côté que les pesticides en sont la principale. Mais pour le juge « appréhender les troubles du cheptel apicole sous l’angle pénal apparaît d’emblée malaisé ». Résultat : Non-lieu en 2014 ! Les entreprises sont privilégiées au détriment des pollinisateurs. Alors les hommes deviennent des abeilles ! Dans les vergers du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, en l’absence d’abeilles tous les habitants du village sont mobilisés pour la pollinisation à la main. Les plus adroits de ces paysans acrobates arrivent à déposer le pollen sur toutes les fleurs d’un arbre en à peine une demi-heure ! Mais imaginez qu’il n’y ait plus du tout d’abeilles dans le monde entier. Serons-nous tous obligés de grimper dans les arbres ?

Nous avons construit une vie qu’on croit meilleure, nous avons jeté nos poisons dans l’air et dans les eaux, nous avons conduit voitures et camions, nous avons vidé le sous-sol de ses richesses, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des paires de tennis qui clignotent quand on marche, nous avons organisé des rave party, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. Mais les abeilles ne dansent plus… Nous sommes dans un monde de fous. Nos décisions finales ne sont plus le résultat de la raison, de la science et de l’éthique, elles résultent d’un rapport de force : lobbying des firmes agrochimiques contre mobilisation du secteur apicole entre autres. Comme si les intérêts profonds des personnes engagées dans les firmes agro-industrielles n’étaient pas les mêmes que ceux qui s’occupent des abeilles…

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

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Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

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Abécédaire, une façon de décrire la réalité

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

ABCD… Nous apprenons l’alphabet dès le plus jeune âge. Mes propres enfants et petits-enfants ont manipulé les grosses pièces à encastrer, A comme abeille, avec stylisation d’abeille, B avec un bateau, C comme crocodile, D comme dauphin, etc. Préapprentissage de la lecture, c’est aussi la méthode classique pour classer ses idées et aider à les retrouver. C’est la méthode utilisée dans ce livre qu’on peut ouvrir et découvrir comme un dictionnaire. Pour feuilleter mon existence ou éplucher mes idées, tu pourras suivre l’ordre alphabétique ou bien aller où la curiosité te pousse. Chaque mot ouvre un pan de ma vie, ce qui n’aurait qu’un intérêt limité si cela ne débouchait sur des considérations de fond. Même ma manière de tirer la chasse d’eau ou de me moucher fait en sorte que je me pose maintenant cette question existentielle : « Et l’écologie dans tout ça ? » Je laisse à d’autres livres leurs propos de spécialistes des dysfonctionnements sociaux, des perturbations climatiques ou de l’épuisement des ressources. Je me contente de ressentir dans ma vie de tous les jours l’urgence écologique. D’ailleurs je pense que chacun d’entre nous sent plus ou moins confusément qu’il va falloir se bouger et faire autrement. Nous sommes tous écologistes parce que nous n’avons pas le choix, nous devons tous respirer et déféquer. N’importe lequel de nos comportements entraîne un impact sur l’équilibre de notre planète, même le plus intime de nos gestes. En effet il est le plus souvent multiplié par plusieurs milliards, le nombre des humains que nous sommes.

Aujourd’hui notre société cultive la démesure, au niveau démographique bien entendu, mais aussi dans tous les domaines, y compris au niveau des dictionnaires et de ses substituts. Nous avons un livre de référence pour chaque chose et cela ne suffit plus. Peu de jeunes ouvrent actuellement un dico pour valider ou non « l’ortograf » d’un mot. On écrit comme on parle, beaucoup, souvent ou tout le temps : tweet de moins de 140 caractères ou sms abrégé. Quand on veut approfondir, on n’ouvre plus une encyclopédie, on entre dans la cyber-poubelle grâce à un moteur de recherche. Miracle de l’hypertexte, tu peux alors tout connaître sur tout, mais à toi de te débrouiller pour retrouver l’essentiel, tâche devenue quasi-impossible. Nous sommes étouffés par la multiplication infinie des informations qu’autorise l’informatisation du monde. C’est pourquoi j’espère par ce livre t’aider à faire le point sur les relations fondamentales qu’il peut y avoir entre notre propre vécu et les réalités complexes de la biosphère. Professeur de sciences économiques et sociales (à la retraite), philosophe (débutant) alors que j’étais en classe de première, politologue depuis vingt ans, technologue de plus en plus critique, militant associatif et politique, et bien d’autres choses… la diversité de mes centres d’intérêt me permet une certaine polyvalence.

Dans ce livre, il faut le dire, je ne veux rien te cacher. Même pas ce qui peut te paraître trop radical et incongru. Je regrette par exemple les sociétés où on n’avait pas besoin de l’alphabet. On ne savait ni lire, ni écrire, ni compter, on se contentait de vivre, tout simplement. La première écriture officiellement reconnue est inventée par les Sumériens vers 3300 ans avant Jésus-Christ. Elle avait un but avant tout utilitaire : il s’agissait pour les citadins commerçants de gérer les entrées et les sorties de marchandises et de troupeaux. Les débuts de l’écriture répondaient à des fonctions comptables et commerciales, elles soutenaient par la même occasion un certain type de pouvoir économique. Dans des sociétés complexes et hiérarchisées, l’écrit restera par la suite l’instrument privilégié du pouvoir. Selon le cardinal de Richelieu (1585-1642), apprendre à lire, écrire et compter « remplit le pays de chicaneurs propres à ruiner les familles et troubler l’ordre public, plutôt qu’à procurer aucun bien ». Nos jeunes ont pourtant tous appris à lire, écrire ou compter à partir du XIXe siècle, mais il n’y a pas eu de révolution culturelle, seulement soumission à un autre conformisme, principalement marchand. On a vidé les campagnes de leurs paysans en les envoyant à l’école, ils se sont mis de gré ou de force au service de la révolution industrielle et de sa civilisation thermo-industrielle. Je rêve d’un retour à la civilisation orale, où on se transmet les discours essentiels de génération en génération. Je rêve d’un monde simplifié en harmonie avec la planète. Il est préférable de jouir des activités réelles plutôt que de se noyer dans l’écriture (ou la lecture), même s’il y a une véritable griserie du lecteur (de l’écrivain).

Aujourd’hui nous sommes tous, quoi qu’on fasse, plus ou moins complices du pillage de la biosphère. Ce livre-papier (publié en 2017) correspondrait à un arbre qu’on abat. Même un simple clic sur google émet du gaz à effet de serre, environ 7 grammes ; et il y avait déjà 3,4 milliards d’internautes en 2016. De mon côté j’utilise Internet pour dire qu’il faut supprimer Internet. Oui je suis radical, mais au sens étymologique de « prendre les choses à la racine ». Il faut agir sur les causes profondes de nos malheurs, sinon on ne règle les choses que de façon superficielle et temporaire. Et j’assume mes propres contradictions en écrivant ce livre… L’utopie est le but à atteindre, mais les chemins pour y arriver sont actuellement très escarpés.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, une façon de décrire la réalité Lire la suite »

Thierry Ripoll et Sébastien Bohler (suite)

Selon deux psycho-chercheurs,Thierry Ripoll et Sébastien Bohler, l’insatiable soif de croissance de l’humanité et la crise globale qui en découle seraient la conséquence de notre « câblage » cérébral. Voici en caractère gras quelques éléments à retenir de leur conversation.

T. R. : Je prends ma douche trois minutes de plus que nécessaire tous les jours. Accepter d’écourter ma douche n’a de sens que si je suis convaincu que les quelque 8 milliards d’humains en feront de même.

S. B. : Les anthropologues appellent ce processus d’incommensurabilité entre l’action individuelle et l’action collective la coopération conditionnelle. On a observé que si on demande à des individus de faire des efforts pour réduire leur empreinte carbone, ils sont capables de sacrifices, à condition que les autres y consentent aussi. Pour revenir sur le phénomène de croissance, dans l’histoire de la Terre, des espèces ont eu quasiment le même impact que l’humanité aujourd’hui. Ainsi, il y a 2,5 milliards d’années, les cyanobactéries ont prospéré, rempli les océans et changé la composition de l’atmosphère – elles n’avaient aucune notion d’une limite à respecter. L’humain a suivi la voie d’une négation de la limite à cause de l’alliance du principe de croissance de la dopamine et de l’intelligence. Le phénomène de dévalorisation temporelle constitue une autre caractéristique. Plus un avantage est éloigné dans le temps, moins il a de valeur pour notre cerveau. On donne le choix à un enfant soit de manger un marshmallow tout de suite, soit d’en recevoir un second s’il résiste quelques minutes. La plupart des enfants se jettent sur la première option car ils ne peuvent résister à l’attrait de l’instantanéité. Le striatum guide cette décision parce qu’il donne immédiatement de la dopamine. Quant aux autres enfants, leur choix est surtout lié au fait que leurs parents les ont éduqués à résister à leur impulsion face aux envies. Plus vous êtes dans un monde où on vous propose tout, tout de suite, moins vous êtes capable de patienter et de refuser le plaisir immédiat en raison des enjeux futurs.

T. R. : Notre système actuel a besoin de croissance pour survivre, d’autant qu’une société en récession rencontre nécessairement de grands problèmes sociaux. Mais cet objectif qui a sa cohérence à court terme est irrationnel à long terme. Le calcul de l’output (la somme de nos productions, consommations et impacts sur la planète) pour une croissance de 2 % sur mille ans indique qu’il serait 1 086 plus élevé que celui d’aujourd’hui. Cette trajectoire économique est contrainte à la fois par des déterminismes biologiques fondamentaux et par la nature du modèle capitaliste qui organise nos sociétés.

S. B. : D’où la problématique : croissance de la conscience versus décroissance matérielle. Les gens qui sont dans la surenchère permanente de la satisfaction de leurs désirs matérialistes ne connaissent même plus la notion de bonheur. Dès qu’un plaisir est satisfait, le suivant intervient à un niveau supérieur : ils vont changer de smartphone tous les ans, de voiture, etc.

T. R. : Il est dangereux de faire croire aux citoyens que l’efficience technologique va permettre de résoudre les problèmes environnementaux. Cela retarde encore le moment où, collectivement, nous déciderons de mettre en place une société différente et plus sobre. Le cornucopianisme nous incite à croire que nous allons pouvoir continuer de croître sans perturber notre environnement – ce qu’on appelle le découplage. Or, les études montrent que toute forme de découplage produit un effet rebond : le fait d’exploiter ce gain d’efficience écologique pour consommer davantage.

S. B. : L’idée de note de citoyenneté m’a été inspirée par l’exemple de la Chine, elle repose par l’observation des comportements dans la façon de respecter les règles de vie sociale, puis donne des droits en fonction d’une note obtenue sur de bons comportements. Un tel système, adapté aux critères écologiques, aurait probablement une action assez radical. Si des milliards d’individus ne peuvent prétendre à la liberté de consommer de façon durable, je ne vois guère de moyen aujourd’hui d’imposer une instance régulatrice capable de mettre en place un crédit citoyen universel…

T. R. : Rappelons la métaphore de la main invisible d’Adam Smith : chacun cherche égoïstement et librement à satisfaire son intérêt personnel et il contribuera ainsi à la richesse de son pays et au bien commun. Cette théorie n’a de sens que dans un monde sans limite, non dans un monde fini. Préserver la planète aura une dimension nécessairement liberticide. Mais que serait la liberté sur une planète morte ? Lorsque l’impact de la crise environnementale menacera directement notre quotidien – dans les prochaines décennies –, chaque humain, chaque Etat réévaluera le poids comparé de l’intérêt particulier et de l’intérêt général. Je n’exclus pas alors qu’un regain de rationalité permette aux humains de créer une structure transnationale, qui, d’un commun accord, poserait des contraintes à la consommation. A moins qu’elle ne sombre littéralement pour ne pas avoir réussi à s’affranchir des fléaux que sont la violence, l’inégalité et l’obsession de croissance.

DMA : L’existence d’une espèce animale capable de décrire les mécanismes physiques et psychologiques à l’œuvre et consciente qu’elle va être la principale cause de l’effondrement, mais absolument incapable de changer de trajectoire, a quelque chose de fascinant. Si Dieu existe, il est tout de même un tantinet pervers sur ce coup là.

Recensions sur notre blog biosphere

âge de pierre, âge d’abondance (Marshall Sahlins)

– Pourquoi détruit-on la planète ? (de Thierry Ripoll) –

Notre cerveau nous pousse à détruire la planète (Sébastien Bohler)

Thierry Ripoll et Sébastien Bohler (suite) Lire la suite »

Les mauvais combats de nos intellectuels

Ne nous faisons pas d’illusion, l’intelligence des élites pensantes ne constitue pas le summum de la sagesse humaine. En général, ces intellectuels ne font que reprendre en boucle les éléments de langage de leurs pairs et du système en place. Rares sont les voix discordantes qui prennent de la distance avec les évènements du moment. Ainsi le sociologue Raymond Aron qui interprétait la situation quasi-insurrectionnelle en mai 1968 comme un simple psychodrame où émergeait seulement le désir d’une décentralisation du pouvoir de décision (La révolution introuvable, réflexions sur les événements de mai 1968). Dès 1955 dans « L’Opium des intellectuels », Raymond Aron cherchait à expliquer l’attitude des intellectuels, impitoyables aux défaillances des démocraties, mais indulgents aux plus grands crimes pourvu qu’ils soient commis au nom des bonnes doctrines. Il mettait en évidence la sacralisation des mots « Gauche, Révolution, Prolétariat ». Cette analyse nous parait évidente aujourd’hui, mais sa fille a souffert de l’ostracisme qu’entraîne le fait de dire la vérité à l’encontre de ceux qui croient savoir. Quand Aron privilégiait la finesse et l’esprit de nuance, Sartre et Bourdieu faisaient l’éloge du matérialisme historique. Rien ne change aujourd’hui du décalage qui existe entre ce qu’il faudrait penser et ce qu’on nous dit de penser à un moment donné. Cela nous fait mieux juger de l’idéologie anti-Thunberg des intellectuels du temps présent.

Dominique Schnapper : Mon père Raymond Aron a vécu des années très difficiles entre 1945 et 1956, il a perdu tous ses amis. Dans les années 1930, il avait nourri des amitiés très fortes avec Sartre, Malraux, tous unis dans la lutte contre le fascisme. Mais, après la guerre, ces antifascistes ne sont pas devenus antisoviétiques et mon père s’est fait beaucoup attaquer. Il a énormément souffert de cette solitude intellectuelle et politique. J’ai d’abord fait deux ans de philosophie. Mais je me suis lassée de cette discipline qui permettait de dire tout et son contraire. J’ai ensuite étudié à Sciences Po. Je n’ai pas aimé cette école, fréquentée par des élèves issus de milieux ultra-privilégiés qui préféraient les succès mondains à la recherche de la vérité. Il était chic dans ce milieu là de ne pas être anticommuniste. La façon dont on parlait, avec mépris, de Raymond Aron et de son « mauvais combat » reste pour moi une blessure. Mais j’y ai découvert des disciplines qui servaient à la sociologie, comme l’économie ou les sciences politiques. J’ai passé cinq ans dans le centre de sociologie de Pierre Bourdieu. Il m’a appris mon métier de sociologue, puis nos relations se sont dégradées. Son centre était devenu une secte, où il fallait être en adoration devant le maître. Ce n’était pas mon style. Mai 1968 avait aggravé les choses. Dans le monde de la sociologie des années 1970, on ne faisait pas carrière si l’on n’était pas de gauche et marxiste. Le climat intellectuel était étouffant et les passions politiques pesantes. Je me suis sentie ostracisée. Ces gens me reprochaient de n’avoir pas pris parti contre mon père. Des étudiants m’ont raconté qu’on leur disait : « N’allez pas au séminaire de Dominique Schnapper, elle est de droite ! ». Puis, le climat intellectuel et politique a changé. Il n’était plus rare de rompre avec le communisme, et l’anti-totalitarisme avait le vent en poupe. Ceux qui ne me serraient pas la main sont devenus aimables !

Lire, Greta Thunberg, le climat face aux députés

Aujourd’hui les écologistes subissent une avalanche de critiques et la curée contre Greta Thunberg est un bon exemple de la furie de la pense dominante contre tout ce qui ferait mieux percevoir la réalité vraie. La Suédoise de 16 ans avait prononcé devant les députés le 23 juillet 2019 un discours sur l’inaction climatique. Le président des députés LR, Christian Jacob : « J’aurais préféré que l’on mette en avant les scientifiques du GIEC, l’Assemblée nationale a vocation à prendre en compte l’avis d’experts. » L’eurodéputé du Rassemblement national Jordan Bardella dénonce « la dictature de l’émotion » et une « nouvelle forme de totalitarisme ». Guillaume Larrivé : « Faire la grève de l’école, je ne peux l’approuver. » Le député (LRM) de Paris Sylvain Maillard : « Faire la grève de l’école, quel triste symbole ». Le député Julien Aubert, en lice pour la présidence LR, qualifie la jeune suédoise de Prix Nobel de la peur : « Pour lutter intelligemment contre le réchauffement climatique, nous n’avons pas besoin de gourous apocalyptiques, mais de progrès scientifique et de courage politique. » Le député de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière (La France insoumise) avait fustigé l’« hypocrisie » consistant à faire cohabiter dans la même journée le vote sur le CETA, « un accord climaticide », selon lui, et la venue de Greta Thunberg. Julien Aubert tenait le même raisonnement, « Le jour où vous ratifiez l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada [CETA], on invite une égérie qui permet de regarder ailleurs. On nous invite à écouter une prédication qui repose sur des présupposés. C’est du spectacle, de la mystification.  » La LRM Peyrol : « Mes héros à moi ne sont pas comme Greta, ce sont des agriculteurs, des chefs de PME qui essaient de trouver des solutions .»

Greta Thunberg en réponse se contente de dire : « C’est très triste que les gens soient si désespérés qu’ils inventent des choses. On dirait qu’ils ont plus peur de moi et des manifestations des jeunes que du vrai problème, à savoir le réchauffement climatique ».

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Le dégoût de l’humanité peut se comprendre

Le Top aujourd’hui, c’est de se faire mousser en vendant de l’anti-écologisme primaire du type « Ayatollah vert » et autres amabilités du retour à l’âge de pierre. Pourtant la dureté des chocs écologiques présents et à venir devraient nous amener soit à un silence terrifié, soit à un rejet de ces sombres crétins qui sont en train d’anéantir l’avenir de leurs générations futures. Même des fidèles de notre blog se laissent aller à ne pas vouloir comprendre ce qui pousse au radicalisme de l’écologisme.

Esprit critique : « Qu’est-ce qu’il fait avancer, Michel Tarrier, avec son dégoût de l’humanité ? Par exemple, il a écrit : « Je suis misanthrope et j’emmerde mes semblables que je déteste tout autant que je me hais.[…] j’estime que tous les nouveaux parents sont des salauds qui mettent au monde un otage […] » En gros c’est l’histoire d’un salaud qui parlait de salauds… Croyez-vous que c’est avec ce genre de propos qu’on puisse faire avancer la Cause ?

Biosphere : Nous avons consulté le portait de Michel Tarrier brossé par Jean Delacre. Encore une fois, on constate que sortir une phrase de son contexte relève de la manipulation d’autrui, pas de la défense de la Cause écologique. Reprenons donc le contexte des propos de Michel T.

Jean Delacre : « Si je vous disais que c’est mon ami, mon meilleur am. Mais Michel Tarrier n’est pas à l’abri de certains esprits ombrageux, sans doute jaloux de sa renommée bien méritée, et qui ne se privent pas de tenter par tous moyens et sans le moindre scrupule de le discréditer. Rappelons les faits. L’éclosion de l’écosophe ne fut en lui qu’une réaction, comme on fait « aïe ! » quand on vous marche sur les pieds. Ca c‘est à quatre pattes, le nez sur le microcosme, que Michel a vu arriver la sixième phase d’extinction massive des espèces, la première ayant la cynique anthropie comme cause. Chaque fois plus nombreux et plus nocifs sur la petite planète bleue, la seule et unique obsession semble être le pillage. Tous les discours et les mesurettes ne sont que de fourbes proclamations à base d’oxymores pour faire durer le massacre. Nous sommes au bord du gouffre et nous rigolons, nous nous mentons à nous-mêmes. Au Maroc, le surpâturage biffe les écosystèmes, la biodiversité et les sols, la vitesse érosive est exponentielle : plus d’une centaine de millions d’herbivores « de bouche » scalpent sans répit le mince substrat végétal d’un biome semi-aride pour l’essentiel,Tout ce qu’on a trouvé comme parade, c’est un semblant de reboisements qui ne dure que le temps de l’effet d’annonce puisque dès les années qui suivent le périmètre devant protéger les semis et la régénération du site est livré à la dent des ovins, des caprins et des camelins. Homo sapiens demens ne changera pas et disparaîtra, victime de son propre écocide. Face à cette situation qu’il a vécu, Michel Tarrier a écrit une dizaine de livres sur ce thème, en exhortant notamment à la dénatalité, seul facteur pour réduire les affres de cette sale espèce invasive qu’est devenue la nôtre.Des milliers d’articles qui n’ont été selon lui que temps perdu. Mais c’est un peu comme s’il ouvrait sa fenêtre pour pousser une gueulante : « C’est pas fini, merde ! ». Écrire, hurler peut contribuer à ralentir sa propre métastase…

Jean Delacre : Tu as toujours été « très dur » avec tes amis, qui doivent avoir un caractère drôlement bien trempé pour résister à tes coups de boutoir et tes quolibets. Cependant, même si quelques-uns d’entre eux te vouent maintenant une haine féroce, tu restes toujours pour bon nombre une figure d’exception. Comment expliques tu cette haine/admiration qui t’a toujours poursuivi tout le long de ton parcours ?

Michel Tarrier : Je me détourne de ce type de question car pathos et ego ne m’intéressent pas plus que les bonnes manières et le protocole. Je suis misanthrope et j’emmerde mes semblables que je déteste tout autant que je me hais. Les vérités, la sincérité, la confiance seules m’importent. En ce troisième millénaire (qui n’aura qu’un siècle), nous n’avons plus le temps d’être polis. Quant à l’amour : je n’aime pas que l’on m’aime, c’est un empêcheur de respirer en rond.

Jidé : Vois-tu un avenir pour notre planète autre que ce que tu décris avec tant de conviction dans tes livres qui sont tout sauf réjouissants ?

Michel : Aucun autre avenir qu’une vie qui va devenir de plus en plus invivable, si bien que j’estime que tous les nouveaux parents sont des salauds qui mettent au monde un otage. Il faut instituer le droit de ne pas naître en se posant cette question novatrice : existe-t-il une vie vivable pour l’enfant après l’accouchement ?

Jidé: Pour terminer sur un tout autre sujet qui me tient personnellement à cœur et pour illustrer nos visions biocentriste-animiste partagées, que sont pour toi les Grands Singes, Bonobos, Chimpanzés, Gorilles et Orang-outangs ?

Michel : Il s’agit de nos frères. Comme Homo modernicus a détruit toutes les nations humaines premières, après les avoir humiliés et incarcérés dans nos effroyables zoos, nous sommes en train d’anéantir d’autres humains que sont Homo (Pan) paniscus, Homo (Pan) troglodytes, Homo (Gorilla) gorilla et beringei, Homo (Pongo) pygmaeus. Nous ne savons rien faire d’autre qu’anéantir ; la seule et unique invention de la négative intelligence de l’animal humain se nomme : la douleur. Homo sapiens est une ordure. Comme l’exprime René Fallet, « quand l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. Il sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre. »

Conclusion biosphèrique : Lecteurs, tenter de salir une telle personne sans vouloir essayer de la comprendre, c’est se salir soi-même… Lisez Michel Tatrier sur ce blog, et discutez du fond de son analyse, ne faites pas preuve d’un sentimentalisme déplacé face au désespoir qui mine tant d’écologistes « radicaux ».

Lire, Michel Tarrier, entomologiste et malthusien

Lire, Faire des enfants tue… la planète

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Hubris contemporaine, ivresse de la Démesure

La nécessaire rupture écologique exigerait du temps pour préparer les esprits à la notion de modération, de frugalité, pour transformer en profondeur nos modes de production, de distribution et de consommation, pour se passer progressivement des énergies fossiles. Mais depuis 1972 on a complètement occulté les limites de la croissance. Chirac pouvait dire en 2002 « notre Maison brûle » et nous avons continué à regarder ailleurs ! Vingt ans plus tard, le maître mot lors de la présidentielle 2022 était « pouvoir d’achat », et certainement pas « sobriété ». Ce délire de toute-puissance issu des énergies fossiles et de nos esclaves mécaniques a pris la forme d’un excès de narcissisme qui débouche nécessairement sur une issue tragique.

Lire, La place démesurée des robots dans notre société

Elisabeth Roudinesco : L’hubris (ou hybris, traduit par « démesure »), est une notion qui, dans la Grèce antique, renvoie à des attitudes excessives qui s’opposent à la tempérance et à la raison. L’homme qui s’adonne à la démesure se condamne lui-même pour avoir défié les dieux. Autrement dit, l’hubris va de pair avec l’idée que l’histoire humaine est tragique. Un chef d’État peut être atteint d’hubris avec l’illusion de maîtriser la situation. Ainsi Vladimir Poutine se pense le sauveur d’une « sainte Russie », menacée par des nazis ! Les dictateurs modernes n’ont pas conscience d’être soumis à un destin car ils se prennent pour le destin. Leur mort n’a rien d’héroïque, ils finissent dans leur lit (Staline), au fond d’un bunker (Hitler), pendus par la foule (Mussolini) ou condamnés à mort (Saddam Hussein). C’est bien pourquoi la bataille pour la civilisation démocratique, antidote contre tous les dangers de la démesure, est devenue un enjeu majeur.

Réactions d’Internautes :

Sarah Py : La démocratie contre l’hubris ? Quand chaque citoyen se fabrique sa volonté de toute-puissance, formatée par sa propre opinion, que devient la démocratie, sinon un patchwork qui ne se retrouve que dans les discours de valorisation de l’individu-roi ? Napoléon, je le vois comme exemple emblématique de cet hubris, refusant de quitter Moscou, contre ses généraux « Sire, l’hiver russe arrive ». Il n’est pas fou, non, il a perdu le contact avec le sens commun, la simple réalité des rigueurs de l’hiver. L’hubris résulte de la rupture du lien avec l’évidence des choses. Et rappeler quelques-unes de ces évidences, c’est une tâche de Sisyphe.

Michel SOURROUILLE : Au niveau de l’opinion publique, notre procrastination écologique, notre croyance en une Techno-science qui trouvera les solutions et notre consumérisme destructeur conduisent à notre perte. L’hubris des décideurs politiques et économiques fait le reste. Des dictatures se mettent en place pour gérer le chaos prévisible tout en l’accentuant. Poutine en ce moment, peut-être Marine le Pen bientôt. Fin de la civilisation thermo-industrielle, il y a belle lurette que les jeux sont faits.

Captain Obvious : L’hubris c’est le fantasme de la toute-puissance, c’est se prendre pour Dieu. Nul besoin d’être dictateur pour « souffrir » d’hubris. Certaines professions en recèlent en nombre : hauts fonctionnaires, mandarins de l’université, entrepreneurs start-upers…

Cécile : L’hubris existe partout où il y a de la hiérarchie, des relations de dominant et dominés. Le fait d’avoir du pouvoir sur les autres monte à la tête de nombre d’humains.

Lire, Jacques Ellul, démesure de la société technicienne

Lire, Le prix de la démesure… selon Simon Charbonneau

Lire, Technologos : résistons à la démesure technicienne

Lire, Voiture autonome et démesure technologique

Lire, Passage aux 80 km/h, une limitation de notre démesure

Lire, La démesure du sport qu’un écologiste devrait dénoncer

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flight tracking, dénonciation et non délation

Ne pas confondre délation et dénonciation. D’un coté une attitude méprisable et souvent intéressée, de l’autre un appel à la responsabilité devant le collectif. Le flight tracking consiste à suivre en ligne les déplacements par les airs de personnalités du monde entier pour lutte contre la pollution liée à l’aviation. Ce genre d’activisme écolo peut déboucher sur le flight shame, la honte de partir en avion, et pourquoi pas sur le digital shame, la honte d’être devant son écran.

Aurélien Defer : Il y a 6 ans le flight tracking, c’était seulement quelque chose pour les passionnés d’aviation et d’électronique . Mais en associant chaque engin volant à son propriétaire, des militants sont en effet capables de dénoncer sur les réseaux sociaux les comportements aériens des plus polluants. Ainsi le jet privé d’Elon Musk,« 3 418 kg de kérosène pour douze tonnes d’émissions de CO2 »… D’après une étude parue en 2020 dans la revue scientifique Global Environmental Change, 1 % de la population mondiale émet plus de la moitié des émissions de CO2 imputables au transport aérien.

Le point de vue des écolos : flight tracking => flight shame, traçage et sentiment de honte, on obtiendra peut-être un jour le comportement idéal : « J’ai honte de voyager en avion, j’ai honte de manger de la viande, j’ai honte de lire « Le Monde » numérique, j’ai honte de rester plus de deux minutes sous la douche, j’ai honte de faire du tourisme au long cours, j’ai honte de ne pas avoir de toilettes sèches, j’ai honte de posséder encore une voiture thermique (vade retro Satanas !)… » On installera des confessionnaux où chacun pourra regretter ses péchés et la planète sera (peut-être) sauvée.

Lire, Écologie, culpabiliser pour ressentir la culpabilité

C’est vouloir « voler sans entraves » ou surfer sans limites sur le net qui nous semblent absurde à l’heure de la déplétion pétrolière et du réchauffement climatique. L’intériorisation des contraintes à s’imposer sur soi-même ne relève pas du « péché » à la mode catholique, mais d’une conséquence logique d’une réalité biophysique. Il ne s’agit pas de penser en termes d’écologie punitive, mais d’écologie réaliste. Mais comme les humains sont trop souvent soumis à la force des habitudes, cela demande un effort sur soi quand le voyage en avion et l’addiction aux écrans est devenu la norme sociale. Il faut que s’instaure d’abord un processus de culpabilisation, auquel succède le sentiment de culpabilité, puis viendra par la suite la résolution personnelle de changer son mode de vie, de pratiquer la sobriété.

Lire, Culpabilité écolo, un premier pas décisif

D’ailleurs un léger sentiment de culpabilité gagne 85 % de nos concitoyens « préoccupés par les questions environnementales » (Elabe, 2019). Désolés de participer au réchauffement climatique, désolé pour nos enfants qui vivront de petits accidents nucléaires et auront pris dans l’œil deux ou trois cyclones sans jamais avoir vu de mésanges. Mais pour l’instant, à moins de nous planquer dans un cercueil en papier mâché – et encore, il restera nos implants en titane et nos hanches en polyéthylène –, nous tentons en vain de nous arranger avec les chiffres de notre bilan carbone.

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Nudité ou burkini en piscine, notre liberté

Nudité en piscine ou burkini, peu importe du moment qu’on pense que la tolérance des autres pratiques vestimentaires est une marque du savoir-vivre ensemble dans un système qui se veut démocratique, et donc laïcC’est cet idéal que nous défendons sur ce blog biosphere, un idéal qui nous veut proche de la nature ; se baigner dans le plus simple appareil, sous la douche ou dans une piscine, nous semble normal et indiscutable. Mais comme nous nous compliquons l’existence, on se laisse aller à des controverse qui nous éloignent de l’essentiel, ainsi cette diatribe du ministre de l’intérieur.

Gérald Darmanin « M. Piolle, le maire de Grnoble, joue l’inacceptable provocation communautaire, contraire à nos valeurs. J’ai donné instruction au préfet de déférer en “déféré laïcité” la délibération permettant le port du burkini et, le cas échéant, d’en demander le retrait. » 

Quelques extraits sur notre blog biosphere pour prendre un peu de hauteur :

extraits, Caricatures et tolérance partagée

La provocation n’est ressentie comme provocation que par ceux et celles qui s’estiment provoqués. Prenons l’exemple de la nudité sur les plages. Que faut-il préférer comme système social ? Le modèle traditionnel est de ne pas dénuder le corps. Dans un esprit de tolérance réciproque, les textiles devraient accepter le nudisme des uns comme les naturistes accepteraient la différence vestimentaire sur une plage partagée par tous et toutes. Le respect de pratiques différentes doit être un critère permettant la coexistence pacifique…

extraits, Christiane Lecocq, la liberté d’être complètement à poil

Naturisme social et familial ? Nous préférons le souvenir de Stephen Gough. En 2005-2006, il a traversé encore une fois la Grande-Bretagne complètement nu.« On parle sans cesse des droits de l’homme et de la dignité humaine, et pourtant un homme dans son état naturel est emprisonné. »Vive les plages mixtes où se mélangent corps nus et textiles, vive la tolérance réciproque, vive les randonneurs dénudés. La Biosphère est heureuse quand elle voit les humains vivre et marcher comme ils sont nés, dans le plus simple appareil.

extraits, Nudité ou burka sur les plages, à chacun son propre choix

L’histoire des baignades est liée au lent dévoilement des corps. Au XIXe siècle, les femmes qui se hasardent au bord de l’eau portent un pantalon qui descend jusqu’aux genoux, une chemise, un bonnet et des chaussures. En 1907, la nageuse et comédienne australienne Annette Kellerman revêt, sur une plage de Boston, un maillot « une pièce » qui lui vaut des poursuites judiciaires. Au début des années 1930 le « deux-pièces » montre pour la première fois le ventre. En 1964, le monokini apparaît sur la Côte d’Azur ; le ministre de l’intérieur de Georges Pompidou fait savoir aux maires que cette pratique relève de l’outrage public à la pudeur…

extraits, minijupe et burqa

La société française n’a pas de mémoire. Il devrait être loin le temps où les lycéennes devaient se revêtir obligatoirement d’une blouse, le temps où les cheveux longs des garçons étaient interdits d’entrer dans les établissements scolaires, le temps où les naturistes étaient enfermés dans des camps. Une société n’a pas à imposer de tenue vestimentaire car il n’y a aucun dommage envers autrui ; être nu, en minijupe ou en burqa, cela relève de la liberté personnelle. Les valeurs républicaines ne peuvent pas condamner les pratiques communautaristes car le respect de la diversité des cultures est le principe même d’une république laïque.

Commentaires actuels à propos des « arguments » de Darmanin :

docteur Maboul : Toujours fascinant de voir qu’au temps des rapports du GIEC, des tensions internationales extrêmes, la France et M Darmanin considèrent que le danger est: le burkini. Ça pourrait presque être drôle.

Pierpont : Stupéfiant. Je revois et entends encore Macron expliquer doctement à M Le Pen pendant le débat d’entre les deux tours qu’interdire le port du voile dans l’espace public serait trahir nos valeurs et mènerait à une guerre civile, et quelques semaines plus tard voilà Darmanin qui s’étouffe à l’idée d’imaginer des burkinis dans quelques piscines à Grenoble.

Rmarc : Burkini, une inacceptable provocation aux règles d’hygiène ! Car c’est le véritable problème avec ces tenues …

Elis : Il n’y a pas d’entrisme, il y a respect de la loi de 1905 et respect des règles d’hygiène exigées dans une piscine! Et ce pour tous les habitants de ce pays sans discrimination.
C’est l’interdiction du maillot couvrant qui fait preuve de séparatisme envers des femmes à qui on impose une forme de maillot, et envers ceux qui pour des raisons de santé doivent porter un maillot anti UV. Dans toute l’Europe, le maillot couvrant est autorisé. Le scandale c’est le buzz dans les médias pour un sujet aussi futile.

Marquejaune : Dans tout le reste de l’Europe ou quasiment, les signes religieux sont autorisés à l’école pour les élèves et parfois pour les enseignants.

Haldol : Les règlements des piscines ont toujours été illogiques en plus d’être appliqués par des gens zélés. Obligation de porter un slip comme si un short était moins hygiénique avec la quantité de chlore dans laquelle on baigne. Le sacro-saint bonnet de bain, qu’un jour on a forcé mon paternel à coiffer sur son crâne parfaitement glabre, à mourir de rire car c’était bien le seul endroit sans poil chez lui.

Hubert B : Le burkini ressemble à une combinaison de plongée réalisée dans un tissu moins épais que le néoprène. Et les combinaisons de plongée sont permises.

GuPi : Les femmes doivent pouvoir s’habiller comme elles veulent, en burkini, burka, minijupe, croptop. Pourquoi veut-on toujours imposé aux femmes quelque chose ?

Vexinfrancais : Y compris le nu intégral tant qu’à laisser le choix …..

Hubert B : La soumission des femmes consiste à décider à leur place des vêtements qu’elles doivent porter ou pas, à les présumer mineures et incapables de décider par elles mêmes pour leur interdire aujourd’hui le voile et le burkini mais hier c’était le pantalon… La liberté c’est un concept mathématique : plus vous avez d’options et plus vous êtes libre. Dire aux femmes « on vous interdit de porter ce que vous voulez, de manière à ce que vous soyez plus libres », c’est digne de 1984 comme « la guerre c’est la paix » et « la liberté c’est l’esclavage »

Lorange : Je mets au défi les réactionnaires de trouver un seul élément dans la loi de 1905 qui contredit Éric Piolle. D’ailleurs Darmanin lui-même commence par évoquer la laïcité avant de s’attacher à la notion de communautarisme dont on ne voit pas bien ce qu’elle vient faire là.

Nathalie Appéré : A Rennes, il était question d’alléger le travail des maîtres-nageurs débordés par la chasse aux shorts de bain. L’ouverture d’un bassin nordique nécessitait aussi de statuer sur le port de tenue en lycra, mais également sur celui de combinaisons intégrales de plongée. Inspiré par les préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, le règlement en vigueur à la piscine réclame donc des tenues de bain « conformes aux exigences de sécurité et d’hygiène » qui « ne doivent pas avoir été portées avant l’accès à la piscine ». L’usage du burkini, d’ailleurs rarement observée dans les bassins rennais, ne pose aucune difficulté.

Repères :Tandis que l’édile de Grenoble dit agir au nom de « la liberté des femmes » de choisir leur tenue vestimentaire et de l’égalité d’accès à un service public, ses opposants soutiennent que le burkini n’est pas un vêtement ordinaire mais le vecteur d’« un discours qui remet en cause l’émancipation des femmes », voire « un outil d’oppression patriarcale ». Rappelons que la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat protège la liberté de conscience, qui inclut celle de porter des signes religieux dans les lieux publics. En 2016, le Conseil d’Etat a estimé qu’un maire ne peut apporter des restrictions à cette liberté qu’au motif de « risques avérés d’atteinte à l’ordre public » et par des mesures « adaptées, nécessaires et proportionnées ». La haute juridiction a jugé que le port du burkini sur une plage ne crée pas de tels risques. La laïcité impose la neutralité la plus stricte au service public et à ses agents, jamais à ses usagers. 

Nudité ou burkini en piscine, notre liberté Lire la suite »

La jeunesse s’inquiète des chocs écologiques

Pour se remonter le moral, il est essentiel de garder toujours à l’esprit cette parole de Gandhi :

« Ce que tu fais est dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses ».

Les psychothérapies traditionnelles adaptent le patient à une société déstabilisante, ils soignent les symptômes et pas la cause du mal. Les écopsychologues estiment au contraire que notre rupture avec la Terre est la source profonde de notre malaise social. L’écopsychologie réunit la sensibilité des thérapeutes, l’expertise des écologistes et l’énergie éthique des activistes de l’environnement. Cette discipline émerge avec la multiplication actuelle des cas d’éco-anxiété… Mais un engagement personnel dans l’écologie, à travers les gestes du quotidien voire dans un mouvement plus collectif, peut aussi aider à se déculpabiliser et se sentir plus actif. Ne pas agir, c’est être dans une maison en feu et dire que tout va bien.

Lire, Écologie, la peur peut être bonne conseillère

Alice Raybaud : Avec les « école itinérante », l’enjeu est de dépasser le sentiment d’impuissance face à la crise écologique en mobilisant l’intelligence collective. Et d’apaiser du même coup les angoisses qui tenaillent intimement cette jeune génération, sommée de se positionner face aux conséquences déjà inéluctables du dérèglement climatique, dans un monde qui n’a pourtant pas l’air de vouloir changer. Les étudiants participants se voient présenter des secteurs et des métiers dans lesquels ils pourront concourir à limiter la hausse des températures à 2 degrés : le reconditionnement, l’économie de la fonctionnalité, la planification de la « résilience alimentaire », les transports et la filière du vélo… C’est avant tout l’expérience collective qui est recherchée par les participants, comme moteur d’engagement et de motivation. On tient aussi à montrer qu’une vie sobre peut être très joyeuse 

Lire, Eco-anxiété, dépression verte, « solastalgie »

Quelques commentaires sur cet article du MONDE que nous avons résumé :

Rmarc : Une séance gratuite chez le psy pour tous ces pleurnichards angoissés et dépressifs !

Laure-Anne : Je suis effarée par ce genre commentaire consternant et j’invite leur auteur à venir en Haute-Savoie voir ce qu’il reste de la mer de glace et comment, année après année la situation empire. Vous comprendrez (peut-être) mieux leur état. Devant ce spectacle absolument déprimant, aucune échappatoire possible, impossible d’ignorer, de minimiser, de se dire qu’il n’y a pas urgence absolue. Impossible de ne pas déprimer

le sceptique : Votre raisonnement, Laure-Anne, est mauvais. Si j’ai installé des dispositifs d’énergie renouvelable chez moi, c’est que des ingénieurs et techniciens les ont conçus ; si demain j’ai de quoi m’acheter un véhicule électrique pas trop cher ; si après-demain je peux prendre l’avion sans émettre de carbone, c’est que des ingénieurs et techniciens auront maîtrisé l’hydrogène. Et ainsi de suite. En fait, il y a aujourd’hui promotion d’un écologisme de la plainte, de la nostalgie et de l’effondrement, dont le but n’est pas de mettre en place une infrastructure bas carbone pour une civilisation avancée, mais de tourner en rond sur des utopies décroissantes où tout le monde serait pauvre, heureux, en paix.

Laure-Anne @ sceptique de service : Tout à fait d’accord avec la première partie de votre commentaire. Néanmoins, il ne viendrait à l’idée de personne, au pied des 600 et quelques marches pour rejoindre maintenant la mer de glace (400 en 2015, 0 en 1987) de s’exclamer : « Vivement les avions à hydrogène ! » . 4 à 5 m d’épaisseur qui fondent chaque année, ce n’est ni écologisme de la plainte, ni nostalgie, ni théorie de l’effondrement, c’est juste notre réalité. Les (potentiels) avions à hydrogène dans 10 ou 20 ans n’y changeront rien.

Amiliajc : Oui, l’avenir est noir à 360°, climat, covid, guerre, nucléaire…. Faites une fresque sur le climat, puis une sur la biodiversité, puis une sur l’eau et, ingénieurs atteints de technoïde aiguë, vous verrez si vous serez encore fier des businesseurs pokeristes pour qui tout est une question de foi. C‘est grâce aux belles opportunités technologisées qu’on est dans ce merdier. Facile après de se foutre de la gueule de cette jeunesse qui n’a rien demandé, qu’on a pas préparé à ça et qui fait face à une telle impasse. Seule l’action individuelle ET collective permet de se sentir moins stressé.e, utile et cohérent.e.

lire, L’écoanxiété a-t-elle besoin d’être soignée ?

Philip69 : Face au changement climatique inéluctable, il y a deux attitudes possibles, l’une niaise (la frugalité heureuse pour tous), l’autre cynique (le survivalisme, càd la lutte à mort pour l’accès aux ressources devenant rares). Ces élèves ingénieurs semblent vouloir choisir de cultiver un potager participatif et animer un fab-lab de récupération-réparation. Pour ma part, en sortant de l’X, je choisirais plutôt la Direction Générale de l’Armement, ça me semblerait un choix plus lucide et plus conséquent.

Jean Rouergue @Philips69: Je suis tellement niais que je n’ai pas compris en quoi la frugalité heureuse était niaise. Je ne suis ni niais ni heureux béat quand je bêche mon potager, car la terre demande à être remuée … J’ai créé un poulailler partagé. Ainsi quand je rentre au pays j’ai des voisins qui donnent le grain et ramassent les œufs. Tout le monde est gagnant. Et les enfants de nos voisins ont poussé des cris de joie quand ils ont pour la première fois vu des poules… Je ne sais qui est niais dans cette histoire…. mais… Prenez soin de vous et préférez les circuits courts !!

Philip69 : C’est niais, Jean Rouergue, car la philosophie (d’Aristote à Machiavel, de Hobbes, Rousseau à Sartre) l’histoire et l’anthropologie montrent que la paix (relative) naît d’une ère d’abondance et qu’à un âge de la rareté correspond la violence.

Peps72 : Il est évident que la fameuse « transition écologique » telle qu’elle nous est vendue par les professionnels du catastrophisme (une transformation radicale de notre système productif en seulement quelques années sous l’effet d’investissements massifs) est un mythe total qui s’apparente au Grand-Soir communiste. Non pas qu’il ne faille pas produire moins de CO2, mais le fonctionnement des économies industrialisées, et notamment les phénomènes d’investissement et d’accumulation de capital productif sont extrêmement longs et coûteux. Il a fallu plus d’un siècle pour construire – progressivement – notre système industriel, il faudra sans doute autant de temps pour en modifier profondément la nature. Et je ne parle même pas du gigantesque fossé idéologique et démocratique qui sépare les « climat activist » fraîchement sortis de Sciences-Po qui parlent « énergies renouvelables » et les communes qui refusent farouchement l’installation de 3 éoliennes sur leurs territoires…

Vladparis : J’espère que ces jeunes étudiants vont procéder à la vasectomie et la ligature des trompes. Le premier poste de « pollution » dans les pays développés : les gosses.

Lire, Écologie, culpabiliser pour ressentir la culpabilité

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Individuel ET collectif sont indissociables

Nous cherchons sur notre blog biosphere à transmettre des connaissances pour arriver à établir un consensus. C’est très difficile, surtout quand on cherche à s’opposer de façon biaisée. Exemple avec les commentaires de notre récent article sur la responsabilité dans le choc climatique.

Segeste : Le premier problème mondial est la surpopulation. A ma naissance il y avait 3 milliards d’hommes sur terre. Nous sommes maintenant 8 milliards et comme l’explique très bien Jancovici nous consommons en énergie l’équivalent du travail de 160 milliards d’humains. Il n’y a pas de baguette magique dans notre situation et ceux qui se disent écologistes en France ne proposent pas de solutions rationnelles. C’est extrêmement contre-productif dans l’opinion publique. Il serait temps de s’en rendre compte.

Didier : Ce que vous dites est de bon sens, Segeste, rejoignez l’association Démographie Responsable.

Michel C. –De bon sens, dites-vous… mon cher Didier. Et que dites-vous de ça ? « Nous soutenons que les discours deviennent des arguments de retard lorsqu’ils soulèvent l’adversité plutôt que le consensus ou laissent entendre que prendre des mesures est un défi impossible […] Une illustration importante est lorsque la population est présentée comme un moteur primordial du changement climatique […] Le retard est introduit parce que les mesures pratiques et souhaitables pour réduire immédiatement les émissions (par exemple, conduire des voitures plus petites sur des distances plus courtes) sont négligées au profit d’un programme implicite de réduction de la population mondiale, tout en occultant la répartition très inégale de la responsabilité climatique dans le monde. » C’est là un extrait de la conclusion de cette étude, très intéressante, sur laquelle se base Audrey Garric dans son article (« douze excuses de l’inaction sur le climat »). Maintenant je comprends très bien que répondre à ma question (que pensez-vous de ça ?) en une seule ligne, n’est pas chose facile.

Bga80 : Alors même si 67 millions de français venaient à se suicider dès demain, ça n’infléchirait même pas la courbe d’émission de CO2 au niveau mondial ! L’Allemagne vient de remettre en marche 2 centrales à charbon, mais elle va en remettre bien davantage en marche. Donc les carottes sont cuites ! Il faut s’adapter au climat de demain c’est tout ce qu’on peut faire, mais on ne peut plus lutter contre les émissions de CO2 si les 10 plus gros émetteurs ne s’y mettent pas ! Et c’est le contraire qui se produit, les plus gros émetteurs vont en émettre bien davantage ! Alors faire croire qu’un programme politique français sur le climat est le meilleur programme pour la présidentielle est juste grotesque

Notre synthèse biosphèrique : il est contre-productif d’opposer les différentes analyses ci-dessus car le fond est pertinent, seules quelques exagérations en déforment la perception commune. Par exemple la surpopulation n’est pas « le premier problème », c’est un élément parmi d’autres qui multiplie les effets de la combustion d’énergie fossile découlant de nos activités humaines, sources importantes d’émissions de gaz à effet de serre. Quand on a conscience de cet état de fait, il faudrait aussi bien limiter la fécondité, ce que recommande l’association Démographie Responsable, que pratiquer la sobriété énergétique à son échelle. L’action individuelle, associative ET politique sont indissociables. Il est toujours possible de valoriser des comportements à court terme comme réduire les distances domicile/travail ET rouler en petites cylindrées. Cela implique aussi de ne pas oublier le long terme, comme réduire son propre désir de fécondité tout en contestant la politique nataliste française. Court terme ET long terme, individuel ET collectif doivent aller dans la même direction, sinon il y a une lacune préjudiciable aux générations futures. Quant à opposer le national français et le contexte mondial, c’est là encore une fausse opposition. Comme l’exprime l’article initial, c’est un des éléments de langage de tous ceux qui disent qu’il ne faut rien faire puisque la France n’émet que 0,9 % du CO2 mondial et pourrait donc s’exonérer de lutter contre le réchauffement. Il y a ceux qui montrent l’exemple et ceux qui restent devant leur ordinateur uniquement pour contester ceux qui agissent vraiment. Chaque Français il est vrai n’est qu’une part infime des 8 milliards d’êtres humains, mais si tu n’agis pas toi-même contre les maux entraînés par la société thermo-industrielle, qui le fera ?

Cela implique certes une attitude morale, « ce que je fais est dérisoire, mais il est essentiel que je le fasse (Gandhi) ». La morale, l’éthique, c’est ce qui permet collectivement de discerner le bien et le mal, le vrai du faux, le juste et l’injuste, ce qu’il faut faire et ne pas faire. L’éthique, c’est ce qui permet de vivre en société, la morale est donc consubstantielle de la vie des humains.

Lire, éthique de la réciprocité… intergénérationnelle

Notre attitude au présent détermine notre avenir. Mieux nous agissons individuellement ET collectivement, mieux nous serons préparés à nous adapter aux désastres à venir et, surtout, plus nous réduirons les risques.

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