Yves Cochet dans son dernier livre « précisions sur la fin du monde » (Les liens qui libèrent, 2024)
l’inéluctable catastrophe
en exergue du livre :
« Si les tendances actuelles de croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources se poursuivent, les limites de la croissance sur cette planète seront atteintes au cours des cent prochaines année. Le résultat le plus probable sera un déclin plutôt soudain et incontrôlable de la population et de la capacité industrielle. » (The Limits to Growth, rapport au Club de Rome, Universe Books, 1972)
René Dumont, présidentiable écolo en 1974 : « Si nous maintenons le taux d’expansion actuelle de la population et de la production industrielle jusqu’au siècle prochain, ce dernier ne se terminera pas sans l’effondrement total de notre civilisation. Par l’épuisement des réserves minérales et pétrolières ; par la dégradation poussée des sols ; par la pollution devenue insoutenable de l’air et des eaux ; enfin par une altération des climats, due notamment à l’accumulation du gaz carbonique. » (éditions Jean-Jaques Pauvert, 1974)
Yves Cochet (Libération, 23 août 2017, repris par le livre) : « Bien que la prudence politique invite à rester dans le flou, et que la mode intellectuelle soit celle de l’incertitude quant à l’avenir, j’estime au contraire que les 33 prochaines années sont déjà écrites. La période 2020-2050 sera la plus bouleversante qu’aura jamais vécu l’humanité en si peu de temps. L’effondrement est certain vers 2030. Cette rupture est désormais imparable, le système-Terre se comportant comme un automate qu’aucune force humaine ne peut contrôler. L’étape suivante sera la plus pénible au vu de l’abaissement brusque de la population mondiale (épidémies, famines, guerres), de la déplétion des ressources énergétiques et alimentaires, de la perte des infrastructures et de la faillite des gouvernements. »
Yves Cochet en 2024 (page 55-56) : « Certes il n’y a pas de preuve irréfutable de la certitude de l’effondrement systémique planétaire. Il y a quand même une forte présomption par ce qu’on appelle la consilience, c’est-à-dire la certitude qui apparaît lorsque de nombreuses études et points de vue indépendants concourent tous dans le même sens. Cela me suffit pour être convaincus à 100 % de l’arrivée de la fin de notre monde. »
page 83 : « L’Effondrement est certain en 2030, à quelques années près. Jamais une personne politique ne devrait dater ses prédictions, puisque le risque de se tromper est grand. Comme l’écrivait l’humoriste Pierre Dac : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. » N’ayant plus aujourd’hui la retenue universitaire de la crainte de se fourvoyer, je la maintiens donc politiquement afin de tenter une fois encore de réveiller les consciences endormies. »
page 171 : on voit mal comment, dans un court laps de temps, les sociétés occidentales abandonneraient le marché global, la production-consommation de masse et la fétichisation de la marchandise.
Les limites démographiques
page 117 : « La question démographique se situe à l’intersection des questions culturelles et des questions naturelles, elle en rassemble les difficultés et les controverses. Dans la décroissance démographique que je soutiens, la droite décèle une campagne en faveur d’avortements massifs, de promotion de l’homosexualité et d’abandon du patriotisme. La gauche nous soupçonne d’attaquer les droits humains, de fuir le problème du financement des retraites, voire de prêcher l’eugénisme ou le racisme. D’une façon générale, la question est taboue ou considérée comme mal posée : l’information, la croissance et la technologie résoudront les éventuels problèmes démographiques. Quant aux organisations écologistes, associatives ou politiques, elles résolvent la question en ne se la posant pas, alors que l’écologie des populations est une discipline importante de l’écologie scientifique. »
page 118 : La question de la surpopulation sur un territoire ne se réduit pas au nombre des personnes mais à la multiplication de ce nombre par l’empreinte écologique moyenne de la population du territoire en question.
page 120 : Les listes des écogestes ne mentionnent jamais « avoir un enfant en moins », pourtant très efficace. Sont mis en avant les écogestes oiseux genre « fermer le robinet quand on se brosse les dents ». Une famille américaine qui choisit d’avoir un enfant en moins offre le même niveau de réduction d’émissions (de gaz à effet de serre) que 684 adolescents qui choisiraient d’adopter le « recyclage » pour le reste de leur vie.
page 121 : Les mouvements émancipateurs genre « libération des femmes » considèrent que le choix d’avoir ou de ne pas avoir un enfant est un choix personnel des femmes, au mieux des couples. Tandis que mon opinion est que c’est un choix collectif qui réclame une politique sans coercition bien différente du natalisme gouvernemental.
page 123 : Dans les textes du théologien Ellul, qui appelle à la tempérance, la sobriété et autres limitations, je n’ai lu aucun propos sur la démographie et la surpopulation. Il est difficile de nier, au vu des 2000 ans d’histoire du christianisme, que cette religion soit plutôt nataliste, et c’est peu dire.
L’ennemi principal
– le productivisme
page 89 : « L’ennemi principal n’est pas la forme institutionnelle de l’économie, libérale ou dictatoriale, c’est le productivisme qui se caractérise par 6 attributs essentiels : primat de l’économie, indifférence à la nature, accroissement incessant de la productivité, exploitation des travailleurs, volonté démiurgique de refabrication du monde, aspiration métaphysique à la toute puissance. »
page 110 : « Du point de vue écologique, il n’y a pas de différence entre un réacteur nucléaire privé appartenant à un capitaliste américain et un réacteur nucléaire appartenant à une coopérative ouvrière sans but lucratif. »
page 153 : Croire que le capitalisme est le principal responsable des désastres environnementaux est un aveuglement sur l’histoire matérielle et institutionnelle des « démocraties populaires » et dépolitise le conflit central entre les productivistes et les antiproductivistes.
– la grande taille
page 125 : Il est possible de dire qu’il y a une sorte de limite à la taille des groupements humains si l’on veut que ceux-ci conservent leur impératif de liberté et d’égalité sans tomber dans une société inégalitaire et hiérarchique. Plusieurs études scientifiques se disputent sur le nombre maximum au-delà duquel la confiance mutuelle et la communication amicale ne suffiraient plus à assurer la cohésion du groupe. Nous pouvons évaluer ce nombre à environ 500, sachant que les conditions écologiques d’habitat et l’héritage culturel du groupe peuvent faire varier cette taille.
page 126 : Bref la taille compte comme l’ont montré Ivan Illich ou Olivier Rey. Au-delà d’un certain seuil – souvent difficile à préciser -, toute organisation humaine tend à devenir contre-productive par rapport à ses objectifs initiaux.
page 157-158 : Plus un système est grand, moins il dépense d’énergie par unité de masse (les pertes thermiques dépendent de la surface d’échange avec l’extérieur). Mais ce raisonnement purement thermodynamique doit être contrebalancé par un raisonnement systémique en termes de complexité de gestion ; une ville deux fois plus grande révèle, par habitant, plus de délits, de crimes, de pollutions, d’embouteillages, de corruption… La taille pèse sur la ville, intrinsèquement.
page 160 : dans les grands ensembles politiques, vous existez moins que dans les petits.
agir face à la catastrophe
page 22-23 : La catastrophe est certaine, sans échappatoire ; nous n’éviterons pas l’effondrement systémique mondial ; la fin du monde est inéluctable. A quoi bon, dès lors, à continuer une activité de militant effondriste comme je le fais si cela ne produit aucun résultat ? Un impératif moral me pousse pourtant à croire qu’ainsi je pourrais, éventuellement, minimiser le nombre de morts dus à l’effondrement en incitant quelques personnes à résister au modèle dominant en devenant décroissants et permaculteurs.
page 67 : Un crash program politique rigoureux permettrait d’éviter l’effondrement, mais il y conduirait tout de même par son inacceptabilité sociale ! Pour notre regard d’écologiste, l’anthropocentrisme est patent : dans ce mélange enchevêtré d’utilitarisme (je défends avant tout mes intérêts) et de soif de reconnaissance (aimez-moi, respectez-moi), la nature ne prend aucune part. Observons qu’aujourd’hui (2024) seule la Gambie respecte l’Accord de Paris (de limiter les émissions de gaz à effet de serre) signé en 2015 par 191 pays.
page 131 : La « biorégion » se donne les moyens de pouvoir survivre assez longtemps en autarcie, tout en entretenant des échanges avec l’extérieur. Elle est nécessairement territoriale pour des raisons écologiques de réduction des nuisance liées aux échanges mondiaux, et elle est autonome au sens biophysique de restreindre son empreinte écologique nette à la surface de son territoire : « produire ce que l’on consomme ».
page 137 : une orientation sociale atténuerait les effet destructeurs de l’envie et de la jalousie. Une politique de quotas individuels des ressources de base sera mse en place au moyen d’une carte carbone. Chaque habitant recevra un quota annuel de droits d’émissions de CO2, qui encadre tout consommation d’énergie et d’alimentation.
Page 145 : Le XXIe siècle sera écologique ou ne sera pas. En paraphrasant Karl Marx, on peut soutenir que l’écologique est déterminant en dernière instance. Ce sera une constellation cérébrale autour d’une liste de mots tels que : rationnement, exode urbain, institutions biorégionales, descente énergétique rapide, savoir-faire low tech, permaculture par tous, plafonnement des revenus excessifs, sortie du nucléaire, abandon de la mobilité thermique ou électrique… bref dans un premier temps, la décroissance des 20 % le plus riches de la planète. Où sont les forces intellectuelles et sociopolitiques qui appuieraient une telle perspective ?
Page 172 : il me paraît donc que le travail sur une alternative politique décroissante doit continuer.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere, lire :
La convivialité d’Ivan Illich (1973)
The Collapse of Complexe Societies de Joseph Tainter (1988)
Une question de taille d’Olivier Rey (2014)