Nous avons reçu l’analyse ci-dessous de la La Radio-télévision belge de la Communauté française (rtbf). Nous sommes en désaccord total avec cette accusation de racisme qui tend à dévaloriser tous ceux qui montrent qu’une autolimitation de la natalité est absolument nécessaire, y compris en Afrique. Ce blog biosphere, l’association Démographie Responsable et toutes les personnes qui pensent que la surpopulation pose problème n’ont aucun lien de parenté avec Eric Zemmour.
« Le problème du climat, c’est la démographie et l’explosion de la natalité » :
pourquoi cet argument (raciste) est faux ?
Jean-François Viot : Une réflexion souvent partagée à propos du réchauffement climatique indique que nous, les êtres humains, serions tout simplement trop nombreux sur la Terre. Le problème essentiel serait la démographie et il faudrait moins réduire nos émissions de gaz à effet de serre que le nombre d’habitants sur notre planète. Dans ce tweet de juin 2021, le polémiste Eric Zemmour, candidat d’extrême-droite à la présidentielle française de 2022, recycle ce cliché. Il affirme que le problème du climat, c’est la démographie.
Le problème du climat, c’est la démographie et l’explosion de la natalité en Afrique et en Asie. Il faut arrêter de parler des conséquences et pas de la cause.
#Facealinfo pic.twitter.com/17X1ysXF0P
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) June 24, 2021
Et, jamais bien loin de la racialisation de son discours, il dénonce ce qu’il croit être l’origine du problème : l’explosion de la natalité en Afrique et en Asie.
Une part de vérité, oui mais…
Comme tous les arguments climatosceptiques, cette déclaration contient une part de vérité. Car il n’échappe à personne que l’humanité a grandi de manière très rapide au cours des cent dernières années. De 2 milliards d’individus en 1930, nous sommes passés à 4 milliards en 1970. Nous sommes aujourd’hui plus de 8 milliards sur Terre et il n’a fallu que 12 ans pour ajouter le dernier milliard. Plus de monde sur la planète, c’est plus de besoins, plus d’achats de produits, donc plus d’énergie consommée, donc plus de CO2 émis dans l’atmosphère, parce que l’énergie est une des matières premières de notre vie : nous ne pouvons rien faire sans elle.
Une démographie en hausse implique donc aussi un renforcement du réchauffement climatique.
Une question de mode de consommation
Toutefois, le réchauffement climatique n’est pas dû principalement à la croissance de la population mondiale mais à l’évolution de nos modes de consommation. Entre 1900 à 2000, la population mondiale, a augmenté d’un facteur 4. Mais les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont, elles, augmenté d’un facteur 15. Nous voyons donc très clairement que l’augmentation de la population n’est pas le SEUL critère qui explique l’augmentation de nos émissions de dioxyde de carbone.
Et pour une raison simple : nos émissions de CO2 ne dépendent pas que de notre nombre mais aussi de nos revenus, de notre patrimoine notamment immobilier, de nos régimes alimentaires, en somme de tout ce qu’on appelle notre mode de vie.
Dans le graphe suivant, nous avons juxtaposé la production de CO2 par habitant pour différentes nationalités à travers le monde. Chaque Camerounais émet chaque année environ 0,04 tonne de CO2 par habitant. C’est cinq fois moins qu’un Indien (environ 2t), deux cent fois moins qu’un Belge (environ 8t), trois cent cinquante fois moins qu’un Américain (environ 15t) et 800 fois moins qu’un Qatari (environ 37t). Ces chiffres émanent de la Banque Mondiale. Le Français Eric Zemmour (7 t de CO2 par an, à considérer qu’il se comporte comme le Français moyen) participe donc environ 2 fois plus au réchauffement climatique qu’un Asiatique et 10 fois plus qu’un Africain, même si ceux-ci sont plus nombreux.
Et nous ne devons pas perdre une autre chose de vue : si des pays comme la Chine sont objectivement de gros émetteurs absolus de CO2, c’est aussi parce qu’une partie très conséquente des produits manufacturés que nous consommons est produite en Chine. Nous avons simplement déplacé une pollution qui aurait eu lieu chez nous si nous y avions conservé nos industries manufacturières.
Se dédouaner pour mieux responsabiliser l’autre
L’argumentation qui consiste à prétendre que la responsabilité du réchauffement revient à la démographie galopante racialise la pollution atmosphérique. Cette technique rhétorique vise à dégager sur d’autres (ici des pays étrangers) la responsabilité du réchauffement. Il s’agit d’un argument très pratique parce qu’il permet au politicien qui s’en sert de ne pas devoir présenter à sa propre population des décisions politiques nécessairement culpabilisantes. En effet, réduire nos émissions de gaz à effet de serre, c’est réduire notre consommation d’énergie, donc notre confort (moins de biens de consommation, une alimentation différente, moins de déplacements…).
Ce type d’argumentation est donc chère aux partis d’extrême-droite nationalistes qui veulent se dédouaner de devoir imposer des mesures à leur propre électorat et rejettent la responsabilité sur l’étranger.
Dans une remarquable animation, la NASA a représenté les émissions de CO2 au cours de l’année 2021 sous la forme d’une fumée visible. On le constate, ce sont bien l’Europe et le Moyen-Orient qui émettent le plus de CO2 de notre côté du globe. Nullement l’Afrique.
Quelques indications sur notre blog biosphere
qui montrent la complexité de la relation pauvreté / climat
Démographie et climat, un entretien avec Yves Cochet (2015)
extraits
question : Si tu devais indiquer en une phrase ton sentiment sur la question démographique, que dirais-tu ?
YC : L’évolution à la baisse de la population est un des moteurs de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il n’est pas tenable que les Américains produisent en moyenne 16 tonnes de CO2 par an, les Chinois et les Européens 8 tonnes alors que les Africains sont à moins d’une tonne. Pour instaurer la justice sociale, il faut non seulement harmoniser le montant des émissions mais aussi diminuer le poids démographique car la population est un multiplicateur incontournable du niveau des émissions.
rôle de la démographie dans le réchauffement climatique (2015)
extraits : D’après le canadien William Rees, coauteur du concept d’empreinte écologique, non seulement l’immigration nuit à l’environnement du pays d’arrivée, mais l’argent que les immigrants envoient à leur famille restée au pays entraîne aussi une hausse de la consommation qui « aggrave la pollution et l’épuisement net des ressources », en plus de « court-circuiter toute rétroaction négative qui aurait pu mener autrement à l’instauration de politiques nationales visant à modérer la croissance démographique et la détérioration écologique »…
Lien de plus en plus étroit entre démographie et climat
extraits : La démographie reste un facteur très important dans l’évolution de la crise climatique. Car s’ils n’avaient de si grandes populations qu’ils veulent légitimement sortir de la pauvreté, les gouvernements chinois et indien ne construiraient pas autant de centrales à charbon chaque année… Il existe une autre raison pour laquelle l’histoire de l’évolution humaine et le nombre total d’êtres humains aujourd’hui sont importants alors que la planète se réchauffe. Une des stratégies de la survie des espèces menacées par le réchauffement climatique consistera à migrer vers des zones plus propices à leur existence. Mais nous sommes maintenant si nombreux, occupant tant d’espace sur la planète que nous nous trouvons sur leur chemin…