Horrible, je suis un affreux malthusien
Le texte suivant est le contre-pied parfait d’un article de George Monbiot paru dans Reporterre le 6 octobre 2009 : La surpopulation, un mythe
Surpopulation… Mythe ou réalité
Je suis un vieux riche blanc de peau ayant largement passé l’âge de la reproduction, je suis aussi un obsédé de la surpopulation mondiale. Ce n’est pas une coïncidence, mon statut me permet de réfléchir aux interactions. J’adore James Lovelock quand il déclare que « ceux qui ne voient pas que la surpopulation mondiale et le changement climatique sont les deux faces d’une même pièce, sont des ignorants ou des menteurs. Ces deux énormes problèmes environnementaux sont inséparables et discuter de l’un en ignorant l’autre est irrationnel ».
Il est vrai que les zones où la population a le plus augmenté sont celles où le taux d’oxyde de carbone s’est le moins élevé et vice-versa. En Inde, les foyers qui gagnent moins de 3 000 roupies par mois ne consomment, par tête, qu’un cinquième de l’électricité et un septième du carburant que consomment les foyers gagnant 30 000 roupies et plus. Mais il est aussi vrai que si 1 milliard de pauvres consommant très peu, c’est beaucoup plus que très peu de riches consommant trop. Surtout quand un pauvre veut avoir la climatisation. Certes la déforestation des pays pauvres est conduite par des opérations commerciales d’approvisionnement en nourriture animale pour les riches consommateurs. Mais beaucoup de pauvres contribuent à la déforestation en sacrifiant des arbres au bois de chauffe, pensez à Haïti déplumée et ses 415 habitants au kilomètre carré. Certes il y en a qui chauffent l’eau de leur piscine extérieure toute l’année. Mais à Mayotte il y a tellement de gens qu’il n’y a presque plus d’eau potable. La réalité est complexe.
La formule imparable IPAT mériterait d’être connue de tous, l’Impact écologique est égal à la Population x l’Affluance (niveau de vie) x la Technologie. Le super-yacht 118 Wally Power consommait 3.400 l/h à la vitesse de 60 nœuds, c’est presque un litre à la seconde. Mais au moins, les plus riches ont la bonne manière de ne pas faire trop d’enfants. Il n’y a pas de complot international de puissants qui tirent les ficelles dans les coulisses et qui décrètent que la croissance exponentielle de la population doit être enrayée au titre de la menace potentiellement désastreuse qu’elle représente sur tous les plans. C’est le rapport très documenté sur les limites de la croissance qui l’a écrit noir sur blanc en 1972. Population Matters au Royaume-Uni ou Démographie Responsable en France sont parmi les rares associations à vouloir décourager les gens de faire trop d’enfants au nom de la sauvegarde de la biosphère ; cela n’empêche pas du tout que d’autres associations, très nombreuses d’ailleurs, dénoncer l’impact délétère des inégalités de richesse. Il y a de fortes raisons sociales d’aider les femmes et les couples à gérer leur fécondité, et de fortes raisons environnementales étant donné le poids du nombre sur les ressources et la santé de la Terre.
N’oublions pas de parler de la célébrissime transition démographique : le taux d’accroissement de la population ralentit pour les populations économiquement aisées. C’est un schéma obsolète. Pour les exclus, encore faudrait-il qu’ils aient encore aujourd’hui accès au développement, ce qui est illusoire étant donné ce qu’on laisse aux générations futures, réchauffement climatique et déplétion des ressources. La population mondiale a dépassé 8 milliards en 2022, cela ne nous suffit pas, on va vraisemblablement atteindre un « pic » autour des 10 milliards. Ne faut-il pas s’interroger sur le fait que c’était déjà trop avec les 4 milliards atteint en 1974 ? On a depuis démontré de multiples manières que nous avons déjà dépassé les limites de la planète à supporter à la fois notre nombre, notre niveau de vie et notre technologie. Mais (presque) personne n’envisage à la fois une sobriété démographique, une décroissance économique et encore moins une limitation de notre hubris technologique. Aujourd’hui on nous pousse faire plus de bébés pour faire face au vieillissement de certaines populations (même en Chine!), on accroît les inégalités de richesse et on veut construire toujours plus de centrales nucléaires. Il n’y a pas de limite à l’extravagance humaine, jusqu’à en faire exploser la biosphère. Elon Musk veut aller sur Mars et fait beaucoup d’enfants, les classes moyennes achètent un SUV pour mener le gamin à l’école « en toute sécurité ».
Celui qui, ayant compris l’interdépendance entre surpopulation, surconsommation et suraccumulation du capital, persiste encore à considérer que la démographie n’est pas un vrai problème n’est qu’un bonimenteur, si ce n’est une éminence grise du croissancisme actuel. Il nous empêche d’agir dans tous les domaines pour enrayer la catastrophe en marche. C’est une espèce de négationnisme, blâmer le malthusien en laissant croire que seuls les excès des riches importent.
Heureusement les jeunes écolos font aussi de l’action directe contre les super-yachts et les jets privés. Il y en a même qui se font stériliser pour ne pas mettre au monde un enfant de plus sur une planète exsangue. Il est temps que nous ayons le courage de nommer les solutions. Faire l’amour et moins de bébés ; boire de l’eau du robinet ; et se déplacer de préférence à pied.
Michel Sourrouille
Voici les livres qui ont été publiés, en collectif et/ou sous mon nom.
Moins nombreux, plus heureux – l’urgence écologique de repenser la démographie (13 coauteurs, Sang de la Terre, 2014)
Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable (Edilivre, 2022)
Surpopulation… Mythe ou réalité ? (23 coauteurs, Edilivre, 2023)
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