spiritualités

La difficulté de l’école à enseigner l’écologie

Pour se remonter le moral, il est essentiel de garder toujours à l’esprit cette parole de Gandhi :

« Ce que tu fais est dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses ».

L’écologie est une approche globale de la réalité, transdisciplinaire, faisant appel aussi bien aux connaissances biologique et chimiques qu’à l’économie, la sociologie, l’ethnologie, la politique, l’histoire, la géographie, etc. Or l’organisation des temps scolaires, avec le modèle « un cours, une matière, un professeur, une classe », laisse peu de place aux croisements de disciplines. Il faudrait s’affranchir du modèle « boîtes à œuf » : une heure, une classe. Comment ?

Lire, Scolarité, l’éducation à l’écologie absente

Anne-Françoise Gibert  : L’histoire des textes officiels en dit long sur la difficulté de l’école à enseigner la transition écologique. Apparue en France en 1977, l’éducation à l’environnement y a été reprise sous l’intitulé plus euphémisé d’« éducation au développement durable », qui intègre l’économique et le social. Après une succession de circulaires en 2004, 2007, 2011, 2013 et 2015, la nouvelle phase de généralisation de l’éducation au développement durable a été qualifiée à la rentrée 2019 de « transition écologique ». L’interdisciplinarité pour aborder la question de l’environnement est une modalité constante de ces sept textes. Or, le caractère interdisciplinaire rend compliquée leur mise en œuvre . Les sciences de la vie et de la Terre puis la géographie seront d’abord sollicitées (2004, 2007) avant que toutes les disciplines ne soient convoquées… Sauf que l’école française a une particularité : elle s’inscrit dans une conception de l’enseignement du « vrai », développée par les philosophes des Lumières, donc « de la recherche d’une objectivité scientifique » (selon les termes de la circulaire de 2007), en matière d’environnement comme dans les autres thèmes abordés en cours. Autant dire que cette vision des savoirs scolaires s’accommode difficilement de l’enseignement des questions socialement vives, auxquelles appartient tout un pan de la réflexion sur l’environnement. L’enseignement agricole est confronté à des questions qui engagent scientifiques, usagers, experts et citoyens – comme les OGM, les pesticides, le bien-être animal. En témoigne la réforme de 2014 « Enseigner à produire autrement » qui promeut l’approche agroécologique. Ne pouvant être abordés dans le cadre d’une seule discipline, les « éducation à  l’écologie » se déploient avec des acteurs divers de l’environnement. Que reste-t-il donc des ambitions affichées lors de la conférence de Belgrade de 1975 qui appelait à remettre en question, au sein de l’éducation, les politiques de maximisation de la production économique pour prendre en compte leurs conséquences sociétales et environnementales ? Deux chercheurs en éducation ont détecté dans les textes internationaux un affadissement du langage public sur cette question au fil du temps, Ils soulignent qu’au niveau international les textes officiels tendent à privilégier la responsabilité individuelle au détriment d’une conception plus large qui intégrerait les dimensions critiques, éthiques et politiques.

Lire, Pédagogie de la catastrophe n’est pas catastrophisme

Francine Pellaud (2011) : C’est en 1980, dans une publication très intimiste de l’UICN, qu’apparaissent pour la première fois les termes développement durable avec un document titré « la conservation des ressources vivantes au service du développement durable ». La définition du rapport Brundtland de 1987 précise : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations future de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion. Le concept de besoins, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » On ne se pose pas la question de ce que recouvre un besoin essentiel. Le développement ne doit plus apparaître comme une croissance sans fin, mais comme une étape menant à l’âge adulte, passage qui obligatoirement cesse pour décroître si l’on étend la métaphore à la vieillesse. Mieux vaut remplacer « développement » par le terme « épanouissement ». Ainsi détachée de cette vision du toujours plus, nous avons pu envisager la durabilité dans une optique de « toujours mieux ». Subrepticement, nous nous approchons du terme de « décroissance ». La prise de conscience de la finitude de la planète appelle à l’arrêt de la croissance, voire à un retour en arrière en ce qui concerne nos besoins en matières premières et en énergie.

Éducation à l’écologie, éducation à la complexité

La particularité intrinsèque du développement durable vient principalement du fait que les trois domaines que sont l’économie, l’écologie et le développement social, déjà complexe en eux-mêmes, doivent être appréhendés dans une perpétuelle interaction. Une approche globale, systémique, est indispensable. Dans une société où les règles de pensée sont extrêmement binaires (le monde est divisé en bons et méchants, entre pays riches et pays pauvres, etc.), la complexité n’est pas évidente à admettre. L’idée de complexité s’accompagne de la prise de conscience des interactions, des interdépendances, des systèmes ouverts et dynamiques. Même le système économique, qui pendant de nombreuses décennies a fonctionné de manière quasi autonome, doit être pensé en interaction. La gestion des paradoxes et l’idée d’hybridation qui s’en dégage n’est pas confortable. Un grand nombre de militants critiquent le fait qu’Al Gore se montre dans son film se déplaçant avec voiture et avion, tout en nous incitant à opter pour des choix plus écologiques. Comment imaginer une campagne médiatique d’une telle envergure sans moyen de transport rapide permettant à Al Gore de parcourir les continents ? D’autre part, aurions-nous cru à l’image d’un Al Gore ne se déplaçant qu’à cheval et en train ? Si nous refusons les paradoxes des autres, force est de constater que nous fonctionnons sans cesse avec eux dans notre cas personnel.

L’éducation par discipline, une impasse pédagogique

Quelles sont les matières que nous avons apprises à l’école et qui nous servent aujourd’hui pour vivre au quotidien, comprendre le monde dans lequel nous vivons et y participer de manière active et responsable à travers nos choix de vie ? Si j’effectue une introspection personnelle, je risque fort de me retrouver à chanter avec Jean-Pierre Ferland « mais de mes années d’école, je n’ai rien gardé, ce n’étaient que parole pour gâcher l’été ». Il serait temps de remettre en question nos contenus d’enseignement, offrir une école différente qui cesse de se focaliser sur des contenus notionnels. Au XVIIIe siècle, celui qu’on dénommait « savant » était autant naturaliste que biologiste, anthropologue ou botaniste, tout en baignant dans des compétences générales. Il bénéficiait donc d’une vision globale. Néanmoins, son imprégnation culturelle ne lui permettait pas de contextualiser ses approches. Les disciplines, telles qu’elles sont enseignées aujourd’hui, sont issues d’un découpage artificiel, conséquence de l’explosion des connaissances. Le fonctionnement disciplinaire de l’école est un résidu encore tenace de la fragmentation cartésienne. L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité, chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée. D’une manière pragmatique, comprendre l’écologie signifie qu’il faut permettre aux élèves de sortir des cadres habituels de la pensée. Cadres disciplinaires, certes, mais également cadres paradigmatique culturels et sociaux, permettant un regard décentré. Né dans un monde séquence, découpé, le développement durable a  été inventé pour nous rappeler que rien ni personne ne peut survivre en vase clos. Cette capacité à sortir des cadres ne peut se forger qu’en prenant du recul. Nous touchons là un point crucial, l’importance du développement d’un esprit critique pour dépasser la soumission à la vulgate libérale et permettre à l’individu d’aller de la simple obéissance à la responsabilité.

L’invention de l’éducation à l’environnement

Ce n’est qu’en 1974 que l’Unesco, en liaison avec le PNUE – Programme des Nations unies pour l’environnement) tente d’impulser une éducation relative à l’environnement. Depuis 2002, les Nations unies appellent à une décennie pour l’éducation en vue du développement durable. En avril 2003, une stratégie d’action est proposée au ministre français de l’Education : « L’éducation relative à l’environnement et au DD ». On peut lire que l’EEDD devrait être généralisée, ce qui implique une redéfinition des contenus scolaires ; être transversale et interdisciplinaire ; s’étendre du primaire à l’enseignement secondaire. Avant d’être un spécialiste d’une discipline particulière, l’enseignant doit être capable de visualiser les liens et de mettre le doigt sur les nœuds importants. Peu importe sil connaît ou non le sujet. L’important ne se situe pas dans la maîtrise des savoirs, mais dans celle de leur recherche. Dans le cas du développement durable, les changements auxquels nous sommes confrontés n’ont que faire de la mémorisation. Apprendre devient avant tout une affaire de liens, de mises en relation, de prise de recul, et de remises en question de valeurs et d’habitudes de pensée. Pour survivre dans l’école actuelle, l’envie d’apprendre n’est pas nécessaire, l’envie d’avoir le moins d’ennuis possible suffit. Avec le développement durable, il est important que les élèves éprouvent l’envie – moteur de la motivation – de protéger la nature, la biodiversité, etc. mais également le désir d’éviter les conflits, les injustices, la famine, le chômage, etc. Autant d’éléments qui ne peuvent s’appréhender uniquement en classes ou par les livres. Sortir, apprendre à regarder, à apprécier un arbre, ressentir une compassion sur la misère du monde, autant de portes pour éprouver de l’empathie afin de ne pas être un spectateur passif.

La nécessaire critique du libéralisme

La recherche de la promotion individuelle et du profit personnel que notre société néo-libérale continue d’encourager et qui se traduit, à l’école, par une sélection faite sur la base d’évaluations sommatives, n’est pas compatible avec le principe de solidarité et d’équité qui sous-tend le développement durable. Sous l’influence d’un libéralisme économique à outrance prônant l’accession aux biens matériels pour tous comme preuve d’égalité et le choix individuel comme symbole de la liberté, la pensée est détournée. En donnant à l’individu l’illusion de la liberté, le libre arbitre lui enlève celle qui réside dans la volonté. L’idée de liberté est nuisible si elle ne s’accompagne pas d’une conscience des enjeux futurs et des devoirs qui s’attachent au sentiment d’appartenance à une communauté. La responsabilité citoyenne n’est pas toujours compatible avec la notion de « libre arbitre » que véhicule l’idée de liberté associée aux valeurs vénales. Nous pouvons viser une clarification bénéfique qui offre aux étudiants la possibilité d’identifier les multiples influences qui conditionnent leur vie et leur permettre ainsi de se positionner face à elles. Cette approche peut également permettre à l’école de s’interroger sur la manière dont elle « fabrique » l’individu. Si la manipulation politique est fréquemment récriée de manière exacerbée par les étudiants, celle, beaucoup plus efficace et bien plus pernicieuses et perverse de la publicité, n’est relevée que par quelques individus qui s’affichent eux-mêmes, par quelques attributs vestimentaires ou autre, hors norme. Les publicités ne nous aident pas à atteindre la vraie liberté. Elles suggèrent l’image d’un bonheur conditionné, dépendant de conditions matérielles. Elles privilégient le besoin, accroissent le désir, mais se gardent bien de donner le moyen de le combler. S’il existe bien une ennemie publique n° 1 pour le développement durable, c’est la publicité. Gratuite pour le regard, elle coûte son pesant d’or en conséquences sociales, économiques et écologiques.

Changer notre regard

Les paradigmes constituent les fondements sociaux de la pensée qui caractérisent un groupe humain. Ils interviennent de manière forte dans nos jugements de valeur et l’établissement de nos vérités. Ce n’est que le « choc » des cultures qui permet de les mettre au jour. Pour parvenir à changer de paradigmes, il est nécessaire d’avoir connaissance de l’existence de la différence et de l’accepter en tant que telle. Il est donc nécessaire d’accepter de « changer de lunettes » pour parvenir à percevoir la réalité sous un angle différent du nôtre. L’avènement du concept de développement durable repose sur la question du rapport de l’Homme avec la Nature. Or celui-ci est régi par des paradigmes différents d’une culture à l’autre, et qui ont évolué au cours des siècles. Jusqu’en 1872 en Occident, l’homme vivait en harmonie avec la nature : le rythme de l’exploitation ne dépassait pas celui nécessaire à la régénération des matières premières. Mais l’organisation sociale aujourd’hui n’est plus pensée de manière globale. L’artisan, capable de produire seul un objet fini, fait place à un ouvrier. Chaque individu ne produit plus qu’une pièce, un élément de l’ensemble. La supériorité technologique éloigne de la nature, donnant un sentiment de toute puissance qui se traduit par le fait qu’on extrait les matières premières du sous-sol sans se préoccuper à long terme de leur caractère tarissable. Or la Terre est un espace fini, donc limité. Dès lors, nous ne pouvons continuer à l’exploiter sans prendre en compte cet état de fait. La (re)connaissance de ces limites, c’est aussi le début de la responsabilité. Ce sont les contraintes qui libèrent. Respecter l’autre, c’est aussi respecter les limites. Si le développement durable ne connaît pas de limites disciplinaires ou du moins s’il les transcende, il concerne un espace confiné. Si la nature peut vivre sans l’homme, celui-ci ne peut se passer d’elle. Il ne s’agit plus de réguler la nature, mais bien de contrôler les activités humaines. La transparence croissante de la société renforce l’exigence d’équité dans la répartition des efforts. En clair : « Je fais si tu fais, si nous faisons tous. » Le principe de responsabilité fait que le développement durable dépend d’une société qui produit des individus qui, eux-mêmes, produisent cette société, etc. Et comme disait Gandhi, « ce que tu fais est dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses ».

Pour en savoir plus, lire :

30 mars 2019, L’éducation à l’écologie, déprimante et si nécessaire

extraits :Le temps consacré à l’enseignement en relation avec les deux enjeux vitaux à l’échelle planétaire, l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique, apparaît très insuffisant au collège comme au lycée…

15 avril 2018, SES, l’avenir de l’écologie passera par le baccalauréat

extraits : Le problème de la réforme actuelle du bac n’est pas la suppression des filières L, SES et S**. Le problème de fond, c’est que le tronc commun comporterait les enseignements de français, philosophie, histoire-géographie, enseignement moral et civique, langues vivantes 1 et 2, éducation physique et sportive, humanités scientifiques et numériques. Tout pour les disciplines traditionnelles, rien pour l’écologie alors que cette approche systémique est la seule vraiment transversale, propre à ouvrir nos lycéens à une réflexion approfondie car globale.

1er mars 2016, BIOSPHERE-INFO : spécial « éducation à l’écologie »

extraits : La charte de l’environnement de 2005 a été inclus dans la constitution française. Son article 8 explicite clairement que « L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte. »…

23 mars 2013, L’écologie, axe central de l’éducation scolaire

extraits : Nous sommes tous écolos même si nous n’en avons pas encore conscience. Nous devons en effet apprendre notre dépendance à l’égard des écosystèmes et devenir les sages garants de notre mère Nature. Mais l’école officielle se contente du « lire-écrire-compter » et de l’accumulation des diplômes.

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Nicolas Hulot et le PRAGMATISME écolo

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  

L’écologie n’est pas dans la mentalité du personnel politique qui, pour la plupart, a été élevé dans l’idée que nos institutions, notre technologie, notre recherche trouveront remèdes à tout, que des désordres éventuels seront solubles grâce à notre intelligence. La politique telle qu’on la conçoit aujourd’hui s’inscrit dans un registre de temps incompatible avec l’engagement écologique car ce que l’on va semer ne profitera pas, en termes électoraux, à celui qui aura semé. Lorsque l’on parle de fiscalité énergétique à un homme politique de droite ou de gauche, il a décroché depuis longtemps car il voit arriver les lobbies et les menaces sur l’emploi. La droite se contente de soutenir l’ultra-libéralisme et la gauche reste à la traîne de son passé industrialiste. De plus les politiques ont une connaissance le plus souvent parcellaire de l’écologie. Cette surdité des décideurs est une forme de violence à laquelle répond l’activisme et la virulence de Greenpeace. Un mode d’action non violent, mais un peu plus physique, qui n’est d’ailleurs que le minimum que l’on puisse opposer à cette violence. Mais je suis plus pragmatique. Pas question de décroissance, ni d’antilibéralisme, c’est un simple problème de vocabulaire. Je ne rejette pas en bloc le système actuel. Mais je suis contre le capitalisme sauvage, qui nous mène à la catastrophe.

Les problèmes sont extrêmement complexes, il faut donc s’adapter sans dogmatisme. J’avais une stratégie, essayer d’influencer directement ceux qui sont au pouvoir. J’étais en situation médiatique de le faire. J’avais compris qu’en étant inclassable, j’étais plus efficace pour faire passer un message que je voulais lucide. Il faut faire un pas après l’autre, c’est notre tâche de colibri pour reprendre l’expression de mon ami Pierre Rabhi. Il faut être radical dans les objectifs, évolutif dans l’engagement. Je suis bien conscient du fait que je participe à me donner bonne conscience, mais ce qui est important, c’est d’avancer. Si je n’ai eu qu’un succès dans mon parcours, c’est d’avoir réussi, à mon niveau, à déghettoïser l’écologie en France. Je suis convaincu d’y avoir contribué au moins dans le milieu politique et dans les industries, deux sphères très éloignées de l’écologie. Je n’ai jamais eu de réticences à avoir des interlocuteurs dans toutes les sphères. Face à une urgence ardente, celle de répondre aux futures crises provoquées par une consommation effrénée et dépourvue de sens, je tiens le discours des valeurs.

Je me suis rapproché physiquement des sphères dominantes, mais pas spirituellement. Des années-lumière m’en séparent. Il faut pourtant trouver un moyen d’y opérer des changements. Il est important de sortir de son vase clos pour ne pas remâcher sans arrêt les mêmes constats désespérés. J’ai appris à être pragmatique. Il existe deux manières de se positionner par rapport à ce qu’on appelle « le système » : soit on reste définitivement à l’extérieur en le fustigeant, mais cela revient à jeter des petits cailloux sur un dinosaure, soit on l’intègre en essayant de faire bouger les choses. La complémentarité de ces deux méthodes est importante. Quand j’observe mon parcours, je m’aperçois que j’ai probablement fait bouger le curseur dans ce système. A mon niveau, et avec d’autres, j’ai obligé des entreprises à évoluer. Essayer de modifier les attitudes de l’intérieur, à la façon d’un cheval de Troie, peut être efficace.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Écologie rationnelle, écologie superficielle

Raison et déraison, qui donc est irrationnel ? Les signataires de l’appel d’Heidelberg accusaient les écologistes en 1992 d’irrationalité : « Nous soussignés, nous nous inquiétons d’assister, à l’aube du XXIème siècle, à l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social. » Mais parler « d’idéologie irrationnelle » sans définir de quoi on parle n’est pas très scientifique. Est-il irrationnel de s’opposer à certaines  techniques ? C’est tellement facile d’accuser les autres de sa propre irrationalité au lieu de se remettre en cause. Il s’agit d’un stratagème fréquemment employé, une disqualification d’autrui pour masquer sa propre turpitude, une perversion mentale… qui peut nuire gravement à la planète et à tous ses habitants. Les adeptes de la rationalité économique ne sont en fait que les serviles servants d’un système techno-industriel dont la croissance destructrice n’est pas du tout questionné.

Lire, L’irrationalité écolo n’est pas du côté des accusés

Stéphane Foucart : Daniel Kretinsky, spécialisé dans le rachat de centrales à charbon en fin de vie, se veut « passionnément raisonnable » face « aux offensives de l’obscurantisme ». La raison, la rationalité, la science, les Lumières d’un côté ; l’obscurantisme, l’irrationalité, les extrémismes et la déraison de l’autre. L’Union rationaliste, association qui date de 1930, entend promouvoir une culture de la délibération et du débat issue de la démarche scientifique. Mais la « raison » doit-elle prioritairement s’exercer sur le terrain de la technique et de l’économie ? Doit-on considérer la mondialisation de l’économie comme une donnée intangible et ne recourir à la raison que pour en rationaliser le fonctionnement ? La « raison » est devenue une raison gestionnaire qui promeut les rêves de fusion nucléaire, de transformation du vivant et de colonisation de l’espace… et pour faire baisser les émissions, il suffirait de lancer un vaste programme mondial de centrales nucléaires. Ramener la crise environnementale à un simple problème technique permet de n’avoir à gérer que ses conséquences, sans se préoccuper de ses causes profondes….

Lire, Ce que nous voulons, l’écologie profonde !

La notion d’écologie profonde, introduite par le philosophe norvégien Arne Naess au début des années 1970, permet de nous différencier d’une écologie superficielle, du type capitalisme vert ou croissance verte, sans oublier toutes les formes de greenwashing. Cette forme d’écologisme qui se dit « rationnel », « positif » et « non extrémiste/punitif » permet en fait de continuer le « business as usual » et constitue un véritable extrémisme puisque cela nous a conduit à surexploiter la planète en toute bonne conscience.

Lire, L’écologie profonde versus l’écologie superficielle

C’est cette position politique conservatrice au fond et ultralibérale pour la forme qui a abouti à la religion de la croissance. L’écologie superficielle se cache le fait que la situation financière, sociale et écologique implique qu’il faut mettre en place une véritable « rupture » avec le capitalisme techno-industriel et non une simple « transition » écologique. C’est une marque de la déraison de faire passer les écolos réalistes pour des idéalistes inconséquents. Même à l’intérieur du parti des Verts s’opposent les tenants (majoritaires) d’une écologie « pragmatique » et superficielle aux partisans (encore minoritaires) d’une écologie profonde, celle qui remet en question toutes nos certitudes actuelles, y compris le mythe de la supériorité des humain et donc notre rapport à la nature.

Lire, François de Rugy, adepte d’une écologie superficielle

Lire, L’écologie superficielle et irréaliste de Brice Lalonde

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Écologie, le droit d’emmerder Dieu 

Pour Karl Marx, toute critique commençait par la critique de la religion : « Religion, opium du peuple » ! Il ne faut voir dans la bible et le coran qu’imagination humaine, poison de notre pensée. Les religions du livre font référence à un dieu abstrait, invisible, indéchiffrable. Alors ce sont des humains qui interprètent la parole de « dieu » pour imposer aux autres leur propre conception de l’existence. Impossible de s’entendre, on sacralise des arguments d’autorité, on jette l’anathème sur les infidèles ou on les massacre puisqu’on n’a pas d’argument rationnel pour les convaincre.

Cependant aucune société ne peut vivre sans une certaine forme de religion. Mais ma spiritualité, ce qui est sacré à mes yeux, c’est le lever du soleil qui apporte l’énergie de la vie aux plantes, l’eau qui ruisselle et étanche la soif de toutes les espèces, l’équilibre des écosystèmes. Ni la bible, ni le coran, il nous faut lire dans le livre de la Nature l’amour de toutes les formes de vie. La définition que donne Spinoza d’un dieu se manifestant au travers du monde naturel revient d’ailleurs à exclure l’existence d’un dieu abstrait. Il n’y a plus de place pour un dieu autoproclamé qui intervient dans les affaires humaines, et encore moins pour un dieu qui prend parti dans de haineuses violences. Dieu n’a pas créé l’homme à sa propre image. C’est bien sûr l’inverse.

Lire, préalable à l’action, se libérer de la religion

L’avocat de « Charlie Hebdo » vient de publier sa plaidoirie lors du procès des attentats de janvier 2015. « Le droit d’emmerder Dieu » (96 pages, 10 euros) de Richard Malka est une apologie passionnée du droit de blasphémer. Il y pourfend tous ceux qui ont « soufflé sur les braises ». « La liberté de critique des croyances, c’est le verrou qui garde en cage le monstre du totalitarisme. » L’affaire des caricatures, massacre perpétré par les frères Kouachi, a donc une portée métaphysique : « le sens de ces crimes, c’est l’annihilation de l’Autre, de la différence ».

Lire, Charlie : la religion assassine la liberté de réflexion

D’où la question : comment en est-on arrivé là ? Qu’est-ce que c’est que cette guerre qui oppose des dessinateurs avec des crayons à des fanatiques armés de kalachnikovs ? La liberté d’expression, issue de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est une liberté-mère et le premier-né de cette lignée, c’est… le « droit d’emmerder Dieu » . La suppression du délit de blasphème du code pénal date de 1791. Il faudra attendre près d’un siècle pour passer de la « proclamation à la concrétisation », avec la grande loi sur la liberté de la presse de 1881, « un des piliers de notre République ».

Lire, Liberté de la presse et écologie, le cas Hervé Kempf

Le droit d’emmerder Dieu, il faut de nos jours le défendre car il est attaqué. Le problème, regrette Richard Malka, c’est que « la moitié de la classe politique et intellectuelle » n’a eu de cesse de reprocher au journal Charlie d’exercer ce droit. « Ils ont fait naître l’idée qu’avec les caricatures, nous étions les ennemis des musulmans… Et ils nous ont collé une cible dans le dos ». Même les personnes qui jugent les caricatures provocantes ou blessantes mettent de l’huile sur le feu, elle appellent à se mettre un bâillon sur la bouche.

Lire aussi, Dieu n’est pas grand (comment la religion empoisonne tout) de Christopher Hitchens

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L’écoanxiété a-t-elle besoin d’être soignée ?

Les psychothérapeutes adaptent le patient à une société déstabilisante, ils soignent les symptômes et pas la cause du mal. Les écopsychologues estiment au contraire que notre rupture avec la Terre est la source profonde de notre malaise social. L’écopsychologie réunit la sensibilité des thérapeutes, l’expertise des écologistes et l’énergie éthique des activistes de l’environnement. Cette discipline émerge avec la multiplication actuelle des cas d’éco-anxiété.

Antoine Pelissolo  (psychiatre) : Je constate que les inquiétudes autour de l’avenir climatique sont de plus en plus présentes. L’éco-anxiété est plus fréquente, on voit des cas sévères qui évoluent vers une dépression… Chaque fois que de graves inondations ou de terribles incendies se produisent, on en voit les images, et beaucoup de personnes le vivent comme si c’était leur propre corps qui était exposé. Il y a un effet d’accumulation, avec le sentiment que les menaces se rapprochent dans le temps et dans l’espace, et qu’on sera un jour concerné directement. On utilise désormais le terme de stress pré-traumatique…. La solastalgie correspond au sentiment douloureux de voir un endroit détérioré, par exemple par l’érosion du littoral, sans retour en arrière possible. Tout cela peut devenir obsédant. J’ai pu l’observer chez des militants dont l’action les plonge encore plus dans ces problématiques. C’est décrit également chez des scientifiques qui travaillent dans le domaine du dérèglement climatique… Ce qui me frappe le plus, c’est le positionnement sur la question de la descendance. Beaucoup (de militants) sont fermement décidés à ne jamais avoir d’enfant, ou du moins ils l’envisagent sérieusement. Ils sont qualifiés de « Ginks » [pour Green Inclination, No Kids, « engagement vert, pas d’enfants »]. Jusqu’à présent, malgré des périodes dramatiques, la descendance représentait pour la plupart des gens un espoir ; et la finitude que l’on connaît tous et qui est à la base des angoisses de mort était un peu allégée par la perspective d’une transmission. Le fait de renoncer volontairement à cela me semble être un changement majeur de vision du monde… L’éco-anxiété n’est pas forcément une pathologie qui relève d’un suivi psy… Des chercheurs allemands ont récemment montré que la consommation d’antidépresseurs d’habitants de Leipzig est inversement proportionnelle au nombre d’arbres à proximité de leur domicile… Il a été démontré que le fait de naître, grandir et vivre en ville est associé à un risque plus élevé de troubles psychiques qu’en milieu rural. Un engagement personnel dans l’écologie, à travers les gestes du quotidien voire dans un mouvement plus collectif, peut aussi aider à se déculpabiliser et se sentir plus actif.

Complément d’analyse sur lemonde.fr :

J.A. : Un psychiatre qui se préoccupe des symptômes, soit les personnes “stressées “, sans se soucier des causes une seule fois dans l’entretien… çà c’est inquiétant.

ap1 : Personnellement, j’ai zéro stress par rapport au changement climatique, et surtout, à l’effondrement (qui pourra suivre différent scénarios, et dont on ne connaît pas la date/l’enchaînement exact). J’en avais, beaucoup, il y a 5-6 ans, quand j’avais conscience de ce qui allait arriver et que personne n’en parlait, mais maintenant que c’est devenu mainstream… aux citoyens et au collectif de faire leur boulot. Je n’ai plus besoin d’alerter sur quoi que ce soit, et je vis sereine dans une situation qui ne fera qu’empirer.

Michel SOURROUILLE : Personnellement je pratique depuis 1972 (rapport sur les limites de la croissance) la pédagogie de la catastrophe pour que la catastrophe n’arrive pas. On me l’a souvent reproché, disant que j’allais traumatiser les personnes. Maintenant les catastrophes deviennent médiatiquement omniprésentes. Et le stress « pré-traumatique » risque fort d’entraîner les individus au repli sur soi, à la dépression sans action, ou bien à la colère qui va essayer de tout casser sans rien changer. Je ne crois plus que c’est la catastrophe qui va servir de pédagogie, il n’y a qu’à voir les plans de relance économique qui fleurissent un peu partout au niveau mondial. On continue de vouloir la croissance économique et on relance les causes qui nous amené dans une impasse. Mais je ne suis pas anxieux. Je continue de croire que dans un monde qui multiplie les problèmes, nous sommes, chacun d’entre nous, la solution. J’appelle de mes vœux la sobriété partagée… elle arrivera de gré ou de force !

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

21 juin 2015, L’écopsychologie qui soigne l’esprit et sauve la Terre

synthèse, BIOSPHERE-INFO, introductions à l’écopsychologie

3 mai 2017, Pour comprendre l’écopsychologie en quelques mots

L’écoanxiété a-t-elle besoin d’être soignée ? Lire la suite »

Quelle responsabilité pénale de la folie ?

Le problème de nos sociétés modernes, c’est qu’elles ont annihilé la nécessité de la responsabilité individuelle, c’est toujours la faute des autres: c’est la faute au gouvernement, le coût de ma ventilation la sécurité sociale y pourvoira , l’innovation technologique viendra à notre secours, votez pour moi et votre pouvoir d’achat grimpera, gaspillez comme vous voudrez, le camion-poubelle passera, etc. Dans cette société d’irresponsables, il faut espérer qu’il n’est pas trop tard pour une approche qu’on pourrait appeler social-libérale, reposant sur la prise de responsabilité individuelle. La remise en question de l’irresponsabilité pénale est un des éléments de cette évolution culturelle nécessaire. C’est le deuxième volet de nos articles concernant la notion de responsabilité individuelle

Le code Napoléon de 1810 qui restera en vigueur jusqu’à la fin du XXe siècle : « il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pas pu résister ». De nos jours, certains courants de la psychiatrie entrent dans le schéma de la « responsabilisation ». Alors que le XIXe siècle débattait avec passion de l’intention du fou criminel, on s’interroge dans les années 1950 sur sa dangerosité et la récidive. A la fin des années 1960, de nombreux psychiatres estiment aussi que l’irresponsabilité pénale est excluante, stigmatisante, voire inhumaine. A partir des années 1980, il y a changement de paradigme. « La maladie mentale n’est pas un système global qui fait sens mais une vaste collection de symptômes. Il suffit donc que les psychiatres repèrent, dans leurs expertises, un symptôme qui n’affecte pas le libre arbitre pour que le délinquant soit responsabilisé. » Ce changement de pratique des experts psychiatres se double d’une transformation des représentations judiciaires. Les victimes, qui étaient autrefois des figures négligées du droit pénal, commencent à prendre la parole sur la scène publique et dénoncent haut et fort les ravages du non-lieu psychiatrique. En exonérant les fous de toute responsabilité, cette procédure, affirment-elles, les prive d’un procès dont elles ont impérativement besoin pour se reconstruire. Le 24 août 2007, le président Nicolas Sarkozy a demandé à la ministre de la justice de « réfléchir » à la possibilité de traduire devant un tribunal un auteur de crime, même s’il est déclaré irresponsable pénalement. Depuis 2008 en France, l’irresponsabilité pénale est ainsi prononcée au terme d’une audience publique et contradictoire au cours de laquelle le meurtrier est interrogé ; quelqu’un qui pense être « pourchassé par le démon », n’est-ce pas quelqu’un qui maîtrise le langage !

Quelques commentaires bien choisis sur le monde.fr :

A.Conte : La nécessité du procès et d’un jugement donc d’une éventuelle condamnation s’impose par respect pour les victimes et leurs familles. La maladie mentale devrait entraîner seulement une différenciation de traitement en cas de condamnation : enfermé en hôpital psychiatrique ou en prison. Dans le cas de l’affaire qui a suscité ce débat, celle des tortures et du meurtre de Sarah Halimi, la loi actuelle permet à l’auteur de ces actes barbares de retrouver sa complète liberté dès lors qu’un collège d’experts le déclarera « guéri », demain, dans un an, dans cinq ans… Par ailleurs ingérer volontairement des substances altérant le discernement : alcool, drogue ou autre substance type captagon, devrait exclure l’irresponsabilité.

FrenchyEve : Quelque part un assassin est forcément anormal, tuer un autre être humain traduit toujours une faille dans l’équilibre mental. Mais la question de la responsabilité pénale repose sur la conscience que le criminel avait de son acte : un tueur en série psychopathe est dérangé, mais sait parfaitement ce qu’il fait, alors qu’un schizophrène en plein délire non. Je me demande par contre si la loi en discussion permettra de juger un schizophrène qui a interrompu volontairement son traitement médicamenteux et du coup tue lors d’une bouffée délirante qui ne serait pas arrivée s’il avait gardé sa camisole chimique ?

Provençal : Un homme ivre a perdu aussi beaucoup de son libre arbitre. Alors pourquoi l’ivresse est-elle une circonstance aggravante notamment au volant et la prise de cannabis ne l’est pas ?

PPK : Tout ceci repose sur un présupposé: il y a un libre arbitre. Or nous sommes tous la résultante d’un acquis social qu’on peut accepter ou moduler. Dès lors on peut penser que les notions de responsabilité et de volonté sont des convention indispensable à la vie en société.

Pour en revenir à l’écologie, lire aussi Hans Jonas et notre responsabilité

En dernière instance, la question n’est pas de savoir combien l’homme sera encore à même de faire, mais celle de savoir ce que la Nature peut supporter. Le fait que tant de choses, à commencer par l’état de la biosphère, dépendent de ce que l’homme peut faire a quelque chose d’effrayant. Mais le pouvoir, associé à la raison, entraîne de soi la responsabilité. Dans l’homme, la nature s’est perturbée elle-même, et c’est seulement dans notre faculté morale qu’elle a laissé ouverte une issue : mon agir ne doit pas remettre en question l’intérêt entier des autres également concernés, c’est-à-dire les générations futures. Notre thèse est que les nouvelles dimensions de l’agir réclament une nouvelle éthique de la responsabilité et la prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise.

On ne pourra contester à l’homme politique le droit de mettre en jeu l’existence de la nation au profit de l’avenir si vraiment l’extrême est en jeu. Le péril qui menace la communauté devient une puissante impulsion de l’homme de courage à proposer sa candidature et à s’emparer de la responsabilité.

Pour appliquer cette nouvelle éthique, un système libertaire serait préférable pour des raisons morales, mais les systèmes moralement bons sont des systèmes précaires ; l’Etat peut seulement être aussi bon que le sont les citoyens. De plus l’homme politique peut supposer idéalement dans sa décision l’accord de ceux pour qui il décide en tant que leur chargé d’affaires, mais des générations futures on ne peut obtenir de facto un accord (acteurs-absents). Par conséquent « La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral ».

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Enfer numérique, dictature des chiffres

Voter pour la primaire des écologistes, c’était l’enfer. Un identifiant de 5 lettres, un mot de passe de 9 chiffres et lettres, un sms de confirmation de 5 chiffres à retaper sur son clavier, un appel téléphonique parce que ça ne marchait pas, soit 10 chiffres supplémentaires… soit près de 30 chiffres pour présenter son nom à une élection. Autrefois sa carte d’identité suffisait, mais c’était dans un autre temps, où les rapports de proximité étaient la norme. Le 2 octobre 1971, l’humanité est soudainement projetée dans l’ère de l’immédiateté éthérée. Ray Tomlinson envoie le premier e-mail sur Arpanet, un réseau informatique propre aux scientifiques et militaires américains. Aujourd’hui, travailler, consommer, se faire des amis, draguer, écouter de la musique, voir des films, lire, s’informer, voter, jouer, etc., tout cela se fait par écran interposé. Des individus connectés en permanence, surinformés, se croient omniscients et tout-puissants alors que leur impuissance politique et sociale n’a jamais été aussi grande. A force de vouloir communiquer toujours plus loin, on en a oublié les liens de proximité ; autrefois on s’identifiait à son voisinage, aujourd’hui nous ne connaissons plus nos voisins. L’utopie numérique laissait envisager un monde ouvert, sans nationalismes ni haine. douce vision en miettes. Internet devait révéler la diversité, il ne véhicule que des stéréotypes. A la place du village planétaire, nous avons hérité d’un marché globalisé, otage de la publicité.

Le coût de la numérisation du monde est affolant, les chiffres sont édifiants : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France ou l’Angleterre. La pollution numérique est colossale, et c’est même celle qui croît le plus rapidement.Les technologies numériques mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de CO2, soit presque le double du secteur civil aérien mondial. Pour envoyer un simple like, nous déployons ce qui devient la plus vaste infrastructure jamais édifiée par l’homme, un royaume de béton, de fibre et d’acier, un inframonde constitué de datacenters, de barrages hydroélectriques et de centrales à charbon, tous unis dans une triple quête : celle de puissance, de vitesse et… de froid ; dans les vastes plaines du cercle arctique où refroidissent nos comptes Facebook !

Réveillons-nous, révoltons-nous, n’achetons pas (n’achetons plus) d’objets numériques, vivons au plus près de la Biosphère et de nos prochains. Maintenant, tu sais ce qu’il te reste à faire…

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

6 mai 2021, L’écran pharmakon, à la fois remède et poison

4 mars 2021, La génération des écrans, dégénérescence

25 octobre 2019, Écrans, décérébration à grande échelle

3 octobre 2019, La fabrique du crétin numérique

6 mai 2018, Démence digitale, l’addiction des petits aux écrans

26 février 2018, Les écrans contre la santé psychique des enfants

12 janvier 2018, L’addiction aux écrans, signe de folie technologique

27 octobre 2017, Libérons nos enfants de l’emprise des écrans

7 octobre 2016, Le désastre de l’école numérique dans LE MONDE

12 septembre 2016, Ecrans ou éducation, il faut choisir… le présentiel

28 avril 2016, Faut-il vraiment du tout-numérique à l’école ? NON

7 janvier 2016, La génération de l’écran en perdition intellectuelle

4 novembre 2014, Est-il encore possible aujourd’hui de vivre sans écrans ?

24 janvier 2013, l’enfant face aux écrans, l’interdit est nécessaire

18 décembre 2012, Noël, sans achat de tablette numérique pour enfants

14 juin 2011, pourquoi vivre sans écrans

13 juin 2011, vivre en famille sans écrans

28 mars 2010, vivre sans écrans, c’est possible

27 mars 2010, l’écran pervertit (les relations humaines)

26 mars 2010, l’écran chasse les livres

25 mars 2010, tout sur l’écran et rien dans la tête

24 mars 2010, l’écran est une drogue

23 mars 2010, l’invasion des écrans

22 mars 2010, Semaine sans écrans (22 au 28 mars)

19 mars 2010, Semaine sans écrans

18 avril 2009, semaine sans écran

26 mars 2009, l’emprise des écrans

15 septembre 2007, l’emprise des écrans

9 septembre 2007, utopie numérique ?

à lire, L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like, de Guillaume Pitron, Éditions Les liens qui libèrent, 304 pages, 20 euros

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Écologie, la peur peut être bonne conseillère

Climat : les trois quarts des jeunes jugent le futur « effrayant ». 45 % des jeunes sondés affirment même que l’écoanxiété (solastalgie) affecte leur vie quotidienne, 39 % hésitent à avoir des enfants. . L’échec des gouvernements à faire face à la crise renforce cette détresse. Pire, le sondage a été mené avant l’enchaînement de catastrophes climatiques meurtrières de cet été, qu’il s’agisse des inondations en Allemagne, en Belgique ou en Chine, du cyclone Ida aux Etats-Unis ou des incendies en Californie, en Grèce, en Turquie ou en Sibérie. Historiquement, nous sommes passés d’une époque où on avait surtout peur de la nature sauvage à une peur face aux atteintes que nous infligeons à la nature. Cela fait longtemps que notre blog biosphere montre que la peur devient omniprésente :

23 juin 2019, Eco-anxiété, dépression verte, « solastalgie »

24 octobre 2018, Tout va s’écrouler ? Même pas peur !

15 décembre 2017, Peur du terrorisme, insouciance totale pour le climat

19 décembre 2016, Des chiffres, rien que des chiffres, à faire peur

24 octobre 2015, La peur écologique renforcera la peur « des autres »

13 janvier 2015, « Le marketing de la peur », un livre de Serge Michels

31 août 2012, Culture de la peur et extrémismes, Rachel Carson ?

1er mai 2012, Maurice Tubiana : arrêtons d’avoir peur !

17 avril 2012, Nomophobie, la peur sans portable

12 mai 2010, j’ai peur d’être écolo

2 septembre 2007, peur de la nature ?

Les commentateurs sur lemonde.fr nous en disent plus :

De ma fenêtre : Cette enquête confirme ce que nous avons vécu avec nos enfants cet été lors d’une conversation. Celui de 13 ans nous a fait a part de sa peur du futur. Sa conclusion : « Vous avez de la chance, vous serez morts »

Brutus : On peut faire la même enquête sur la peur de la guerre nucléaire, les résultats dans les années 70 auraient été pas mal. Au niveau plus local, on peut faire une enquête en Afghanistan sur ce que pensent les femmes de leur futur. En Tchétchénie, Pologne, Nigéria sur le futur selon les homosexuels. Au Texas, on peut demander leur avis sur leur avenir aux jeunes filles qui ne veulent pas tomber enceinte. En Somalie ou en Haïti, ce que pensent les habitants de leur futur alimentaire. En Corée du Nord, on ne peut pas mener d’enquête. Et Elon Musk répondra qu’il a peur de l’intelligence artificielle future. Etc…

Nawak : Pauvres enfants…qu’auraient ils eu comme angoisses il y a 2 ou 3 siècles face aux incertitudes de ces temps oubliés ? Guerre, violence, famine, épidémie, absence de soins, d’éducation, d’accès à la santé…

ayhdk @Nawak : Sauf qu’à l’époque les possibilités de changement étaient réelles et les améliorations ont eu lieu, là il n’y a plus de plan B…

Michel SOURROUILLE : La façon anxiogène dont le catastrophisme est présenté conduit notre cerveau à éviter totalement le sujet. C’est sur ce constat psychologique que surfent les anti-écolos. Rachel Carson a publié son livre « Le printemps silencieux »  en 1962. En résumé, l’usage du DDT (insecticide) tue les oiseaux, le silence règne sur les champs. Un site Internet commente : « La rhétorique extrémiste de Rachel Carson a généré une culture de la peur. » Lorsque des extraits du livre de Rachel ont été publiés dans le New Yorker, un chœur bien orchestré a accusé Rachel d’être hystérique et extrémiste. Alors le Président Kennedy avait constitué un comité pour examiner les conclusions du livre : Rachel avait scientifiquement raison. Le système des pesticides est un pari faustien, nous sommes gagnants à court terme, au prix d’une tragédie à long terme : les « nuisibles » s’adaptent par mutation, et les produits chimiques deviennent impuissants. Oui il faut avoir peur, l’angoisse peut être bonne conseillère.

Justin Kidam : Les jeunes ont raison d’être inquiets. Je me souviens encore de l’interdiction des sacs plastiques, puis des pailles en plastique. Il y a eu des discussions interminables sur ces points qui n’étaient pourtant que des détails en comparaison du problème à traiter avec le réchauffement.

Peps72 : Quand l’extrême-droite fait peur en agitant la menace migratoire (c’est mal). Quand l’extrême-gauche et les écolos font peur en agitant la menace climatique (c’est bien).

Balder : Les humains, quel que soit leur âge ont de quoi être inquiets car seule une dictature pourrait imposer les restrictions sur le mode de vie des pays développés et sur le taux de reproduction des autres pays. Malgré ces inquiétudes très peu sont capables de mettre en œuvre la simplicité volontaire, y compris nous qui postons sur ce forum. Le plus choquant est cette génération des années 45 à 55 « peace & love », qui s’est libérée du modèle patriarcal, des exigences de la religion, pour finalement devenir addictive à l’hyper-consommation, refuser de modifier son agriculture, pillé les ressources de la planète. Nous sommes dans une phase irréversible qui va provoquer la disparition de plusieurs milliards d’humain et un chaos indescriptible pour que la planète puisse retrouver un équilibre.

lecteur assidu : La mort est consubstantiel au vivant, l’Humanité est «  condamnée » par l’évolution du système solaire… Sur le fond «  avoir moins que ses parents » et «  ne pas avoir d’enfants » semble être un bon point de départ vers la non-croissance. Non- croissance, particulièrement du nombre d’humain, est une des bases de la pensée humaniste.

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Antoine Waechter, écolo depuis ses douze ans

Antoine Waechter est un des co-fondateurs des Verts en 1984. Mais son militantisme était en germe depuis ses 12 ans, en 1961. Il découle d’un cheminement qui n’est pas intellectuel, mais sensible. Quand il était enfant, la vie foisonnait autour de son village. Il a vu disparaître son paradis, tracteurs et bulldozer ont effacé les paysages d’antan dans la moitié nord de la France. Bien avant que l’écologie ne devienne politique, il a créé à 16 ans une association, les « Jeunes amis des animaux et de la nature de Mulhouse ». Mais empêcher une autoroute ou lutter contre l’urbanisation était une action vouée à l’échec pendant cette période qu’on a appelé de façon présomptueuse « les Trente Glorieuses ». Antoine ne s’est pas avoué vaincu, il a depuis lors toujours milité, d’abord au niveau associatif, puis au niveau politique. Il garde de son enfance un sentiment très fort, toujours vivace. Il y a pour lui deux sortes d’écologie. La sienne est sensible à la beauté de la nature, consciente de la finitude du monde, une perception encore très présente en milieu rural. Mais cette conception entre en conflit avec une vision minérale de l’existence, celle des milieux urbains où se recrutent dorénavant les militants des Verts et leurs électeurs. La planète entière risque de devenir une surface sans nature sauvage où les humains resteront avec les seules espèces qui leur sont utiles. Cette vision est insupportable pour Antoine qui garde pour référence le film de Richard Fleischer, « Soleil Vert », sorti en 1973.

Antoine Waechter devient l’un des porte-parole des Verts en 1986, puis le candidat de ce parti à la présidence de la République à l’élection de 1988. Il fera une campagne sans moyens, circulant en train avec une simple valise. Mais il rassemblera pourtant 1,2 millions d’électeurs. A l’assemblée générale de son parti en 1993, la motion qu’il soutient est mise en minorité et c’est la ligne politique de Dominique Voynet qui l’emporte. Antoine voulait s’opposer aux alliances électorales qui arrime l’écologie au parti socialiste et lui faisait perdre son âme. Il quitte alors les Verts en 1994 pour fonder le Mouvement écologiste indépendant (MEI). Depuis, toutes les différentes tentatives de rapprochement entre les deux sensibilités ont échoué. Les Verts prennent de l’importance grâce au soutien des socialistes alors que le MEI perd de l’influence. Ce parti en faveur d’une écologie de rupture va être marginalisé, et souvent grâce à des procédures déloyales. Le PS se verdit grâce aux Verts, il s’acharne à détruire toute volonté d’indépendance des écologistes. EELV, qui succède aux Verts en 2011, persiste encore aujourd’hui dans cette logique d’une « union de la gauche » à visée électoraliste. Ses dirigeants croient qu’ils vont devenir le leader d’une social-écologie en devenir, gardant l’étiquette de gauche pour combattre la droite. Mais pour Antoine, l’écologie n’est pas à marier, son projet de société va bien au-delà de l’opposition libéralisme/socialisme, il s’attaque au productivisme. Le MEI se situe dans une vision non linéaire de l’histoire, il n’y a jamais progrès ininterrompue. Tout est cyclique, c’est inéluctable. Et l’humain esclave de l’outil, oublieux de la nature, ce n’est pas une fatalité.

Contrairement aux autres partis (toutes étiquettes confondues), le MEI porte aussi une attention soutenue à la question démographique. Antoine Waechter s’explique. Le poids de l’humanité sur la planète est le produit du nombre d’humains par la consommation du Terrien moyen. 5 milliards de personnes vivant aujourd’hui dans les pays en développement souhaitent pouvoir consommer comme nous, ce qui n’est pas illégitime. Comment un gouvernement démocratique peut-il porter le message d’une consommation frugale ? Pourtant, la situation se tend. Les Pays-Bas, par exemple, n’ont plus assez d’espace pour produire leur alimentation de façon autonome, ni même pour construire des résidences secondaires. Le MEI porte le message d’une maîtrise volontaire de la fécondité humaine. Antoine Waechter avec Didier Barthès ont d’ailleurs co-écrit un livre qui sera bientôt publié, « Le défi du nombre ».

NB : portrait antérieurement publié sur le site des JNE,

https://jne-asso.org/2021/09/06/antoine-waechter-ecolo-depuis-ses-douze-ans/

 

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Militer à l’heure de la société du spectacle

Il y a les amuseurs publics qui nous font perdre notre temps, ainsi Valérie Lemercier : « Faire rire représente les premières joies de ma vie. Tout d’un coup, on a le sentiment de servir à quelque choses, d’avoir un intérêt. » Comme si une franche rigolade entre potes n’était pas la bonne méthode plutôt que sourire enfermé dans une salle de spectacle. Et puis il y a ceux qui servent vraiment à quelque chose. Ainsi Vincent Magnet qui laisse aux forêts le temps de vivre, Antidia Citores qui se met au service des océans, Sylvie Monier en défenseure opiniâtre des haies, Victor Noël, 16 ans (dont huit à protéger la nature), Rachel Lagière qui plante des variétés paysannes, François Sarano avec qui on reprend contact avec le vivant, etc. Grâce à eux et à tous les autres militants dans l’ombre, je sais que l’humanité peut être l’instrument du meilleur parmi le pire. Et je sais aussi que militer pour l’écologie, c’est ne pas s’attendre à des résultats probants, mais c’est faire ce qu’on doit faire.

J’ai toujours été un prophète de malheur comme Claire Nouvian, tous ceux qui annoncent la catastrophe afin que l’on puisse réagir et l’éviter. Mais aujourd’hui nous les écolos nous regardons les faits, le dérèglement climatique, la disparition des espèces, le recul de la démocratie, la concentration inouïe des richesses, l’état de surveillance numérique, le divertissement qui a gagné contre le goût de connaître et de réfléchir. Garder espoir relèverait de la profession de foi. Or nous ne sommes pas croyants, nous sommes réalistes. Les militants de Greenpeace ou de l’Earthforce ne sont pas des extrémistes, les vrais extrémistes ce sont les anti-écolos qui empêchent médiatiquement de lutter tous ensemble pour faire la paix avec notre mère la Terre et avec tous nos frères et sœurs qui méritent ce titre. Pour l’instant, nous perdons tous les combats, pour la planète, la justice sociale et les libertés fondamentales. L’humanité déraille et les bateleurs devraient arrêter de nous faire collectivement perdre la tête. Sinon, à bout d’arguments, les militants se transformeront en écoguerriers qui n’auront plus rien à perdre et qui n’hésiterons pas à détruire les biens nuisibles à l’équilibre planétaire.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

23 janvier 2020, Claire Nouvian, militantisme et désespoir

11 octobre 2020, Urgence écologique et destructions de biens

29 mars 2018, L’encéphalogramme plat du militantisme chez les jeunes

15 avril 2015, Paul Watson : Earthforce (manuel de l’écoguerrier)

20 août 2014, Les écoguerriers en vert sont-ils des terroristes ?

9 septembre 2013, L’écologie pousse forcément au militantisme

21 juillet 2013, La force du militantisme écolo l’emportera forcément

6 décembre 2012, Où sont les écoguerriers ? Partout et près de vous !

19 septembre 2012, Ecoterrorisme et écoguerriers, le cas Paul Watson

17 septembre 2007, écoguerrier = terroriste ?

24 avril 2007, le code de l’écoguerrier

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Tous coupables, vite au confessionnal

Nicolas Santorolia : « Beaucoup de gens disent qu’ils ont une responsabilité limitée dans la catastrophe actuelle, mais nous avons collectivement la responsabilité générationnelle de n’avoir pas su modifier nos modes de vie, nos aspirations. Parce que nous semblons incapables d’infléchir la trajectoire globale du système, l’idée que l’on pourrait avoir un jour à s’excuser auprès de nos enfants fait petit à petit son chemin. » La culpabilisation est-elle un bon chemin vers la rédemption écologique ? Faisons le tour de la question grâce aux contributions sur lemonde.fr :

Peps72 : Ce qu’il faudrait c’est créer des lieux spécifiques où l’on pourrait s’excuser. On y installerait une sorte de cabanon à l’abri des regards. Et une personne spécialisée dans le recueil des excuses recevrait les fautifs. On appellerait ce lieu une Église. Le cabanon un confessionnal. Et la personne spécialisée un prêtre…

Michel SOURROUILLE : La différence entre la culpabilité confessée pour obtenir l’absolution d’un prêtre et la culpabilité contemporaine, c’est que ce qui était avoué autrefois était anodin, du genre j’ai pêché, je me suis masturbé ou j’ai couché avant de me marier. Aujourd’hui la responsabilité de chacun de nous est objective, notre croissancisme consumériste dilapide les richesses naturelles et pas grand-chose ne sera donné en héritage aux générations future. Ne pas se sentir coupable de posséder un SUV ou de prendre ses vacances par avion, c’est accepter que rien ne changera avant l’Apocalypse finale qu’on appellera choc pétrolier ultime ou réchauffement climatique irréversible…

pm42 : Au fur et à mesure que la religion organisée devient moins influente, elle est remplacée par des succédanés vaguement politiques qui en tout cas reprennent ces bons moyens de domination qui est la culpabilisation, le bouc émissaire et la désignation des hérétiques, pêcheurs responsables de tous les maux, etc. Accuser un groupe et lui demander de s’excuser, c’est du niveau de la Chine maoïste et Cie.

Michel SOURROUILLE @ pm42 : Les confessions forcées ou séance d’autocritiques publiques sur ordre du temps de Mao, ce n’est pas du tout ce qui dit l’article de Nicolas Santorolia. Il s’agit de prendre conscience que chacun de nous est un colibri, qu’il fait sa part pour enrayer la dévastation de la planète, mais que nous avons aussi nos insuffisances, et que nous voulons faire en sorte d’améliorer notre comportement : moins prendre sa voiture, moins manger de viande, ne pas prendre l’avion, se contenter d’un voyage autour de chez soi, rapprocher son domicile de son lieu de travail, etc, etc. Se sentir coupable d’une insuffisance comportementale n’est pas une tare, c’est le contraire, le début d’un changement vers la simplicité volontaire et la sobriété énergétique. C’est à dire des actes absolument nécessaires…
très curieuse : « Reconnaître ses erreurs, s’en excuser auprès de l’enfant ne peut être que bénéfique dans la relation éducative et humaine, mettant en exergue le caractère faillible de chacun ».Donc, il suffirait de s’excuser – et ne pas changer – pour paraître moins coupable et rester le Héros auprès de vos enfants ?

X.ARANUI : Les élèves qui arrivent en collège à 10/11 ans sont effectivement massivement angoissés par l’état de l’héritage. Et ils savent bien qui en est responsable : leurs parents ( encore jeunes) et grand parents. Si on propose à ces enfants héritiers de rajouter 2h à leur emploi du temps hebdomadaire pour découvrir leur environnement et prendre des initiatives pour sauver ce qui peut l’être, ils seront très nombreux à se porter volontaires.

GERONIMO :Je commencerai à me sentir coupable – et à effrayer mes enfants – le jour où l’on me prouvera que MON action et non celles des États est à la base de la pollution.

ByeFelicia : On devrait faire de grandes campagnes touristiques dans un style plus électrochoc « Vous allez polluer où en vacances cet été ? » « Avec Eazy Jet, la pollution est moins chère » « Venez découvrir et saccager en masse les sublimes plages de Thaïlande » « Vous aussi participez à l’incontournable transhumance polluante estivale, vous l’avez bien mérité avec vos vies de m… » etc. Ça aurait plus d’impact, non ?

Biosphere : Mea culpa, mea maxima culpa, c’est ma faute, ma plus grande faute. Le sentiment de culpabilité est un bon signe, celui de prendre conscience et de vouloir faire autrement. Cette intériorisation des contraintes à s’imposer sur soi-même ne relève pas du « péché » à la mode catholique, mais d’une conséquence logique d’une réalité biophysique. Nous détruisons la planète et donc les conditions de vie de nos générations futures. Mais comme les humains sont trop souvent soumis à la force des habitudes, cela demande un effort sur soi quand le voyage en voiture est devenu la norme et le tourisme une obligation. Contre nos penchants funestes, un processus de culpabilisation doit être lancé, auquel succéderait le sentiment de culpabilité, puis viendrait ensuite la résolution personnelle de se passer de voiture. Ressentir la « honte de voler » en avion nous semble tout à fait normal, rationnel, moralement nécessaire, et même inéluctable. Ce sera voulu ou subi.

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Tous coupables, on a pourri grave la planète

Julien Doré : « Tu sais, c’est la honte/Qui me sert de papier/J’ai dessiné ta tombe/Avant même de te bercer. » . Le chanteur évoque sa culpabilité d’adulte laissant aux enfants un monde pourri par sa génération. Entre espèces en voie de disparition et montée des océans, nos voyages en voiture ressemblent à un enterrement, nos transports en avion une route vers l’enfer. Nos pulsions écocidaires deviennent suicidaires, entre méga-feux et pluies diluviennes. La souillure généralisée de notre habitat lèguent un avenir poubelle sur une planète qu’on a vidé de sa vie prolixe pour en faire un milieu minéral et sans âme. « Le monde serait sans doute mieux sans nous, les humains » me murmure une voix intérieure. Homo sapiens n’est pas pas assez intelligent pour respecter mère Nature, et trop intelligent par ses armes de destruction massive de la vie et de la Terre. On pourrait même se lancer dans un hiver nucléaire !

Nous avons tous collectivement la responsabilité générationnelle de n’avoir pas su maîtriser notre démesure et décroître tant qu’il en était encore temps. Sorry Children* nous propose de formuler sur les réseaux sociaux des excuses : « Dans quelque temps, le monde n’aura rien à voir avec celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Cette situation critique nous oblige à regarder les choses en face : à moins que nous ayons tout fait pour éviter le pire, nous aurons tous une responsabilité envers nos enfants. » La campagne #lapireexcuse propose à chaque adulte de se projeter au moment de sa mort et de formuler des excuses aux jeunes générations pour l’inaction climatique des décennies passées. Là où les rapports du GIEC accumulés et les mises en garde rationnelles réitérées ne semblent pas fonctionner, la culpabilité devrait devenir un moteur du changement.

Mea culpa, mea maxima culpa, c’est ma faute, ma plus grande faute. Le sentiment personnel de culpabilité est un bon signe, celui de prendre conscience et de vouloir faire autrement. Cette intériorisation des contraintes à s’imposer sur soi-même ne relève pas du « péché » à la mode catholique, mais d’une conséquence logique d’une réalité biophysique. Nous détruisons la planète et donc les conditions de vie de nos générations futures. Mais comme les humains sont trop souvent soumis à la force des habitudes, cela demande un effort sur soi quand le voyage en voiture est devenu la norme et le tourisme une obligation. Contre nos penchants funestes, un processus de culpabilisation devrait être mis en place, auquel succéderait le sentiment de culpabilité, puis viendrait ensuite la résolution personnelle de se passer de voiture et de bien autre choses. Ressentir la « honte de voler » en avion nous semble tout à fait normal, rationnel, moralement nécessaire, et même inéluctable. La diminution de nos émissions de gaz à effet de serre sera voulue ou subie.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

6 avril 2019, Écologie, culpabiliser pour ressentir la culpabilité

17 juillet 2021, Torrents de boue en ville, mea maxima culpa

* Sorry Children. Les pires excuses à donner à nos enfants pour avoir ravagé la planète et autant d’actions pour y remédier (Alternatives, 144 pages, 19,90 euros, sortie le 21 septembre 2021).

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éthique de la réciprocité… intergénérationnelle

Nous ne voyons nulle part d’altruisme inconditionnel (hormis quelques figures exceptionnelles type Gandhi), que ce soit dans des petits groupes ou dans de grandes communautés. Il pourrait en être autrement. Individuellement et collectivement, nous avons toujours théoriquement le choix. Car c’est notre socialisation qui formate nos sentiments. D’un côté l’égoïsme, le chacun pour soi, la violence à fleur de peau, les conflits familiaux et de voisinage, etc. Au niveau collectif, l’exubérance irrationnelle mais si merveilleuse du pillage total de la planète par un consumérisme de satisfaction immédiate. De l’autre nous pourrions cultiver l’altruisme, l’empathie envers autrui et l’ensemble du vivant et plus généralement une austérité assumée pour laisser des ressources viables aux générations futures et de l’espace pour les autres espèces vivantes. On peut donc de façon contradictoire adhérer aux codes d’une bande de prédateurs ou se sentir concerné par l’avenir lointain. Parvenus au point où nous en sommes, une planète exsangue, nous voici sommés de choisir entre une évolution fondée sur des sentiments positifs où l’emporteraient l’amitié, la solidarité, la coopération, la fraternité, la convivialité, les forces de l’esprit et, pour tout dire, l’amour, et une société encore et toujours traversée d’intenses compétitions aboutissant à des conflits généralisés et à un cataclysme écologique sans précédent. En d’autres termes, nous n’avons pas le choix, mais nous n’en avons pas encore conscience.T el devrait être le postulat d’un écologiste, combattre l’égoïsme et favoriser l’altruisme.

Selon la morale en vigueur, nous pouvons faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et nous devons assurer aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. C’est ce qu’on appelle une éthique de la réciprocité. La plupart du temps, on pratique la réciprocité directe, je te redonne l’équivalent de ce que tu m’as donné. C’est typique de l’échange marchand, j’ai obtenu l’objet ou le service, je paye directement en monnaie. C’est là une conception étriquée de l’éthique. Car qui dit réciprocité dit aussi relation. Il commence à exister une réciprocité généralisée, se comporter de telle façon que si les autres faisaient de même, la société deviendrait meilleure. Peu importe le résultat immédiat, l’important est d’indiquer le chemin à suivre. Par exemple, si tout le monde était objecteur de conscience, rejetant l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus de guerres. Le gros problème réside dans le « si ». Les objecteurs en France ont été très peu nombreux en France malgré le fait qu’ils aient obtenu officiellement un statut en 1963, et plus personne n’en parle aujourd’hui avec la suspension du service militaire pour les jeunes. On ne peut guère attendre des autres qu’ils pratiquent la réciprocité généralisée dans une société qui célèbre le culte des armées et le choc des nations. Mais si tu ne commences pas à agir pour le bien commun, qui le fera ? Au niveau écologique, la tentative des colibris est une autre application : l’exemplarité de ceux qui pratiquent la simplicité volontaire pourrait servir de catalyseur, et devenir un mouvement de masse. Mais à l’heure de la consommation de masse et de l’abondance à crédit, les changement de comportements individuels et collectifs restent microscopiques.

Envisager une réciprocité intergénérationnelle, considérer des êtres qui n’existent pas encore et agir pour leurs intérêts futurs, demande encore plus d’ouverture d’esprit qu’une réciprocité généralisée uniquement adaptée aux temps présents. Il nous faudrait répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Cette belle phrase, popularisée par le Sommet de la terre de Rio en 1992, a été malheureusement considérée comme donnant droit à encore plus de croissance économique. L’oxymore « développement durable » de Rio a laissé place à l’imbécillité de l’expression « croissance verte », et maintenant nous subissons le mot fourre-tout « transition écologique ». Des mots, des mots pour mélanger l’inconciliable. L’inflation d’oxymores aujourd’hui tels que « voiture propre », « fonds de placements éthiques », « entreprises citoyenne », « croissance durable », « guerre propre », « agriculture raisonnée », « marché civilisationnel », « financiarisation durable », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », « vidéoprotection »… est symptomatique d’une société qui se grise de paroles pour ne pas penser à une rupture radicale avec la société thermo-industrielle. Tourner complètement le dos à notre confort exosomatique actuel est pourtant une condition incontournable pour pouvoir laisser quelques miettes aux générations futures. Nous devrions tous connaître l’expression « acteurs absents », l’avenir s’en porterait mieux.

En savoir plus sur l’éthique de la réciprocité :

15 avril 2014, Choisir l’égoïsme du présent ou l’altruisme envers avenir

15 octobre 2017, De l’ère de la compétition à la loi de la réciprocité

4 novembre 2017, Quelle boussole pour diriger mon action envers autrui ?

29 juin 2020, Le colibri, emblème de l’écologie en marche

En savoir plus sur l’éthique intergénérationnelle :

28 mai 2019, De la génération 1968 à la génération climat

19 mars 2019, Les générations futures font entendre leurs voix

2 février 2012, les coûts cachés du nucléaire, l’oubli des générations futures

18 janvier 2012, Tribunal pour les générations futures : la surpopulation

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l’Écologisme devient un mythe fédérateur

Les valeurs écologistes vont dessiner de nouvelles normes sociales en passe de se substituer à celles de la civilisation thermo-industrielle. Ce que je propose à titre de sociologue, c’est de voir comment le discours éco-environnementaliste est en train de se constituer comme fait social total, c’est-à-dire comment il est en mesure de mobiliser à la fois les individus et les institutions afin de réguler les comportements. Le discours écologiste a toutes les caractéristiques d’un discours mythique au sens où l’entend Claude Lévi-Strauss, c’est-à-dire qu’il permet à toute société humaine de construire du sens à propos de l’univers dans lequel elle évolue. Le mythe fabrique du lien social et des objectifs. L’anthropologue souligne que « la substance du mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l’histoire qui y est racontée ». Le mythe codifie les interdits moraux et sociaux, mobilise dans un but donné par l’effet de croyances partagées par l’individu et le collectif. Rare sont les mythes qui sont en mesure comme l’Écologisme de mobiliser en l’espace de deux générations seulement autant de gens et de politiques. La promesse faite par l’écologisme est celle d’un avenir radieux pour la planète, où l’empreinte de l’être humain sur la planète serait limitée au maximum, où la décroissance économique et démographique serait à l’ordre du jour, où le climat serait revenu à ce qu’il était avant la révolution industrielle, où la pollution serait quasi-inexistente, où l’autosuffisance alimentaire deviendrait chose courante, où la consommation de viande ne serait le fait que de quelques irréductibles, où toute production industrielle serait soumise au principe de précaution… L’Écologisme se veut essentiellement une déconstruction de la révolution industrielle, une remise en question de toutes les valeurs capitalistes. Elle remplace par une nouvelle perception des réalités biophysiques l’idée que la croissance économique est source de progrès et que la technologie reste la seule solution pour résoudre les problèmes qu’elle a créé.

La construction de ce mythe se dessine sur un fond d’incertitudes multiples et inquiétantes, c’est ce qui fait sa force. Greta Thunberg ne dit-elle pas : : « Je ne veux pas que vous soyez plein d’espoir. Je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours. Et ensuite, je veux que vous agissiez. » Quand bien même l’American psychological association (APA) n’a pas intégrée cette peur à sa bible des maladies mentales, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V), elle l’officialise peu à peu, évoquant l’éco-anxiété dans son rapport de mars 2017 consacré aux conséquences des changements climatiques sur la santé mentale. Sa définition : « peur chronique d’un environnement condamné ». 

Nous prenons conscience avec l’Écologisme que l’être humain est fondamentalement un prédateur de la nature, une espèce envahissante, en quelque sorte un cancer à la surface de la planète. Et les penseurs de la nature sauvage ainsi que les néo-malthusiens peuvent en conclure à juste titre que moins il y aurait de gens sur la planète, plus nombreux seraient le milieux naturels protégés et plus les humains bénéficieraient d’une meilleure qualité de vie. D’autre part, si nous considérons les humains comme un chancre destructeur, il est de peu d’intérêt de prendre position contre le génocide au Darfour, la guerre en Irak ou la pauvreté, parce que ces préoccupations particulières relèvent du militantisme socio-culturel et non du combat environnemental.

Concluons avec Greta Thunberg : « Je me fiche de savoir si ce que je fais – ce que nous faisons – est ou non plein d’espoir. On doit le faire de toute façon. Même s’il n’y a plus d’espoir et que tout est sans espoir, nous devons faire ce que nous pouvons. »

NB : libre reconstitution de l’idée générale du livre de Pierre Fraser,

L’écologisme ou le succès d’une idéologie politique (éditions Liber, 2021)

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Inceste interdit, viol de la Terre autorisé

Les anthropologues ont renouvelé l’approche de la sexualité en montrant l’importance de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Cette liberté totale fut certainement une des conditions de l’apparition des normes et des interdits qui limitent, dans toutes les sociétés, les usages et les pratiques de la sexualité. Que dit Maurice Godelier :

« Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les sociétés humaines ignoraient le processus biologique réel de la conception d’un enfant. Face à ce mystère, elles ont inventé des mythes. Homo sapiens sapiens, qui a expérimenté des formes d’organisation sociale très différentes, a conclu, de manière universelle, qu’il fallait interdire la permissivité sexuelle : parce que la sexualité est source de conflits, d’exclusions et de rivalités, elle ne peut être entièrement laissée à la liberté de chaque individu.Si l’inceste est interdit dans toutes les sociétés humaines, c’est parce qu’il réunit des personnes que l’on considère comme « trop semblables ». Mais chaque culture détermine la composante commune qui fonde cette prohibition : les Egyptiens anciens pensaient qu’aucune catastrophe cosmique ou sociale n’était attachée à une union entre frère et sœur alors qu’elle figure, en Occident, parmi celles que nous considérons comme les plus gravement incestueuses. Pour les habitants des îles Trobriand [Papouasie-Nouvelle-Guinée], les relations sexuelles entre le père et sa fille ne sont pas considérées comme un inceste  puisqu’il n’est pas à l’origine de sa procréation (filiation matrilinéaire). En transformant tous les alliés en quasi-consanguins, la mythologie chrétienne a étendu la prohibition de l’inceste, jjusqu’au septième degré du cousinage au XIIIe siècle − que l’Eglise catholique a réduit à quatre, puis à deux degrés de distance. En Occident, la famille est une famille « nucléaire », des rapports sexuels internes mettent en rivalité des membres de la famille. Le désir sexuel peut se tourner vers des personnes interdites : il n’est pas du tout impossible, par exemple, qu’un fils désire sa mère – la preuve, c’est qu’il faut l’interdire. En ce sens, la sexualité humaine est fondamentalement « a-sociale ». L’interdit de l’inceste est une invention de la pensée : toutes les sociétés transforment le corps sexué des hommes et des femmes en des sortes de ventriloques tenant un discours sur l’ordre moral et social qui doit régner dans la société. »

En fait l’éthique, l’art de distinguer ce qui est bien et ce qui est mal, ne sait plus très bien se situer face à la liberté sexuelle. Aujourd’hui on ne peut même plus en plaisanter, rappelons-nous l’éviction de Xavier Gorce. Parlons plutôt du viol de la Terre, l’inceste absolu. La question du symbole est indissociable de l’histoire de l’humanité. Dans le Croissant fertile du Moyen Orient propice au développement de l’agriculture, on  a choisi de déchirer le ventre de la terre en la désacralisant ; pour ce faire, on a projeté  dans le ciel les divinités et on leur a demandé l’autorisation de poursuivre le labeur. Et le ciel a répondu : « Fructifie, multiplie, emplie la terre, soumets-là… » A partir de là, fin de la Déesse mère et commencement de Dieu le père. Depuis le néolithique, cultiver signifie ouvrir le ventre de la terre. Homo sapiens demens se met à labourer la terre du soc de la charrue, un véritable inceste à l’égard de la Terre-mère dont on déchire la chair pour la féconder. C’est insupportable. Donc, ou vous arrêtez, ou vous transformez votre regard sur le monde. (propos résumés d’Eveline Grieder)

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Pour en finir avec l’exaltation de SOI

Comme disait Gandhi quand on lui demandait : « Comment faites-vous toutes ces choses altruistes tout au long de l’année ? » Il répondait : « Je ne fais rien d’altruiste. J’essaie de progresser dans la réalisation de Soi. »

Laurent de Sutter : Pour en finir avec soi-même ! Le soi est une curieuse denrée. A grand renfort de pseudo-psychologie, de conseils frelatés, de gourouteries variées et avariées, il nous est vivement conseillé d’en prendre le plus grand soin. Mille propos nous incitent à le découvrir, le développer, l’accepter, l’affirmer. Le problème, c’est que personne ne sait jamais, en fait, de quoi il est question. Chacun répète, bien sûr, que le soi est aimable, ou bien haïssable, ou encore perfectible. Pourtant, il demeure introuvable, insituable, rebelle à toute définition. Le développement personnel n’est qu’une « police de l’être », une bouffonnerie où il apparaît que « changer sa vie » équivaut constamment à la normaliser. Somme toute, cette denrée imaginaire paraît bien n’exister qu’en fonction d’un projet : la faire servir. Mais à quoi ? Le soi n’existe pas. Ce qui compte, et agit, est toujours autre chose, à côté. Être soi au quotidien, c’est être fiché : avoir nom, signature, photographie, empreintes. Pour être libre, il faudrait donc abandonner le soi.Ainsi, le célèbre « Connais-toi toi-même », emprunté par Socrate à l’oracle de Delphes, ne signifie nullement qu’il y aurait à découvrir un for intérieur, un caractère ou tempérament individuel, mais qu’il faut prendre conscience de sa place d’humain, entre animaux et dieux. Le soi, c’est seulement le retour de la pensée sur elle-même, la réflexivité.

Satish Kumar : Vous remarquerez que Descartes dit deux fois « je » dans son « je pense, donc je suis ». Il fonde tout seul sa vérité, tout ce qui vit autour de lui n’existe plus ! S’il avait réfléchi dans la nature, entouré d’arbres, d’animaux, caressé par le vent, il n’aurait pas conclu à une prise de conscience solitaire. En posant l’ego comme le moteur de l’être humain, votre Descartes a institué un dangereux dualisme, il a isolé l’homme de son environnement, il l’a proclamé indépendant. Le dualisme cartésien est un mode de pensée qui divise l’esprit et la matière, sépare le corps et l’esprit, et considère le monde comme une série d’objets à analyser et à contrôler. Il me semble intéressant de noter que Descartes découvrit la pierre angulaire de son système philosophique au cours d’une longue nuit solitaire, alors qu’il était enfermé dans une petite pièce chauffée par un poêle, tandis que Bouddha, lui, atteignit l’Eveil en observant la nature, assis sous un grand arbre au bord d’un fleuve. Les bouddhistes indiens se sont évertués au contraire à libérer l’homme des illusions de l’ego, ont développé le principe de co-dépendance entre tout ce qui vit. En Inde, les sages parlent depuis des siècles de la dissolution, voire de l’inexistence du moi. Les hindous ont forgé l’expression « So Hum » – Tu es, donc  je suis. Les mystiques chrétiens, qui voyaient le mystère divin dans tout ce qui les entourait, ont été marginalisés. La vision dualiste du monde donne aux hommes l’illusion d’exister indépendamment d’autrui. Si nous acceptons l’idée que « mon esprit » est plus certain que « l’esprit d’autrui », nous participons à la division du monde.

Arne Naess propose une humanisation écologique par la pleine réalisation de soi, qui devient « Soi » en s’ouvrant à l’ensemble de l’écosphère, à tous les êtres humains et aux espèces animales. Dans cette capacité du soi à s’étendre en se liant aux autres, Arne Naess dit se situer sur une crête entre « sur la gauche l’océan des perceptions mystiques et organiques, sur la droite, l’abysse de l’individualisme atomiste. » C’est un véritable changement anthropologique dont il propose la mise en pratique, conduisant à apprécier la qualité de la vie plutôt qu’un haut niveau de vie. Cela jusqu’à dire que seul l’homme est capable de s’identifier par l’imagination à l’autre et même à l’animal. A la fin d’Ecology, community and lifestyle, Naess propose sa propre philosophie de l’écologie, son « écosophie » particulière. Or, dans son écosophie, il fonde la valeur de la « diversité » en général sur la valeur première de la « réalisation de soi » (self-realisation). La réalisation de soi passe en effet selon lui par celle « des autres », et ce qu’il entend par « les autres » excède les limites du genre humain : « La réalisation complète de soi pour quiconque dépend de celle de tous » ou « la diversité de la vie augmente les potentiels de réalisation de soi. »

Paul Shepard (1962) : Le soi est un centre d’organisation dont la peau et le comportement sont des zones souples qui nous mettent en contact avec le monde et ne nous en excluent pas. La pensée écologique implique une vision qui ne s’arrête pas aux frontières. L’épiderme de la peau ressemble, d’un point de vue écologique, à la surface d’un étang ou au terreau d’une forêt ; elle agit moins comme une coquille que comme une zone de délicate interpénétration. Le soi, dans la mesure où il fait partie du paysage et de l’écosystème, se révèle anobli et prolongé plutôt que menacé. Le monde est ton corps.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

25 juillet 2019, L’écologie a besoin d’une spiritualité

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Que croire dans une période d’incroyances ?

Croire en Dieu ne va plus de soi. Fini les arguments d’autorité. Après les différent schismes religieux, après la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, vive la liberté de conscience ! Un transfert de transcendance s’opère alors entre la religion et l’idéal politique ou économique. Mais croire à la révolution prolétarienne ou aux miracles du progrès technique, ça fait maintenant ringard. Les promesses du bonheur terrestre par lesquelles on avait cru pouvoir remplacer les promesses du bonheur céleste ont été complètement décrédibilisées . Alors place au vide ? Les humains sont incapables de faire le vide dans leur cerveau, il faut combler le manque. Car ne plus croire en rien, c’est ne plus savoir où aller, et il faut bien partir quelque part. D’ailleurs, il y a toujours quelqu’un pour nous suggérer, et le plus souvent pour nous imposer, une destination finale. Alors qui croire ?

La vérité scientifique ne peut que répondre à la question du « comment », elle reste muette quant à celle du « pourquoi ». Nos sociétés ultra-modernes se trouvent donc face à une crise du « croire » inédite ; douter est à la mode, on doute de tout, surtout depuis qu’il y a des marchands de doute. Et dans le même temps on croit à n’importe quoi, c’est la magie des réseaux sociaux. Avec Internet, les connaissances ne sont plus soumises aux autorités traditionnelles de transmission. Diffusé de manière anarchique, ce maelström s’apparente davantage à une accumulation foutraque d’informations qu’à un savoir maîtrisé capable de se substituer aux croyances déchues. En conséquence, vérité et opinion sont devenus des synonymes. Il est vrai que douter de tout ou tout gober, ce sont des solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir.  Les croyances, libérées de leur mise sous tutelle, se dérèglent ; follement crédule nous rend éperdument nigaud. Alors que les idéaux du passé, religieux ou séculiers, avaient vocation à inviter l’individu à faire corps avec la société, à se relier, à s’ouvrir à l’extérieur de lui, l’acte de croire apparaît souvent, de nos jours, comme un moyen d’exprimer sa singularité. Chacun peut bricoler son propre credo. Le fondamentalisme religieux n’est d’ailleurs que l’expression grossière du besoin de croire dans un monde qui a perdu ses repères ; le djihadisme a incité des milliers de jeunes Européens à vouloir mourir loin de chez eux. Bizarre ! La crispation identitaire réduit l’individu à une identité choisie, mais elle le coupe de tous ceux qui ne partagent pas son credo.

Il n’y a que l’écologisme pour donner une nouvelle image de la religion dans ce qu’elle a de meilleur, quand elle est fidèle à sa vocation d’être pourvoyeuse de lien et non de division ; n’oublions pas qu’une étymologie du mot religion est le latin religare, relier. « Moins de biens, plus de liens » est à la fois une revendication et un mode de vie. Cela redonne un sens à notre existence beaucoup plus puissant que celui des religions du passé . En effet l’écologisme s’appuie sur une réalité bien étudiée par les scientifiques, notre planète est exsangue et nous en sommes responsables. Nous devons devenir les guérisseurs de la Terre et les militants de la décroissance. Finalement la période actuelle nous offre la possibilité de nous réinventer. Écoutez ce que nous disait Pierre Fournier (1937-1973) :

« Nous sommes des prophètes de malheur. Nous sommes des emmerdeurs et des minoritaires indésirables. Admettre le bien-fondé de notre position d’écolo, c’est admettre qu’il faut tout remettre en cause, jusqu’aux habitudes physiques et mentales les plus confortables et les mieux ancrées. La révolution écologique consiste à tout remettre à l’endroit. »

Mais les avis sur le monde.fr sont très mitigés en matière de croyances. Pour Pierre Marie, la nouvelle croyance dans l’écologisme est effrayante… Pour Walpurgis , une seule solution: Greta Thunberg, la saint Thérèse du XXIème siècle ! Pour l’éternel sceptique, la croyance est surtout un problème dans ses outrances, quand elle devient dogmatisme, absolutisme, fanatisme. Il doit y avoir des tests simples pour s’y retrouver : admettez-vous que vous avez des croyances (si réponse négative, problème)… acceptez-vous que les autres aient des croyances différentes des vôtres (si réponse négative, problème) !

Michel Sourrouille, écrit en 2021.

Pour en savoir plus grâce au blog biosphere :

10 mai 2021, Liberté d’expression ou bien art de convaincre

27 septembre 2020, Croire au progrès, un vrai obscurantisme

1er mars 2020, Biosphere-Info, écologisme et religions (synthèse)

18 février 2020, L’écologisme concurrence les religions

14 mars 2019, Le Web, la toile qui nous fait prisonnier de nous-même

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La liberté sexuelle de Catherine Millet

Qu’on se le dise, en octobre 2017 la question de la sexualité a été bouleversée par le déclenchement de l’affaire Harvey Weinstein, celle qui a fait exploser la révolution #metoo. Libération de la femme et répression sexuelle à la fois. Le féminisme s’habille en effet de multiples contours, Catherine Millet est-elle réactionnaire ?

Catherine Millet : « Allez, encore un : tous les jours, on coupe une nouvelle tête ! »

Après la ­publication du Consentement de Vanessa Springora, qui décrit l’emprise qu’a exercée l’écrivain lorsqu’il avait 50 ans et elle 14, Catherine Millet s’interroge. Pourquoi Springora ne s’est-elle pas désolidarisée du « lynchage médiatique » si elle a « aimé Matzneff » et si, « comme elle le dit, elle n’a pas agi par pure vengeance » ? Sur la question du consentement, elle cultive l’ambiguïté : « On peut céder et ne pas le regretter, comme on peut aussi céder, et le regretter. Ce sont les risques de la vie. » Aujourd’hui, elle ne perçoit que les dérives de la libération de la parole : guerre des sexes, puritanisme, dictature du ressenti et victimisation. Elle fustige « les filles qui balancent des noms de types parce qu’ils ont pincé des fesses ». Ce retour de bâton contre le mouvement #metoo, Catherine Millet en aura été l’un des porte-drapeaux. En 2018, elle corédige, une tribune : « Nous défendons une liberté d’importuner indispensable à la liberté sexuelle ». Le texte commence par « le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste ». Sur France Culture, elle ose : « Je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol, on s’en sort. » Cette même rhétorique l’avait conduite à déclarer en 2017, « l’inceste n’est pas toujours traumatisant ». Avec Marcela Iacub, elle a aussi défendu la liberté de se prostituer. « Le désir, plaide Catherine Millet, c’est le moteur de la vie, qu’il faut savoir contrôler ou réorienter. » Elle se reconnaît surtout dans les « femmes coqs qui prennent leur indépendance sans rien demander à personne ».

Au pays des Shadoks : Bon j’ai compris qu’il y a deux sortes en gros de féminisme. Celui incarné par celles libérées sexuellement et les autres qui n’ont toujours pas compris qu’elles avaient un problème avec ça. Et les premières sont accusées de faire le jeu des machistes. Bien sûr.

En tant qu’écologistes, nous voulons laisser plus de place à l’expression de notre nature biologique, formatée pour le plaisir sexuel réciproque. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie. Dans l’état actuel de nos connaissances du cerveau humain, toute violence exercée par un homme (ou une femme) résulte d’un conditionnement  social ; enfant violé, enfant perturbé ou résilient. Tout dépend du contexte. Il semble dommageable qu’un féminisme exacerbé perturbe les relations entre les hommes et les femmes, relations qui pourraient mieux s’épanouir avec une liberté sexuelle plus grande….

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

23 janvier 2021, Inceste, Xavier Gorce quitte LEMONDE

16 mars 2021, Faire l’amour en public, est-ce écologique ?

10 février 2019, Nature de la sexualité et droit à la sexualité

13 janvier 2018, Sexualité et harcèlement, l’homme, un animal dénaturé

NB : La Vie sexuelle de Catherine M. (Seuil, 2001) : description crue, quasi chirurgicale de ses coucheries depuis l’âge de 18 ans dans les clubs échangistes, les parkings, etc.. De sa jeunesse, elle ne retient que l’ivresse des corps qui bousculent les interdits, l’égalitarisme sexuel des partouzes qui casse les barrières sociales.

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Une histoire nationale à dé(re)construire

L’histoire nationale, on s’en fout sauf à filtrer avec l’extrême droite. Ce n’est pas l’avis d’un candidat à la présidentielle de 2022 !

Xavier Bertrand : « L’heure n’est pas à la déconstruction de l’histoire mais à la reconstruction d’une cohésion nationale. L’histoire est à une nation ce que la mémoire est à un individu. Elle fonde son identité : elle est donnée, tout entière, en héritage à ceux qui naissent sur le sol de France, et en partage à ceux qui veulent devenir français. Elle éclaire notre action. Elle nous permet de nous projeter vers l’avenir. Avec ses dimensions de grandeur et sa part d’ombre, notre histoire nous définit et forme le socle de nos valeurs. Le chef de l’État voudrait « déconstruire » notre histoire, c’est une atteinte portée à notre dignité nationale, et ce sur un média étranger. Cette position instille un poison mortel dans notre unité nationale. »

Xavier Bertrand veut nous faire croire que la France ne s’est pas bâtie sur la colonisation et l’esclavage, que l’islamisme radical et l’ultragauche sont culs et chemise, qu’il y a une guerre idéologique engagée contre la France, qu’il faut restaurer la souveraineté migratoire et qu’entre Macron et Le Pen, il y a LUI, l’autre choix pour 2022. Mais l’histoire n’a pas à être politisée dans un sens ou un autre, le travail des historiens est seulement de s’approcher le plus possible de la vérité des faits et de leurs enchaînements. La récupération politicienne du résultat des recherches historiques, c’est juste… de la politique. L’histoire « nationale » est une construction du XIXe siècle, on a inventé le choc des nations pour mettre un semblant d’ordre dans la multiplicité des peuples du monde. Cette idéologie réductrice est complètement dépassée par l’histoire à construire qui se compose de deux éléments ; d’une part celle du passé de l’humanité toute entière et du support qui nous fait vivre, la Terre, d’autre part celle de la construction de notre avenir. Toutes nos pensées, tous nos comportements, reposent sur des histoires inventées. Le récit confère à notre vie une dimension de sens qu’ignorent les autres animaux. L’imagination précède l’action et les récits qui en découlent façonnent nos perceptions.

Une déconstruction /reconstruction ne peut reposer que sur le message écologique, ce qui nous réconciliera avec une planète que nous avons pillée et dévastée. Jusqu’à présent, la société libérale et thermo-industrielle a été soutenue par une myriade d’articles, de livres, de films, de publicités qui lui ont permis de l’emporter sur le récit marxiste. Aujourd’hui nous sommes en présence d’un écrasant imaginaire fait de prouesses technologiques, de vacances sur des plages paradisiaques, de smartphones, de filles à moitié nues sur les affiches, de voitures dans des décors de rêve, de livraisons en vingt quatre heures sur Amazon… Que faire en tant que militants écolo face à un tel imaginaire ? Que pèse une campagne d’ONG face à des millions de messages contraires délivrés chaque jour par les marques, les chaînes, les influenceurs de toutes sortes qui inondent les réseaux sociaux ? Que pèse un post de Greenpeace International sur Instagram (628 000 followers) appelant à agir pour le climat, contre un post de Kim Kardashian (105 millions de followers) appelant à acheter son nouveau gloss à paillettes ? La religion de la croissance est la plus puissante fiction de notre époque. Nous pillons les ressources naturelles, éradiquons les espèces au nom d’histoires et de fictions.

Mais dans son livre Blessed Unrest, Paul Hawken décrit ce qu’il appelle le plus grand mouvement social de l’histoire : « Il y a déjà un à deux millions d’organisations qui œuvrent pour la durabilité écologique et la justice sociale. » Ce blog biosphere n’est qu’un élément de cette reconstruction de l’histoire,, ce sont les petits ruisseaux qui se transforment en grands fleuves.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :

17 juin 2018, Écologie : changer d’histoire pour changer l’histoire

27 mai 2015, Le programme idéal d’histoire n’existe pas encore

18 octobre 2012, Histoire de la crise écologique

13 septembre 2010, les profs d’histoire nous manipulent

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Liberté d’expression ou bien art de convaincre

La seule liberté que nous puissions avoir, c’est d’être conscient des contraintes apportées par notre socialisation primaire, notre vécu socio-économique et le milieu environnant. On ne peut penser à l’origine que dans un cadre familial et scolaire, puis nous respectons les règles de notre parcours professionnel et nous nous comportons en toutes circonstances comme nous le dicte la pression sociale. C’est pourquoi évoquer la « liberté d’expression » est un abus de langage, notre discours est toujours codifié par d’autres. Pourtant il s’agit d’une innovation qui fonde le fonctionnement démocratique d’une société. Il n’y a plus de discours d’autorité imposé par une religion, un empereur ou une idéologie. Le changement social se fait grâce aux interactions du débat, sinon la société se fige. Mais quelle est la direction à prendre ? Sur une planète exsangue, le seul discours qui pourrait arriver à un consensus commun grâce au dialogue, c’est l’urgence écologique.

  1. la liberté de convaincre pour l’écologie

Le positionnement des écologistes a été clairement défini par le philosophe Arne Naess : « L’un des principaux aspects de nos actions est d’attirer l’attention du public. La condition du succès est alors dépendante de notre capacité à confirmer l’hypothèse suivante : si seulement l’opinion publique savait ce que les écologistes défendent, alors la majorité des gens serait de leur côté. Maximiser le contact avec votre opposant est une norme centrale de l’approche gandhienne. Plus votre opposant comprend votre conduite, moins vous aurez de risques qu’il fasse usage de la violence. Vous gagnez au bout du compte quand vous ralliez votre opposant  à votre cas et que vous en faites un allié… Il n’est pas bon d’exprimer des positions hostiles à l’industrie en général. Notre point de vue doit être que nous soutenons l’industrie, puis ensuite souligner que la grande industrie est une déviance historique. Pareillement, nous ne devons pas émettre de slogan général contre la technologie. Les technologies doivent être essentiellement légères ou « proches ».

Arne Naess prend un exemple de dialogue : « Quelqu’un projette de construire une nouvelle centrale hydroélectrique… il dit : « Nous nous attendons à une augmentation des besoins en électricité et, en tant que décideurs, nous risquons d’être fortement critiqués s’il y a une pénurie d’électricité. Il faut donc construire un nouveau barrage. » Tu dis alors : « Mais êtes-vous sûr qu’il y ait plus de besoin en électricité ? » Il dira : « Oh ! oui, regardez les chiffres. Il y a tant de pour cent d’augmentation. » Mais tu rétorques : « Il y a une augmentation de la demande sur le marché, et vous appelez ça un besoin ? » Ensuite, après quelques échanges, il répond : « Non, non, bien sûr. Nombre de demandes ne reflètent par des besoins réels. » « Mais alors, en tant qu’individu, vous accédez à une demande sans vous poser de questions ? Si toutes les nations consommaient autant d’électricité par personne que la Norvège, ce serait certainement une catastrophe. Notre consommation par tête est même plus élevée que celle des Etats-Unis. Quelle est la justification éthique ? Ne serait-il pas nécessaire de diminuer la consommation d’énergie en Norvège ? » D’après mon expérience, ce serviteur zélé du peuple, qui avait dit oui à une centrale électrique, admettra à peu près tout ce que tu lui diras en tant que philosophe. Mais il ajoutera « C’est trop tôt, ce n’est pas encore possible politiquement. Vous voulez que je quitte la politique ? » Ce à quoi tu répondras : « Je comprends ce que vous voulez dire. Oui, je comprends. Mais notre objectif à long terme est construit sur la base de prémisses beaucoup plus profondes que celles sur lesquelles repose votre argumentation. Tout ce que nous pouvons vous demander, c’est que vous reconnaissiez au moins une fois par an que vous êtes d’accord avec nous. Adoptez la perspective du long terme ! » Si cet homme politique soutient désormais de temps à autre quelques-uns des objectifs fondamentaux de l’écologie profonde, son schéma d’argumentation ne sera plus aussi superficiel. Il sera sauvé, si l’on peut dire. »

Parfait, le message écolo a éveillé une conscience, mais ce n’est pas encore l’insurrection des consciences.

2) liberté d’expression pour la philosophie

Voici ce qu’en dit Monique Canto-Sperber : « La liberté d’expression, c’est permettre la diversité des opinions ; on ne peut pas priver les autres de la possibilité de penser différemment. Il faut vouloir se confronter à une adversité pour apprendre à défendre ses propres valeurs. Car ce n’est pas en faisant taire ses détracteurs que l’on montre la force de ses convictions. Dans la tradition libérale, toutes les opinions sont permises sauf celles qui font « un tort objectif à autrui ». Des propos transgressifs, qui peuvent même blesser, doivent être tolérés comme éléments du débat car leur but n’est pas de réduire l’autre au silence. Le philosophe John Stuart Mill (1806-1873) a défini les règles de la liberté d’expression : lorsqu’il est libre, le débat contradictoire peut conduire à une forme d’autorégulation spontanée de la parole. Les contre-vérités, les propos aberrants ou loufoques finissent toujours par être critiqués et neutralisés. Mais à cette époque, peu de personnes avaient accès à la parole publique et toutes partageaient les mêmes codes de langage. Entre radicaux et réactionnaires, le débat était possible. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dans nos sociétés pluralistes et fragmentées, car ce ne sont pas seulement des arguments qui s’affrontent mais aussi des identités. Les propos qui rappellent les faits ou font appel à la raison deviennent vite inaudibles. »

« Les propos qui rappellent les faits ou font appel à la raison deviennent vite inaudibles. » Nous en savons quelque chose sur ce blog biosphere, y’a pas d’images, c’est trop rationnel, on peut pas rigoler, que du catastrophisme, misère, misère… Nous sommes encore loin de l’insurrection des consciences écolos !

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