Un commentateur nous interpelle : « Biosphere pourrait, peut-être, faire un article sur l’impossibilité de débattre. »
Il vaudrait mieux dire, « sur l’impossibilité ou non » d’arriver à un consensus social.
En effet sur ce blog biosphere, le débat, c’est pour arriver à une opinion commune, à des sentiments partagés. Comment ? Notre comité de rédaction, avec l’aide de nos informateurs, part des interrelations entre les données écologiques, socio-politiques, économiques, historiques, scientifiques, ethnologiques, statistiques… pour en tirer synthèse et conclusion. On en arrive ainsi à déterminer quel est le meilleur point de vue à un moment donné, sachant que l’écologie, c’est-à-dire la pleine conscience des réalités biophysiques, s’impose de toute façon aux désirs humains. Ce n’est plus la voix de dieu ou d’un autocrate qui prime, mais les lois de la nature.
Lire, Stéphane Foucart, les lois de la nature s’imposent
Encore faut-il savoir interpréter les lois de la nature et les mettre en musique. C’est le rôle de la délibération démocratique. Au niveau des procédures utilisées dans les sociétés libérales, le vote, qu’il soit censitaire ou même universel, n’est pas la meilleure méthode. Car les résultats dépendent du niveau de clairvoyance de chacun des individus qui composent le corps électoral. Dans le cas d’une démocratie directe, un référendum par exemple, trop souvent des considérations autres que la question posée fausse complètement le résultat du vote. Avec la démocratie représentative, c’est pire : la validité des décisions prises dépend du niveau d’autonomie conceptuelle de nos élus. Or ils délibèrent souvent sur des thématiques auxquelles ils ne comprennent rien ou il votent comme le chef du parti en décide. Que ce soit électeurs ou élus, de toute façon le niveau de clairvoyance de chacun dépend de ses connaissances écologiques, socio-politiques, économiques, historiques, scientifiques, ethnologiques, statistiques… et la faculté de synthèse, on ne l’apprend pas à l’école.
Encore faut-il savoir abandonner ses préjugés, savoir résister à son conditionnement culturel. Une culture au sens sociologique, c’est l’ensemble des comportements acquis qui permettent d’apaiser les relations sociales et de préparer un avenir durable. La culture évolue avec les transformations socio-politiques et économiques. Aujourd’hui le facteur de limitation de nos désirs par le fait que les ressources terrestres ne sont pas illimitées entre en jeu et conditionne de plus en plus notre mode de vie. Autrefois le cadre culturel dans les société nombreuses était déterminé par le groupe qui avait pris le pouvoir, l’élite et ses différentes variantes. Ce pouvoir s’est appuyé sur des religions, très diverses, mais toujours orientée pour faire accepter l’ordre social dominant. Le système démocratique a permis de faire éclater ce modèle d’organisation, il n’y a plus d’arguments d’autorité qui s’impose. La démocratie est un lieu vide que la délibération collective remplit au fur et à mesure de sa compréhension des individus qui composent telle ou telle société.
Éduquer les gens dans le bon sens n’est pas gagné par avance. Pourquoi ? Chacun joue un rôle social, il se comporte par rapport à ce que les autres attendent de lui. Il ne pratique pas l’acte juste, il respecte le jeu social, c’est le mécanisme de l’interaction spéculaire : je fais parce que tu fais ainsi parce que nous faisons tous de même. Cette explication sociologique permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu ou de la société. L’un et l’autre se renforcent mutuellement car je me représente la manière dont les autres se représentent les choses et moi-même. « Je donne le bon exemple » n’est un message positif que si un grand nombre de personnes font ainsi. Sinon on pourrait croire que je donne le mauvais exemple ! L’insertion dans une institution (école, entreprise, parti politique, syndicat…) provoque une coupure entre l’idée que se fait l’individu de l’acte juste et ce qu’impose à l’individu la préservation de l’institution. L’homme est dans un corset très serré, division extrême du travail, distinction poussée entre ville et campagne, transport individualisé et polluant, exploitation de l’ouvrier dans la fabrication d’objets inutiles. Chacun de nous est compromis… Difficile alors de trouver les moyens de sa liberté. Tout dépend alors de notre aptitude à résister dans les différentes institutions que nous traversons. Les « fondamentaux » appris à l’école, lire, écrire et compter, sont anodins par rapport à la possibilité de former sa propre pensée pour acquérir son autonomie et le sens collectif. Or cela, on ne l’apprend ni à l’école, ni en faculté, ni dans les entreprises, ni dans les partis, ni dans les syndicats. Alors où se trouve la solution pour savoir comment résoudre nos problèmes de fond ?
Lire cette synthèse, Les conférences de consensus
Dans les différente modalités de l’exercice de la démocratie, la meilleure méthode est celle des conférence de consensus. Députés et sénateurs, rentrez chez vous, on n’a plus besoin de vous. Les conférences de citoyen vont vous remplacer à meilleur résultat et moindre frais. Les conférences de consensus (ou de citoyens, ou conventions) sont une nouvelle forme d’exercice démocratique alliant citoyen de base, tirage au sort et réflexion collective sur nos problèmes contemporains. Un groupe de personnes tirées au sort est mobilisée pendant plusieurs jours, reçoit des éléments de formation et d’information, puis délibère. Très souvent les thèmes concernent l’environnement ou les conséquences d’une innovation technologique. Le sujet débattu comporte de lourdes incertitudes qu’il est impossible de lever dans l’immédiat. Le panel des citoyens tirés au sort doit refléter la composition socio-démographique de la nation. Au départ les membres du panel ne possèdent pas d’information détaillée sur la thématique traitée. Une formation scientifique et technique assez lourde est donc nécessaire. Des intérêts multiples et contradictoires sont liés à la question débattue, ils sont écoutés lors d’auditions. Cette méthodologie doit permettre aux profanes de « mettre en question » les certitudes des experts. Le choix des formateurs et de l’animateur est crucial pour éviter les manipulations. L’objectivité de la formation et des débats doit pouvoir être vérifiée. La conférence de citoyens ne saurait être considérée comme une forme de sondage d’opinion, mais comme l’élaboration collective d’une décision éclairée. L’exemple récent le plus connu est celui de la Convention citoyenne sur le climat mise en place lors du précédent quinquennat de Macron. Encore faut-il que les instances traditionnelles comme le parlement accepte les recommandations qui en résultent, ce qui n’a pas été le cas.
Dans notre système social actuel, croissanciste et court-termiste, le passage à l’écologisme est incertain, la recherche du consens balbutiante. Depuis 2005 ce blog biosphere existe pour essayer de montrer comme on peut passer du débat au consensus. Tapez « débat » sur le moteur de recherche de ce blog, et le mot « débat » apparaît d’abord dans le titre. Vous avez à disposition des posts à propos du débat public (CNDP), du « Grand débat » national, du débat politique, du débat Hulot/Joly en 2011, du réchauffement climatique, de la COP21, des climato-sceptiques, de Claude Allègre, de la transition énergétique, des déchets nucléaires, de la dissuasion nucléaire, de la troisième révolution industrielle, du revenu universel, de la post-croissance, des low tech ou des high tech, des OGM, des nanotechnologies, du retour à la bougie, du manger cru ou cuit, du sapin (de Noël) naturel ou artificiel, des 8 milliards que nous sommes aujourd’hui, de la controverse décroissance démographique/décroissance économique, de la controverse Ehrlich/ Commoner, des relations entre démographie et environnement, de Malthus, de l’immigration, de la nature et des sexualités, de la PMA, de la peine de mort, de la fin de vie, de Tik Tok, de l’anthropocentrisme contre le biocentrisme.
Nous faisons en sorte sur ce blog biosphere de montrer à chaque fois que le point de vue des écologistes devient un élément essentiel de la recherche du consensus. La page d’accueil dans sa rubrique « présentation du blog » est claire : Ce blog existe depuis le 13 janvier 2005, il propose une analyse quotidienne du « point de vue des écologistes ». L’écologie est multiple, l’intelligence collective se constitue par la complémentarité des approches. Il faudrait que se diffuse dans la population un langage commun dont on pourrait poser les termes de façon suivante : Acteurs absents (démocratie), agriculture biologique (production), communautés résilientes (relocalisation), conférences de consensus (décisionnel), décroissance maîtrisée (économie), Descente énergétique (énergie), écologie profonde (éthique), écocentrisme (valeur), fécondité raisonnée (démographie), Migration limitée (déplacements), Monnaie locale (échange), Non-violence (relationnel), Revenu maximum (revenu), Sobriété partagée (consommation), Techniques douces (organisation), etc. Ce sont des thématiques qui sous-tendent le contenu de ce blog biosphere. A nos lecteurs d’en faire bon usage…
Lire, Une culture commune à l’école, l’écologisme