Un « expert en innovation » qui ne sait que prêcher la continuité, Vincent Charlet : « La pandémie a-t-elle encouragé au détachement matériel ? Bien au contraire, dans moins de deux ans les Français achèteront encore plus sur Amazon et seront encore plus nombreux à s’envoler au soleil pour leurs vacances. La seconde perspective est celle qui voudrait que les entreprises décident de rapatrier une part substantielle de leur production à proximité de leur pays d’origine. Mais déplacer ne veut pas dire relocaliser, surtout si les acheteurs restent peu enclins à payer le surcoût d’une fabrication locale… C’est le changement climatique qui obligera les principales puissances à se rasseoir à la table des négociations. »*
Les commentaires sur le monde-fr nous éclairent :
Xavier :
Ce monsieur Charlet nous explique que rien ne changera parce que nous
ne le voulons pas vraiment. Mais si cette crise dure, il est question
d’endettement public stratosphérique en Europe, de chômage aux US,
d’inflation peut être… pas sûr qu’il soit seulement possible de
reprendre la même route après ça.
Michel
Sourrouille : Vincent Charlet est un fin dialecticien, il
dit que rien ne changera à cause du coronavirus, mais que tout
changera à cause du changement climatique. Il ne croit pas que nos
consommations ostentatoires vont cesser après le confinement, mais
il croit qu’on va enfin s’asseoir autour d’une table pour
réguler les émissions de gaz carbonique. Il a à la fois tort et
raison, tout dépend de l’échelle de temps qu’on considère. ll
y a eu une vie sans voiture individuelle il y a un siècle, il n’y
aura plus de voiture individuelles dans un siècle. Sauf que le
changement ne sera pas du principalement à la Covid-19, on
s’accommode très bien des morts humaines pendant une guerre ou
une pandémie ; mais on n’évitera pas la déplétion
pétrolière et les autres contraintes biophysiques dues à
l’épuisement des ressources naturelles. Vincent Charlet d’ailleurs
n’est pas dupe : « La catastrophe annoncée se sera
matérialisée sous nos yeux sans que nous n’ayons sans doute rien
fait. »
Claude
Danglot : La pandémie du Covid-19 est l’illustration
caricaturale de l’effet dramatique de la mondialisation et du
libéralisme sur les équilibres écologiques de la planète et sur
son réchauffement climatique. S’imaginer que les choses vont pouvoir
continuer « comme avant » alors que l’économie s’effondre
est d’une naïveté affligeante. L’économiste américain Kenneth
Ewart Boulding avait coutume de souligner : « Celui qui pense qu’une
croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde
fini est soit un fou, soit un économiste ……… Dans un système
ouvert, il est possible de concevoir n’importe quelle activité
humaine. Dans un système fermé, l’homme ne peut plus agir comme bon
lui semble s’il ne veut pas disparaître, dans le cas extrême, de la
surface de la Terre. »
GERONIMO
: Loin de la « pensée magique » habituelle des
collapsologues, Charlet
décrit bien le monde tel qu’il est. Le consommateur qui ira toujours
acheter au meilleur prix et le marché qui ira toujours produire au
moins coûteux,
l’emporteront toujours sur le citoyen (qui n’est qu’un consommateur
comme un autre). Et pour les sceptiques, deux choses : 1/
Renoncerez-vous à vos ordinateurs bourrés de métaux rares et
produits en Asie pour $5/jour ? 2/ La terrible Peste Noire du XIVème
siècle qui a tué 50 % de la population européenne n’a changé ni
les institutions, ni les habitudes alimentaires, ni les échanges et
n’a pas mis fin ni même ralenti l’évolution de nos sociétés vers
une sortie lente du Moyen-Âge, deux longs siècles plus tard. Elle a
juste renforcée la peur en la « Colère de Dieu »… Ca ne
vous rappelle rien?
G
RICH : Le monde va changer graduellement même si les lobbys
se mettent en travers. On ne parle pas forcément d’autosuffisance
mais de sécurité d’approvisionnement. Il sera bientôt impossible
à des grands groupes pharmaceutiques d’avoir un seul fournisseur
au mépris des règles les plus élémentaires d’assurance qualité.
Il y aura des relocalisations pour raisons stratégiques. Le vrai
coût du transport sera progressivement affecté au prix des
produits. Enfin, les moyens digitaux vont amputer une partie de la
demande en voyage (voiture et avion).
Rosemonde :
Une partie de la population a déjà changé ses habitudes de
consommation, qui boycotte Amazon et l’agriculture intensive au
profit des AMAP, prend son vélo plutôt que sa voiture, prend des
locations en France plutôt que du all inclusive à Punta Cana, etc.
Beaucoup déjà consomment moins mais mieux, c’est à dire ne
s’achètent plus l’énième blue-jeans fait au Bangladesh mais payent
leurs tomates plus chères. Bref, des hommes et des femmes qui ont
une conscience et s’en servent. Il me semble que cette minorité va
croissante, et qu’elle est, en plus, portée par plusieurs catégories
sociales dont celle des leaders d’opinion…
Bergeist :
Sans dévoiler mon identité, je peux dire que j’enseigne dans des
très grandes écoles d’ingénieurs. Un constat : les 18-25 ans qui
ont tous (pour les français) le bac avec mention TB ont la ferme
volonté de changer ce monde, non pas du fait du coronavirus mais
parce qu’ils le considèrent comme pervers (il se trouve que c’est le
même mot en allemand et en français). Ainsi, 1/3 d’entre eux
s’étaient déjà engagés à ne plus JAMAIS prendre d’avion hors
obligation professionnelle à la rentrée d’octobre 2018. Un an et
demi plus tard, ils avaient tenu bon…
NKN :
Je confirme observer aussi dans les derniers recrutements des jeunes
diplômés bac+5 qui devraient être le fer de lance de nos
industries productivistes sont en fait déjà largement engagés dans
une évolution des modes de vie : plus d’avion, pas ou presque de
viande, vêtements d’occasion, etc. Ils n’ont pas attendu
l’évolution de l’offre des multinationales pour changer. Bien
sur il faut que jeunesse se passe mais parmi eux sont peut-être des
dirigeants de demain.
Pm42
: Oui, ils sont jeunes. Rien de nouveau. Voyez le bon coté des
choses : à une autre époque et dans un autre pays, ils auraient
fait gardes rouges pour améliorer le monde et vous auraient flagellé
en public afin de se débarrasser du passé.
Christophe
M : A l’issue de cette crise, et par effet cumulatif de
prises de conscience précédentes, non, Monsieur Charlet, la
majorité des Français ne se précipitera pas dès septembre pour
acheter un nouveau SUV, oui, une petite partie de la population aura
définitivement changer sa manière de s’alimenter, non, le dogme
économique financier ne sera plus l’unique étalon de la vie réelle
pour certains, oui l’utilité sociale de la vie économique deviendra
un critère de plus en plus prégnant. Ce n’est pas un grand soir qui
s’annonce mais plutôt une longue journée.
Marius
Albufera : L’ idée de relocalisation se heurte à un
constat: nous n’ avons pas suffisamment de ressources naturelles et
l’ opacité de la finance a été le moyen que nous avons trouvé de
les payer à ceux qui les possèdent au lieu de continuer à leur
extorquer comme nous avons fait depuis la colonisation (le
pétrole…). De la même façon, nous travaillons une heure pour
nous procurer un bien que d’ autres mettent 10 heures à produire: là
aussi, le tour de passe-passe financier nous permet de faire
travailler les autres pour nous. Sans mondialisation et sans masque
financier, c’ est la vraie taille de notre richesse qui va se
révéler…
*
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/apres-le-coronavirus-un-autre-monde-est-peut-etre-possible-mais-il-n-adviendra-pas_6036908_3232.htm