Voiture, passion contemporaine dans l’impasse

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Voiture, une passion contemporaine qui n’aura eu qu’un temps

Je suis né en 1947 avec l’automobile. La télévision n’était pas rentrée dans les foyers, il n’existait ni ordinateur ni portable, mais les voitures commençaient à circuler. C’était une invention relativement nouvelle et improbable. En 1890, le dictionnaire allemand Bockhaus définissait ainsi l’automobile : « Nom qui a quelquefois été donné à de curieux véhicules mus par un moteur à explosion. Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’a connu qu’échec et désapprobation des autorités scientifiques. »

En 1899, le jeune Henri Ford fonde une entreprise de construction automobile à un moment où, note-t-il, « il n’y avait pas de demande, voire une répugnance du public devant cette machine jugée laide, sale et bruyante et qui met en fuite les chevaux et les enfants. » Au début, mes parents n’avaient qu’une moto. Pendant les trois premières années d’après-guerre la fabrication de véhicules utilitaires l’avait largement emporté sur les véhicules de particuliers. Mais déjà une mythologie s’installait, il fallait s’inscrire sur une liste d’attente pour « avoir sa voiture personnelle ». Aujourd’hui un jeune ne peut plus concevoir un monde sans automobiles. 

La production de 4 roues a toutes les qualités, c’est un vecteur de croissance qui fait appel à la production de branches-clés. La construction en série d’automobile (dès la Ford T, 1914), ce qu’on appelle le fordisme, s’est accompagnée de l’augmentation des salaires et de l’apparition de la classe globale, celle qui possède un véhicule personnel. C’est une industrie de main d’œuvre et donc créatrice d’emploi, ce qui est toujours bien vu par les gouvernants et les travailleurs. C’est une facilité pour le déplacement individuel. Mais cela nécessite l’aliénation par le travail à la chaîne, repose sur la productivité qui crée le chômage, facilite l’urbanisation sauvage, la stérilisation des terres par un réseau routier sans limites, la multiplication des déplacements par la distance que l’automobile a mis entre domicile et lieux de travail, entre zone de production et centres commerciaux, entre espace de vie et destinations du tourisme. Cela implique aussi l’épuisement du pétrole, ressource non renouvelable, et l’augmentation de l’effet de serre, donc le réchauffement climatique.

Cette innovation qui a à peine un siècle a donc été la plus grande catastrophe du XXe siècle. Malheureusement les effets négatifs ne s’en feront sentir qu’au XXIe siècle : le mal s’est fait sans que quiconque ne s’en émeuve. Aucun politique ne pense à l’heure actuelle limiter l’usage de l’automobile pour des raisons climatiques ou d’épuisement des ressources pétrolières. On agit en limitant la vitesse uniquement pour éviter trop de morts sur les routes. La considération écologique est absente… Pourtant en 1974 Dumont à la présidentielle :

« Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. Sait-on que si tous les habitants du globe consommaient autant de pétrole que les Américains, les réserves prouvées ne tiendraient guère plus d’un an ? Pour faire 10 000 km, on consacre 150 heures à sa voiture (gain de l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien, conduite, embouteillage, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton. Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons par exemple contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composantes de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne. » [L’écologie ou la mort, à vous de choisir – la campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique (Pauvert, 1974)]

Des dizaines d’années se sont écoulées, les politiques restent à mille lieux des réalités géophysiques. Lors d’un pic de pollution en Île-de-France, la ministre socialiste Ségolène Royal refuse des mesures de restriction du trafic routier contre l’avis des élus locaux : « Empêcher quelqu’un de prendre sa voiture, c’est une mesure privative de liberté (…). Personne ne peut ni imposer, ni vociférer, ni exiger » ; « La circulation alternée, ce n’est pas rien : cela se prépare et se maîtrise. Cela ne se fait pas par des déclarations sur la place publique exigeant telle ou telle décision. [LE MONDE du 10 avril 2015] »

Il faudra donc attendre le prochain choc pétrolier pour prendre collectivement conscience… de la nécessité du dévoiturage, l’abandon de la voiture individuelle. En attendant, j’avoue que ma femme possède une voiture… qu’il m’arrive d’utiliser ! On ne naît pas écolo, on le devient de façon imparfaite, la vie est faite de compromis qui se transforment souvent en compromission. Résister au système croissanciste motorisé est extrêmement difficile.

Mais tu peux toujours tenter l’impossible…

(NB : c’était le dernier article du livre

« On ne naît pas écolo, on le devient »)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient

Futur, il sera à l’image de notre passé !

Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix

Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation

Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même

IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience

Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels

Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé

Mariage pour tous, l’oubli du sens des limites

Militantisme, une construction de soi qui ne va pas de soi

Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide

Musée, pas besoin du passé pour être un vrai artiste

Objecteur de conscience j’ai été, je suis, je serai

Pêche, une activité artisanale devenue un massacre de masse

Peine de mort, abolie un jour, tentation toujours

Philosophie, les valeurs de l’écologie profonde

Portable, suis-le le seul à ne pas en avoir ?

Publicité, une agression qui touche à l’acharnement

Recherche sans développement, refondation de la science

Religions, un frein à notre réflexion

Repas, manger comme acte profondément politique

Roman, qui ne mérite pas l’arbre qu’on a coupé pour lui

Sciences économiques et sociales, une tentative holistique ratée

Simplicité… volontaire aujourd’hui, obligatoire demain

Sourrouille Michel, présentation de l’auteur

Techniques appropriées et d’autres, à exclure

Testament, mérite mieux qu’un nom sur une pierre tombale

Toilettes, dis-moi comment tu défèques, je te dirais où tu vas

Végétarien, une des manières de devenir écolo

10 réflexions sur “Voiture, passion contemporaine dans l’impasse”

  1. Que ça nous plaise ou non la voiture individuelle est devenue indispensable pour des millions de gens. Et l’Histoire (depuis la Fort T) nous montre qui sont ceux qui l’ont voulu ainsi.
    Comme par hasard il n’y a pas que la bagnole. C’est la même chose de la cigarette (voir le rôle d’Edward Bernays), du téléphone, du tout électrique, de l’internet, de tout le confort moderne etc.
    On peut toujours penser et dire que les gens (cons-sots-mateurs) ont bien collaboré, et qu’ils collaborent encore, seulement ça ne nous avance finalement en rien. ( à suivre )

    1. Et maintenant, que le mal est fait, on peut toujours vociférer, exiger, vouloir imposer etc. il n’empêche qu’empêcher quelqu’un de prendre sa voiture c’est une mesure privative de liberté (sic la ministre socialiste Ségolène Royal en 2015).
      Et ce serait la même chose que d’empêcher quelqu’un d’aller et venir comme il l’entend, habillé et vacciné comme bon lui semble, d’utiliser son smartphone, de fumer, de picoler etc. etc. En attendant, on peut voir ces derniers temps ce qu’on fait de ce genre de libertés. Le pauvre bougre n’a déjà plus le droit d’entrer dans certaines villes avec son vieux diesel, on lui dit d’acheter une Tesla et blablabla.
      Et en même temps les nantis, eux, peuvent continuer à utiliser leur jet privé pour un oui pour un non. On avance on avance, seulement pas forcément dans le bon sens.

    2. Même jugée Indispensable, tôt ou tard la voiture ne sera plus abordable au plus grand nombre ! Quand il n’y a plus assez de pétrole pour tout le monde et quand il y en aura plus du tout, vous aurez beau chouiner « qu’elle est indispensable et que vous ne pouvez pas vous en passer », rien n’y fera vous serez contraint de devoir faire sans voiture quand même ET PUIS C’EST TOUT ! (comme dirait Philippe Lucas, sic !) Vous devrez utiliser vos jambons quelle que soit la distance et puis c’est tout ! La voiture consomme du pétrole pour pouvoir avancer et ben pour vos jambons vous remplacerez le pétrole par de la raclette et tartiflette pour les faire avancer et puis c’est tout !

      1. Et puis c'est tout !

        En attendant, que ça te plaise ou non il en reste. Ben oui ! Et en plus, à la Pompe les prix baissent. Que demande le Pôple ? Alors bien sûr, vu que je ne sais pas lire dans les tarots, ce n’est pas moi qui vais me permettre de dire à combien sera le litre de gazole dans 3 mois. Ni de donner la date précise de la fin de la Bagnole pour tous.

  2. Là où on va rigoler de la politique UmPs, c’est lorsqu’on aura moins de pétrole à disposition et ensuite plus de pétrole du tout et ben ça voudra dire que les gens vont se réorienter vers les transports en commun, hormis que les réseaux de transports en commun seront sur-saturés ! Tiens rien qu’en Ile de France et ben quand il n’y aura plus de pétrole, pensez vous qu’il y aura assez de métros, de Rer, de trains, de cars et de bus quotidiennement pour tout le monde puisse travailler ? Surtout que la Sncf sur le plan national a démantelé beaucoup de petites lignes au niveau local pour étendre les autoroutes à voitures et les Tgv. Bref, sans pétrole ça va être un vrai cauchemar en Ile de France, ainsi que sur l’ensemble des villes. Il y aura trop de demandes sur les transports en commun insuffisants. La modernité aura une fin, puisqu’on aura dilapidé 95% des ressources naturelles de la planète entre 1950 et 2050 soit en seulement 100 ans… Après le déluge !

    1. Déjà tu commets une erreur en pensant que quand il n’y aura plus de pétrole les gens auront les mêmes occupations et préoccupations qu’aujourd’hui.
      Toi, tu crois qu’ils seront toujours dans la routine du métro-boulot dodo, et que pour ça il leur faudra évidemment le métro. De mon côté je crois que tout ça va se passer progressivement, et que ça ne sert donc à rien de tirer trop de plans sur la comète. On peut tout de même imaginer qu’un jour les avions ne voleront plus du tout, mais que les métros et les bus rouleront encore, pour un certain temps. Des milliers et des milliers de gens qui “vivaient“ de l’avion seront alors bien obligés de faire autre chose, mais je doute fort qu’ils auront forcément besoin du métro.

      1. A part qu on ne déménage pas 12 millions de franciliens/parisiens du jour au lendemain et pas même en 5 ou 10 ans, c’est simple il n’y aura pas assez de logements en dehors de l’île de France pour les accueillir ! Mais en parallèle ça va être compliqué de nourrir 12 millions de franciliens sans pétrole ! Surtout s’ils ne peuvent plus travailler faute de transports ! Bref il n’y aura que les africains qui pourront retourner en Afrique pour faire de la permaculture afin de se nourrir, car ils ne pourront certainement pas acheter une ferme en France vu le prix de l’immobilier

      2. Quand, faute de boulot, les gens ne pourront plus vivre dans les métropoles ils seront bien obligés d’aller vivre ailleurs. Et en France on a la chance que cet ailleurs ne soit pas très loin. Ce sont toutes ces campagnes et petites villes qui se meurent. Si la permaculture te tente et que t’as pas un rond, tu devrais quand même trouver ici ou là un bout de jardin qu’un vieux ou une vieille te laissera cultiver gratuitement.

      3. Et tu penses que les citywesh du 93 voudront faire de la permaculture ? Personnellement, je pense qu’ils vont plutôt piller les jardins des honnêtes gens ! Et même en dehors du 93 c’est déjà comme ça ! J’avais loué une parcelle d’un jardin ouvrier il y a 3/4 ans, mais tous nos jardins et toutes nos cabanes en métal ont été pillés en 3 semaines ! Il y avait 3 ilots d’une dizaine de jardins par ilot et les bandits ont tout pillé, ils font un ilot par semaine, ils sont carrément équipés pour découper les barrières métalliques mais aussi les poignées métalliques des cabanes métalliques ! Ils ont pris tous les outils, brouettes, chariot, déracinés ce qu’il pouvait (comme les pieds de fraise et d’autres fruits légumes). Ils ont piqué la toile de ma serre, ils ont laissé les piquets car trop galère à retirer en si peu de temps. Ils ont récupérer le cadenas (niveau sécurité 10/10) histoire de ne pas laisser d’empreinte. Voilà !

      4. Sinon le locataire précédent de ma parcelle, auparavant surveillait les parcelles parce qu’il vivait dans une caravane… Mais sa caravane fut brûlée… La gérante pour me convaincre de reprendre la parcelle m’avait raconté que ce n’était qu’un simple incendie accidentel mais je n’ai pas eu le même son de cloche en discutant avec les voisins de jardin par la suite, en faite il s’est fait chasser par ceux qui pillent les jardins, les pillards ont attendu qu’il soit absent pour y mettre le feu… Bref, la permaculture pour tous les français je n’y crois pas trop pour sortir de crise, ça ne sera pas une alternative tant que le pays ne sera pas déracaillé !

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