Roman, qui ne mérite pas lecture

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Roman, qui ne mérite pas l’arbre qu’on a coupé pour lui

Je suis un grand lecteur, et j’ai donc (indirectement) coupé beaucoup d’arbres transformés en pâte à papier. Au début, je ne savais pas comment diriger ma lecture. Je lisais tout ce qui passait à ma portée, n’importe quoi pourvu qu’il y ait des pages. Ce sont mes premières années de militantisme qui m’ont ouvert les yeux sur ce qu’il fallait vraiment lire. Je sélectionnais des livres, rien que des écrits sérieux, parlant de militantisme et d’économie politique, de sociologie et de philosophie, rien que du pousse-à-penser. Le CSOC (comité de soutien aux objecteurs de conscience) auquel j’appartenais au début des années 1970 a occupé un vieux local que nous avons retapé. J’ai donné toute ma bibliothèque à notre groupe. Il s’agissait de démarrer une mise en commun de nos livres. Il suffisait à chacun de donner un livre à la bibliothèque pour entrer dans le monde de l’écrit qui fait prendre conscience… Mais patatras ! Un jour Alice, la jeune militante compagne de José Bové, a demandé l’introduction de romans dans notre répertoire existentiel. Gros débat entre nous ! Ainsi va la vie, nous ne pouvons pas rester sérieux bien longtemps, à moins d’être jugé pisse-froid et exclu des assemblées humaines. Aujourd’hui je suis toujours effaré par le nombre de titres qui encombrent nos librairies. Que choisir parmi tant de livres ? Nous ne savons plus choisir… et les romans sont préférés. Pourtant ils étouffent la pensée réflexive.

Les concepteurs du  Monde des livres sont de la partie, alignant semaine après semaine les recensions d’inutiles lectures. Ils font même de l’auto-congratulation :

« Quelles que soient les directions successives, les équipes, les inclinations d’époque, le roman a joui d’une sorte de préséance dans notre supplément hebdomadaire. On y évide une évidence, à savoir que le roman joue un rôle capital dans la conscience que nous avons du monde (25 mai 2007). »

Mais quelle conscience ? Le roman, support du rêve, instrument d’une fausse liberté ! Le « partage d’humanité » permet au lecteur de se replier dans une petite bulle confortable où il ne prête nulle attention aux malheurs de la Biosphère. Ce n’est pas ainsi qu’on fait une conscience ! Le prix Nobel de littérature récompensait normalement une « inspiration idéaliste » ; maintenant les romans ne sont plus fait pour apprendre et se souvenir, mais pour passer le temps et oublier d’agir.

Si un auteur a recours au langage du roman, ce n’est nullement dans l’intention de transformer le monde ; le roman naît le plus souvent des (in)satisfactions très personnelles de l’écrivain. Du côté du lecteur, la multiplicité de ses lectures romancées va l’empêcher d’ouvrir véritablement les yeux au monde réel. Si vous aviez le temps de lire tous les romans parus dans l’année, vous êtes presque sûr de finir aussi ignorants des réalités que lorsque vous avez commencé. Sauf trop rares exceptions, c’est un point de vue centré sur le nombril des humains qui s’exprime dans les romans. Apprendre à ressentir la vérité des choses n’est pas spécifiquement rattaché à l’écrit ; les civilisations orales étaient bien plus durables car elle se contentaient de la stabilité de leurs mythes et non de la fugacité d’un roman.Toutes les inventions d’un scribouillard ne remplacera jamais la contemplation d’un coucher de soleil en famille. Choisissons nos lectures pour conserver les forêts, agissons dans la réalité plutôt que dans l’imaginaire. Les peuples qui vivent de la terre ne lisent pas de romans ni même de journaux. J’en arrive presque à me dire que ce livre que tu as dans la main, mon livre, est déjà de trop…

Je ne pense pas qu’il se trouverait au monde un homme pour noircir une seule feuille de papier si nous avions le courage de vivre vraiment ce en quoi nous avons foi. Si c’est un monde de beauté et de vérité, à quoi bon dresser des milliers et des milliers de mots entre la réalité de ce monde et nous-même ?

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix

Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même

IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience

Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels

Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé

Mariage pour tous, l’oubli du sens des limites

Militantisme, une construction de soi qui ne va pas de soi

Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide

Musée, pas besoin du passé pour être un vrai artiste

Objecteur de conscience j’ai été, je suis, je serai

Pêche, une activité artisanale devenue un massacre de masse

Peine de mort, abolie un jour, tentation toujours

Philosophie, les valeurs de l’écologie profonde

Portable, suis-le le seul à ne pas en avoir ?

Publicité, une agression qui touche à l’acharnement

Recherche sans développement, refondation de la science

Religions, un frein à notre réflexion

Repas, manger comme acte profondément politique

18 réflexions sur “Roman, qui ne mérite pas lecture”

  1. Près de 500 nouveaux romans d’ici à la mi-octobre 2022, aucun appel à a réflexion : la question des genres est récurrente et la famille se fait omniprésente. Ah si, l’angoisse écologique qu’inspire l’avenir prend forme dans d’inquiétantes dystopies.
    Mais ça, on ne l’achètera pas pour faire un cadeau, on préfère lire pour oublier l’écoanxiété.

    1. Je suis d’accord, nos bibliothèques croulent sous le poids des bouquins. Et bien sûr il nous faut en rajouter, toujours plus. 500 nouveaux romans, et je ne sais combien d’essais, de biographies et j’en passe. Et l’an prochain ce sera pareil.
      Et pour nous apporter quoi de neuf, quoi de vraiment nouveau ? Je ne dis pas pour autant que dans tout ça il n’y a rien qui vaille. Mais trop c’est trop !

    2. Faut juste comprendre que c’est là le gagne-pain des scribouillards (comme vous dites), des éditeurs, des publicitaires etc.
      L’angoisse écologique n’échappe à la Règle : Business as usual, tout connement ! Que ce soit sous forme de dystopies, de manuels de collapsologie, de survivalisme, de remèdes pour soigner son anxiété et son mal de vivre… l’angoisse écologique est un sujet bien juteux.
      Avant je passais des heures dans les bibliothèques, comme dans les magasins de sport et de bricolage, juste pour voir… et je ressortais toujours avec quelque chose. Aujourd’hui c’est fini. Des bouquins, j’en n’achète quasiment plus. Juste de temps en temps, par hasard dans un vide grenier. Je me dis que j’ai suffisamment de quoi lire jusqu’à la fin de mes jours.

  2. Moi j’aime beaucoup « les travailleurs de la mer  » de Victor Hugo et aussi, les livres de Maupassant quand il décrit si bien la campagne normande et l’âme de ses habitants.

  3. Esprit critique

    Au delà de toutes ces bêtises, il faut dire que Michel Sourrouille va très loin. Je ne sais pas quels sont les livres qui l’ont inspiré, mais sa conclusion mérite réflexion. Si on sait comment est née l’écriture (le besoin de gérer les stocks de blé), on se demande bien ce qui a poussé nos ancêtres à peindre sur les parois des grottes.

  4. – « J’en arrive presque à me dire que ce livre que tu as dans la main, mon livre, est déjà de trop…»

    Allez, comme tu es bien parti, sur la Bonne Voie, encore un petit effort et tu finiras bien par en être con vaincu. Et sans rancune, c’est promis, hein mon cher Michel ! 🙂 🙂 😉

  5. Parti d'en rire

    – « Roman, qui ne mérite pas l’arbre qu’on a coupé pour lui »

    Je l’aime beaucoup celle là, oh qu’elle est bonne ! Comme s’il n’y avait que les romans qui ne méritaient pas les arbres qu’on a coupé pour eux. De la part d’un scribouillard qui écrit des bouquins, déjà je trouve ça particulièrement osé. Et puis et surtout, pourquoi un roman vaudrait-il moins qu’un essai ? Ou qu’une nouvelle, un journal, une encyclopédie etc. etc. Sachez qu’il y a roman ET roman. Comme il y a essai ET essai, etc. etc.
    Si je devais faire la liste des romans que j’estime qu’il faut avoir lu … alors bien sûr je dépasserais les misérables 1000 caractères auxquels j’ai droit. J’en remplirais donc des pages. Mais comme ici encore je me dois de penser à la planète, et à l’empreinte carbone de mon blablabla, de mes conneries etc. eh bien cette liste je ne vous la ferais pas ! Na !

  6. « Le « partage d’humanité » permet au lecteur de se replier dans une petite bulle confortable où il ne prête nulle attention aux malheurs de la Biosphère. »

    Chacun a son expérience de la lecture ! Pour ma part, cette bulle dite confortable m’était indispensable dès mon plus jeune âge ! Je savais lire bien avant le Cp, j’ai appris à lire par déduction en recomposant les syllabes J’ai commencé par demander à ma famille comment s’écrivait leur prénom par ex et je récupérais les syllabes et recomposais les mots ainsi (je me suis ennuyé 1 an au Cp en ayant des A partout, premier de la classe toute l’année; je me suis ennuyé aussi après le Cp à vrai dire, j’ai mal vécu l’école) Enfin bref… Donc c’était une bulle indispensable pour m’isoler tant de la violence à l’école/collège, du quartier (amiens nord), mais aussi violence familiale En quittant l’école/collège je me réfugiais à la bibliothèque quotidiennement jusqu’à la fermeture à 19h

    1. En tout cas, je me souviendrai toujours de la tête de mon institutrice en CE1 lorsque je lisais en classe Thérèse Desqueyroux de François Mauriac pendant qu’elle me bassinait pour réciter le poème de La chèvre de monsieur Seguin… De toute façon je suis toujours passé pour un extra-terrestre à l’école, je me demandais toujours ce que j’y faisais ?

      Mais bon, en tout cas, que Michel Sourrouille se rassure pour ses arbres, les français perdent le goût de la lecture, même dans le métro et Rer les français lisent beaucoup moins, que ce soit à la maison, à la rue, à l’école même, ou dans les transports en commun les français préfèrent frotter leurs tablettes pour jouer à des jeux ou écrire des textos insignifiants… Il n’y a pas besoin de militantisme contre la lecture, les gens consentent tout seul à devenir des ânes… préférant les occupations abêtissantes de la société de loisirs…

      1. Monsieur Seguin

        Je te rassure, tu passes toujours pour un extra-terrestre.
        Et moi aussi je parie. 🙂

      2. Marcel Duterte

        Que dire du massacre d’arbres pour permettre aux lamentables pisse copies alias journaputes ou journalopes l’ impression de leurs élucubrations et de leur propagande mondialiste au service zélé de macrondelle et cie ?
        Excellentes lectures que François Mauriac , Camus , Giono , Gide,
        Pour les anciens : Sue , Ponson du Terrail , Verne, MAurice Leblanc, Dumas
        miam , miam 😎
        En science fiction et fantastique : Jean Ray , Robert Howard , Hodgson, Silverberg, Spinrad , Clarke, Clark Asthon Smith, Robert Bloch , Lovecraft , Derleth, Lem …

      3. @ Marcel

        En fiction/fantastique tu en oublies, comme Zelavny (une rose pour ecclésiaste / les princes d’ambre) Jack Vance (les langages de Pao) , Isaas Asimov/ David eddings / Tolkien (le Silmarillon il faut le digérer celui là, surtout qu’il a été mal traduit, mais ils viennent d’en publier tout récemment une meilleure traduction)

        Bon dans les classiques tu oublies Guy de Maupassant et François-René de Chateaubriand mes 2 favoris

      4. Puisqu’on en arrive à la liste, dans les classiques vous oubliez l’incontournable Flaubert. Bouvard et Pécuchet, c’est à se pisser dessus. En plus, c’est du pur jus franco-français. Même s’il est inachevé.
        Mais sans rire, on n’aura quand même pas le toupet de dire que 1984 d’Orwell, Le meilleur des mondes d’Huxley, Fahrenheit 451 de Bradbury, et j’en passe des tonnes, ne valent pas les arbres qu’on aura coupé pour eux, si ? 🙂

      5. Ben si on veut couper moins d’arbres pour les livres, commençons par supprimer les livres de sociologie qui endoctrinent de bêtises nos jeunes !!! Surtout que ces livres de socio tous les auteurs se plagient les uns les autres pour dire exactement la même chose, pour ne parler que de stigmatisations !!! Bref la sociologie où l’art de pleurnicher pour réclamer des sous à l’État ! (et surtout sans travailler, sic !)

      6. Parti d'en rire

        Eh oh ! On ne va quand même pas brûler les bouquins de sociologie et les sociologues et en même temps, si ? Sinon fais attention BGA !
        Tu serais pas un peu sociologue des fois, avec ton art de pleurnicher ?

    2. Pépin la bulle

      Parce que c’est Toi et que je t’aime bien, je te conseille La Bulle.
      Celle de Nathalie Sambat (2021). C’est un petit roman, pour tous les âges.

      1. Nathalie Sambat et son écologie humaniste cul cul la praline ? Oh que non ! Je pense qu’elle s’adresse aux femmes ! Je te propose une autre lecture plus réaliste plus pratique plus pragmatique, l’écologie de Piero San Giorgio ! Là on a de l’écologie au masculin c’est mieux pour nous !

      2. Si Nathalie Sambat c’est cucu la praline… alors que dire de celui-là ?
        Piero San Giorgio… celui qui a fait de l’Effondrement son fonds de commerce ? Bof… je préfère encore ne rien en dire. En attendant, si tu préfères la noirceur des survivalistes à la douceur des pralines, c’est ton problème.

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