Surpopulation et merde noire au Venezuela
Si on tape sur Google – Venezuela « surpopulation » -, on tombe sur des liens ayant trait à la surpopulation carcérale. La criminalité atteint en effet des records. Les homicides atteignent la proportion de 6 pour 10 000 habitants. Dans les centres de détention préventive, la surpopulation peut atteindre 500 %. On utilise les commissariats comme lieux de détention de longue durée. Mais un tel état de fait s’explique autant par la situation socio-économique du pays que par une population en surnombre. Si une population n’est pas adaptée aux ressources durables et renouvelables de son territoire, elle rencontre des difficultés de plus en plus grandes.
La république bolivarienne du Venezuela repose ces dernières années sur un imaginaire extractiviste. Ce pays est indissociablement lié à l’exploitation minière. Neuvième producteur de brut mondial et cinquième exportateur, le Venezuela vit de la rente pétrolière. Corruptions et violences autour du pétrole n’ont pas fini de s’y donner la main… Au pouvoir depuis 1999, Hugo Chavez avait mis PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) au service de la « révolution bolivarienne ». Hugo Chavez a été réélu en 2013 à la tête du Venezuela avec 54 % des voix, il est décédé à ce moment des suites d’un cancer. Son adversaire électoral, Henrique Capriles, n’avait pour but que de « faire de PDVSA une entreprise efficace et bien gérée ». Comme Chavez, le candidat de l’opposition voulait doubler la production de brut d’ici à 2019. Comme Chavez, Capriles promettait de « Semer le pétrole » et industrialiser ainsi le pays. L’or noir fournit 95 % des recettes à l’exportation et la moitié du budget de l’Etat. L’entreprise publique finance directement les programmes sociaux.
Paradoxalement l’exploitation du pétrole au Venezuela n’est pas néfaste parce qu’exproprié par les puissances d’argent, mais parce que ses recettes ont été dilapidées pour la santé, l’alimentation, le logement, distribuées en prébendes pour le peuple et capitalisées dans les poches de quelques-uns… Combien de temps faut-il pour réduire à la misère un des pays les plus riches ? Moins de vingt ans pour le Venezuela. Avec un baril à moins de 30 dollars au début de l’année 2016, c’est toute l’économie qui s’est effondrée. Les ressources du sous-sol sont devenues de véritables malédictions, dégâts écologiques, émissions de gaz à effet de serre, déstructuration des populations, etc. En réalité il faudrait surnommer le pétrole « la merde du diable ». Les immenses mines d’argent de Potosi, pillées à partir du XVIe siècle, avaient servi de berceau au capitalisme en Europe. Quelques mouvements socio-écologiques boliviens s’en souviennent, ils manifestent aujourd’hui : « Laissez le pétrole sous le sol et le charbon dans les mines. » Mais le mal est déjà fait, croissance extractiviste et croissance démographique ne font pas bon ménage.
Entre 1960 et 2022, le nombre d’habitants au Venezuela est passé de 8,14 millions à 28,30 millions, soit une augmentation de 247,6%, une multiplication par 3,5. Le Venezuela a connu la plus forte augmentation en 1961 avec 3,65 %, soit un doublement en moins de 20 ans. En 2023, population du Venezuela augmentera encore de 417 000 personnes et à la fin de l’année elle dépassera les 30 millions de personnes. Il faudrait ajouter les « déplacés », en 2018 c’est 2,3 millions de personnes qui avaient fui le Venezuela, principalement vers la Colombie.
Certes le taux de fécondité n’est que de 2,23 enfants par femme (2020) et la densité de seulement 31 hab./km2. Mais 88 % des habitants vivent dans les grandes villes du pays, d’où une dépendance très forte au niveau alimentaire. Cette tendance croissante à l’urbanisation augmente de 0,4% par an. Qui dit ville dit dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Pas d’autonomie alimentaire en particulier. Il n’y a plus de riz». La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre. Coca-Cola avait même du cesser sa production faute de sucre. La situation alimentaire est critique dans tout le pays. Les supermarchés manquent de tous les produits de base. Les files d’attente se forment vers deux heures du matin dans la capitale. Trente millions de Vénézuéliens vivent un cauchemar, plus de 90 % disent que leur principal préoccupation est de trouver de la nourriture. Pillages et émeutes sont quotidiens. L’arme à la bretelle, des unités de parachutistes doivent défendre les commerces. Mais parfois les forces de l’ordre participent au pillage. Les pannes d’électricité et les coupures de courant sont quotidiennes. Le président socialiste actuel vient de décréter que tous les vendredis seront fériés pour faire des économies d’électricité. Les médicaments commencent à manquer. L’inflation est galopante, elle pouvait dépasser 700 % en 2016, soit des prix multipliés par 8. Nous sommes à 686,4% en 2021, et encore à 234% en 2022. Insupportable. Le soulèvement populaire contre la hausse brutale du prix de l’essence et des transports avait été réprimé dans le sang, plus de 3000 victimes. Les escadrons de la mort agissent en toute impunité. Au micro-trottoir, la phrase la plus souvent recueillie est un cri de désespoir : «La situation va exploser !» La logique du chacun pour soi s’est imposée au détriment de l’action collective. Le gouvernement ne produit plus aucun chiffre sur l’ampleur des manifestations depuis cinq ans. Au bord de la cessation de paiement, la banque centrale liquide les réserves d’or. En deux ans, les stocks de lingots ont diminué de 40 %. Faute de devises, le pays a dû couper dans ses importations, appauvrissant encore plus l’ensemble de la population.
Le président depuis la mort de Chavez, Nicolas Maduro, promet à ses concitoyens de « reconquérir » l’Essequibo. Dimanche 3 décembre, les électeurs vénézuéliens ont été appelés à se prononcer par référendum sur l’avenir d’une région dans un autre pays. Le Guyana compte moins d’un million d’habitants et l’Essequibo représente plus des deux tiers de son territoire pour quelque 125 000 personnes.. L’Essequibo est un désert vert au sous-sol chargé de gaz et de pétrole, d’or, de diamants, de cuivre, de bauxite, de fer et d’aluminium.… Personne n’a fait campagne pour le « non » au Venezuela. Le référendum a donné 95 % de « Oui » à une tentative de prendre une partie de son territoire à un pays limitrophe. Persister dans ses erreurs est la constante du gouvernement vénézuélien.
Hugo Chavez, Nicolas Maduro et les Vénézuéliens auraient du s’inspirer de l’histoire de Nauru, une île dévastée alors qu’elle avait d’immenses ressources en phosphate. A partir de l’indépendance en 1968, l’argent du phosphate se mit à couler à flot dans le micro-État. Une entrée d’argent massive joue un rôle incroyablement déstabilisateur : un peu comme ces gagnants du loto qui finissent par perdre la tête. Les Nauruans cessèrent de travailler et se comportèrent en rentiers. Un bref instant historique, Naurutopia a pu se définir comme une sorte de socialisme parfait où chaque citoyen récolte les fruits du sous-sol. Mais évidemment, les choses se gâtent avec les premiers signes d’épuisement des mines de phosphate au début des années 1990 ; l’économie de Nauru s’est alors tout simplement effondrée.
Le sort de Nauru préfigure non seulement le présent du Venezuela, mais celui de toute la civilisation thermo-industrielle, bâtie sur l’exploitation des ressources en hydrocarbures du sous-sol. Et c’est à ce moment-là seulement qu’on prendra conscience qu’il y avait surpopulation !
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