Agir en pleine et bonne Conscience
Les humains sont des animaux étranges qui peuvent concevoir tout et son contraire. Voici deux exemples de comportements qui peuvent nous paraître aujourd’hui complètement « inhumains », mais qui ont pourtant déjà existé et qui peuvent devenir très vite une nouvelle réalité. Pour résister à la pression sociale, il nous faut apprendre non seulement à savoir discerner le vrai du faux, mais à acquérir une conscience élargie du monde.
Rwanda, le paroxysme de l’inhumanité
Florent Georgesco : génocide des Tutsi au Rwanda, un million de morts en trois mois, du 7 avril au 17 juillet 1994. L’infanticide, l’épicentre du phénomène génocidaire.Il y avait au Rwanda, en 1994, de nombreux couples « mixtes », unissant Hutu et Tutsi. Or, l’appartenance ethnique se transmettait par le père. De sorte qu’une mère hutu pouvait avoir des enfants tutsi. Ce sont certaines de ces mères-là qui ont assassiné ou tenté d’assassiner leurs enfants. Le récit commun d’une volonté qui s’efface derrière celle des familles et ce qui agissait ses membres, tous génocidaires, découlant d’une artificielle division ethnique de la société rwandaise : « De toute façon, mes enfants allaient être tués. Je l’aurais été aussi. Je ne pouvais pas résister à la volonté des miens. Je n’étais plus rien. » Désaffiliées » de leur foyer, puisque leurs maris tutsi étaient morts, elles se sont « réaffiliées » à leurs familles hutu. Leurs enfants constituaient le prix de cette ré-affiliation. Tout les obligeait à mourir.
Le viol, un crime de l’intimité longtemps impensé
Anne Chemin : Si un citoyen de l’ère #metoo et un Français de l’Ancien Régime pouvaient un jour parler ensemble du viol, le premier serait scandalisé par la blessure psychique subie par la victime, le second par l’offense faite au paterfamilias ; le premier redouterait les souffrances engendrées par cette atteinte à l’intégrité personnelle, le second l’outrage infligé à l’honneur de la famille. Au XVIIIe siècle, la plupart des victimes reconnues sont des femmes mariées. dans les mentalités collectives, le seul “vrai” viol est celui de l’épouse, car c’est celui qui porte atteinte à la propriété du conjoint. Pour les autres, le viol n’a aucune importance sociale, il passe le plus souvent pour un léger désagrément. Jusqu’alors, nul ne pense qu’un viol peut constituer un anéantissement psychique : si déplaisant soit-il, l’épisode, pensait-on, sera bien vite oublié. L’avènement de la figure de l’individu au XXe siècle fait de la victime un sujet à part entière. À l’heure de Metoo, une main posée sur un genou, sans consentement, constitue déjà un viol, source d’une souffrance indicible.
Le point de vue des écologistes sensibles
Pour éviter de telles dérives, il faudrait que chacun d’entre nous écoute la voix de sa propre conscience des choses sans prêter trop d’attention à l’avis de son entourage et à l’état des mœurs à un moment donné. Certes toute société humaine définit ce qui est bien ou mal, agréable ou désagréable, donc tout ce qui constitue les valeurs de référence. Mais tout individu doit savoir discerner ce qui est vrai et ce qui est faux dans ce qu’on veut lui faire penser.
Au-delà des différences de culture, les enfants distinguent déjà sans ambiguïté à partir de trois ans les valeurs fondamentales comme le bonheur, la justice, le droit, l’honnêteté, et d’autre part les normes non généralisables comme l’observance de rites alimentaires, l’obligation vestimentaires des femmes et des hommes, les jours de culte. Pourtant en prenant de l’âge, les conventions sociales circonstancielles vont l’emporter dans la plupart des cas sur les obligations morales fondamentales :
Des étudiants en théologie qui avaient étudié le plus sérieusement du monde la parabole sur le bon samaritain se sont précipités vers le cours suivant sans jeter un seul regard sur un individu couché dans le couloir qui simulait pourtant être à demi-mort : la peur d’être en retard (la norme) prévalait sur la valeur (porter secours à son prochain).
L’abondance des normes empêche aujourd’hui la juste définition des valeurs, les normes dominent les valeurs. Les humains sont dorénavant emprisonnés dans une logique de territoires culturellement différenciés par des normes particulières alors que la valeur fondamentale du respect global du territoire qui nous fait vivre a complètement disparu dans les société modernes.
Il nous faut donc passer du MOI au SOI
Comme disait Gandhi quand on lui demandait : « Comment faites-vous toutes ces choses altruistes tout au long de l’année ? » Il répondait : « Je ne fais rien d’altruiste. J’essaie de progresser dans la réalisation de Soi. »
Joanna Macy : Le SOI est la construction métaphorique de l’identité et du potentiel d’action de l’être, le terreau hypothétique dans lequel nous plantons nos stratégies de survie. Une transformation s’opère : la notion classique du soi de la culture dominante qui nous a conditionnés est remise en question. Ce qu’Alan Watts a appelé « l’ego dans sa capsule de peau », et ce que Gregory Bateson a dénoncé comme « l’erreur épistémologique de la civilisation occidentale », perd sa dépouille. Apparaissent alors les fondations plus solides de l’identité et de l’intérêt personnel, ce que le philosophe Arne Naess appelle le Soi du monde (the ecological self, littéralement, le ‘soi écologique’), profondément relié avec les autres êtres et la vie de notre planète. C’est ce que je préfère appeler « reverdir l’être. »
Satish Kumar : Vous remarquerez que Descartes dit deux fois « je » dans son « je pense, donc je suis ». Il fonde tout seul sa vérité, tout ce qui vit autour de lui n’existe plus ! S’il avait réfléchi dans la nature, entouré d’arbres, d’animaux, caressé par le vent, il n’aurait pas conclu à une prise de conscience solitaire. En posant l’ego comme le moteur de l’être humain, votre Descartes a institué un dangereux dualisme, il a isolé l’homme de son environnement, il l’a proclamé indépendant.
Arne Naess propose une humanisation écologique par la pleine réalisation de soi, qui devient « Soi » en s’ouvrant à l’ensemble de l’écosphère, à tous les êtres humains et aux espèces animales. Dans cette capacité du soi à s’étendre en se liant aux autres, Arne Naess dit se situer sur une crête entre « sur la gauche l’océan des perceptions mystiques et organiques, sur la droite, l’abysse de l’individualisme atomiste. » C’est un véritable changement anthropologique dont il propose la mise en pratique, conduisant à apprécier la qualité de la vie plutôt qu’un haut niveau de vie. Cela jusqu’à dire que seul l’homme est capable de s’identifier par l’imagination à l’autre et même à l’animal.
Paul Shepard (1962) : Le soi est un centre d’organisation dont la peau et le comportement sont des zones souples qui nous mettent en contact avec le monde et ne nous en excluent pas. La pensée écologique implique une vision qui ne s’arrête pas aux frontières. L’épiderme de la peau ressemble, d’un point de vue écologique, à la surface d’un étang ou au terreau d’une forêt ; elle agit moins comme une coquille que comme une zone de délicate interpénétration. Le soi, dans la mesure où il fait partie du paysage et de l’écosystème, se révèle anobli et prolongé plutôt que menacé. Le monde est ton corps.
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L’écologie a besoin d’une spiritualité
Pour reverdir l’être, le SOI ouvert au monde
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