anthropisation

Le modèle danois en matière de non-immigration

Démobilité, je crie ton nom. Les migrations de masse sont encore de saison sur une planète close et saturée d’humains. C’est pourquoi le problème de l’immigration n’est qu’une infime fraction de l’impasse dans laquelle nous a mené le mythe de la mobilité comme droit absolu.  En 1968, 2 % seulement de l’humanité franchissait une frontière, 60 millions de personnes. Aujourd’hui 20 %, soit un milliard et demi. Pourtant aux temps d’Adam Smith et Ricardo, au début du XIXe siècle, ce n’était pas les humains qui se déplaçaient d’un pays à l’autre, uniquement les marchandises…

La croissance contemporaine des mobilités nous a été présentée comme l’incarnation de libertés nouvelles, c’est devenue une puissante menace environnementale. L’époque est à la fermeture des frontières, les murs s’érigent un peut partout pour isoler des territoires et des peuples, les restrictions à la mobilité s’imposent mais diffèrent selon les pays.

Immigration : la « voie danoise » : Le Danemark, petit pays nordique de 5,6 millions d’habitants, affiche une des politiques migratoires les plus restrictives d’Europe. Le ministre danois de l’immigration, Kaare Dybvad, un social-démocrate : « Tous les partis de centre droit ou de centre gauche devraient traiter le sujet de l’immigration pour être sûrs qu’on garde le contrôle ». Il a salué en l’Autriche « [son] partenaire le plus ancien dans cette bataille européenne pour changer le système européen d’asile, qui est dysfonctionnel ». Le Danemark est très efficace pour renvoyer les gens dans leur pays d’origine. M. Dybvad a mentionné un taux de « 94 % » de « retours volontaires »… Aucun détenu n’a pour le moment été envoyé au Kosovo, où Copenhague prévoyait de louer 300 places de prison pour des étrangers condamnés. Pour le moment seulement.

Quelques points de vue

– Le Danemark est petit et loin des zones frontières, il ne recevra pas des milliers de clandestins chaque année …

– Combien d’embarcations d’immigrés ont atteint les côtes danoises ?

– Le Danemark est quand même passé de 5 à 20 % d’étrangers en à peine 20 ans, soit 1 million des 5 millions d’habitants…

– Il faut préciser que les Danois aident leur police en dénonçant les illégaux, c’est même un devoir.

– A une époque, la gauche voulait changer le réel. Aujourd’hui, elle se contente de répéter que « l’immigration c’est bien »!

– Recevoir d’importants flux migratoires comme le souhaitent les mecs de LFI, ça produit vraiment des résultats formidables.

– Accepter l’immigration extra européenne est un aveuglement qui pourrait amener la vraie extrême droite au pouvoir

– La LDH a publié un communiqué (13/04/2023) : « Une inquiétante opération militaro-policière est en train de se mettre en place à Mayotte, sous l’impulsion d’un ministre dont la tendance autoritariste et illibérale n’est plus à démontrer. »

– Prenez le RER D, allez à la sortie des écoles du 19ème et 20ème arrondissement de Paris, et on en rediscute.

Mes arrières-petits enfants pourront dire en tremblant :  » mes ancêtres c’étaient des accueillants « .

– Les villes ont été envahies par tous ces immigrés auvergnats ou bretons, ce fut tragique.

– Entre 1960 et 2021, le nombre d’habitants en Danemark est passé de 4,58 millions à 5,86 millions, soit une augmentation de 27,9% en 61 ans.

– La densité est de 137 hab. /km², le taux de fécondité de 1,67 enfants par femme, le taux de chômage est de 6,0%

– Qu’est-ce qui fait que les habitants de certains pays choisissent d’en partir en grand nombre ? La guerre et l’absence d’emploi.

– L’immigration n’est ni bien ni mal, c’est un fait. Qu’on encourage quand ça nous arrange (médecins, informaticiens) ou qu’on décourage quand ça ne va pas.

– Un immigré qui bosse bien vaut mieux à mon avis qu’un glandeur de souche qui bulle aux frais de l’État.

– Avec le réchauffement climatique, les migrations ne feront que s’accélérer si on n’aide pas massivement les pays d’émigration à faire leur transition.

– J’attends avec impatience les lois que prendra le Danemark contre la montée du niveau de la mer, qui le submergera dans moins de trente ans.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

La difficile gestion de l’immigration (avril 2023)

Réguler l’immigration, est-ce du racisme ? (mars 2023)

démographie et migrations environnementales (février 2023)

Démographie et immigration, 2 sujets tabous (janvier 2023)

Migration comme solution au déclin, délirant (2022)

L’arrêt forcé des migrations se mondialise (2021)

Politique écologique et migrations (2020)

Problème, anti-migrants ou anti-immigration ? (2020)

LFI hésite à parler vrai sur la fin des migrations ! (2018)

Immigration, l’écologie politique est-elle humaniste (2018)

La fin des migrations sur une planète close et saturée (2018)

Une nouvelle dimension aux migrations, insupportable (2017)

Que faire pour limiter les flux d’immigration/émigration (2016)

L’immigrationisme pousse à la guerre de tous contre tous (2016)

Liberté…, immigration – la France à l’heure des choix (2016)

Immigration, débat entre malthusiens et écosocialistes (2015)

Immigration : Europe passoire ou Europe forteresse ? (2015)

Le durcissement australien en matière d’immigration (2015)

Les Suisses ont voté halte à « l’immigration de masse » (2014)

En Suisse, le peuple devra trancher sur l’immigration (2014)

Fr. Hollande, l’immigration et la saturation de l’espace (2014)

La fin des migrations, en Europe et ailleurs (2013, Mayotte)

ECOPOP, limiter l’immigration pour protéger la nature (2012)

arrêt des migrations et ressources vitales (2011, Malek Boutih)

l’écologie contre les migrations (2011)

la fin des migrations (2010)

L’immigration fera l’identité nationale (2009)

immigration zéro (2007)

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Réduisons la production et la consommation !

Décroissance, sobriété, renoncements, réduction… de plus en plus de personnes prennent publiquement position pour une rupture radicale avec notre société consumériste vouée à l’échec. Ainsi cette tribune :

 Une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation est nécessaire

Alors que les dirigeants politiques se réunissent pour une deuxième conférence au Parlement Européen sur la manière de “dépasser la croissance économique », nous, universitaires et organisations de la société civile soussignés, voyons l’actuelle crise géopolitique comme une opportunité de se désengager d’une compétition socialement et écologiquement néfaste pour la remplacer par une coopération au service du bien-être.

Il n’existe aucune base empirique indiquant qu’il est possible de découpler globalement et suffisamment la croissance économique des pressions environnementales. La poursuite d’une croissance économique sans fin par les pays à revenu élevé est un problème car elle réduit ou annule les résultats des politiques environnementales. Le chaos climatique actuel et l’effritement de la toile de vie dont dépend notre société constituent une menace existentielle pour la paix, la sécurité hydrique et alimentaire, ainsi que la démocratie.

Passer à une économie post-croissance, ce n’est pas seulement survivre, c’est aussi prospérer. Cela appelle une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation, parfois appelée « décroissance », dans les pays qui outrepassent leurs ressources écologiques. C’est le projet de paix mondial de l’Europe pour répondre aux conflits mondiaux induits par sa croissance économique actuelle.

Dans le contexte des pays à revenu élevé, une empreinte réduite ne signifie pas une dégradation des conditions de vie. Les politiques de suffisance axées sur la sobriété, la réduction des ressources et la réduction du temps de travail peuvent augmenter considérablement le bien-être et réduire les pressions environnementales, ouvrant la voie vers une prospérité durable sans croissance.

Afin d’assurer la meilleure qualité de vie avec l’empreinte la plus faible, nous devons complètement changer les objectifs et les règles du jeu économique. Dans une économie post-croissance, l’accent mis actuellement sur la croissance quantitative serait remplacé par l’objectif de prospérer dans une économie régénératrice et distributive, une économie qui offre un bien-être qualitatif en répondant aux besoins de tous dans la limite des ressources d’une planète vivante – telle qu’élaborée dans le cadre de Doughnut Economics.

Les marchés se sont révélés mal équipés pour prendre les décisions les plus cruciales pour notre société. Afin que l’économie soit au service des citoyennes et citoyens, et non l’inverse, il faut leur redonner le contrôle de l’économie. Pour changer les règles du jeu, nous devons apprendre des initiatives déjà existantes. Par exemple, développer dans toute l’Union Européenne le modèle des coopératives à but non lucratif.

À la lumière de ces défis pressants et de ces opportunités stimulantes, nous appelons l’UE, ses institutions et États membres à mettre en œuvre :

  1. Des institutions européennes post-croissance : avec des structures permanentes à la Commission, au Conseil, au Parlement et au sein des États membres pour évaluer les stratégies et les trajectoires post-croissance.
  2. Un Green Deal européen de post-croissance : concevoir un nouveau programme phare articulé autour d’une approche de changement systémique qui aspire à créer un avenir florissant dans les limites planétaires, avec la décroissance comme phase de transition nécessaire vers une destination post-croissance.
  3. Des politiques de post-croissance fondées sur les quatre principes de :
    • Biocapacité : suppression progressive des combustibles fossiles, limitation de l’extraction des matières premières et mesures de protection et de restauration de la nature pour des sols, des forêts et autres écosystèmes marins et terrestres sains et résilients. Par exemple, un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, une loi pour un rapport juste et résilient aux ressources comprenant un objectif contraignant de réduction de l’empreinte matérielle et une restauration réelle de la nature basée sur des zones.
    • Équité : instruments fiscaux pour favoriser une société plus égalitaire en éliminant les extrêmes de revenu et de richesse, ainsi que les super-profits. Par exemple, un ISF climatique, et des revenus minimum et maximum.
    • Bien-être pour tous : accès sécurisé aux infrastructures essentielles via un État-providence amélioré et éco-sensible. Par exemple, l’accès à des services de base universels gratuits (y compris les droits humains à la santé, au transport, aux soins, au logement, à l’éducation, à l’égalité des sexes, à la protection sociale etc.), des garanties d’emploi, le contrôle des prix des biens et services essentiels.
    • Démocratie active : assemblées citoyennes mandatées pour formuler des stratégies de suffisance socialement acceptables et renforcer les politiques basées sur les limites écologiques, l’équité et le bien-être pour tous et un rôle plus important pour les syndicats. Par exemple, forum sur les besoins locaux, conventions sur le climat, budgétisation participative.

Cinq ans se sont écoulés depuis la première conférence « post-croissance ». Au sein de la société civile et du milieu universitaire, les idées critiquant la croissance sont de plus en plus fortes. Les détails de ces idées sont en cours de discussion au Parlement Européen et avec la Commission Européenne en ce moment. Des connaissances scientifiques et des idées politiques sont disponibles pour concrétiser les idées de décroissance et de post-croissance. Les crises auxquelles nous sommes confrontés sont également des opportunités pour créer un nouveau système qui peut assurer le bien-être de toutes et tous tout en permettant une vie démocratique florissante et un mode de vie plus lent mais plus doux.

Retrouver la liste complète des signataires ici.

Source : Un Projet de Décroissance
www.Projet-Decroissance.net

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La Décroissance dans les colonnes du MONDE

« La marée qui monte soulève tous les bateaux. » Pendant des décennies, cette phrase de John Fitzgerald Kennedy a exprimé le consensus autour de la croissance économique. C’est ne pas connaître le fonctionnement de notre planète que d’ignorer qu’après la marée haute, il y a la marée basse… c’est ignorer la réalité économique que croit que la croissance peut perdurer alors qu’elle aboutit nécessairement à une récession et parfois même à une dépression ou à une crise profonde comme celle de 1929. Saluons tout article qui parle de la décroissance comme d’une réalité incontournable…

Jean Pisani-Ferry : Concrètement, le PIB ne fournit pas une bonne mesure du bien-être, et on ne peut pas le prendre pour guide dans le pilotage de la transition, puisqu’il ignore la notion même de soutenabilité. C’est dans les années 1970, avec le rapport du Club de Rome (1972), titré « Les limites de la croissance », que le culte du PIB a commencé d’être mis en cause et qu’est apparu le thème de la décroissance. Mais il a fallu attendre la première décennie de ce siècle pour que la critique s’affirme. En 2009 paraissent coup sur coup le livre de Tim Jackson Prospérité sans croissance et le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi sur de nouveaux indicateurs. Mais ces efforts n’ont pas débouché sur un substitut satisfaisant au produit intérieur brut (PIB). Les tableaux de bord fondés sur une multiplicité d’indicateurs ne suscitent guère que l’indifférence. L’indicateur de développement humain (IDH) publié par les Nations unies a l’avantage d’illustrer de manière saisissante que prospérité partagée et croissance ne se confondent pas, mais il n’est pas médiatisé. L’Insee envisage aujourd’hui la publication de comptes nationaux « augmentés », qui comprennent notamment une mesure du PIB ajusté des dommages induits par les émissions de gaz à effet de serre.

Lire Prospérité sans croissance (la transition vers une économie durable) de Tim Jackson (2010)

Le point de vue des écologistes qui savent compter

Lorsque l’économie croît, elle devient plus grande. Et donc, cher économiste, à quel point ce quelque chose pourrait-il être grand à l’avenir ? Cette question n’est pas du tout posée. Il y a certes le flux de biens et de services (le PIB), mais il y a également le flux métabolique des matières et d’énergie qui part de sources environnementales, traverse le sous-système économique de la production et de la consommation et qui revient dans l’environnement sous forme de déchets. Les économistes se sont focalisés sur le ¨PIB, ils ont négligé ce « throughput ». Le sous-système économique a donc acquis une taille réellement grande quand on le réfère à l’écosystème sur lequel il s’appuie.

Il y a fort à parier que certains pays sont désormais entrés dans une ère de croissance non économique qui accumule plus rapidement ses impacts négatifs qu’elle n’accumule de la richesse. C’est la raison pour laquelle on ne peut faire appel à la croissance pour combattre la pauvreté. Bien au contraire, elle rend plus difficile la lutte contre la pauvreté ! Rappelons que le PIB n’est pas une mesure adéquate de la production car il comptabilise en bienfaits tous les maux de la croissance et, bien plus, ignore ce qu’il faut appeler « déséconomies externes » (l’extinction de la biodiversité par exemple) et, encore plus grave, se fout complètement du sort des générations futures.

Tim Jackson en 2009 remet l’économie dans son contexte global : « L’équation de Paul Ehrlich nous dit très simplement que l’impact I des activités humaines est le produit de trois facteurs : la taille de la population P (+ 1,4 % par an depuis 1990) ; son niveau d’abondance A (+ 1,4 %) exprimé sous la forme du revenu par personne, et un facteur technologique T qui mesure l’impact associé à chaque dollar que nous dépensons (baisse moyenne de l’intensité en carbone de 0,7 %). Donc I = 1,3 + 1,4 – 0,7, ce qui implique une augmentation des émissions de carbone de 2 % par an, soit une augmentation depuis 1990 de 40 %. D’ici 2050, il faudrait pourtant que le contenu moyen en carbone de la production économique soit inférieur à 40 g de CO2 par dollar, soit 21 fois moins que la moyenne mondiale actuelle. Pour être franc, il n’existe à ce jour aucun scénario de croissance permanente des revenus qui soit crédible, socialement juste, écologiquement soutenable dans un monde peuplé par neuf milliards d’habitants en 2050.

L’idée de courir toujours plus vite pour échapper aux dommages que nous causons déjà est, en soi, une stratégie qui sent la panique. Il faut noter qu’un tel monde resterait profondément inégalitaire…  N’existe-t-il pas un stade où « assez, c’est assez », un point à partir duquel nous devrions arrêter de produire et de consommer autant ? ».

Bien entendu son message est resté ignoré pendant plus de dix ans, on commence juste à parler un tout petit peu de sobriété !

Quant au rapport Stiglitz sur de nouveaux indicateurs, voici comment il a été mis en chantier en 2008 lors d’une conférence du président Nicolas Sarkozy : « C’est avec la volonté de mettre en œuvre une politique de civilisation que je souhaite engager une réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives. Car, si nous restons prisonniers de la vision restrictive du PNB (Produit national brut), nous ne pouvons pas espérer changer nos comportements et nos façons de penser. Si les critères, les indicateurs de la richesse restent les mêmes, comment allons nous changer notre façon de produire et de réfléchir ? (…) Si nous voulons favoriser un autre type de croissance, il faut changer notre instrument de mesure de la croissance. »

Mais c’était un leurre, jamais Sarkozy n’a montré la moindre contestation de la croissance économique, et ses successeurs au poste suprême, Hollande et Macron, n’ont pas fait mieux et même parfois beaucoup plus mal.

La Décroissance sur notre site biosphere de documentation des écologistes 

2015 Décroissance, vocabulaire pour une nouvelle ère (collectif)

2013 Politiques de la décroissance (pour penser et faire la transition) de Michel Lepesant

2013 Les précurseurs de la décroissance, Epicure, Charles Fourier (nouvelle collection au passager clandestin)

2013 Penser la décroissance (politiques de l’Anthropocène) par collectif

2011 La décroissance heureuse (la qualité de la vie ne dépend pas du PIB) de Maurizio Pallante

2011 Décroissance versus développement durable (ouvrage collectif)

2010 ENTROPIA n° 9, contre pouvoirs et décroissance

2010 L’avenir est notre poubelle (l’alternative de la décroissance) de Jean-Luc Coudray

2010 ENTROPIA n° 8, Territoires de la décroissance

2010 La décroissance (10 questions pour comprendre et en débattre) de Denis Bayon, Fabrice Flipo et François Schneider

2009 La décroissance économique (pour la soutenabilité écologique et l’équité sociale) par collectif

2008 La décroissance, Rejets ou projets ? (croissance et développement durable en questions) de Frédéric Durand

2008 Le choc de la décroissance de Vincent Cheynet

2007 Demain, la décroissance ! (penser l’écologie jusqu’au bout) d’Alain De Benoist

2007 petit traité de la décroissance sereine de Serge Latouche

2006 Le pari de la décroissance de Serge LATOUCHE

2003 objectif décroissance (vers une société harmonieuse) par collectif

2003 carnets de campagne de Clément Wittmann, candidat de la décroissance à la présidentielle 2002

1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN

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Décroissance, sobriété, donc renoncements !

Face à la crise environnementale, deux modèles s’opposent souvent : d’un côté, ceux qui croient que l’innovation va tout résoudre, dans une forme de solutionnisme qui fait abstraction des limites planétaires. Et de l’autre, ceux qui veulent en finir avec les technologies, en oubliant que nous sommes collectivement dépendants d’infrastructures et de chaînes logistiques sans lesquelles on ne peut plus survivre. Alexandre Monnin croit qu’un ligne médiane est possible, on peut toujours rêver !

Alexandre Monnin : « Les notions d’autonomie, de vivant ou de vernaculaire ne sont pas suffisantes pour penser la bascule d’un monde à 8 milliards d’individus. Il faut ajouter l’idée de renoncement n’est plus perçu comme un mot repoussoir. Mais nous manquons d’institutions et de dispositifs pour porter démocratiquement les nécessaires arbitrages. Je plaide pour une ligne de crête le renoncement ne doit pas être imposé à la population, mais démocratique ; il faut l’anticiper pour ne pas décider au pied du mur. Nous héritons de tout un tas d’infrastructures – sols pollués, usines désaffectées, centrales à charbon, déchets nucléaires, etc. – dont on ne peut pas maintenir l’activité mais dont il va falloir s’occuper très longtemps. Ce sont des « communs négatifs ».« 

Le point de vue des écologistes

« Arrière-plan malthusien ou réactionnaire », dixit Alexandre Monnin ! Encore un prof qui n’a pas lu Malthus et qui l’associe facilement aux réactionnaires alors qu’il reconnaît lui-même que nous avons franchi le cap de 8 milliards d’humains, multitude tellement difficile à faire vire que tous les maux annoncés par Malthus dès 1798 sont présents aujourd’hui : guerres, famines et épidémies.

Pour les « communs négatifs »,sans moyen de financer « démocratiquement » leur gestion à long terme, on les laissera en l’état, pollués et irrécupérables. Notre société thermo-industrielle n’est pas qu’une société de consommation, c’est surtout un machin à produire de déchets en tous genres qui seront donnés avec plaisir aux générations futures. Consommer, c’est surtout consumer.

Quant au mot renoncement, on avait déjà trouvé mieux avec « décroissance » et, plus récemment, « sobriété », mots qu’on peut décliner sur leur versant économique et démographique..

NB : Alexandre Monnin enseigne la « redirection écologique » et vient de publier « Politiser le renoncement » (Divergences, 160 pages, 15 euros).

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Hugo Clément ne mange pas de lapins

Une recension par citations du livre de Hugo Clément , « Les lapins ne mangent pas de carottes » (Fayard, 2022)

Chaque individu, quelle que soit l’espèce, accorde une importance prioritaire à sa propre survie et à celle de ses congénères. Quand il faut choisir, il est donc normal de faire passer l’intérêt vital d’un homme avant celui d’un autre animal. Pour autant il est vain de hiérarchiser les intelligences en plaçant la nôtre au sommet de la pyramide. Cela se traduit par l’exploitation sans limite, la cruauté infligée à ceux qui ne sont pas humains. C’est une erreur qu’il nous appartient de réparer.

Chaque jour en France, nous abattons trois millions d’animaux destinés à la consommation, 2000 par minutes, et encore ce nombre n’inclut pas les poissons. Même en rendant les normes d’abattage plus strictes et en multipliant les contrôles, tant que nous consommerons autant de viande les animaux ne seront pas traités comme des êtres sensibles, mais comme des objets.

Un végétalien utilise 1300 m² de surface agricole par an pour s’alimenter, quand un Français qui consomme 107 grammes de viande par jour, c’est la moyenne nationale, mobilise 4300 m². Un gros mangeur de viande, 170 grammes par jour, a besoin quant à lui de 6000 m² de surface agricole !

Réapparus en France après avoir été totalement éradiqués, les loups étaient 624 adultes en 2021 selon l’Office français de la biodiversité. L’État autorise l’abattage de 20 % chaque année, soit presque un quart de la population rayées de la carte ! La faune sauvage doit être « régulée » au risque de « proliférer ». On pourrait questionner la notion de « gestion » des écosystèmes prônée par l’espèce humaine, qui détruit environnement comme aucune autre auparavant. Nous surexploitons la nature et nous reprochons ensuite à la faune sauvage de perturber les activités humaines qui empiètent pourtant sur l’habitat des autres espèces.

Les chasseurs abattent environ 430 000 renards chaque année. Or personne en mange de renard. Il est légal de torturer un renard, un blaireau ou un sanglier. Si vous faites cela à un animal domestique ou à un animal tenu en captivité, vous risquez des poursuites judiciaires.

La colonisation humaine de tous les milieux provoque l’effondrement de la biodiversité. Je défends le concept de « libre évolution », permettre à la nature d’exprimer tous ses potentiels, la laisser fonctionner sans qu’on cherche à la gérer ou à obtenir une rentabilité économique. Pour cela il faut préserver certaines zones.

On compte moins de 4000 tigres dans la nature, alors qu’ils sont près de 14 000 en captivité.

Le terme d’animaux dits « nuisibles » peut faire sourire, s’il y a une espèce nuisible sur cette planète, c’est bien la notre. Nous sommes les seuls à détruire l’environnement dont nous dépendons pour survivre, et à provoquer l’extinction des êtres qui partagent notre écosystème. De nombreux groupes criminels lorgnent le moindre espace naturel, les forêts sont détruites, le bois vendu et des cultures installées à la place des arbres.

« Dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y eut pas non plus place pour l’homme » (Romain Gary)

« Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir », disait Albert Einstein.

De nombreux militants qui tentent de protéger l’environnement, les ressources naturelles ou les papillons monarques sont assassinés.

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Les humains préfèrent bêtement les méduses

« Peut-être le destin de l’homme est-il d’avoir une vie brève, mais fiévreuse, excitante et extravagante, plutôt qu’une existence longue, végétative et monotone. Dans ce cas, que d’autres espèces dépourvues d’ambition spirituelle – les méduses par exemple – héritent d’une Terre qui baignera longtemps encore dans une plénitude de lumière solaire ! »

(La décroissance (entropie, écologie, économie) Nicholas Georgescu-Roegen, 1979)

L’une des plus grandes préoccupations des scientifiques tient dans le fait que les états de référence (shifting baselines) ont changé pour de nombreux écosystèmes sous-marins. Cela signifie que des personnes visitent actuellement des environnements côtiers dégradés, et les qualifient de « magnifiques », sans se douter de ce qu’ils étaient avant. Voilà pourquoi il est si important de documenter comment les choses sont, et comment elles étaient. L’institut Scripps de conservation des océans et la SurfRider fondation ont organisé une campagne médiatique afin d’attirer l’attention sur le problème de changement des états de référence. Nous devons tous nous poser les questions suivantes : A quoi ressemblaient les océans ? Est-ce que mes préférences alimentaires participent à mettre la santé des océans en danger ? Certains biologistes marins déclarent même qu’avec la disparition des espèces désirables, seules les plus résistantes et les moins désirables vont persister, vraisemblablement les méduses et les bactéries.

shifting baseline, des références changeantes (2012)

« En Namibie, les quelque 10 millions de tonnes de sardines et d’anchois ont été surexploités. Leur population déclinante a laissé la place à 12 millions de tonnes de méduses. Partout les excès de la pêche ont décimé les grands prédateurs de la méduse – requins, thons, tortues luth – alors qu’elle-même dévore d’énormes quantités d’œufs et de larves de poissons. Les méduses sont des carnivores qui ne connaissent pas la satiété. Et les cnidaires (sauf les coraux) résistent à l’acidification des océans .… »

(LE MONDE du 25-26 mai 2014,

Les « attaques » de méduses se multiplient partout dans le monde)

« L’océan est à la fois confronté à une forte pollution, à la surpêche et au changement climatique. Pour illustrer l’effet en chaîne, j’aimerais vous raconter une histoire. En Namibie, il y avait énormément de sardines – des millions de tonnes !- et beaucoup d’anchois. Dans les années 1980, ces espèces ont fait l’objet d’une surexploitation intense et ont été presque décimées. Il s’est alors produit un changement écosystémique : on a observé l’explosion de deux espèces de méduses extrêmement rares auparavant, dont les populations gigantesques pèsent aujourd’hui entre 20 et 40 millions de tonnes. Depuis les sardines ne sont pas revenues. Si vous retirez certaines composantes de l’écosystème, vous obtenez une explosions des populations de méduses. C’est une phénomène que l’on constate en mer Noire, dans la mer de Bohai en Chine, au Japon et dans beaucoup d’autres endroits. On commence aussi à l’observer en Méditerranée. »

(Philippe Cury, dans le livre « Dernières limites »,avril 2023)

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Portraits croisés de Décroissants

L’Observatoire de la post-croissance et de la décroissance (OPCD) a lancé sa revue Mondes en décroissance :

https://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/

Accessible gratuitement en ligne, voici les contributions (résumées) de trois contributeurs.

Serge Latouche : La décroissance a 20 ans. Le terme a d’abord été utilisé dans le titre d’un livre recueil de textes de Georgescu-Rogen par Jacques Grinevald et Ivo Rens en 1979. Le projet a pris forme en France entre la parution d’un numéro de la revue Silence en février 2002, le colloque de La Ligne d’horizon à l’UNESCO « Défaire le développement refaire le monde » fin février, début mars 2002 et celui de Casseurs de pub à Lyon en septembre sur la décroissance, suivi du lancement du journal éponyme. La pandémie et l’urgence climatique aidant, la décroissance a refait surface ces derniers temps et s’est invitée dans le débat politique français avec Delphine Batho en vue des élections présidentielles de 2022. Le président Macron lui-même déclarait à Marseille le 16 avril 2022 : « Je veux être clair avec vous, je ne crois pas en la décroissance, au contraire il nous faut produire et travailler davantage… Les avions sans émission “zéro carbone”, les trains hydrogène, la voiture électrique produite en France, les éoliennes en mer produites en France, les mini réacteurs [nucléaires] et tant et tant d’autres solutions. »La volte-face opportuniste récente du même Macron avec la farce de la sobriété a au moins le mérite d’avoir fait de la décroissance un objet médiatique incontournable.

Faire le bilan de vingt ans de décroissance, c’est aussi rendre compte du passif. La stratégie de délégitimation de la décroissance la plus efficace consiste sans doute à la taxer d’écologie punitive. Ceux qui par intérêt, comme les négationnistes du climat, ou par opportunisme comme les écologistes médiatiques dénoncent la décroissance comme écologie punitive manifestent en fait leur refus d’assumer le coût symbolique ou réel de la rupture. Les lobbies du productivisme et du consumérisme cherchent à empêcher par tous les moyens l’adoption de toute mesure écologique s’attaquant aux situations dommageables pour l’environnement mais profitables, en multipliant les études orientées, voire en falsifiant carrément les données. Mais alors, il faut admettre qu’il n’y a pas de transition écologique réelle possible et que toute politique environnementale se limite à l’écoblanchiment (greenwashing). C’est une telle stratégie d’instrumentalisation qui a été menée également avec l’économie circulaire, qui est devenue la base du green deal, la doctrine de la Commission européenne. Les dirigeants, tout en multipliant les déclarations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre veulent maintenir, voire en accroître encore les causes : tourisme de masse, transports aériens, agriculture productiviste. On ne peut que reprendre la fameuse formule de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

Le décalage entre l’audace inattendue des propositions faites par les 150 citoyens tirés au sort de la convention citoyenne sur le climat et la frilosité du monde politique interpelle. Avant, la catastrophe possible, c’était une illusion et il convenait de ne rien faire. Maintenant, il n’y aurait plus rien à faire, sinon s’adapter (la résilience) ou attendre un miracle technologique (géo-ingénierie ou trans-humanisme). De l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini découlait, pour Nicholas Georgescu-Roegen, la nécessité de faire une bioéconomie, c’est-à-dire de penser l’économie au sein de la biosphère. Le programme a été dévoyé, la situation dans l’ensemble continue de se dégrader à tel point qu’on peut se demander si l’effondrement n’est pas déjà en marche.

Caroline GOLDBLUM : Le combat pour la survie de l’espèce et le combat des femmes pour leur libération, c’est la question démographique. C’est la base même d’une plate-forme écologie-féminisme. La mutation de société que nous propose Françoise d’Eaubonne a une proximité manifeste avec l’idéologie du mouvement actuel de la Décroissance. Depuis 1974, elle est à la tête d’un groupe de femmes organisé autour du Front féministe (devenu en 1978 le mouvement de réflexion « Écologie-féminisme »). Pour lutter contre la surpopulation, conséquence du « lapinisme phallocratique », ce groupe préconise la « grève des ventres » c’est-à-dire la décision par les femmes d’arrêter de procréer pour l’année 1979. Les femmes doivent prendre en main la gestion de la planète en se réappropriant leur fécondité et l’exploitation des sols. Pour cela, les méthodes de contraception doivent être universellement démocratisées et l’avortement libre et gratuit. En France, cette revendication est celle des Mouvements pour la défense de l’avortement et de la contraception (MLAC) qui se sont créés à partir de 1973 dans toutes les grandes villes ouvrant la voie au vote de la loi Veil un an plus tard. C’est aussi en 1974 que la pilule (loi Neuwirth, 1967) peut être remboursée et délivrée aux mineures. La seule solution à l’inflation démographique, c’est la libération totale des femmes, et partout à la fois, et non pas la manipulation anti-nataliste de celles qui appartiennent au camp défavorisé, et y sont défavorisées entre toutes.

« Quand on sait ce que coûte à des ressources déjà si compromises et si abîmées la naissance d’un seul enfant des pays les moins surpeuplés (ceux du bloc capitaliste – privé) par rapport à un enfant de l’autre camp, le sous-développé, et qu’un petit Américain ou Suisse va détruire davantage que dix Boliviens, on mesure avec précision l’urgence d’un contrôle démographique mondial par les femmes de tous les pays : ceux d’économie capitaliste privilégiée et ceux dits si pudiquement « en voie de développement » » (1978).

Vincent Liegey : Dès ses débuts, l’un des piliers majeurs de la décroissance est la démocratie. C’est d’ailleurs toute la distinction qui est faite entre une décroissance choisie, planifiée, démocratiquement décidée et organisée et la récession subie, conséquence d’une société de croissance sans croissance. L’expérience de la convention citoyenne pour le climat, avec le tirage au sort de 150 citoyennes et citoyens a démontré la justesse de cette intuition première.

Le second grand pilier de la décroissance est celui du partage. En effet la croissance a permis de repousser à toujours plus tard la question des inégalités, acceptées du fait de la promesse qu’il y aurait toujours plus de surplus demain. Avec la fin de la croissance, il est crucial de mieux partager.

Il s’agit enfin d’explorer les communs ou comment repenser la propriété. C’est le troisième pilier majeur de la décroissance : comment ré-enchâsser l’économie dans l’écologie, la remettre à sa place.

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Le message actualisé du rapport Meadows

Quel était vraiment le message du rapport Les limites à la croissance (LC) de 1972 ? Et ce message a-t-il une quelconque pertinence aujourd’hui ‑ 50 ans plus tard ?

Jorgen RANDERS : LC avait observé que l’impact environnemental de la société humaine avait augmenté de 1900 à 1972 à cause de la croissance de la population mondiale, de l’utilisation des ressources et de l’impact environnemental par personne. Cette hausse s’est poursuivie depuis 1972, l’empreinte écologique humaine totale augmente encore, poussée par l’augmentation de la population mondiale et de la consommation matérielle.

Quand les limites approcheront, la société passera d’abord du temps à discuter de sa réalité mais pendant ce temps, la croissance continuera et mènera l’empreinte écologique en territoire insoutenable. Ceci est exactement ce qui s’est passé dans l’arène climatique mondiale (les COP). En résumé, LC avait déclaré que la croissance de l’empreinte écologique ne sera arrêtée qu’après le dépassement du niveau soutenable. Ce message de « dépassement causé par les retards de décision » n’a pas été retenu par le lectorat de LC. Mais en 2016, la demande humaine sur la biosphère avait déjà dépassé la biocapacité mondiale d’environ 50 %. Le monde d’aujourd’hui est en profond dépassement. L’humanité devra revenir en territoire durable. Soit par le biais d’un « déclin organisé » vers des niveaux d’activité durables, soit par un « effondrement » vers les mêmes niveaux, causé par le travail de la « nature » ou du « marché ». Un exemple de la première solution consisterait à limiter administrativement les pêches annuelles de poissons au niveau de la pêche durable, l’autre solution serait l’élimination des communautés de pêcheurs parce qu’il n’y a plus de poisson. L’exemple le plus célèbre d’« effondrement » est celui de la pêche à la morue au Canada après 1992, après deux décennies sans pêche, le stock de poissons ne s’est toujours pas reconstitué. 

Onze des douze scénarios du LC exploraient diverses solutions au défi du dépassement. Le dernier scénario – l’équilibre global – montrait comment le dépassement et l’effondrement pouvaient être évités, du moins en principe. Traduit en politiques concrètes, cela signifie qu’il faut légiférer pour limiter la taille de la population et la consommation de matières premières par habitant. Or nous savons aujourd’hui qu’aucune action réelle visant à prévenir le dépassement n’a été mise en place (dans le monde réel) en 1975. Aucun effort majeur n’était non plus en cours en 2000. Au cours des 20 dernières années, le nombre de mesures statistiques indiquant que l’humanité a dépassé les limites planétaires et continue de s’en éloigner n’a cessé d’augmenter. Le terrain se prépare à l’effondrement ou à la contraction, ou idéalement, à la contraction planifiée. Le changement climatique apparaît comme le principal défi.

Le message de LC est-il pertinent aujourd’hui ?

Gaël Giraud travaille actuellement sur un modèle qui s’inspire de celui de l’équipe Meadows : « Ce rapport ne disait rien en ce qu’il advient en termes de dette, de chômage, d’inflation, etc. Or ce sont des signaux économiques dont nous avons besoin pour pouvoir prendre des décisions. De plus LC n’incluait pas le réchauffement climatique, à l’époque les données n’étaient pas disponibles. Nous essayons donc de faire un travail complémentaire qui inclut l’aspect économique et climatique. Les conclusions que nous obtenons sont assez similaires à celles du rapport Meadows.

Si nous ne changeons pas radicalement de trajectoire, des régions entières de la planète vont devenir inhabitables pour l’humanité avant la fin de ce siècle. Par exemple une combinaison de pics de chaleur et d’humidité est létale pour le corps humain : si vous êtes exposés pendant plus de six heures à une température de 40°C et à plus de 25 % d’humidité, vous mourez. Nous démontrons que dans le cas d’un scénario « business as usual »,  la totalité de l’Amazonie, une grande partie de l’Amérique centrale, tout le littoral indien et la quasi-totalité de l’Asie du Sud-Est deviennent inhabitables. Ce qui signifie des migrations colossales.

Le rapport Meadows est pleinement d’actualité dans sa méthode et dans ses conclusions. La dernière vérification en date des scénarios Meadows par Gaya Herrington suggère que la fenêtre qui nos permettrait d’échapper aux catastrophes est en train de se refermer au cours de cette décennie 2020.

(extraits du livre « Dernières limites », édition rue de l’échiquier, 2023)

Les raisons du refus de voir la réalité biophysique

  • Nombreux sont ceux qui pensent que la croissance économique continue est la seule solution possible pour répondre aux trois besoins humains légitimes que sont a) un revenu décent, b) le plein emploi et c) la sécurité de la vieillesse pour tous.
  • Beaucoup croient que le progrès technologique résoudra tous les problèmes de ressources et de pollution (à l’avance).
  • Beaucoup ne comprennent pas que la croissance économique (croissance de la valeur ajoutée = croissance du PIB) puisse se produire sans croissance de l’empreinte écologique. 
  • Nombreux sont ceux qui considèrent toute interférence avec le moteur de la croissance économique comme une tentative, par les riches, de maintenir les plus pauvres à terre.

Il est vrai que ce qu’il faut faire n’est pas rentable du point de vue des investisseurs et nécessitera des changements structurels auxquels s’opposent ceux qui perdront leur emploi ou leur source de profit. Un État actif œuvrant pour le bien commun, cela ne sera pas facile dans un monde d’individualistes réfléchissants à court terme.

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Tout savoir sur les limites de la croissance

Voici une présentation générale suivie d’un résumé du rapport au club de Rome sur « les limites de la croissance » de 1972.

Élodie VIEILLE-BLANCHARD : Cinq choses que vous ignoriez (peut-être) sur le rapport des Limites à la croissance

1) Le rapport des Limites est issu du projet d’Aurelio Peccei, l’industriel italien qui a fondé le Club de Rome

En 1968, âgé de soixante ans, Peccei fonde une organisation consacrée aux « grands problèmes du monde », le Club de Rome. À cette époque, l’enthousiaste manifesté jusque-là pour ce développement laisse la place à une interrogation sur ses effets sociaux et écologiques, et à une inquiétude concernant le risque d’éclatement d’un monde où ce développement procède à des rythmes extrêmement différents, selon les régions. Peccei semble également très marqué par les préoccupations de l’époque : « explosion démographique » (l’ouvrage de Paul et Anne Ehrlich, La Bombe P est publié en 1968), mais aussi épuisement des ressources, pollutions, et prolifération nucléaire.

2) Le rapport des Limites et le modèle mathématique World 3 ont été élaborés en très peu de temps, par une très jeune équipe de chercheurs

En 1970, Peccei rencontre Jay Forrester, ingénieur de formation et fondateur de la Dynamique des Systèmes, une méthodologie de modélisation destinée initialement à gérer les stocks et les flux dans les entreprises.Sur la demande de Peccei, il traduit la Problématique en un modèle mathématique du monde, structuré autour de cinq grandes variables globales : population, ressources, production industrielle, production agricole, pollution. Des équations décrivent comment ces variables interagissent les unes avec les autres. Le rapport The Limits to Growth  est publié en mars 1972.

3) Le rapport avait une vocation heuristique, plutôt que prédictive

Le rapport des Limites est structuré autour de plusieurs « scénarios » : tout d’abord le scénario « business as usual », dans lequel les tendances historiques se poursuivent sans que rien soit fait pour les infléchir ; puis la famille des scénarios technologiques, dans lesquels sont intégrées diverses hypothèses « optimistes »… le rapport avait pour but de dégager les conséquences de différentes hypothèses sur le comportement du modèle, et de saisir les dynamiques qui sous-tendent ce comportement sans « prédire » un effondrement du système planétaire aux alentours de telle ou telle date.

4) Le Club de Rome n’était pas franchement à l’aise avec les conclusions du rapport

Il est intéressant d’observer qu’un projet issu d’un groupe d’industriels et d’acteurs institutionnels de haut rang a débouché sur la publication d’un rapport appelant à faire cesser la croissance industrielle. C’est sans doute ce caractère paradoxal qui a expliqué l’avalanche de critiques, qui ont émané de la gauche, de la droite, du monde dit développé et des pays en développement, et même des écologistes.

5) Le titre de la traduction française du rapport initial comportait un point d’interrogation

En France, le rapport des Limites a initialement été publié sous le titre Halte à la croissance ? La première mise à jour du rapport, Beyond the Limits, publiée en 1992 aux États-Unis, n’a jamais été publiée en France. Quant à la seconde mise à jour, The Limits to Growth : The 30 -Year Update, publiée en 2004 aux États-Unis, elle a été traduite en français sous le titre Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et publiée à deux reprises, une première fois en 2013 aux éditions Écosociété et une seconde fois en 2016 aux éditions Rue de l’échiquier

résumé du rapport sur notre réseau biosphere

édition Fayard, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

Introduction

L’un des mythes les plus communément acceptés de la société actuelle est la promesse que la poursuite du processus de croissance conduira à l’égalité de tous les hommes. Nous pouvons démontrer au contraire que la croissance exponentielle de la population et du capital ne faisait qu’accroître le fossé qui sépare les riches des pauvres à l’échelle mondiale. Dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en effet en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court.

La plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est retreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. Pour examiner la problématique mondiale de l’écosystème, nous avons choisi la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay W. Forrester au MIT. Il n’est cependant par nécessaire d’être un spécialiste de l’informatique pour appréhender nos conclusions et les discuter. Ce que nous cherchons, c’est à ouvrir largement le débat.

1/5) La variable démographique

La croissance de la population humaine obéit à une loi exponentielle. En 1650, la population s’élevait à quelque 500 millions d’habitants et augmentait d’environ 0,3 % par an, ce qui correspond à un temps de doublement de 250 ans. En 1970, la population du globe atteint 3,6 milliards et le taux de croissance 2,1 % ; le temps de doublement n’est plus que de 23 ans. Nous pouvons nous attendre à un chiffre global de l’ordre de 7 milliards d’humains aux environs de l’an 2005 (ndlr : ce chiffre est atteint le 31 octobre 2011). La population a mis plus d’un siècle pour passer de un à deux milliards, trente ans plus tard nous avons dépassé le troisième milliard et nous disposons d’à peine vingt ans pour accueillir le quatrième milliard (ndlr : il y a désormais 1 milliard de plus d’habitants tous les douze ans en moyenne). La rapidité des progrès techniques nous a permis jusqu’ici de faire face à cette démographie galopante, mais l’humanité n’a pratiquement rien inventé sur le plan politique, éthique et culturel qui lui permette de gérer une évolution sociale aussi rapide.

Que faudrait-il pour maintenir la croissance de la population ? La première condition concerne les moyens matériels indispensables à la satisfaction des besoins physiologiques. Les terres les plus riches sont effectivement cultivées de nos jours. Le prix d’un aménagement de nouvelles superficies serait si élevé que l’on a jugé plus économique d’intensifier le rendement des zones actuellement cultivées. Le manque de terres cultivables se fera désespérément sentir avant même l’an 2000. Les conséquences d’une multiplication par deux ou par quatre de la productivité des terres se traduisent respectivement par un ajournement de la crise à 30 ans et à 60 ans, ce qui correspond à chaque fois à un délai inférieur au temps de doublement de la population. Toute duplication du rendement de la terre coûtera plus cher que la précédente. Chaque crise successive sera plus dure à surmonter. Ce phénomène pourrait s’appeler la loi des coûts croissants. Pour augmenter de 34 % la production mondiale de denrées alimentaires entre 1951 et 1966, les dépenses se sont accrues de 63 % pour les tracteurs et de 146 % pour les engrais azotés. Parallèlement, la consommation annuelle de pesticides a triplé. La seconde condition comprend les nécessités sociales comme la paix et la stabilité sociale, l’éducation, le progrès technique. Notre rapport ne peut traiter explicitement de ces données socio-économiques.

Combien d’hommes notre planète peut-elle nourrir ? La réponse est liée au choix que la société fait entre diverses possibilités. Il existe une incompatibilité entre l’accroissement de la production alimentaire et celui de la production d’autres biens et services. Il apparaît actuellement que le monde se soit donné pour objectif d’accroître à la fois la population et le niveau de vie matériel de chaque individu. Aussi la société ne manquera pas d’atteindre l’une ou l’autre des nombreuses limites critiques inhérentes à notre écosystème, que ce soit les ressources non renouvelables ou la pollution par exemple. Une population croissant dans un environnement limité peut même tendre à dépasser le seuil d’intolérance du milieu au point de provoquer un abaissement notable de ce seuil critique, par suite par exemple de surconsommation de quelque ressource naturelle non renouvelable. Une colonie de chèvres ne rencontrant plus d’ennemis naturels épuise sa zone de pacage jusqu’à l’érosion des terres ou la destruction de la végétation. Pendant un certain temps, la situation est extrêmement dramatique car la population humaine, compte tenu du temps de réponse relativement long du système, continue à croître. Un réajustement à un niveau démographique plus bas ne pourra se produire qu’après une période de recrudescence de la mortalité par suite de carence alimentaire et de détérioration des conditions d’hygiène.

Le processus de croissance économique, tel qu’il se présente aujourd’hui, élargit inexorablement le fossé absolu qui sépare les pays riches des pays pauvres. Le plus grand de tous les obstacles à une répartition plus équitable des ressources mondiales est l’accroissement de la population. C’est un fait partout observé, lorsque le nombre de personnes entres lesquelles une quantité donnée de produits doit être distribuée augmente, la répartition devient de plus en plus inégale. Une répartition équitable devient en effet un suicide social si la ration individuelle disponible n’est plus suffisante pour entretenir la vie. Les familles les plus nombreuses, et en particulier leurs enfants, sont statistiquement ceux qui auront le plus à souffrir de la malnutrition.

2/5) La technologie et les limites de l’expansion

Il n’est pas question pour nous de vouer aux gémonies le progrès technique, nous-mêmes sommes des technologues, travaillant dans un Institut de Technologie (le MIT). Nous sommes aussi opposés à un refus irraisonné des bienfaits de la technologie que nous le sommes à une foi aveugle en son omnipotence : par d’opposition aveugle au progrès, mais une opposition au progrès aveugle.

L’espèce humaine s’étant trouvée à maintes reprises au cours de son histoire dans l’impossibilité de vivre confinée à l’intérieur de limites de nature matérielle, c’est son aptitude à franchir ces limites qui a constitué la tradition culturelle de la plupart des nations dominantes. Durant les trois derniers siècles des progrès technologiques spectaculaires ont reculé les bornes apparentes de la population et les limites de l’expansion. Il est donc normal que bien des gens continue à espérer des solutions techniques permettant d’élever indéfiniment le plafond qui limite matériellement la vertigineuse ascension de l’humanité. Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Cette foi en la technologie est un comportement dangereux car elle détourne notre attention du problème le plus fondement – celui de la croissance dans un monde fini – et nous empêche d’en rechercher les solutions. Il ne reste plus qu’à attendre que le prix de la technologie soit devenu prohibitif pour la société ou que surviennent des problèmes qui ne comportent aucune solution technique.

Lors de la mise en œuvre de toute technologie, les effets parallèles sont inséparables de l’effet principal. Prenons l’exemple de la Révolution verte. Son objectif est de combattre la faim dans le monde grâce à de nouvelles variétés de semences à haut rendement. La Révolution verte va accentuer les inégalités entre paysans quand celles-ci préexistent à son application. Les gros fermiers sont toujours les premiers à se saisir des innovations techniques. S’enrichissant, ils achètent de nouvelles terres, contraignant les paysans défavorisés à aller grossir les rangs des chômeurs citadins. C’est ce qui s’est passé au Pakistan occidental et au Mexique. Ces conséquences non prévues de la Révolution verte entraînent dans certaines régions un échec au plan social et humain. La longue liste des inventions humaines a abouti au surpeuplement urbain, à la détérioration de l’environnement et à l’accroissement des inégalités sociales.

D’autre part, bien des problèmes aujourd’hui ne comportent pas de solution technique, entre autres la course aux armements, le racisme, le chômage. Même si le progrès technologique dépasse toutes nos espérances, ce sera vraisemblablement l’un de ces problèmes sans solutions techniques, ou la combinaison de plusieurs d’entre eux, qui mettront un terme à l’accroissement de la population et des investissements. La croissance se trouvera bloquée par des phénomènes qui échappent au contrôle de l’homme et à ce stade, comme le modèle global le suggère, les inconvénients seront d’une nature et d’une gravité tout autres que ceux résultant de restrictions volontairement consenties.

3/5) interaction entre les cinq variables

Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire.

Il est possible que la généralisation des réacteurs à fusion permette d’accroître considérablement la durée d’utilisation de matériaux fissiles. La possibilité de traiter les minerais à faible teneur et d’exploiter les fonds marins se traduira par la duplication des réserves disponibles. Mais s’il n’y a pas de risque immédiat de pénurie de matières premières, la croissance se trouvera entravée par la pollution. La possession de ressources illimitées ne semble pas devoir être la clé d’une expansion continue.

On peut aussi penser qu’une société humaine ayant à sa discrétion les sources d’énergie pourrait mettre au point des techniques susceptibles d’empêcher la génération des polluants d’origine industrielle. Mais cette élimination totale se heurte à des impératifs économiques. Le coût de l’élimination des polluants croît vertigineusement en fonction du pourcentage éliminé. S’il y a contrôle de la pollution, la population et le produit industriel par tête augmentent au-delà du maximum précédent. L’effondrement du système est dû cette fois au manque de nourriture. Des terres arables sont transformées en zones industrielles ou urbaines, une partie des terres commence à s’éroder à la suite des méthodes de culture intensive. L’ultime limite du potentiel cultivable est atteinte. La population continue de croître, mais les quotas alimentaires individuels diminuent. Le taux de mortalité commence à croître.

La validité de notre modèle réside dans le fait que, quelles que soient les conditions initiales, il y a toujours un point sur le graphique où l’expansion s’arrête et où l’effondrement commence. Partout dans le réseau des interactions existent des délais sur lesquels les techniques les plus élaborées n’ont aucun effet. Les conséquences d’une politique de régulation des naissances ne pourront devenir sensibles qu’avec un retard de l’ordre de 15 à 20 ans. Le cycle de la pollution est très long, pour certains cancérigènes il peut atteindre 20 ans. Le transfert des investissements d’un secteur à l’autre n’est pas une opération instantanée. Dans les systèmes à croissance rapide ou exponentielle, les changements d’orientation doivent intervenir tellement vite que les impacts des changements précédents n’ont pas encore pu être déterminés.

4/5) Solutions : vers l’état d’équilibre global

Nous avons le droit d’envisager des hypothèses qui soient en concordance avec notre conception d’une échelle des valeurs. Nous avons affirmé notre système de valeurs en rejetant comme indésirable tout phénomène de « surchauffe » entraînant un effondrement du système. Dans tout système fini, il faut qu’il existe des contraintes dont l’action contribue à l’arrêt de la croissance exponentielle. Ces contraintes sont représentées par des boucles négatives. L’autre solution aux problèmes nés de la croissance serait d’affaiblir l’action des boucles positives qui entretiennent le caractère exponentiel de cette croissance.

La théorie des modèles dynamique met en évidence l’existence d’une boucle positive ou boucle d’amplification modérée par une boucle négative. Par exemple les populations ont connu des variations régies par la naissance et la mort. La croissance stupéfiante de la population mondiale est un phénomène récent résultant essentiellement d’une réduction victorieuse de la mortalité dans toutes les parties du monde, le taux de natalité brut restant sensiblement inchangé. Il n’y a que deux façons de rétablir l’équilibre : ou abaisser le taux de natalité au niveau du taux réduit de mortalité, ou il faudra bien que le taux de mortalité augmente à nouveau. On a vu qu’en laissant le système poursuivre son évolution exponentielle, la croissance de la population se trouve fatalement stoppée par un accroissement brutal de ce taux de mortalité. Toute société qui tient à éviter ce résultat doit prendre des mesures délibérées pour contrôler le fonctionnement de la boucle positive : réduire le taux de natalité. En d’autres termes, nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. Les actions des boucles positives et négatives se trouvent rigoureusement équilibrées. Lorsque l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène entraînent une réduction supplémentaire de la mortalité, il faut encore faire baisser d’autant le taux de natalité. Un état d’équilibre ne sera pas exempt de contraintes, aucune société ne peut les éviter. Il nous faudra renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfant que nous le souhaitons.

Stabiliser uniquement la population ne suffit pas à empêcher la surchauffe et l’effondrement. Nous pouvons stabiliser le niveau des investissements en posant pour principe que le taux d’investissement reste égal au taux de dépréciation du capital. Nous pouvons aussi combiner des changements de technologie avec des changements de valeur, afin de réduire les tendances à la croissance. Au niveau technique, favorisons le recyclage des ressources naturelles, l’utilisation de dispositifs anti-pollution, l’accroissement de la durée de vie de toutes les formes de capital et l’utilisation de méthodes de reconstitution des sols. On ne pourra plus éluder le problème de la répartition des biens en invoquant la croissance. L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités peu polluantes et ne nécessitant pas de consommation notable de matières premières non renouvelables.

La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. L’état d’équilibre prélèvera moins de nos ressources matérielles, mais en revanche exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Les données dont nous aurions le plus grand besoin sont celles qui concernent les valeurs humaines. Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourritures pour les pauvres ou encore plus de  services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. Si après nous avoir lu, chacun est amené à s’interroger sur la manière dont la transition doit s’opérer, nous aurons atteint notre objectif premier.

Accepter que la nature se venge des agressions de l’homme ne demande pas plus d’efforts intellectuels que de « laisser courir et voir venir ». Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. Adopter un tel comportement, nous l’avons maintes fois démontré, c’est finalement courir au déclin incontrôlé de la population et des investissements par voie de catastrophes successives. Cette récession pourrait atteindre des proportions telles que le seuil de tolérance des écosystèmes soit franchi d’une manière irréversible. Il resterait alors bien peu de choses sur terre permettant un nouveau départ sous quelque forme envisageable que ce soit.

(Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology)

5/5) le rôle clé d’Aurelio Peccei

Ce rapport est dédié par ses auteurs à Aurelio Peccei (1908-1984). Ce n’est certes pas son activité professionnelle de vice-président d’Olivetti et de chef de l’organisation Fiat en Amérique latine qui mérite grande attention. Ce sont ses préoccupations pour l’humanité et son avenir qui ont incités beaucoup de personnes à entreprendre une réflexion à long terme sur notre monde. Aurelio Peccei est l’homme qui a voulu nous faire prendre conscience du désastre en cours. Voici quelques extraits de son interview par Janine Delaunay :

« Je suis né en homme libre et j’ai tâché de le rester. Alors j’ai refusé, j’ai refusé… vous comprenez ce que ça veut dire, surtout en Italie à mon époque : la soumission au conformisme religieux, le fascisme. Je me sens obligé de faire tout ce que je peux pour mettre à la disposition des hommes ce que je sais, ce que je sens, ce que je peux faire. Nous avons tellement développé notre capacité de production qu’il nous faut soutenir une économie dont le côté productif est hypertrophique.  On le fait avec ces injections de motivations artificielles, par exemple par la publicité-propagande. Ou on le justifie par la nécessité de donner du travail à des gens, à une population qui sont enfermés dans un système dans lequel, s’il n’y a pas de production, tout s’écroule. Autrement dit nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux, qui nous contraint à produire plus pour une population qui augmente sans cesse.

Nous avons été fascinés par la société de consommation, par les bénéfices apparents ou les satisfactions immédiates, et nous avons oublié tout un aspect de notre nature d’hommes. Le profit individuel, ou la somme des profits individuels, ne donne pas le profit collectif ; au contraire, la somme des profits individuels donne une perte collective, absolue, irréparable.  Nous le voyons maintenant avec le plus grand bien commun qu’on puisse imaginer : les océans. Les océans seront détruits si on continue à les exploiter comme on le fait actuellement. Ils seront exploités à 100 % pour les bénéfices personnels de certaines nations, de certaines flottes, de certains individus, etc. Et le bien commun disparaît. Les richesses que nous avons reçues des générations précédentes disparaissent. Notre génération n’a pas le droite de volatiliser un héritage, nous devons à notre tour le passer aux autres.

Nous sommes en train de détruire, au-delà de toute possibilité de recyclage, les bases mêmes de la vie. L’homme achèvera son œuvre irresponsable, maudite – il a détruit les formes animales les plus évoluées ; les grands animaux, les baleines, la faune africaine, les éléphants, etc. C’est l’aspect le plus voyant de notre puissance destructrice dans la biosphère. Quand nous coupons du bois pour en faire l’édition du dimanche d’un journal à grand tirage, qui est constitué pour 90 % de publicité qui est une activité parasitaire, quand nous reboisons, il nous semble que nous reconstituons la nature. En fait le fait d’avoir détruit un bois détruit tous ces biens infinis de vie qui avaient besoin de l’ensemble de ces grands arbres, et  qui étaient un tissu de cycles, de systèmes enchevêtrés l’un dans l’autre ; tout ce bouillonnement de vie est dégradé par le fait que nous avons, sur une grande superficie, coupé les arbres. C’est comme une blessure : après le tissu de reconstitue mais la cicatrice reste. Si nous le faisons sur des superficies très grandes, comme nous le faisons partout dans le monde, nous provoquons d’une façon irrémédiable une dégradation de la biosphère. L’homme, servant son intérêt immédiat, réduit la déjà mince capacité de support de vie humaine dans le monde : la biosphère, cette mince pellicule d’air, d’eau et de sol que nous devons partager avec les animaux et les plantes.

Parce que nos connaissances nous ont donné des possibilités supérieures, nous pouvons engranger toutes les calories que nous savons puiser dans la terre, nous pouvons nous entasser dans des communautés plus vastes que celles que nous savons manier, nous pouvons obtenir des vitesses plus grandes que celles que nous savons maîtriser, nous pouvons avoir des communications plus rapides entres nous sans savoir quel contenu leur donner. Nous agissons comme des barbares, l’homme n’a pas su utiliser ses connaissances d’une façon intelligente. Les bêtes, elles, quand elles ont satisfait leurs besoins, ne tuent pas, ne mangent pas, n’accumulent pas, elles gardent leur nature primitive et belle.

Savoir communiquer demande la reconnaissance de valeurs communes, une possibilité créatrice et une vision de la vie. Nous avons perdu ces trois choses, et nous nous obstinons à créer des moyens de communication qui restent sans contenu. Nous donnons à nos enfants le téléphone, la motocyclette, la télévision, l’avion, etc., mais aucunement la capacité d’utiliser ces moyens techniques de façon créatrice. L’homme emploie ses connaissances pour créer des biens matériels, des machines, des biens consommables, et ce que nous appelons le progrès : ce ne peut pas être notre but. Nous sommes prisonniers des machines que nous avons créées. L’essentiel reste les élans spirituels, la morale, qui n’ont rien à voir avec la technologie, la technique, les gadgets. Notre culture s’est essentiellement axées, dans sa forme capitaliste ou socialiste, sur des valeurs purement matérielles. C’est ce que nous devons réformer en nous. Il existe d’autres cultures, métaphysique en Inde, instances d’amour du Bouddhisme, cultures naturistes de l’Afrique… »

(PS : Ce livre de 1972 a été actualisé en 2004 sous le titre The limits to Growth – The 30-year update)

Complément d’analyse

1/2) les limites des ressources renouvelables

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes encore là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »

2/2) les limites des ressources non renouvelables

Gros titre, « le MIT se trompe en assimilant les réserves naturelles à un trésor ». Suit dans LE MONDE du 15 août 1972 un article de Pierre Laffitte, ingénieur en chef des mines : « Les réserves minières ne correspondent pas à des objets, à un stock de métal déposé dans un hangar… Plus on exploite les ressources naturelles, plus les réserves reconnues augmentent… es-ce à dire qu’il ne faille pas se préoccuper de l’avenir ? Au contraire ! Mais en se défiant de l’emploi de l’ordinateur avec de gros modèles, de multiples paramètres…On évoque le cas du chrome… » Cet article est symptomatique de l’ensemble des réactions qui, en dénigrant le rapport commandité par le Club de Rome*, nous ont empêché depuis plus de quarante ans à réagir à la finitude des ressources confrontés à une croissance irrationnelle de l’activisme humain. Voici donc ce que disait  réellement ce rapport à propos des ressources minières :

En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. La consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks.

Le rapport de 1972 concluait : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.

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à lire absolument, « Mondes en décroissance »

L’Observatoire de la post-croissance et de la décroissance a lancé sa revue Mondes en décroissance :

https://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/

Accessible gratuitement en ligne, son lancement coïncide avec trois anniversaires : les cinquante ans du rapport Meadows au Club de Rome, les vingt ans du Colloque Défaire le développement, refaire le monde et la création de l’OPCD. C’est autour de ces trois marqueurs du paysage post-croissant et décroissant que se constitue le premier numéro.

Numéro 1 | 2023 : Lancement de la revue Mondes en décroissance

Sommaire

éditorial (extraits) : qu’entendons-nous par post-croissance et décroissance ? 

Par post-croissance, nous entendons les différents futurs possibles qui viennent après l’époque de la croissance. La post-croissance place la vie en société (et tout ce qui contribue à son maintien et son épanouissement) à l’intérieur des limites planétaires. Elle remet en cause l’accumulation de valeur ajoutée (PIB) et la poursuite de la croissance économique sous toutes ses formes. 

Par décroissance, nous entendons une réduction de la production et de la consommation, planifiée démocratiquement, pour retrouver une empreinte écologique soutenable, pour réduire les inégalités, pour améliorer la qualité de vie. 

En plus de ces définitions liminaires, nous devons réaffirmer, dans le climat actuel, que la décroissance s’inscrit dans une tradition politique fondamentalement émancipatrice, ouverte et solidaire. Ses fondamentaux s’articulent autour d’une démocratie plus directe, de plus de justice sociale et environnementale et du refus de tout racisme, xénophobie, sexisme, homophobie et autres formes de rejet.

Si les contributions à ce numéro sont principalement issues d’un autorat occidental, tout l’enjeu est de pouvoir appréhender ces thématiques par le prisme d’autres territoires. Nous rappelons que la décroissance est née en lien avec la critique du développement, concept fondamentalement impérialiste d’un point de vue culturel et économique. La décroissance se retrouve dans la notion de pluriversel, comme une piste, parmi la variété des visions du monde et des pratiques, qui participe à un « monde écologiquement sage et socialement juste » (Kothari A. et al., 2022, p. 25)1.

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Meadows, Mondes en décroissance

Lancement d’une nouvelle revue « Mondes en décroissance » lisible sur Internet. Voici des extraits d’une compilation des réponses de Dennis Meadows à 21 des questions les plus récurrentes sur son rapport « Les limites de la croissance », publié en 1972.

Dennis MEADOWS : En 1972, nous avons publié la première édition de Limites à la croissance. Comme il était impossible de prévoir avec certitude la trajectoire générale de la croissance physique future, nous avons présenté douze scénarios différents dans l’édition de 1972 de notre rapport – douze trajectoires possibles pour l’expansion de la population humaine et de l’économie matérielle. Même lorsqu’il est impossible de dire avec certitude ce qui va se passer, il est souvent facile de décrire de nombreux futurs qui n’ont aucune chance de survenir. Les constantes physiques ne changeront pas. Les lois de la thermodynamique ne seront pas abrogées. Mon point de vue actuel découle de la lecture approfondie de milliers de rapports, de discussions intenses sur ces questions avec des centaines de collègues professionnels, de recherches professionnelles menées pendant cinq décennies. Nous n’avons pas considéré une seule projection informatique comme étant l’avenir le plus probable. Mais plusieurs études récentes et indépendantes ont montré que l’un de nos scénarios, la figure 35 du livre de 1972, suit raisonnablement bien les données historiques de 1970 à 2010. Ce scénario est reproduit ci-dessous sous forme de figure.

L’épuisement est un processus thermodynamique. Augmenter le prix d’une ressource épuisée ne réduit pas magiquement son entropie ni n’en crée davantage dans le sol. Puisque la substitution infinie entre ressources non renouvelables ne sera pas possible en pratique, les projections de notre modèle sont trop optimistes. Il serait trompeur de parler de la technologie comme solution universelle et d’imaginer qu’elle surgirait rapidement et spontanément. Les technologies sont très spécifiques. Par exemple, les technologies qui combattent la pandémie ou facilitent les télécommunications ne compensent pas l’épuisement du pétrole. Et les investisseurs ne s’attendent pas à tirer profit de la résolution des problèmes mondiaux. Les motivations et les institutions qui créent les nouvelles technologies sont généralement les mêmes que celles qui ont produit les problèmes mondiaux existants. La résolution des problèmes mondiaux nécessite principalement de nouvelles normes, et non de nouveaux outils. Bien sûr, il y aura des guerres à l’avenir, les résultats de notre modèle brossent donc un tableau trop optimiste.

Si nous acceptons qu’une petite fraction de la population contrôle la plupart des richesses de la planète et exerce un contrôle central sur la majeure partie de l’humanité, qui vit dans la pauvreté matérielle, avec une mauvaise santé et peu de liberté, plusieurs milliards de personnes pourraient probablement survivre sur Terre plus ou moins indéfiniment. Si, au contraire, nous voulons que les peuples de la Terre vivent longtemps et en bonne santé, avec une relative aisance matérielle, une bonne santé et une liberté substantielle, et avec une équité en matière de bien-être et de pouvoir politique, le niveau de population durable sera certainement bien inférieur aux chiffres actuels. Je crois intuitivement que la planète Terre pourrait faire vivre durablement peut-être un milliard de personnes avec des niveaux de vie comme ceux de l’Italie aujourd’hui. Quel que soit le meilleur chiffre pour le niveau de population durable aujourd’hui, il diminue rapidement car les progrès technologiques ne parviennent pas à compenser les conséquences de la consommation accélérée de l’humanité et de la détérioration des ressources de la planète.

La population mondiale diminuera, que nous nous efforcions ou non d’atteindre ce résultat. Si elle n’est pas réduite par une intervention sociale proactive, elle le sera par les forces écologiques. Une action délibérée est requise de notre part uniquement si nous aspirons à ce que le déclin soit pacifique, équitable et progressif.

Je crois maintenant que le changement climatique est l’une des principales menaces existentielles pour la société industrielle sur cette planète. Mais son élimination magique laisserait subsister d’autres problèmes graves, tels que l’évolution pacifique de la dépendance profonde aux combustibles fossiles et l’arrêt de l’érosion des sols. Il n’existe aucun moyen d’éviter les profondes perturbations qui se produiront dans les décennies et les siècles à venir. Nos systèmes politiques, économiques et culturels comportent de nombreux mécanismes qui favorisent le court terme au détriment du long terme – élections fréquentes, rapports boursiers quotidiens, concept d’actualisation des flux de trésorerie, courte durée d’attention des médias. Tant que les politiques ne seront évaluées qu’en fonction de leurs conséquences immédiates et locales, il ne sera pas possible de parvenir à une durabilité globale.

Au cours de ses quelque 300 000 ans de présence sur cette planète, l’homo sapiens s’est adapté à de nombreuses reprises à des climats radicalement différents de celui dont jouit la société actuelle. Je ne m’attends donc pas à ce que le changement climatique fasse disparaître notre espèce de la planète. Mais le changement climatique détruira certainement les fondements d’une société à forte population, consommatrice d’énergie fossile et aux normes matérielles élevées.

Une aspirine peut permettre au patient de se sentir mieux temporairement, mais elle ne résout pas le problème sous-jacent. Il faudrait s’attaquer à la croissance incontrôlée des cellules cancéreuses dans l’organisme. De même, l’atténuation du changement climatique, de l’érosion des sols ou de la pollution peut permettre aux gens de se sentir mieux à court terme. Mais tant que les causes de la croissance incontrôlée de la population et de la consommation matérielle ne seront pas traitées, il n’y aura pas de solution permanente. La gestion des problèmes d’une population et d’une économie en déclin sera certainement plus facile que les efforts visant à maintenir les taux de croissance actuels. Mais notre culture résiste à cette idée.La promesse de la croissance – plus pour tous – a été le principal facteur de cohésion sociale nécessaire à une gouvernance efficace. Dans un système où chaque participant s’attend à avoir plus au bout du compte, il est possible de parvenir à un consensus. . Mais lorsque tout le monde comprend que la croissance n’est plus possible, lorsque la vie devient manifestement un jeu à somme nulle – si quelqu’un obtient plus, un autre doit obtenir moins – alors le consensus disparaît. La gouvernance durable exige des institutions et une culture capables de choisir et de supporter des sacrifices à court terme pour garantir des gains à long terme. Aucun système de gouvernance ne produira un avenir attrayant s’il est dominé par des personnes égocentriques, corrompues, imprévoyantes ou stupides. Jusqu’à présent, aucun des systèmes de gouvernance nationaux actuels n’a montré une grande propension à inciter ses citoyens à faire des sacrifices à court terme pour le bien-être à long terme des autres.

Il est clair que notre rapport n’a apporté aucun changement perceptible dans les politiques des dirigeants du monde depuis cinquante ans. Aujourd’hui encore, les gouvernements nationaux cherchent instinctivement à résoudre tous les problèmes en favorisant la croissance.

Pour moi, la plus grande réussite de notre rapport, ce sont les milliers de personnes qui partent du principe que la croissance physique ne peut pas et ne pourra pas continuer sur une planète finie. Que la résilience, dans l’équité, et non la croissance perpétuelle, est l’objectif le plus important.

Pour en savoir plus grâce à notre réseau biosphere

les limites de la croissance ou rapport au club de Rome (1972 )

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers (2004)

(traduction française de The limits to Growth – The 30-year update)

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows (mai 2012)

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit (juin 2012)

croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande (juin 2012)

MEADOWS et la décroissance démographique (juin 2022)

Meadows, rien n’a changé depuis 1972, la cata (avril 2023)

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« Nous sommes les Soulèvements de la terre »

Trois cents personnalités, dont Philippe Descola, Cyril Dion, Annie Ernaux et Adèle Haenel ont décidé de rendre publique leur appartenance aux Soulèvements de la terre : « Nous qui signons cette tribune et toutes celles et ceux qui ne manqueront pas de nous rejoindre, nous rendons publique notre appartenance aux Soulèvements de la Terre. Nous nous soulevons toutes et tous contre la vision du monde et de la vie que ce gouvernement incarne, contre le saccage des milieux naturels, la disparition des terres arables, l’accaparement de l’eau. Nous nous soulevons, chacun de notre endroit, chacun à notre manière. Nous sommes, toutes et tous ensemble, les Soulèvements de la Terre. Les Soulèvements de la Terre sont une grandissante coalition de forces.C’est toute une constellation de collectifs d’habitants en lutte, d’associations de défense de l’environnement, de fermes, de groupes naturalistes, de syndicalistes paysans, de scientifiques en rébellion, de syndicats, de groupes autonomes, de mouvements d’éducation populaire, d’élus, de personnes de tous âges et de tous horizons qui se retrouvent et s’organisent sous la bannière des Soulèvements de la Terre. Et ça, rien n’est en mesure de le dissoudre.»

Dommage que trop de commentateurs ne se rendent pas compte qu’ils sont eux aussi partie prenante de la biosphère. Voici ce que le « dialogue » avec des négationnistes de l’urgence écologique peut donner sur le monde.fr :

Calimero : Soutenir les mouvements qui proposent la violence collective comme moyen de pression dans une démocratie où il suffit d’attendre les élections pour changer de politique, c’est encourager et favoriser l’ambiance de haine permanente entre citoyens. S’il est interdit, ce mouvement peut se renouveler avec d’autres formes d’expression que celle de casser du gendarme.

SebRiou : La démocratie ce n’est pas être citoyen tous les 5 ans monsieur Calimero. Et la représentation n’est pas un chèque en blanc, mais une délégation sous condition. Ce gouvernement se tend illégitime, un peu plus tous les jours

Olivier : Les millionnaires de la culture se découvrent une âme de paysan entre deux avions.

Bertrand Mi : Quel commentaire médiocre ! Commencez par lire Descola, ou Bourg, puis essayez de réfléchir…

Elastique : Toujours les mêmes signataires. Le même ton. La même arrogance à défendre le camp du bien depuis des salons parisiens. La gauche honteuse quoi. Sur les 300 signataires, 5 paysans et deux éleveurs…..

Haïdouk : Trois associations étaient organisatrices de la manifestation de Sainte-Soline: Bassines non merci, Les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne. Savez-vous quels sont les membres de cette dernière ?

Atchoum la houle : « savez vous quels sont les membres de cette dernière ? » Pour la plupart des paysans utopistes, voir des néo-paysans, et quelques pseudos intellectuel, qui, si on écoutait leurs préceptes, réussiraient à peine à nourrir leur village… Alors, apporter la sécurité alimentaire à 8 milliards d’humain, évidemment, ça les dépasse un peu.

Mikasual : Triste manière de fuir le débat en attaquant les messagers plutôt que de débattre sur le fond du message : l’état veut dissoudre une association, assimile tous les manifestants à des terroristes, les réprime par la violence et est incapable de se remettre en question sur le moindre sujet.

PMF : La contribution hebdomadaire de la coterie des bien-pensants. Le ridicule ne tue pas. Mais pour ce qui est du soulèvement, voyez plutôt l’Iran. Là-bas, c’est pas du cinéma.

Citizen Ben : Ca ressemble à la petite musique macroniste « l’inflation est moins forte que chez nos voisins », « on a plus distribué d’argent que les autres pays pendant le Covid ». Y aura toujours pire ailleurs, c’est pas une raison pour se laisser marcher sur les pieds.

En terme de conclusion, cette dernière du gouvernement Macron inféodé à la FNSEA et aux puissances d’argent : le S-métolachlore est très utilisé en France, notamment sur les cultures de maïs. Il se décompose en sous-produits responsables d’une vaste pollution des nappes phréatiques. Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, a pourtantd emandé le 30 mars 2023 à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de revenir sur sa volonté d’interdire les principaux usages de cet herbicide : « Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence ».

C’est une déclaration gouvernementale extrêmement grave qui porte atteinte à l’indépendance de l’Anses , le ministre se met directement à la main du pouvoir économique à court terme …

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Tous ensemble contre les Grands Projets Inutiles (août 2013)

Eco-guerriers plutôt qu’éco-terroristes (novembre 2022)

« Nous sommes les Soulèvements de la terre » Lire la suite »

Pétromasculinité, vraiment n’importe quoi !

L’impérialisme de la pensée Woke n’a plus de limites. Une spécialiste d’écologie politique « féministe » vient de publier en français Pétromasculinité. Elle s’intéresse à la façon dont les identités de genre structurent les enjeux énergétiques. Tout y passe, on fait l’amalgame entre relations de domination et violences colonialistes, écocidaires, sexistes, on pourfend l’extrême droite américaine, misogyne, raciste et climato-négationniste. Heureusement qu’en France les gens ne sont pas trop au courant de la guerre des genres !

Lire, La religion woke contre l’écologisme

Cara New Daggett : « La masculinité a de nombreuses expressions, mais il existe une relation entre un type particulier de masculinité dominante – que j’appelle « pétromasculinité » – et les énergies fossiles. Les études féministes ont montré que la définition de ce qui était productif, improductif ou reproductif s’est construite sur une vision du monde où la subordination des femmes et l’exploitation de la nature sont liées l’une à l’autre… La valeur que nous accordons à l’énergie est liée à des croyances, des émotions. Les « pétrocultures » se sont développées sur l’idée que l’utilisation intensive et sans cesse croissante d’énergie est nécessaire à une « bonne vie ». Si les énergies fossiles ont apporté des avantages, elles ont également intensifié l’impérialisme et la violence, et ont contribué à forger un sentiment de maîtrise et de pouvoir illimité.

Le point de vue des gens normaux

André C. : Merci pour la leçon de wokisme qui m’a bien fait rire !

ALBERTO : Le pétrogenré, c’est tout nouveau, ça vient de sortir, un nouveau sujet de débat pour sociologue en manque de copie.

Pm42 : « les liens entre énergie et identités de genre » : on peut arrêter là… C’est curieux cette obsession de nous vendre en permanence des « sciences sociales » 100% idéologiques, 10 % déconnectées.

GERONIMO : Dites Le Monde, vous ne croyez pas qu’il a assez de brillants experts et spécialistes SCIENTIFIQUES des industries fossiles pour ne pas se coltiner une « sociologue » (science molle) experte en « identités de genre » (sic) ? Un(e) sociologue va ramer pour nous « assener » (et non pas démontrer) qu’il y a un lien entre domination masculine sur la femme et domination humaine sur la nature.

Eric.Jean : Avant la découverte des combustibles fossiles pour alimenter les machines en énergie abondante et bon marché la force de travail était animale (on a gardé l’habitude d’exprimer la puissance en chevaux) et humaine. Quant au rang de la femme en tant que force de travail, il n’était guère supérieur à celui d’esclave de son mari. Sauf pour les dames de la haute qui avaient esclaves et domestiques bien sûr. Mais le pétrole c’est mal, donc masculin, lol.

Cap.2020 : Au travers de tous ces articles qui nous servent du masculin toxique ad nauseam, on comprend en creux qu’avec les femmes, « tout ça » ne serait pas arrivé, ce qui est absolument indémontrable. Ce sont de simples constructions intellectuelles, qui reposent sur une vision biaisée du féminin et ne mènent nulle part.

He jean Passe : C’est fou comme le n’importe quoi peut procurer du travail à certain(e)s. Avec le concept de « Pétromasculinité « , pas besoin d’aller plus loin, on est pas loin de la transpétrolité ou du LGBT contre-pétrolier.

Lire, À chaque époque son brin de folie, ça passe

Pétromasculinité, vraiment n’importe quoi ! Lire la suite »

Transidentités, un débat faussé et inutile

Il y a des choses que je comprends, par exemple le fait que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature ; elles sont historiquement construites et socialement reproduites. Il n’est par exemple nullement génétique d’aimer les voitures ou le maquillage !

Il y a des choses que je ne comprends pas, par exemple enseigner au primaire la notion « d’égalité de genre ». Quelle différence avec l’égalité des sexes ? Sauf cas rares, cette distinction est inscrite dans les chromosomes de chaque être humain, elle est irréductible. Cela constitue un fait, et non une opinion.  Le nier nuit gravement à la cohérence sociale quand le critère de distinction devient l’indistinction basée sur la toute puissance de l’affirmation de soi. Ce n’est pas l’avis d’une journaliste du MONDE :

Solène Cordier : « Faut-il consacrer le droit à l’« autodétermination de genre », qui permet de se voir reconnaître homme ou femme sans diagnostic médical ? La Caisse nationale d’assurance-maladie comptabilisait 294 bénéficiaires du dispositif de l’affection longue durée pour transidentité chez les moins de 18 ans en 2020, contre 8 en 2013. Soit une augmentation de l’ordre de 3 675 %.

Les psychanalystes Caroline Eliacheff et Céline Masson mènent l’offensive comme en témoigne leur ouvrage La Fabrique de l’enfant transgenre. Elles formulent notamment « l’hypothèse,que la transidentité relève d’une subculture idéologique contagieuse via les réseaux sociaux, se rapprochant par maints aspects de l’emprise sectaire … Allons-nous assister au premier grand scandale médical et éthique du XXIe siècle avec les traitements dispensés aux mineurs qui souhaitent changer de sexe ? » Accusées de transphobie, elles ont été empêchées par des militants de présenter leur livre lors de conférences.

L’anthropologue Laurence Hérault déplore « un fantasme sur la prise en charge médicale des jeunes trans », s’inscrivant dans « une vieille antienne des anti-LGBT qui, sous couvert de protection de la jeunesse, véhicule en fait un discours de haine ». Un débat de société apaisé est au contraire nécessaire pour éviter la stigmatisation de populations souvent vulnérables. »

Pile Oufasse : Nous demander de nous apaiser , c’est nous demander de replonger dans le sortilège. Il faut se réveiller et éteindre l’incendie débutant. Le langage peut véhiculer une logique perverse, un masquage d’un totalitarisme particulièrement pervers. Il impose l’indétermination, l’impossibilité de l’enracinement. En effet, au nom du respect de l’identité , il empêche toute possibilité d’identification avec ce ces iel et ces suffixes en « x ». Et dans les textes anciens ou sacrés : faut il les réécrire , avec des x comme on le demande maintenant ? .C’est Monstrueux.

Commentateur du dimanche : Pour promouvoir un débat apaisé, peut-être faudrait-il commencer par permettre que chacun puisse s’exprimer sans en être empêché par les actions violentes de groupuscules défendant la conformité idéologique qui leur sied. On pourrait aussi éviter de stigmatiser toute interrogation critique des changements anthropologiques à l’œuvre en l’enfermant dans la catégorie « discours de haine ». Ce serait un bon début.

YV : Débattre de la transidentité serait transphobe. Faut-il tout acquiescer benoîtement.

Egg : Je ne comprends pas comment un article qui appelle à un débat « apaisé » peut être aussi partial ! Outre que les opposants aux changements de sexe pour les mineurs sont assimilés à la manif pour tous, l’article omet de dire que la GB et les pays du Nord ont rétropédalé sur le sujet suite à des scandales comme celui de la clinique Tavistock, que de nombreux jeunes veulent detransitionner moins de 5 ans après le début des traitements, et que pour certains leur corps est définitivement brisé. L’article oublie aussi de préciser les risques liés à l’hormono-thérapie, le fait par exemple qu’un changement de voix est également irréversible, et il n’a donné la parole à aucun de ces detransitionneurs. Enfin, il oublie aussi de mentionner le fait qu’environ 30 % de ces candidats à la « transition » de genre sont autistes, et que récemment une tribune de spécialistes de l’autisme a alerté sur ce fait. Bref, pour l’objectivité on repassera.

Elsie : Je trouve assez invraisemblable que dans un article qui parle essentiellement de changement de genre chez les mineurs ne soit même pas mentionnée la fermeture, à la demande du NHS, de la clinique Tavistock au UK, qui était la seule spécialisée dans ces problématiques. La BBC y a consacré un certain nombre d’articles qui soulignaient que les mineurs disant souffrir d’une dysphorie de genre avaient en réalité très souvent d’autres problèmes psychiques, qui eux n’étaient pas pris en compte. Que par conséquent, ne les traiter que pour la dysphorie de genre (en particulier avec des bloqueurs de puberté) ne permettait souvent pas d’améliorer leur état psychique.

Richardauguste : et les personnes qui se ressentent à la fois d’un genre et d’un autre et celles qui se ressentent alternativement d’un genre et de l’autre?

Gara : « L’« autodétermination de genre » » n’est qu’une des facettes, allant cette fois au cœur de l’identité, de l’autonomie démocratique qui se déleste des cadres structurants de la tradition. Dans ce cas, c’est le donné biologique qui est « remis en question » par le « libre choix » du genre, mais la paradoxe est que cette liberté est le fruit d’une injonction socialement construite par la dynamique de la modernité. A la place de « l’anatomie c’est le destin » de Freud, vient le Baron de Münchausen qui se défait de son assignation sexuelle biologiquement héritée en tirant sur ses bottes…

furusato : Oui écarter  » le donné biologique  » en ce sens c’est un basculement total, cela va bien plus loin que la tradition qui peut toujours être relativisée : c’est la réalisation du « être maître de soi  » portée à l’incandescence du spectacle, le fameux performatif de Judith Butler mais intégré par la chirurgie .La référence au baron et à son mouvement d’auto-élévation est foutrement bien choisie. J’en ai été jaloux !

Wotan : On comprend maintenant Poutine quand il évoque la décadence de l Europe.

Rico : L’avantage qu’on a en France c’est qu’on est toujours à la ramasse et on fait tout après les autres. Ça permet de voir ce qui passe dans des pays comme la Suède qui ont été pionnier de la transition facilitée pour les plus jeunes. Résultat: ils font marche arrière car ils se sont retrouvé avec des transitionnés qui souhaitait revenir en arrière dans des proportions inquiétantes. Le trans-genrisme était devenu pour beaucoup une sorte de trans-gression qui ne durait qu’un temps. La dysphorie de genre est une affection plutôt rare et je suis assez persuadé que ceux qui sont réellement concernés sont ceux qu’on entend le moins,

Alazon : Article mollasson qui passe un peu vite sur des réalités préoccupantes, la première étant que la fameuse épidémie, bien réelle, touche avant tout les filles, qui veulent en masse devenir des garçons. Difficile de ne pas y voir une nouvelle forme de discrimination puisant dans les autres. La deuxième est qu’à une période où l’on veut déconstruire le genre, l’identification au genre opposé pose la question de savoir ce qui fait qu’on s’y identifie, ce qui fait presque invariablement appel aux pires clichés qu’on essaie précisément de combattre.

O. Pinion : Pourquoi se sentir obligé de changer de sexe ? N’a-t-on pas le droit et la possibilité d’être heureux en France en étant une fille plutôt masculine et un homme plutôt féminin ? Ne peut-on pas trouver son bonheur dans une activité qui n’est pas habituellement pratiquée par ceux de son genre ou sexe ou auprès d’un compagnon ou d’une compagne quel qu’il soit ? Que sait-on à l’adolescence ? Qu’a-t-on comme représentations ? Quelle part y-a-t-il dans ces envies du besoin de se montrer différent pour exister ou bien conforme à un groupe et suivre une mode à la mode ?

HENRI F : personne ne parle de transgénétique. On ne parle pas des chromosomes XX ou XY qui sont pourtant la clé de l’affaire. Aucune hormone, aucune chirurgie n’y changera rien.

Asph : Les différences de sexe existent objectivement, qu’on le veuille ou pas, et rares sont les gens qui se trompent pour identifier le sexe de ceux qu’ils rencontrent (y compris quand ceux-ci ont fait leur transition). Il n’y a pas transition de sexe, car le sexe reste exactement le même).

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Autodétermination de notre sexe, formidable !

Le planning familial pour des hommes enceints

Mon père, transgenre, devenu ma mère

Transidentités, un débat faussé et inutile Lire la suite »

Lévi-Strauss, malthusien par le raisonnement

Wiktor Stoczkowski. Dans Diogène 2012/2 (n° 238),

pages 106 à 126, extraits :

Lorsqu’en mars 2003 Claude Lévi-Strauss m’a reçu, il m’a demandé si je devinais quelle fut la plus grande catastrophe dont il avait été témoin durant sa vie. J’ai préféré attendre la réponse… Lévi-Strauss n’a suspendu sa voix qu’un court instant, pour reprendre aussitôt :

« À ma naissance, la population mondiale comptait un milliard et demi d’habitants. Quand je suis entré dans la vie active, vers 1930, ce nombre atteignait déjà deux milliards. Il est de six milliards aujourd’hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies, à croire les prévisions des démographes. Cette croissance a exercé d’énormes ravages sur le monde. Ce fut la plus grande catastrophe dont j’ai eu la malchance d’être témoin. »

Bon nombre de lecteurs de Lévi-Strauss s’avouaient incapables de comprendre cette prise de position qui, à leurs yeux, constituait une espèce d’aberration. Comme je vais essayer de le montrer, c’est tout le contraire. En premier lieu, l’intérêt de Claude Lévi-Strauss pour le problème de la croissance démographique a été précoce. Ensuite, sa vision de la surpopulation était, dès les prémisses, étayée par de solides et savantes connaissances. Enfin, loin d’être une extravagance idiosyncrasique, cette vision correspondait à des préoccupations largement partagées dans les années 1950-1960 : elle se trouvait alors au centre de l’intérêt des organisations internationales au sein desquelles Lévi-Strauss participait en tant que Secrétaire général du Conseil International des Sciences Sociales

La mise en œuvre internationale des idées malthusiennes

Depuis la publication, en 1798, de l’Essai sur le principe de la population, par Thomas Robert Malthus, le problème de la croissance de la population et les rapports que celle-ci entretient avec les questions des ressources et du bien et du mal, constituent un thème récurent de la pensée occidentale. Dans l’institutionnalisation de la science démographique, les propagandistes du contrôle des naissances jouèrent un rôle non négligeable. Ce sont eux qui inspirèrent la première réunion en 1927 du Congrès international de la Population, organisé par Margaret Sanger, l’une des dirigeantes du mouvement pour le contrôle des naissances. La notion d’optimum de population, proposée en 1910 par le Suédois Knut Wicksell et promise à une longue postérité, y donna lieu à une discussion passionnée. En 1931, au deuxième Congrès International de la Population, cette question fut à nouveau au cœur des délibérations. Les écarts par rapport à cet équilibre idéal, que personne ne parvenait d’ailleurs à définir, alarmaient les savants et les hommes politiques.

La publication des chiffres de l’Indian Census de l’année 1951 fit une forte impression, en montrant qu’après avoir connu une troisième décennie de croissance vigoureuse, de l’ordre de 14 %, la population du pays venait d’atteindre 362 millions. Dans la veine malthusienne, les démographes craignaient que la production de nourriture ne puisse s’aligner sur une telle augmentation de la population et que le déséquilibre qui en résulterait conduise à une véritable catastrophe à l’échelle planétaire. Bien que minoritaires, certains démographes restaient sceptiques et dénonçaient une psychose occidentale ; incidemment, ils trouvèrent leur principal allié dans la propagande soviétique qui voyait dans le malthusianisme l’instrument du capitalisme incapable de trouver une autre solution aux problèmes du chômage et de la malnutrition.

La dramatisation du discours démographique dans les années 1945-1955 tenait surtout à de sombres prévisions sur l’avenir. En 1944, Kingsley Davis avertissait que le subcontinent indien (Inde, Pakistan et Bangladesh), atteindrait, en 2024, 750 millions d’habitants. On trouva ce chiffre extrêmement préoccupant. bien qu’il fût largement en deçà de la réalité à venir (en 2021 on arrive à 1,8 milliards, soit 1,4 milliards pour l’Inde, 231 millions pour le Pakistan et 171 millions pour le Bangladesh)

Lévi-Strauss découvre la surpopulation en Inde

Il est donc utile de garder à l’esprit ces quelques faits historiques pour mieux comprendre le climat d’opinion qui dominait en Occident au moment où Claude Lévi-Strauss, mandaté par l’unesco, effectua un long voyage au Pakistan et en Inde. On se souvient des suffocantes images de la saturation humaine et de la misère, que Lévi-Strauss a retenues et dont Tristes Tropiques livre un témoignage poignant. Ces « tropiques bondés », mises en contraste avec les « tropiques vacants » des Amériques, n’étaient pour lui qu’« ordure, désordre, promiscuité, frôlements ; ruines, cabanes, boue, immondices ; humeurs, fiente, urine, pus, sécrétions, suintements. » Il décrit des villes encombrées de vaches, de charognards et d’humains faméliques à la démarche grimaçante qui formaient un ballet macabre en lequel il voulait voir avant tout la hantise de la faim et « les symptômes cliniques d’une agonie » (Lévi-Strauss 1976 ). Il ne résistait pas à l’impression que, de cette densité même, résultait une profonde altération des relations humaines, qui contraignait chacun à dénier à l’autre l’humanité qu’il voudrait tant lui reconnaître. Dans ces régions où la densité dépassait parfois mille habitants au kilomètre carré, Lévi-Strauss découvrit une société qui, à ses yeux et selon la métaphore qu’il reprendra plus tard dans Race et culture, s’empoisonne « de cette densité, comme ces parasites de la farine qui réussissent à s’exterminer à distance par leurs toxines, avant même que la matière nutritive ne fasse défaut » .

Ce n’est pas par hasard si le livre retentissant de Paul R. Ehrlich qui, dans l’arsenal des instruments potentiels de l’apocalypse, a placé la bombe P (comme Population) à côté des bombes A et H, s’ouvre sur la description d’une traversée hallucinante de Delhi, dans un poussiéreux taxi infesté de puces, se frayant péniblement un chemin au milieu de rues grouillantes d’une masse d’hommes qui mangent, dorment, défèquent et urinent publiquement, réduits par leur indigence – ou peut-être seulement par le regard de l’Occidental – à une physiologie bestiale, et dont la misère semble être la principale caractéristique sociale (Ehrlich 1968).

L’action internationale de Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss avait l’habitude de filtrer les leçons que l’expérience vécue lui procurait grâce au prisme d’une longue élaboration intellectuelle. Sans sous-estimer l’impact, sur sa vision du monde, des tribulations dans le subcontinent indien, il est nécessaire d’ajouter un nouvel élément au dossier, afin de mieux comprendre l’intérêt de Lévi-Strauss pour la démographie.

On oublie trop souvent que Claude Lévi-Strauss a occupé, de 1952 à 1961, la fonction de Secrétaire général du Conseil International des Sciences Sociales. Le ciss devait jouer un rôle consultatif auprès de l’unesco dont la mission est d’assurer « la paix mondiale dans la justice et la liberté ». Le 27 février 1953, Lévi-Strauss indiqua plusieurs projets de recherche à entreprendre. Premièrement, il proposa que la science économique, le droit, la sociologie, l’anthropologie sociale et la psychologie analysent ensemble les problèmes de la surpopulation en tant qu’ils relèvent non seulement de la démographie, mais aussi de la psychologie, de la communication et de la représentation que les sociétés se font de leur propre démographie, chacune réagissant différemment au même phénomène numérique en fonction de la conscience subjective qu’elle possède de sa densité objective. Deuxièmement, le ciss fut invité à soutenir des recherches pluridisciplinaires sur les conséquences politiques, juridiques, économiques et sociales qu’entraîne un changement d’échelle des pays, avec l’éventuelle possibilité de se prononcer sur la taille optimum des groupements nationaux, problème qui avait déjà préoccupé Auguste Comte.

Lévi-Strauss augurait que les résultats de ces recherches « sidéreraient les hommes d’État, surtout en Europe, en leur permettant de prévoir les conséquences de leurs efforts vers une fédération ou une unification » (Lévi-Strauss 1953). Selon lui, le mouvement d’unification européenne était tributaire de la conviction que les « super États » représentaient un type de structure normale pour le monde moderne ; les enquêtes lancées par le ciss pourraient remettre en question cette certitude arbitraire et néfaste. Ainsi Lévi-Strauss déclarait que les organisations internationales feraient mieux de se pencher sur les questions démographiques, dont la surpopulation, car les conflits idéologiques qui opposaient les États et menaçaient la paix, pouvaient être ramenés à des forces objectives et inconscientes qui modèlent les populations humaines. Pour lui, cette cause se situait non pas dans le domaine des idées, mais dans celui de la démographie. Désormais, il ne variera plus sur ce point essentiel. Si, dans ce même mémorandum, Lévi-Strauss s’intéressait aux idées, c’était pour autant que la réaction des sociétés humaines à leur propre saturation démographique lui semblait médiatisée par la représentation subjective qu’elles possèdent de la surpopulation. L’étude de l’articulation entre les phénomènes objectifs et subjectifs, entre ce qui est inconsciemment ignoré et ce qui est sciemment admis, devrait aider les hommes à mesurer les dangers auxquels ils s’exposent en oubliant la menace démographique.

en guise de conclusion

Si Lévi-Strauss ne tient pas la Shoah pour la plus grande tragédie dont il fut témoin, c’est parce que les camps d’extermination ne lui paraissent pas comme « l’aberration d’un peuple, d’une doctrine ou d’un groupe d’hommes », mais comme « un signe annonciateur d’une évolution vers le monde fini » qui est en train de naître sous nos yeux et qui transformera la planète entière en un vaste camp d’extermination où agonisera lentement une « humanité inconcevable » (Lévi-Strauss 1976).

Wiktor Stoczkowski est chercheur au laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris

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Lévi-Strauss, in memoriam

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Le chien, un loup empli d’humanité

« Un loup rempli d’humanité », c’est la définition du chien de Jean de la Fontaine dans sa fable « Le loup et les bergers ». Définition certes poétique, mais surtout confirmée par l’ADN, concernant tant l’origine du chien que sa modification par l’homme. À partir des données scientifiques et de son vécu, Pierre Jouventin, éthologue ayant élevé dans sa jeunesse une louve dans son appartement, explique dans son livre comment nos ancêtres ont créé le chien à partir du loup et pourquoi, à la différence de nos cousins les chimpanzés, il est devenu « le meilleur ami de l’homme ».

extraits : Chez les chasseurs-cueilleurs, qui sont tous nomades pour pouvoir changer de terrain de chasse et exploiter au fur et à mesure les productions de la nature, une femme devait transporter son enfant et, d’après les ethnologues, elle ne pouvait en élever plus d’un tous les quatre ans, comme les grands singes. Par contre, sédentarisée plus tard dans un village et disposant de céréales, elle pouvait aller jusqu’à enfanter tous les ans ! Cette plus grande exploitation de la Terre a donc permis d’élever beaucoup plus de jeunes, donc de nous multiplier. La bien nommée ‘révolution néolithique’ constitue une mutation écologique et économique telle, dans l’histoire de l’humanité, qu’elle explique comment les dizaines de milliers de chasseurs-cueilleurs se sont transformés en centaines de millions d’agriculteurs-éleveurs. Sur des milliers d’années, cela explique que les populations humaines, depuis toujours en équilibre avec les ressources naturelles comme n’importe quel animal sauvage, aient pu s’accroître pour atteindre des milliards en colonisant toute la planète, phénomène qui a cependant trouvé ses limites, ainsi que nous sommes en train de le réaliser…

Comme je le concluais dans mes livres et articles, on peut donc aller jusqu’à se demander : le chien, en augmentant la pression de chasse de nos ancêtres sur la faune sauvage, est-il à l’origine de la révolution néolithique qui, après avoir appauvri la mégafaune1, les a contraint à travailler la Terre, puis responsable de la démographie galopante qui a suivi, donc de la colonisation de la planète ? Bref, l’invention du chien est-elle la cause de l’avènement de la civilisation ?

Pierre Jouventin

 « Les chiens vous regardent tous avec vénération. Les chats vous toisent avec dédain.

Il n’y a que les cochons qui vous considèrent comme leurs égaux. »

Winston Churchill

nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Pierre Jouventin, la question démographique

Pierre Jouventin : l’homme, cet animal raté

1 Ben-Dor, M., & R. Barkai, 2021, « Prey Size Decline as a Unifying Ecological Selecting Agent in Pleistocene Human Evolution », Quaternary 4

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Michel Tarrier et le cadavre de l’humanité

L’humaniquée de Michel Tarrier

La planète repose dans un état critique. Son bilan de santé s’aggrave de jour en jour. Anémie des flux marins. Chlorose des sous-sols. Eczéma sévère des terres. Insuffisance pulmonaire de l’Amazonie. Et surpoids par-dessus le pompon. Depuis le temps qu’on lui monte des dossiers médicaux, que l’on redouble de consultations, de diagnostics, de prescriptions, de rapports de Club de Rome et de Meadows… Gesticulations dans le vide. Dossiers classés sans suite. Du vent. On lui a endoscopié les fonds, biopsié les sols, échographié les voies respiratoires. On lui a ordonné d’arrêter de fumer du CO2, de passer à un régime minceur, d’engloutir moins de viande, de changer de mode de vie, plus sobre, plus équilibré : rien n’y a fait ! Résultat des courses à l’abîme : le pronostic vital de l’humaniquée est engagé. Et nous regardons ailleurs…

Livre après livre, pamphlet énervé après charge furibarde contre notre espèce butée, Michel Tarrier tâte le pouls d’une nature exhalant une haleine de mort, enregistre les soupirs et les râles d’agonie, mesure la fièvre qui monte, alerte sur les symptômes affolants de l’imminente crise d’apoplexie finale, passe et repasse des radiographies criblées de points rouges jusqu’à saturation, sonne les cloches aux assassins de la planète, sonne le tocsin, les trompettes de l’Apocalypse, le « glas eschatologique ». Et tout cela, en vain. Coups d’épée dans l’eau. Coups de pelle dans le vide contre « les z’enculés de l’apocalypse ». Et demain, business as usual comme d’habe…

Le Docteur Tarrier, écosophe et naturaliste de son état, veille au chevet de Gaïa depuis des lunes. Il n’a cessé de délivrer des ordonnances contre l’infection pullulante d’Homo coronavirus : ce fléau à couronne, roi auto-proclamé de la Création. De réclamer d’urgence la camisole de force contre les agissements du plus gros psychopathe du globe, massacrant à froid et sans états d’âme les autres espèces, sa mère Nature, et bientôt toute la Voie lactée si on ne l’arrête pas. De multiplier les « S.O.S Terre en détresse ! », les cris éraillés dans le désert aux têtes de linotte enfouies dans le sable. De pousser des hurlements rauques à des oreilles sourdes comme des pots d’échappement. De gueuler à s’enrouer la gorge des « Attention ! Organes vitaux de la Terre en danger ! ». De rugir comme un damné sur tous les toits des « Ça va comme ça ! », « Parce que c’en est assez ! », « Finie la récré sur le dos de la biosphère ! ».

Aujourd’hui encore, le Dr Tarrier ausculte pour une énième fois, dans ces Cahiers d’écorésistance, le cœur d’une boule bleue en phase terminale, dont les fonctions vitales capotent, s’emballent et basculent à plus brève échéance que prévu. À coups de diagnostics accablants, de soupirs amers et de bras qui en tombent, l’auteur de 2050, Sauve qui peut la Terre (2007), de Dictature verte (2010), des Orphelins de Gaïa (2012), et du Malheur de naître (2020) et de biens d’autres opus gorgés de verve, de mordant et de hargne souveraine, murmure dans ces Cahiers d’ultimes « écogitations » funèbres à l’adresse d’une humanité qu’il sait coincée, cul-de-sacquée dans le couloir de la mort. Une humaniquée qui après avoir scié toutes les branches du Vivant dont dépendait sa survie, assiste, impuissante et désemparée, à sa lente noyade dans ses propres toxines et immondices, voit l’ultime branche sur laquelle elle est assise s’effondrer brutalement sous la surcharge pondérale de son fessier obèse.


À quoi bon donc, vu notre démence suicidaire, actionner des sirènes tonitruantes, si c’est pour qu’elles soient aussitôt étouffées par le déni de réalité ambiant, par les vœux pieux technosolutionnistes, par le tout-va-s’arrangisme et la myopie des hommes ? À quoi bon ces Cahiers, sinon le plaisir d’avoir affaire à autre chose qu’au tout-venant de l’habituel bullshit des écolos mainstream, enrobé d’idéalisme naïf, sucré de niaises utopies permacucul, édulcoré de lendemains qui mentent ; bref, les boniments et salades servis et resservis as usual à mesure que tout empire, par les bons soins des indécrottables confiants-malgré-tout-dans-l’avenir et des écoptimistes-envers-et-contre-tout-car-il-n’est-jamais-trop-tard ?

À quoi bon, enfin, ces Cahiers d’écorésistance – si ce n’est la joie amère de côtoyer une pensée dénuée de faux espoir sécurisant, de tenir entre ses doigts un pavé étincelant de lucidité crépusculaire, une somme de sainte colère et de vérité irrespirable pour le commun des mortels – si c’est pour qu’une fois de plus se dresse face à lui une Grande Muraille de dos ronds amorphes, de pipeauliticiens aux mains sales et « impuissantes », d’invétérés statu-quo-istes jusqu’au-boutistes, de têtes d’autruche engluées dans le sable des écrans ? Car Tarrier ne sait que trop bien l’inanité de ses objurgations et de ses supplications désespérées. Il connaît le fieffé bipède comme les lignes parcheminées de sa main – en fin entomologiste qu’il est – cette main avec laquelle il flanque des baffes méritées que le sinistre ravageur dit « Sage » n’a pas volées. C’est que le bon Tarrier se fait zéro illusion sur notre foutue espèce, « qui n’a pour seul horizon que ses restes dans un désert en partage », et que seule une écocratie en bonne et due forme saurait remettre au pas, tant il est vrai que « Les enfants de Caïn méritent un bon coup de pied au cul ! » Il sait de quoi l’animal « doué de déraison » est le non : non au respect et au bien-vivre de nos « mammi-frères », non à la survie des pollinisateurs, non à un pacte sensible et raisonné avec les autres loca-Terres, non à une empreinte écologique qui vit et laisse vivre, compatible avec les limites de la biosphère. Il sait le satané Sapiens incorrigible, il le sait incurable, et dans la connerie, et dans le nombre, et dans la prédation. Il le sait multirécidiviste dans la nuisance, impénitent dans les forfaits contre la vie, dans le dépiautage de Gaïa, dans le racisme, dans le sexisme, dans le spécisme, dans le tir de fusil dans le pied : dans la « cruauté brute de décoffrage et en toute impunité ».

Michel Tarrier est un des rares écologistes aujourd’hui – sinon le seul ! – à administrer un électrochoc cinglant contre nos consciences comateuses sans s’excuser aussitôt de les avoir tétanisées ou bousculées, les pauvres petits choux, contrairement à la plupart des écolos dans le vent et sur les ondes des plateaux télé, craignant de briser le moral de leurs lecteurs, toujours prompts à leur ménager les sentiments par des propos tranquillisants, comme si leur était dénié la maturité intellectuelle et émotionnelle nécessaire pour regarder sans ciller la réalité amère de l’avenir. Sans doute le seul, l’auteur de Nous, peuple dernier (2009), à ne pas faire dans la dentelle bienséante, à pester contre la peste humaine écologiquement nuisible, à hausser un ton rageur et franc du collier, à dire la vérité glaçante comme la mort à la patiente en soins intensifs nommée « Humanité » : sur la phase terminale où elle va bientôt se retrouver gisante tant elle s’entête à persévérer dans le mal-être qu’elle fiche à la Terre-mère. Le seul, ce bon Michel, à vous tirer par le lobule de l’oreille afin de vous pointer le long de notre route pavée d’enfer tous les tonneaux que l’on va se prendre plein les gencives dans les années à venir, tous les pétrins qui nous pendent au museau de grands singes borgnes et court-termistes.

Le seul, cet écosophe de Tarrier, à vous enfiler à sec, sans gelée de pétrole ni complaisance, l’incommodant suppositoire de ce qui nous attend au bout de l’autoroute du malheur, vers quoi nous fonçons comme des lemmings décérébrés – nous, les « doués de cortex »… –, le nez dans le guidon drogués au toujours plus, les narines grisées d’effluves de mazout. Le seul pamphlétaire, ami de la Terre, des animaux, de la nature vivante dans toute sa désormais défunte splendeur, au verbe véhément, acéré comme le sera le couperet de l’an 2050 ; le seul qui n’y va pas par les quatre chemins qui nous mènent inexorablement au diable « des étés à 50 degrés à l’ombre ». Chez le brave Tarrier, point de pilule dorée. Point de « C’est grave, très grave mes loupiots, mais l’on va se tirer d’affaire : y’a qu’à, faut qu’on, une dose de « transition énergétique » par-ci, des rustines écoresponsables par-là, et à nous les douces utopies qui bâillent à l’horizon ! ». Nenni. Pas de « Je te brosse un horizon apocalyptique, mais reste attentif, frère humain, aux lueurs d’espoir qui scintillent, là-bas, au loin… ». Pas d’extrême-onction lénifiante faite au squelette calciné en sursis de l’engeance humaine. Pas de baratin rassuriste pour éviter d’affoler le cheptel de bipèdes sapiens. Pas de cachets d’espérine. Pas de morphine palliative au moment d’injecter les quatre vérités en intraveineuse à notre siècle moribond. Et encore moins d’anesthésiques rhétoriques avant d’assener des coups de scalpel du genre : « Et ce troisième millénaire n’eut qu’un siècle », ou de sédatifs avant de dépeindre l’antimonde mal barré à la Mad Max qui vient. Puisque « l’effondrement est là, devant nous, il est au présent et n’appartient plus à la déclinologie. Encore un pas et nous sommes dans le gouffre. Un second pas et c’est le maelstrom, qui nous emportera, comme il a emporté, sous nos yeux, l’essentiel du Vivant. Nous étions faits pour disparaître comme nous étions faits pour respirer, nous avons curieusement choisi la première option, tranquillement, en prenant le temps graduel à l’échelle d’un siècle ou deux. Cet effondrement civilisationnel est parfaitement caractérisé par la perte de la capacité des sociétés humaines à maintenir les fonctions essentielles de gouvernance, y compris la fourniture de produits de première nécessité comme la nourriture et l’eau. Avec, à la clé, de potentiels conflits guerriers. »

Les Cahiers d’écorésistance de Michel Tarrier sont l’autopsie minutieuse, pratiquée pré-mortem, du cadavre en devenir de l’humanité ; la décapante notice nécrologique d’une espèce fossoyeuse de sa propre tombe ; un faire-part de décès d’un monde où il pouvait encore faire bon vivre (encore que…), une pierre tombale de 500 pages dressée dans l’azur du néant de demain, que n’effraie ni le soleil ni la mort, où sont gravées en lettres de feu et de cendre un verbe apocalyptique revenu de tout pour aller au diable ; un Ci-gît damné comme l’enfer annonçant le grand Collapse du triste foutur…

par Christian Adam, le 18 février 2023… À propos de

« Les Cahiers d’écorésistance de Michel Tarrier…

pour comprendre l’antimonde d’après »,

504 pages, 26 €, chez Édilivre

Michel Tarrier et le cadavre de l’humanité Lire la suite »

« Nous n’avons qu’une terre », émission radio

L’émission « Nous n’avons qu’une terre » est initiée par la journaliste Dominique Martin Ferrari ; elle sera diffusée chaque vendredi à 12h sur Divergence FM et en podcast (https://divergence-fm.org). Un tel titre va tout à fait dans le sens de ce blog biosphere et de notre perception de la Terre-mère…

Voici le communiqué de presse :

«Nous n’avons qu’une terre» est le nom d’un rapport commandé par Maurice Strong en 1971, Only One Earth: The Care and Maintenance of a Small Planet, co-écrit par Barbara Ward et René Dubos. Le rapport résumait les conclusions de 152 experts éminents de 58 pays en préparation de la première réunion des Nations Unies sur l’environnement, tenue à Stockholm en 1972. Il s’agissait du premier rapport mondial sur « l’état de l’environnement ». L’environnement, comme le constaterons les Conventions signées au Sommet de la terre en 1992 à Rio se doit d’être géré à l’échelle locale et globale. Seule une harmonie de décisions entre pays riches et plus pauvres peut venir à bout des questions comme le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité.

En choisissant ce titre qui fut aussi celui de son émission sur RFI dans les années 90, Dominique Martin Ferrari entend rappeler cette dimension globale des problèmes environnementaux. Derrière ces questions se dessinent une possible mondialisation heureuse, et surtout le maintien de la paix. Autant de valeurs aujourd’hui menacées. Science, diplomatie, sociologie….doivent prendre à bras le corps cette nouvelle manière de voir la planète qui ne peut être en harmonie avec l’homme qu’à la condition qu’on en respecte certains équilibres. Cette émission donnera donc la parole aux experts, scientifiques, décideurs, associations,citoyens qui œuvrent dans la complexité. Première diffusion le 20 Janvier 2023.

Vingt ans après 1972, nos remarques

Lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, toutes les composantes de la vie sur Terre étaient mises sur la table, sauf une, la démographie. Maurice Strong, le secrétaire général de cette rencontre, eut beau déclarer que « soit nous réduisons volontairement la population mondiale, soit la nature s’en chargera pour nous et brutalement », dès le début ce sujet était purement et simplement tabou. Parmi les détracteurs qui accusaient des organisations comme Population Action International ou Zero population Growth de vouloir contrôler les populations, on trouvait les pays en développement qui s’insurgeaient d’être accusés des maux de la planète alors que le vrai coupable était selon eux la consommation effrénée des pays riches. Quant à l’argument consistant à dire que la meilleure façon d’atteindre tous les objectifs de développement était de les travailler tous en même temps, il se perdit dans le brouhaha.

Le pays hôte du sommet de Rio, le Brésil, possédant la plus vaste population catholique du monde, l’Eglise eut aussi une influence considérable sur les négociations préliminaires. Elle réussit à faire supprimer l’expression « planification familiale » et le mot « contraception » des ébauches de la déclaration commune du Sommet. Arrivée à sa dernière mouture, l’unique référence de cette déclaration au problème de la surpopulation se trouvait dans une phrase appelant à une « gestion responsable de la taille de la famille, dans le respect de la liberté et des valeurs de chacun, en tenant compte des considérations morales et culturelles ».

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Fécondité, bonnes et mauvaises nouvelles

Démographie chinoise, une bonne nouvelle

LE MONDE avec AFP : En 2021, le nombre de naissances a été de 9,56 millions en Chine continentale. En parallèle, 10,41 millions de décès ont été recensés. La combinaison des deux phénomènes a produit une baisse de la population de 850 000 personnes.C’est une première depuis 1960-1961, lorsqu’une famine, commencée en 1959, avait causé des dizaines de millions de morts à la suite des erreurs du Grand Bond en avant. Le taux de fécondité s’est écroulé à 1,15 enfant par femme en 2021, loin du seuil de renouvellement des générations (2,1). La Chine pourrait n’avoir que 587 millions d’habitants en 2100, soit moins de la moitié qu’aujourd’hui, selon les projections les plus pessimistes .

Le point de vue des écologistes malthusiens

JL P : Enfin une bonne nouvelle ! Si le reste du monde pouvait faire pareil. Ce qui est dingue, c’est que l’article traite la diminution de la pression démographique en Chine dans les décennies à venir de prévision pessimiste alors que c’est au contraire nécessaire voir indispensable à la survie de l’humanité avec des conditions de vie acceptable.

Berel : Je suis assez confondu par la tonalité négative, voire catastrophiste de l’article, dont Le Monde n’a pas l’apanage, pareil à vrai dire pour tous les médias. Pourquoi les démographes, de ce côté-ci de la planète comme à l’autre, sont-ils invariablement natalistes, c’est-à-dire « productivistes de population » ? Alors que la baisse annoncée est porteuse d’effets positifs. Par exemple, la baisse démographique est syomyme de « coûts du travail plus élevé ». Certes… et donc de revenus plus élevés, donc d’enrichissement ! On a vraiment envie de pleurer. idem pour l’argument repris partout selon lequel « l’Inde va dépasser la Chine ». Ah, c’est donc une course ? Mais quel en est le point d’arrivée ? Le premier arrivé à 14 milliards ? On croit rêver : argument digne d’une course en sac dans une cour de récré de CE2. Mais silence, l’expertise triomphe. A croire que l’intelligence est soluble dans le natalisme.

Démographie Responsable : « La Chine, pays le plus peuplé du monde, a vu sa population baisser »… et c’est une excellente nouvelle pour la planète et pour l’humanité. Rappelons que selon un sondage de l’IFOP commandé en octobre dernier par notre association, 72% de nos compatriotes estiment que la Terre est surpeuplée et d’ailleurs, chez les lecteurs et contributeurs de cet article, le pourcentage est nettement plus élevé.

Gmar : Bonne nouvelle car pour survivre il faudra se diriger vers un équilibre entre la nature, les animaux et les êtres humains (changer certaines des activités de ces derniers).

M.Constantine : Très bonne nouvelle, ils sont déjà assez nombreux comme cela ! La natalité est synonyme de pauvreté et de malheur partout dans le monde.

Françoise B. : Ce n’est pas à la planète d’avoir à supporter une croissance infinie de la population. À long terme, la religion de la croissance (économique, démographique etc…) est une menace mortelle pour la planète, et donc pour les humains.

Ol verte : Avec les fluctuations sur la disponibilité et les flux d’hydrocarbures, matières premières pour réaliser des engrais : moins de volume dispo, plus de concurrence et prix accrus pour extraire, fabrication et distribution d’engrais deviendront onéreuses. Les boums de population issus de la révolution verte s’inverseront aussi. Anticipons au mieux les sobriétés : sinon les guerres de ressource, genre agression meurtrière par la Russie, risquent de s’accroître.

Gilles Lacan : Une Chine à 587 millions d’habitants, on va dire que cela correspond aux projections les plus pessimistes du journal Le Monde en même temps qu’aux projections les plus « optimistes » des défenseurs de l’environnement et des amoureux de la paix dans le monde !

Mtestard : Cela pourrait être une bonne chose…Sauf qu’avec l’Inde pour reprendre le flambeau je ne sais pas si notre planète sera mieux lotie…

Démographie française, une mauvaise nouvelle

Solène Cordier : La France reste une bonne élève en Europe. Le bilan démographique annuel de l’Insee le 17 janvier confirme la place de bonne élève de la France, avec un ICF (Indice conjoncturel de fécondité) à 1,83 enfant par femme. Notre pays se caractérise par des dépenses importantes en matière de politique familiale, avec environ 4 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés aux divers dispositifs (congé parental, allocations familiales, accueil du jeune enfant…). Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Investissement élevé rime-t-il nécessairement avec fécondité élevée ? Si effet il y a, il est probablement modeste. L’exemple des États-Unis, qui se caractérisent par une forte fécondité malgré des politiques familiales limitées, apporte de la nuance en rappelant l’importance des contextes locaux.

Le point de vue des écologistes malthusiens

Jean-Claude TIREX : On se croirait au début du XXe siècle où les femmes avaient le devoir de donner des enfants à la France.

M.Constantine : Toujours aussi ridicule d’associer natalité élevée et bonne nouvelle. C’est faux.

OlivierE : Ça dépends pour qui : généralement la naissance est choisie et c’est donc une bonne nouvelle pour les parents. Par contre pour le changement climatique, chaque vie humaine est une mauvais nouvelle.

Michel SOURROUILLE : La France est dans une situation de surpopulation : chômage structurel, forte densité ( chaque habitant a moins d’un hectare pour satisfaire tous ses besoins), urbanisation délirante, stérilisation des terres par le goudron et le béton, totale dépendance envers l’étranger pour la fourniture de combustibles fossiles, dépendance y compris pour des médicaments ordinaires, sur-émissions de gaz à effet de serre, élimination de la biodiversité,etc. C’est une société de consommation sans avenir, tenue en laisse par les sociétés du spectacle, les promesse de pouvoir d’achat protégé et une retraite garantie par une improbable croissance future. Je n’aimerais pas appartenir aux générations futures en France, et les ginks (green inclination no kids) en ont conscience.

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Tout savoir sur la sobriété démographique

Compte-rendu d’une récente table ronde qui a réuni Michel Sourrouille, Laure Noualhat, Gilles Pison, Hélène Soubelet et Emmanuel Pont.

La totalité de cette conférence-débat (2 heures) est sur youtube grâce aux JNE

https://www.youtube.com/watch?v=24cyH_hEhdw

Voici le script de l’intervention de Michel Sourrouille.

Table ronde du 12 janvier 2023 à l’Académie du climat (Paris) organisée par l’association des Journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie (JNE) :

 Sobriété : et si on parlait de démographie ?

L’animatrice des JNE, Carine Mayo, avait structuré le débat autour de trois questions, chacun des 5 intervenants ayant la parole cinq minutes à chaque fois.

1) Y a-t-il trop d’humains sur terre ?

Je suis né en novembre 1947, nous étions 2,3 milliards. Le 15 novembre 2022, nous sommes passé à 8 milliards. Sur 75 ans, cela correspond à un accroissement annuel de 76 millions d’êtres humains. Je ne prêtais aucune attention à cette évolution démographique, vivant ma vie à mon échelle. Naître dans un monde surpeuplé, c’est s’y habituer.

Mais, faisant des études de sciences économiques et devenant militant, j’ai été amené à m’intéresser à la problématique démographique dans les années 1970. J’ai vécu les débuts de l’écologie politique et étudié 4 évènements consacrés à la question démographique. D’abord la Bombe « P » de Paul Ehrlich publié en 1971 en France. Il y avait explosion de la Population et on devait réagir. L’année suivant le rapport sur les limites de la croissance a fait grand bruit. L’évolution exponentielle de cinq variables en interactions (population, alimentation, industrie, pollution et ressources non renouvelables) faisait prévoir un effondrement socio-économique au cours du XXIe siècle si on n’allait pas vers la croissance zéro. Conscientisé par ces connaissances, j’ai voté pour la première fois de ma vie à la présidentielle de 1974. Le candidat et agronome de renom René Dumont présentait un programme écologiste d’avenir et un projet de réduction de la natalité. La préoccupation démographique avait acquis une telle importance à l’époque que s’est tenu la première Conférence internationale sur la population à Bucarest. Nous étions déjà 4 milliards.

J’avais définitivement intégré l’idée de la surpopulation humaine. Car avec 8 milliards aujourd’hui, le poids du nombre ne pouvait être allégé. Tous les indicateurs sont au rouge, les scientifiques le constatent : réchauffement climatique, 6e extinction des espèces, pic des combustibles fossiles et pic des métaux, etc. L’équation IPAT montre qu’il ne va pas être facile de revenir à une situation d’équilibre. L’impact environnemental, noté I, est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies utilisées pour la production des biens (T). Si l’on regarde ce qui se passe réellement, on constate que le taux annuel de la croissance de la population mondiale est de 1 % et le taux de croissance du PIB en moyenne de 3 %. Considérons pour simplifier que T est égal à 1, alors l’impact environnemental augmente de 4 %  environ. Or il faudrait pour résoudre uniquement le problème du réchauffement climatique diviser par 4 ou 5 nos émissions de gaz à effet de serre. Toute croissance, économique ou démographique est incompatible avec cet objectif.

Il est donc nécessaire d’opter pour la sobriété démographique, ce qui n’empêche pas de promouvoir aussi la sobriété dans le mode de vie.

2) Opter pour une sobriété en matière de démographie, est-ce un bon moyen de réduire notre empreinte écologique ?

Jusqu’à récemment, faute de mieux j’utilisais le mot « décroissance ». Or l’idée de « sobriété » s’impose aujourd’hui aux esprits. Décroissance est de l’ordre du quantitatif et du fatalisme, sobriété correspond mieux à une valeur, c’est l’expression d’un volontarisme. Par exemple l’association France-Nature-Environnement nous souhaite pour 2023 une année « sobre et heureuse ». Mais elle rajoute que c’est nécessaire pour éviter une sobriété « contrainte ». Je développerai cet aspect en 3ème partie. Il existe différentes sobriétés, énergétique, alimentaire, partagée…, on peut aussi parler de sobriété démographique. Cette attitude est déjà présente dans « Essai sur le principe de population » de Thomas Robert MALTHUS,  dont la première ébauche date de 1798.

Malthusien est devenu un terme de notre dictionnaire. Il est préférable de se dire malthusien (des naissances d’accord, mais en fonction des possibilités du milieu environnant), plutôt qu’antinataliste, opposé en toutes circonstances à la natalité. Le terme Malthusien est explicatif, le mot antinataliste en reste au quantitatif. La loi de Malthus est incontournable. La fécondité humaine a une tendance naturelle à suivre une évolution exponentielle, un doublement tous les 25 ans en moyenne (1, 2, 4, 8, 16…). La production agricole, soumise à la loi des rendements décroissants, ne peut au mieux que suivre une évolution linéaire (1, 2, 3, 4, 5…). En conséquence il y a un décalage croissant qui implique qu’on ne peut se contenter d’améliorer la productivité agricole si on ne maîtrise pas en même temps l’expansion démographique.

Malthus peut donc être considéré comme un précurseur de l’écologie en tant que recherche de l’équilibre entre l’humain et son milieu de vie. En termes contemporains, un système socio-économique doit rester compatible avec les possibilités de notre écosystème, la Terre. En 1970 la situation était en équilibre mais les spécialistes s’inquiétaient déjà à l’époque de la surpopulation. Or, selon le calcul de l’empreinte écologique, en 2023 il nous faudrait 1,75 Terre pour régénérer ce que l’humanité consomme en termes de surface. On est en train de dilapider le capital terrestre au lieu de vivre de ses fruits. Le « Jour du dépassement » a eu lieu au niveau mondial le 28 juillet 2022. Si l’ensemble de l’humanité vivait comme des Français, il faudrait même 2,9 planètes, ce qui est impossible ; notre niveau de vie n’est pas généralisable. Il y a une finitude de notre planète dont il faudrait bien prendre acte politiquement. Notez que cet indicateur est très anthropo-centré, on part du principe que les biocapacités sont entièrement dédiées à la seule survie des humains sans considération de la biodiversité.

En conséquence, il nous faut collectivement devenir à la fois écologiste ET malthusien pour essayer de préserver le sort des générations futures, il nous faut agir.

3) Une politique en faveur de la baisse de la démographie est-elle réalisable et souhaitable ?

Une politique malthusienne de maîtrise de la fécondité est plus que souhaitable, c’est absolument nécessaire, on ne peut y échapper. Malthus indiquait clairement ce qu’il fallait penser des solutions à la surpopulation : « Si on n’applique pas des obstacles préventifs à l’exubérance de la fécondité humaine, alors des obstacles destructifs (guerres, famines, épidémies…) provoqueront l’effondrement. » En d’autres termes, si on ne diminue pas volontairement la population humaine, elle sera de toute façon réduite de façon radicale et forcée puisqu’on aura laissé libre cours à la violence de la nature et des humains…

Le rapport de 1972 sur les limites de la croissance indiquait que face à une évolution exponentielle de la population, il n’y a que deux façons de rétablir l’équilibre : ou abaisser le taux de natalité, ou il faudra bien que le taux de mortalité augmente à nouveau. Toute société qui tient à éviter un accroissement brutal de ce taux de mortalité doit prendre des mesures délibérées pour contrôler le fonctionnement de la boucle positive : réduire le taux de natalité : «  En d’autres termes, nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. » On envisageait donc une croissance zéro de la population alors que la population comptait 4 milliards d’humains. Avec le double aujourd’hui, il nous faut en toute logique mettre en œuvre une diminution.

Une politique en faveur de la baisse de la démographie est réalisable, mais plus on attend, plus il sera difficile d’agir. Il y a inertie de la croissance économique comme de la croissance démographique, ralentir la course à l’abîme aurait du être initié dès les années 1970. Il faut donc considérer un engagement  très volontariste, à la fois individuel, politique et associatif. Personnellement j’ai fait un choix éclairé de fécondité en acceptant un avortement en 1973 (avant la loi sur l’IVG) et en n’ayant qu’un seul enfant biologique. D’autres vont plus loin en restant sans enfant après une contraception définitive pour des raisons particulières ou de plus en plus écologiques. Une politique démographique repose avant tout sur le libre choix (pro-choice) des femmes et des couples. Une naissance doit être désirée. 50 % des grossesses ne sont pas planifiées soit près de 121 millions de femmes. En définitive 60 % de ces grossesses non intentionnelles aboutissent à un avortement, soit au total 30 % de l’ensemble des grossesses.

Pour que la décision de procréation soit exercée en toute connaissance de cause, l’État doit assumer son rôle éducateur. Au sortir des écoles, un jeune citoyen ne doit plus ignorer aucun des aspects de la question démographique, vie sexuelle, égalité de sexes, méthodes de contraception, relation entre population et alimentation, capacité de charge d’un territoire, etc. La politique fiscale en matière d’allocations familiales doit être repensée. N’oublions pas que la France a été anti-malthusienne depuis les lois de 1920 réprimant contraception et avortement. On est allé jusqu’à prévoir la peine de mort pour quiconque contribue à un avortement, une femme et un homme ont été exécuté pendant la seconde guerre mondiale. L’INED (Institut national d’études démographiques) avait lors de sa création en 1945 un objectif nataliste. L’avortement a été interdit jusqu’en 1974, la propagande antinataliste a été interdite jusqu’en 1992. On met en épingle l’Inde et les avortements fortement « conseillés » par le gouvernement d’Indira Gandhi. Mais aujourd’hui 37,9 % des femmes mariées et en âge de procréer ont volontairement choisie la stérilisation. Soyons réalistes, pas dogmatiques ni autoritaires.

Entre l’individu et l’État, il y a l’action des associations. En août 2021 a été crée une « Alliance Européenne pour une Population Soutenable » regroupant différents mouvements abordant le thème de la surpopulation. On constate aujourd’hui que seule en France « Démographie Responsable » a pour objet d’œuvrer pour la stabilisation de la population humaine et sa diminution sur le long terme. Les Amis de la Terre avaient traduit et publié « la bombe P » en 1971, ils ont oublié cette origine. Greenpeace fait une fiche sur la surpopulation, il traite les malthusiens de « racistes » !

A cette table ronde du 12 janvier 2023, sur 5 intervenants je suis le seul à constater le poids du nombre et la nécessité d’agir. Mais si on ignore les contraintes biophysiques, cela ne peut que nous conduire au désastre.

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