Le ver vert est dans la tombe
La séquence du passage après la mort commence de manière interne. Les enzymes du système digestif commençant par manger les tissus, ce qui engendre la putréfaction, puis le corps entame sa décomposition. Les insectes vont y avoir accès, leurs œufs donnent naissance à des larves qui mangeront la matière et après quelques semaines passées dans un bois, il ne reste plus que les os et les dents. Tout corps humain est un écosystème recyclable et ce passage d’un état organisé à un autre n’est qu’un évènement naturel que les humains transforment pourtant en croyances sociales et en rites marchandisés.
Selon Ivan Illich, un monopole radical s’établit quand les humains abandonnent leur capacité de faire ce qu’ils peuvent par eux-mêmes en faisant confiance à des spécialistes économiquement organisés qui leur deviennent étranger. Ainsi la sépulture donnée par la famille à son défunt peut être réalisée dans le cadre familial, mais la loi rend souvent obligatoire le recours aux bons offices des croque-morts. Le patron des pompes funèbres prend alors le contrôle du cadavre, il obtient un monopole radical de l’enterrement de même que le médecin prend celui du mourant dans ses centres de soins palliatifs. Le monopole radical reflète l’industrialisation des valeurs, il substitue l’objet ou le service standardisé à la réponse personnelle, il installe les gens dans la dépendance. Reste qu’on peut parfois choisir une mort écolo.
Fabien Trécourt : Enterrement ou combustion des corps, processions et cérémonies en tout genre… Les cérémonies funéraires prennent davantage en compte l’écologie. D’après une étude publiée en 2017, une inhumation émet autant de CO2 qu’un trajet de 4 023 kilomètres en voiture, et une crémation 1 124 kilomètres. Du côté de la crémation, des boutiques funéraires proposent des urnes biodégradables – en sel, en sable et en terre, pour une dispersion en pleine mer par exemple.Au Canada et en Australie, il est donc possible de recourir à des méthodes moins énergivores, comme l’aquamation : le corps du défunt est plongé dans une eau chaude, acide et sous pression, dissolvant les chairs en quelques heures. Les os, ramollis et friables, sont récupérés et réduits en poussière. La promession consiste à congeler le corps pour le rendre friable et le réduire en une poudre potentiellement fertile. Dans un même esprit, l’humusation, ou humification, transforme le corps du défunt en humus – autrement dit en engrais. Seuls quelques Etats américains (Washington, New York, Californie…) ont légalisé cette méthode à ce jour. La crise écologique encourage notamment l’usage de cercueils en carton, en osier, et de capitons biodégradables, en lin, en coton ou en chanvre par exemple. Ça bouscule la tradition du bois et la symbolique du faste.
Depuis 2019 en région bruxelloise (Belgique), il est même possible d’être enterré dans un simple linceul. Le geste écolo fait écho à la locution biblique « tu es poussière et tu redeviendras poussière ». En termes modernes, le corps humain se recycle.
Le point de vue des écologistes nécrophages
En France la loi de 1887 institue la liberté de choix des funérailles, enterrement civil ou religieux, inhumation ou crémation. Mais depuis 1948 au Japon, la crémation est obligatoire en zone urbaine pour ne pas laisser l’espace de plus en plus rare envahi par les cimetières. De son côté le pouvoir chinois s’emploie à empêcher les sépultures en pleine terre dans les campagnes : dans un pays habité par le cinquième de la population mondiale, mais où 7 % seulement des terres sont arables, l’éparpillement des tombes pose en effet un problème d’occupation des sols.
Si on a même proposé des cercueils en papier pour épargner les terres boisées, on peut aller encore plus loin dans le sens du recyclage programmé par la Nature : à Paris, la commune fournit une sépulture gratuite pour cinq ans aux personnes décédées sans ressources ni famille. Pour ce faire, des caissons en béton étanche sont équipés d’un système d’introduction de l’air afin que les espèces qui aident au recyclage de l’organisme puisse accéder au festin, que l’oxygène accélère le dessèchement du corps et qu’il y ait une évacuation des gaz de décomposition. Il n’y a aucune pollution et le caveau peut être récupéré à l’infini. A chacun sa manière d’entretenir à sa manière le souvenir des morts, mais la gestion de votre cadavre doit participer au recyclage global. (écrit en 2005)
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Les rites funéraires deviennent écolos (2023)
extraits : Pratiqués depuis près de 350 000 ans, les rites funéraires sont un élément des sociétés humaines. Pour autant, la relation au corps sans vie varie en fonction des cultures ; aujourd’hui la préoccupation écologique devient prégnante. Par exemple l’Oregon a légalisé le compost humain, une option post-morte qui gagne en popularité aux États-Unis… En France, le cercueil est obligatoire ; le linceul serait pourtant le plus écolo. Le carton n’est utilisé que pour le crématorium. On ne peut être enterré que sur son lieu de résidence, son lieu de décès ou dans une concession déjà payée ou abritant l’un de ses parents décédés.
La vie après la mort… sous forme de compost (2023)
extraits : Le compostage des défunts, body composting ou technique de réduction naturelle du corps, se développe aux États-Unis. Les caissons – en acier inoxydable – sont recouverts d’un linceul blanc. Le corps est transformé en humus grâce à des accélérateurs naturels de décomposition : copeaux de bois, foin et luzerne. Avant fermeture du cylindre, une « tisane microbienne », composée de 25 souches de bactéries et de 15 spores de champignons, est ajoutée au mélange. Les corps réapparaîtront dans trois ou quatre mois sous la forme d’un terreau noir et fertile, qui sera remis à la famille. Le processus a été légalisé par l’Etat de Washington le 21 mai 2019, une première mondiale.
Inhumation, incinération ou humusation ? (2020)
extraits : L’humusation consiste à reproduire avec le corps humains ce qui se passe dans la nature où les matières naturelles sont transformées en humus grâce à la microfaune du sol. Il suffit d’ensevelir le défunt vêtu d’un simple linceul biodégradable directement sur le sol au milieu d’une butte de trois mètres cubes de terreau végétal gorgé d’eau. Le tout devient en douze mois 1,5 mètres cubes d’humus environ. Ce compost humain pourra fertiliser les arbres et régénérer les sols pauvres.e qui n’est absolument pas le cas pour enterrement et l’incération qui s’avèrent extrêmement polluants et privent à jamais les couches superficielles des sols des restes de ce qu’elles ont créé !
écolo pour l’éternité… au cimetière (2019)
extraits : Dès septembre 2019 à Paris, un premier espace funéraire écologique sera créé dans le cimetière d’Ivry. Objectif officiel : mettre en place « un lieu de recueillement et d’inhumation respectueux de l’environnement », afin de répondre aux demandes de plus en plus nombreuses de « funérailles écologiques ». Sur 1 560 mètres carrés, on n’accueillera que des cercueils en carton, ou en bois local et les inhumations « auront lieu en pleine terre ». Pas de monument en surface, surtout pas de caveau en béton…
Tout écologique, même au moment de notre enterrement (2014)
extraits : L’écologie commence à imprégner notre existence entière, y compris notre mort. Selon l’IFOP un tiers des Français souhaite « plus de produits funéraires écologiques ». LE MONDE* fait un article sur l’empreinte écologique de nos obsèques. On apprend que la crémation génère 160 kg de CO2 contre 39 kg pour une inhumation. Nous fantasmons sur le cercueil en pure laine vierge, le corbillard à pédales et le cimetière forestier. Nous apprenons même de nouveaux mots : l’aquamation qui consiste à plonger la dépouille mortelle dans une eau alcaline pour dissoudre les tissus et ne conserver que les os a posteriori mis en poussière et la promession, où on plonge le corps du défunt dans l’azote liquide pour le rendre friable…
Mon testament écolo (2011)
extraits : Je soussigné désire un enterrement sans aucune cérémonie religieuse, sans fleurs ni couronnes ni aucune marque matérielle de condoléances. Je veux être enterré de façon à minimiser mon empreinte écologique au maximum. Pas de crémation qui utilise une énergie extracorporelle devenue trop rare. Pas de cercueil qui mobilise des ressources naturelles. Pas de vêtements car nu je suis né, nu je veux mourir. Mon idéal est de participer sans rechigner au grand recyclage que la nature nous propose gratuitement. Pour faciliter la chose, Paris nous offre paraît-il un modèle que je recommande : la commune fournit aux personnes décédées (sans ressources ni famille) des caissons en béton étanche équipés d’un système d’introduction de l’air afin que les espèces qui aident au recyclage de l’organisme puissent accéder au festin. L’oxygène accélère le dessèchement du corps et l’évacuation des gaz de décomposition est assurée. Il n’y a aucune pollution et le caveau peut être récupéré à l’infini : tous les cinq ans, il est à nouveau disponible. Nous ne nous appuyons pas assez sur les compétences de la biosphère qui possède depuis des temps immémoriaux un sens pratique très développé en ce qui concerne l’équilibre dynamique et le recyclage performant.
fête des morts ; où les enterrer ? (2011)
extraits : Aux USA, vogue des green burials (enterrements verts). L’augmentation fulgurante du chômage a généré le retour à une pratique ancienne : l’enterrement dans le jardin ou, au minimum, le traitement familial intégral des gestes et cérémonies consécutives à un décès. Dans le jardin ? Oui, aux Etats-Unis, c’est permis la plupart du temps en zone rurale ou semi-rurale. En France il est aussi possible de se faire enterrer dans une propriété privée, à condition qu’elle se trouve en dehors d’une zone urbaine et à plus de 35 mètres des autres habitations. Il faut au préalable une enquête hydrogéologique ainsi que l’autorisation du préfet de département…
sépulture propre et verte (2008)
extraits : En France la loi de 1887 instituait la liberté de choix des funérailles, enterrement civil ou religieux, inhumation ou crémation. Depuis 1948 au Japon, la crémation est obligatoire en zone urbaine pour ne pas laisser l’espace de plus en plus rare envahi par les cimetières. De son côté le pouvoir chinois s’emploie à empêcher les sépultures en pleine terre dans les campagnes : dans un pays habité par le cinquième de la population mondiale, mais où 7 % seulement des terres sont arables, l’éparpillement des tombes pose en effet un problème d’occupation des sols…
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