Dans notre société thermo-industrielle, le pétrole est le sang empoisonné qui véhicule dans nos activités ses méfaits sans nombre. Le cuivre est l’armature rouge de notre société électrifiée qui nous dispense de tout effort. L’or noir et l’or rouge se sont transformés en merde noire et rouge, c’est Charybde et Scylla. Mais les jours du pétrole sont comptés, les réserves s’épuisent inexorablement. Et les jours du cuivre suivront la même destinée. Les mailles de notre société trop complexe vont sauter les unes après les autres lors du grand effondrement….
Marjorie Cessac : « Au cœur de la compétition pour les minerais, le cuivre suscite une véritable frénésie d’achat, le métal rouge est essentiel à la transition énergétique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe une explosion de 40 % d’ici à 2040 de la demande mondiale. Serons-nous en mesure d’y répondre ? Le cuivre est le grand substrat invisible qui soutient le monde moderne tel que nous le connaissons. Sans lui, nous sommes littéralement laissés dans l’obscurité. Si l’acier fournit le squelette de notre monde et le béton sa chair, alors le cuivre est le système nerveux de la civilisation, les circuits et les câbles que nous ne voyons jamais mais sans lesquels nous ne pourrions pas fonctionner. A eux seuls, les véhicules électriques et leurs batteries devraient absorber un tiers des futurs besoins, chaque voiture ne nécessitant pas moins de 80 kilos à 100 kilos de cuivre.
Certes les réserves de cuivre sont passées en l’espace d’un siècle de 50 millions de tonnes reconnues dans le monde à 870 millions. Mais la question qui se pose n’est plus de savoir s’il y a assez de métaux dans notre sous-sol pour réaliser la transition écologique mais si nous pouvons les extraire de la croûte terrestre à une vitesse qui correspond au rythme de développement que nous nous sommes fixé. Selon l’AIE, respecter l’accord de Paris nécessite que pas moins de quatre-vingts mines soient mises en production et que tout cela ait démarré au cours des deux prochaines années… alors qu’il s’écoule en moyenne dix-sept ans entre la découverte d’un gisement et la première production. Seules quatre découvertes ont pu être réalisées depuis 2015, contenant toutes ensemble à peine deux ans de consommation mondiale. Ajoutons la baisse de la teneur des gisements exploités. En un siècle, la part de minerai contenue dans la roche s’est réduite de 3 % à 0,7 %, obligeant les compagnies à extraire toujours plus de tonnages pour obtenir les mêmes quantités de métal. Le gigantisme entraîne une augmentation considérable des déchets produits. Une exploitation industrielle de taille moyenne va produire à terme des centaines de millions de mètres cubes de boues polluées aux métaux lourds et provoquer l’acidification pérenne du milieu.
La mine est en concurrence avec des usages du sol et de l’eau. Une mine de cuivre industrielle à ciel ouvert de taille moyenne a aujourd’hui besoin d’environ 500 litres d’eau par seconde et ces extractions ne bénéficient que très peu aux populations locales. Souhaite-t-on maintenir le même train de vie ? La sobriété si nécessaire reste la grande absente de la politique européenne sur les métaux. »
Le point de vue des écologistes (anti)extractivistes
Rumi : Cet article démontre, une fois de plus, que l’obsession écolo détruit la planète. Sauf à revenir dramatiquement au Moyen âge. Un recul que les gouvernements, sous la pression des lobbies écolos, baptisent sobriété.
Isa @Rumi : du coup sur le sujet du réchauffement climatique, que proposez-vous concrètement, avec quels échéances et garanties sur les objectifs ?
Moussila : Rumi, c’est la croissance matérielle qui détruit la planète. Les écologistes ne veulent pas du réchauffement climatique, les croissancistes essaient de trouver une solution. Or leur solution est trop intensive en métaux. Il n’y a pas de solution technologique miracle ! Décroître est la seule option.
Jojolama : Donc les GES tuent la planète, mais l’électrification par les renouvelables aussi. Il va falloir sérieusement se pencher sur ce dilemme. Non, je déconne, c’est trop tard, on va s’en prendre plein la tronche d’ici peu de temps.
GeorgesL : Pour les vieux la meilleure solution est de continuer comme avant en pensant à autre chose. Et très peu de jeunes ont déjà compris ce qui les attend.
Jamie : Pas de transition écologique avec un parc exponentiel de véhicules électriques. Seule la décroissance et la sobriété peuvent nous sortir de notre course vers le désastre.
Michel SOURROUILLE : Quelle est la capacité de résilience d’un système toujours plus complexe et interdépendant ? Notre monde ultra-technicisé, spécialisé, globalisé pourrait-il résister à une débâcle, que celle-ci vienne de la raréfaction des ressources énergétiques et métalliques, des conséquences du changement climatique ou d’une nouvelle crise financière ? Au lieu de chercher une sortie avec plus d’innovation et de hautes technologies (high tech), nous devons nous orienter, au plus vite et à marche forcée, vers une société essentiellement basée sur des basses technologies (low tech). » in L’âge des Low tech de Philippe Bihouix (2014). Cet auteur aurait mérité d’être cité par l’article du MONDE…
Eric.Jean : Tous les articles sur les ressources énergétiques ou métalliques évoquent des échéances de pénuries à 20, 50 voire 100 ans. C’est à dire une seconde à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Une seule chose est sûre, la quantité de ressources disponibles est finie, on ne peut pas « créer » de cuivre ou d’ autres metaux sur terre sauf à croire à l’alchimie. La civilisation techno-industrielle n’a pas 150 ans. Il ne lui en reste pas plus, au mieux. Elle s’éteindra dans quelques générations et pour nos descendants ce sera un autre monde. Mais après tout on a construit des ponts, des aqueducs, des habitations en pierre, des pyramides, des cathédrales sans pétrole ni électricité. Il va juste falloir se retrousser les manches.
En savoir plus grâce à notre blog biosphere
Sur ce blog biosphere, nous suivons les travaux de Philippe Biouhix depuis janvier 2011. La vertu première de Philippe est de nous aider à combattre notre paresse intellectuelle qui conclut trop souvent ainsi les discussions sur l’annonce des catastrophes: « On trouvera bien une solution. » C’est-à-dire une solution technologique. La high-tech aurait magiquement réponse à tout, le « progrès » de l’homme étant systématiquement réduit à celui de ses outils. Philippe Bihouix démontre que la solution technologique ne va pas de soi. Voici un florilège succincts de nos différents articles résumant sa pensée grâce à ses propres phrases :
10/10/2014 Résilience, un passage nécessaire par les low tech
extraits : Quelles techniques pour un changement radical ? Résilience et low tech… Les métaux, toujours moins concentrés, requièrent plus d’énergie, tandis que la production d’énergie, toujours moins accessible, requiert plus de pétrole. Le peak oil sera donc vraisemblablement accompagné d’un peak everything (pic de tout). »…
04/092014 Philippe BIHOUIX : Vive le low-tech, les technique simples
extraits : Si l’imagination fertile des êtres humains n’a pas de limites, les équations de la physique, elles, sont têtues. Plus on est high-tech, moins on fabrique des produits recyclables et plus on utilise des ressources rares dont on finira bien par manquer. Il est absurde de croire que les solutions technologiques pourront être déployées à la bonne échelle…
29/05/2014 Le coût incommensurable du démantèlement des centrales
extraits : Même si le « provisionnement », l’argent mis de côté pour le démantèlement des centrales nucléaires françaises, est correct – ce qui fait largement débat -, cela n’a pas de réalité matérielle…Je fais donc le pari (facile, vous ne viendrez pas me chercher) que nous ne démantèlerons rien du tout…
11/02/2014 Dans les entrailles de la machine mondiale à expresso
extraits : J’achète un téléphone portable en France, et ce faisant j’ai exploité des mineurs du Congo, détruit des forêts primaires de Papouasie, enrichi des oligarques russes, pollué des nappes phréatiques chinoises, puis, 12 à 18 mois plus tard, j’irai déverser mes déchets électroniques au Ghana ou ailleurs. Le monde est devenu semblable à une immense machine à expresso, le modèle si pratique où la capsule de café vide disparaît dans les entrailles de l’appareil.
06/08/2012 La difficulté de démanteler la mégamachine !
extraits : Quelle différence, en termes de contenu technologique et de complexité technique, entre une centrale nucléaire et une éolienne industrielle de 5 ou 7 MW ? Ou plutôt un macrosystème de milliers d’éoliennes et de fermes photovoltaïques, reliées par des smart grids permettant à tout instant d’équilibrer offre intermittente et demande variable. Aucune ! On y trouve également des métaux farfelus, une production mondialisée exigeant des moyens industriels à la seule portée d’une poignée d’entreprises transnationales, une installation et une maintenance requérant des moyens exceptionnels (barges, grues, remorques spéciales…), ne pouvant s’appuyer que sur une expertise fortement centralisée, de l’électronique à tous les étages, etc. A mille lieues d’une production autonomie, résiliente, ancrée dans les territoires et maîtrisable par des populations locales…
17/08/2011 notre avenir, stagflation et âge de fer
extraits : Quel avenir veut-on laisser aux générations futures, un retour à l’âge de fer ? Un monde où quelques dizaines de millions de ferrailleurs-cueilleurs, survivants de la grande panne ou de l’effondrement, exploiteront le stock de métaux dans les décharges, des bâtiments délabrés et des usines à l’arrêt est une possibilité…
15/01/2011 Est-ce que LeMonde nous empapaoute ?
extraits : La complexité des alliages nous empêche de récupérer facilement les métaux lors du recyclage. Il y a 30 métaux différents dans un ordinateur portable. Avec 3000 sortes d’alliages au nickel, on comprend que l’organisation de filières de récupération sera douloureuse ! Enfin une partie des métaux n’est pas récupérable car nous en faisons un usage dispersif, pigments, additifs, couches minces…
En savoir encore plus grâce à notre blog biosphere
Bihouix, Low tech contre High tech
extraits : L’âge des Low tech de Philippe Bihouix en 2014. Il faudra monter les escaliers à pied, réduire la vitesse de nos trains et renoncer aux canettes en aluminium. Pour la lessive, il faudra attendre que le vent se lève pour faire tourner l’éolienne locale. Les journaux seraient à nouveau imprimés en noir et blanc et pourraient servir de papier hygiénique. Le recyclage du verre serait facilité par l’utilisation de verre blanc pour l’ensemble des usages, évitant les produits colorant le verre et rendant le tri impossible. Puisque le recyclage a ses limites….
Rêveries d’un ingénieur solitaire, Philippe Bihouix
extraits : Le bonheur était pour demain (les rêveries d’un ingénieur solitaire) en 2019. Philippe Bihouix complète son analyse antérieure des techniques douces. Ce qui de Thomas More à Gordon Moore sous-tend son raisonnement, c’est l’opposition entre les fausses utopies et le réalisme nécessaire aujourd’hui pour faire face à l’urgence écologique. Il bataille contre le techno-solutionnisme et fait une analyse bien documentée des hyperloop et autres fantasmes comme la conquête d’exoplanètes…