Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Simplicité… volontaire aujourd’hui, obligatoire demain
Je suis né en 1947, un enfant d’après-guerre, élevé dans un contexte de pénurie. En ce temps-là les casseroles s’achetaient encore avec des tickets de rationnement et on prenait la vie comme elle venait. J’étais donc personnellement préparé à vivre de peu, avec un père artisan-tailleur qui avait des mortes saisons, sans beaucoup de client. Il fallait faire attention à tout, nos exigences d’enfant étaient restreintes. Je voulais jouer au piano dès le plus jeune âge, j’ai attendu mes 17 ans pour en avoir un, d’emprunt. Il n’y avait pas de télévision, pas de téléphone accessible aux enfants du foyer, bien sûr ni ordinateur ni téléphone portable, c’était un autre temps. Je n’ai jamais souffert du manque, c’était le bon temps, je ne me suis jamais ennuyé. Je pense toujours que nous devons nous entraîner à vivre de peu, à vivre comme un Amish, la religion en moins.
Mais le contexte socio-économique est parti à l’opposé. Selon la doctrine keynésienne appliqué pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1974), il fallait consommer toujours plus pour échapper à une grande crise comme celle de 1929 : avec le déficit budgétaire et le laxisme monétaire on lutterait contre l’équilibre de sous-emploi (le chômage structurel). Au niveau des entreprises, Ford avait mis en pratique la consommation de masse avec le travail à la chaîne et la hausse des salaires. Aujourd’hui la croissance de la consommation est devenue une fin en soi, sans souci de l’avenir ni du respect de la biodiversité. Or c’est notre propre comportement qui détermine le système social. Je suis interpellé par le raisonnement de Gandhi: « La civilisation au vrai sens du mot, ne consiste pas à multiplier les besoins mais à les réduire volontairement, délibérément. Même à l’ashram, nous possédons beaucoup de choses dont on ne saurait prouver la nécessité et ainsi nous soumettons notre prochain à la tentation de voler. Il faut nous rappeler que la non-possession est un principe applicable aussi bien aux pensées qu’aux choses. Celui qui emplit son cerveau de connaissances inutiles viole ce principe inestimable. » Après avoir été objecteur de conscience, je deviens objecteur de croissance. J’essaye de faire passer le message. J’ai par exemple réussi à faire adopter par consensus une motion sur la simplicité volontaire lors d’une réunion à Paris le 29 mai 2010 :
« Le Pôle écologique du Parti Socialiste invite ses membres et l’ensemble des citoyens à faire preuve le plus possible dans leur vie de sobriété énergétique et d’autolimitation pour construire ensemble une société plus conviviale et plus égalitaire. »
Autant dire que cela n’a pas eu beaucoup d’effet… Pour l’instant, personne ne se sent concerné par le fait de vivre sans portable, sans carte bancaire et sans voyage au long cours… Mais tant que nous n’aurons pas personnellement (et collectivement) changé de mode de vie, l’avenir sera des plus sombres.
Une communauté en transition écologique ne peut fonctionner durablement que si la philosophie de ses membres possède une homogénéité suffisante, centrée sur la simplicité volontaire… devenue obligatoire. En janvier 2012, nous avions décidé dans le cadre d’Angoulême-résilience de mettre en commun nos pratiques personnelles d’économie d’énergie. Quatre d’entre nous ont donné le dossier d’isolation de leur maison. J’ai voulu montrer qu’il fallait aller plus loin :
« Il nous faut limiter au maximum notre poids sur la planète. La vie dans une communauté autonome s’accompagne nécessairement de la simplicité personnelle la plus gran
de possible. Le bonheur résiderait dans la simplicité totale et l’autarcie, se suffire à soi-même. Il n’y a de limites à notre sobriété heureuse que la force de nos convictions. Une communauté de résilience ne peut se concevoir que si ses membres sont vertueux. »
Gros émoi dans le groupe. Les copains croient à de la théorie alors qu’il s’agit de mettre en pratique. La simplicité volontaire est d’abord un déconditionnement. L’art de vivre à l’inverse de notre société consumériste exige l’effort, transpirer sur sa bicyclette ou une bêche à la main. Cet engagement peut aller jusqu’à l’absence de confort. Des personnes refusent Internet, bien sûr, mais aussi le téléphone, la radio, et même le journal.
La décroissance n’est crédible que vécue, incarnée. Seule la cohérence permet de toucher les autres. A chacun de se mettre en chemin sur la voie de la simplicité.
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré
Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits
Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne
École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation
Écologiste en devenir, notre avenir commun
Électricité, les inconvénients d’un avantage
Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes
Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?
Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion
Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient
Futur, il sera à l’image de notre passé !
Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix
Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation
Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même
IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience
Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels
Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé
Mariage pour tous, l’oubli du sens des limites
Militantisme, une construction de soi qui ne va pas de soi
Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide
Musée, pas besoin du passé pour être un vrai artiste
Objecteur de conscience j’ai été, je suis, je serai
Pêche, une activité artisanale devenue un massacre de masse
Peine de mort, abolie un jour, tentation toujours
Philosophie, les valeurs de l’écologie profonde
Portable, suis-le le seul à ne pas en avoir ?
Publicité, une agression qui touche à l’acharnement
Recherche sans développement, refondation de la science
Religions, un frein à notre réflexion
Repas, manger comme acte profondément politique
Roman, qui ne mérite pas l’arbre qu’on a coupé pour lui
Sciences économiques et sociales, une tentative holistique ratée
Simplicité… volontaire ou obligée ? Ben ce sera Simplicité obligée ! Le plaisir est toujours vainqueur sur les décisions à prendre ! Le plaisir est le facteur le plus déterminant sur une prise de décision ! Même les milliardaires ne veulent faire aucun effort ! Les milliardaires préfèrent à ce que soit les pauvres qui les fassent ces efforts ! Pourtant les milliardaires peuvent réduire leur consommation sans souffrir ! Ils ont pourtant de la marge ! Mais même les milliardaires n’y parviennent pas ! Renoncer aux yachts et jets privés c’est trop compliqué pour eux ! Les milliardaires considèrent que finalement c’est une terrrrriiibbbblllee souffrance de renoncer aux yachts et jets privés ! Autant dire qu’il n’y a personne pour montrer l’exemple, hormis ceux qui vivent la simplicité par contrainte budgétaire !
Et oui le plaisir est toujours vainqueur ! Quoi qu’on fasse ! Tiens autre exemple, un homme qui a goûté aux maîtresses et aux prostituées ne renoncera jamais de tromper sa femme ! Une fois que les maîtresses et prostituées ont procédé à la mise en bouche il est trop tard, il n’y a plus retour en arrière ni de retour à la normale, il continuera de tromper sa femme…. tant qu’il le pourra ! Et il le pourra ça veut dire quoi ? Tant qu’un homme a la santé et a l’argent il continuera de voir ses maîtresses et prostituées, autrement dit tant qu’il peut bander et payer ses maîtresses et prostituées il continuera de tromper sa femme ! C’est comme un chien qui a goûté au sang, il ne renoncera plus de mordre pour se faire plaisir ! Puis pour tromper leurs femmes, à présent grâce au Viagra cette histoire peut durer très longtemps !
Bien sûr qu’elle sera obligée. Tout simplement parce qu’il est trop tard.
Parce que cette conversion globale ne peut pas se faire du jour au lendemain.
Tu dis (je cite) qu’il n’y a personne pour montrer l’exemple, hormis ceux qui vivent la simplicité par contrainte budgétaire ! Ce n’est pas vrai. Des tas de gens (pas assez certes) qui avaient une “très bonne situation“ (comme on dit) ont tout plaqué pour vivre dans la simplicité volontaire.
Si des êtres humains l’ont fait, ça veut juste dire que cette démarche, ou conversion, est donc possible. Et que l’Homme n’est pas donc programmé pour en vouloir toujours plus. À moins de prétendre que ce ne sont pas des humains, mais des surhumains ou je ne sais quoi. ( à suivre )
Que ce fameux striatum nous pousse dans ce sens c’est possible, seulement ces exemples nous prouvent que nous ne sommes pas con damnés pour autant. Ce qui bien sûr ne change rien au problème immédiat, mais qui permet d’espérer en l’Homme, à ce Sapiens enfin digne de ce nom.
Maxime Nechtschein (ex chercheur en Physique au CNRS) a publié un article sur blogs.mediapart.fr : La Décroissance est-elle possible ?
( Lui aussi parle du striatum )
Comme je te l’avais déjà dit ici il y a déjà un bon moment, au mieux il n’y aura que 5% maximum de gens qui voudront être raisonnables ! Et encore 5% j’ai arrondi par excès et c’est bien un maximum ! Ca me rappelle l’histoire de Michel Sourrouille qui disait être le seul chez EELV à vouloir vivre sans portable ! Ce n’est pas parce que le Figaro a publié l’histoire de 2/3 traders qui ont bien cumulés et ont décidés de vivre à la campagne qu’il faut en faire une généralité. En plus ces 2/3 traders n’ont pas renoncé au 4×4 pour autant et encore moins aux ordinateurs et tablettes, ils font juste un peu de jardinage par rapport à avant mais ils ne travaillent plus à côté et vivent toujours aisément de leur cumul, bref le jardin c’est juste pour tuer le temps.
Ensuite, il y a beaucoup de gens qui se sont lancés à la vie rurale et/ou à la permaculture, et ont fait marche arrière quand ils se sont aperçus que ce n’était pas si facile que ça ! En tout cas, je peux affirmer avec certitude qu’il y a minimum 95% de gens qui ne voudront renoncer à rien tant qu’ils auront l’argent ! Et oui encore beaucoup de jeunes veulent faire des études longues car ils espèrent obtenir une bonne carrière pour être bien payés ! Et quand on veut être bien payés et le plus possible c’est qu’on veut consommer le plus possible ! Ils rêvent de belles bagnoles d’avions, de voyages, de belles montres, etc ! Puis quand ils n’ont pas accompli de bonne études et n’ont pas de bonnes carrières, alors ça ne s’adonne pas au vol, aux magouilles, aux meurtres à la prostitution, au loto, au tiercé, aux jeux télévisés pour rester pauvre mais bien pour s’enrichir et consommer !
– « Cet engagement peut aller jusqu’à l’absence de confort. Des personnes refusent Internet, bien sûr, mais aussi le téléphone, la radio, et même le journal.
La décroissance n’est crédible que vécue, incarnée. Seule la cohérence permet de toucher les autres. A chacun de se mettre en chemin sur la voie de la simplicité. »
En attendant, on ne peut que constater la crédibilité de cette décroissance. Mis à part des moqueries (la lampe à huile, les Amish etc.) et un flot de haine (khmers-verts etc.) cette forme d’engagement et de cohérence n’inspire malheureusement pas grand chose d’autre.