Elisabeth Badinter, paradoxalement nataliste
La philosophe, dans un livre « Messieurs, encore un effort… », s’inquiète de la chute de la natalité qui pourrait se retourner contre les femmes à travers des politiques natalistes menées par des partis conservateurs et religieux contre les femmes, comme on le voit déjà en Hongrie, en Italie ou aux Etats-Unis. Pour l’égérie du féminisme universaliste, c’est aux hommes d’alléger la charge qui pèse sur les mères actuelles, prises entre leur carrière, les tâches familiales et le culte de l’enfant roi.
Elle prend la question démographique par le petit bout de la lorgnette, égalité des sexes, vieillissement et paiement des retraites ! Elle ne se rend pas compte qu’avec 8 milliards d’êtres humains sur cette planète, l’espace terrestre est déjà complètement saturé au détriment de toutes les autres formes de vie.
Elisabeth Badinter (Ouest-France) : « La chute de la natalité menace notre économie et fragilise notre système de protection sociale car le renouvellement des générations n’est plus assuré. Jusqu’à présent la France n’était pas la plus mal lotie. La situation est beaucoup plus grave dans certains pays européens comme l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne mais également en Asie. »
Elisabeth Badinter (Marianne) : « Une diminution structurelle de la natalité dans les pays industrialisés ne pourrait qu’avoir des conséquences majeures sur l’économie et mettre notre modèle social en danger. Le premier danger est social et me semble extrêmement grave. Il concerne les retraites. Chaque génération paie pour la retraite de ses parents, c’est entendu. Or nous vivons de plus en plus vieux, et celles-ci coûtent de plus en plus cher. Je ne vois pas comment nous pourrions payer ces pensions étant donné qu’il nous manquera énormément de cerveaux et de bras. Par ailleurs, la croissance nécessaire à notre politique sociale s’effondrerait. »
Elisabeth Badinter (L’express): « Je ne dirais pas que la dénatalité est une « bonne nouvelle », mais la conséquence de bien d’autres facteurs. Il est vrai que quand on fait des études prolongées, on engendre plus tard. L’âge moyen du premier enfant est passé de 27,8 ans en 2000 à 31 ans aujourd’hui. D’autant plus que les filles sont plus nombreuses à sortir de l’université avec un diplôme de l’enseignement supérieur, 55 % contre 45 % de garçons. Mais j’en suis convaincue, ce déclin démographique représente un vrai problème politique s’il continue à ce rythme encore plusieurs années. »
Le point de vue des écologistes malthusiens
AMT : C’est une drôle de façon d’aborder le problème. Bien sûr que certains gouvernants autoritaires vont pousser à des politiques qui réfrènent la liberté des femmes pour qu’elles fassent des enfants .mais dans ces mêmes pays toutes les libertés sont déjà en péril. La surpopulation est une autre question. Dont visiblement elle n’a pas conscience. Elle est aussi pour la GPA, ce qui est paradoxal pour une féministe.
GL : La question de la surpopulation n’intéresse pas Badinter, uniquement préoccupée de la psychologie de la femme… à qui elle conseille de faire des enfants pour ne pas être obligée d’en faire par les fascistes. Faire quelque chose spontanément pour éviter d’y être contraint : il fallait y penser. C’est le rôle ambigu du philosophe. Et pour la liberté, il suffit de construire plus de crèches. C’est pourtant facile à comprendre, Moulinex libère la femme.
MS : Il est profondément troublant de voir une philosophe adepte du féminise universaliste et profondément libérale n’accorder aucune importance à la situation des femmes obligées de faire encore plus d’enfants par le contexte sociopolitique, religieux ou bassement économique. Appeler à une meilleure répartition des tâches ménagères entre les hommes et les femmes relève d’une volonté d’égalité, pas d’une problématique démographique. Le positionnement actuel d’Elisabeth Badinter est symptomatique d’une société qui accorde le buzz médiatique aux derniers soucis à la mode, ici la baisse de fécondité dans certains pays. On occulte ainsi l’essentiel, notre nombre qui a déjà dépassé 8 milliards de bipèdes. Comme quoi être « de gauche » et philosophe ne veut pas dire connaître son Malthus sur le bout des doigts et être consciente des réalités de la surpopulation.
Elisabeth Badinter, quelques-unes de ses pensées
acquis ou inné ? l’apprentissage de l’amour (maternel)
Elisabeth Badinter montre que l’amour maternel ne va pas de soi, il est « en plus ». Un lieutenant de police constatait en 1780 que sur les 21 000 enfants qui naissaient annuellement à Paris, mille à peine sont nourris par leur mère, mille autres, des privilégiés, sont allaités par des nourrices à demeure ; tous les autres quittent le sein maternel pour le domicile plus ou moins lointain d’une nourrice mercenaire. Nombreux sont les enfants qui mourront sans avoir jamais connu le regard de leur mère et ceux qui reviendront quelques années plus tard sous le toit familial découvriront une étrangère dans celle qui leur a donné le jour. Cet exemple parmi d’autres contredit l’idée répandue d’un instinct propre également à la femelle et à la femme. Toutes les études faites montrent en effet qu’aucune conduite universelle et nécessaire de la mère ne peut être mis en évidence. Au contraire, on constate l’extrême variabilité des sentiments des mères selon leur culture, leurs ambitions, leurs frustrations.
Il n’y a pas de comportement humain inscrit par la nature, génétiquement programmé. C’est notre liberté, mais c’est aussi le lourd fardeau de notre responsabilité.
L’écologie va-t-elle passer à droite, nature oblige ?
Elisabeth Badinter s’insurge contre cette nouvelle écologie politique de droite : « Le pape, dans ses discours, appelle à la protection de la nature, qui va de l’embryon à l’écosystème global. On explique alors aux femmes que, si elles sont prêtes à défendre la moindre des espèces animales, elles ne peuvent donc admettre que l’on supprime un embryon, qui serait un humain en puissance. En 2010, je mettais déjà en garde contre ces propos écologiques radicaux qui appellent à une révérence totale à l’égard de la nature. Je voulais lutter contre la réactualisation du discours rousseauiste et de son message de soumission aveugle à la nature. Je suis cartésienne et l’idée d’être « comme maîtres et possesseurs de la nature » me semble plus libératrice que celle prônée par la sainte alliance des réactionnaires. »
Élisabeth Badinter s’inquiète aussi de la dérive des questions transgenres : « Je ne veux pas qu’on m’interdise de dire « les hommes » et « les femmes ». Ça, je ne peux pas l’admettre. Et c’est pourtant ce que les plus radicaux des théories transgenres voudraient faire croire. On est XX ou XY, il n’y a rien à faire. Dans certains cas qui sont exceptionnels, il faut accompagner des enfants. Mais ne faisons pas d’une exception une généralité »
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