Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet-août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Testament, mérite mieux qu’un nom sur une pierre tombale
La mort n’est rien. La mort n’est que la continuation de la vie par un autre chemin. Août 1972, j’avais 24 ans, j’écrivais que j’attendais le retour à la terre, l’instant suprême où mes molécules se disperseraient dans l’infini univers, et recommenceraient leurs sarabandes sans but. Une métempsycose cosmogonique. 26 décembre 2011, je rédige sur mon blog du monde.fr mon testament écolo :
« Je soussigné désire un enterrement sans aucune cérémonie religieuse, sans fleurs ni couronnes ni aucune marque matérielle de condoléances. Je veux être enterré de façon à minimiser mon empreinte écologique au maximum. Pas de crémation qui utilise une énergie extracorporelle devenue trop rare. Pas de cercueil qui mobilise des ressources naturelles. Pas de vêtements car nu je suis né, nu je veux revenir à la terre. »
Mon idéal serait de participer sans rechigner au grand recyclage que la nature nous propose gratuitement. Pour faciliter la chose, la ville de Paris nous offre paraît-il un modèle que je recommande : la commune fournit aux personnes décédées (sans ressources ni famille) des caissons en béton étanche équipés d’un système d’introduction de l’air afin que les espèces qui aident au recyclage de l’organisme puissent accéder au festin. L’oxygène accélère le dessèchement du corps et l’évacuation des gaz de décomposition est assurée. Il n’y a aucune pollution et le caveau peut être récupéré à l’infini : tous les cinq ans, il est à nouveau disponible. Nous ne nous appuyons pas assez sur les compétences de la biosphère qui possède depuis des temps immémoriaux un sens pratique très développé en ce qui concerne l’équilibre dynamique et le recyclage performant.
Je suis émerveillé par toutes les générations précédentes d’hominidés qui depuis des millions d’années n’ont laissé pratiquement aucune trace sur terre. Ils ont permis aux décomposeurs le soin de disperser leurs molécules pour profiter aux autres formes de vie. Je suis révolté par tous ces puissants et autres saccageurs de la nature qui font construire des pyramides et des mausolées dédiés à leur ego, des statues ou des monuments grandioses à la hauteur de leur suffisance. Ils n’ont aucun sens de l’écologie, ils n’ont pas le sens des limites, ils sont néfastes. Notre trace sur terre importe dans le souvenir que nous laissons aux vivants, pas dans l’empreinte écologique qui défigure notre planète. Je suis abasourdi de voir que les gens qui veulent vivre à l’occidentale se croient à l’égal des puissants, construisant buildings immenses, centres commerciaux démesurés et autoroutes un peu partout. Je suis ulcéré par cette pub de Renault qui prétendait « laisser moins de traces sur la planète ». Moins de traces ?
« Nous devrions avoir peur de la trace laissée après notre mort : entre un et deux millions de fois notre propre poids, c’est plus qu’une trace… (Entre autres) l’européen moyen émettra au cours de sa vie 752 tonnes d’équivalent CO2 de gaz à effet de serre… » (Jean-Guillaume Péladan, Sur quelle planète vont grandir mes enfants ? – Ovadia, 2009).
Je ne suis que fragment de la Terre, nous ne valons certainement pas plus que le lombric qui lui, au moins, fertilise le sol. Mais j’aspire aussi à un monde meilleur pour mes descendants, une société humaine en harmonie avec notre merveilleuse oasis de vie perdue dans l’immensité d’un univers apparemment sans vie. Ce n’est donc pas une planète vide d’humains que je souhaite, mais une planète où l’espèce humaine parcourt son existence d’un pas léger qui ne laisse presque aucune empreinte. Loin des rêves de conquête spatiale, c’est quand mes atomes tourbillonneront pour l’éternité dans l’espace galactique que j’atteindrai objectivement la véritable plénitude. Je ne regretterai pas cette espèce trop souvent homo demens plutôt qu’homo sapiens. Je ne peux me sentir totalement concerné par cette agitation désordonnée de l’humanité dont les préoccupations restent le plus souvent égoïstes et de courte vue. Ethnocentrisme, anthropocentrisme, nationalisme, indépendantisme, chacun se croit le centre de la Biosphère et ne vit que pour sa personne ou son groupe d’appartenance. J’ai essayé de penser et vivre autrement, mais ma vie a été par nécessité incomplète et trop souvent impotente. Tout ce que je sais, c’est que les problèmes deviennent innombrables et les réponses toujours lacunaires. Tout ce que je sais, c’est que les générations futures vont être obligées de faire avec… Une petite citation de Jean Rostand pour conclure provisoirement :
« Du point de vue sidéral, la chute d’un empire ou même la ruine d’un idéal ne compte pas plus que l’effondrement d’une fourmilière sous le pied d’un passant distrait. Quand le dernier esprit du dernier de notre espèce s’éteindra, l’univers ne sentira même pas sur lui le passage d’une ombre furtive. »
Un constat de réalité bien envoyé ! Il n’y a ni optimisme ni pessimisme dans cette sentence, juste une vérité qui devrait nous amener à l’humilité.
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré
Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits
Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne
École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation
Écologiste en devenir, notre avenir commun
Électricité, les inconvénients d’un avantage
Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes
Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?
Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion
Féminisme, on ne naît pas femme, on le devient
Futur, il sera à l’image de notre passé !
Génériques, l’achat au meilleur rapport qualité/prix
Homoparentalité, la stérilité n’est pas une damnation
Interaction spéculaire, je fais ainsi parce que tu fais de même
IVG, une mauvaise expérience par manque d’expérience
Logement, une maison à la mesure de nos besoins réels
Loisirs, plutôt les échecs que le match de foot à la télé
Mariage pour tous, l’oubli du sens des limites
Militantisme, une construction de soi qui ne va pas de soi
Mobilité, aller moins loin est bien plus rapide
Musée, pas besoin du passé pour être un vrai artiste
Objecteur de conscience j’ai été, je suis, je serai
Pêche, une activité artisanale devenue un massacre de masse
Peine de mort, abolie un jour, tentation toujours
Philosophie, les valeurs de l’écologie profonde
Portable, suis-le le seul à ne pas en avoir ?
Publicité, une agression qui touche à l’acharnement
Recherche sans développement, refondation de la science
Religions, un frein à notre réflexion
Repas, manger comme acte profondément politique
Roman, qui ne mérite pas l’arbre qu’on a coupé pour lui
Sciences économiques et sociales, une tentative holistique ratée
Simplicité… volontaire aujourd’hui, obligatoire demain
C’est bien joli de se soucier de l’impact (ou de la trace) écologique de ses funérailles, seulement tout ça ne pèse pas bien lourd comparé aux 752 tonnes d’équivalent CO2 de gaz à effet de serre (dixit Jean-Guillaume Péladan). Certes, on peut toujours voir ça comme les jets privés. Sauf que pour moi il y a quand même une différence.