anthropisation

Tout savoir sur les limites de la croissance

Voici une présentation générale suivie d’un résumé du rapport au club de Rome sur « les limites de la croissance » de 1972.

Élodie VIEILLE-BLANCHARD : Cinq choses que vous ignoriez (peut-être) sur le rapport des Limites à la croissance

1) Le rapport des Limites est issu du projet d’Aurelio Peccei, l’industriel italien qui a fondé le Club de Rome

En 1968, âgé de soixante ans, Peccei fonde une organisation consacrée aux « grands problèmes du monde », le Club de Rome. À cette époque, l’enthousiaste manifesté jusque-là pour ce développement laisse la place à une interrogation sur ses effets sociaux et écologiques, et à une inquiétude concernant le risque d’éclatement d’un monde où ce développement procède à des rythmes extrêmement différents, selon les régions. Peccei semble également très marqué par les préoccupations de l’époque : « explosion démographique » (l’ouvrage de Paul et Anne Ehrlich, La Bombe P est publié en 1968), mais aussi épuisement des ressources, pollutions, et prolifération nucléaire.

2) Le rapport des Limites et le modèle mathématique World 3 ont été élaborés en très peu de temps, par une très jeune équipe de chercheurs

En 1970, Peccei rencontre Jay Forrester, ingénieur de formation et fondateur de la Dynamique des Systèmes, une méthodologie de modélisation destinée initialement à gérer les stocks et les flux dans les entreprises.Sur la demande de Peccei, il traduit la Problématique en un modèle mathématique du monde, structuré autour de cinq grandes variables globales : population, ressources, production industrielle, production agricole, pollution. Des équations décrivent comment ces variables interagissent les unes avec les autres. Le rapport The Limits to Growth  est publié en mars 1972.

3) Le rapport avait une vocation heuristique, plutôt que prédictive

Le rapport des Limites est structuré autour de plusieurs « scénarios » : tout d’abord le scénario « business as usual », dans lequel les tendances historiques se poursuivent sans que rien soit fait pour les infléchir ; puis la famille des scénarios technologiques, dans lesquels sont intégrées diverses hypothèses « optimistes »… le rapport avait pour but de dégager les conséquences de différentes hypothèses sur le comportement du modèle, et de saisir les dynamiques qui sous-tendent ce comportement sans « prédire » un effondrement du système planétaire aux alentours de telle ou telle date.

4) Le Club de Rome n’était pas franchement à l’aise avec les conclusions du rapport

Il est intéressant d’observer qu’un projet issu d’un groupe d’industriels et d’acteurs institutionnels de haut rang a débouché sur la publication d’un rapport appelant à faire cesser la croissance industrielle. C’est sans doute ce caractère paradoxal qui a expliqué l’avalanche de critiques, qui ont émané de la gauche, de la droite, du monde dit développé et des pays en développement, et même des écologistes.

5) Le titre de la traduction française du rapport initial comportait un point d’interrogation

En France, le rapport des Limites a initialement été publié sous le titre Halte à la croissance ? La première mise à jour du rapport, Beyond the Limits, publiée en 1992 aux États-Unis, n’a jamais été publiée en France. Quant à la seconde mise à jour, The Limits to Growth : The 30 -Year Update, publiée en 2004 aux États-Unis, elle a été traduite en français sous le titre Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et publiée à deux reprises, une première fois en 2013 aux éditions Écosociété et une seconde fois en 2016 aux éditions Rue de l’échiquier

résumé du rapport sur notre réseau biosphere

édition Fayard, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

Introduction

L’un des mythes les plus communément acceptés de la société actuelle est la promesse que la poursuite du processus de croissance conduira à l’égalité de tous les hommes. Nous pouvons démontrer au contraire que la croissance exponentielle de la population et du capital ne faisait qu’accroître le fossé qui sépare les riches des pauvres à l’échelle mondiale. Dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en effet en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court.

La plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est retreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. Pour examiner la problématique mondiale de l’écosystème, nous avons choisi la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay W. Forrester au MIT. Il n’est cependant par nécessaire d’être un spécialiste de l’informatique pour appréhender nos conclusions et les discuter. Ce que nous cherchons, c’est à ouvrir largement le débat.

1/5) La variable démographique

La croissance de la population humaine obéit à une loi exponentielle. En 1650, la population s’élevait à quelque 500 millions d’habitants et augmentait d’environ 0,3 % par an, ce qui correspond à un temps de doublement de 250 ans. En 1970, la population du globe atteint 3,6 milliards et le taux de croissance 2,1 % ; le temps de doublement n’est plus que de 23 ans. Nous pouvons nous attendre à un chiffre global de l’ordre de 7 milliards d’humains aux environs de l’an 2005 (ndlr : ce chiffre est atteint le 31 octobre 2011). La population a mis plus d’un siècle pour passer de un à deux milliards, trente ans plus tard nous avons dépassé le troisième milliard et nous disposons d’à peine vingt ans pour accueillir le quatrième milliard (ndlr : il y a désormais 1 milliard de plus d’habitants tous les douze ans en moyenne). La rapidité des progrès techniques nous a permis jusqu’ici de faire face à cette démographie galopante, mais l’humanité n’a pratiquement rien inventé sur le plan politique, éthique et culturel qui lui permette de gérer une évolution sociale aussi rapide.

Que faudrait-il pour maintenir la croissance de la population ? La première condition concerne les moyens matériels indispensables à la satisfaction des besoins physiologiques. Les terres les plus riches sont effectivement cultivées de nos jours. Le prix d’un aménagement de nouvelles superficies serait si élevé que l’on a jugé plus économique d’intensifier le rendement des zones actuellement cultivées. Le manque de terres cultivables se fera désespérément sentir avant même l’an 2000. Les conséquences d’une multiplication par deux ou par quatre de la productivité des terres se traduisent respectivement par un ajournement de la crise à 30 ans et à 60 ans, ce qui correspond à chaque fois à un délai inférieur au temps de doublement de la population. Toute duplication du rendement de la terre coûtera plus cher que la précédente. Chaque crise successive sera plus dure à surmonter. Ce phénomène pourrait s’appeler la loi des coûts croissants. Pour augmenter de 34 % la production mondiale de denrées alimentaires entre 1951 et 1966, les dépenses se sont accrues de 63 % pour les tracteurs et de 146 % pour les engrais azotés. Parallèlement, la consommation annuelle de pesticides a triplé. La seconde condition comprend les nécessités sociales comme la paix et la stabilité sociale, l’éducation, le progrès technique. Notre rapport ne peut traiter explicitement de ces données socio-économiques.

Combien d’hommes notre planète peut-elle nourrir ? La réponse est liée au choix que la société fait entre diverses possibilités. Il existe une incompatibilité entre l’accroissement de la production alimentaire et celui de la production d’autres biens et services. Il apparaît actuellement que le monde se soit donné pour objectif d’accroître à la fois la population et le niveau de vie matériel de chaque individu. Aussi la société ne manquera pas d’atteindre l’une ou l’autre des nombreuses limites critiques inhérentes à notre écosystème, que ce soit les ressources non renouvelables ou la pollution par exemple. Une population croissant dans un environnement limité peut même tendre à dépasser le seuil d’intolérance du milieu au point de provoquer un abaissement notable de ce seuil critique, par suite par exemple de surconsommation de quelque ressource naturelle non renouvelable. Une colonie de chèvres ne rencontrant plus d’ennemis naturels épuise sa zone de pacage jusqu’à l’érosion des terres ou la destruction de la végétation. Pendant un certain temps, la situation est extrêmement dramatique car la population humaine, compte tenu du temps de réponse relativement long du système, continue à croître. Un réajustement à un niveau démographique plus bas ne pourra se produire qu’après une période de recrudescence de la mortalité par suite de carence alimentaire et de détérioration des conditions d’hygiène.

Le processus de croissance économique, tel qu’il se présente aujourd’hui, élargit inexorablement le fossé absolu qui sépare les pays riches des pays pauvres. Le plus grand de tous les obstacles à une répartition plus équitable des ressources mondiales est l’accroissement de la population. C’est un fait partout observé, lorsque le nombre de personnes entres lesquelles une quantité donnée de produits doit être distribuée augmente, la répartition devient de plus en plus inégale. Une répartition équitable devient en effet un suicide social si la ration individuelle disponible n’est plus suffisante pour entretenir la vie. Les familles les plus nombreuses, et en particulier leurs enfants, sont statistiquement ceux qui auront le plus à souffrir de la malnutrition.

2/5) La technologie et les limites de l’expansion

Il n’est pas question pour nous de vouer aux gémonies le progrès technique, nous-mêmes sommes des technologues, travaillant dans un Institut de Technologie (le MIT). Nous sommes aussi opposés à un refus irraisonné des bienfaits de la technologie que nous le sommes à une foi aveugle en son omnipotence : par d’opposition aveugle au progrès, mais une opposition au progrès aveugle.

L’espèce humaine s’étant trouvée à maintes reprises au cours de son histoire dans l’impossibilité de vivre confinée à l’intérieur de limites de nature matérielle, c’est son aptitude à franchir ces limites qui a constitué la tradition culturelle de la plupart des nations dominantes. Durant les trois derniers siècles des progrès technologiques spectaculaires ont reculé les bornes apparentes de la population et les limites de l’expansion. Il est donc normal que bien des gens continue à espérer des solutions techniques permettant d’élever indéfiniment le plafond qui limite matériellement la vertigineuse ascension de l’humanité. Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Cette foi en la technologie est un comportement dangereux car elle détourne notre attention du problème le plus fondement – celui de la croissance dans un monde fini – et nous empêche d’en rechercher les solutions. Il ne reste plus qu’à attendre que le prix de la technologie soit devenu prohibitif pour la société ou que surviennent des problèmes qui ne comportent aucune solution technique.

Lors de la mise en œuvre de toute technologie, les effets parallèles sont inséparables de l’effet principal. Prenons l’exemple de la Révolution verte. Son objectif est de combattre la faim dans le monde grâce à de nouvelles variétés de semences à haut rendement. La Révolution verte va accentuer les inégalités entre paysans quand celles-ci préexistent à son application. Les gros fermiers sont toujours les premiers à se saisir des innovations techniques. S’enrichissant, ils achètent de nouvelles terres, contraignant les paysans défavorisés à aller grossir les rangs des chômeurs citadins. C’est ce qui s’est passé au Pakistan occidental et au Mexique. Ces conséquences non prévues de la Révolution verte entraînent dans certaines régions un échec au plan social et humain. La longue liste des inventions humaines a abouti au surpeuplement urbain, à la détérioration de l’environnement et à l’accroissement des inégalités sociales.

D’autre part, bien des problèmes aujourd’hui ne comportent pas de solution technique, entre autres la course aux armements, le racisme, le chômage. Même si le progrès technologique dépasse toutes nos espérances, ce sera vraisemblablement l’un de ces problèmes sans solutions techniques, ou la combinaison de plusieurs d’entre eux, qui mettront un terme à l’accroissement de la population et des investissements. La croissance se trouvera bloquée par des phénomènes qui échappent au contrôle de l’homme et à ce stade, comme le modèle global le suggère, les inconvénients seront d’une nature et d’une gravité tout autres que ceux résultant de restrictions volontairement consenties.

3/5) interaction entre les cinq variables

Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire.

Il est possible que la généralisation des réacteurs à fusion permette d’accroître considérablement la durée d’utilisation de matériaux fissiles. La possibilité de traiter les minerais à faible teneur et d’exploiter les fonds marins se traduira par la duplication des réserves disponibles. Mais s’il n’y a pas de risque immédiat de pénurie de matières premières, la croissance se trouvera entravée par la pollution. La possession de ressources illimitées ne semble pas devoir être la clé d’une expansion continue.

On peut aussi penser qu’une société humaine ayant à sa discrétion les sources d’énergie pourrait mettre au point des techniques susceptibles d’empêcher la génération des polluants d’origine industrielle. Mais cette élimination totale se heurte à des impératifs économiques. Le coût de l’élimination des polluants croît vertigineusement en fonction du pourcentage éliminé. S’il y a contrôle de la pollution, la population et le produit industriel par tête augmentent au-delà du maximum précédent. L’effondrement du système est dû cette fois au manque de nourriture. Des terres arables sont transformées en zones industrielles ou urbaines, une partie des terres commence à s’éroder à la suite des méthodes de culture intensive. L’ultime limite du potentiel cultivable est atteinte. La population continue de croître, mais les quotas alimentaires individuels diminuent. Le taux de mortalité commence à croître.

La validité de notre modèle réside dans le fait que, quelles que soient les conditions initiales, il y a toujours un point sur le graphique où l’expansion s’arrête et où l’effondrement commence. Partout dans le réseau des interactions existent des délais sur lesquels les techniques les plus élaborées n’ont aucun effet. Les conséquences d’une politique de régulation des naissances ne pourront devenir sensibles qu’avec un retard de l’ordre de 15 à 20 ans. Le cycle de la pollution est très long, pour certains cancérigènes il peut atteindre 20 ans. Le transfert des investissements d’un secteur à l’autre n’est pas une opération instantanée. Dans les systèmes à croissance rapide ou exponentielle, les changements d’orientation doivent intervenir tellement vite que les impacts des changements précédents n’ont pas encore pu être déterminés.

4/5) Solutions : vers l’état d’équilibre global

Nous avons le droit d’envisager des hypothèses qui soient en concordance avec notre conception d’une échelle des valeurs. Nous avons affirmé notre système de valeurs en rejetant comme indésirable tout phénomène de « surchauffe » entraînant un effondrement du système. Dans tout système fini, il faut qu’il existe des contraintes dont l’action contribue à l’arrêt de la croissance exponentielle. Ces contraintes sont représentées par des boucles négatives. L’autre solution aux problèmes nés de la croissance serait d’affaiblir l’action des boucles positives qui entretiennent le caractère exponentiel de cette croissance.

La théorie des modèles dynamique met en évidence l’existence d’une boucle positive ou boucle d’amplification modérée par une boucle négative. Par exemple les populations ont connu des variations régies par la naissance et la mort. La croissance stupéfiante de la population mondiale est un phénomène récent résultant essentiellement d’une réduction victorieuse de la mortalité dans toutes les parties du monde, le taux de natalité brut restant sensiblement inchangé. Il n’y a que deux façons de rétablir l’équilibre : ou abaisser le taux de natalité au niveau du taux réduit de mortalité, ou il faudra bien que le taux de mortalité augmente à nouveau. On a vu qu’en laissant le système poursuivre son évolution exponentielle, la croissance de la population se trouve fatalement stoppée par un accroissement brutal de ce taux de mortalité. Toute société qui tient à éviter ce résultat doit prendre des mesures délibérées pour contrôler le fonctionnement de la boucle positive : réduire le taux de natalité. En d’autres termes, nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. Les actions des boucles positives et négatives se trouvent rigoureusement équilibrées. Lorsque l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène entraînent une réduction supplémentaire de la mortalité, il faut encore faire baisser d’autant le taux de natalité. Un état d’équilibre ne sera pas exempt de contraintes, aucune société ne peut les éviter. Il nous faudra renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfant que nous le souhaitons.

Stabiliser uniquement la population ne suffit pas à empêcher la surchauffe et l’effondrement. Nous pouvons stabiliser le niveau des investissements en posant pour principe que le taux d’investissement reste égal au taux de dépréciation du capital. Nous pouvons aussi combiner des changements de technologie avec des changements de valeur, afin de réduire les tendances à la croissance. Au niveau technique, favorisons le recyclage des ressources naturelles, l’utilisation de dispositifs anti-pollution, l’accroissement de la durée de vie de toutes les formes de capital et l’utilisation de méthodes de reconstitution des sols. On ne pourra plus éluder le problème de la répartition des biens en invoquant la croissance. L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités peu polluantes et ne nécessitant pas de consommation notable de matières premières non renouvelables.

La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. L’état d’équilibre prélèvera moins de nos ressources matérielles, mais en revanche exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Les données dont nous aurions le plus grand besoin sont celles qui concernent les valeurs humaines. Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourritures pour les pauvres ou encore plus de  services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. Si après nous avoir lu, chacun est amené à s’interroger sur la manière dont la transition doit s’opérer, nous aurons atteint notre objectif premier.

Accepter que la nature se venge des agressions de l’homme ne demande pas plus d’efforts intellectuels que de « laisser courir et voir venir ». Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. Adopter un tel comportement, nous l’avons maintes fois démontré, c’est finalement courir au déclin incontrôlé de la population et des investissements par voie de catastrophes successives. Cette récession pourrait atteindre des proportions telles que le seuil de tolérance des écosystèmes soit franchi d’une manière irréversible. Il resterait alors bien peu de choses sur terre permettant un nouveau départ sous quelque forme envisageable que ce soit.

(Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology)

5/5) le rôle clé d’Aurelio Peccei

Ce rapport est dédié par ses auteurs à Aurelio Peccei (1908-1984). Ce n’est certes pas son activité professionnelle de vice-président d’Olivetti et de chef de l’organisation Fiat en Amérique latine qui mérite grande attention. Ce sont ses préoccupations pour l’humanité et son avenir qui ont incités beaucoup de personnes à entreprendre une réflexion à long terme sur notre monde. Aurelio Peccei est l’homme qui a voulu nous faire prendre conscience du désastre en cours. Voici quelques extraits de son interview par Janine Delaunay :

« Je suis né en homme libre et j’ai tâché de le rester. Alors j’ai refusé, j’ai refusé… vous comprenez ce que ça veut dire, surtout en Italie à mon époque : la soumission au conformisme religieux, le fascisme. Je me sens obligé de faire tout ce que je peux pour mettre à la disposition des hommes ce que je sais, ce que je sens, ce que je peux faire. Nous avons tellement développé notre capacité de production qu’il nous faut soutenir une économie dont le côté productif est hypertrophique.  On le fait avec ces injections de motivations artificielles, par exemple par la publicité-propagande. Ou on le justifie par la nécessité de donner du travail à des gens, à une population qui sont enfermés dans un système dans lequel, s’il n’y a pas de production, tout s’écroule. Autrement dit nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux, qui nous contraint à produire plus pour une population qui augmente sans cesse.

Nous avons été fascinés par la société de consommation, par les bénéfices apparents ou les satisfactions immédiates, et nous avons oublié tout un aspect de notre nature d’hommes. Le profit individuel, ou la somme des profits individuels, ne donne pas le profit collectif ; au contraire, la somme des profits individuels donne une perte collective, absolue, irréparable.  Nous le voyons maintenant avec le plus grand bien commun qu’on puisse imaginer : les océans. Les océans seront détruits si on continue à les exploiter comme on le fait actuellement. Ils seront exploités à 100 % pour les bénéfices personnels de certaines nations, de certaines flottes, de certains individus, etc. Et le bien commun disparaît. Les richesses que nous avons reçues des générations précédentes disparaissent. Notre génération n’a pas le droite de volatiliser un héritage, nous devons à notre tour le passer aux autres.

Nous sommes en train de détruire, au-delà de toute possibilité de recyclage, les bases mêmes de la vie. L’homme achèvera son œuvre irresponsable, maudite – il a détruit les formes animales les plus évoluées ; les grands animaux, les baleines, la faune africaine, les éléphants, etc. C’est l’aspect le plus voyant de notre puissance destructrice dans la biosphère. Quand nous coupons du bois pour en faire l’édition du dimanche d’un journal à grand tirage, qui est constitué pour 90 % de publicité qui est une activité parasitaire, quand nous reboisons, il nous semble que nous reconstituons la nature. En fait le fait d’avoir détruit un bois détruit tous ces biens infinis de vie qui avaient besoin de l’ensemble de ces grands arbres, et  qui étaient un tissu de cycles, de systèmes enchevêtrés l’un dans l’autre ; tout ce bouillonnement de vie est dégradé par le fait que nous avons, sur une grande superficie, coupé les arbres. C’est comme une blessure : après le tissu de reconstitue mais la cicatrice reste. Si nous le faisons sur des superficies très grandes, comme nous le faisons partout dans le monde, nous provoquons d’une façon irrémédiable une dégradation de la biosphère. L’homme, servant son intérêt immédiat, réduit la déjà mince capacité de support de vie humaine dans le monde : la biosphère, cette mince pellicule d’air, d’eau et de sol que nous devons partager avec les animaux et les plantes.

Parce que nos connaissances nous ont donné des possibilités supérieures, nous pouvons engranger toutes les calories que nous savons puiser dans la terre, nous pouvons nous entasser dans des communautés plus vastes que celles que nous savons manier, nous pouvons obtenir des vitesses plus grandes que celles que nous savons maîtriser, nous pouvons avoir des communications plus rapides entres nous sans savoir quel contenu leur donner. Nous agissons comme des barbares, l’homme n’a pas su utiliser ses connaissances d’une façon intelligente. Les bêtes, elles, quand elles ont satisfait leurs besoins, ne tuent pas, ne mangent pas, n’accumulent pas, elles gardent leur nature primitive et belle.

Savoir communiquer demande la reconnaissance de valeurs communes, une possibilité créatrice et une vision de la vie. Nous avons perdu ces trois choses, et nous nous obstinons à créer des moyens de communication qui restent sans contenu. Nous donnons à nos enfants le téléphone, la motocyclette, la télévision, l’avion, etc., mais aucunement la capacité d’utiliser ces moyens techniques de façon créatrice. L’homme emploie ses connaissances pour créer des biens matériels, des machines, des biens consommables, et ce que nous appelons le progrès : ce ne peut pas être notre but. Nous sommes prisonniers des machines que nous avons créées. L’essentiel reste les élans spirituels, la morale, qui n’ont rien à voir avec la technologie, la technique, les gadgets. Notre culture s’est essentiellement axées, dans sa forme capitaliste ou socialiste, sur des valeurs purement matérielles. C’est ce que nous devons réformer en nous. Il existe d’autres cultures, métaphysique en Inde, instances d’amour du Bouddhisme, cultures naturistes de l’Afrique… »

(PS : Ce livre de 1972 a été actualisé en 2004 sous le titre The limits to Growth – The 30-year update)

Complément d’analyse

1/2) les limites des ressources renouvelables

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes encore là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »

2/2) les limites des ressources non renouvelables

Gros titre, « le MIT se trompe en assimilant les réserves naturelles à un trésor ». Suit dans LE MONDE du 15 août 1972 un article de Pierre Laffitte, ingénieur en chef des mines : « Les réserves minières ne correspondent pas à des objets, à un stock de métal déposé dans un hangar… Plus on exploite les ressources naturelles, plus les réserves reconnues augmentent… es-ce à dire qu’il ne faille pas se préoccuper de l’avenir ? Au contraire ! Mais en se défiant de l’emploi de l’ordinateur avec de gros modèles, de multiples paramètres…On évoque le cas du chrome… » Cet article est symptomatique de l’ensemble des réactions qui, en dénigrant le rapport commandité par le Club de Rome*, nous ont empêché depuis plus de quarante ans à réagir à la finitude des ressources confrontés à une croissance irrationnelle de l’activisme humain. Voici donc ce que disait  réellement ce rapport à propos des ressources minières :

En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. La consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks.

Le rapport de 1972 concluait : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.

à lire absolument, « Mondes en décroissance »

L’Observatoire de la post-croissance et de la décroissance a lancé sa revue Mondes en décroissance :

https://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/

Accessible gratuitement en ligne, son lancement coïncide avec trois anniversaires : les cinquante ans du rapport Meadows au Club de Rome, les vingt ans du Colloque Défaire le développement, refaire le monde et la création de l’OPCD. C’est autour de ces trois marqueurs du paysage post-croissant et décroissant que se constitue le premier numéro.

Numéro 1 | 2023 : Lancement de la revue Mondes en décroissance

Sommaire

éditorial (extraits) : qu’entendons-nous par post-croissance et décroissance ? 

Par post-croissance, nous entendons les différents futurs possibles qui viennent après l’époque de la croissance. La post-croissance place la vie en société (et tout ce qui contribue à son maintien et son épanouissement) à l’intérieur des limites planétaires. Elle remet en cause l’accumulation de valeur ajoutée (PIB) et la poursuite de la croissance économique sous toutes ses formes. 

Par décroissance, nous entendons une réduction de la production et de la consommation, planifiée démocratiquement, pour retrouver une empreinte écologique soutenable, pour réduire les inégalités, pour améliorer la qualité de vie. 

En plus de ces définitions liminaires, nous devons réaffirmer, dans le climat actuel, que la décroissance s’inscrit dans une tradition politique fondamentalement émancipatrice, ouverte et solidaire. Ses fondamentaux s’articulent autour d’une démocratie plus directe, de plus de justice sociale et environnementale et du refus de tout racisme, xénophobie, sexisme, homophobie et autres formes de rejet.

Si les contributions à ce numéro sont principalement issues d’un autorat occidental, tout l’enjeu est de pouvoir appréhender ces thématiques par le prisme d’autres territoires. Nous rappelons que la décroissance est née en lien avec la critique du développement, concept fondamentalement impérialiste d’un point de vue culturel et économique. La décroissance se retrouve dans la notion de pluriversel, comme une piste, parmi la variété des visions du monde et des pratiques, qui participe à un « monde écologiquement sage et socialement juste » (Kothari A. et al., 2022, p. 25)1.

Meadows, Mondes en décroissance

Lancement d’une nouvelle revue « Mondes en décroissance » lisible sur Internet. Voici des extraits d’une compilation des réponses de Dennis Meadows à 21 des questions les plus récurrentes sur son rapport « Les limites de la croissance », publié en 1972.

Dennis MEADOWS : En 1972, nous avons publié la première édition de Limites à la croissance. Comme il était impossible de prévoir avec certitude la trajectoire générale de la croissance physique future, nous avons présenté douze scénarios différents dans l’édition de 1972 de notre rapport – douze trajectoires possibles pour l’expansion de la population humaine et de l’économie matérielle. Même lorsqu’il est impossible de dire avec certitude ce qui va se passer, il est souvent facile de décrire de nombreux futurs qui n’ont aucune chance de survenir. Les constantes physiques ne changeront pas. Les lois de la thermodynamique ne seront pas abrogées. Mon point de vue actuel découle de la lecture approfondie de milliers de rapports, de discussions intenses sur ces questions avec des centaines de collègues professionnels, de recherches professionnelles menées pendant cinq décennies. Nous n’avons pas considéré une seule projection informatique comme étant l’avenir le plus probable. Mais plusieurs études récentes et indépendantes ont montré que l’un de nos scénarios, la figure 35 du livre de 1972, suit raisonnablement bien les données historiques de 1970 à 2010. Ce scénario est reproduit ci-dessous sous forme de figure.

L’épuisement est un processus thermodynamique. Augmenter le prix d’une ressource épuisée ne réduit pas magiquement son entropie ni n’en crée davantage dans le sol. Puisque la substitution infinie entre ressources non renouvelables ne sera pas possible en pratique, les projections de notre modèle sont trop optimistes. Il serait trompeur de parler de la technologie comme solution universelle et d’imaginer qu’elle surgirait rapidement et spontanément. Les technologies sont très spécifiques. Par exemple, les technologies qui combattent la pandémie ou facilitent les télécommunications ne compensent pas l’épuisement du pétrole. Et les investisseurs ne s’attendent pas à tirer profit de la résolution des problèmes mondiaux. Les motivations et les institutions qui créent les nouvelles technologies sont généralement les mêmes que celles qui ont produit les problèmes mondiaux existants. La résolution des problèmes mondiaux nécessite principalement de nouvelles normes, et non de nouveaux outils. Bien sûr, il y aura des guerres à l’avenir, les résultats de notre modèle brossent donc un tableau trop optimiste.

Si nous acceptons qu’une petite fraction de la population contrôle la plupart des richesses de la planète et exerce un contrôle central sur la majeure partie de l’humanité, qui vit dans la pauvreté matérielle, avec une mauvaise santé et peu de liberté, plusieurs milliards de personnes pourraient probablement survivre sur Terre plus ou moins indéfiniment. Si, au contraire, nous voulons que les peuples de la Terre vivent longtemps et en bonne santé, avec une relative aisance matérielle, une bonne santé et une liberté substantielle, et avec une équité en matière de bien-être et de pouvoir politique, le niveau de population durable sera certainement bien inférieur aux chiffres actuels. Je crois intuitivement que la planète Terre pourrait faire vivre durablement peut-être un milliard de personnes avec des niveaux de vie comme ceux de l’Italie aujourd’hui. Quel que soit le meilleur chiffre pour le niveau de population durable aujourd’hui, il diminue rapidement car les progrès technologiques ne parviennent pas à compenser les conséquences de la consommation accélérée de l’humanité et de la détérioration des ressources de la planète.

La population mondiale diminuera, que nous nous efforcions ou non d’atteindre ce résultat. Si elle n’est pas réduite par une intervention sociale proactive, elle le sera par les forces écologiques. Une action délibérée est requise de notre part uniquement si nous aspirons à ce que le déclin soit pacifique, équitable et progressif.

Je crois maintenant que le changement climatique est l’une des principales menaces existentielles pour la société industrielle sur cette planète. Mais son élimination magique laisserait subsister d’autres problèmes graves, tels que l’évolution pacifique de la dépendance profonde aux combustibles fossiles et l’arrêt de l’érosion des sols. Il n’existe aucun moyen d’éviter les profondes perturbations qui se produiront dans les décennies et les siècles à venir. Nos systèmes politiques, économiques et culturels comportent de nombreux mécanismes qui favorisent le court terme au détriment du long terme – élections fréquentes, rapports boursiers quotidiens, concept d’actualisation des flux de trésorerie, courte durée d’attention des médias. Tant que les politiques ne seront évaluées qu’en fonction de leurs conséquences immédiates et locales, il ne sera pas possible de parvenir à une durabilité globale.

Au cours de ses quelque 300 000 ans de présence sur cette planète, l’homo sapiens s’est adapté à de nombreuses reprises à des climats radicalement différents de celui dont jouit la société actuelle. Je ne m’attends donc pas à ce que le changement climatique fasse disparaître notre espèce de la planète. Mais le changement climatique détruira certainement les fondements d’une société à forte population, consommatrice d’énergie fossile et aux normes matérielles élevées.

Une aspirine peut permettre au patient de se sentir mieux temporairement, mais elle ne résout pas le problème sous-jacent. Il faudrait s’attaquer à la croissance incontrôlée des cellules cancéreuses dans l’organisme. De même, l’atténuation du changement climatique, de l’érosion des sols ou de la pollution peut permettre aux gens de se sentir mieux à court terme. Mais tant que les causes de la croissance incontrôlée de la population et de la consommation matérielle ne seront pas traitées, il n’y aura pas de solution permanente. La gestion des problèmes d’une population et d’une économie en déclin sera certainement plus facile que les efforts visant à maintenir les taux de croissance actuels. Mais notre culture résiste à cette idée.La promesse de la croissance – plus pour tous – a été le principal facteur de cohésion sociale nécessaire à une gouvernance efficace. Dans un système où chaque participant s’attend à avoir plus au bout du compte, il est possible de parvenir à un consensus. . Mais lorsque tout le monde comprend que la croissance n’est plus possible, lorsque la vie devient manifestement un jeu à somme nulle – si quelqu’un obtient plus, un autre doit obtenir moins – alors le consensus disparaît. La gouvernance durable exige des institutions et une culture capables de choisir et de supporter des sacrifices à court terme pour garantir des gains à long terme. Aucun système de gouvernance ne produira un avenir attrayant s’il est dominé par des personnes égocentriques, corrompues, imprévoyantes ou stupides. Jusqu’à présent, aucun des systèmes de gouvernance nationaux actuels n’a montré une grande propension à inciter ses citoyens à faire des sacrifices à court terme pour le bien-être à long terme des autres.

Il est clair que notre rapport n’a apporté aucun changement perceptible dans les politiques des dirigeants du monde depuis cinquante ans. Aujourd’hui encore, les gouvernements nationaux cherchent instinctivement à résoudre tous les problèmes en favorisant la croissance.

Pour moi, la plus grande réussite de notre rapport, ce sont les milliers de personnes qui partent du principe que la croissance physique ne peut pas et ne pourra pas continuer sur une planète finie. Que la résilience, dans l’équité, et non la croissance perpétuelle, est l’objectif le plus important.

Pour en savoir plus grâce à notre réseau biosphere

les limites de la croissance ou rapport au club de Rome (1972 )

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers (2004)

(traduction française de The limits to Growth – The 30-year update)

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows (mai 2012)

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit (juin 2012)

croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande (juin 2012)

MEADOWS et la décroissance démographique (juin 2022)

Meadows, rien n’a changé depuis 1972, la cata (avril 2023)

« Nous sommes les Soulèvements de la terre »

Trois cents personnalités, dont Philippe Descola, Cyril Dion, Annie Ernaux et Adèle Haenel ont décidé de rendre publique leur appartenance aux Soulèvements de la terre : « Nous qui signons cette tribune et toutes celles et ceux qui ne manqueront pas de nous rejoindre, nous rendons publique notre appartenance aux Soulèvements de la Terre. Nous nous soulevons toutes et tous contre la vision du monde et de la vie que ce gouvernement incarne, contre le saccage des milieux naturels, la disparition des terres arables, l’accaparement de l’eau. Nous nous soulevons, chacun de notre endroit, chacun à notre manière. Nous sommes, toutes et tous ensemble, les Soulèvements de la Terre. Les Soulèvements de la Terre sont une grandissante coalition de forces.C’est toute une constellation de collectifs d’habitants en lutte, d’associations de défense de l’environnement, de fermes, de groupes naturalistes, de syndicalistes paysans, de scientifiques en rébellion, de syndicats, de groupes autonomes, de mouvements d’éducation populaire, d’élus, de personnes de tous âges et de tous horizons qui se retrouvent et s’organisent sous la bannière des Soulèvements de la Terre. Et ça, rien n’est en mesure de le dissoudre.»

Dommage que trop de commentateurs ne se rendent pas compte qu’ils sont eux aussi partie prenante de la biosphère. Voici ce que le « dialogue » avec des négationnistes de l’urgence écologique peut donner sur le monde.fr :

Calimero : Soutenir les mouvements qui proposent la violence collective comme moyen de pression dans une démocratie où il suffit d’attendre les élections pour changer de politique, c’est encourager et favoriser l’ambiance de haine permanente entre citoyens. S’il est interdit, ce mouvement peut se renouveler avec d’autres formes d’expression que celle de casser du gendarme.

SebRiou : La démocratie ce n’est pas être citoyen tous les 5 ans monsieur Calimero. Et la représentation n’est pas un chèque en blanc, mais une délégation sous condition. Ce gouvernement se tend illégitime, un peu plus tous les jours

Olivier : Les millionnaires de la culture se découvrent une âme de paysan entre deux avions.

Bertrand Mi : Quel commentaire médiocre ! Commencez par lire Descola, ou Bourg, puis essayez de réfléchir…

Elastique : Toujours les mêmes signataires. Le même ton. La même arrogance à défendre le camp du bien depuis des salons parisiens. La gauche honteuse quoi. Sur les 300 signataires, 5 paysans et deux éleveurs…..

Haïdouk : Trois associations étaient organisatrices de la manifestation de Sainte-Soline: Bassines non merci, Les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne. Savez-vous quels sont les membres de cette dernière ?

Atchoum la houle : « savez vous quels sont les membres de cette dernière ? » Pour la plupart des paysans utopistes, voir des néo-paysans, et quelques pseudos intellectuel, qui, si on écoutait leurs préceptes, réussiraient à peine à nourrir leur village… Alors, apporter la sécurité alimentaire à 8 milliards d’humain, évidemment, ça les dépasse un peu.

Mikasual : Triste manière de fuir le débat en attaquant les messagers plutôt que de débattre sur le fond du message : l’état veut dissoudre une association, assimile tous les manifestants à des terroristes, les réprime par la violence et est incapable de se remettre en question sur le moindre sujet.

PMF : La contribution hebdomadaire de la coterie des bien-pensants. Le ridicule ne tue pas. Mais pour ce qui est du soulèvement, voyez plutôt l’Iran. Là-bas, c’est pas du cinéma.

Citizen Ben : Ca ressemble à la petite musique macroniste « l’inflation est moins forte que chez nos voisins », « on a plus distribué d’argent que les autres pays pendant le Covid ». Y aura toujours pire ailleurs, c’est pas une raison pour se laisser marcher sur les pieds.

En terme de conclusion, cette dernière du gouvernement Macron inféodé à la FNSEA et aux puissances d’argent : le S-métolachlore est très utilisé en France, notamment sur les cultures de maïs. Il se décompose en sous-produits responsables d’une vaste pollution des nappes phréatiques. Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, a pourtantd emandé le 30 mars 2023 à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de revenir sur sa volonté d’interdire les principaux usages de cet herbicide : « Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence ».

C’est une déclaration gouvernementale extrêmement grave qui porte atteinte à l’indépendance de l’Anses , le ministre se met directement à la main du pouvoir économique à court terme …

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Tous ensemble contre les Grands Projets Inutiles (août 2013)

Eco-guerriers plutôt qu’éco-terroristes (novembre 2022)

Pétromasculinité, vraiment n’importe quoi !

L’impérialisme de la pensée Woke n’a plus de limites. Une spécialiste d’écologie politique « féministe » vient de publier en français Pétromasculinité. Elle s’intéresse à la façon dont les identités de genre structurent les enjeux énergétiques. Tout y passe, on fait l’amalgame entre relations de domination et violences colonialistes, écocidaires, sexistes, on pourfend l’extrême droite américaine, misogyne, raciste et climato-négationniste. Heureusement qu’en France les gens ne sont pas trop au courant de la guerre des genres !

Lire, La religion woke contre l’écologisme

Cara New Daggett : « La masculinité a de nombreuses expressions, mais il existe une relation entre un type particulier de masculinité dominante – que j’appelle « pétromasculinité » – et les énergies fossiles. Les études féministes ont montré que la définition de ce qui était productif, improductif ou reproductif s’est construite sur une vision du monde où la subordination des femmes et l’exploitation de la nature sont liées l’une à l’autre… La valeur que nous accordons à l’énergie est liée à des croyances, des émotions. Les « pétrocultures » se sont développées sur l’idée que l’utilisation intensive et sans cesse croissante d’énergie est nécessaire à une « bonne vie ». Si les énergies fossiles ont apporté des avantages, elles ont également intensifié l’impérialisme et la violence, et ont contribué à forger un sentiment de maîtrise et de pouvoir illimité.

Le point de vue des gens normaux

André C. : Merci pour la leçon de wokisme qui m’a bien fait rire !

ALBERTO : Le pétrogenré, c’est tout nouveau, ça vient de sortir, un nouveau sujet de débat pour sociologue en manque de copie.

Pm42 : « les liens entre énergie et identités de genre » : on peut arrêter là… C’est curieux cette obsession de nous vendre en permanence des « sciences sociales » 100% idéologiques, 10 % déconnectées.

GERONIMO : Dites Le Monde, vous ne croyez pas qu’il a assez de brillants experts et spécialistes SCIENTIFIQUES des industries fossiles pour ne pas se coltiner une « sociologue » (science molle) experte en « identités de genre » (sic) ? Un(e) sociologue va ramer pour nous « assener » (et non pas démontrer) qu’il y a un lien entre domination masculine sur la femme et domination humaine sur la nature.

Eric.Jean : Avant la découverte des combustibles fossiles pour alimenter les machines en énergie abondante et bon marché la force de travail était animale (on a gardé l’habitude d’exprimer la puissance en chevaux) et humaine. Quant au rang de la femme en tant que force de travail, il n’était guère supérieur à celui d’esclave de son mari. Sauf pour les dames de la haute qui avaient esclaves et domestiques bien sûr. Mais le pétrole c’est mal, donc masculin, lol.

Cap.2020 : Au travers de tous ces articles qui nous servent du masculin toxique ad nauseam, on comprend en creux qu’avec les femmes, « tout ça » ne serait pas arrivé, ce qui est absolument indémontrable. Ce sont de simples constructions intellectuelles, qui reposent sur une vision biaisée du féminin et ne mènent nulle part.

He jean Passe : C’est fou comme le n’importe quoi peut procurer du travail à certain(e)s. Avec le concept de « Pétromasculinité « , pas besoin d’aller plus loin, on est pas loin de la transpétrolité ou du LGBT contre-pétrolier.

Lire, À chaque époque son brin de folie, ça passe

Transidentités, un débat faussé et inutile

Il y a des choses que je comprends, par exemple le fait que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature ; elles sont historiquement construites et socialement reproduites. Il n’est par exemple nullement génétique d’aimer les voitures ou le maquillage !

Il y a des choses que je ne comprends pas, par exemple enseigner au primaire la notion « d’égalité de genre ». Quelle différence avec l’égalité des sexes ? Sauf cas rares, cette distinction est inscrite dans les chromosomes de chaque être humain, elle est irréductible. Cela constitue un fait, et non une opinion.  Le nier nuit gravement à la cohérence sociale quand le critère de distinction devient l’indistinction basée sur la toute puissance de l’affirmation de soi. Ce n’est pas l’avis d’une journaliste du MONDE :

Solène Cordier : « Faut-il consacrer le droit à l’« autodétermination de genre », qui permet de se voir reconnaître homme ou femme sans diagnostic médical ? La Caisse nationale d’assurance-maladie comptabilisait 294 bénéficiaires du dispositif de l’affection longue durée pour transidentité chez les moins de 18 ans en 2020, contre 8 en 2013. Soit une augmentation de l’ordre de 3 675 %.

Les psychanalystes Caroline Eliacheff et Céline Masson mènent l’offensive comme en témoigne leur ouvrage La Fabrique de l’enfant transgenre. Elles formulent notamment « l’hypothèse,que la transidentité relève d’une subculture idéologique contagieuse via les réseaux sociaux, se rapprochant par maints aspects de l’emprise sectaire … Allons-nous assister au premier grand scandale médical et éthique du XXIe siècle avec les traitements dispensés aux mineurs qui souhaitent changer de sexe ? » Accusées de transphobie, elles ont été empêchées par des militants de présenter leur livre lors de conférences.

L’anthropologue Laurence Hérault déplore « un fantasme sur la prise en charge médicale des jeunes trans », s’inscrivant dans « une vieille antienne des anti-LGBT qui, sous couvert de protection de la jeunesse, véhicule en fait un discours de haine ». Un débat de société apaisé est au contraire nécessaire pour éviter la stigmatisation de populations souvent vulnérables. »

Pile Oufasse : Nous demander de nous apaiser , c’est nous demander de replonger dans le sortilège. Il faut se réveiller et éteindre l’incendie débutant. Le langage peut véhiculer une logique perverse, un masquage d’un totalitarisme particulièrement pervers. Il impose l’indétermination, l’impossibilité de l’enracinement. En effet, au nom du respect de l’identité , il empêche toute possibilité d’identification avec ce ces iel et ces suffixes en « x ». Et dans les textes anciens ou sacrés : faut il les réécrire , avec des x comme on le demande maintenant ? .C’est Monstrueux.

Commentateur du dimanche : Pour promouvoir un débat apaisé, peut-être faudrait-il commencer par permettre que chacun puisse s’exprimer sans en être empêché par les actions violentes de groupuscules défendant la conformité idéologique qui leur sied. On pourrait aussi éviter de stigmatiser toute interrogation critique des changements anthropologiques à l’œuvre en l’enfermant dans la catégorie « discours de haine ». Ce serait un bon début.

YV : Débattre de la transidentité serait transphobe. Faut-il tout acquiescer benoîtement.

Egg : Je ne comprends pas comment un article qui appelle à un débat « apaisé » peut être aussi partial ! Outre que les opposants aux changements de sexe pour les mineurs sont assimilés à la manif pour tous, l’article omet de dire que la GB et les pays du Nord ont rétropédalé sur le sujet suite à des scandales comme celui de la clinique Tavistock, que de nombreux jeunes veulent detransitionner moins de 5 ans après le début des traitements, et que pour certains leur corps est définitivement brisé. L’article oublie aussi de préciser les risques liés à l’hormono-thérapie, le fait par exemple qu’un changement de voix est également irréversible, et il n’a donné la parole à aucun de ces detransitionneurs. Enfin, il oublie aussi de mentionner le fait qu’environ 30 % de ces candidats à la « transition » de genre sont autistes, et que récemment une tribune de spécialistes de l’autisme a alerté sur ce fait. Bref, pour l’objectivité on repassera.

Elsie : Je trouve assez invraisemblable que dans un article qui parle essentiellement de changement de genre chez les mineurs ne soit même pas mentionnée la fermeture, à la demande du NHS, de la clinique Tavistock au UK, qui était la seule spécialisée dans ces problématiques. La BBC y a consacré un certain nombre d’articles qui soulignaient que les mineurs disant souffrir d’une dysphorie de genre avaient en réalité très souvent d’autres problèmes psychiques, qui eux n’étaient pas pris en compte. Que par conséquent, ne les traiter que pour la dysphorie de genre (en particulier avec des bloqueurs de puberté) ne permettait souvent pas d’améliorer leur état psychique.

Richardauguste : et les personnes qui se ressentent à la fois d’un genre et d’un autre et celles qui se ressentent alternativement d’un genre et de l’autre?

Gara : « L’« autodétermination de genre » » n’est qu’une des facettes, allant cette fois au cœur de l’identité, de l’autonomie démocratique qui se déleste des cadres structurants de la tradition. Dans ce cas, c’est le donné biologique qui est « remis en question » par le « libre choix » du genre, mais la paradoxe est que cette liberté est le fruit d’une injonction socialement construite par la dynamique de la modernité. A la place de « l’anatomie c’est le destin » de Freud, vient le Baron de Münchausen qui se défait de son assignation sexuelle biologiquement héritée en tirant sur ses bottes…

furusato : Oui écarter  » le donné biologique  » en ce sens c’est un basculement total, cela va bien plus loin que la tradition qui peut toujours être relativisée : c’est la réalisation du « être maître de soi  » portée à l’incandescence du spectacle, le fameux performatif de Judith Butler mais intégré par la chirurgie .La référence au baron et à son mouvement d’auto-élévation est foutrement bien choisie. J’en ai été jaloux !

Wotan : On comprend maintenant Poutine quand il évoque la décadence de l Europe.

Rico : L’avantage qu’on a en France c’est qu’on est toujours à la ramasse et on fait tout après les autres. Ça permet de voir ce qui passe dans des pays comme la Suède qui ont été pionnier de la transition facilitée pour les plus jeunes. Résultat: ils font marche arrière car ils se sont retrouvé avec des transitionnés qui souhaitait revenir en arrière dans des proportions inquiétantes. Le trans-genrisme était devenu pour beaucoup une sorte de trans-gression qui ne durait qu’un temps. La dysphorie de genre est une affection plutôt rare et je suis assez persuadé que ceux qui sont réellement concernés sont ceux qu’on entend le moins,

Alazon : Article mollasson qui passe un peu vite sur des réalités préoccupantes, la première étant que la fameuse épidémie, bien réelle, touche avant tout les filles, qui veulent en masse devenir des garçons. Difficile de ne pas y voir une nouvelle forme de discrimination puisant dans les autres. La deuxième est qu’à une période où l’on veut déconstruire le genre, l’identification au genre opposé pose la question de savoir ce qui fait qu’on s’y identifie, ce qui fait presque invariablement appel aux pires clichés qu’on essaie précisément de combattre.

O. Pinion : Pourquoi se sentir obligé de changer de sexe ? N’a-t-on pas le droit et la possibilité d’être heureux en France en étant une fille plutôt masculine et un homme plutôt féminin ? Ne peut-on pas trouver son bonheur dans une activité qui n’est pas habituellement pratiquée par ceux de son genre ou sexe ou auprès d’un compagnon ou d’une compagne quel qu’il soit ? Que sait-on à l’adolescence ? Qu’a-t-on comme représentations ? Quelle part y-a-t-il dans ces envies du besoin de se montrer différent pour exister ou bien conforme à un groupe et suivre une mode à la mode ?

HENRI F : personne ne parle de transgénétique. On ne parle pas des chromosomes XX ou XY qui sont pourtant la clé de l’affaire. Aucune hormone, aucune chirurgie n’y changera rien.

Asph : Les différences de sexe existent objectivement, qu’on le veuille ou pas, et rares sont les gens qui se trompent pour identifier le sexe de ceux qu’ils rencontrent (y compris quand ceux-ci ont fait leur transition). Il n’y a pas transition de sexe, car le sexe reste exactement le même).

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Autodétermination de notre sexe, formidable !

Le planning familial pour des hommes enceints

Mon père, transgenre, devenu ma mère

Lévi-Strauss, malthusien par le raisonnement

Wiktor Stoczkowski. Dans Diogène 2012/2 (n° 238),

pages 106 à 126, extraits :

Lorsqu’en mars 2003 Claude Lévi-Strauss m’a reçu, il m’a demandé si je devinais quelle fut la plus grande catastrophe dont il avait été témoin durant sa vie. J’ai préféré attendre la réponse… Lévi-Strauss n’a suspendu sa voix qu’un court instant, pour reprendre aussitôt :

« À ma naissance, la population mondiale comptait un milliard et demi d’habitants. Quand je suis entré dans la vie active, vers 1930, ce nombre atteignait déjà deux milliards. Il est de six milliards aujourd’hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies, à croire les prévisions des démographes. Cette croissance a exercé d’énormes ravages sur le monde. Ce fut la plus grande catastrophe dont j’ai eu la malchance d’être témoin. »

Bon nombre de lecteurs de Lévi-Strauss s’avouaient incapables de comprendre cette prise de position qui, à leurs yeux, constituait une espèce d’aberration. Comme je vais essayer de le montrer, c’est tout le contraire. En premier lieu, l’intérêt de Claude Lévi-Strauss pour le problème de la croissance démographique a été précoce. Ensuite, sa vision de la surpopulation était, dès les prémisses, étayée par de solides et savantes connaissances. Enfin, loin d’être une extravagance idiosyncrasique, cette vision correspondait à des préoccupations largement partagées dans les années 1950-1960 : elle se trouvait alors au centre de l’intérêt des organisations internationales au sein desquelles Lévi-Strauss participait en tant que Secrétaire général du Conseil International des Sciences Sociales

La mise en œuvre internationale des idées malthusiennes

Depuis la publication, en 1798, de l’Essai sur le principe de la population, par Thomas Robert Malthus, le problème de la croissance de la population et les rapports que celle-ci entretient avec les questions des ressources et du bien et du mal, constituent un thème récurent de la pensée occidentale. Dans l’institutionnalisation de la science démographique, les propagandistes du contrôle des naissances jouèrent un rôle non négligeable. Ce sont eux qui inspirèrent la première réunion en 1927 du Congrès international de la Population, organisé par Margaret Sanger, l’une des dirigeantes du mouvement pour le contrôle des naissances. La notion d’optimum de population, proposée en 1910 par le Suédois Knut Wicksell et promise à une longue postérité, y donna lieu à une discussion passionnée. En 1931, au deuxième Congrès International de la Population, cette question fut à nouveau au cœur des délibérations. Les écarts par rapport à cet équilibre idéal, que personne ne parvenait d’ailleurs à définir, alarmaient les savants et les hommes politiques.

La publication des chiffres de l’Indian Census de l’année 1951 fit une forte impression, en montrant qu’après avoir connu une troisième décennie de croissance vigoureuse, de l’ordre de 14 %, la population du pays venait d’atteindre 362 millions. Dans la veine malthusienne, les démographes craignaient que la production de nourriture ne puisse s’aligner sur une telle augmentation de la population et que le déséquilibre qui en résulterait conduise à une véritable catastrophe à l’échelle planétaire. Bien que minoritaires, certains démographes restaient sceptiques et dénonçaient une psychose occidentale ; incidemment, ils trouvèrent leur principal allié dans la propagande soviétique qui voyait dans le malthusianisme l’instrument du capitalisme incapable de trouver une autre solution aux problèmes du chômage et de la malnutrition.

La dramatisation du discours démographique dans les années 1945-1955 tenait surtout à de sombres prévisions sur l’avenir. En 1944, Kingsley Davis avertissait que le subcontinent indien (Inde, Pakistan et Bangladesh), atteindrait, en 2024, 750 millions d’habitants. On trouva ce chiffre extrêmement préoccupant. bien qu’il fût largement en deçà de la réalité à venir (en 2021 on arrive à 1,8 milliards, soit 1,4 milliards pour l’Inde, 231 millions pour le Pakistan et 171 millions pour le Bangladesh)

Lévi-Strauss découvre la surpopulation en Inde

Il est donc utile de garder à l’esprit ces quelques faits historiques pour mieux comprendre le climat d’opinion qui dominait en Occident au moment où Claude Lévi-Strauss, mandaté par l’unesco, effectua un long voyage au Pakistan et en Inde. On se souvient des suffocantes images de la saturation humaine et de la misère, que Lévi-Strauss a retenues et dont Tristes Tropiques livre un témoignage poignant. Ces « tropiques bondés », mises en contraste avec les « tropiques vacants » des Amériques, n’étaient pour lui qu’« ordure, désordre, promiscuité, frôlements ; ruines, cabanes, boue, immondices ; humeurs, fiente, urine, pus, sécrétions, suintements. » Il décrit des villes encombrées de vaches, de charognards et d’humains faméliques à la démarche grimaçante qui formaient un ballet macabre en lequel il voulait voir avant tout la hantise de la faim et « les symptômes cliniques d’une agonie » (Lévi-Strauss 1976 ). Il ne résistait pas à l’impression que, de cette densité même, résultait une profonde altération des relations humaines, qui contraignait chacun à dénier à l’autre l’humanité qu’il voudrait tant lui reconnaître. Dans ces régions où la densité dépassait parfois mille habitants au kilomètre carré, Lévi-Strauss découvrit une société qui, à ses yeux et selon la métaphore qu’il reprendra plus tard dans Race et culture, s’empoisonne « de cette densité, comme ces parasites de la farine qui réussissent à s’exterminer à distance par leurs toxines, avant même que la matière nutritive ne fasse défaut » .

Ce n’est pas par hasard si le livre retentissant de Paul R. Ehrlich qui, dans l’arsenal des instruments potentiels de l’apocalypse, a placé la bombe P (comme Population) à côté des bombes A et H, s’ouvre sur la description d’une traversée hallucinante de Delhi, dans un poussiéreux taxi infesté de puces, se frayant péniblement un chemin au milieu de rues grouillantes d’une masse d’hommes qui mangent, dorment, défèquent et urinent publiquement, réduits par leur indigence – ou peut-être seulement par le regard de l’Occidental – à une physiologie bestiale, et dont la misère semble être la principale caractéristique sociale (Ehrlich 1968).

L’action internationale de Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss avait l’habitude de filtrer les leçons que l’expérience vécue lui procurait grâce au prisme d’une longue élaboration intellectuelle. Sans sous-estimer l’impact, sur sa vision du monde, des tribulations dans le subcontinent indien, il est nécessaire d’ajouter un nouvel élément au dossier, afin de mieux comprendre l’intérêt de Lévi-Strauss pour la démographie.

On oublie trop souvent que Claude Lévi-Strauss a occupé, de 1952 à 1961, la fonction de Secrétaire général du Conseil International des Sciences Sociales. Le ciss devait jouer un rôle consultatif auprès de l’unesco dont la mission est d’assurer « la paix mondiale dans la justice et la liberté ». Le 27 février 1953, Lévi-Strauss indiqua plusieurs projets de recherche à entreprendre. Premièrement, il proposa que la science économique, le droit, la sociologie, l’anthropologie sociale et la psychologie analysent ensemble les problèmes de la surpopulation en tant qu’ils relèvent non seulement de la démographie, mais aussi de la psychologie, de la communication et de la représentation que les sociétés se font de leur propre démographie, chacune réagissant différemment au même phénomène numérique en fonction de la conscience subjective qu’elle possède de sa densité objective. Deuxièmement, le ciss fut invité à soutenir des recherches pluridisciplinaires sur les conséquences politiques, juridiques, économiques et sociales qu’entraîne un changement d’échelle des pays, avec l’éventuelle possibilité de se prononcer sur la taille optimum des groupements nationaux, problème qui avait déjà préoccupé Auguste Comte.

Lévi-Strauss augurait que les résultats de ces recherches « sidéreraient les hommes d’État, surtout en Europe, en leur permettant de prévoir les conséquences de leurs efforts vers une fédération ou une unification » (Lévi-Strauss 1953). Selon lui, le mouvement d’unification européenne était tributaire de la conviction que les « super États » représentaient un type de structure normale pour le monde moderne ; les enquêtes lancées par le ciss pourraient remettre en question cette certitude arbitraire et néfaste. Ainsi Lévi-Strauss déclarait que les organisations internationales feraient mieux de se pencher sur les questions démographiques, dont la surpopulation, car les conflits idéologiques qui opposaient les États et menaçaient la paix, pouvaient être ramenés à des forces objectives et inconscientes qui modèlent les populations humaines. Pour lui, cette cause se situait non pas dans le domaine des idées, mais dans celui de la démographie. Désormais, il ne variera plus sur ce point essentiel. Si, dans ce même mémorandum, Lévi-Strauss s’intéressait aux idées, c’était pour autant que la réaction des sociétés humaines à leur propre saturation démographique lui semblait médiatisée par la représentation subjective qu’elles possèdent de la surpopulation. L’étude de l’articulation entre les phénomènes objectifs et subjectifs, entre ce qui est inconsciemment ignoré et ce qui est sciemment admis, devrait aider les hommes à mesurer les dangers auxquels ils s’exposent en oubliant la menace démographique.

en guise de conclusion

Si Lévi-Strauss ne tient pas la Shoah pour la plus grande tragédie dont il fut témoin, c’est parce que les camps d’extermination ne lui paraissent pas comme « l’aberration d’un peuple, d’une doctrine ou d’un groupe d’hommes », mais comme « un signe annonciateur d’une évolution vers le monde fini » qui est en train de naître sous nos yeux et qui transformera la planète entière en un vaste camp d’extermination où agonisera lentement une « humanité inconcevable » (Lévi-Strauss 1976).

Wiktor Stoczkowski est chercheur au laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris

Lire sur notre blog biosphere

Lévi-Strauss, in memoriam

Le chien, un loup empli d’humanité

« Un loup rempli d’humanité », c’est la définition du chien de Jean de la Fontaine dans sa fable « Le loup et les bergers ». Définition certes poétique, mais surtout confirmée par l’ADN, concernant tant l’origine du chien que sa modification par l’homme. À partir des données scientifiques et de son vécu, Pierre Jouventin, éthologue ayant élevé dans sa jeunesse une louve dans son appartement, explique dans son livre comment nos ancêtres ont créé le chien à partir du loup et pourquoi, à la différence de nos cousins les chimpanzés, il est devenu « le meilleur ami de l’homme ».

extraits : Chez les chasseurs-cueilleurs, qui sont tous nomades pour pouvoir changer de terrain de chasse et exploiter au fur et à mesure les productions de la nature, une femme devait transporter son enfant et, d’après les ethnologues, elle ne pouvait en élever plus d’un tous les quatre ans, comme les grands singes. Par contre, sédentarisée plus tard dans un village et disposant de céréales, elle pouvait aller jusqu’à enfanter tous les ans ! Cette plus grande exploitation de la Terre a donc permis d’élever beaucoup plus de jeunes, donc de nous multiplier. La bien nommée ‘révolution néolithique’ constitue une mutation écologique et économique telle, dans l’histoire de l’humanité, qu’elle explique comment les dizaines de milliers de chasseurs-cueilleurs se sont transformés en centaines de millions d’agriculteurs-éleveurs. Sur des milliers d’années, cela explique que les populations humaines, depuis toujours en équilibre avec les ressources naturelles comme n’importe quel animal sauvage, aient pu s’accroître pour atteindre des milliards en colonisant toute la planète, phénomène qui a cependant trouvé ses limites, ainsi que nous sommes en train de le réaliser…

Comme je le concluais dans mes livres et articles, on peut donc aller jusqu’à se demander : le chien, en augmentant la pression de chasse de nos ancêtres sur la faune sauvage, est-il à l’origine de la révolution néolithique qui, après avoir appauvri la mégafaune1, les a contraint à travailler la Terre, puis responsable de la démographie galopante qui a suivi, donc de la colonisation de la planète ? Bref, l’invention du chien est-elle la cause de l’avènement de la civilisation ?

Pierre Jouventin

 « Les chiens vous regardent tous avec vénération. Les chats vous toisent avec dédain.

Il n’y a que les cochons qui vous considèrent comme leurs égaux. »

Winston Churchill

nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Pierre Jouventin, la question démographique

Pierre Jouventin : l’homme, cet animal raté

1 Ben-Dor, M., & R. Barkai, 2021, « Prey Size Decline as a Unifying Ecological Selecting Agent in Pleistocene Human Evolution », Quaternary 4

Michel Tarrier et le cadavre de l’humanité

L’humaniquée de Michel Tarrier

La planète repose dans un état critique. Son bilan de santé s’aggrave de jour en jour. Anémie des flux marins. Chlorose des sous-sols. Eczéma sévère des terres. Insuffisance pulmonaire de l’Amazonie. Et surpoids par-dessus le pompon. Depuis le temps qu’on lui monte des dossiers médicaux, que l’on redouble de consultations, de diagnostics, de prescriptions, de rapports de Club de Rome et de Meadows… Gesticulations dans le vide. Dossiers classés sans suite. Du vent. On lui a endoscopié les fonds, biopsié les sols, échographié les voies respiratoires. On lui a ordonné d’arrêter de fumer du CO2, de passer à un régime minceur, d’engloutir moins de viande, de changer de mode de vie, plus sobre, plus équilibré : rien n’y a fait ! Résultat des courses à l’abîme : le pronostic vital de l’humaniquée est engagé. Et nous regardons ailleurs…

Livre après livre, pamphlet énervé après charge furibarde contre notre espèce butée, Michel Tarrier tâte le pouls d’une nature exhalant une haleine de mort, enregistre les soupirs et les râles d’agonie, mesure la fièvre qui monte, alerte sur les symptômes affolants de l’imminente crise d’apoplexie finale, passe et repasse des radiographies criblées de points rouges jusqu’à saturation, sonne les cloches aux assassins de la planète, sonne le tocsin, les trompettes de l’Apocalypse, le « glas eschatologique ». Et tout cela, en vain. Coups d’épée dans l’eau. Coups de pelle dans le vide contre « les z’enculés de l’apocalypse ». Et demain, business as usual comme d’habe…

Le Docteur Tarrier, écosophe et naturaliste de son état, veille au chevet de Gaïa depuis des lunes. Il n’a cessé de délivrer des ordonnances contre l’infection pullulante d’Homo coronavirus : ce fléau à couronne, roi auto-proclamé de la Création. De réclamer d’urgence la camisole de force contre les agissements du plus gros psychopathe du globe, massacrant à froid et sans états d’âme les autres espèces, sa mère Nature, et bientôt toute la Voie lactée si on ne l’arrête pas. De multiplier les « S.O.S Terre en détresse ! », les cris éraillés dans le désert aux têtes de linotte enfouies dans le sable. De pousser des hurlements rauques à des oreilles sourdes comme des pots d’échappement. De gueuler à s’enrouer la gorge des « Attention ! Organes vitaux de la Terre en danger ! ». De rugir comme un damné sur tous les toits des « Ça va comme ça ! », « Parce que c’en est assez ! », « Finie la récré sur le dos de la biosphère ! ».

Aujourd’hui encore, le Dr Tarrier ausculte pour une énième fois, dans ces Cahiers d’écorésistance, le cœur d’une boule bleue en phase terminale, dont les fonctions vitales capotent, s’emballent et basculent à plus brève échéance que prévu. À coups de diagnostics accablants, de soupirs amers et de bras qui en tombent, l’auteur de 2050, Sauve qui peut la Terre (2007), de Dictature verte (2010), des Orphelins de Gaïa (2012), et du Malheur de naître (2020) et de biens d’autres opus gorgés de verve, de mordant et de hargne souveraine, murmure dans ces Cahiers d’ultimes « écogitations » funèbres à l’adresse d’une humanité qu’il sait coincée, cul-de-sacquée dans le couloir de la mort. Une humaniquée qui après avoir scié toutes les branches du Vivant dont dépendait sa survie, assiste, impuissante et désemparée, à sa lente noyade dans ses propres toxines et immondices, voit l’ultime branche sur laquelle elle est assise s’effondrer brutalement sous la surcharge pondérale de son fessier obèse.


À quoi bon donc, vu notre démence suicidaire, actionner des sirènes tonitruantes, si c’est pour qu’elles soient aussitôt étouffées par le déni de réalité ambiant, par les vœux pieux technosolutionnistes, par le tout-va-s’arrangisme et la myopie des hommes ? À quoi bon ces Cahiers, sinon le plaisir d’avoir affaire à autre chose qu’au tout-venant de l’habituel bullshit des écolos mainstream, enrobé d’idéalisme naïf, sucré de niaises utopies permacucul, édulcoré de lendemains qui mentent ; bref, les boniments et salades servis et resservis as usual à mesure que tout empire, par les bons soins des indécrottables confiants-malgré-tout-dans-l’avenir et des écoptimistes-envers-et-contre-tout-car-il-n’est-jamais-trop-tard ?

À quoi bon, enfin, ces Cahiers d’écorésistance – si ce n’est la joie amère de côtoyer une pensée dénuée de faux espoir sécurisant, de tenir entre ses doigts un pavé étincelant de lucidité crépusculaire, une somme de sainte colère et de vérité irrespirable pour le commun des mortels – si c’est pour qu’une fois de plus se dresse face à lui une Grande Muraille de dos ronds amorphes, de pipeauliticiens aux mains sales et « impuissantes », d’invétérés statu-quo-istes jusqu’au-boutistes, de têtes d’autruche engluées dans le sable des écrans ? Car Tarrier ne sait que trop bien l’inanité de ses objurgations et de ses supplications désespérées. Il connaît le fieffé bipède comme les lignes parcheminées de sa main – en fin entomologiste qu’il est – cette main avec laquelle il flanque des baffes méritées que le sinistre ravageur dit « Sage » n’a pas volées. C’est que le bon Tarrier se fait zéro illusion sur notre foutue espèce, « qui n’a pour seul horizon que ses restes dans un désert en partage », et que seule une écocratie en bonne et due forme saurait remettre au pas, tant il est vrai que « Les enfants de Caïn méritent un bon coup de pied au cul ! » Il sait de quoi l’animal « doué de déraison » est le non : non au respect et au bien-vivre de nos « mammi-frères », non à la survie des pollinisateurs, non à un pacte sensible et raisonné avec les autres loca-Terres, non à une empreinte écologique qui vit et laisse vivre, compatible avec les limites de la biosphère. Il sait le satané Sapiens incorrigible, il le sait incurable, et dans la connerie, et dans le nombre, et dans la prédation. Il le sait multirécidiviste dans la nuisance, impénitent dans les forfaits contre la vie, dans le dépiautage de Gaïa, dans le racisme, dans le sexisme, dans le spécisme, dans le tir de fusil dans le pied : dans la « cruauté brute de décoffrage et en toute impunité ».

Michel Tarrier est un des rares écologistes aujourd’hui – sinon le seul ! – à administrer un électrochoc cinglant contre nos consciences comateuses sans s’excuser aussitôt de les avoir tétanisées ou bousculées, les pauvres petits choux, contrairement à la plupart des écolos dans le vent et sur les ondes des plateaux télé, craignant de briser le moral de leurs lecteurs, toujours prompts à leur ménager les sentiments par des propos tranquillisants, comme si leur était dénié la maturité intellectuelle et émotionnelle nécessaire pour regarder sans ciller la réalité amère de l’avenir. Sans doute le seul, l’auteur de Nous, peuple dernier (2009), à ne pas faire dans la dentelle bienséante, à pester contre la peste humaine écologiquement nuisible, à hausser un ton rageur et franc du collier, à dire la vérité glaçante comme la mort à la patiente en soins intensifs nommée « Humanité » : sur la phase terminale où elle va bientôt se retrouver gisante tant elle s’entête à persévérer dans le mal-être qu’elle fiche à la Terre-mère. Le seul, ce bon Michel, à vous tirer par le lobule de l’oreille afin de vous pointer le long de notre route pavée d’enfer tous les tonneaux que l’on va se prendre plein les gencives dans les années à venir, tous les pétrins qui nous pendent au museau de grands singes borgnes et court-termistes.

Le seul, cet écosophe de Tarrier, à vous enfiler à sec, sans gelée de pétrole ni complaisance, l’incommodant suppositoire de ce qui nous attend au bout de l’autoroute du malheur, vers quoi nous fonçons comme des lemmings décérébrés – nous, les « doués de cortex »… –, le nez dans le guidon drogués au toujours plus, les narines grisées d’effluves de mazout. Le seul pamphlétaire, ami de la Terre, des animaux, de la nature vivante dans toute sa désormais défunte splendeur, au verbe véhément, acéré comme le sera le couperet de l’an 2050 ; le seul qui n’y va pas par les quatre chemins qui nous mènent inexorablement au diable « des étés à 50 degrés à l’ombre ». Chez le brave Tarrier, point de pilule dorée. Point de « C’est grave, très grave mes loupiots, mais l’on va se tirer d’affaire : y’a qu’à, faut qu’on, une dose de « transition énergétique » par-ci, des rustines écoresponsables par-là, et à nous les douces utopies qui bâillent à l’horizon ! ». Nenni. Pas de « Je te brosse un horizon apocalyptique, mais reste attentif, frère humain, aux lueurs d’espoir qui scintillent, là-bas, au loin… ». Pas d’extrême-onction lénifiante faite au squelette calciné en sursis de l’engeance humaine. Pas de baratin rassuriste pour éviter d’affoler le cheptel de bipèdes sapiens. Pas de cachets d’espérine. Pas de morphine palliative au moment d’injecter les quatre vérités en intraveineuse à notre siècle moribond. Et encore moins d’anesthésiques rhétoriques avant d’assener des coups de scalpel du genre : « Et ce troisième millénaire n’eut qu’un siècle », ou de sédatifs avant de dépeindre l’antimonde mal barré à la Mad Max qui vient. Puisque « l’effondrement est là, devant nous, il est au présent et n’appartient plus à la déclinologie. Encore un pas et nous sommes dans le gouffre. Un second pas et c’est le maelstrom, qui nous emportera, comme il a emporté, sous nos yeux, l’essentiel du Vivant. Nous étions faits pour disparaître comme nous étions faits pour respirer, nous avons curieusement choisi la première option, tranquillement, en prenant le temps graduel à l’échelle d’un siècle ou deux. Cet effondrement civilisationnel est parfaitement caractérisé par la perte de la capacité des sociétés humaines à maintenir les fonctions essentielles de gouvernance, y compris la fourniture de produits de première nécessité comme la nourriture et l’eau. Avec, à la clé, de potentiels conflits guerriers. »

Les Cahiers d’écorésistance de Michel Tarrier sont l’autopsie minutieuse, pratiquée pré-mortem, du cadavre en devenir de l’humanité ; la décapante notice nécrologique d’une espèce fossoyeuse de sa propre tombe ; un faire-part de décès d’un monde où il pouvait encore faire bon vivre (encore que…), une pierre tombale de 500 pages dressée dans l’azur du néant de demain, que n’effraie ni le soleil ni la mort, où sont gravées en lettres de feu et de cendre un verbe apocalyptique revenu de tout pour aller au diable ; un Ci-gît damné comme l’enfer annonçant le grand Collapse du triste foutur…

par Christian Adam, le 18 février 2023… À propos de

« Les Cahiers d’écorésistance de Michel Tarrier…

pour comprendre l’antimonde d’après »,

504 pages, 26 €, chez Édilivre

« Nous n’avons qu’une terre », émission radio

L’émission « Nous n’avons qu’une terre » est initiée par la journaliste Dominique Martin Ferrari ; elle sera diffusée chaque vendredi à 12h sur Divergence FM et en podcast (https://divergence-fm.org). Un tel titre va tout à fait dans le sens de ce blog biosphere et de notre perception de la Terre-mère…

Voici le communiqué de presse :

«Nous n’avons qu’une terre» est le nom d’un rapport commandé par Maurice Strong en 1971, Only One Earth: The Care and Maintenance of a Small Planet, co-écrit par Barbara Ward et René Dubos. Le rapport résumait les conclusions de 152 experts éminents de 58 pays en préparation de la première réunion des Nations Unies sur l’environnement, tenue à Stockholm en 1972. Il s’agissait du premier rapport mondial sur « l’état de l’environnement ». L’environnement, comme le constaterons les Conventions signées au Sommet de la terre en 1992 à Rio se doit d’être géré à l’échelle locale et globale. Seule une harmonie de décisions entre pays riches et plus pauvres peut venir à bout des questions comme le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité.

En choisissant ce titre qui fut aussi celui de son émission sur RFI dans les années 90, Dominique Martin Ferrari entend rappeler cette dimension globale des problèmes environnementaux. Derrière ces questions se dessinent une possible mondialisation heureuse, et surtout le maintien de la paix. Autant de valeurs aujourd’hui menacées. Science, diplomatie, sociologie….doivent prendre à bras le corps cette nouvelle manière de voir la planète qui ne peut être en harmonie avec l’homme qu’à la condition qu’on en respecte certains équilibres. Cette émission donnera donc la parole aux experts, scientifiques, décideurs, associations,citoyens qui œuvrent dans la complexité. Première diffusion le 20 Janvier 2023.

Vingt ans après 1972, nos remarques

Lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, toutes les composantes de la vie sur Terre étaient mises sur la table, sauf une, la démographie. Maurice Strong, le secrétaire général de cette rencontre, eut beau déclarer que « soit nous réduisons volontairement la population mondiale, soit la nature s’en chargera pour nous et brutalement », dès le début ce sujet était purement et simplement tabou. Parmi les détracteurs qui accusaient des organisations comme Population Action International ou Zero population Growth de vouloir contrôler les populations, on trouvait les pays en développement qui s’insurgeaient d’être accusés des maux de la planète alors que le vrai coupable était selon eux la consommation effrénée des pays riches. Quant à l’argument consistant à dire que la meilleure façon d’atteindre tous les objectifs de développement était de les travailler tous en même temps, il se perdit dans le brouhaha.

Le pays hôte du sommet de Rio, le Brésil, possédant la plus vaste population catholique du monde, l’Eglise eut aussi une influence considérable sur les négociations préliminaires. Elle réussit à faire supprimer l’expression « planification familiale » et le mot « contraception » des ébauches de la déclaration commune du Sommet. Arrivée à sa dernière mouture, l’unique référence de cette déclaration au problème de la surpopulation se trouvait dans une phrase appelant à une « gestion responsable de la taille de la famille, dans le respect de la liberté et des valeurs de chacun, en tenant compte des considérations morales et culturelles ».

Pour en savoir plus

un livre de Michel Sourrouille

Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable

à acheter auprès de son libraire de proximité,

ou à commander à la FNAC

https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation

Fécondité, bonnes et mauvaises nouvelles

Démographie chinoise, une bonne nouvelle

LE MONDE avec AFP : En 2021, le nombre de naissances a été de 9,56 millions en Chine continentale. En parallèle, 10,41 millions de décès ont été recensés. La combinaison des deux phénomènes a produit une baisse de la population de 850 000 personnes.C’est une première depuis 1960-1961, lorsqu’une famine, commencée en 1959, avait causé des dizaines de millions de morts à la suite des erreurs du Grand Bond en avant. Le taux de fécondité s’est écroulé à 1,15 enfant par femme en 2021, loin du seuil de renouvellement des générations (2,1). La Chine pourrait n’avoir que 587 millions d’habitants en 2100, soit moins de la moitié qu’aujourd’hui, selon les projections les plus pessimistes .

Le point de vue des écologistes malthusiens

JL P : Enfin une bonne nouvelle ! Si le reste du monde pouvait faire pareil. Ce qui est dingue, c’est que l’article traite la diminution de la pression démographique en Chine dans les décennies à venir de prévision pessimiste alors que c’est au contraire nécessaire voir indispensable à la survie de l’humanité avec des conditions de vie acceptable.

Berel : Je suis assez confondu par la tonalité négative, voire catastrophiste de l’article, dont Le Monde n’a pas l’apanage, pareil à vrai dire pour tous les médias. Pourquoi les démographes, de ce côté-ci de la planète comme à l’autre, sont-ils invariablement natalistes, c’est-à-dire « productivistes de population » ? Alors que la baisse annoncée est porteuse d’effets positifs. Par exemple, la baisse démographique est syomyme de « coûts du travail plus élevé ». Certes… et donc de revenus plus élevés, donc d’enrichissement ! On a vraiment envie de pleurer. idem pour l’argument repris partout selon lequel « l’Inde va dépasser la Chine ». Ah, c’est donc une course ? Mais quel en est le point d’arrivée ? Le premier arrivé à 14 milliards ? On croit rêver : argument digne d’une course en sac dans une cour de récré de CE2. Mais silence, l’expertise triomphe. A croire que l’intelligence est soluble dans le natalisme.

Démographie Responsable : « La Chine, pays le plus peuplé du monde, a vu sa population baisser »… et c’est une excellente nouvelle pour la planète et pour l’humanité. Rappelons que selon un sondage de l’IFOP commandé en octobre dernier par notre association, 72% de nos compatriotes estiment que la Terre est surpeuplée et d’ailleurs, chez les lecteurs et contributeurs de cet article, le pourcentage est nettement plus élevé.

Gmar : Bonne nouvelle car pour survivre il faudra se diriger vers un équilibre entre la nature, les animaux et les êtres humains (changer certaines des activités de ces derniers).

M.Constantine : Très bonne nouvelle, ils sont déjà assez nombreux comme cela ! La natalité est synonyme de pauvreté et de malheur partout dans le monde.

Françoise B. : Ce n’est pas à la planète d’avoir à supporter une croissance infinie de la population. À long terme, la religion de la croissance (économique, démographique etc…) est une menace mortelle pour la planète, et donc pour les humains.

Ol verte : Avec les fluctuations sur la disponibilité et les flux d’hydrocarbures, matières premières pour réaliser des engrais : moins de volume dispo, plus de concurrence et prix accrus pour extraire, fabrication et distribution d’engrais deviendront onéreuses. Les boums de population issus de la révolution verte s’inverseront aussi. Anticipons au mieux les sobriétés : sinon les guerres de ressource, genre agression meurtrière par la Russie, risquent de s’accroître.

Gilles Lacan : Une Chine à 587 millions d’habitants, on va dire que cela correspond aux projections les plus pessimistes du journal Le Monde en même temps qu’aux projections les plus « optimistes » des défenseurs de l’environnement et des amoureux de la paix dans le monde !

Mtestard : Cela pourrait être une bonne chose…Sauf qu’avec l’Inde pour reprendre le flambeau je ne sais pas si notre planète sera mieux lotie…

Démographie française, une mauvaise nouvelle

Solène Cordier : La France reste une bonne élève en Europe. Le bilan démographique annuel de l’Insee le 17 janvier confirme la place de bonne élève de la France, avec un ICF (Indice conjoncturel de fécondité) à 1,83 enfant par femme. Notre pays se caractérise par des dépenses importantes en matière de politique familiale, avec environ 4 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés aux divers dispositifs (congé parental, allocations familiales, accueil du jeune enfant…). Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Investissement élevé rime-t-il nécessairement avec fécondité élevée ? Si effet il y a, il est probablement modeste. L’exemple des États-Unis, qui se caractérisent par une forte fécondité malgré des politiques familiales limitées, apporte de la nuance en rappelant l’importance des contextes locaux.

Le point de vue des écologistes malthusiens

Jean-Claude TIREX : On se croirait au début du XXe siècle où les femmes avaient le devoir de donner des enfants à la France.

M.Constantine : Toujours aussi ridicule d’associer natalité élevée et bonne nouvelle. C’est faux.

OlivierE : Ça dépends pour qui : généralement la naissance est choisie et c’est donc une bonne nouvelle pour les parents. Par contre pour le changement climatique, chaque vie humaine est une mauvais nouvelle.

Michel SOURROUILLE : La France est dans une situation de surpopulation : chômage structurel, forte densité ( chaque habitant a moins d’un hectare pour satisfaire tous ses besoins), urbanisation délirante, stérilisation des terres par le goudron et le béton, totale dépendance envers l’étranger pour la fourniture de combustibles fossiles, dépendance y compris pour des médicaments ordinaires, sur-émissions de gaz à effet de serre, élimination de la biodiversité,etc. C’est une société de consommation sans avenir, tenue en laisse par les sociétés du spectacle, les promesse de pouvoir d’achat protégé et une retraite garantie par une improbable croissance future. Je n’aimerais pas appartenir aux générations futures en France, et les ginks (green inclination no kids) en ont conscience.

Pour agir avec l’association Démographie responsable

https://www.demographie-responsable.org/

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https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation

Tout savoir sur la sobriété démographique

Compte-rendu d’une récente table ronde qui a réuni Michel Sourrouille, Laure Noualhat, Gilles Pison, Hélène Soubelet et Emmanuel Pont.

La totalité de cette conférence-débat (2 heures) est sur youtube grâce aux JNE

https://www.youtube.com/watch?v=24cyH_hEhdw

Voici le script de l’intervention de Michel Sourrouille.

Table ronde du 12 janvier 2023 à l’Académie du climat (Paris) organisée par l’association des Journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie (JNE) :

 Sobriété : et si on parlait de démographie ?

L’animatrice des JNE, Carine Mayo, avait structuré le débat autour de trois questions, chacun des 5 intervenants ayant la parole cinq minutes à chaque fois.

1) Y a-t-il trop d’humains sur terre ?

Je suis né en novembre 1947, nous étions 2,3 milliards. Le 15 novembre 2022, nous sommes passé à 8 milliards. Sur 75 ans, cela correspond à un accroissement annuel de 76 millions d’êtres humains. Je ne prêtais aucune attention à cette évolution démographique, vivant ma vie à mon échelle. Naître dans un monde surpeuplé, c’est s’y habituer.

Mais, faisant des études de sciences économiques et devenant militant, j’ai été amené à m’intéresser à la problématique démographique dans les années 1970. J’ai vécu les débuts de l’écologie politique et étudié 4 évènements consacrés à la question démographique. D’abord la Bombe « P » de Paul Ehrlich publié en 1971 en France. Il y avait explosion de la Population et on devait réagir. L’année suivant le rapport sur les limites de la croissance a fait grand bruit. L’évolution exponentielle de cinq variables en interactions (population, alimentation, industrie, pollution et ressources non renouvelables) faisait prévoir un effondrement socio-économique au cours du XXIe siècle si on n’allait pas vers la croissance zéro. Conscientisé par ces connaissances, j’ai voté pour la première fois de ma vie à la présidentielle de 1974. Le candidat et agronome de renom René Dumont présentait un programme écologiste d’avenir et un projet de réduction de la natalité. La préoccupation démographique avait acquis une telle importance à l’époque que s’est tenu la première Conférence internationale sur la population à Bucarest. Nous étions déjà 4 milliards.

J’avais définitivement intégré l’idée de la surpopulation humaine. Car avec 8 milliards aujourd’hui, le poids du nombre ne pouvait être allégé. Tous les indicateurs sont au rouge, les scientifiques le constatent : réchauffement climatique, 6e extinction des espèces, pic des combustibles fossiles et pic des métaux, etc. L’équation IPAT montre qu’il ne va pas être facile de revenir à une situation d’équilibre. L’impact environnemental, noté I, est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies utilisées pour la production des biens (T). Si l’on regarde ce qui se passe réellement, on constate que le taux annuel de la croissance de la population mondiale est de 1 % et le taux de croissance du PIB en moyenne de 3 %. Considérons pour simplifier que T est égal à 1, alors l’impact environnemental augmente de 4 %  environ. Or il faudrait pour résoudre uniquement le problème du réchauffement climatique diviser par 4 ou 5 nos émissions de gaz à effet de serre. Toute croissance, économique ou démographique est incompatible avec cet objectif.

Il est donc nécessaire d’opter pour la sobriété démographique, ce qui n’empêche pas de promouvoir aussi la sobriété dans le mode de vie.

2) Opter pour une sobriété en matière de démographie, est-ce un bon moyen de réduire notre empreinte écologique ?

Jusqu’à récemment, faute de mieux j’utilisais le mot « décroissance ». Or l’idée de « sobriété » s’impose aujourd’hui aux esprits. Décroissance est de l’ordre du quantitatif et du fatalisme, sobriété correspond mieux à une valeur, c’est l’expression d’un volontarisme. Par exemple l’association France-Nature-Environnement nous souhaite pour 2023 une année « sobre et heureuse ». Mais elle rajoute que c’est nécessaire pour éviter une sobriété « contrainte ». Je développerai cet aspect en 3ème partie. Il existe différentes sobriétés, énergétique, alimentaire, partagée…, on peut aussi parler de sobriété démographique. Cette attitude est déjà présente dans « Essai sur le principe de population » de Thomas Robert MALTHUS,  dont la première ébauche date de 1798.

Malthusien est devenu un terme de notre dictionnaire. Il est préférable de se dire malthusien (des naissances d’accord, mais en fonction des possibilités du milieu environnant), plutôt qu’antinataliste, opposé en toutes circonstances à la natalité. Le terme Malthusien est explicatif, le mot antinataliste en reste au quantitatif. La loi de Malthus est incontournable. La fécondité humaine a une tendance naturelle à suivre une évolution exponentielle, un doublement tous les 25 ans en moyenne (1, 2, 4, 8, 16…). La production agricole, soumise à la loi des rendements décroissants, ne peut au mieux que suivre une évolution linéaire (1, 2, 3, 4, 5…). En conséquence il y a un décalage croissant qui implique qu’on ne peut se contenter d’améliorer la productivité agricole si on ne maîtrise pas en même temps l’expansion démographique.

Malthus peut donc être considéré comme un précurseur de l’écologie en tant que recherche de l’équilibre entre l’humain et son milieu de vie. En termes contemporains, un système socio-économique doit rester compatible avec les possibilités de notre écosystème, la Terre. En 1970 la situation était en équilibre mais les spécialistes s’inquiétaient déjà à l’époque de la surpopulation. Or, selon le calcul de l’empreinte écologique, en 2023 il nous faudrait 1,75 Terre pour régénérer ce que l’humanité consomme en termes de surface. On est en train de dilapider le capital terrestre au lieu de vivre de ses fruits. Le « Jour du dépassement » a eu lieu au niveau mondial le 28 juillet 2022. Si l’ensemble de l’humanité vivait comme des Français, il faudrait même 2,9 planètes, ce qui est impossible ; notre niveau de vie n’est pas généralisable. Il y a une finitude de notre planète dont il faudrait bien prendre acte politiquement. Notez que cet indicateur est très anthropo-centré, on part du principe que les biocapacités sont entièrement dédiées à la seule survie des humains sans considération de la biodiversité.

En conséquence, il nous faut collectivement devenir à la fois écologiste ET malthusien pour essayer de préserver le sort des générations futures, il nous faut agir.

3) Une politique en faveur de la baisse de la démographie est-elle réalisable et souhaitable ?

Une politique malthusienne de maîtrise de la fécondité est plus que souhaitable, c’est absolument nécessaire, on ne peut y échapper. Malthus indiquait clairement ce qu’il fallait penser des solutions à la surpopulation : « Si on n’applique pas des obstacles préventifs à l’exubérance de la fécondité humaine, alors des obstacles destructifs (guerres, famines, épidémies…) provoqueront l’effondrement. » En d’autres termes, si on ne diminue pas volontairement la population humaine, elle sera de toute façon réduite de façon radicale et forcée puisqu’on aura laissé libre cours à la violence de la nature et des humains…

Le rapport de 1972 sur les limites de la croissance indiquait que face à une évolution exponentielle de la population, il n’y a que deux façons de rétablir l’équilibre : ou abaisser le taux de natalité, ou il faudra bien que le taux de mortalité augmente à nouveau. Toute société qui tient à éviter un accroissement brutal de ce taux de mortalité doit prendre des mesures délibérées pour contrôler le fonctionnement de la boucle positive : réduire le taux de natalité : «  En d’autres termes, nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. » On envisageait donc une croissance zéro de la population alors que la population comptait 4 milliards d’humains. Avec le double aujourd’hui, il nous faut en toute logique mettre en œuvre une diminution.

Une politique en faveur de la baisse de la démographie est réalisable, mais plus on attend, plus il sera difficile d’agir. Il y a inertie de la croissance économique comme de la croissance démographique, ralentir la course à l’abîme aurait du être initié dès les années 1970. Il faut donc considérer un engagement  très volontariste, à la fois individuel, politique et associatif. Personnellement j’ai fait un choix éclairé de fécondité en acceptant un avortement en 1973 (avant la loi sur l’IVG) et en n’ayant qu’un seul enfant biologique. D’autres vont plus loin en restant sans enfant après une contraception définitive pour des raisons particulières ou de plus en plus écologiques. Une politique démographique repose avant tout sur le libre choix (pro-choice) des femmes et des couples. Une naissance doit être désirée. 50 % des grossesses ne sont pas planifiées soit près de 121 millions de femmes. En définitive 60 % de ces grossesses non intentionnelles aboutissent à un avortement, soit au total 30 % de l’ensemble des grossesses.

Pour que la décision de procréation soit exercée en toute connaissance de cause, l’État doit assumer son rôle éducateur. Au sortir des écoles, un jeune citoyen ne doit plus ignorer aucun des aspects de la question démographique, vie sexuelle, égalité de sexes, méthodes de contraception, relation entre population et alimentation, capacité de charge d’un territoire, etc. La politique fiscale en matière d’allocations familiales doit être repensée. N’oublions pas que la France a été anti-malthusienne depuis les lois de 1920 réprimant contraception et avortement. On est allé jusqu’à prévoir la peine de mort pour quiconque contribue à un avortement, une femme et un homme ont été exécuté pendant la seconde guerre mondiale. L’INED (Institut national d’études démographiques) avait lors de sa création en 1945 un objectif nataliste. L’avortement a été interdit jusqu’en 1974, la propagande antinataliste a été interdite jusqu’en 1992. On met en épingle l’Inde et les avortements fortement « conseillés » par le gouvernement d’Indira Gandhi. Mais aujourd’hui 37,9 % des femmes mariées et en âge de procréer ont volontairement choisie la stérilisation. Soyons réalistes, pas dogmatiques ni autoritaires.

Entre l’individu et l’État, il y a l’action des associations. En août 2021 a été crée une « Alliance Européenne pour une Population Soutenable » regroupant différents mouvements abordant le thème de la surpopulation. On constate aujourd’hui que seule en France « Démographie Responsable » a pour objet d’œuvrer pour la stabilisation de la population humaine et sa diminution sur le long terme. Les Amis de la Terre avaient traduit et publié « la bombe P » en 1971, ils ont oublié cette origine. Greenpeace fait une fiche sur la surpopulation, il traite les malthusiens de « racistes » !

A cette table ronde du 12 janvier 2023, sur 5 intervenants je suis le seul à constater le poids du nombre et la nécessité d’agir. Mais si on ignore les contraintes biophysiques, cela ne peut que nous conduire au désastre.

Pour agir avec l’association Démographie responsable

https://www.demographie-responsable.org/

Pour en savoir plus

un livre de Michel Sourrouille

Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable

à acheter auprès de son libraire de proximité,

ou à commander à la FNAC

https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation

Insécurité : chasseurs 1, tous les autres 0

Il n’y aura pas de jour sans chasse. Dans le plan pour la sécurité de la chasse présenté le 9 janvier 2023 par la secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, cette mesure ne figure pas dans la liste des quatorze propositions avancées par le gouvernement.

Le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), Willy Schraen, n’aura pas à mettre en œuvre ses menaces, lui qui annonçait le 6 janvier, que, en cas d’instauration d’un jour sans chasse par semaine, la ruralité serait « à feu et à sang ». Si ça, ce n’est pas un appel au terrorisme armé, qu’est-ce que c’est ?

Le point de vue des écologistes

Auvergnat factuel : Même la timide mesure d’une simple demie-journée était d’emblée exclue par le Palais élyséen. Pour compenser l’oukase de Macron, il fallait trouver quelques mesurettes > on nous sort la prévention contre l’alcoolisme dans la chasse ; et des éléments de langage tels « plutôt que d’interdire, le Gvt préfère mettre en place des mesures pour renforcer la sécurité, et favoriser des espaces de dialogue entre les différents pratiquants des espaces naturels » > à déguster lentement...

CAnge : Donc les chasseurs peuvent chasser sans problème tous les jours et ils ont une appli pour se « réserver » une zone de l’espace public. Promeneurs, je vous le dit, il vous faut courber la tête et pas seulement pour éviter les chevrotines.

Charles Marie : À noter que l’application pour identifier les chasses en cours, outre qu’elle déporte sur le promeneur pacifique la responsabilité de ne pas se prendre une balle, va justement faire des victimes supplémentaires, car les chasseurs en battue se sentiront désormais dégagés de toute obligation de prudence, comme sur un champ de bataille.

Claude.B : L’argument, faute d’assurer la sécurité les six autres jours on n’assurera pas la sécurité des promeneurs le dimanche, ça c’est une trouvaille !

Ffrogman : La décision du gouv. est lâche. Elle est lourdement influencée par les lobbies de la chasse et des armes et elle fait très peu de cas des promeneurs et de la biodiversité. Non seulement nous voulons nous promener sans entendre des détonations toutes les trois secondes et sans risquer de se prendre une balle perdue, mais on veut aussi pouvoir observer des animaux. Les animaux sont moins nombreux à cause des chasseurs et ils fuient les promeneurs parce qu’ils ont peur. Ils sont moins nombreux et ils ont peur parce qu’il y a des chasseurs qui les tuent. Les nuisances des chasseurs ne s’arrêtent pas à la destruction de la biodiversité pour le plaisir. La pollution sonore a un effet délétère sur la communication entre animaux. Et les chasseurs déversent chaque année des milliers de tonnes de plomb, métal toxique, dans la nature.

Undefined : La statistique importante, ce n’est pas seulement le nombre d’accidents, c’est le nombre de Français qui renoncent à aller en forêt à cause de la chasse. Les chasseurs ne représentent que 1.5% de la population.

B.Dartevel : Ce n’est quand même pas grand chose de demander un jour pour se promener en campagne alors que d’autres citoyens, qui s’attribuent tous les droits, sont armés de fusils de guerre (voir balles à sangliers) et passent leurs loisirs à tuer des espèces souvent protégées dans d’autres pays.

Victor M : On devrait sans doute se réjouir que la Macronie n’ait pas interdit les balades en forêt ou de sortir dans son jardin quand on a pas un fusil à la main !

Sauf qui Peut : Pourquoi les humains auraient-ils droit à un repos dominical et pas les animaux ?

Hello : Que fallait il attendre d’autre d’un Président qui découvre seulement en ce début d’année 2023 les effets du réchauffement climatique.

La parole aux pro-chasses, alimentons le débat

el barto : Willy Schraen, chasseur de sangliers le jour, dresseur de président de la république la nuit. Dimanche inclus.

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs : « Ce n’est pas la chasse, c’est la ruralité dans son ensemble qu’attaquent ces activistes minoritaires, comme les végans. Ils ne supportent pas que d’autres vivent différemment. Les chasses traditionnelles existaient avant l’arme à feu. La chasse à courre ? Il n’y a que les cons pour ne pas comprendre que l’animal a dix fois plus de chances de se sauver que d’être attrapé. Souvent le cerf est vieux ou malade, c’est la sélection naturelle. Pas le monde des Bisounours ! On est en haut de la chaîne alimentaire, les animaux sont en dessous, c’est l’ordre des choses. Qui travaille sur la biodiversité ? Ce ne sont pas ceux qui font des grands discours, à Paris, qui plantent des haies, des arbres, qui entretiennent les zones humides, qui nourrissent les animaux, et qui apportent ainsi 4 milliards d’euros à la nature tous les ans ! »

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Aimer le bien-être animal ET les chasseurs ? (2021)

Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous (2021)

Notre conseil, donnons des fusils aux lapins (2021)

Le président Macron, un chasseur d’oies aux ordres (2019)

Les (non) chasseurs dans le viseur (2019)

Le chasseur bientôt interdit de séjour le dimanche ? (2018)

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés (2018)

LE VILAIN CHASSEUR (2010)

chassons les chasseurs (2008)

L’extractivisme au fond des abysses

On le sait depuis les années 1960 : le fond des océans, ce monde du silence où règne l’obscurité la plus complète, abrite quantité de minerais. Les profiteurs, on n’ose pas dire les requins, salivent déjà.

Guillaume Delacroix : De jeunes sociétés testent des engins pour collecter, par 6 000 mètres de fond, des nodules polymétalliques qui pourraient satisfaire les besoins mondiaux en batteries. The Metals Company (TMC) a envoyé à 4 400 mètres de profondeur un gros engin à chenilles aux allures de moissonneuse-batteuse, une dizaine de mètres de long et autant de large, qui a aspiré 3 000 tonnes de nodules et les a remontés à la surface, en les poussant dans une conduite à air comprimé, au rythme de 86 tonnes par heure. Cotée au Nasdaq depuis septembre 2021, la firme ne génère aucun chiffre d’affaires et, après avoir dépassé les 15 dollars (14 euros), son cours de Bourse surnage depuis un an autour de 0,8 dollar. Elle est poursuivie en justice par une action de groupe d’actionnaires qui lui reprochent d’avoir surestimé ses promesses d’activité.

Javier Escartin, spécialiste de l’exploitation marine profonde: « Ceux qui convoitent les gisements sous-marins ne mettent en avant que le nombre de voitures électriques dont l’humanité va avoir besoin, en prenant pour référence l’usage que fait de l’automobile le ménage américain moyen. On pourrait aussi envisager d’avoir moins de voitures. Et des voitures plus légères …  Fabriquer des Tesla de 3,5 tonnes pour transporter une personne de 70 kilos, ça n’a pas de sens ! »

Le point de vue des écologistes

YvonSurel : Donc après avoir dévasté la surface et le sous-sol, on va s’attaquer aux grands fonds ? Ils sont complètement fous.

Lacannerie : Les Canadiens, encore et toujours, à la pointe de la destruction de la planète. Après la déforestation massive de la forêt boréale, après l’exploitation forcenée des sables bitumineux, c’est au tour des grands fonds d’être la cible de ce pays à la voracité sans limite. Affligeant.

Humphrey ; Le fond des océans, ça ressemble aux problèmes des industries dans les milieux polaires. La moindre pollution ou perturbation mécanique est persistance à cause de la lenteur des métabolismes écologiques et du cycle particulier de l’eau.

Thufyr : Dans un monde qui se saborde en brûlant les forêts primaires (nous sommes impliqués via notre agro-industrie gourmande en soja et les concessions Avril au Brésil), en dénaturant les terres par épandages excessifs de produits, dits «phytosanitaires », en basant sa richesse sur une croissance toxique etc…on voudrait faire la fine bouche devant le pactole des nodules polymétalliques ? Pour préserver la biodiversité des grands fonds ? Et les conditions inhumaines d’extraction des métaux rares en Afrique, on s’en soucie ? L’assèchement des salars dans l’Atacama, on s’en préoccupe ? La pollution des navires de croisière, les voyages futiles, les achats inutiles, le gâchis institutionnalisé…ça choque qui ?

Michel SOURROUILLE : Les années 1990 sonnent comme le réveil brutal pour Nauru et ses 10 000 habitants, perdu dans l’étendue du Pacifique : 80 % de la surface de l’île a déjà été creusé.  C’est une illustration du caractère suicidaire d’une économie édifiée sur une activité minière effrénée. Nauru, riche de ses gisements de phosphate qui ont causé sa ruine et l’obésité de ses habitants favorise aujourd’hui l’extraction dans les abysses ! Cet exemple montre que les gens ne tirent aucune leçon de ce qui cause leur malteur même quand ils en ont l’expérience directe. Construire une civilisation de la fragilité : n’est-ce pas là ce que nous faisons en conditionnant notre développement à la logique extractiviste ?

Nauru, l’extractivisme à l’image de ce qui nous arrive (2016)

Madrilène : Pour rappel, lorsque le gouvernement de Michel Rocard avait dénoncé en 1988 la Convention de Wellington qui était destinée à ouvrir la voie à l’exploitation des ressources minières de l’Antarctique, certaines voix s’étaient élevées contre l’initiative portée par le Premier Ministre français de l’époque. Malgré tout, c’est la vision de Michel Rocard qui prévalut avec l’adoption du Protocole de Madrid de 1991 qui consacra la protection du dernier continent vierge.

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Synthèse, la fin de l’extractivisme ?

Démence extractive, c’est-à-dire «Explosons la planète» (2015)

Dernière goutte de l’extractivisme, exemple en Equateur (2013)

arrêt des extractions minières partout dans le monde (2012)

Greenpeace, une association anti-malthusienne

Lettre ouverte d’un contributeur régulier à l’association Greenpeace

Je ne renouvellerai pas mon soutien financier à Greenpeace. En effet je viens de découvrir que sur la question démographique, vous vous permettez de dire mensonges et contre-vérités dans votre rubrique FAQS. Vous prétendez que « c’est une idée fausse et dangereuse de dire que la surpopulation est l’une des principales causes de la crise climatique et qu’il serait nécessaire de contrôler la croissance démographique ».

Vous niez qu’il y ait surpopulation avec des arguments de type politique d’extrême gauche (l »effet de serre, c’est la faute des multinationales). Vous ajoutez une accusation de racisme quant à l’origine de l’idée de surpopulation. Or c’est Malthus (et non Paul Ehrlich) qui est dès 1798 à l’origine du constat de tendance à la surpopulation). Le mot « malthusien » est entré dans le dictionnaire. Un malthusien explique qu’il s’agit de maîtriser la fécondité quand il y a décalage entre le nombre d’humains et le milieu qui les fait vivre. Le but est de promouvoir l’épanouissement de toutes les catégories sociales, y compris les plus défavorisées. Y voir du racisme est une accusation sans fondement.

Vous répétez constamment l’expression « Contrôle de la population » alors que l’existence du planning familial, la liberté de contraception et l’interruption volontaire de grossesse ne reposent pas sur un diktat de l’État, mais sur le libre choix des personnes. Enfin vous osez prétendre que parler de surpopulation empêcherait d’agir pour d’autres causes. C’est absurde, on peut financer Greenpeace tout en étant par exemple membre actif de l’association Démographie Responsable. Voir dans ces deux engagements une contradiction apparaît même comme une atteinte à la liberté de participer à n’importe quelle association de son choix. Quant à l’idéologie véhiculée par Démographie Responsable, allez consulter le site de DR, et vous aurez des idées un peu plus justes sur ceux qui disent comme moi qu’il y a surpopulation et qu’il faut agir de façon humaniste.

Il est vrai, comme vous l’écrivez, que « les émissions par habitant de l’hémisphère sud sont bien moins élevées que celles du nord ». Mais il faut en déduire que la baisse de fécondité dans les pays sur-développés est une bonne nouvelle pour le climat. Quant à des pays surpeuplés et sous-développés, laisser croire qu’il ne faudrait pas instituer chez eux un planning familial efficace serait une faute stratégique qui irait à l’encontre de leurs propres intérêts.

En conclusion, la meilleure façon de lutter contre la crise écologique consiste à la fois à réduire le nombre de personnes sur Terre, à lutter contre les inégalités et à tendre à un niveau de vie moyen compatible avec les possibilités de la planète.

contenu de la rubrique FAQS de Greenpeace

Population : quel impact sur l’environnement ?

https://www.greenpeace.fr/population-quel-impact-sur-lenvironnement/

On entend parfois dire que la surpopulation est l’une des principales causes de la crise climatique et qu’il serait nécessaire de contrôler la croissance démographique. Cette idée est fausse et dangereuse, car elle rejette la faute de problèmes sociétaux sur le dos notamment de populations qui n’en sont aucunement à l’origine.

Population et environnement : un faux débat

Les théories sur la surpopulation se sont généralisées dans les années 60, avec à la clé des discours tels que : “la croissance démographique est hors de contrôle, notre planète ne peut plus y faire face, la surpopulation est la cause de l’épuisement des ressources et du chaos climatique, nous devons réduire la population mondiale pour combattre les crises environnementale et climatique”.

En réalité, quelques dizaines de multinationales sont directement responsables des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Ainsi, mettre en avant la pseudo nécessité de contrôler la population revient à montrer du doigt les individus alors que des changements systémiques sont nécessaires, et à nous détourner du vrai problème, à savoir le rôle des industries polluantes et la passivité voire la complicité des gouvernements face à la destruction de l’environnement, du climat et de la biodiversité,

Le “contrôle de la population mondiale”, une idée aux origines racistes

La bomb P, le livre de Paul Ehrlich qui a popularisé cette idée, est basé sur les expériences vécues par l’auteur dans une grande ville indienne et préconise des mesures d’incitation et de contrainte pour contrôler la population – en particulier celle des personnes non blanches. Encore aujourd’hui, lorsque les gens parlent de surpopulation, ils ont souvent en tête la Chine, l’Afrique ou l’Inde. Aux Etats-Unis, par exemple, cette idée s’est traduite par la stérilisation forcée de femmes racisées. Elle a également été utilisée pour justifier des crimes racistes commis par des suprémacistes blancs, comme la fusillade d’El Paso. Comme toute narrative raciste, celle du contrôle de la population a de graves conséquences.

En réalité, les émissions par habitant de l’hémisphère sud sont bien moins élevées que celles du nord, et réduire la population ne résoudrait donc en rien la crise climatique. D’après une étude publiée par Oxfam en 2015, “une personne parmi les 10% les plus riches en Inde n’émet en moyenne qu’un quart du CO2 émis par une personne de la moitié la plus pauvre de la population des États-Unis”. En résumé, la plupart des arguments en faveur du contrôle de la population montrent du doigt les pays en développement dont les émissions per capita demeurent relativement peu élevées, et pas les pays industrialisés qui émettent davantage de gaz à effet de serre.

La meilleure façon de lutter contre la crise climatique n’est donc pas de réduire le nombre de personnes sur Terre, mais de revoir globalement nos modes de production et de consommation, de mettre la pression sur les entreprises et les politiques qui en sont à l’origine, et de lutter pour une distribution des richesses durable, juste et équitable.

Artificialisation des sols, à combattre

Personne ne s’interroge sur le bien-fondé d’une infrastructure dédiée largement aux déplacements individualisés sur quatre roues. En France, on compte au moins 12 400 kilomètres d’autoroutes , 17 500 km de routes nationales, 433 000 km de départementales. Par contre les chemins ruraux, qui occupaient environ 600 000 km en 2004 ,ont diminué de 200 000 km, place à la circulation à grande vitesse ! L’importance démesurée des réseaux de voirie entraîne une dégradation effroyable des écosystèmes par l’artificialisation des territoires et leur fragmentation. Pour l’équilibre de la Biosphère, jamais une société respectueuse de l’environnement n’aurait du dépasser le niveau des chemins vicinaux qui ne font qu’entretenir les rapports de voisinage et les circuits courts.

Lire, Des routes, encore des routes, beaucoup trop de routes

Carla Pont : Chaque année en France, 20 000 à 30 000 hectares de terres sont artificialisés. Cette artificialisation augmente presque 4 fois plus vite que la population. C’est pourquoi nous militons pour un changement de paradigme : passer du sol foncier aux « sols vivants », avec des droits et des devoirs qui consacrent leur statut de bien commun. Mais les modèles d’aménagement considèrent le sol uniquement comme une rente foncière : les terres vierges sont extrêmement rémunératrices pour leur propriétaire lorsqu’il est possible de construire dessus. Le foncier est également une source de revenus importante pour les collectivités. S’ajoutent à cela des injonctions pour les élus, pris dans un imaginaire du territoire attractif, qui doit attirer par la construction de logements et de zones d’activités économiques. En planifiant la répartition des activités sur les territoires en fonction de la qualité des sols, et en intégrant dans les bilans économiques des projets les coûts de leur altération, nous sortirions des logiques de rente foncière pour remettre la nature au centre.

Nicolas Hulot : Une triple rupture doit s’accomplir, avec la course aux infrastructures de toutes sortes, avec la tendance à un étalement urbain continu, avec une agriculture de plus en plus industrialisée. Il faut décréter un moratoire sur les projets d’infrastructures et d’équipements, y compris dans les DOM-TOM. Convenir par exemple que la desserte autoroutière et routière est désormais suffisante en France, la France qui détient déjà l’un des réseaux parmi les plus denses du monde… Les élus doivent comprendre que leur rôle n’est plus de lancer des projets de « développement » à base d’équipements lourds, mais de mettre en place une gestion du territoire compatible avec la nécessaire sobriété énergétique et la conservation des services rendus par les écosystèmes. Un inventaire du patrimoine naturel doit être fait pour servir de référence incontestée lors des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des schémas de cohérence territoriale (SCOT). Il faut aussi rompre avec la logique de périurbanisation. Combien pèsent les enjeux écologiques face aux projets d’intérêt général (PIG), qui répondent aux demandes de rocades, de voies ferrées à grande vitesse, de surfaces dédiées au commerce… La limitation drastique de l’expansion périphérique des villes devrait, désormais, figurer comme la priorité des priorités. »1

Le point de vue des écologistes

Plus le niveau d’interdépendance des infrastructures est élevé, plus de petites perturbations peuvent avoir des conséquences importantes sur l’ensemble d’un pays. Dans notre société, très peu de gens savent aujourd’hui survivre sans routes, sans supermarché, sans carte de crédit et sans station-service. Lorsqu’une société devient hors-sol, c’est-à-dire lorsqu’une majorité de ses habitants n’a plus de contact direct avec le système-Terre, la population devient entièrement dépendante de la structure artificielle qui la maintient dans cet état. Si cette structure s’écroule, c’est la survie de la population qui pourrait ne plus être assurée.

Lire, 2027, un ministre de la Relocalisation

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Pour défendre les intérêt de la biosphère

Ce blog a été créé en 2005 à l’initiative d’une association loi 1901 « Biosphere » déclarée en préfecture en septembre 2004. Son objet statutaire est de défendre les intérêt de la biosphère. A cette époque, on avait déjà le diagnostic, mais pas la solution. En février 2005, selon l’Union mondiale pour la nature, « 12 à 52 % des espèces actuelles seraient menacées. On peut déjà penser à une sixième extinction (la précédente a vu la disparition des dinosaures il y a 85 millions d’années) et cette fois l’activité humaine en est presque le seul et unique responsable ». Mais aucune institution, à part notre minuscule et insignifiante association, ne prenait le problème à cœur, devenir la nature qui se défend par notre intermédiaire.

Les choses changent. La compagnie britannique de produits de beauté Faith in Nature a récemment nommé un administrateur pour représenter la Nature à son conseil d’administration. L’entreprise ferait de son mieux pour « avoir un impact positif sur la nature dans son ensemble ». Alexandra Pimor, proxy pour la voix de la Nature : « C’est un véritable privilège d’être une des premières personnes humaines à représenter la voix de la Nature au sein d’une entreprise. » 

Simeon Rose, directeur de création de la société : « Tout ce que nous faisons a un impact sur le monde naturel, mais la seule voix qui n’a jamais été entendue dans les conseils d’administration est celle de la nature elle-même. Donner à la nature un droit de vote et une voix au sein d’une structure d’entreprise, c’est reconnaître les droits de la nature et faire un grand pas vers le rééquilibrage des relations entre les entreprises et le monde naturel. Mais cela ne devient vraiment puissant que lorsque de très nombreuses entreprises font comme nous. »

Le point de vue des écologistes

La politique, l’art de savoir vivre en communauté, repose sur des « éléments de langage » que les membres de la classe dirigeante propagent dans la presse, croissance économique, libre échange, innovation technologique, progrès social… On ne s’intéresse pas aux « acteurs absents », une expression que nous essayons de populariser sur ce blog depuis 2005.

Acteur absent, élément-clé d’une démocratie écologique

Acteur absent (ou tiers absent), acteur qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. Exemple : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR, 2004).

En 2007, nos écrivions sur ce blog : « Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote à 18 ans si on pouvait inclure dans la participation électorale les générations futures. De plus il y a des entités qui ne sont jamais invitées lors des palabres humaines, les êtres vivants non humains, le milieu naturel. Ce n’est pas une procédure véritablement démocratique que de décider sans eux, les acteurs absents, les tiers-absents, de ce qui les intéresse au premier chef. Une telle délibération, sans élargir sa pensée dans l’espace et dans le temps ne peut qu’entraîner de mauvaises décisions. »

Nous avons même réussi à faire publier par LE MONDE cette notion le 1er octobre 2021 :

Penser l’avenir au nom des acteurs absents

Conclusion : Nous avons tous un système de pensée qui nous incite à devenir personnellement le représentant de causes les plus diverses, notre propre intérêt, les intérêts de « notre » entreprise, les intérêts des Français, les intérêts des peuples indigènes, les intérêts des grands singes, les intérêts de la Terre-Mère. Un avocat représente un client, absent ou non. Un député vote au nom d’un pays, entité abstraite. Des chefs d’État réunis pour traiter du réchauffement climatique ou de l’extinction des espèces ont pour rôle de penser à la place des générations futures et des non-humains. Il nous reste à nous exprimer le plus souvent possible  au nom des acteurs absents.

Ce n’est pas parce que ce blog n’attire qu’une audience marginale qu’il ne s’occupe pas de présenter des éléments de langage pour le XXIe siècle… qui sera écologique et /ou la proie de conflits trop humains, inhumains.

Manger ou ne pas manger des animaux, débat

Dans un monde où le débat public est souvent hystérique, voire irrationnel, l’échange philosophique * ci-dessous sur la cause animale est à la fois réconfortant, on reste dans le respect mutuel, et déroutant : ne peut-on atteindre un consensus entre individus de bonne foi ?

Lire, Avoir raison par la recherche du consensus

Corine Pelluchon est une philosophe spécialisée dans l’éthique appliquée à la médecine, à l’environnement et aux animaux.

Jocelyne Porcher est une ancienne éleveuse devenue sociologue et directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Corine Pelluchon se dit « végan et abolitionniste »., elle est opposée, par principe, à l’élevage et à l’abattage des bêtes, 

Jocelyne Porcher défend avec conviction les fermes familiales qui travaillent de manière « pacifique et respectueuse » avec les animaux – même s’ils sont promis à la mort.

Pour Corine Pelluchon, la mise à mort d’un animal jeune et en bonne santé est une transgression majeure dès lors que nous pouvons répondre à nos besoins nutritionnels autrement. « Ce droit est illégitime quand cette mise à mort n’a rien d’absolument nécessaire, écrit-elle. Il n’est pas fondé sur la nature des choses, sur le fait que les animaux auraient été créés pour nous servir d’aliment ou de ressource, mais sur une convention et une habitude, sur une coutume. » Une tradition, ajoute-t-elle, qui est le fruit – malheureux – de la séparation radicale entre nature et culture qui gouverne, en Occident, nos relations avec le vivant.

Jocelyne Porcher, qui est à une défenseuse déterminée des droits des animaux, fait valoir une tout autre approche. L’élevage, écrit-elle, est la « matrice historique » de nos liens millénaires avec les animaux domestiques : il nous faut donc accepter le cycle de la vie et de la mort sur lequel il repose – à condition, bien sûr, que les bêtes soient élevées dans le plus grand des respects. « Je ne pense pas que renoncer à notre vie commune avec les animaux soit un horizon désirable »

Corine Pelluchon, proche de l’association L214, estime que le combat de cette minorité d’activistes qui s’oppose aux normes communes fait utilement « bouger les lignes ».

Jocelyne Porcher répond qu’en refusant de consommer des produits d’origine animale, le véganisme nie la matérialité de l’existence, l’interdépendance des corps vivants et la circulation de la vie – et prépare l’avènement d’une agriculture cellulaire fondé sur les biotechnologies et les artefacts.

Lire, Les végans, soutien de l’agroalimentaire

Le point de vue des écologistes

L’écologie politique s’appuie sur l’écologie scientifique. Corine Pelluchon confond relativité culturelle et nécessités biologiques. Les humains sont des hétérotrophes qui doivent nécessairement se nourrir d’autres êtres vivants. Leur métabolisme est incapable de synthétiser les sucres comme le font les plantes par photosynthèse. Il n’a pas non plus la possibilité, comme les ruminants, de synthétiser certains acides aminés à partir des sucres fournis par les végétaux. Il a donc besoin de tuer pour se nourrir. Même quand nous mangeons un légume, nous mangeons quelqu’un de notre famille (éloignée, il est vrai). Et notre appareil auditif n’est pas fait pour écouter le cri de la carotte. Il est scientifiquement possible de déterminer les aliments bons ou néfastes pour notre santé, mais il est impossible de décréter ce qu’il est légitime ou illégitime de consommer, sauf à entrer dans des considérations religieuses et ses différents tabous.

Précisons que la production primaire nette (PPM) est la quantité d’énergie mise à la disparition des autres espèces vivantes, les hétérotrophes, par les producteurs primaires, c’est-à-dire les plantes. L’humanité utilise environ 40 % de la PPN présente dans les écosystèmes terrestres. Plus l’appropriation humaine de PPM est élevée, moins la biodiversité naturelle dispose de biomasse, ce qui réduit l’espace laissé aux autres espèces. Cela veut dire deux choses. D’abord que nous mangeons trop de viande car il faut plusieurs calories végétales pour se transformer en une seule calorie animale. Ensuite, au delà de notre régime alimentaire, il faut que l’humanité maîtrise sa fécondité car nous sommes trop nombreux par rapport aux ressources terrestres et à la survie des non-humains.

La question de fond « Quelle population mondiale serait-il possible d’alimenter » n’est donc pas pertinente, il faudrait élargir la problématique: « Combien d’êtres humains peuvent être alimentés de façon soutenable et à un niveau de vie souhaitable tout en garantissant une forte proportion de la PPM à disposition des espèces sauvages ? »

L’amour des bêtes ne doit pas être limité à nos animaux d’élevage et à nos animaux de compagnie, n’en déplaise à tous ceux et celles qui consirent la cause animale dans une conception très retreinte.

Lire, Présidentielle 2022, place au Parti animaliste

* « Pour l’amour des bêtes », de Corine Pelluchon et Jocelyne Porcher (Mialet-Barrault, 160 pages, 12 euros)

L’idéologie du développement, anti-écolo

Baptiste Lanaspeze fait paraître chez Wildproject, sa maison d’édition, la traduction de Plurivers. Un dictionnaire du post-développement (550 pages, 25 euros). Une critique radicale du développementisme.

Lire, Combattre la religion de la croissance, Sisyphe en acte

Baptiste Lanaspeze : Le terme « développement » paraît inoffensif, mais il repose en fait sur la reconduction industrielle de la relation coloniale. Adossé au diagnostic du désastre écologique, on ne peut plus se référer à l’idéologie du développement comme un point de repère stable et sérieux. La modernité met en œuvre la destruction simultanée de la nature et des cultures vernaculaires. Par contre les pensées écologiques, Henry David Thoreau [1817-1862] ou Arne Næss [1912-2009], détruisent le cosmos de l’homme blanc moderne, en réhabilitant pleinement l’idée de nature. Le livre Plurivers critique des solutions qui laissent croire que la technique pourrait résoudre les problèmes écologiques et que l’on pourrait concilier développement et durabilité. Pour les auteurs de Plurivers, le système du développement ne peut pas être écologique. Il faut en sortir.,La notion de plurivers – et de pluriversel – est clairement une réponse à l’universel et à l’idée de monde unique. Il s’agit de penser la variété interne de notre monde commun. L’humanité s’est, de tout temps, exprimée à travers une très grande variété de traditions, de cultures, de langues. Avoir peur du pluriversel, c’est-à-dire d’une organisation mosaïque de l’humanité, c’est avoir peur in fine de l’humanité.

Le point de vue des écologistes

Baptiste Lanaspeze en 2007 : Le fait d’accorder une valeur en soi au monde naturel ou, en d’autres termes, de quitter l’ancien point de vue anthropocentrique pour adopter un point de vue « écocentrique », c’est ce qui caractérise pour le philosophe norvégien Arne Naess le passage à l’écologie profonde. Que l’on n’ait cessé de dénoncer une « rupture avec l’humanisme » là où il s’agit d’approfondissement des valeurs, voilà qui peut sembler étrange. Car ce dont il s’agit précisément pour Naess, c’est de réformer l’éthique et la métaphysique, pour permettre à l’homme de vivre une vie meilleure au sein de ce qui l’entoure (…) Assumer ce label de deep ecology, c’est rappeler à l’humanisme étroit qu’il a raison de ne pas aimer la deep ecology, car la deep ecology ne l’aime pas non plus. (L’écologie profonde n’est pas un « totalitarisme vert »)

Lire, l’invention de l’écologie profonde avec Arne Naess

Gilbert Rist : « Le « développement » est un leurre agité par les puissances occidentales pour mondialiser leur propre système.Cela commence avec l’article 22 du pacte de la Société des nations (1919) : « Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le développement de ces peuples forment une mission sacrée de la civilisation. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle des ces peuples aux nations développées. »

Ce texte utilise pour la première fois dans la littérature internationale la notion de « degré de développement » pour justifier un classement des nations, tout en affirmant qu’il existe, au sommet de l’échelle, des nations « développées ». La colonisation acquiert ses lettres de noblesse ! Cela se poursuit en 1949 avec le point IV du discours d’investiture de Truman. Pour la première fois l’adjectif « sous-développé » apparaît dans un texte destiné à une pareille diffusion. Cette innovation terminologique introduit un rapport inédit entre « développement » et « sous-développement ». A l’ancienne relation hiérarchique des colonies soumises à leur métropole se substitue un monde dans lequel tous les États sont  égaux en droit même s’ils ne le sont pas encore en fait. Dans ces conditions, une accélération de la croissance apparaît comme la seule manière logique de combler l’écart.

Non seulement on évacue les effets de la colonisation, du démantèlement de l’artisanat, de la  déstructuration des sociétés, etc., mais encore on fait comme si l’existence des pays industriels ne transformait pas radicalement le contexte dans lequel évoluent les candidats à l’industrialisation. Ainsi, à partir de 1949, plus de deux milliards d’habitants de la planète ne seront plus Aymaras, Bambaras, Berbères, Mongols ou Quechuas, mais simplement « sous-développés ». L’esprit est conditionné au sous-développement lorsqu’on parvient à faire admettre aux masses que leurs besoins se définissent comme un appel aux solutions occidentales, ces solutions qui ne leur sont pas accessibles. Car en cessant d’être un processus endogène et autocentré d’évolution spécifique à chaque société, le développement ne pouvait plus être une dimension de l’histoire humaine, seulement une imposture. »

L’humanité, un psychopathe destructeur

L’humanité est devenue l’espèce la plus dangereuse de la planète, comme l’exprime le dernier livre de Sébastien Bohler. Elle se comporte comme un psychopathe face à la nature, c’est le titre d’un article d’Élisabeth Berthou.

« Dans moins de trente ans, la Terre sera en partie invivable et dans quatre-vingt… Game over », profère Sébastien Bohler, au début de Human Psycho. Pour expliquer ce dysfonctionnement, le neuroscientifique compare l’humanité à un « être global » dépourvu de cortex orbitofrontal, qui appréhende le monde comme un mécanisme… Homo sapiens a instrumentalisé les espèces animales et les ressources naturelles  à la façon d’un prédateur. Ce « superorganisme » revêt une personnalité de psychopathe : sentiment de supériorité, tendance à la manipulation et à l’exploitation d’autrui, absence d’empathie et incapacité à prendre en compte l’avenir pour fixer des limites à ses actes. Il exerce une violence croissante vis-à-vis de sa victime, la nature. »

Il est vrai que notre fonctionnement social actuel préfère la post-vérité et les fake news à l’analyse de la réalité.

« Nous sommes entrés dans une période où l’opinion personnelle, l’idéologie, l’émotion l’emportent sur la réalité des faits. Des chercheurs ont décrypté des millions de livres en anglais et en espagnol couvrant la période de 1850 à 2019. En partant des cinq mille mots les plus utilisés dans chacune des deux langues, leur approche a été celle de l’analyse en composantes principales (ACP), qui permet statistiquement de tirer des tendances.la fréquence d’utilisation de mots associés. Après 1850 la rationalité,avec des mots tels que « déterminer », « conclusion », « analyse », etc., a systématiquement augmenté tandis que celle de mots à connotation sentimentale ou liés à l’expérience humaine, tels « ressentir », « croire », « imaginer », etc., baissait. Quel est l’état d’esprit de notre société ? Nous ne sommes plus entraînés à prendre le temps de réfléchir en profondeur. Et parallèlement, nous sommes sociétalement plus libérés et même encouragés à exprimer nos ressentis. »

Pour beaucoup trop de personnes, un mensonge simple est bien plus attirant qu’une vérité exigeante. L’exemple typique de ce dérèglement de l’esprit de clarté se retrouve dans la posture d’un président de la république, Donald Trump, adepte des faits alternatifs pour mieux cacher sa propre turpitude. C’est ce que vient de démontrer une commission d’enquête suite à lAssaut du Capitole : une plongée sidérante dans les mensonges de Donald Trump.

« De la défaite de Donald Trump face à Joe Biden lors de la présidentielle du 3 novembre 2020 jusqu’à l’attaque initiée par les partisans du président sortant, une campagne de mensonges sur des fraudes imaginaires a été lancée. L’avocat Rudy Giuliani en a été la force motrice, encourageant le président à suivre son instinct, à proclamer sa victoire et à lancer la croisade contre les fraudes. Au total, 62 plaintes en justice ont été déposées par l’équipe présidentielle. Dans aucun des cas un tribunal n’a établi que les accusations de fraude étaient fondées.  L’échec des recours en justice, en novembre 2020, n’a nullement arrêté l’entreprise d’intoxication de l’opinion publique conservatrice. Au contraire. La commission insiste sur l’intérêt pécuniaire des mensonges promus par l’équipe Trump, qui envoyait jusqu’à 25 courriels par jour à ses sympathisants. Au total, 250 millions de dollars ont été levés, dont 100 millions de dollars au cours de la première semaine après l’élection présidentielle, supposément pour financer les plaintes et les investigations sur les fraudes. Le parti républicain s’est détruit sur l’autel de Trump.

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Le point de vue des écologistes : Une humanité qui est devenue le cancer de la Terre (cf. notre article de 2007), le parasite suprême, un super-prédateur et donc un psychopathe destructeur ne peut qu’accompagner ses dysfonctionnements par des éléments de langage qui justifient les comportements individuels et collectifs. Le déni de la réalité a été la première position des négationnistes du climat, la post-vérité devient aujourd’hui l’alibi mensonger qui clôt la discussion. Les psychologues ont certes parlé d’interaction spéculaire ou de dissonance cognitive, n’empêche que le problème reste entier : comment réagir face à des médias qui nous font prendre l’état délirant des choses comme une situation habituelle qu’on peut regarder calmement dans son fauteuil, devant la télé ? Des jeunes, des moins jeunes et des associations essayent de faire ce qu’il peuvent dans un monde en folie. Plus nous serons nombreux pour agir, moins l’effondrement de la société thermo-industrielle sera violent. Mais restons lucide. Tant que notre nombre démesuré et notre croissance économique, disproportionnés par rapport aux possibilités limitées de la planète, restera tel qu’il est, l’action individuelle et collective restera de peu d’effets.

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