Concilier infrastructures humaines /naturelle
Le pouvoir n’est ni dans la rue, ni dans les assemblées politiques, ni dans la libre entreprise, le pouvoir est celui de l’état des infrastructures à un moment donné. Tout mouvement de transition écologique qui s’appuie sur de larges infrastructures pour exister et se développer, et dont la finalité est seulement d’obtenir une régulation différente des flux, est voué à échouer dans ses objectifs d’évitement de « la catastrophe ». L’objectif premier à atteindre, c’est l’auto-dislocation par « désinfrastructuration ».
Xavier Coeytaux et les infrastructures humaines : L’intuition que les désastres environnementaux sont avant tout provoqués par un certain type d’organisation socio-technique me paraît assez juste s’il s’avère qu’elle s’intéresse aux infrastructures sur lesquelles elle repose. La recherche de croissance est une fatalité liée à l’interconnexion matérielle par des infrastructures, et les lois de la physique s’y appliquent implacablement. Ce mode d’organisation sociale étant instable par construction, sa dynamique interne se résume à devoir perpétuellement infrastructurer le monde sous peine de dislocation. Par conséquent, il n’existe pas de solution politique ou technique permettant de ralentir, stopper ou inverser la tendance actuelle de recherche de croissance, tant qu’il n’existe aucun champ de discussion ouvert sur la place des infrastructures. Ne regarder que les flux (trop d’émissions de CO2, trop de consommation d’énergie, d’eau et de sol, de viande, de mobilité mécanisée, etc.) sans s’intéresser au processus d’infrastructuration pousse à rechercher des solutions qui ne peuvent que faire perdurer, voire accélérer les processus désagréables en cours. Une recherche mature de solutions aux désastres en cours (climat, biodiversité, sol, eau, consumérisme, inégalités, pauvreté, etc.) devrait avant tout s’atteler à imaginer un chemin permettant une diminution de l’aliénation des individus aux infrastructures. Même les différentes prises de position en faveur d’une décroissance sont relativement ambiguës, car il s’agirait le plus souvent de faire décroître les flux sans toucher aux infrastructures. Ainsi décroître par exemple en ne prenant plus l’avion, en consommant moins d’eau ou d’énergie, ne peut pas se décorréler de l’empilement d’infrastructures dans lequel une telle décroissance prendrait place. Parce que l’infrastructuration possède une dynamique propre (et insoutenable dans un monde fini), à l’inverse la décroissance ne peut pas décider de s’arrêter à tel ou tel niveau de flux.
Bertrand de Jouvenel et l’infrastructure naturelle : « Nous faisons preuve de myopie lorsque nous négligeons de nous intéresser à l’entretien et à l’amélioration de notre infrastructure fondamentale : la Nature. Une autre manière de penser, c’est de transformer l’économie politique en écologie politique ; je veux dire que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature. Parce que la Comptabilité Nationale est fondée sur les transactions financières, elle compte pour rien la Nature à laquelle nous ne devons rien en fait de payement financier, mais à laquelle nous devons tout en fait de moyens d’existence. Le terme d’infrastructure est à présent populaire, il est bon d’avoir donné conscience que nos opérations dépendent d’une infrastructure de moyens de communication, transport, et distribution d’énergie. Mais cette infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à l’infrastructure par nous trouvée, celle des ressources et circuits de la Nature. » (1968, Arcadie, essai sur le mieux vivre )
Une seule solution pour concilier infrastructures humaines et infrastructure naturelle, ne garder de nos fabrications que celles qui nous permettent de vivre durablement avec l’écosystème environnant. Cela veut dire démanteler tout ce qui est goudronné, donc quitter la ville et vivre sans véhicule individuel, ne jamais partir en avion, travailler localement et à proximité de son domicile, aller faire ses courses à pied ou en vélo au petit commerce de son village. Cela veut dire aussi démanteler le réseau électrique pour se suffire du moulin à vent (ou à eau ) local. Le retour à la bougie n’empêchera pas d‘être heureux, l’ambiance pouvait être très conviviale à la campagne au milieu des années 1950 en France…
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
9 septembre 2014, Infrastructure matérielle au sens marxiste… et écolo
11 juin 2019, Un empêcheur d’infrastructures inutiles radié
27 février 2021, Détechniciser le surdéveloppement technique
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